Je ne l'avouerais sans nul doute jamais mais j'avais osé regretter avoir affirmé à mon équipe de retourner à l'hôpital pendant que je restais derrière, dans ce qui me paraissait l'œil de la tempête. Ils m'avaient quitté avec la promesse du renfort des pompiers en route, tandis que le vent battait férocement contre les parties de mon corps qui n'étaient pas ensevelis sous un épais tronc d'arbre qui avait fracturé sans merci ma jambe. A la chaleur qui glissait le long de mon épiderme, je savais que la plaie était ouverte, que le sang se déversait et que la blessure était assez profonde pour que la coagulation ne soit pas une affaire de quelques minutes. Tandis que je marinais dans la boue, la terre et l'eau de pluie, je songeais aux multiples bassins de germes qui pourraient gaiement s'incruster dans ma jambe et me faire devenir un cas intéressant au service de St Vincent's, de ceux dont on parle à la pause et dont le laboratoire s'enthousiasme à la vue des boîte de Petri peu communes. De peine et de misère, j'avais malmené les brindilles de l'arbre qui me fouettaient à chaque bourrasque en les rompant et les minutes avaient paru des heures, tant que je m'étais résigné à passer la nuit ainsi. Après tout, qui reviendrait jusqu'ici pour moi, alors que d'autres appels devaient fuser, sans nul doute prioritaires ?

Frissonnant, un pompier m'avait sorti de ma torpeur une trentaine de minutes plus tard, avec un plan pour me dégager. Les douleurs vives avaient su me ramener au présent promptement et le transport jusqu'au St Vincent's avait paru interminable. Puis, tristement, je m'étais senti presque objet avec l'équipe qui s'était agitée autour de moi pendant que je luttais contre la douleur et les nausées. Les rôles inversés avaient quelque chose de presque risible quand j'étais réduit à être l'entier spectateur du ballet soignant. Rapidement, les antibiotiques et antidouleurs faisaient office de guirlande sur le pied à perfusion et je fus sommé de rester immobile une fois que les images furent prises et j'étais reconduit dans le box des urgences. Je soupirais lourdement, passant le temps à observer les outils à ma disposition et le remue-ménage à quelques mètres.

Une tornade rousse s'immisça ensuite dans le box, les reproches en déferlantes. « C'est pas pareil, Liv. » Je rappelais, sans vouloir argumenter sur le fait que je n'étais pas le seul adulte chez moi, qui rimait un peu à user un peu cruellement du célibat de ma meilleure amie contre elle-même. Je riais doucement en tentant de me redresser sous ses menaces. « Ne me décrédibilise pas. J'ai rien pu faire contre cet arbre. » Je tentais de me défendre, grimaçant sur le brancard. « Espèce de crétin, tu m'as vraiment fait flipper ! » L'étreinte de Liv eut l'effet de m'apaiser contre le matelas de cuir et je caressais doucement son dos pour la réconforter. « Je suis désolé. Tout va bien, je vais bien, » je lui assurais. « Ils attendent juste les résultats de l'imagerie mais ça va, » j'enchérissais. « T'as loupé l'occasion de me suturer. » J'essayais, plus léger. Olivia se redressait et je tentais de faire de même, bien que pénalisé par ma jambe. « Tu crois que tu peux aller me chercher une tenue ? » Je sollicitais naïvement mon interlocutrice. Je savais pertinemment que ma cheville était cassée et vu la tête qu'avait tiré Matilda lorsqu'elle avait vu ma jambe, je soupçonnais que mon tibia n'était pas indemne non plus. Elle non plus n'aurait pas dû me suivre dans l'ambulance, je restais convaincu que ça n'avait pas été sa place. D'autre part, je ne me sentais pas assez grabataire et j'étais bien trop mauvais patient pour consentir rester allongé sur ce brancard lorsque le service restait chargé par les infortunés d'Olga.

Au ton qu'employait Olivia, je comprenais spontanément que la jeune femme ne prendrait pas à la légère ma situation actuelle. Je grimaçais légèrement tout en cessant de gesticuler sur le brancard, résigné du fait de ne pas trouver de position confortable - autrement dit qui me donnait l'impression d'être réduit au rôle du patient que j'étais bien malgré moi.

