Plus que quelques semaines avant la sortie de Fates and Furies. Au fond de lui, Micah était animé d'un mélange d'excitation et d'appréhension. Enfin, il allait pouvoir partager ce film dont il avait reçu le script deux ans plus tôt. Un film pour lequel il avait bataillé, parfois avec une loyauté discutable, et dont ils avaient bouclé le tournage des dernières scènes à peine trois mois auparavant. On ne lui avait pas menti, en lui affirmant que le réalisateur était un perfectionniste. Un euphémisme pour dire qu'il était exigeant, limite tyrannique sur les plateaux. Micah comprenait, et respectait l'ambition de certains cinéastes – avec qui il aimait collaborer – de réaliser des œuvres d'art plutôt que de vulgaires divertissements. C'était ce qu'il avait ressenti avec ce film. L'œuvre monumentale, dans laquelle il s'était investi corps et âme, avait fait grimper ses attentes si haut que la chute, en cas d'échec, serait brutale. Ce sentiment de fierté fébrile l'avait quitté depuis que son père avait cessé de participer à ses choix de carrière. C'était donc avec un plaisir amer qu'il le laissait l'envahir à nouveau, alors que démarrait l'étape de promotion. S'il s'y pliait avec plus ou moins d'enthousiasme selon les projets, pour celui-ci, Micah se sentait aussi investi qu'il était confiant. Le Morning Show avait eu l'exclusivité d'un premier entretien sur le film, ainsi que de la diffusion de la bande annonce. Une plateforme qui ne se refusait pas, même si cela impliquait de se lever aux aurores.

A 7h, Paul lui annonça que son chauffeur l'attendait dans la cour. En dépit de ses maigres protestations, la production avait insisté pour lui envoyer une voiture. Le concernant, Micah n'avait pas résisté bien longtemps, car s'il pouvait se débrouiller par ses propres moyens, ce n'était clairement pas une bataille qu'il avait envie, ni même besoin de mener. Son passage n'était pas prévu avant 10h, mais il était dans une telle spirale ces derniers temps qu'il n'avait pas pu faire d'essayages. A son arrivée, on le mena donc directement au showroom, une pièce immaculée et lumineuse, où étaient exposées des pièces de créateurs. Au-dessus d'une cheminée condamnée se dressait un miroir ancien, et plantée en plein milieu, une table en bois ornée de chaises luisait sous les projecteurs. Au fond de la pièce s'élevait un paravent derrière lequel quelqu'un semblait s'affairer. Micah y prêta bien moins d'attention qu'aux portants sur lesquels il faisait défiler vestes et pantalons. Il jeta son dévolu sur une surchemise en daim, qui s'accommoderait bien de quelques basiques et de bottines en cuir. Alors qu'il reculait pour juxtaposer les pièces, la personne cachée derrière le paravent se dévoila. Un sourire carnassier succéda à la surprise de croiser Midas. Celui que la presse, certainement à raison, avait érigé comme un concurrent, n'avait pas plus été invité par hasard que le créneau qu'on lui avait proposé. En se payant le luxe de les réunir Micah et lui, la matinale avait fait preuve d'une audacieuse fourberie.

Bon prince, Micah ne s'était pas réduit à l'ignorer. Après tout, il n'avait jamais eu l'avis du principal intéressé sur la relation qu'ils étaient censés entretenir tous les deux. Du point de vue de Micah, il n'était rien de plus qu'un soupirant de Jo qui ne voyait pas d'un très bon œil leur amitié ambivalente. Midas avait raison d'être jaloux, n'importe quelle personne normalement constituée le serait à la lecture de leurs échanges décompléxés sur les réseaux. En revanche, il n'était pas disposé à se brider par esprit de camaraderie si Jo ne voyait pas non plus le mal dans leur badinage en public. « Midas, c'est incroyable qu'on se soit jamais croisés plus tôt. » s'exclama-t-il avec une pointe de sarcasme. On aurait pu croire qu'il s'appliquait d'ailleurs à l'éviter. « Félicitations pour ton album, il paraît que tu bats tous les records. » le complimenta-t-il en reposant ses articles par-dessus le portant. « Tu es ici pour une interview ? »

sucker punch
Midas Sterling & @Micah Tomlinson ☆ credit/rachelsqreen

J’ai beau être un artiste accompli, lorsqu’il est question de mon planning de promotion, je ne suis qu’un enfant obéissant aux ordres experts de Cassandra. C’est elle qui choisit les émissions dans lesquelles j’apparaît, les interviews que j’accorde et les shooting photo organisés pour moi. Généralement, la demoiselle dirige tout ça avec une main de fer. Elle a le nez creux pour ce genre de choses qui, moi, m’ennuient profondément. Elle connaît les émissions qui comptent, les plus susceptibles d’attirer de nouveaux auditeurs à mon album, et sait qui sont les journalistes les plus intelligents et respectueux, ceux qui poseront des questions sur ma musique et mes projets plutôt que sur la gifle que j’ai reçue en début d’année ou mes relations privées. Alors généralement, je ne pose pas de question. En chemin pour le Morning Show, je m’interroge toutefois sur ce que cela signifie, et si après avoir séduit les midinettes, on cherche à présent à me faire toucher la ménagère de quarante ans. Ma vision des choses est peut-être réductrice, mais ce sont ma mère et ma tante que j’ai souvent connues regardant ce type d’émission, pas ceux qui viennent à mes concerts. Toutefois, je reste modeste, arrangeant, l’inverse même d’une diva. Je passe par la case maquillage, mais ma tenue est le choix de mon styliste. Autrement dit, une fois dans le dressing de l’émission, je me retrouve à me tourner les pouces en attendant le début du direct. Je ne suis pas nerveux. J’ai l’habitude de ce genre d’exercice, et j’adore parler de mon nouvel album, tout comme j’adore en interpréter les chansons. J’ai ma guitare sur moi d’ailleurs, elle n’est jamais bien loin puisque je suppose que, ce matin encore, on me demandera l’exclusivité d’une version acoustique d’une ou deux minutes. Je suis serein. Prêt à répondre à la moindre question et à toute éventualité. Du moins, c’est ce que je croyais avant de voir entrer le second invité de la matinée.

