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@GRETA MOORE & SWANN & ARTHUR

Il s’était réveillé désorienté, sur un canapé qui n’était pas le sien et pourtant avec l’impression d’avoir mieux dormi que les derniers jours. Il lui avait fallu une seconde, ou deux, avant de réaliser qu’il n’était pas chez une inconnue, mais bien dans le salon de Greta. Encore habillé dans ses fringues de la veille, un plaid posé sur lui. La veille, il était venu sous prétexte de partager un dîner. En réalité, la dernière réunion à l’association avait été plus compliquée que n’importe quelle autre, Arthur s’étant décidé à parler. Il n’avait pas réellement apprécié l’expérience et la perspective de se retrouver avec une autre addict l’avait poussé à venir trouver refuge auprès de Greta. Elle l’avait accueilli sans question particulière. Comme si ce genre de soirée entre eux était devenu une nouvelle régularité, quelque chose de normal, que personne n’allait venir questionner. Il ne se souvenait pas s’être endormi pour être honnête, mais l’appartement était calme et Arthur pris le temps de respirer. Au moins, il n’avait pas laissé ses démons gagnés. Pas cette fois, en tout cas.

« J’ai une réunion à 11h. » Autrement dit, ils avaient un peu de temps devant eux. Greta ne semblait pas presser, non plus. Elle lui avait laissé la place dans la salle de bain en premier. Il avait tenté d’arranger ses cheveux avant d’abandonner le combat. Sa chemise se voulait froisser comme l’enfer, il l’avait juste laissé ouverte. Elle l’avait vu avec bien moins de tissus sur le dos. L’échange, c’était fait comme s’ils vivaient encore ensemble. Arthur s’était surpris à se retenir de se pencher vers la jeune femme pour l’embrasser alors qu’il lui laissait la pièce libre. Se reprenant, il était parti se réfugier dans la cuisine. Un café. Il avait juste besoin d’un café et après, il pourrait partir. Il n’avait pas l’intention de fuir alors qu’elle était sous la douche. Il ne s’était rien passer. Juste une soirée entre deux amis.

Chemise toujours ouverte, Arthur évoluait dans la cuisine comme s’il était chez lui. Se faire couler un café, même oser ouvrir quelques placards à la recherche d’un truc à se mettre sous la dent. Il venait de trouver une barre de céréales et tout en mâchonnant, il se récitait ce qu’il allait devoir exposer lors de sa réunion. C’est sûrement pour cela qu’il n’a pas réfléchi à deux fois lorsque quelqu’un est venu frapper à la porte. Il avait abandonné sa tasse sur le comptoir pour aller ouvrir. Il n’avait pensé à rien Arthur jusqu’à ce que la porte ne dévoile le visage de son meilleur ami. Toutes ses pensées semblèrent s’activer en une seule fois : il n’était pas chez lui, il était encore à moitié dévêtu, les cheveux en bataille et Swann se tenait devant lui. Réflexe idiot, Arthur referma la porte en jurant. « Eh merde. » Swann l’avait bien vu. Il l’avait vu sur son visage. Il ne pouvait pas le laisser sur le palier surtout en réalisant que le brun n’était pas seul, mais que sa fille était perchée sur sa hanche. Rouvrant lentement la porte Arthur lui adressa un faible sourire. « Greta est sous la douche. » De tout ce qu’il pouvait dire, ce fut les premiers mots qui glissèrent entre ses lèvres. Il aurait voulu se gifler pour avoir dit quelque chose d’aussi stupide. Il allait se faire des idées Swann, lui qui lui lançait déjà un regard noir alors qu’Arthur ne s’était toujours pas dégagé pour le laisser entrer.

Robin est agitée parce qu’elle sent que Swann l’est tout autant et il est désolé, sincèrement désolé de ne pas trouver le moyen de calmer sa propre fille. Il n’arrive pas à s’apaiser lui-même pour commencer, ce qui n’augure rien de bon, surtout pour un homme en tempérament éternellement calme comme le sien - ou à défaut d’être toujours calme, il est au moins un homme posé et réfléchi. Il faut croire, pourtant, que cela ne s’applique pas lorsque votre sœur envoie un message du jour au lendemain, vous apprenant par la même occasion qu’elle n’est finalement pas morte et plus disparue non plus, après deux ans d’un silence pourtant sans équivoque. Ainsi, c’est entre deux messages à son égard et un appel passé en catastrophe à Rory qu’il a accepté l’idée d’aller la chercher à Sydney, comme elle le lui a demandé. Il aurait aimé prendre le temps d’appeler Greta et lui demander si elle peut lui garder Robin pendant vingt-quatre heures mais la vérité c’est qu’il est un peu trop pressé pour ça, et qu’il espère aussi sans doute qu’elle acceptera plus facilement s’il est déjà sur le pas de sa porte.

