Il ne pensait pas franchement dire ça un jour Mickey, mais il ferait presque bon vivre dans ce studio depuis qu'il en a revu la décoration. Ce n'est l'histoire que de murs repeints et de cadres changés mais c'est déjà beaucoup pour lui, après avoir passé les quatre dernières années de sa vie à tourner en rond dans ce trou à rats presque aussi délabré que lui. Les fissures de son salon sont rebouchées à défaut que les siennes le soient aussi et figurent désormais un peu partout les dessins encadrés de sa fille, bien plus à leur place ici que lorsqu'ils dépendaient de l'adhérence des pauvres magnets de son frigo. Ainsi Lola a enfin chez lui la place qu'elle mérite, ce n'est pas ce qui remplacera ses absences et toutes ces fois où Mickey a manqué d'être un père digne de ce nom mais il est fier de la petite artiste qu'elle est en train de devenir, comme de poser les yeux sur ses exploits chaque fois que le besoin de s'y raccrocher se fait ressentir. Pour son anniversaire, Lola l'a d'ailleurs honoré d'un dessin supplémentaire et ce dernier devrait cette fois trôner sur un mur de sa chambre, sans aucune crainte que toutes les pièces de son studio finissent par y passer car c'est important qu'il se souvienne Mickey, de cette petite fille qui compte sur lui. Elle aura bientôt huit ans, huit ans bon sang, et croire qu'il n'a pas déjà commencé à économiser pour cet événement comme pour Noël serait mal le connaître, au milieu de toutes ces dettes que le boxeur peine encore à éponger. Il n'aime pas spécialement penser au temps qui passe et voir sa fille grandir lui met un coup, bien plus qu'il ne subit au final les années s'ajoutant à son propre compteur de vie car vieillir, Mickey s'en fiche pas mal lui. Peut-être qu'il déjouera les pronostics selon lesquels il ne devrait pas dépasser l'âge de son défunt père, ou peut-être qu'à l'inverse les quarante ans sont un objectif bien trop optimiste à se fixer en ce qui le concerne – il préfère ne pas tellement s'en soucier, à vrai dire. C'est évident que le boxeur vit aujourd'hui sur une corde et que ses proches savent un peu trop bien le lui rappeler, mais aucun sous-entendu de ce genre ne vient ponctuer le message de sa petite sœur lorsque celle-ci se souvient du vieux croûton qu'il devient, annonçant en prime sa visite. Mickey comprend alors qu'il dispose tout juste d'assez de temps pour arranger son intérieur et ne laisser en évidence que le plus présentable, de quoi l'amener à jeter au placard tout ce que Lashana n'est donc pas censée voir. C'est un peu trop bien rangé pour qu'elle puisse y croire, sans doute, mais c'est toujours mieux qu'un aperçu de plus de sa débauche, bien connue à défaut d'être toujours très visible.

Il ne lui faut que quelques secondes pour traverser son salon et se diriger vers sa porte, conscient que sa sœur n'est pas de celles que l'on peut faire attendre et qu'il n'a aussi aucune excuse pour se prétendre occupé. « Hey, je sais que j'ai quelques jours de retard, le boulot, la vie, tout ça, mais je viens en paix. Joyeux anniversaire au fait. » Il accueille le baiser sur sa joue avec le sourire, pourtant peu sensible aux vœux d'anniversaire en temps normal car il apprécie avant tout de la voir, bien plus qu'il ne serait content de voir débarquer Junior, cela va de soi. « Du gâteau et un cadeau, pour le meilleur grand frère de l'univers. » Lashana n'est pas venue les mains vides mais ce sont bien ses mots qui arrachent une première réaction à Mickey, plus amusée qu'autre chose ici. « Est-ce que le meilleur grand frère de l’univers est avec nous dans cette pièce ? » Sûrement pas, il est même le premier à douter d'en mériter le titre comme à supposer que Lashana n'en pense rien elle non plus, dans le fond. Mais qu'importe, il peut au moins prétendre y croire aujourd'hui. « Quoi que... Tu feras gaffe, t'as de la sérieuse compétition à ce niveau-là. » Les sujets qui fâchent, déjà. C'est suffisant pour que les traits de son visage se referment, comme chaque fois qu'il peut penser à leur si modeste frère. « Attention, là tu m’insultes. » remarque-t-il comme un avertissement qui ne vaut au final pas grand-chose car il y a bien longtemps qu'il n'a plus son mot à dire Mickey, autant donc accepter son sort ainsi que la vieillesse qui le guette, tant qu'à faire – Junior aurait déjà pointé du doigt sa mine affreuse, lui. « C'est du cidre sans alcool, ça va bien avec le gâteau visiblement, tout le fun qu'il faut avec du sucre en plus. » Sans alcool ? Le visage du boxeur se décompose quelque peu face à cette précision, alors même que sa sœur ne pourrait pas lui rendre un meilleur service. Qu'il se calme sur la boisson au moins un foutu jour