Je peine à croire que Cassie m’ait piégé. Etant donné que notre relation reste fragilisée par les décisions qu’elle a prises en début d’année, je doute qu’elle s’y serait risquée et elle ignorait certainement l’identité de l’invité. Certainement le lui a-t-on caché pour être certain que j’accepterai l’interview. Toutefois, je suis en colère contre la demoiselle qui, à mon sens, aurait dû assez creuser pour voir venir le coup fourré. Micah Tomlinson, dans toute son arrogance qui empeste même à cette distance. Le sourire suffisant qui se dessine sur ses lèvres me fait regretter d’avoir des scrupules – si j’en étais dénué, j’aurais pu le planter là et quitter le studio d’enregistrement. Ce type sent les emmerdes à plein nez, le genre d’homme que j’aurais détesté voir tourner autour de ma petite sœur, le genre qui ne me semble rien avoir à apporter à qui que ce soit. Suffisant, superficiel, qui cultive son apparence physique comme ce qu’elle est : le seul atout qu’il a à apporter à la table, et qui a tant conscience d’être beau que ça l’en rend laid, à mon sens en tout cas. Je ne suis pas une jeune femme, alors son prétendu charme me laisse en tout cas bien insensible et j’ai la certitude de le voir tel qu’il est, sans que ma possessivité ne m’influence le moins du monde, bien entendu. « Midas, c'est incroyable qu'on se soit jamais croisés plus tôt. » Inspirer, expirer par le nez. Un heureux hasard, si on me demande mon avis, et déjà le sarcasme que je sens dans sa voix me confirme tous mes à priori. Je condamne mon interlocuteur sans même avoir échangé plus d’une phrase avec lui parce que je n’ai, à mon sens, pas besoin de ça pour voir exactement le genre d’homme dont il s’agit. « Félicitations pour ton album, il paraît que tu bats tous les records. » Les bras croisés sous ma poitrine, je jette un coup d’œil autour de moi en espérant être sauvé par un membre de l’équipe de tournage mais non ; pour l’instant, nous sommes seuls. « Ouais, il paraît, je suis pas très chiffres de mon côté, mais il parait. » Je sais qu’il se vend bien, je suis aussi un poil trop modeste puisque je ne suis pas non plus sans savoir que Yours est d’ores et déjà présenté comme le meilleur album de ma carrière ou, en tout cas, celui qui fait le meilleur démarrage jusque-là. « J’ai pas la moindre idée de ton actualité de mon côté, tu m’excuseras. » Ce n’est même pas un mensonge : sa carrière m’intéresse moins que ses échanges déplacés avec ma petite-amie. « Mais si t’es là, je suppose que ça marche pour toi. » Ajouter toutes mes félicitations me brûlerait la gorge, alors je m’abstiens. « Tu es ici pour une interview ? » - « Pour quoi d’autre ? » Je tente d’accrocher sur mes lèvres un sourire de gentil garçon, ce que je suis au demeurant, de mon côté. « Y’a quelqu’un de la production dans le coin ? Je voudrais mettre le programme au clair. » Et leur expliquer qu’il est hors de question qu’un certain genre de questions soient abordées. Je n’aime pas la tournure que les choses semblent être en train de prendre.

Il ne suffisait pas plus d'un coup d'oeil pour se rendre compte que Midas était fidèle à l'image qu'on se faisait de lui. Micah avait compris de ses échanges avec Jo, même si elle lui épargnait toujours soigneusement ce sujet, qu'elle appréciait chez lui la simplicité et la modestie qui transparaissaient dans son allure, ou dans les expressions faussement complaisantes qu'il jetait par-dessus son épaule, comme si son accessibilité le hissait paradoxalement au-dessus des autres artistes. Les deux hommes ne pouvaient pas être plus aux antipodes, puisque Micah assumait son arrogance, et le talent que lui reconnaissaient certaines critiques, quand Midas feignait l'indifférence. Et si le contraste pouvait sembler insignifiant sur le papier, il était indiscutable lorsque leurs personnalités se confrontaient l'une à l'autre. Micah se demandait ce que Jo pouvait bien lui trouver, lorsqu'il se permettait de cracher dans la soupe, comme si son succès n'était finalement que pure justice, alors qu'il l'avait vue trimer pour arriver jusque là. Peut-être que Midas avait galéré lui aussi, mais ce n'était pas l'impression qu'il donnait en prétendant se foutre des chiffres. Dans quel monde vivait-il ? Les maisons de disque, elles, ne se foutaient pas des chiffres, et lui faire croire le contraire était soit naïf, soit franchement présomptueux. « C'est marrant ça, de pas regarder les chiffres quand on vient d'un télécrochet où la victoire dépend littéralement du nombre de votes. » avait-il rétorqué mine de rien, au cas où Midas avait oublié d'où il venait, et ce qu'il devait à son public. A défaut de s'intéresser à la valeur commerciale de sa musique, n'était-il pas curieux de connaître le nombre de personnes qu'il avait pu toucher, ou qui l'estimaient assez pour lui permettre d'en vivre ? « Toi tu fais tout ça juste pour la musique, j'imagine. » renchérit-il, sans se départir du sarcasme qui rythmait leurs discours respectifs. Micah avait voulu paraître sympathique, à briser la glace à renfort de compliments, alors que s'il devait être honnête, il n'avait écouté que le duo que Midas avait enregistré avec Jo. Mais la confession de Midas, loin de l'atteindre dans son égo, avait au moins le mérite de mettre ses intentions au clair. « Bien-sûr, t'as jamais jeté un œil à mon profil Instagram. » avait-il riposté en opinant du chef. C'était tout à fait par hasard que Jo avait bloqué son compte plusieurs semaines, ou qu'elle lui réservait désormais ses vannes en privé. « Mais si ça t'intéresse, mon prochain film sort dans quelques semaines. Je joue un personnage tout à fait insupportable et égocentrique, complètement à contre-emploi. » Une plaisanterie qui saluait au moins ses capacités d'auto-dérision, contrairement à Midas, qui se prenait bien trop au sérieux derrière sa guitare. Le personnage de Lotto lui ressemblait à bien des égards. On le présentait au début comme un jeune homme grand, charmant et talentueux, conscient de l'être, et destiné à de grandes choses. Mais se limiter à cette description, très vite balayée par les événements et les vicissitudes de la vie, serait aussi réducteur que de croire qu'au-delà des apparences, Micah n'était pas quelqu'un de sensible et profondément seul. Passif-agressif, Midas répondit à sa question comme si la raison de sa présence était une évidence. « Tu pourrais juste être un guest musical ou faire des extras à la régie pour le fun, pour ce que j'en sais. » avait-il objecté en roulant des yeux. Que faisait-il même ici, alors qu'il se foutait des chiffres ? N'avait-il pas mieux à faire que de se mettre en vitrine comme un vulgaire produit marketing ? Micah ne se ferait pas berner par son petit sourire courtois, qui était tout aussi impertinent que celui avec lequel il l'avait lui-même accueilli. « Tu m'as l'air un peu sur la défensive, t'es pas de bonne humeur le matin c'est ça ? Ou t'as passé une mauvaise nuit ? » Il en déduirait les raisons lui-même, ça ne l'intéressait pas outre mesure de savoir qu'il n'avait pas tiré son coup la veille. Il trouvait néanmoins amusant, de le voir s'agiter comme s'il avait peur de lui, ou du moins de la personne qu'il se réduisait à devenir face à lui. Micah considérait qu'il n'était rien d'autre qu'un miroir qui le mettait face à tous ses plus sombres défauts. L'arrogance, la jalousie, et un soupçon de violence. « Calme-toi, t'es à la limite d'être hystérique. A moins que tu fasses la BO du film, je doute qu'on passe tous les deux en même temps. Moi non plus je suis pas là pour parler de toi. Et si c'est le cas, mon agente risque de se prendre une soufflante. » l'avait-il rassuré en rabaissant ses ardeurs d'un geste de la main.