C’est dans cet état d’esprit qu’il sonne donc, Robin dans ses bras, la voiture juste derrière lui remplie du kit de survie du parfait bébé. Il la berce comme il peut alors qu’elle a du mal à s’assoupir. Elle sera colérique si elle ne dort pas, et il ne veut pas qu’elle embête Greta, surtout alors qu’il n’a pas de second choix. Il a besoin de faire cet aller-retour à Sydney et il ne peut pas se permettre de prendre sa fille avec lui, parce qu’il n’a aucune idée de l’état dans lequel il retrouvera Ginny et il y a des choses dont il veut préserver sa fille coûte que coûte. L’inconnu en fait partie ; la vision d’Arthur à peine habillé est classée au même niveau. Swann ouvre la bouche et la referme en même temps qu’il sent l’air lui balayer le visage lorsque son meilleur ami lui referme la porte au nez. Au sens propre. « Eh merde. » Alors il attend. Autant que possible. Il prend sur lui, autant que possible aussi. Il se dit qu’Arthur va bien finir par lui ouvrir, ou qu’au pire ce sera Greta qui remettra tout en ordre. « Greta est sous la douche. » Il sourit mais Swann n’en fait pas de même. « Habille toi. » S’il faut commencer quelque part, c’est bien là. Il se moque de savoir ce que ses amis font - tant que ce n’est pas totalement stupide -, mais il tient au moins à ce qu’il se présente habillé lorsque sa fille fait aussi partie de la scène. « Et demande à Greta si elle peut se dépêcher, parce que je suis pressé. » Du reste, il ne fait pas de commentaire et il ne pose pas de questions non plus. « Tu me laisses entrer ? » Il n’imagine pas faire attendre Robin dehors, alors Arthur peut sûrement lui accorder ça, même s’il ouvre la porte d’une demeure qui ne lui appartient pas. Sans doute n’est-il plus à ça près, maintenant. « Tu me fais grâce des détails. » Il n’a pas le temps et pas l’énergie de savoir ce qui a bien pu se passer entre eux.

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Il avait ouvert la porte sans même se poser de question. Comme si l’endroit lui appartenait, comme s’il avait le droit d’agir avec autant de familiarité. Il ne s’était attendu à rien, mais surtout pas à se retrouver nez à nez avec son meilleur ami. Son réflexe premier fut aussi maladroit que malpolie, mais sous l’effet de la surprise, Arthur s’était vu refermer la porte avec précipitation. Cela ne pouvait agir comme de la magie, Swann l’avait vu, parfaitement reconnu et son regard s’était voilé d’une façon aussi étrange que singulière. Il bredouille la pire des excuses, la plus accusatrice de toute sous le regard toujours aussi accusateur de celui qui les avaient pourtant poussés à se retrouver. « Habille toi. » Baissant les yeux sur sa personne, Arthur s’empressa d’attraper les deux pans de sa chemise pour se couvrir. « Et demande à Greta si elle peut se dépêcher, parce que je suis pressé. » Greta ? Il releva les yeux, réalisa à nouveau qu’il n’était pas chez lui et hocha la tête de la manière la plus bête qui soit. Est-ce qu’il pouvait crier sans effrayer la petite fille que son ami de toujours tenait dans ses bras ? Il leur trouvait une ressemblance quand bien même il était au courant que la gamine ne pouvait être l’enfant biologique de Swann. Il allait dire quelque chose, juste un petit truc, pour détendre l’atmosphère et marquer cette première rencontre autrement, mais Swann n’était pas dans son état habituel. « Tu me laisses entrer ? » - « Oh euh… Ouais. Pardon. » Il se dégage pour les laisser s’aventurer dans le salon. Fermant la porte pour gâcher le spectacle à un quelconque voisin curieux. Profitant de ne plus être sous le regard de Swann, il vint reboutonner sa chemise de manière maladroite, alliant lundi avec mardi.