dans sa vie, ce n'est quand même pas la mer à boire, si ? Récupérant la bouteille qu'il dispose aussitôt sur la table basse, Mickey fait ensuite de même avec le gâteau qui n'a pas l'air mauvais du tout, c'est un fait. « T’étais pas obligée de faire tout ça tu sais, le cadeau et le reste. » Peut-être qu'une part de lui ne veut pas la voir dépenser son argent pour lui, oui. Ou peut-être aussi qu'il ne sait pas bien gérer les attentions du genre, même quand elles proviennent de sa famille. C'est juste une bougie de plus, sinon pourquoi la plupart des gens qu'il connait ont oublié de le lui fêter ? Ce n'est plus important depuis longtemps, cet âge que Mickey met uniquement à jour pour le principe. « Un message aurait suffi, ou une carte virtuelle bidon si t’y tenais vraiment. Mais merci. » Il sourit malgré tout et cela sincèrement, plus touché par la présence de sa petite sœur en elle-même que par ce qu'elle a apporté, autant se l'avouer. « Si la déco te semble différente c’est normal, j’ai repeint mes murs histoire que ce studio ressemble un peu plus à quelque chose. Mais j'ai pas choisi la couleur, au cas où. » Inutile donc de critiquer ce brun en pensant que le choix était le sien, son amie ayant pris cette question-là en mains le jour où ses efforts se sont combinés aux siens mais tout ça n'est rien d'autre qu'un prétexte pour faire la discussion, tous deux le savent bien. « C'est vraiment juste pour me rappeler à quel point je deviens vieux que t'es là ? Ou tu voulais aussi voir de près ce qui t'attend dans quelques années, niveau rides et autres joyeusetés ? » Comme si les Reeves n'étaient pas réputés pour être sacrément bien conservés, et cela bien sûr en toute objectivité.

Michael ne tarde bien évidemment pas à être nommé, comme une étiquette que sa sœur refuserait catégoriquement de décoller. Ils ne sont pas nombreux à l'appeler encore comme ça mais Lashana n'en démord pas, se fichant bien du diminutif adopté il y a une éternité ou de ceux parvenant à faire plus court encore, tant son nom peut connaître de variantes étonnantes. Pas de ça entre eux donc, les fioritures passant bien plus par ces choses que la benjamine Reeves a apporté pour son anniversaire et rappelant à Mickey, s'il devait l'oublier, que le train des années n'a en ce qui le concerne toujours pas déraillé. Lui si par contre, il y a même bien longtemps qu’il a quitté le droit chemin et c'est bien parce qu'il ne contrôle plus grand-chose et sa rage la première qu'un petit rafraichissement était cruellement nécessaire par ici, de quoi lui permettre d'accueillir Lashana dans des conditions presque décentes, pour une fois. « Et je ne suis pas là pour critiquer ta déco, tu as un toit au-dessus de ta tête, c'est le plus important. Tu devrais voir mon appartement, j'ai acheté des cadres photos, j'ai laissé les photos des inconnus dedans. » Des inconnus plutôt que sa famille, est-ce vexant ? Pas tellement quand il y pense, et cela sans doute parce que Mickey n'a pas la prétention d'apparaitre dans le moindre cadre aujourd'hui. Il n'est pas vraiment celui dont on a de quoi être fier, et donc pas celui que l'on aurait tendance à afficher fièrement, il le sait. Si Lashana se plait dans un appartement décoré de cette façon alors c'est une bonne chose pour elle, et certainement aussi un juste retour de bâton pour lui. Il subit au moins le même sort que Junior et cette pensée lui plait, quand bien même la remarque qui lui échappe ne concerne pas le moins du monde leur frère – penser à lui, c'est déjà trop dirait-il. « Justement ça fait longtemps que j'y ai pas mis les pieds dans ton studio. » Et il jurerait que ces mots sont débités en toute innocence, sans l'ombre d'une arrière-pensée. Tu devrais voir mon appartement, c'est elle-même qui l'a dit et à cela, Mickey ne peut que lui répondre que sa dernière venue ne date pas d'hier, sans rien sous-entendre de plus. « C'était juste un constat, ça veut pas dire que j'attends quoi que ce soit. » Une invitation en l'occurrence, car il pourrait potentiellement l'attendre un moment n’est-ce pas. C'est son chez elle et ça, Mickey a bien compris depuis le temps que c'était sacré, ce qui ne l'empêche pas d'imaginer parfois sa façon de vivre avec un brin de curiosité – seulement ça, ou également un peu de souci ? Lashana est une grande fille et lui le dernier à être bien placé pour lui donner des conseils, il ne devrait alors techniquement pas s'en mêler. « Est-ce le moment où je te rappelle qu'on ne va pas avoir de rides ? Pas nous. » Non, c'est vrai, leurs gènes sont bien trop magiques et face à l'évidence, le boxeur se contente de récupérer la part de gâteau qui lui est gracieusement servie.