sucker punch
Midas Sterling & @Micah Tomlinson ☆ credit/rachelsqreen

« C'est marrant ça, de pas regarder les chiffres quand on vient d'un télécrochet où la victoire dépend littéralement du nombre de votes. » Je hausse les épaules sans que la remarque du brun ne parvienne à me déstabiliser. Certains sont obsédés par les chiffres, les performances, les récompenses mais ce n’est pas mon cas. Je ne prétendrais pas que mon Grammy n’a pas une place bien particulière dans mon cœur aussi bien que sur mes étagères et que je n'ai pas demandé qu’il soit dépoussiéré toutes les semaines pour le protéger de l’usure, mais ce n’est pas pour ça que je fais ce que je fais. A mon sens, la célébrité est épuisante et drainante, si bien que j’ai du mal à imaginer qu’on puisse ne rechercher qu’elle. Les arrogants comme Micah et les ambitieux comme Cassie me surprennent toujours, chacun à leur façon. « Toi tu fais tout ça juste pour la musique, j'imagine. » - « Je fais ça pour la musique, et je fais ça pour toucher les gens. » Bien que je doute qu’on puisse dire la même chose de lui. Tomlinson est un comédien qui s’est illustré dans des rôles sans réelle portée. La passion que nous partageons pour la musique, Jo et moi, je doute qu’il soit un jour capable de la comprendre. « Et pour le reste, à défaut d’avoir l’esprit analytique, je me suis bien entouré. » Preuve que je comprends l’importance de ces sujets qui me semblent à moi triviaux, mais dont Cassandra me martèle bien assez souvent l’esprit pour que je sache que c’est tout ce qui intéresse la maison de disque. « Je suis pas idiot. Simplement, je délègue à ceux qui font ça bien mieux que moi. » Ce que j’ignore en revanche, c’est pourquoi je me justifie face à cet homme à qui ne doit pour ainsi dire rien du tout.

« Bien-sûr, t'as jamais jeté un œil à mon profil Instagram. »
« Si tu veux tout savoir, je ne suis même pas la personne derrière le mien, de profil. » Je n’ai que du dédain pour l’acteur pourtant, fidèle à ma bonhommie et mon image de gentil garçon, je laisse échapper un rire qui suggère le ton de l’humour et de la complicité. « Quand Midas Sterling poste un nouveau truc, généralement c’est plutôt une petite blonde qui me ressemble pas des masses derrière la publication. Cassandra Edwards, mon assistante, tu connais sa sœur, visiblement. » D’après la jeune femme, il ne fait pas que la connaître mais sa vie privée ne m’intéresse pas plus qu’elle me concerne, tant qu’il reste loin de celle que je voudrais pouvoir appeler fièrement ma petite amie mais qui, pour l’instant, ne l’est que loin des regards curieux. « Mais si ça t'intéresse, mon prochain film sort dans quelques semaines. Je joue un personnage tout à fait insupportable et égocentrique, complètement à contre-emploi. » Parfaitement insupportable, donc. Je lève un sourcil avant de hocher la tête, peu désireux d’entrer dans un combat de coq avec lui, bien que je n’en pense pas moins. Le terme de contre-emploi ne pourrait pas être plus mal choisi mais puisqu’il l’est, insupportable et égocentrique, je le soupçonne de chercher à provoquer une réaction virulente de ma part et je n’ai pas l’intention de la lui offrir sur un plateau d’argent.

« Tu pourrais juste être un guest musical ou faire des extras à la régie pour le fun, pour ce que j'en sais. » Un rire bref et sec, dénué de la moindre trace d’amusement, s’échappe de ma poitrine. Il me provoque, n’importe qui en aurait le cœur net mais contrairement à lui, je n’ai pas besoin de frapper du poing sur la table pour flatter mon égo. Quiconque ayant regardé les couvertures de magazine, allumé une radio ou sa télévision ces dernières années sait qui je suis et sait également pertinemment que je ne suis pas le genre d’artiste que l’on fait venir pour faire des extras à la régie. Tomlinson essaye de me faire réagir et, pour l’instant, il est parti sur le mauvais terrain pour ça. « Tu m'as l'air un peu sur la défensive, t'es pas de bonne humeur le matin c'est ça ? Ou t'as passé une mauvaise nuit ? » - « Non, très bien, je te remercie. J’aime juste savoir où je mets les pieds. » Et par conséquent, savoir face à quelle personnalité publique je vais m’asseoir et être interviewé. « Calme-toi, t'es à la limite d'être hystérique. A moins que tu fasses la BO du film, je doute qu'on passe tous les deux en même temps. Moi non plus je suis pas là pour parler de toi. Et si c'est le cas, mon agente risque de se prendre une soufflante. » Il est encore plus odieux que ce à quoi je m’attendais et il m’est compliqué de rester de marbre face à ses piques de moins en moins voilées. J’ai noté l’allusion à ma nuit, et j’ai beau être naïf, je sais qu’elle n’a rien d’innocent. M’accuser d’hystérie, ce n’est qu’une façon de plus de tenter de me pousser à dépasser les bornes et je sais très bien que je n’aurais rien à y gagner, si ce n’est que de décevoir Jo. Comment peut-elle manquer à ce point de clairvoyance concernant son ex. « Je ne sais pas toi, mais je fais des interviews depuis assez longtemps pour pas croire aux coïncidences alors, nous deux sur le plateau, ça m’étonnerait que ça en soit une. » La production espérait certainement pouvoir assister à un combat d’égo en direct, mais je n’ai pas envie de leur donner cette satisfaction. Cela ne me ressemble pas, d’être mesquin et petit : je préfère régler les choses calmement et dans la sphère privée. « Et je suis certain que passer vingt minutes à jouer à celui qui pisse le plus loin avec moi - » Comme ce qu’il fait maintenant et ce dont, pour être honnête, il semble se délecter. « - ça t’intéresse moins que de parler de tes projets professionnels. Alors, je me permets de vérifier. » Mais pour l’instant, pas d’assistant de production ni même dans le moindre représentant de la chaîne en vue.