Plein d'espoir, j'avais tout de même osé solliciter une tenue à ma meilleure amie ; un réel affront articulé contre lequel elle me menaça derechef sur le même ton qu'elle employait pour gronder ses enfants. Je soupirais discrètement, aucunement accommodé par les circonstances au sein desquelles Olivia se rangeait impunément du côté des soignants plutôt que du mien. « Ils attendent les résultats de la radiologie. Vu la journée, ça va prendre un moment. » Je me plaignais, essayant de jauger mes blessures en animant quelque peu ma jambe. Les nerfs étaient intacts, les saignements stoppés, la douleur atténuée par les antidouleurs intégré dans l'une de mes perfusions, pendu à côté des antibiotiques. Cependant, je me doutais que la convalescence se compterait en semaines et que dans un sens, j'avais été chanceux de m'en sortir avec seulement des fractures vu l'accident dans lequel j'avais été impliqué.

Je lançais un regard indigné à Liv qui annonça sa surveillance rapprochée. « T'as fini ton service ? » J'interrogeais dans un premier temps, jetant un coup d'œil à l'horloge en face de moi. « Et Lizzie et Lenny ? » Je poursuivais, certain que les jumeaux avaient certainement plus besoin de leur mère que moi. « Il fait encore si mauvais dehors ? » Je m'inquiétais de la circulation. Mon attention fut attirée par l'arrivée de nouveaux patients qui passèrent devant le box que je scrutais, impuissant. J'étais incapable de lâcher prise quand je me trouvais dans cet hôpital ; en témoignaient mes heures supplémentaires et ma volonté de gérer un maximum de choses, dont des tâches qui ne m'étaient initialement pas allouées. Rester cloué sur un lit en plein cyclone me désespérait. La voix d'Olivia me ramena néanmoins à l'essentiel et je comprenais aux trémolos dans sa voix que le contexte l'ébranlait bien plus qu'elle ne le laissait paraître. « Viens là, » je l'invitais doucement en utilisant mon bras encore prisonnier du brassard à tension. « Ca va aller, okay ? » Je tentais de la rassurer en caressant affectueusement ses doigts des miens. « Le plus gros du cyclone est passé et manifestement, je t'obéis. » Je reconnaissais sur un ton faussement exaspéré. « Raconte-moi comment va le patient pour qui j'ai fait office de bouclier humain. » Je sollicitais, tentant une diversion.

Je soupirais brièvement en posant mon menton contre mon buste, maintenu malgré moi sur ce lit d'hôpital, tandis qu'Olivia m'incitait à relativiser. Certes, il serait sage de ma part de me satisfaire du fait que ma condition ne nécessite pas une intervention urgente ; néanmoins, il n'en demeurait que je haïssais ce sentiment d'être prodigieusement inutile aux urgences alors qu'un cyclone amenait nombreux patients dans le service. J'aurais aimé prêter main forte à mes collègues plutôt que de représenter un patient supplémentaire à prendre en soins. « Je me sens coupable d'être cloué ici alors que je pourrais aider, » je finis par révéler à mon interlocutrice, quelque peu bougon. Puis, je tournais la tête dans la direction opposée de celle où se trouvait Olivia avant de m'inquiétier pour ses propres patients et son service actuel.

J'affichais un maigre sourire conciliant quand ma meilleure amie annonça rendre service à mes collègues en s'assurant par sa présence que je ne vadrouillerais pas dans le service, me réjouissant faiblement du fait que son service soit assez calme malgré tout. « Détenu Jensen, c'est ça ? » Je tentais laborieusement de plaisanter. Savoir que les jumeaux se portaient bien et étaient en sécurité m'ajoutaient toutefois du baume au coeur et j'espérais qu'il en allait de même pour mes propres enfants et Penny. « Tu veux bien regarder dans mon blouson si mon téléphone y est toujours s'il-te-plaît ? » Je sollicitais la rouquine en démontrant le sac contenant mes affaires ensanglantées, humides et déchirées qui partiraient majoritairement aux ordures quand je m'intéresserais à les trier. J'ignorais si mon smartphone avait résisté à la menace de l'impact de l'arbre et l'immersion dans la boue au sein de laquelle j'avais été immobilisé un long moment, mais je restais intéressé de découvrir si Penny m'avait adressé un message, surtout pour déterminer si tout se passait bien à la maison.