Il a un doute pourtant, comme s'il n'était pas le genre de personne que l'on vient voir pour célébrer un anniversaire en retard. Disons surtout que Mickey n'est plus le genre de personne que l'on prend plaisir à visiter tout court, la débauche de sa vie ne donnant pas franchement envie à ses proches de l'admirer de trop près car même en s'annonçant, on ne sait jamais vraiment sur quoi on est susceptible de tomber avec lui. Lashana a pris ce risque pourtant, et il devrait donc croire que ses raisons ne vont pas chercher plus loin que cette bouteille qu'il prend lui-même le soin d'ouvrir. Du soft pour faire passer quoi, au juste ? « J'ai besoin d'une raison pour venir te voir maintenant ? Hmm... c'est nouveau. » Ce qui n'est pas nouveau en revanche, c'est le flair du boxeur lorsque sa sœur tente de lui cacher quelque chose. Ce n'est peut-être rien de grave mais il pourrait mettre le doigt dessus, quelque part entre son sourire forcé et sa voix sonnant un peu trop faux. « Je suis pas en train de m'en plaindre, je te connais juste un peu trop bien pour savoir que c'est rarement juste pour ça. » C'est une façon subtile de lui demander d'arrêter de lui mentir car la braquer ne servirait à rien, si ce n'est à écourter sa visite. Et ce n'est pas ce qu'il veut Mickey, pas alors que son instinct lui hurle de creuser la question afin de ne pas rester sur cette vilaine impression. « C'est mon jour de repos, je voulais te voir, je suis là. Il n'y a rien d'autre. » La voilà, la variation de voix signant la preuve que le boxeur attendait. Ce n'est l'histoire que de quelques secondes mais c'est suffisant pour le convaincre qu'elle doit en avoir lourd sur le cœur, ce que les prochains mots de sa sœur n'ont pas franchement tendance à nier. « Enfin, peut-être que... » Son haussement de sourcils est immédiat, Mickey est aux aguets comme s'il se tenait prêt à saisir la moindre information qu'elle laisserait échapper. Il stoppe même le mouvement de fourchette se dirigeant vers sa part de gâteau mais déchante aussitôt, comprenant qu'il n'obtiendra pas facilement des aveux. « Non, oublie, c'est ton moment techniquement, je ne vais pas le ruiner avec le reste. » Oublier ce qu'il vient de voir et d'entendre ? Jamais. « Mon moment, c'était avant-hier alors c'est pas en me parlant d'autre chose que tu vas le ruiner. » Et ça va, trente-quatre ans ce n’est même pas un cap. Le seul symbole que cet âge a vraiment c'est qu'il est encore bien en vie pour quelqu'un que beaucoup imaginaient effectuer un passage express dans la tombe, presque aussi increvable qu'à l'époque sur le ring. Lashana lui tourne le dos après ça et il n'en faut pas plus à Mickey pour se jurer d'en avoir le cœur net, incapable de rester avec ses doutes et ses questions car il est encore un grand frère, peu importe ce que ça doit signifier. « Où sont tes verres ? Le cidre va bien avec le gâteau, c'est ce qu'on m'a dit, l'un ne va pas sans l'autre et on va faire les choses bien. C'est important. » – « Dans le coffre sous la télé. » Mais ce n'est pas aussi important qu'elle le souligne, ce cidre est même présentement le cadet de ses soucis. « Lashana, hey. » il souffle jusqu'à parvenir à capter son regard, le sien trahissant l'irrépressible envie de lui tirer les vers du nez. « C'est le moment de le dire si t'as des problèmes, oublie deux secondes ce gâteau et ce cidre et souviens-toi que t'as un frère. » Peut-être pas celui des deux auquel elle préfère se confier, mais il veut croire que ça peut quand même un peu compter. « Il s'est passé quelque chose ? C'est quoi, le boulot ? » Ça ou bien autre chose, Lashana n'est pas dans son assiette et la raison, il désire simplement la connaître pour évaluer quel peut être son champ d'action. Avec quoi peut-il se rendre utile cette fois, ses poings peut-être ? « Si j'ai quelqu'un à cogner par contre, évite juste de le raconter à Rachel car tu sais comment elle est. » Oh, s'il savait à quel point elle la connait même bien mieux que lui, sur certains points.