Etonnamment, même si l'apparition de Midas avait éveillé chez lui des instincts belliqueux, une envie presque primitive de provoquer cette tension inventée par les médias, et justifiée par leurs affinités à la fois communes et incompatibles, Micah devait bien constater qu'il n'avait pas besoin de lui pour se montrer naturellement revêche. Jalousie ou manque évident de confiance en lui, il lui laisserait le privilège de choisir ses vices. « Tant mieux pour toi. » n'avait-il trouvé mieux à répondre face à l'insupportable indifférence de Midas, qui laissait les sujets économiques aux autres pour se concentrer sur l'art. Il avait surtout eu la chance de tomber sur des personnes bien intentionnées, car à en croire son niveau d'implication dans sa carrière, son image ne lui appartenait pas. Et il le prouva en admettant qu'il ne tirait même pas les ficelles de son propre compte Instagram. Une raison qui expliquait certainement pourquoi ce compte n'avait ni saveur ni personnalité, car oui Micah l'avait peut-être parcouru une ou deux fois lorsqu'il était mentionné dans les posts de Jo. Manifestement perspicace, Midas sembla deviner les ambitions cachées derrière ses provocations, et fit mine de calmer le jeu en baissant lui-même d'un ton, ou feignant la complicité. Que son assistante soit la sœur de Lena n'avait pas la moindre importance dans la mesure où il n'avait jamais entendu parler d'elle. « J'espère pour toi qu'elle aura jamais à se venger. T'as l'air de te laisser beaucoup porter par les autres. Je dis pas que c'est pas une façon saine de gérer sa carrière, mais en ce qui me concerne je préfère avoir un minimum de contrôle sur l'image que je renvoie, bonne ou mauvaise. » Mais leurs carrières n'étaient pas comparables, et d'ailleurs à une époque, son obstination pour reprendre le contrôle de son image s'apparentait davantage à un caprice d'adolescent qu'à de réels principes. Il l'avait fait par esprit de contradiction face à son père, comme n'importe qui aurait voulu s'émanciper dans une vie normale, loin des caméras.

Un calme olympien s'était emparé de Midas, sur lequel ricochait la moindre de ses attaques. Loin de s'en agacer, Micah trouvait sa posture raisonnable et visiblement entrainée. Quelqu'un de sanguin serait parti au quart de tour, mais lui restait de marbre, aussi lisse que les portraits qu'on dressait de lui à la télévision. Un mystère de plus par rapport à l'intérêt que lui portait Jo, qui était bien la première à partir dans les tours dès qu'on osait prononcer un mot de travers. De fait, Midas était un monstre de conciliance, alors il ne serait pas étonnant de le voir peser le moindre de ses mots face à elle. Un comportement typique des pervers narcissiques, qui faisaient mine de rien passer les autres pour les coupables lorsqu'ils provoquaient eux-mêmes les conflits. Alors il se contenta de rire jaune, de balancer des politesses et de battre de ses cils anormalement longs. Il toucha néanmoins une corde sensible en le traitant d'hystérique. D'ordinaire, c'était aux autres qu'il devait réserver ce qualificatif. Il n'avait pas tort, peut-être que la production avait provoqué cette rencontre avec l'ambition de faire le buzz, mais Micah n'était pas assez idiot pour leur faire ce plaisir sur le plateau, raison pour laquelle il essayait tant bien que mal de régler ses comptes en privé. Il roula des yeux face aux accusations de Midas, qui le prenait vraiment pour un bleu. « Tu te trompes tellement sur mon compte. J'ai aucun problème à jouer à celui qui pisse le plus loin ici avec toi, mais lorsque je serai face caméra, j'ai pas l'intention de parler d'autre chose que de mon film. » dit-il en hochant la tête. Alors Midas ferait mieux d'arrêter tout de suite de prendre sur lui s'il voulait s'épargner un pétage de plomb en direct. « Je sais être professionnel Midas, autrement j'en serais pas là où je suis aujourd'hui. Et si tu crois que j'ai envie de saper ma carrière juste pour le plaisir de te rabaisser à la télé, c'est que tu te crois beaucoup plus important que tu l'es à mes yeux. » Micah n'avait aucun intérêt à éclipser la promo de son film pour faire celle de sa rivalité avec Midas Sterling. Il préférait réserver ça aux unes à scandales, qui n'avaient aucune difficulté à s'approvisionner en photos ou vidéos compromettantes dans la sphère privée. « Autant arrêter de tourner autour du pot, on sait tous les deux pourquoi on en est là. J'ai aucune idée d'où en est ta relation avec Jo, si même il y a une relation avec Jo, mais en ce qui nous concerne on est rien d'autre que de très bons amis, qui ont peut-être couché ensemble il y a une éternité. » décida-t-il d'éclaircir une bonne fois pour toutes. Micah connaissait très bien sa réputation, mais pourquoi n'aurait-il pas le droit d'être ami avec une femme avec qui il s'était déjà donné une chance ? Certes, il n'hésiterait pas un instant à remettre Jo dans son lit si elle provoquait les événements, mais ce ne serait rien de plus que du sexe. « Apparemment ça semble déranger tout le monde, qu'on puisse encore s'entendre, alors je préfère être clair avec toi. Je serai toujours son ami, et ça changera pas. Tu devrais faire avec. Et arrêter de projeter tes complexes sur moi. » assena-t-il enfin, presque à bout de souffle d'avoir enfin pu rétablir la vérité sur ce que Midas ou Lena prenaient pour autre chose qu'une amitié décomplexée.