« Tu me fais grâce des détails. » - « C’est pas ce que tu crois. » Facile à dire quand il venait de le surprendre dans une situation aussi délicate. La remarque agacée de Swann, l’agaçait à son tour. Arthur n’était pas du genre à se justifier, mais la présence de son ami le rendait étrangement nerveux. Il pouvait voir à quel point le blond n’avait aucunement envie de plaisanter ou encore de discuter, alors Arthur fit quelques pas pour se rapprocher du couloir. « Greta ? » Pitié qu’elle ait la présence d’esprit de ne pas débarquer simplement vêtue d’une serviette de bain. « Tu peux venir s’il te plaît. » Il avait haussé le ton pour être sûr qu’elle l’entende. « Maintenant ! » Tout de suite, sans attendre et prestement avant que Swann ne fulmine. Il n’arrivait pas à comprendre l’attitude de son ami. Tout chez lui respirait l’anxiété, une situation dans laquelle il ne l’avait pas vu depuis des années. « Tout va bien ? » La réponse lui paraissait pourtant évidente : Non. « Qu’est-ce qui se passe Swann ? » Arthur commençait à s’inquiéter alors que derrière lui se faisait entendre les pas de Greta.

C’était devenu une habitude pour ces deux là de se voir régulièrement, et il y avait toujours un prétexte. Quelque chose qui leur permettait de se donner l’impression qu’ils ne se voyaient pas simplement par envie, mais parce que l’un ou l’autre n’allait pas bien ou qu’il y avait une course. Ils étaient très vite passés d’une dispute au milieu d’un bar qui laissait penser que leurs retrouvailles s’arrêteraient là, à une discussion posée et sérieuse, puis à un voyage pour finalement ne plus savoir mettre de point final à cette relation qu’il était impossible de définir. Arthur avait été là pour elle lorsqu’elle en avait eu besoin, il était logique qu’elle réponde présente lorsque celui-ci avait souhaité la voir après avoir passé une mauvaise journée. Greta s’efforçait de ne pas tirer trop de conclusions, restant un point d’ancrage pour Arthur qui luttait contre des démons plutôt coriaces. Elle lui avait promis d’être présente pour lui et elle l’était, le laissant être silencieux s’il le souhaitait, le réconfortant lorsque c’était ce dont il avait besoin. Et au fil de la soirée d’hier, l’accumulation du travail et de son combat contre la drogue avaient eu raison de lui au point qu’il s’endorme sur le canapé. L’écrivaine avait hésité un temps à le réveiller mais elle n’avait aucune envie qu’il reparte au beau milieu de la nuit, elle n’avait pas non plus envie qu’ils se retrouvent à nouveau dans le même lit. Ses sentiments étaient partagés, elle ne voulait plus le quitter mais craignait de trop s’en rapprocher.