Elle sait capter son attention comme personne et lui faire oublier la raison initiale de sa venue, c'est peut-être même ce qui fait d'elle une Reeves digne de ce nom alors que face à elle, Mickey n'est plus qu'une montagne de suspicions et de questions. Il ne cessera jamais de faire de sa famille une priorité, qu'importe les rapports trop souvent compliqués l'unissant à sa fratrie et ce rôle d'ainé dont il n'a pas toujours été digne, lorsque partir en vrille semblait bien plus urgent que de veiller sur eux. Il a collectionné les manquements Mickey, érigé très tôt au rang d'exemple à ne pas suivre et difficilement capable encore aujourd'hui de maintenir ses efforts sur la durée, mais bien disponible pourtant lorsque Lashana a un service à lui demander. S'il fallait éclater la figure de quelqu'un pour elle, bien sûr, Mickey le ferait sans hésiter car c'est le semblant d'utilité qu'il est parvenu à trouver en tant que frère, offrant ses poings comme réponse à n'importe quel problème comme si la violence pouvait décidément tout régler. Mais quelque chose lui fait dire qu'il ne sera pas question de remonter ses manches cette fois ou simplement pas comme il se l'imagine, son regard sondant chez Lashana le moindre indice qu'elle pourrait à présent lui fournir. « Je sais... je sais aussi que t'es pas Junior et que je ne vais pas avoir le droit à une leçon de moral mais... » Et elle ne se trompe pas, celui qui reste bien plus susceptible de la réprimander n'est autre que Junior et sous aucun prétexte Mickey ne souhaite être comparé à lui. Il peut être dur à sa manière, injuste même parfois, mais il a bien assez de ses propres erreurs pour ne pas s'amuser à pointer celles des autres du doigt. « Je n'aime pas demander cela. » Elle en a pourtant trop dit, assez pour que sa curiosité le démange mais également pour commencer à l'inquiéter car la question n'est plus de savoir s'il s'est passé quelque chose, non, tout réside maintenant dans le fait de savoir quoi. « On va dire que j'ai une amie... qui a pris quelques mauvaises décisions et qui se fait rattraper par une autorité bien supérieure. » Son histoire ne lui plait déjà pas et pour cause, il ne faut pas être sorti d'Harvard pour comprendre que sa supposée amie n'existe pas. C'est elle qui a des ennuis, n'est-ce pas ? Il s'en assure par un nouveau regard, bouillonnant à l'idée que sa petite sœur soit tombée dans un piège qu'elle n'aurait pas vu venir – et c'est doucement ironique, ici. « Et qui aurait besoin d'une somme d'argent conséquent histoire de... » De percevoir un peu mieux le bout du tunnel, sans doute, ce n'est après tout pas à son frère qu'elle va apprendre à quel point les problèmes d'argent peuvent être pesants. Mickey peut remercier les serbes de s'être chargés de son créancier car sans eux, il serait encore en train de se demander comment Dom lui fera payer son refus catégorique de le rembourser.