Cette intervention sonnait de plus en plus désastreuse à l'écoute du tableau sombre mais réaliste que me dépeignait Olivia. Si je n'affichais rien d'autre qu'une mine neutre, j'avais eu rapidement conscience que l'enfant secouru souffrait d'un traumatisme crânien et qu'une intubation avait dû être réalisée dans les plus brefs délais. Il s'était promptement présenté comme une urgence vitale et je compatissais pour ses parents qui devaient être morts d'inquiétude tout en devant se focaliser sur leurs propres blessures également. « Pauvre famille, » je finissais par commenter avant de me redresser dans le lit précautionneusement. « Tu bouges pas d'où tu es, » me menaça d'un index inquisiteur Corinne qui venait d'entrer dans le box. Elle salua amicalement Olivia avant de m'annoncer que je passerai au bloc dans la soirée où serait pratiquée une ostéosynthèse. Je ne pus que rire jaune suite à ses tentatives d'humour qui succédèrent cette annonce, le concept d'être opéré et immobilisé au minimum six semaines ne m'enchantant strictement pas. Bien vite, la logistique entourant le travail et la maison m'envahissait et je portais ma main pansée à mon front en m'horrifiant des futures difficultés incombant à la gestion des quotidiens de mes progénitures dont leurs trajets, non sans compter que je ne pourrais pas rentrer à mon domicile cette nuit et qu'il me fallait donc parvenir à prévenir ma compagne sans la faire paniquer. « Je vais essayer de prévenir Penny que je ne rentrerais pas ce soir, » je déclarais à Olivia avec une mine déconfite et un rire nerveux, une fois Corinne partie. Je suis pas dans la merde, je me retenais d'ajouter, m'évertuant à ne pas me plaindre et relativiser, quand bien même mon faciès devait trahir mes pensées.

« Tu surestimes mes blessures, » je m'entendais maugréer tandis que Olivia dépeignait, au plus grand damne de mon égo, un tableau où je représenterais davantage un poids qu'une aide pour mes collègues en situation de crise. J'affichais une moue quelque peu contrariée, frustré d'être cloué dans ce lit tandis que les silhouettes passaient et repassaient devant le box, gage d'une activité que j'estimais assez forte dans le secteur.

Olivia accepta de faire le tri dans mes affaires et revint avec les biens ayant plus ou moins survécu à ma station au sol prolongée. Je grimaçais légèrement quand elle s'enquérait sur l'inanimation de mon téléphone portable. « Je sais pas, environ la moitié de la batterie ? » Je jugeais en récupérant l'appareil qui ne répondait absolument pas aux sollicitations. Je soupirais doucement. « Il a peut-être pris l'eau, » je regrettais en tournant le moyen de communication. Je le déposais sur le brancard à côté de moi en annonçant : « Je regarderais plus tard. Merci, Liv. » Je désignais son tri de mes affaires.