Au réveil, ils avaient été bien moins gênés qu’à Suzuka et elle se félicitait d’avoir su garder ses distances. Il n’était pas nécessaire de lui dire de faire comme chez lui, ils savaient tous les deux qu’il avait déjà adopté quelques réflexes dans le loft, alors elle avait filé sous la douche en lui accordant un simple sourire pour le laisser émerger tranquillement. Ce moment sous la douche avait duré un peu plus qu’à l’accoutumée parce qu’encore une fois, toutes les questions qu’elle ne pouvait pas exprimer haut et fort tournaient en boucle dans son esprit. Seule l’impression d’avoir entendu quelqu’un sonner l’avait sortie de ses pensées et en terminant de se préparer, elle avait eu bien du mal à comprendre ce qui pressait autant Arthur. « Greta ? Tu peux venir s’il te plaît. » Tout en continuant de se brosser les cheveux, elle avait répondu sans être sûre qu’il l’entendait réellement. « Si t’as encore bloquée la machine à expresso … » Deux simples boutons sur lesquels appuyer mais il ne savait toujours pas s’en servir. « Maintenant ! » Son front s’était plissé et elle s’était pressée, inquiète de ce qui pouvait être aussi urgent. En sortant de la pièce, elle entendait des bribes de voix et elle l’imaginait au téléphone. « Tout va bien ? Qu’est-ce qui se passe Swann ? »  En s’approchant d’Arthur sans donner énormément d’importance à ce qu’il venait de dire parce qu’elle n’était pas sûre d’avoir bien entendu et qu’elle ne s’imaginait pas ce qui était en train de se tramer, elle avait répondu à la façon dont il l’avait pressé. « Oh j’adore quand t’es autorit… Swann ! » Et la couleur de son visage avait instantanément changé pour se parer d’un rose vif en se trouvant nez à nez avec son ami. Elle était restée là, silencieuse, alors qu’elle regardait tantôt les visages de Swann et sa fille puis celui d’Arthur. Si elle avait été là, elle n’en aurait pas été au point de demander à Arthur de se cacher dans le placard comme s’ils étaient les personnages principaux d’une comédie, mais elle aurait au moins pu ouvrir la porte à sa place. « Je suis désolée je me souvenais pas que tu devais passer … » Greta avait beau réfléchir et repenser aux échanges de message qu’elle avait eu avec Swann, elle ne se souvenait pas du moment où il lui avait dit qu’il passerait. Evidemment, eux n’en étaient plus à se demander s’ils pouvaient passer l’un chez l’autre et se permettaient parfois de venir à l’improviste mais le moment était extrêmement mal choisi. « Enfin je suis contente de vous voir, hin. » Swann, en revanche, ne semblait pas partager le sentiment et elle comprenait maintenant ce qu’elle avait entendu en traversant le couloir, Arthur avait déjà pris les devants en lui demandant ce qu’il se passait alors sans plus un mot, elle s’était installée sur une chaise haute, tentant de rendre le plus normal du monde la présence de l’anglais chez elle, tout comme le fait qu’il ait été celui qui avait ouvert la porte.

« C’est pas ce que tu crois. »
« Peu importe, je suis heureux pour vous. »

Il n’y paraît pas derrière son regard noir, mais cela tient sa vérité. C’est évidemment ce qu’il croit, et il est heureux pour eux, parce qu’il n’a jamais caché espérer qu’ils forment de nouveau un couple lorsqu’assez d’eau aura coulé sous les ponts, ce qui semble désormais être chose faite. Il aurait simplement aimé l’apprendre d’une autre manière et à un autre moment ; moment au cours duquel Arthur aurait été habillé et sa fille absente de la discussion. « Greta ? Tu peux venir s’il te plaît. Maintenant ! » Il allie la demande express de Swann à des ordres donnés à Greta en hurlant, ce qui pousse Swann à bercer sa fille un peu plus tendrement pour qu’elle ne s’agite pas davantage.

Finalement, c’est surtout la question d’Arthur qui le déstabilise dans cette histoire. « Tout va bien ? » Il l’observe un moment, trop surpris pour répondre. Jamais Arthur ne lui demande comment il va, ou tout du moins jamais il ne le fait sans avoir à demander quelque chose juste ensuite. Tout est toujours calculé, tout est toujours lié à ses propres désirs et besoins. Pas ce matin, parce qu’Arthur n’a rien à y gagner à lui demander ça, même pas du temps. « Qu’est-ce qui se passe Swann ? » L’anglais, un brin calmé, ouvre la bouche pour trouver de quoi lui répondre mais la referme aussitôt lorsque les pas de Greta se font entendre, puis sa voix. Elle aussi, de toute évidence, ne s’attendait pas à trouver leur ami commun dans son salon, la petite sous le bras. Son regard s’attarde sur Arthur une seconde de plus, désolé. « Je suis désolée je me souvenais pas que tu devais passer … Enfin je suis contente de vous voir, hin. » Elle s’installe finalement comme si elle était chez elle, sans doute justement parce qu’elle est la seule personne du trio à être chez elle. Swann fait le choix de ne pas lui faire de remarques quant à la présence d’Arthur dans cet endroit, ayant déjà trop joué au flic à ses yeux. Cela ne lui ressemble même pas. « J’ai une urgence, je dois aller à Sydney chercher un ami. » Sa soeur, mais peu importe. Il a besoin de la voir de ses propres yeux pour s’assurer qu’elle n’est pas un mirage, et avant d’oser en parler autour de lui. Après tout, il s’agit d’une personne n’ayant pas donné le moindre signe de vie depuis deux ans et Swann, de son côté, pense déjà qu’il aurait dû décrocher le téléphone de son psy plutôt que d’embêter Rory au beau milieu de la nuit américaine. « Tu peux me garder Robin 24h ? Je fais l’aller-retour le plus rapidement possible. » Mais ce pays est foutrement grand et la voiture foutrement lente en comparaison. Son regard trouve Greta pour lui assurer qu’il ne s’agit pas d’une blague, et jurer par la même occasion qu’il lui revaudra ça. « Rory est à New York. Je sais que je débarque à l’improviste, enfin je le vois… mais j’ai pas confiance en beaucoup de personnes en ce qui la concerne. » Parce qu’elle est la chair de la chair quoiqu’en dise la science de la génétique et qu’il la chérit bien plus que toutes choses sur cette Terre. Robin est la prunelle de ses yeux, et il ne se pardonnerait jamais qu’il lui arrive quoi que ce soit, raison pour laquelle c’est à Greta qu’il souhaite la confier et personne d’autre - pas même Arthur, avec qui son amitié vieille comme le monde ne suffit pas à lui donner des circonstances atténuantes. Il n’avait même pas eu l’occasion de la rencontrer jusque-là. « … et c’est si jamais vous aviez rien prévu de plus. » Malgré tout, il ne veut pas déranger et il sait à quel point la présence d’un bébé chamboule chacune des habitudes du quotidien, à commencer par ses liens avec autrui. Pour cette raison, son regard passe donc de Greta à Arthur, à qui il demande son accord par extension, à peu près certain qu’il n’avait pas pour intention de quitter cet endroit de si tôt. « Je vous le redevrais. » Et il tient toujours parole, ils savent au moins ça.