« Bref, je ne te demande pas de... » Cette fois, Mickey sort de son silence pour faire entendre ce qu'il en pense car il est officiellement trop concerné pour ne pas décider de s'en mêler. Il ne fallait pas le lancer sur le sujet, c'était le risque. « Prends pas de pincettes avec moi, surtout pas sur ces questions-là. » L'argent ne sera jamais un tabou entre eux, qu'importe les dettes monstrueuses que le boxeur peut encore trainer dans cette foutue ville car ça, Lashana n'est pas obligée de le savoir. Ses problèmes ne regardent que lui mais la réciproque n'est évidemment pas vraie, au cas où quiconque ne l'aurait pas encore compris. « Oublie Mickey, vraiment, je ne suis pas là pour ça ! Je peux régler cela avec quelques heures supplémentaires à l'hôtel. » Il n'oubliera rien et la laissera encore moins repartir les mains vides, pas après ces mots signant l'aveu ultime. Cet argent c'est pour elle, ça l'a toujours été et ce, peu importe ce que sa sœur peut encore trouver à lui raconter. « Je veux dire... mon amie peut travailler un peu plus. » Mickey ne l'entend pas de cette oreille lui, imaginant déjà Lashana trimer à n'en plus finir alors qu'une autre solution existe, et celle-ci se trouve juste sous son nez. Remuant la tête avec fermeté, sa voix l'est au moins tout autant lorsqu'il souligne : « Elle travaille sûrement bien assez déjà, et personne n'a envie qu'elle accepte n'importe quoi pour un peu plus de fric. » Cette amie derrière laquelle elle prétend encore se cacher, en qui Mickey ne perçoit rien d'autre qu'une sœur à protéger. Il sait un peu trop bien ce que le besoin d'argent peut amener à faire et il n'est pas question que Lashana emprunte le même chemin. « Bon. » il annonce sans autre détour, levant brièvement une main pour indiquer à sa sœur qu'il s'absente un instant et ce, pour mieux revenir armé de son portefeuille et de son chéquier. « Combien il lui faudrait à ton amie ? » Cette information-là lui manque encore mais Lashana a parlé d'une somme conséquente, le laissant ainsi supposer que l'addition sera salée. Il s'attend un peu à tout Mickey mais surtout, il se tient prêt. « C'est pas la meilleure période pour moi mais si c'est le seul moyen de t'aider alors je vais le faire, la question se pose même pas. » Ou d'aider son amie si elle préfère, oui, il jouerait à vrai dire le jeu s'il n'était pas soudainement trop sérieux pour ça. Il devait économiser pour Lola dont l'anniversaire approche et pour son Noël aussi, c'est en cela que la période n'est pour lui pas tellement idéale mais il s'arrangera, il trouvera des alternatives comme il en trouve toujours quand bien même elles ne seront encore pas les meilleures. « Et si Junior t'emmerde, renvoie-le vers moi. » qu'il ajoute, ne craignant pour ainsi dire aucune visite dont pourrait le gratifier leur ainé, et cela avant d'insister « Alors combien ? » puisque le chèque, lui, n'attend plus qu'à être complété et signé.

Pas la meilleure période ? Quand il s'agit de soutirer de l'argent à Mickey, ce n'est de toute façon jamais le bon moment et ses dettes à l'ampleur infinie tendent à le prouver. Il pourrait lui dire que les choses tombent d'autant plus mal qu'il a économisé pendant des mois pour offrir un cadeau digne de ce nom à Lola, mais a-t-il vraiment envie de la faire culpabiliser avec ça ? Non, ce n'est après tout pas la faute de sa petite sœur si ses problèmes s'alignent avec la période des fêtes, l'un des rares moments de l'année où Mickey a le sentiment de pouvoir briller en tant que père. Rien ne pourra l'empêcher d'offrir le plus beau des Noël à sa fille, c'est ce qu'il n'aurait eu aucun mal à affirmer avant que Lashana ne vienne solliciter son aide car aujourd'hui, il se retrouve à considérer l'option de sacrifier pour elle toutes ses économies. Parce qu'elle ira voir quelqu'un d'autre s'il ne remplit pas son rôle, en s'endettant on ne sait où ou bien en travaillant comme une acharnée, et il ne tient pas à la voir bêtement s'épuiser. Ces choses-là doivent rester entre Reeves et lui doit surtout endosser son rôle d'ainé lorsque la situation l'exige, de quoi l'amener à dégainer son chéquier sans même hésiter – et n'est-ce pas la seule utilité qui lui reste, quand il ne peut offrir que ses poings dans d'autres contextes ? « Mickey, je déteste te demander ça, okay ? » Il ne veut pas l'entendre, ça. Lashana est sa sœur, celle sur qui il n'a pas souvent été fichu de veiller et s'il peut se rattraper à sa manière, il ne voit pas pourquoi il s'en priverait. C'est son devoir, qu'importe s'il doit finir à l'arrivée encore plus sur la paille. « Et moi je déteste savoir que t’as des problèmes, alors laisse-moi t’aider. » Si Mickey n'était pas trop occupé à soutenir son regard pour appuyer ces mots, il pourrait avouer qu'il y a aussi quelque chose de gratifiant à être celui que l'on vient voir, comme s'il pouvait en tirer une petite victoire sur Junior. Elle l'a bien dit elle-même, leur frère est surtout bon à leur faire la leçon et c'est au moins un point sur lequel Mickey estime se démarquer, puisque juger les erreurs et les problèmes des autres ferait à coup sûr de lui un homme extrêmement mal placé. « Je te rembourserai dès que je peux, chaque centime s'il le faut, je suis sérieuse. » – « T’inquiète pas déjà pour ça, okay ? » il balaie aussitôt d'un geste furtif, se fichant bien là tout de suite de la façon dont Lashana lui rendra ce fric. Quand bien même Mickey en aurait besoin, tous deux savent bien qu'il ne courra jamais après. Ce qu'il donne n'a pas vocation à revenir vers lui, tout du moins lorsqu’il s’agit d’elle car du reste, les mauvais payeurs ont à chaque fois la garantie d'obtenir de ses nouvelles.

