(avis de tempête)
@Madison Kwanteen

Elle est de mauvaise humeur. Elle est stressée à cause de la foutu tempête, ça oui, mais elle est aussi terriblement de mauvaise humeur par cette sensation qu’elle a qu’Anwar tente de la mettre de côté, comme si elle n’était pas capable de gérer un état d’urgence, comme si elle était encore trop novice pour pouvoir réagir en un moment d’urgence tel que celui-ci. Ce n’est pas ce pour quoi elle a signé, c’est un fait, mais cela reste tout de même un contexte dans lequel elle sait qu’elle peut se débrouiller, au même titre que ses autres collègues parce qu’elle vaut autant qu’eux: pas plus, mais certainement pas moins. Charlie fait pourtant de son mieux pour ne pas trop y penser et surtout pour ne pas laisser cette dispute passagère avec son binôme plomber la soirée prévue depuis des semaines avec Madison. Beaucoup auraient sans douté jugé bon de décaler les dates, voire même d’annuler, mais pour Charlie c’est un bon moyen de garder son amie de longue date à l'œil et de s’assurer qu’elle, au moins, se portera bien. Ils en sont à compter les heures avant l’impact, et la ville toute entière respire l’anxiété, sans que pour une fois la blonde puisse ajouter qu’elle n’en comprend pas la raison.

A la seconde même où Madison se présente sur le pas de la porte, la blonde la prend dans ses bras. Elle craignait qu’elle annule au dernier moment, et elle craignait surtout qu’elle ait assez de raisons pour ça: devoir aider un proche, préférer rester chez elle, Dieu sait quoi encore. « Hey, » elle souffle doucement, sincèrement soulagée de la retrouver et de pouvoir la prendre dans ses bras durant quelques secondes. Ce n’est qu’ensuite qu’elle lui laisse l’opportunité d’entrer dans l’appartement et de s’y faire une place, leur soirée entre filles étant toujours au goût du jour même alors que les éléments semblent avoir décidé de se déchaîner. « Ça va, tu n’as pas eu trop de problèmes pour venir jusqu’ici ? » Dehors, le temps s’est levé et le vent s’agite déjà. Charlie anticipe les journées à venir et elle craint que son travail se retrouve particulièrement chamboulé par Olga, sans que ce soit pour le meilleur. « Je suis contente que t’aies pas voulu annuler, j’attendais cette soirée avec impatience. » Toujours transparente, elle finit par le lui annoncer.

* * *

Le temps passent, les esprits se calment, elles oublient l’environnement extérieur et les éclairs qui illuminent parfois son salon pourtant plongé dans le noir, soirée cinéma oblige. Le popcorn est présent, les cocktails hasardeux sont rois. Les rires, eux aussi, ne se comptent plus. Ce n’est pas tant le film qui les intéresse réellement mais bien tout le reste, ainsi que le fait de passer autant de temps avec Madison rien que toutes les deux, sans qu’il soit question d’un bar ou d’un autre de la ville ou bien même d’une intervention de Charlie. Ce soir, tout se passe bien. Dans cet appartement, du moins, aucun mal n’a le droit de s’immiscer, et la blonde le ressent très bien, preuve en est alors qu’elle enroule doucement son bras autour du sien et, au milieu des piles de coussins, laisse son visage retomber contre l’épaule de Madison. « La vie aurait été triste si on s’était jamais retrouvées. » Parle un brin l’alcool, parle surtout la nostalgie d’un temps dont elle a perdu beaucoup de souvenir, la faute aux années écoulées. N’empêche que la vie aurait été foutrement triste si Madison n’en avait pas fait partie, à commencer par cette soirée qu’elle aurait sûrement passé au poste à gérer les appels d’urgence alors que ce n’est même pas son travail. « Tu sais que le film n’était qu’une excuse, hm ? Je suis surtout contente d’être un peu avec toi. » qu’elle répète, sans doute pour la dixième fois depuis le début de la soirée.

Bien sûr que Madison a pensé à annuler. Elle a fait les cent pas dans son appartement, consciente que la tempête serait une excuse parfaite. Elle a pensé à vider une bouteille de vin dans son mug jusqu’à qu’il déborde, elle s’est rappelée que Charlie était trop perspicace sur ce sujet, qu’il fallait qu’elle se tienne le plus possible. L’anxiété est montée en flèche en elle, comme souvent lorsqu’elle passe trop d’heures sobre, ces derniers temps. Elle a cette sale impression, inexplicable, qu’elle va mourir, une impression qu’elle a souvent lorsqu’elle ouvre les yeux, le matin, avec un énième mal de tête et l’envie d’un verre qu’elle sait boire toujours un peu plus tôt, chaque jour qui passe.