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Midas Sterling & @Micah Tomlinson ☆ credit/rachelsqreen

« J'espère pour toi qu'elle aura jamais à se venger. T'as l'air de te laisser beaucoup porter par les autres. Je dis pas que c'est pas une façon saine de gérer sa carrière, mais en ce qui me concerne je préfère avoir un minimum de contrôle sur l'image que je renvoie, bonne ou mauvaise. » Ou celle d’un acteur porno, si on me demande mon avis sur les photos que le bellâtre poste à longueur de journée. Rien de surprenant à ce qu’il n’ait pas besoin d’assistant ou d’assistante pour s’en charger, cela me semble à la portée de n’importe quel idiot avec des abdos et un téléphone dernier cri. Construire une image durable, propre, malgré tout attractive, c’est une autre paire de manche. Je ne me concentre par là-dessus, contrairement à ce qu’il semble penser et, contrairement à ce que lui semble dégager, je n’ai pas la moindre trace de mesquinerie en moi. Je n’aime pas le fait d’être pris à parti par l’ex de ma petite-amie et je n’aime pas beaucoup le ton qu’il emploie – surtout à cause des intentions qu’il trahit – mais je n’ai pas l’intention d’entrer dans son jeu. S’il cherche un adversaire pour le concours de l’homme toxique et macho de base, il ne s’adresse pas à la bonne personne et plus le temps passe, plus je me demande comment Jo a pu passer de ce type à un gars comme moi. « Je travaille avec des gens compétents et professionnels. Je m’en fais pas pour ça. » Peut-être que dans son monde, les assistant en communication passent leurs nerfs sur leurs comptes sur les réseaux sociaux qu’ils sont supposés gérer pour se venger de tout et n’importe quoi, mais dans celui des adultes, ce genre d’action est passible d’une action en justice.

« Tu te trompes tellement sur mon compte. J'ai aucun problème à jouer à celui qui pisse le plus loin ici avec toi, mais lorsque je serai face caméra, j'ai pas l'intention de parler d'autre chose que de mon film. » Je n’ai pas l’impression de me tromper, de mon côté. Il semble clair qu’à partir de l’instant où il m’a aperçu, il est devenu un adolescent bagarreur et orgueilleux. Que nous ne soyons pas encore sous l’œil de la caméra ne devrait rien changer : nous sommes dans un espace public où n’import qui pourrait entendre et enregistrer notre échange. S’il se souciait réellement de maîtriser son image et s’il était réellement professionnel, il saurait se montrer un peu plus adulte que cela.  « Je sais être professionnel Midas, autrement j'en serais pas là où je suis aujourd'hui. Et si tu crois que j'ai envie de saper ma carrière juste pour le plaisir de te rabaisser à la télé, c'est que tu te crois beaucoup plus important que tu l'es à mes yeux. » - « Je ne sais pas ce que tu veux. Ce que je vois c’est que tu cherches la bagarre alors que je ne t’ai même pas demandé de me donner l’heure. Tu devrais te trouver quelqu’un d’autre. » Puisque je n’ai pas l’intention de lui donner satisfaction. Je ne suis pas assez imbu de ma personne – lui semble en connaître un rayon sur ce point-là – pour participer à une querelle idiote et indigne de qui je suis, de qui Jo est également. « Autant arrêter de tourner autour du pot, on sait tous les deux pourquoi on en est là. J'ai aucune idée d'où en est ta relation avec Jo, si même il y a une relation avec Jo, mais en ce qui nous concerne on est rien d'autre que de très bons amis, qui ont peut-être couché ensemble il y a une éternité. » - « Je n’ai pas la moindre envie de parler d’elle avec toi, encore une fois, si ce qui t’intéresse c’est d’étaler tes exploits sexuels, tu devrais trouver quelqu’un d’autre. » Je respecte bien trop la brune pour m’engager dans un combat de coq avec son ex. Du reste, si je le désirais vraiment, je rappellerais à Micah que c’est avec moi que Jo est aujourd’hui et que c’est pour lui qu’elle n’a jamais développé le moindre sentiment ; elle me l’a affirmé et même si le sujet Micah reste sensible, j’ai confiance en elle.

« Apparemment ça semble déranger tout le monde, qu'on puisse encore s'entendre, alors je préfère être clair avec toi. Je serai toujours son ami, et ça changera pas. Tu devrais faire avec. Et arrêter de projeter tes complexes sur moi. » - « Grand bien t’en fasse. Tu as cette discussion avec la mauvaise personne Micah, vraiment. Si j’ai le moindre problème, j’en parlerai avec elle. Du reste, je n’ai pas la moindre idée de ce que tu racontes. » Là où il a raison, c’est que lui ne me doit pas grand-chose et j’en suis conscient. Sans ça, je ne me serais pas tenu loin de lui, j’aurais confronté le jeune homme et lui aurait demandé de cesser de solliciter Jo et de le faire de façon ambiguë et licencieuse. Sauf que je possède la droiture nécessaire à ne pas tout mélanger et je suis conscient que ce qui me dérange ne concerne que moi et ma relation, et je crois avec été entendue par ma petite-amie puisque leur complicité étrange n’est plus étalée partout sur les réseaux comme elle le faisait avant nos discussions à ce sujet. « Mais les discussions que je peux avoir avec Jo et ce qu’elle décide suite à ça, je crois aussi que cela ne regarde personne d’autre que nous. » Certainement pas toi. Le sous-entendu n’en est pas vraiment un. « Tu es en droit de gérer ta relation avec ta compagne comme tu l’entends. Et tant mieux pour toi si elle ne voit rien de déplacé dans certains messages que tu envoies à la mienne. » Je ne suis pas assez possessif pour avoir qualifié Jo de petite-amie, de compagne ou de copine pendant toute la durée de notre conversation. Lorsqu’il a dit ignorer où en sont nos relations, je n’ai pas jugé bon de clarifier l’état des choses tout de go non plus. Toutefois et étant donné que les choses sont à présent officielles entres la chanteuse et moi, je n’ai pas l’intention d’agir comme si je me répugner à employer les bons mots pour décrire la relation qui nous unit. Au contraire, je suis fier qu’elle s’accroche à mon bras, je tiens juste à ne pas agir comme un mâle alpha de bas étage, je tiens à ne pas la traiter comme une possession.