Tandis que je réfléchissais aux moyens de prévenir Penny de mon retour à la maison décalé sans l'inquiéter de ma transition du rôle de soignant à celui de patient, Corinne entra dans le box en personnifiant l'oiseau de mauvaise augure. Si ses déclarations avaient été claires et précises, leur impact croissaient en moi exponentiellement, sournoisement, me rendant probablement plus silencieux que ce que Liv avait déjà pu connaître de ma part. La rouquine finit par rompre le silence tandis que mes tracas spiralaient dans mon esprit entre mes enfants et Penny. « Tout va bien se passer, Isy. Ils vont te réparer et on avisera après pour la gestion du reste. » Je levais des yeux anxieux vers mon interlocutrice. « Je suis encore un peu plus cassé, » je tentais de banaliser mais je devais sans doute paraître tel le clown le plus déprimé de l'Australie en ce moment même. Je glissais mes mains sous le drap qui me recouvrait pour le remonter un peu et me réchauffer, de plus en plus angoissé. Ma seule envie était désormais de saisir mes affaires et m'évader du centre hospitalier comme un voleur. Entre l'intervention qui ne m'intéressait absolument pas, la convalescence qu'elle annonçait et ces traces récentes sur mes cuisses en plus de leurs prédécesseurs sur mes bras qui seraient probablement vues et signalées, je regrettais de plus en plus d'avoir été de service aujourd'hui. « J'espère qu'ils ne vont pas me garder trop longtemps, » je verbalisais en portant ma main libre pansée vers mon front, gage de mon stress. Je ris brièvement lorsque ma meilleure amie m'indiqua comment m'occuper de mes enfants me fera passer le temps. C'est Penny qui sera contente. « C'est gentil, merci, » je la remerciais poliment de son offre, avant de réfléchir tout haut, n'ayant pu suivre le conseil de ma meilleure amie d'aviser plus tard que quelques secondes : « Il va falloir que je montre à Jude l'arrêt de bus et que je prévienne la garderie que Maia n'ira pas les prochains jours. » Je marquais une pause, tentant d'élaborer un plan. « Il faudra que je les appelle demain, » je prévoyais. « Je vais prévenir Penny plus tard que je suis retenu ici. Ca ne sert à rien que je lui dise ce qui se passe, elle va s'inquiéter pour rien. » Il manquerait plus que l'actrice décide de braver le mauvais temps pour être à mon chevet. Je préférais mille fois la savoir en sécurité et au sec avec les petits à notre domicile. Je baissais les yeux, sombre d'appréhensions. « Je suis dans la merde s'ils me gardent pour ce que je me fais, » je glissais nerveusement mes doigts dans mes cheveux. « Ce que je me faisais, » je rectifiais, avant de reconnaître tout de même que cet objectif n'était pas totalement atteint : « Ce que j'essaie de ne plus faire. » Voilà qui était plus juste. Au regret d'avoir été au mauvais endroit au mauvais moment aujourd'hui s'ajoutait celui de traîner également sur mes consultations psychiatriques ; il manquait plus qu'aucune professionnel ne se porte garant de ma sortie et me juge dangereux pour moi-même.

Silencieux, je considérais mon portable hors d'état de marche. Lorsqu'Olivia me proposa de subtiliser un téléphone du service afin que je puisse prévenir Penny de ma situation actuelle, je hochais la tête en signe de dénégation. « Je connais le numéro du téléphone fixe de la maison mais ne t'en fais pas, je verrais ça plus tard, » je reportais. Si je pouvais banaliser la perte de mon moyen de communication, j'encaissais bien plus laborieusement les annonces drastiques de Corinne qui fit son entrée dans le box que j'occupais. La praticienne ne s'attarda pas, manifestement débordée et souhaitant que les prises en soin se déroulent aussi rapidement qu'efficacement, et lorsque le silence tomba de nouveau dans la pièce, celui-ci me happa avec lourdeur et appréhensions.

Rapidement, je me dressais les grandes lignes des prochaines semaines et la logistique commençait déjà à me tracasser. Nerveux, je portais ma main libre à ma bouche pour ronger mes ongles, en mauvaise manie, avant de me raviser et soupirer. Ma meilleure amie paraissait interpréter avec brio mes préoccupations car elle vient serrer ma main, me rappelant par la même occasion au présent et me garantissant son soutien. « T'as de la chance, j'aime bien les gens tout cassés. Je suis douée pour les réparer » Je ris nerveusement, avant de glisser avec complicité : « Pourtant tu m'as menacé avec les points de suture tout à l'heure. » Je déglutissais, le stress de l'opération suivi de la planification familiale m'envahissant. Spontanément, je réfléchissais à voix haute, partageant mes stratégies avec mon interlocutrice. Cette dernière exposait en addition les moyens qu'elle détenait pour faciliter le quotidien des Jensen et je soupirais légèrement, peu convaincu d'apprécier empiéter sur le temps libre déjà considérablement réduit de la Welch de la sorte tout en éprouvant une profonde gratitude à son égard. Je hochais doucement la tête, tentant de rassurer - davantage moi-même qu'Olivia - : « On verra, on trouvera bien. Une chose à la fois. »