Mais elle prend ses affaires et monte dans le bus et ignore son souffle court, elle se dirige vers ce qui lui semble être un piège, une soirée qui ferait remonter trop de souvenirs. Mais elle se souvient de l’expression triste de Charlie, ces derniers temps, et elle ne veut pas la laisser seule. Elle voudrait être là pour Charlie, être assez normale pour être une bonne amie. La culpabilité rebondit entre ses tempes, ne disparaît même pas lorsque Charlie la prend dans ses bras. « Hey. Ça va, tu n’as pas eu trop de problèmes pour venir jusqu’ici ? » Madison secoue la tête alors qu’elle pénêtre dans l’appartement.   « Disons que j’ai laissé le vélo au garage de mon immeuble et que j’ai privilégié le bus. Je ne voulais pas m’envoler avant d’arriver », elle plaisante avec un petit sourire. « Je suis contente que t’aies pas voulu annuler, j’attendais cette soirée avec impatience. » Madison voudrait bien s’envoler, cette fois-ci, parce que comme toujours Charlie est honnête, simple, qu’elle n’a pas de mal à dire ce qu’elle ressent. Si elle savait tout ce que Madison ressent, elle ne l’inviterait peut-être pas chez elle - Madison se sent à nouveau comme une fraude, une menteuse, l’angoisse pique le bout de ses doigts, l’arrière de sa gorge.

Alors elle serre les dents, elle laisse la douceur de Charlie la détendre petit à petit. Elle accepte quelques verres, mais ne boit pas trop, juste assez pour avoir l’air normale et que Charlie ne remarque rien. C’est simple de se laisser aller avec elle, se dit Madison, parce qu’elle a une énergie solaire si communicative que bientôt Madison rigole, oublie ses pensées spirales. Elle a l’impression d’être une adolescente, de remonter le temps, mais essaie de ne pas trop y penser. Elle a peur de ce que les souvenirs pourraient lui dire. Mais bientôt Charlie passe son bras autour du sien, pose sa tête sur son épaule, il y a le parfum de ses cheveux, et Madison inspire, essaie de repousser l’angoisse qui remonte.  « La vie aurait été triste si on s’était jamais retrouvées. » Madison retient sa respiration. Si Charlie savait, oh si elle savait, qu’elles s’étaient perdues de vue parce que Madison l’avait voulu, si elle savait pourquoi, si elle savait que Madison essayait de la fuir ces dernières semaines, tout en cherchant sa proximité, si elle savait, si elle savait, si elle savait

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« Tu sais que le film n’était qu’une excuse, hm ? Je suis surtout contente d’être un peu avec toi. »

C’est trop.

Les mots éclatent le cristal qui entoure le coeur de Madison, elle réalise qu’elle a oublié de respirer trop longtemps et soudain elle se dit qu’elle n’arriva plus à respirer, plus jamais, et surtout qu’elle ne pourra plus jamais mentir parce que c’est trop lourd, tellement lourd, elle a l’impression que passer une minute de plus à être une autre personne est tout simplement impossible, la bombe implose et soudain les larmes sortent de tous ses pores, quelque chose collapse en elle et elle plonge son visage dans ses mains et réalise à peine que le son étrange, rauque et désespéré, est sorti de sa gorge à elle. « Je, je », elle essaie de parler mais les sanglots redoublent, sa respiration est coincée dans ses poumons comprimés, « je, je… dés…désolée… » elle arrive à articuler mais elle a mal à la machoire, à tous ces muscles, « Char..Charlie, je… Si.. si tu sav..savais… »

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@Charlie Fawcett    

« Disons que j’ai laissé le vélo au garage de mon immeuble et que j’ai privilégié le bus. Je ne voulais pas m’envoler avant d’arriver » Et effectivement, c’était un choix de raison, même si Charlie est étonnée que les bus de la ville fonctionnent toujours malgré l’arrivée de la tempête dans les heures à venir. Tant qu’il n’y a pas de blessés ou d’accidents, cela reste une bonne chose, au moins pour Madison qui a donc pu se rendre jusqu’à chez elle sans tracas supplémentaires, ce qui laisse un simple sourire naître sur le visage de la blonde. « T’as raté notre super garage à vélos. » Elle ironise simplement, le luxe de son immeuble n’étant pas vraiment une nouveauté. De son côté, elle ne s’en formalise pas et elle s’en vante tout aussi peu, l’ayant depuis longtemps associé à son quotidien. Et aussi simplement que cela, leur soirée commence et s’étire. Elles en oublient la tempête, les vitres qui tremblent, le tonnerre qui gronde. Leur film est plus fort que le reste, les bonbons pour enfants prennent le pas sur la nourriture saine et équilibrée que les adultes qu’elles sont devraient manger. Dans la simple continuité des choses, et toujours en étant égale à elle-même, Charlie passe un bras autour des épaules de son amie et pose sa tête contre elle, encline à quelques confessions n’ayant rien de surprenantes. Elle est heureuse de l’avoir retrouvée, elle ne l’a jamais caché.