« Je... » Ses yeux ne se détachent pas de ceux de Lashana, devinant bien son embarras face au fait de devoir chiffrer sa demande alors qu'une case doit être encore remplie sur le fameux chèque. Aucune somme ne peut en principe le faire sursauter et pourtant, la jeune Reeves l'a prévenu qu'elle serait conséquente comme ce qu'il découvre bien vite ensuite. « Cinq mille dollars ? » S'il n'était pas doté d'un self-control étonnant pour quelqu'un d'aussi impulsif, Mickey pourrait réellement s'étouffer à l'entente du montant. Car c'est énorme, bien sûr, le genre de somme qu'on ne sort généralement pas de sa poche et quand autant de chiffres se suivent, ce n'est pas toujours très bon signe. « Est-ce que c'est trop ? » Il remue déjà la tête pour lui signifier que non, passant sous silence les pensées qui lui viennent, toutes dirigées vers sa fille. C'est un argent qu'il n'aura pas pour gâter Lola mais il se débrouillera, Lashana compte sur lui et pour compenser toutes les fois où il n'a pas été le frère qu'elle méritait, Mickey n'a pas à débattre bien longtemps avec lui-même. « Tu as le droit de le dire que c'est trop, je ne t'en voudrais pas. » Ce n'est pas trop, pas pour elle, et comme il a pu le dire un peu plus tôt la question ne se pose même pas. « C’est la somme dont t’as besoin, donc tu l’auras. » il annonce simplement, saisissant au passage un vieux stylo trainant par là et dont l'encre s'est bien évidemment fait la malle. Il lui faut alors frotter ce dernier sous sa semelle pour le faire fonctionner, après quoi Mickey s'applique à remplir le chèque pour finalement le lui remettre, sans l'ombre d'un regret mais en revanche plus pauvre que jamais. « Voilà. Cinq mille dollars, ils sont à toi. » Et s'il se jure bien une chose à cet instant, c'est de ne pas lui poser plus de questions. Il choisit de faire confiance à sa sœur même si la laisser repartir avec ce chèque l'amène à se sentir comme un portefeuille sur pattes. Il hausse alors les épaules comme si tout cela ne changeait pas grand-chose pour lui, certain pourtant qu'il devra après ça multiplier plus que jamais ses trafics. « T’en fais pas pour le fric, il me manquera moins qu’à toi. » Ce n'est pas forcément vrai mais ça n'a aucune importance pour Mickey, soucieux avant tout d'œuvrer à la résolution de ses problèmes car les siens attendront. « Et sois prudente, hm ? Appelle-moi si ton histoire s’arrange pas, je t’aiderai autrement. » Inutile de préciser de quelle façon il prétendra l'aider si ce chèque ne suffit pas, tout comme de rappeler que la violence est la meilleure réponse qu'il puisse à chaque fois trouver, dans un monde où les choses n'ont de sens que comme ça. Mickey tente après ça un sourire, aussi mince soit-il. « J’espère que t’as faim car on a encore un gâteau à honorer et à mon grand âge, c'est important d'entretenir son diabète. Je te retiendrai pas après ça, promis. » Puisqu'il peut sans doute déjà s'estimer heureux de cette visite, peu importe quel en était le véritable motif.