Logan City, #503 Daisy Hill Road,
Le 06 novembre 2023.

Pour quelqu'un qui n'appréciait Noël que depuis que j'avais une famille, je m'étais cependant toujours évertué à célébrer les petits événements, qui passent parfois inaperçus, rythmant une année. Saint-Valentin, chasse aux œufs, anniversaires, Halloween et diverses journées nationales étaient ainsi toujours soulignées de petites attentions de ma part et j'extrayais un plaisir certain à lire cette expression de surprise mêlée au bonheur que je pouvais procurer aux personnes qui m'étaient chères par mes cachotteries.

Aujourd'hui, Olivia était ma victime. Je la connaissais depuis plus d'une décennie et jamais n'avais-je oublié un seul de ses anniversaires, tout comme ceux des jumeaux. Parfois, je me demandais si j'avais conditionné Lizzie et Lenny à déployer des moyens particuliers pour célébrer leur mère, mais si tel était le cas, je l'assumais entièrement. Les cadeaux avaient évolué des empreintes de mains et de pieds colorées aux cartes et bricolages plus élaborées et il fallait dire que tout comme les deux petits, je trépignais d'impatience à ce que notre garde se termine à l'hôpital pour qu'Olivia prenne connaissance de ses derniers présents - les pièces de résistance, comme se plaisait à les nommer Lizzie.

La fin d'après-midi devait être bien rodée : à ma débauche, j'allais récupérer  Lizzie, Lenny, Jude à l'école. Comme nous terminions à une demi-heure de décalage, Olivia avait accepté de récupérer Maia en mon nom à la crèche de l'hôpital et ensuite, nous devions nous rejoindre à son domicile. Jack et Mila étaient quant à eux avec Penny et ils pourraient tous trois nous rejoindre selon comment se passait l'après-midi de leur côté. Dès la fin des transmissions effectuées, je me pressais vers les vestiaires et en un éclair, saluant brièvement Olivia sur mon chemin du départ dans le couloir. « Ne baisse pas ta garde, ce n'est pas fini, » j'annonçais avec malice, faisant référence aux vœux d'anniversaire souhaités de ma part, ceux des collègues que j'avais soigneusement prévenus et des patients à qui j'avais également passé le mot, sans oublier les quelques gentils bizutages ici et là (du genre, des bonbons et chocolats cachés dans des faux sachets de compresses de son chariot de soins et son vestiaire un peu décoré). Lizzie et Lenny m'attendaient déjà impatiemment à la porte de l'institut scolaire, la main de Jude serrée par celle de Lizzie qui semblait tenir d'une main de maître la petite troupe pour que nous respections notre emploi du temps serré aussi méticuleusement que possible. La marmaille installée dans la voiture, je roulais vers Logan City, pendant que le plan de match était rappelé : « J'ai la nappe qu'on a achetée ensemble dans le coffre avec les cadeaux. Je te la passe quand on arrive Lizzie et avec ton frère et Jude vous mettez la table, d'accord ? » Trois petites têtes blondes acquiescèrent vigoureusement à l'arrière. « Je vais vous passer le petit cadeau ensuite et j'installerais l'autre pendant que vous mettez la table. Lenny, tu pourras m'aider avec les portes ? » Le second était en effet plus volumineux, une pièce d'envergure qui ravissait en particulier le fils d'Olivia qui s'était mis à coeur joie de bricoler dessus avec moi. Heureusement, Olivia n'avait pas cherché un compte sur les prouesses de son fils en football australien car celui-ci avait davantage manié le pinceau durant ces après-midis où il était avec Jude dans mon garage - et j'avais pour ma part développé une recette magique pour effacer les traces de peintures sur les doigts de nos fils pour ne pas mettre la puce à l'oreille de la rouquine. Si Jude finissait toujours par repartir à vélo dans le jardin, Lenny avait semblé vraiment accroché au projet de construction et je m'étais plu à lui transmettre et lui montrer autant que possible en la matière, adéquatement à son âge.

Je soupirais doucement en observant l'heure lorsque la scène était prête. Olivia se garait déjà devant la maison, Jude nous prévenant avec le nez sur le carreau de la porte vitrée. Je tendais le cadeau à Lenny et les cartes à Lizzie, les jumeaux trépignant d'impatience d'accueillir leur mère. « Maman ! Maman ! » s'exclamèrent les jumeaux en se précipitant vers leur mère, Jude sur leurs talons. Bientôt, Lizzie tendait les deux cartes qu'ils avaient dessinées à Olivia et Lenny le paquet contenant un bracelet personnalisé à leur prénom. « Isy a dit que c'était mieux du tissu comme ça tu pourrais l'attacher à ton tour de cou et ce serait mieux pour les microbes ! » expliqua Lenny alors que Lizzie rappelait : « Chut ! Il faut que maman ouvre avant ! » Je riais doucement, libérant les bras d'Olivia en calant Maia dans les miens.