Elle se relève vivement lorsqu’elle sent les épaules de son amie se relever, geste réflexe lorsque les larmes commencent à monter. Le souci se lit aussitôt sur les yeux qu’elle repose sur Madison, même si elle ne trouve rien à dire. Tout allait bien il y a une minute encore (dans cet appartement, du moins, et si on en oublie l’extérieur) et elle n’a rien dit de nouveau, alors qu’est-ce qui pourrait avoir aussi mal tourné ? « Je, je, je, je… dés…désolée… » En voulant bien faire, elle pose une main contre sa joue. Elle essaie d’être rassurante, elle essaie de lui prouver qu’elle est présente pour elle même si elle ne comprend pas encore la source du problème qui la ronge depuis trop longtemps. « Char..Charlie, je… Si.. si tu sav..savais… » - « Hey Mad, qu’est-ce qu’il y a ? » Son ton est plus bas, plus doux. Plus inquiet, aussi. Elle s’est redressée pour lui faire face, le film étant le cadet de ses nouvelles priorités. « Qu’est-ce que je devrais savoir ? » Elle ne se mettra pas en colère et elle ne réagira pas négativement, elle le promet. Peu importe ce dont il sera question, elle sera là pour Madison avant toutes choses et elle tentera de comprendre son silence avant de répondre avec ses propres sentiments. C’est promis. Pour Madison, elle fera cet effort et elle fera de son mieux pour ne rien briser entre elles, parce qu’elle ne veut pas revenir à un état de sa vie où elle sera à nouveau absente. « On a le temps, respire. » Les confessions pourront venir après. En attendant, Charlie se relève un instant pour aller lui chercher une boîte à mouchoirs, sans doute bienvenue dans un tel contexte.

Un poids léger a changé de place en Madison, un unique poids qui tout à coup provoque une réaction en chaîne, un changement dans son centre de gravité, elle se déséquilibre et s’écroule sur elle-même, un vulgaire château de carte bancal depuis trop longtemps. Elle a l’impression qu’une poussière s’est prise dans le rouage des mécaniques de son cerveau en spiral, la machine se grippe et grince, les larmes se multiplient. La fatigue l’enveloppe, cette fatigue qu’elle se traîne chaque jour de sa vie à être une autre personne, et comme toujours à chaque fois qu’elle réalise l’étendue du mensonge, c’est la peur qui la prend, une peur si puissante que Madison a l’impression qu’elle va vomir ses propres poumons. Charlie a un premier geste envers elle, une main tendue, littéralement, et le contact de ses doigts sur la joue de Madison lui fait redoubler de sanglots. Elle ne supporte pas qu’on lui montre une once de tendresse dans ces moments-là, c’est si différent de tout ce que Madison s’est construit autour de son secret que le contraste est brûlant, violent. Elle ne peut pas se dire qu’une confession peut être accueillie avec douceur, que la vulnérabilité peut être comprise, pas quand elle a grandi en s’apprenant l’inverse.

« Hey Mad, qu’est-ce qu’il y a ? » Par où commencer ? Comment parler, dire, décrire ? « Qu’est-ce que je devrais savoir ? » Tout, se dit Madison dans un éclat de pensées intrusives, et l’idée la terrorise tellement qu’elle s’étrangle dans ses propres larmes. Elle ne sait même plus ce que tout est, ne sait même pas comment expliquer ce qui bouge en elle, ce qu’elle ressent pour les filles, pour les garçons, pour Oliver, pour elle-même. Quand elle a parlé à Archie, il y a des mois déjà, elle a dit aimer les filles, ne pas aimer Oliver comme il fallait. Mais depuis, elle vit sa vie comme si cela n’était jamais arrivée. Mais le masque se fissure, le navire prend l’eau de toute part. Elle n’arrive même pas à articuler une réponse à Charlie qui se lève pour revenir avec une boîte de mouchoirs. « On a le temps, respire. »

Madison pleure trop longtemps pour que cela soit normal ou approprié, mais elle ne sait plus s’arrêter. Elle ne sait pas comment ouvrir la bouche et parler, elle a peur de ne pas y arriver, ou de ne plus pouvoir arrêter les mots qui sortiront. « Je… Charlie, je suis une men..menteuse.. » Elle finit par bégayer, parce que c’est le meilleur des résumés. Elle ne sait plus qui elle est, ce qu’est la vérité, elle sait simplement que ce n’est pas ça, pas ce qu’elle dit à tout le monde, à Charlie. « C’est… C’est ma faute si on s’est perdues de vue, c’est, c’est, c’est », elle a des hoquets, essaie de se reprendre : « C’est moi qui ai dit à mes parents que je ne voulais plus faire d’équitation, moi qui ai ignoré tes appels, moi qui ai dit à ma mère de te dire que j’étais malade jusqu’à que tu arrêtes de m’inviter à tes pyjamas party et que tu m’oublies et que… » Madison ne peut pas affronter le regard de Charlie, elle a l’impression de disparaître dans un immense trou noir. « Et si tu… Si tu savais pourquoi... » Elle murmure, et un sanglot la prend à nouveau. « Je suis tellement désolée », elle bredouille, les yeux fermés, avec l’impression d’être face à un affreux précipice, la terreur au ventre d’avouer pourquoi la Madison de 15 ans, qui rêvait d’être proche, si proche de Charlie, avait repoussé ainsi son amie.