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Il n’était plus certain de comprendre ce qui était en train de se dérouler. Ce n’était pas du genre de Swann de se faire aussi insistant et surtout aussi distant. C’est comme s’il préférait ne pas prendre en compte la présence d’Arthur tant il semblait presser de s’adresser à l’habitante des lieux. Planté face à son ami, il laissa son regard s’attarder sur la petite fille qui se cachait dans les bras de son papa. C’est la première fois qu’Arthur la voyait et ce n’est pas vraiment de cette manière qu’il avait imaginée leur rencontre. « Oh j’adore quand t’es autorit… Swann ! » Il aurait eu envie de jeter un truc sur Greta tant, son timing se voulait merdique. Lui jetant un regard noir, il la laissa prendre pleine conscience de la présence de Swann dans son entrée. Arthur rêvait de s’échapper. Est-ce qu’en faisant quelques pas en arrière les deux pourraient oublier sa présence ? « Je suis désolée je me souvenais pas que tu devais passer… Enfin je suis contente de vous voir, hin. » Donc cette visite se voulait totalement impromptue. Comme si Swann avait parfaitement choisi son moment. « J’ai une urgence, je dois aller à Sydney chercher un ami. » Ses sourcils se haussèrent sous le coup de la surprise. Un ami à aller chercher à des milliers de kilomètres d’ici ? « Qui ça ? » Ce n’était pas la question à poser, mais les mots lui échappèrent sans aucun contrôle. Sentant le regard de Swann sur lui, Arthur baissa la tête, s’occupant les mains en essayant de boutonner sa chemise convenablement cette fois. « Tu peux me garder Robin 24h ? Je fais l’aller-retour le plus rapidement possible. » Tout cela sonnait affreusement étrange. Est-ce que Rory ne pouvait pas veiller sur leur fille ? Est-ce qu’il partait avec lui ? Arthur dut se retenir de laisser s’écouler son flot de questions. « Rory est à New York. Je sais que je débarque à l’improviste, enfin je le vois… mais j’ai pas confiance en beaucoup de personnes en ce qui la concerne. » Il eut un rire nerveux. Bien sûr qu’il ne faisait pas partie de la liste de ceux digne de confiance pour surveiller la fille de son meilleur ami. Arthur se demandait véritablement ce qu’il faisait au milieu de cette conversation quand il était très clair que Swann n’avait aucunement l’intention de s’adresser à lui. « … et c’est si jamais vous aviez rien prévu de plus. » Ah, finalement, Swann s’était peut-être souvenu de sa présence. « Je vous le redevrais. » Bien sûr. Il le redevrait à Greta surtout. Échangeant un regard avec la jeune femme, Arthur finit par hausser les épaules. « J’ai une réunion dans une heure. » Autrement dit, il n’avait pas l’intention de rester. « Sois rassuré, je serais pas dans le coin. » Ayant enfin fini de glisser les pans de sa chemise dans son pantalon, Arthur retourna à sa tasse de café. Il fallait qu’il s’en aille désormais, il avait déjà un peu trop abusé de la gentillesse de Greta et ne souhaitait réellement pas s’entendre à nouveau dire qu’il n’était pas digne de confiance sur quoi que ce soit.