Étape 1 du plan complété, je me déclarais intérieurement en soupirant discrètement de soulagement, tandis que les enfants se précipitaient vers Olivia. Je récupérais Maia afin que la trentenaire puisse se laisser envahir de l'affection de ses progénitures et de Jude et bien rapidement, l'atmosphère fut emplie de joie, de rires, de satisfaction et d'émotions tandis que l'infirmière découvrait son cadeau. Lenny et Lizzie se réjouissaient de voir le bracelet autour du poignet de leur mère et j'adressais un clin d'œil complice à ma filleule lorsqu'elle m'arborait un large sourire triomphal. Puis, Lenny ne perdit pas le fil des événements, entraînant rapidement sa mère vers la suite des événements.

« Tout le monde a mis la main à la pâte, » j'argumentais sur la rapidité d'exécution qui m'avait, je dois l'avouer, procuré quelques sueurs froides. « C'est qu'on a deux Flash et une maîtresse de l'organisation sous ce toit, » je félicitais indirectement le petit trio. Les amuse-bouche et quelques douceurs sur la table leur permettraient de se délecter d'un pique-nique d'anniversaire en intérieur dans les règles de l'art, avec en pièce de résistance le gâteau qui reposait encore dans le réfrigérateur - une autre prouesse logistique du jour. « Ton autre cadeau est dans ta chambre, maman ! » annonça fièrement Lenny et je ris doucement en percevant l'air intrigué d'Olivia. « Promis, on n'a pas mis le bazar, » je m'engageais. « J'ai à peine bougé un meuble, » je lâchais, énigmatique. Maia gesticulait pour attraper un doigt de dame sur la table, que Lizzie finissait par lui tendre.

« On y va ? On va voir ? » s'impatienta Lenny. « Il a beaucoup aidé sur ce cadeau, » je valorisais en chuchotant à Liv, sans causer quelconque jalousie sur les deux autres enfants qui avaient un peu moins adhéré à la tache, même s'ils y avaient tous participé à leur façon. Néanmoins, cette confection-ci avait vraiment tenu à coeur au petit garçon. L'attroupement se rendit devant la chambre de la mère de famille et je ris doucement en percevant le cadeau recouvert péniblement d'une des couvertures de la reine des neige de Lizzie. « Il va y avoir un big reveal à faire, » j'annonçais avant que les jumeaux ne demandent à leur mère de pouvoir le faire, Jude observant la scène avec réjouissance.

Orchestré par Lizzie, la couverture fut retirée du coin de la chambre, dégageant le meuble artisanal. Maia cria de bonheur en applaudissant gauchement et je guettais les réactions d'Olivia aussi avidement que les enfants. Quelques instants étaient accordés à l'infirmière pour découvrir le mobilier avant que je n'explicite : « L'idée était que tu aies quelque chose à toi, pour prendre soin de toi. » Je présentais. « Tu pourras mettre tes livres et tes plantes, » je proposais, avant que Lizzie enchérisse : « Et tes bijoux et ton rouge à lèvres ! » Lenny glissa son doigt derrière le meuble pour allumer les petites lumières au-dessus du miroir en clamant un « tada » digne d'un magicien. « Et ici tu peux enfermer des choses, comme des lingots d'or ! » Il montra la clef sur l'un des tiroirs. « Lenny a aidé pour assembler les morceaux et Lizzie pour nettoyer et décorer le meuble. » Le garçonnet pointa l'arrière du meuble : « On a signé ici, regarde ! » « Comme ça tu pourras même pas le revendre, » je plaisantais dans un murmure que seul Olivia et Maia pouvaient entendre. « J'ai mis les poignées moi parce que j'ai les plus petits doigts, » fit timidement Jude en montrant sa menotte à Liv.

Un sourire bienheureux ne savait quitter mes lèvres en contemplant l'effervescence des enfants doublée du ravissement d'Olivia à mesure qu'elle découvrait les surprises que nous avions savamment élaborées à son insu. J'échangeais un regard énigmatique accompagné d'un sourire malicieux à ma meilleure amie quand elle rappela que j'étais très capable de décider de refaire ses peintures sur un coup de tête - ou une sollicitation d'un des Welch -. « Quelle idée de m'avoir donné un double de tes clefs, » je grondais gentiment alors que nous nous rendions dans la chambre de la mère de famille, où son ultime présent reposait. Je précisais à l'infirmière l'engouement de son fils sur ce cadeau et commentais avec affection sur le point commun que je partageais avec le garçonnet : « Aurais-je une influence sur tes enfants ? »