@Charlie Fawcett     

Charlie est l’amie sur laquelle on peut compter pour avoir une oreille attentive et un câlin en toutes circonstances, mais ce n’est pas pour autant qu’elle a réponse à tout et surtout au mal être qui attaque parfois ses proches sans qu’elle ne puisse comprendre pourquoi. Le problème se pose tout particulièrement avec Madison, qu’elle pense connaître comme son ombre et dont elle ne sait finalement pas grand-chose, la faute à plusieurs années de silence et de distance imposées entre elles. Mais Charlie a toujours pensé qu’elles pourraient passer outre ça sans mal, avec simplement un peu de temps et pas même des efforts de leur part. Juste du temps ; mais le temps n’a pas fait de miracle, il faut bien s’en rendre compte désormais.

Sans indices ni aucune information, la blonde tente tout de même de trouver des solutions. Elle s’instruit, elle pose des questions. Elle fait de son mieux à partir de rien, et avec pas grand chose non plus à en juger par le silence de Madison en retour, noyée dans son propre chagrin et le trop plein d’émotions qui semble être le sien. « Je… Charlie, je suis une men..menteuse.. C’est… C’est ma faute si on s’est perdues de vue, c’est, c’est, c’est » Et par simple habitude, par réflexe, Charlie ouvre déjà la bouche pour lui dire que la faute est partagée, que ce n’est pas grave, que les enfants se perdent de vue et que le plus important c’est qu’elles soient à nouveau amies aujourd’hui. Qu’elle n’a pas à s’en faire, sincèrement, parce que jamais la blonde ne pourrait lui tenir rigueur de quoi que ce soit. Pourtant, les hoquets de Madison reprennent sans qu’elle ait trouvé le temps de rétorquer quoi que ce soit de son côté, toujours aussi proche d’une Madison avec qui elle garde un contact physique qui, il faut bien l’avouer, ne semble pas arranger quoi que ce soit. « On était des enfants. Si t’étais en colère pour quelque chose, ou, je sais pas… c’est pas grave, Mad. C’est vraiment pas grave et personne t’en veut, moi la première. » Voilà tout ce à quoi elle pense quand Madison lui avoue avoir décidé de rompre le contact et se morfondre au sujet du pourquoi: il ne s’agit sans doute rien de plus extraordinaire qu’un simple malentendu entre adolescentes. A cet âge, personne ne se rend compte de la force des amitiés, pas vrai ? « Hey, regarde moi. » Une main posée contre sa joue dérive doucement, jusque sous son menton dont elle se sert d’appui pour lui faire relever la tête un instant. Face à elle, Charlie lui sourit tendrement. « Je suis sûre que le pourquoi te semble plus si important maintenant, pas vrai ? » Elle reprend ses mots, elle revient dessus uniquement pour appuyer l’idée que l’eau a coulée sous les ponts et que les raisons de la Madison de quinze ans ne sont apparemment plus valables pour la Madison de vingt-sept ans. En réalité, Charlie est surtout étonnée qu’elle puisse se souvenir du “pourquoi” après tout ce temps, parce que de son côté ses souvenirs ne peuvent pas se vanter d’être encore aussi précis au sujet de leur amitié. Tout ce qu’elle sait, c’est qu’elle est particulièrement heureuse que cette dernière ait eu l’occasion de renaître.

Il est encore temps de fuir, se dit Madison. Elle pourrait se lever, partir, ne jamais plus parler à Charlie, bloquer son numéro et son profil instagram et ne jamais répondre quand elle sonnera à l’interphone de l’appartement. Disparaître, comme Madison l’a déjà fait, comme elle le fait tous les jours, c’est plus facile, en un sens. Et pourtant Madison est épuisée par cette course sans fin. Elle a l’impression que son corps entier est visé dans les sables mouvants du salon de Charlie. Elle ne comprend pas, elle a toujours tout fait comme on attendait d’elle, elle a été sage, silencieuse, polie, elle a détourné le regard devant les visages lumineux des filles, elle s’est forcé à embrasser les lèvres des garçons, elle n’a jamais rien demandé, rien dit, elle a subi, elle a été la fille que ses parents voulaient. Pourquoi la dissonance est-elle si forte, pourquoi est-ce qu’elle pleure devant Charlie, pourquoi est-ce qu’elle n’est pas celle qu’elle est censée être ?