Je posais les yeux sur ma jambe immobilisée et le sang me glaça en esquissant l'intervention à venir. Si je redoutais ce passage au bloc, les conséquences m'angoissaient beaucoup plus, surtout lorsqu'il y avait des chances pour que mes scarifications n'y passent pas inaperçues. J'entendais Olivia me rassurer de nouveau de son soutien et du fait que je ne pourrais pas nécessairement être hospitalisé sous contrainte et malgré ses tentatives de taquinerie et ses doigts qui serraient un peu plus forts les miens comme pour m'empêcher de me noyer dans mes angoisses, j'étais cette fois-ci incapable de me dérider. « Peut-être que c'est une mauvaise idée. Peut-être que ce n'est pas nécessaire. » Je tentais de convaincre en essayant de peine et de misère de me redresser sur le lit. « Je le sens pas, en fait. » J'annonçais, le teint de plus en plus blême. « Je ne veux pas que ça se passe comme quand j'avais repris le travail en 2018, » je relatais, insinuant mon retour au sein du service après ma tentative de suicide qui était alors sue par bon nombre de mes collègues de l'époque. « Tout le monde me regardait de travers ou avec de la pitié, comme si j'allais faire n'importe quoi, comme si on ne pouvait pas me faire confiance avec les patients, comme si j'allais craquer n'importe quand. Je veux pas être le boulet ou la menace. » La période de retour avait été plus que compliquée et je n'étais pas certain de vouloir réitérer ce contexte. Aussi, peut-être me dressais-je le scénario le plus sombre, peut-être que mes marques passeront totalement inaperçues, peut-être que l'équipe actuelle se ficherait bien de ce qui se tramait chez moi. « Non, ce n'est pas une bonne idée. » Je déclarais en pleine désillusion, comme si d'autres choix se présentaient à moi considérant l'état de ma jambe.

La main ferme d'Olivia se presse contre mon torse et je m'applique à demeurer de marbre, à limiter toute visibilité de traces de douleur sur mon portrait et dans mon attitude alors qu'une vague insupportable me transperce. La souffrance de ma jambe irradie jusqu'à mon coeur, ma respiration se bloque, ma gorge se serre, ma vision se brouille, des nausées s'imposent. Contre la main d'Olivia qui me préserve, dans ma panique, davantage de maux, je m'efforce de reprendre contenance, percevant laborieusement ses propos stipulant la nécessité de cette opération que je tente vainement de fuir.

Je souffle lentement, le teint blême, avant de me poser de nouveau précautionneusement contre le matelas du lit incliné. Mon coeur pompe à tout rompre dans sa cage thoracique et des vertiges se succèdent, me procurant l'impression d'être prisonnier d'un cauchemardesque grand huit dont je me serais volontiers passé des atroces sensations fortes. Le scope réitère sa prise de paramètres vitaux, je lorgne sur les chiffres hors-normes sans pour autant m'en préoccuper. Présentement, ma seule envie est plutôt de disparaître dans ce lit, de mettre la vie sur pause et de ne plus jamais la remettre en route, d'épouser l'inertie à défaut de me sentir capable d'affronter les prochaines épreuves. Cette impression de trop me transit, je visualise une énième montagne impossible à gravir, la culpabilité me range acerbement l'âme en songeant à mes enfants que je décevrais. Je me sens prodigieusement démuni et impuissant dans cette chambre d'hôpital.

Olivia, quant à elle, se veut force de propositions et tenace pour affronter l'avenir. J'aimerais lui dire que présentement, j'ai juste besoin d'un arrêt sur image, mais je sais pertinemment qu'elle ne peut pas m'offrir une telle chose même si elle le souhaitait. J'ai conscience qu'elle adopte la bonne attitude, quand bien même, encore une fois, je refuse son aide d'un fébrile signe de dénégation. Je flirte périlleusement avec la conscience mais mon esprit logique doublé de mon pessimisme est persuadé qu'il vaille mieux ne rien dire sur ces cicatrices que je n'assume pas, quitte à risquer un réveil plus fastidieux que celui d'une convalescence physique. « Non, ne dis rien, » je finis par formuler doucement, sur un ton à la fois assuré et solliciteur, malgré l'angoisse qui m'envahit. Mon coeur se serre douloureusement quand le brancardier entre dans le box, ma respiration s'accélère, mon palpitant s'emballe. Il annonce inutilement mon transfert, sa voix coupant les alarmes du scope. « Assure-toi que Lenny et Lizzie vont bien et fais attention à toi. » Je m'entends formuler à Liv, priant pour qu'elle ne se mette pas en danger même si nous arrivons sur le terme de cette tempête et qu'elle ne produise pas d'actes trop inconsidérés motivés par la bonté de son coeur.