Si les yeux d’Arthur avaient pu parler, les mots utilisés auraient probablement été extrêmement colorés et elle lui avait rendu son regard avec un manque de discrétion flagrant. Comment aurait-elle pu imaginer que ce serait Swann qui se tiendrait dans l’entrée ? Les événements semblaient s’enchaîner à une vitesse folle sans qu’elle ne puisse réellement suivre la cadence et elle était persuadée d’avoir oublié sa visite. Pourtant, le visage de Swann restait fermé et elle savait pertinemment le sourire en coin qu’il aurait normalement dû afficher en voyant ces deux-là ensemble alors elle avait rapidement oublié la noirceur d’Arthur pour se concentrer sur son ami. « J’ai une urgence, je dois aller à Sydney chercher un ami. » Ils étaient obligés de s’inquiéter, parce que l’imprévu n’avait pas réellement eu sa place dans la vie de Swann depuis qu’ils le connaissaient. Greta pouvait jeter des coups d’oeil à Arthur pour venir vérifier qu’il arborait la même expression qu’elle, le front plissé et l’air interrogateur, auxquels lui avait décidé d’ajouter des bras croisés. « Qui ça ? » Il était sur la défensive, et si Greta avait pris conscience du malaise que constituait le fait que Swann les ait surpris, elle avait peut-être minimisé celui qui découlait du fait que Arthur pouvait voir Swann lui demander un service. A elle, plutôt qu’à lui. Et sans réellement le contrôler, elle ressentait quelque chose qui était un mélange de culpabilité et de tristesse en le voyant planté là avec l'air désabusé. « Tu peux me garder Robin 24h ? Je fais l’aller-retour le plus rapidement possible. » Il s’adressait uniquement à elle et elle aurait voulu répondre qu’ils étaient tous les deux capables de la garder, ensemble, si le doute ne planait pas au-dessus d’eux depuis quelques mois. Alors que ses yeux s’étaient posés d’abord sur lui, elle n’avait pas eu le temps d’acquieser pour confirmer qu’elle lui rendrait bien évidemment service avant qu’il reprenne. « Rory est à New York. Je sais que je débarque à l’improviste, enfin je le vois… mais j’ai pas confiance en beaucoup de personnes en ce qui la concerne. » L’écrivaine n’avait donc pas oublié le rendez-vous ce qui lui enlevait une énorme épine du pied, elle aurait détesté endosser le rôle de l’amie qui négligeait les siens pour les mauvaises raisons. « … et c’est si jamais vous aviez rien prévu de plus. » Greta avait machinalement tourné la tête vers Arthur parce qu’elle n’avait finalement aucune idée de ce qui était prévu pour aujourd’hui, tout simplement parce qu’il n’était pas prévu non plus qu’il soit là à son réveil. « J’ai une réunion dans une heure. » Et l’atmosphère pesante avait probablement évité qu’ils réalisent tous les deux la façon dont l’expression sur son visage avait changé, témoignant de la déception de la blonde de le voir repartir si vite.