« On était des enfants. Si t’étais en colère pour quelque chose, ou, je sais pas… c’est pas grave, Mad. C’est vraiment pas grave et personne t’en veut, moi la première. » Charlie n’y pas du tout, et Madison a presque envie de se féliciter, de se dire ah, tu vois, personne ne se doute, tu as réussi le mensonge, le meilleur rôle de ta vie. Mais il est si lourd sur ses épaules, et elle pleure de toute la douleur que c’est de le porter. « Hey, regarde moi. » Le geste délicat de Charlie donne envie de vomir à Madison, tant son estomac est retourné de toute cette accumulation d’angoisse et de secrets. Les yeux de Charlie sont si tendres et calmes, Madison ne voudrait qu’ils ne la regardent plus jamais. Cette affection est trop étrangère à tout ce que porte Madison pour elle-même. « Je suis sûre que le pourquoi te semble plus si important maintenant, pas vrai ? » Cette phrase surprend tellement Madison par son absurdité qu’elle éclate de rire au milieu de ses larmes, avant de se remettre à pleurer, un espèce de mélange corrosif d’émotions qui brûlent ses joues.

Elle se dit qu’elle peut encore mentir, inventer une histoire stupide de jalousie ou de brouilles d’adolescentes ; Charlie le croirait-elle seulement face à l’état de crise de Madison ? Au milieu des larmes, Madison se dit, fatiguée, qu’elle ne sait même plus pourquoi elle veut mentir. Ou pourquoi elle veut dire la vérité. Elle sait juste qu’elle est exténuée. Alors elle inspire, elle réfléchit à la réalité, à ses souvenirs d’adolescente terrorisée par l’immensité de ses sentiments, et elle se sent tellement triste pour cette fille-là, cette enfant qu’elle est encore aujourd’hui, qu’elle se remet à pleurer à chaudes larmes. « Charlie, je… » Peut-elle simplement le dire à haute voix ? C’était différent, devant Archie, ou même sa demi-admission devant Jo. Charlie, elle… Elle a été l’objet de l’affection, la cible du secret. Lui dire rend la chose tellement réelle que c’est un trou noir qui s’ouvre dans l’estomac de Madison dès qu’elle essaie de prononcer les mots. « Je… » Elle inspire encore, pleure toujours, bredouille, se reprend : « Charlie, j’étais… J’étais... » Elle a si peur qu’elle a l’impression que son coeur va lâcher. « J’étais amoureuse de toi. » Elle plonge son visage dans ses mains, incapable de regarder Charlie devant cette confession, et elle sanglote comme une enfant appeurée. « Je ne voulais pas que ça soit vrai, ça ne pouvait tellement pas être vrai, je… Je ne pouvais pas, je ne peux pas, et… Je.. J’avais… J’avais tellement peur que ça soit réciproque, que ça ne le soit pas, je ne sais pas, c’était, je - » elle s’embrouille dans ses mots, a un hoquet, un deuxième, n’arrive plus à respirer, et elle abandonne, laisse la peur avaler les phrases dans sa bouche.


@Charlie Fawcett     

Elle est habituée à gérer des réactions extrêmes à son travail, mais ce n’est jamais pareil de le faire lorsqu’il s’agit de ses proches à ses côtés. Ce n’est pas possible de rester professionnel quand son amie de toujours pleure contre son épaule et qu’elle n’arrive pas à trouver les mots justes pour la rassurer, surtout alors que les secondes s’écoulent sans qu’elle n’arrive à comprendre comment ou pourquoi elle en est arrivée à un tel stade psychologique. Paradoxalement, la tempête de l’autre côté du double vitrage semble soudainement devenir le cadet de leurs soucis. « Charlie, je… Je… Charlie, j’étais… J’étais... » Elle bégaye, elle essaye mais elle n’y arrive jamais. Un mot ramène une salve de larmes mêlées à une certaine panique et Charlie caresse doucement ses joues sans savoir quoi faire de plus. Elle a tenté de chasser ses larmes au début, mais elle a bien vite constaté qu’une larme séchée ne faisait que laisser place à une autre, nouvelle. Madison semble incontrôlable. L’instant d’avant, elle le jure, tout allait pourtant très bien.