La neutralité de Midas en devenait presque agaçante. Manquait-il de personnalité à ce point, pour répondre à chaque fois des banalités si lisses qu'elles semblaient scriptées ? Je travaille avec des gens compétents et professionnels, ou comment insinuer mine de rien que ce n'était pas son cas. Micah n'en avait pas grand chose à faire, de l'idée que le chanteur se faisait de sa réputation. Après tout il démontrait parole après parole qu'ils ne jouaient pas dans la même cour. Aussi se contenta-t-il de prendre une profonde inspiration, et d'économiser son air et son énergie en se gardant de répondre à une répartie digne d'un programme informatique. De toute évidence, même si la surprise était mauvaise, Midas semblait préparé à cette rencontre. Il bottait en touche, faisait des pirouettes rhétoriques et évitait soigneusement le contact physique. « Je veux rien du tout, si ce n'est cerner un peu celui qui fait tourner la tête de Jo, et que tout le monde oppose à moi. Les médias se chargeront bien de me trouver un nouveau rival, surtout si tu continues à montrer patte blanche. » Avec Rory et Freddy avant lui, la liste des prétendus concurrents de Micah ne cessait de s'allonger, et s'il ne tenait qu'à lui de ne pas leur donner la satisfaction d'une altercation publique, Midas lui donnait du fil à retordre. Comme un sac de sable, il encaissait les critiques avec impassibilité, et abusait d'une fausse naïveté en prétendant ne pas savoir ce que Micah lui cherchait au juste. « Moi j'en ai envie en fait, parce que quelque chose me dit que t'es pas totalement étranger à la censure que Jo s'inflige depuis plusieurs semaines. Elle est différente. » Différente avec lui. Bridée dans son langage, presque dans ses émotions, que Micah savait souvent intenses. A l'opposé de celles que Midas dévoilait ce matin. « Peut-être que si elle était satisfaite elle aurait pas besoin d'avoir des échanges graveleux avec moi sur les réseaux. » se gargarisa-t-il néanmoins, quitte à ce qu'on l'accuse d'étaler ses exploits sexuels. Ce n'était pas vraiment leurs grivoiseries qui lui manquaient, mais plutôt le naturel et la spontanéité de leurs discussions. Jo semblait mal à l'aise en sa présence, comme si elle était trop concentrée à réprimer quelque chose pour s'autoriser à être tout à fait elle-même. Cette culpabilité ne venait pas de nulle part, Micah en aurait mis sa main au feu. Il joua les incrédules à son tour, juste pour le plaisir de pousser Midas encore un peu plus dans ses retranchements. « T'as donc aucun problème avec moi ? Pas même quand Jo et moi partageons un hôtel ou une limousine ? » demanda-t-il en fronçant les sourcils. Dans un cas comme dans l'autre Micah n'y était pour rien. Mais si les opportunités devaient se faire de plus en plus rares pour ménager la jalousie de Midas, alors ils avaient un problème. « A partir du moment où ça a des répercussions sur la façon dont Jo me perçoit ou interagit avec moi, j'estime que ça me regarde. » Elle l'avait prouvé dans la limousine qui les avait menés à Bondi Beach, comme si elle savait foncièrement que cette manigance, à laquelle elle n'avait pas participé, déclencherait une réaction en cascade. Si un jour il décelait le moindre bleu camouflé sous son maquillage, il n'aurait aucune difficulté à trouver un coupable. Midas émanait des ondes perverses sous ce vernis de sainteté. « Tu vois c'est le problème justement. Moi quand Lena me dit qu'elle trouve ça déplacé, j'estime n'avoir rien à me reprocher. Je connais Jo, et je suis sûr qu'elle pense pareil que moi. » Jo était un électron libre. Sa passion était volage, jamais sous-pesée. Elle n'était pas taillée pour la jalousie, encore moins la possessivité. Elle finirait par étouffer, et perdre en chemin ce qui faisait d'elle la femme indépendante qu'elle avait toujours affirmé être. Peut-être y avait-il un brin de providence dans sa relation avec Midas, mais le timing lui paraissait mauvais. A l'heure où sa carrière décollait, et où les nominations pleuvaient, elle ne pouvait pas se retrouver emprisonnée par un homme qui n'était pas assez sûr de lui pour la laisser s'épanouir. « Tu dois être un putain de manipulateur pour arriver à lui faire croire le contraire. » finit-il par conclure, un index accusateur effleurant la poitrine de Midas.

sucker punch
Midas Sterling & @Micah Tomlinson ☆ credit/rachelsqreen

« Je veux rien du tout, si ce n'est cerner un peu celui qui fait tourner la tête de Jo, et que tout le monde oppose à moi. Les médias se chargeront bien de me trouver un nouveau rival, surtout si tu continues à montrer patte blanche. » - « Grand bien leur fasse. Ou te fasse, je ne sais pas trop. » Ce que je sous-entends par-là, c’est qu’au-delà des médias il semble lui-même participer assez volontairement à tout ça plutôt que de subir les racontars d’un journal ou d’un autre. La preuve en est : il se comporte avec moi comme n’importe quel idiot sous testostérone à la recherche d’une querelle à provoquer. Et pour quoi ? Pour faire parler de lui ? Je n’ai pas besoin d’un rival pour ça de mon côté, mais c’est peut-être le cas de cet acteur raté de sitcom. Soyons sérieux deux minutes : il n’a pas ce qu’il faut pour m’éclipser, que ce soit en notoriété, aux yeux des médias ou même dans le cœur de Jo. Plus je parle avec lui, plus j’ai confiance en l’affirmation de ma petite amie : elle n’a jamais été amoureuse de lui, elle ne pourrait jamais l’être puisqu’il est une jolie coquille vide sans réelle authenticité. « Moi j'en ai envie en fait, parce que quelque chose me dit que t'es pas totalement étranger à la censure que Jo s'inflige depuis plusieurs semaines. Elle est différente. » - « Si tu trouves Jo différente, c’est avec elle que tu dois avoir cette conversation. C’est une adulte, pas une femelle que toi ou moi on contrôlerait, et elle prend ses propres décisions. » Et moi, je la connais assez pour savoir qu’elle détesterait ce qu’il est en train de se passer là, l’attitude de son ancien amant qui la traite presque comme un objet à force de territorialisme.

« Peut-être que si elle était satisfaite elle aurait pas besoin d'avoir des échanges graveleux avec moi sur les réseaux. » - « Il faut savoir Micah, elle se censure ou elle continue les échanges graveleux ? J’ai du mal à te suivre. » Le sourire que j’esquisse ne cherche même plus à dissimuler l’hypocrisie qui se cache derrière. Il se couvre de ridicule, l’acteur, et je suis à deux doigts de penser qu’il est réellement en mal de sensation, définitivement en train de tenter de provoquer quelque chose, n’importe quoi pour qu’on parle de lui. « Fais attention à comment tu parles d’elle. Et comment tu parles de nous. » Cette fois-ci, je me suis approché, à moins d’un pas seulement de lui, et mes paroles se sont teintées d’un soupçon de mise en garde. Pour le faire redescendre, j’ai même posé une main sur son torse pour le faire reculer d’un bas, une bousculade à la hauteur de mon attrait pour ce genre de scène, plutôt innocente donc.