« Je vous le redevrais. » avait ajouté Swann et elle avait levé les yeux au ciel, l’une des choses qui rendait cette entrevue étrange était le fait que c’était sur son épaule qu’elle avait pleuré toutes les larmes de son corps à cause d’Arthur en arrivant ici. Il ne lui avait jamais rien demandé en retour et Greta n’avait aucune envie que passer du temps avec la fille de son meilleur ami soit associé à un fardeau. « Sois rassuré, je serais pas dans le coin. » Sa remarque venait de confirmer la façon dont il avait interprété toute la scène qui venait de se jouer et Greta refusait de le laisser tirer ces conclusions là même si elle devait admettre que Swann ne lui facilitait pas la tâche. Attrapant la petite Robin des bras de son père, elle l’avait portée jusqu’à se tenir aux côtés d’Arthur. « Ca s’annule une réunion, non ? Regarde elle te fait déjà les yeux doux… Dis coucou à Arthur, Robin » avait-elle dit en attrapant la main de la petite fille pour lui faire faire un petit salut. Le regard de Robin s’était fait un peu plus grand alors qu’elle observait les traits de cette personne qu’elle n’avait jamais rencontrée, celui de Greta en avait profité pour se poser sur Swann et le rappeler à ses obligations de meilleur ami. Présenter sa fille en bonne et due forme, par exemple, même si elle était consciente que tout dans cette situation rendait difficile des comportements normaux. « Tu sais que c’est pas du tout une corvée, tu peux partir tranquille. Mais nous on le sera pas si tu nous en dis pas un peu plus sur ce qu’il se passe. » avait-elle repris pour s’assurer qu’il ne s’échappe pas en la laissant avec une petite fille à gérer et un grand enfant à raisonner.

« Qui ça ? »
« On en parlera à mon retour. »

Ils parleront de l’identité de cet ami et ils parleront aussi, tout court. Ce n’est pas un sujet que Swann peut se contenter d’aborder en quelques minutes, à la volée. Il ne veut d’autant plus pas en parler dans une telle tension environnante, parce que Ginny ne mérite pas que son prénom soit associé à de quelconques tensions, même s’il continue d’espérer que sa grande soeur a une sacrée bonne excuse sous le coude pour expliquer son absence de deux ans et, surtout, le manque de réponse de sa part. Arthur est vexé, il le voit sans mal, mais le moment n’est pas venu pour lui de jouer au Swann et d’apaiser son ami. « J’ai une réunion dans une heure. Sois rassuré, je serais pas dans le coin. » Et s’il ne répond rien, dans le fond, c’est parce qu’il est soulagé de l’apprendre. Il lui fait confiance sur sa vie en ce qui le concerne, mais pas en ce qui concerne Robin. Il ne se pardonnerait jamais s’il lui arriverait quoi que ce soit, et il pardonnerait encore moins Arthur. Ce sont autant de choses qu’il n’a pas le temps de discuter avec lui et qu’il n’avait pas non plus anticipées, parce que Greta était supposée être seule. Maintenant, il est trop tard pour qu’il pense confier sa fille à quelqu’un d’autre.

Lorsque son ami prend à son tour Robin dans les bras, Swann n’arrive pas à se détendre. Il observe la scène avec souci, surtout lorsqu’elle finit par rejoindre les côtés d’Arthur pour la lui présenter: une scène qui ne s’était encore jamais produite avec Swann, même alors que le nourrisson est dans leur vie depuis plusieurs mois maintenant. Il n’a jamais caché avoir besoin de temps mais n’a jamais précisé la durée en question. Malgré le regard noir que Greta lui tend à son tour, il campe de façon inhabituelle sur ses positions: il ne regrette pas de ne pas avoir déjà présenté sa fille à son meilleur ami mais il regrette cependant que cela se fasse dans une urgence aussi paradoxale. Son regard naturellement noir ne perd pas une miette de la scène, pesant le pour et le contre pour finalement emmener Robin avec lui et ainsi, au moins, l’avoir toujours sous les yeux. « Tu sais que c’est pas du tout une corvée, tu peux partir tranquille. Mais nous on le sera pas si tu nous en dis pas un peu plus sur ce qu’il se passe. » Greta est au four et au moulin à la fois et ce sont des batailles qu’elle ne peut pas mener de front. Qui plus est, il ne veut pas mettre la lumière sur lui alors qu’elle va devoir s’occuper de Robin pendant toute une journée, ce qui n’était jamais arrivé jusque là. Il lui doit des explications, évidemment, mais elles devront attendre son retour pour exister. « J’ai ses affaires pour la changer et tout le reste dans la voiture. » Il revient, donc, mais il ne compte pas s’expliquer et parler davantage, comme le prouve la marche arrière qu’il fait déjà pour aller chercher les sacs en question - lesquels existent bel et bien, l’excuse n’en étant qu’à moitié une.