« J’étais amoureuse de toi. »

Et si elle se décale de son amie tout en fronçant les sourcils, Charlie, ce n’est que parce que cette confession la prend particulièrement de court et qu’elle n’a pas su s’y préparer d’aucune manière. Surtout, elle ne s’y attendait pas, et elle n’a jamais nourri le moindre doute quant à ce sujet. Madison est son amie ; Madison a toujours été son amie et absolument rien d’autre. « Je ne voulais pas que ça soit vrai, ça ne pouvait tellement pas être vrai, je… [...] » Et enfin, Charlie pense comprendre. Elle comprend qu’il n’est pas question que d’elle et de leur amitié, elle comprend qu’il est surtout question d’une fille dont elle est tombée amoureuse quand elle était elle-même une gamine. « Je crois que ça aurait pu être réciproque, à un moment donné. » Elle parle doucement et continue la conversation seule, sa main à nouveau posée près du visage de son amie pour qu’elle comprenne qu’il n’y a rien dont elle devrait se sentir honteuse, ou n’importe quel autre sentiment semblable. Si elles étaient restées amies, peut-être qu’elles auraient pu être davantage ensuite. Elles ne le sauront jamais. « Tu te mets dans cet état parce que c’est moi, ou parce que je m’appelle pas vraiment Charles ? » Sa voix est un ton plus bas encore, parce qu’elle ne veut pas donner l’impression de la juger d’une quelconque manière. Elle veut savoir à quel point sa famille et son éducation l’ont détruite, parce qu’une part d’elle sait que c’est forcément en jeu et que certains traumatismes de l’enfance ne peuvent être soignés par l’âge adulte. Ce qu’elle se dit, aussi, c’est que Madison a un courage remarquable pour ne jamais avoir rien dit durant tout ce temps, et au cours de toutes ces fois où elles se sont retrouvées au travers des aléas de la vie. « Ça change pas la façon dont je te regarde, tu sais. Je sais pas si ça a de l’importance pour toi, mais je veux que tu le saches. » Elle l’aime toujours comme une amie, et cela n’a pas changé.

Madison n'aurait jamais pensé, en arrivant, que ce soir serait le soir de ses confessions. Elle n'aurait jamais pensé faire une telle confessions tout court, pas après qu'elle ai essayé de fuir Charlie depuis des semaines. Pourtant, au moment où les mots quittent ses lèvres, Madison se demande comment elle a pu un jour s'imaginer les retenir, ne jamais les prononcer. Ils sont immenses, se gonflent et occupent l'espace du salon, et ils paraissent important, évident. Madison n'est pas capable de regarder la réaction de son amie, et dans les quelques secondes de flottements, un million de scénarios catastrophes se glissent entre les rouages de son cerveau. Elle ne sait pas ce qui serait le plus difficile : que Charlie l'accepte ou la rejette ? « Je crois que ça aurait pu être réciproque, à un moment donné. » Le voilà, le scénario catastrophe. Les larmes de Madison redoublent et elle secoue la tête de droite à gauche, pour repousser l'affirmation. Elle n'arrive pas à articuler ma détresse que provoque la réponse de Charlie. Elle est partagée entre l'envie de disparaitre, et prétendre que cela n'est jamais arrivé, et une peine immense comme l'étendue d'un océan, parce qu'elle pense aux adolescentes qu'elles ont été, leur innocence, leur affection loyale et l'impossibilité de l'exprimer.

« Tu te mets dans cet état parce que c’est moi, ou parce que je m’appelle pas vraiment Charles ? » Madison grimace, a un espèce de rire rauque que les larmes avalent. Toutes ses émotions à vif éclatent à la surface de sa peau. « Ma vie aurait été plus simple si tu t'appelais Charles », elle admet en renifflant. Evidemment que le problème n’est pas d’avoir été amoureuse d’une amie - c’est ce que Madison fait depuis des années, elle devient amie avec des garçons et décident ensuite de les aimer, et cela fonctionne avec plus ou moins de succès - mais bien qu’il s’agisse d’une amie. Les sentiments ne sont plus là, aujourd’hui, mais il en reste la peau morte, une membrane vide, translucide. « Ça change pas la façon dont je te regarde, tu sais. Je sais pas si ça a de l’importance pour toi, mais je veux que tu le saches. » Madison sait que ça devrait être la bonne réponse, mais elle a l’impression que l’on broie son estomac. « Non, ça doit changer quelque chose... ça doit changer quelque chose, sinon... Sinon ça ne fait pas sens avec le reste, avec... Si ça ne change rien alors j'ai perdu des années, j'ai...» Elle a un hoquet de terreur, de tristesse. Elle secoue la tête, épuisée. « Je ne peux pas, Charlie. Je ne peux pas être…comme ça, et si je le suis, et que toi tu m'acceptes, mais pas les autres, la dissonance est trop forte, et je n'y arrive pas. » Les autres est un doux euphémisme pour parler de ses parents, notamment, mais un bon nombre de gens dans la société et potentiellement Dieu, aussi, mais ça, elle a trop honte d’admettre cette importance à voix haute. « Et tu es gentille avec moi, mais tu n’as pas remarqué que ça fait des mois que je t’évite une semaine sur deux ? Parce que.. parce que c'est trop, parce que j’ai peur que tu saches, que...  » Elle bredouille, incertaine de son argumentaire. « Je sais pas, toute ma vie j’ai essayé de me dire que j’avais eu des idées déplacées avec toi, que je m’étais imaginée des choses, que j’étais une ado paumée. Et finalement on se retrouve, et là tu me dis que… Que tu n’es pas hétéro et j’ai l’impression que tout ce dont j'essayais de me convaincre est un chateau de cartes dans une tempête, et s’il s’écroule, je m’écroule avec. »