« T'as donc aucun problème avec moi ? Pas même quand Jo et moi partageons un hôtel ou une limousine ? » Que cherche-t-il ? A prouver qu’il à tous les droits sur Jo et qu’il sera toujours dans le paysage ? Si j’étais lui, je ne serais pas aussi confiant, je doute qu’elle apprécie cette petite démonstration d’orgueil et de possessivité. « A partir du moment où ça a des répercussions sur la façon dont Jo me perçoit ou interagit avec moi, j'estime que ça me regarde. » - « A nouveau je te le répète : rien dans ma relation avec Jo ne te concerne Micah. » Il est l’ami, il faudrait qu’il s’en souvienne et qu’il reste à la place que sous-entend ce statut-là. « Aucun de nous deux n’a de compte à te rendre, et tu ferais bien d’apprendre à respecter les limites et à rester à ta place. » Est-ce que je grince des dents à l’idée qu’ils partagent un hôtel ? Bien sûr, mais j’ai aussi confiance en la chanteuse : elle ne le fera plus parce qu’elle sait très bien que cela dépasserait les miennes, de limites, et que cela nous conduirait presque certainement vers une séparation.

« Tu vois c'est le problème justement. Moi quand Lena me dit qu'elle trouve ça déplacé, j'estime n'avoir rien à me reprocher. Je connais Jo, et je suis sûr qu'elle pense pareil que moi. »
« Et ça marche bien jusque-là pour toi comme mode de fonctionnement ? »

Je ne lis pas la presse à scandale, elle ne m’intéresse pas. En revanche, sur lui je garde un œil et je sais bien qu’il est plus proche de statut de célibataire que d’homme en couple, en ce moment. Alors je suppose que sa petite-amie n’estimait pas qu’il n’avait rien à se reprocher de n’accepter pas ce genre de façon de fonctionner, comme tout putain d’adulte normalement constitué. « Tu dois être un putain de manipulateur pour arriver à lui faire croire le contraire. » - « C’est certainement plus simple pour toi et pour ton égo de te dire que ça vient de moi plutôt que d’elle, hein ? » Oh, je n’en doute pas. Il m’a tout l’air du genre d’homme qui ne supporte pas le rejet et qui n’aime pas être remis à sa place. Que Jo vive une vraie relation, qu’elle soit amoureuse et qu’elle lui mette des limites saines ne doit pas lui plaire et certainement s’imagine-t-il déjà que rien de tout cela ne vient d’elle, parce que cela voudrait dire qu’elle rejette ses enfantillages de son plein gré. « Elle s’inflige pas de censure. Elle grandit, elle tisse une vraie relation et elle comprend ce que ça implique. Je suis désolé pour toi si t’as pas encore rencontré de personne qui te donne envie d’être un homme plutôt qu’un gamin qui saute sur tout ce qui bouge. Mais peut-être que si t’étais pas si con elle aurait fait l’erreur de sa vie et serait restée avec toi, alors je suppose que je dois te remercier, dans un sens. »

Sous ses airs placides, Midas masquait à peine un mépris insupportable. En faisant en sorte de ne jamais répondre tout à fait, il avortait des débats qu'il considérait certainement stériles, mais surtout gagnés d'avance. Ses propos en apparence nobles et courtois n'étaient que la manifestation de toute l'aversion que lui inspirait Micah, et une tentative désormais évidente de se hisser au-dessus de ses joutes viriles. Peut-être était-ce son caractère, ou peut-être le faisait-il tout simplement pour Jo. Pour se rassurer d'être à sa hauteur, puis se targuer d'avoir été le plus mature des deux. Micah s'en fichait bien, d'être le plus mature. Cette confrontation inespérée, il la vivait au présent, sans se soucier de répercussions qu'elle pourrait bien avoir sur sa relation déjà entachée avec Jo. Foutu pour foutu, il aurait au moins le plaisir d'avoir eu, même de façon artificielle, l'ascendant sur Midas. « Moi non, mais toi j'en sais rien. On sait tous les deux que Jo est trop fière pour me dire qu'elle est forcée de se tenir à carreau pour ménager ta jalousie. » avait-il répondu à sa vaine tentative de se désolidariser de cette conversation, comme s'il n'avait eu aucun rôle à jouer dans les récents agissements de Jo. Il aurait bien aimé l'avoir avec elle cette discussion, si seulement elle n'était pas sans arrêt évasive avec lui quand il était question de son couple. Bien entendu que Micah n'était pas objectif, et s'il avait affirmé à Jo ne vouloir que son bonheur, il n'avait pas grand chose à faire de celui de Midas.

Troquant ses faux airs incrédules contre une insolence sarcastique, Midas ne s'encombrait même plus de faire semblant. L'hypocrisie que Micah avait décelée depuis le départ se révélait au grand jour, et avait le don de le faire bouillonner de l'intérieur. « Joue pas au con, tu as très bien remarqué que ça s'est terminé comme par magie du jour au lendemain. » Et efface ce petit sourire satisfait, avait-il songé. Heureusement, la colère fut désamorçée par cet accès de caractère qu'avait simulé Midas. Y croyait-il lui-même, à ces prétendues menaces ? « Ou sinon quoi ? Je parlerai toujours bien d'elle, mais j'ai aucune obligation de bien parler de vous. Et encore moins de toi. » dit-il sans avoir réprimé un ricanement sardonique. Le vernis semblait se briser. A force de tatonner, Micah avait réussi à toucher une corde sensible. Il dégagea la main que Midas avait posée sur son torse dans l'espoir de l'intimider, l'obligeant à son tour à reculer en le poussant de ses paumes. « Rester à ma place ? Ou à celle où tu voudrais me mettre ? Je te l'ai dit, je compte pas sortir de sa vie juste parce que tu as des problèmes de confiance. » De quelles limites parlait-il ? A l'évidence Jo et lui n'avaient pas les mêmes, et ce que Micah lui reprochait était justement de vouloir lui imposer les siennes. Et ce n'était certainement pas en invoquant Lena qu'il parviendrait à le convaincre que ses méthodes était faillibles. Les raisons de son incompétence à rester en couple étaient nombreuses, mais elles n'avaient rien à voir avec sa relation avec Jo. D'ailleurs, si c'était le cas, il estimait avoir échappé à une jalousie malsaine. Jalousie avec laquelle Jo semblait devoir composer. « Je vais même pas prendre la peine de répondre à cette question. Si tu veux faire ami-ami avec Lena, fais-toi plaisir. Tu n'as qu'à demander son numéro à ton assistante. »

Dans un dernier élan d'orgueil, Midas relâcha toute la mesquinerie qu'il avait contenue. Le traiter d'égoïste était une chose, mais affirmer qu'elle l'avait échappé belle en se séparant de lui allait bien au-delà de ce qu'il était capable d'entendre de sa bouche. « Va te faire foutre. » s'était-il contenté de répliquer, ne pouvant par la même occasion s'empêcher de le cogner au coin du menton. Il avait frappé moins fort qu'il ne le méritait, mais suffisamment pour lui fendre la lèvre, et ressentir une douleur sourde au niveau des phalanges. La voix de la régisseuse, qui entrait visiblement dans la pièce au bon moment, l'obligea à reculer. « Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Oh mon Dieu mais vous saignez. » s'était-elle exclamée en accourant vers Midas. Micah secoua la main pour chasser la douleur qui se répendait dans son poignet. Au même moment, une assistante faisait son apparition dans l'encadrement de la porte. « Gina, veux-tu raccompagner monsieur Tomlinson à sa loge ? » avait-elle demandé en tournant la tête. Micah avait déjà pris la direction de la sortie. « Pas besoin de prendre cette peine, je vais me raccompagner tout seul. Vous feriez mieux de vous occuper du maquillage de monsieur Sterling. »