« Si y’a le moindre problème, c’est moi que tu appelles. » Il sera toujours disponible, le sommeil n’étant pas au coeur de ses priorités pour l’heure. Et Rory s’en fait déjà assez pour l’histoire de Ginny, il ne veut pas qu’il soit inquiété davantage, surtout qu’il ne pourra rien faire depuis New York. « Elle a mangé avant de partir mais c’est un goinfre. » Il ajoute, véritable stéréotype du père inquiet qui énumère tout ce qui lui vient à l’esprit. Son regard noir est troqué pour quelque chose d’infiniment plus doux lorsqu’il abandonne son rôle pour retrouver le Swann que tout le monde connaît, gommant la distance entre eux pour retrouver Robin et l’embrasser tendrement sur le front. S’il avait été certain que les retrouvailles se passeraient bien, il l’aurait emmenée avec elle mais ce n’est pas le cas. Il se redresse pour embrasser Greta sur la tempe, la remerciant dans un murmure d’accepter cette demande sur le pied levé. A Arthur, il n’offre évidemment aucun baiser. « On parle demain. » Et cela n’a rien d’une question, ni même d’une proposition qui pourrait connaître une réponse négative. Ils parleront.

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« On en parlera à mon retour. » Il ne lui restait qu’à hocher la tête face à la soudaine autorité dont Swann faisait preuve. Rien ne sonnait juste dans ce manque de justification. Comme s’il s’apprêtait à faire quelque chose d’illégale. Cela aurait presque pu paraître crédible s’il ne s’agissait pas de Swann. Il ne faisait rien de répréhensible, jamais. Et pourtant, il semblait bien déterminer à ne rien dire. Il allait rejoindre un ami, fin de l’histoire. Arthur aurait pu se contenter de cela. Après tout, il se fichait bien des allée et venues de son ami, Swann était majeur et vacciné. Ce qui devenait blessant était plutôt la manière dont Swann paru soulager à la simple idée de savoir qu’Arthur ne passerait aucun moment avec sa fille. Alors ils en étaient venus là ? Amis de temps à autre, mais pas assez pour le laisser autant entrer dans sa nouvelle vie rangée de petit mari de banlieue ? Qu’est-ce qu’il croyait, Swann ? Qu’Arthur allait s’en prendre à sa fille, qu’il ne ferait pas assez attention à ce qu’il sait être un petit être fragile ? Blessé par l’évident manque de confiance, il n’avait plus qu’une seule envie : fuir cette maison. « Ça s’annule une réunion, non ? Regarde elle te fait déjà les yeux doux… Dis coucou à Arthur, Robin » Son regard passa de l’air inquiet de Greta aux yeux ronds de la petite fille désormais dans ses bras. Elle était mignonne Robin avec ses joues rebondi et son air innocent. Il lui accorda un léger sourire, mais rien de plus. Il n’avait pas le droit de l’approcher, il l’avait bien senti. Le message était clair.

Swann se lança dans un ballet d’aller et retour entre l’extérieur et la maison, déposant des affaires pour bébé dans l’entrée, sans jamais défaire son regard de sa fille. Il jouait les papas poule à l’extrême et Arthur se retenait, avec violence, de faire la moindre réflexion. « Si y’a le moindre problème, c’est moi que tu appelles. » Il ne sut retenir un raclement de gorge. Bien sûr, il ne fallait surtout pas qu’elle appelle Arthur à l’aide. Sait-on jamais qui lui vienne l’idée de kidnapper un bébé ou de lui faire du mal intentionnellement. Swann devenait blessant dans sa paranoïa et Arthur n’était plus en capacité de contrôler ses émotions. « On parle demain. » Ou jamais. Jamais, c’était bien aussi. En tout cas, à cet instant précis. Il observa son ami embrasser sa fille pour la seconde fois et alors que son instinct lui hurlait de demander à Swann de faire attention sur la route, il se contenta de lui tenir la porte ouverte. Aucun mot ne franchira la barrière de ses lèvres, Arthur se contentant d’observer son meilleur ami entrer dans sa voiture et entamer sa marche arrière. Tout était étrange dans son comportement, mais dans son égoïsme pas tenté, Arthur ne voyait que ce qui l’avait heurté.

Rentrant à l’intérieur, il s’empressa de récolter ses affaires pour mieux foutre le camp, sans adresser la moindre parole à Greta. Qu’ils aillent tous se faire foutre avec leurs jugements à deux balles.