@Charlie Fawcett     

« Ma vie aurait été plus simple si tu t'appelais Charles. » Et elle lui offre un sourire désolé en retour. Elle n’a jamais eu à craindre le jugement de ses parents au sujet de sa sexualité et s’est forgée ses amis sans jamais réellement douter de son attirance pour les deux sexes, raison pour laquelle eux non plus n’en ont jamais douté. Ce problème n’a jamais été le sien, et pourtant elle comprend à quel point il peut être aussi paralysant que parfaitement injuste. Charlie aurait été un garçon malheureux comme les pierres, mais cela aurait effectivement pu faciliter bien des choses dans la vie et le cœur de Madison. « Non, ça doit changer quelque chose... ça doit changer quelque chose, sinon... Sinon ça ne fait pas sens avec le reste, avec... Si ça ne change rien alors j'ai perdu des années, j'ai...» Mais Charlie ne reviendra pas sur ses mots: cela ne change rien. Cela ne la fait pas l’observer différemment, et cela la fait encore moins juger Madison. Elle a fait une erreur en s’éloignant d’elle mais tout est loin d’être joué. Elle n’a même pas trente ans, elle a la vie devant elle. Tout peut être reconstruit, tout a encore le temps d’être défait. « Tout va bien Mad, respire. » Avant qu’elles arrivent à en discuter plus calmement, elles doivent justement déjà s’assurer que le calme revienne entre elles et, surtout, dans le cœur de Madison. Elle ne peut pas laisser sur ses épaules tous les maux du monde, toutes les erreurs aussi. « Je ne peux pas, Charlie. Je ne peux pas être…comme ça, et si je le suis, et que toi tu m'acceptes, mais pas les autres, la dissonance est trop forte, et je n'y arrive pas. » - « Les autres ont pas à le savoir, d’accord ? Ils ont pas à savoir. Personne a à savoir. » Et cette fois-ci, elle est plus sérieuse que jamais, puisqu’il n’est plus question d’un amourette d’enfants: il en va de sa vie de tous les jours. Il en va de son quotidien, de son bien-être. Si elle ne veut pas encore en parler autour d’elle, alors elle en a le droit. Si elle ne veut pas que personne le sache, jamais, alors elle en aura toujours le droit.

« Et tu es gentille avec moi, mais tu n’as pas remarqué que ça fait des mois que je t’évite une semaine sur deux ? Parce que.. parce que c'est trop, parce que j’ai peur que tu saches, que... » Le regard de la blonde se brouille un instant. Est-ce qu’elle l’avait remarqué ? Oui et non. Elle le voyait bien, oui, mais elle lui a trouvé toutes les excuses du monde. Elle s’est dit qu’elle avait d’autres choses à faire, qu’elle avait d’autres priorités, qu’elle avait d’autres amis. « Je pensais… que tu voulais pas vraiment qu’on soit amies à nouveau, qu’on serait juste, tu sais… des connaissances. » Qui se disent bonjour si elles se croisent dans un même endroit, mais jamais rien de plus. L’idée ne la rendait pas heureuse, mais elle voulait s’en contenter en se disant que si tel était le désir de Madison, alors elle devrait s’y adapter. Et puisqu’elle n’avait aucune envie de voir son entourage au cours des derniers mois, alors ce n’était pas si grave. « Tu sais que ce qui est pire d’avoir raté ton coup avec moi ? D’avoir l’idée de vouloir sortir avec moi. » Parce que pour un soir, elle est cool. Pour une vie entière ? Elle sait qu’elle est difficile à vivre et que ce n’est pas Kendall qui dirait le contraire. Ses mots sont amusés, le prouve son sourire, mais elle n’en pense pas moins. « Je suis sérieuse, t’as rien perdu. » Elle l’aurait rendue malheureuse si elles avaient vécu une quelconque histoire. Sans même le vouloir, elle l’aurait détruite. « T’a pas perdu d’années Mad, écoute moi. Tu étais une enfant, tu as fait des choix, et maintenant tu es une adulte qui voit les choses autrement. » Une adulte dont la sexualité n’est pas encore révélable au grand jour, mais sur ce point elle jure qu’elle l’aidera et l’épaulera autant que possible. « Tu en as déjà parlé ? » Non pas qu’elle ait pu aimer Charlie quand elles étaient ado, mais bien qu’elle puisse aimer les filles de façon plus large.