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Midas Sterling & @Micah Tomlinson ☆ credit/rachelsqreen

« Moi non, mais toi j'en sais rien. On sait tous les deux que Jo est trop fière pour me dire qu'elle est forcée de se tenir à carreau pour ménager ta jalousie. » - « Tu connais pas Jo aussi bien que t’as l’air de le penser si tu penses qu’on peut lui forcer la main pour quoi que ce soit, ou la forcer à faire ce qu’elle a pas envie de faire. » N’importe qui ayant passé quelques heures tout au plus avec la brune a forcément compris deux choses : qu’elle est têtue comme une mule et résiliente jusqu’à l’épuisement, et qu’elle ne laisse personne lui dire ce qu’elle doit faire, jamais, même si elle doit elle-même se punir en subissant des conséquences qui lui briseraient le cœur. Elle a trop de fierté certes, mais elle en a surtout trop pour accepter la situation que Micah dépeint et la version à laquelle il semble croire. « Joue pas au con, tu as très bien remarqué que ça s'est terminé comme par magie du jour au lendemain. » - « Je vais me répéter, mais ça - » Leur flirt virtuel que je refuse de qualifier comme ça à voix haute. « - ce serait pas terminé, que ce soit du jour au lendemain ou progressivement, si Jo avait pas décidé toute seule que ça devait se terminer. » Je ne tente de mettre aucune muselière à ma petite amie qui, de toute façon, n’accepterait jamais d’en porter une. « Ou sinon quoi ? Je parlerai toujours bien d'elle, mais j'ai aucune obligation de bien parler de vous. Et encore moins de toi. » - « Sinon tu le regretteras, et c’est pas une menace, j’ai pas l’intention de te menacer de quoi que ce soit - » Je ne suis pas une brute, et je ne suis pas assez mesquin pour promettre que je le détruirais. « - mais tu le regretteras, parce que je tiens à elle, et qu’elle tient autant à moi. » Et qu’il n’existe aucune situation où il se pose en adversaire de notre couple et où il ne finisse pas par perdre Jo, j’en suis convaincu depuis qu’elle m’a regardé droit dans les yeux pour me dire qu’elle m’aimait, depuis le jour où elle a dépassé ses craintes parce qu’elle aussi crevait d’envie de pouvoir s’afficher avec moi.

« Rester à ma place ? Ou à celle où tu voudrais me mettre ? Je te l'ai dit, je compte pas sortir de sa vie juste parce que tu as des problèmes de confiance. » - « A ta place Micah. Ta place d’ami, rien de plus, je crois qu’elle a été claire à ce sujet que ce soit auprès de moi ou auprès de toi. » J’ai confiance en Jo, contrairement à ce qu’il peut prétendre. Si je n’ai pas aimé apprendre qu’il était son ex, j’ai écouté ses explications, j’ai compris et pardonné. « Et non, compte tenu de ça, je n’ai pas le moindre problème de confiance. » Concernant leurs échanges, j’ai un problème de respect et d’image mais Jo l’a entendu et, contrairement à ce qu’il croit savoir, c’est parce qu’elle me respecte qu’elle a cessé.

« Je vais même pas prendre la peine de répondre à cette question. Si tu veux faire ami-ami avec Lena, fais-toi plaisir. Tu n'as qu'à demander son numéro à ton assistante. »
« C’est bien ce que je pensais. »

Micah Tomlinson, qui joue le pourvoyeur de vérité, le justicier et l’homme de la situation depuis tout à l’heure botte en touche et il m’apprend ainsi tout ce que j’ai besoin de savoir. Qu’il continue, dans ce cas, je n’en ai cure. Mais qu’il cesse de s’accrocher à tout prix à l’idée que Jo est comme lui, la seule chose qu’il parviendrait à faire s’il nous séparait, c’est la rendre malheureuse. Elle n’a rien à voir avec ce pauvre con. « Va te faire foutre. » Et comme si j’avais encore besoin d’en être convaincu, Tomlinson fait une chose que je n'avais pas vu venir, prouvant ainsi qu’il est le parfait exemple de toxicité masculine. Qu’il est le parfait connard par excellence et, surtout, qu’il n’a pas la moindre idée de qui est Jo et des choses qu’elle ne tolère pas. Il me décroche un coup de poing loin d’être assez puissant pour me dévisser la nuque, mais suffisant pour m’ouvrir la mâchoire. Je ne réplique pas d’une part parce que je ne suis pas le genre d’homme qui en vient aux mains – certains diraient que j’ai trop bien été élevé pour ça et c’est en partie vrai – d’autre parce que nous sommes de toute façon interrompus avant que je n’ai ne serait-ce que le temps de répondre quoi que ce soit. « Qu'est-ce qu'il se passe ici ? Oh mon Dieu mais vous saignez. » La vois de la régisseuse interromps cet étalage de testostérone, et je porte main à ma lèvre gonflée pour jauger l’étendue des dégâts. « Gina, veux-tu raccompagner monsieur Tomlinson à sa loge ? » L’idiot a frappé assez fort pour blesser, à en croire son geste du poignet, et il prend déjà la direction de la sortie. Si je n’avais pas beaucoup d’estime pour lui avant aujourd’hui, je n’ai désormais qu’à son encontre un peu de pitié, et beaucoup de mépris. Il me prouve qu’il est de ceux qui règlent un affront – un affront qu’il n’avait pas à ressentir, s’il était resté à sa place – avec ses poings, et je me demande si Jo en est consciente. « Pas besoin de prendre cette peine, je vais me raccompagner tout seul. Vous feriez mieux de vous occuper du maquillage de monsieur Sterling. » C’est ça, connard. J’attrape un mouchoir avec lequel je tamponne délicatement ma lèvre, avant de me tourner vers la régisseuse. « Dites à la production de l’émission d’appeler mon assistante. » Cassie sera ravie d’avoir à gérer ça. « Je ne participerai pas aujourd’hui. » Et si je ne suis pas le genre d’homme à faire des caprices de star, aujourd’hui je m’autorise cette lubie.

rp terminé