Telle une scène théâtrale, les jumeaux orchestraient la révélation du meuble artisanal auquel Lenny, Lizzie et Jude avaient contribué. La fierté sur le minois des enfants était inestimable et bien vite, un quatuor chaleureux d'embrassades se forma autour de la rouquine qui couvait de baisers les petits ouvriers. Maia, blottie dans mes bras, désignait la scène de son index en babillant et je félicitais les petits : « Bien joué les artistes, missions accomplies. » Je reçus trois high five au passage des enfants vers les hostilités gastronomiques et je posais mon regard sur Olivia qui me remerciait également. « Je suis content que ça te plaise. Ils ont adoré le projet. » Je déposais Maia qui gesticulait dans mes bras sur le sol et brinquebalante, elle s'orienta vers son frère et les jumeaux. « Pour ce qui est des peintures, il est possible que j'ai une idée en tête aussi, oui. Surtout que ta fille m'a aussi passé commande. » Lizzie réclamait depuis plusieurs semaines un changement de couleur et j'avais ressenti un certain pincement au coeur en refaisant la nurserie qui accueilleraient mes jumeaux sans obliger à son vœu. « La collation relève d'ailleurs beaucoup de son expertise, » j'informais. Manifestement, l'écolière était dans une phase où la cuisine, et en particulier la pâtisserie, l'intéressait. Elle avait dressé le menu en insistant bien sur les ingrédients favoris de sa mère et s'était appliquée à décorer les gâteaux faits maison à mon domicile lorsqu'elle y était venue passer l'après-midi pendant que Jude était chez Olivia avec Lenny - au-delà de l'échange de bons procédés, nous avions en quelque sorte échangé d'enfants.

Les jumeaux, impatients, vinrent récupérer leur mère et l'attirer dans la cuisine, chacun la tirant par une main. Je ris doucement en observant la scène. J'installais Maia sur son siège et j'entreprenais de déposer les différentes douceurs et de servir les rafraîchissements. Le festin en partie en place, Lenny s'intéressa : « On mange quand le gâteau ? Maman, pense bien à ton vœu ! » « Attend, il faut que parrain mette les bougies avant ! » Lizzie, agenouillée sur sa chaise, me regardait avec expectation. « Je vais le chercher mais vous n'oubliez pas de chanter, » je rappelais au trio. Je récupérais le gâteau dissimulé, j'y plantais les bougies que j'embrasais de mon briquet, puis je m'orientais vers la cuisine en lançant la fameuse chanson de joyeux anniversaire, promptement rejoint par les trois petites voix.

Je répondais au rappel d'Olivia sur les goûts changeants de sa fille par un simple sourire complice et entendu. Si la mère de famille avait entièrement raison, il n'en demeurait que je peinais grandement à refuser ce genre de demande de la part de ma filleule, tout comme le fait que j'appréciais comment ces modifications d'environnement rimaient avec projet d'envergure avec son frère. Même si mon quotidien s'avérait bien chargé, je mettais un point d'honneur à trouver du temps pour mes enfants comme ceux d'Olivia, sans compter que je supportais difficilement de rester sans rien faire.

« J'espère que mes enfants ne me solliciteront jamais pour la cuisine. Mes compétences se limitent aux croques-monsieurs, » j'avouais dans un rire timoré. « Les pancakes sont quand même la base du bonheur si tu veux mon avis, » j'ajoutais. Depuis que ma nièce avait des dents, je me plaisais à cuisiner des pancakes de différentes formes possibles, profitant de subterfuges créatifs pour faire avaler quelques fruits aux enfants passant à mon îlot de cuisine.

Liv s'installa à sa place à la table de la salle à manger et tandis que les petits s'époumonaient gaiement pour célébrer son année supplémentaire, je dévoilais précautionneusement le gâteau de fête. Je regardais, amusé, la Welch songer à un vœu avant de souffler d'une traite ses bougies, déclenchant un tonnerre d'applaudissements. Les parts furent ensuite coupées et comparées, non sans avoir immortalisé le moment de quelques précieux clichés. J'affirmais ensuite pour limiter les débats de fausse jalousie sur la taille des morceaux sucrés : « Tout le monde mangera à sa faim. » Maia s'empressa d'écraser sa part de ses petites mains avant de les porter avec gourmandise à sa bouche, Jude installé sur mes genoux pour dévorer sa propre portion. Quant à moi, je portais en premier lieu précautionneusement la tasse de café à mes lèvres. Il ne fallut qu'une dizaine de minutes maximum aux enfants pour se dissiper dans le salon et je questionnais l'attention de la journée, armé de taquinerie : « Ca va, tu parviens à trouver de nouveaux vœux à formuler malgré ton grand âge ? »