Madison se demande si Charlie la laissera la fuir maintenant qu’elle sait. Depuis toujours, la stratégie de survie de Madison a toujours été d’imaginer une porte de sortie - à ses relations sociales, à des soirées qui l’angoissent. L’idée de disparaître est plaisante, réconfortante, et elle a déjà ignoré les messages de ses amis pendant des semaines, prétextant être noyée sous le travail, les cours, la vie. Si elle laisse les gens s’approcher, c’est parce qu’elle pense toujours pouvoir partir s’il le faut. Et jamais quelqu’un ne s’est approché aussi près de qui elle est réllement, au fond, que Charlie en cet instant, et Madison a l’affreuse sensation d’être dos au mur, de s’y être mis elle-même. Quelle idiote, se dit-elle. « Les autres ont pas à le savoir, d’accord ? Ils ont pas à savoir. Personne a à savoir. » Madison secoue la tête, à moitié rassurée, et bredouille malgré elle : « Je ne veux pas que les autres sachent, mais je », elle hoquette, renifle,  « c’est dur de mentir. Je suis fatiguée », elle avoue au milieu de ses larmes. Elle a l’impression d’être prise au piège et qu’aucune solution ne pourra la sauver. Être elle-même signifie perdre sa famille, s’exposer à une vie solitaire, à l’homophobie, et mentir signifie se perdre elle-même. Quel choix a-t-elle alors, réellement ?

Comme ces mensonges à Charlie pour l’éviter constamment, tout en cherchant sa compagnie, son amitié. Madison ne sait pas sur quel pied danser. « Je pensais… que tu voulais pas vraiment qu’on soit amies à nouveau, qu’on serait juste, tu sais… des connaissances. » Madison a un rire jaune. C’est l’opposé de ce qu’elle souhaitait, et pourtant une part d’elle se dit qu’elle a réussi à tenir Charlie à distance, elle s’en félicite, se dit qu’elle aurait dû continuer, rester loin d’elle. Mais encore une fois tous ses mensonges sont impossibles à tenir et ils s’effritent entre ses doigts au fil des mois. « Tu sais que ce qui est pire d’avoir raté ton coup avec moi ? D’avoir l’idée de vouloir sortir avec moi. »  Au milieu des larmes, Madison se remet à rire, et cela la surprend. Elle arrive à rire ? C’est Charlie qu’elle doit remercier pour ce miracle qui lui paraîssait impossible il y a seulement quelques minutes. Elle a cru que Charlie serait choquée, contrariée, mais elle a choisi de plaisanter, d’essayer de crever la tension dans l’atmosphère, et Madison lui en est infiniment reconnaissante. « Je suis sérieuse, t’as rien perdu. » Madison secoue la tête. « Qui te dit que c’est pas moi qui aurait brisé ton cœur ? » Elle répond en plaisantant, avant de réaliser sur quoi elle plaisante, ce dont elle parle à voix haute, et elle se met à pleurer à nouveau, paniquée par la situation. « T’a pas perdu d’années Mad, écoute moi. Tu étais une enfant, tu as fait des choix, et maintenant tu es une adulte qui voit les choses autrement. » C’est bien là le problème, pourtant. Comme Madison voit les choses, aujourd’hui ? A nouveau, elle a cette sensation d’étouffer, une claustrophobie devant le vertige qu’est sa vie. La douceur de Charlie, de ses conseils, semble être un petit pansement sur une immense plaie, un membre manquant. « Tu en as déjà parlé ? » Madison essuie son nez qui coule d’un revers de manche. Elle doit avoir l’air affreuse, les yeux tout rouges, la morve aux narines, sa respiration saccadée. Pourtant Charlie n’a l’air nullement désorientée. Elle est égale à elle-même : douce, souriante, une lumière douce et réconfortante. « Juste à Archie », elle admet, passant sous silence son demi-coming out à Jo, à qui elle n’a pas parlé depuis des mois depuis leurs disputes - elles n’étaient pas assez proches pour que la relation se répare, de toute manière, Jo devenant à jamais un petit point noir dans le passé de Madison. Charlie connait Jo, et Madison préférerait éviter qu’elle fasse le rapprochement - surtout après que Jo ait vu Oliver être.. désagréable, et que Madison lui ai aussi crié dessus. « Il ne m’a pas jugé », elle ajoute, parce qu’elle sait que Charlie n’a pas toujours matché avec Archie, et elle veut lui assurer qu’il a bien réagi - passant à nouveau sous silence le fait qu’ils ne soient pas exactement en bon terme en ce moment. « Mais… Je ne sais pas vraiment comment en parler, en fait, je… Je ne sais pas ce que je suis », bredouille Madison. « Et je... Je crois que je sais mais je ne veux pas savoir. J’ai peur que ça ruine ma vie. Je dois aimer Oliver, Charlie. »



@Charlie Fawcett     

Madison est plus vulnérable que jamais et ce n’est pas un spectacle auquel Charlie a un jour été habituée, raison pour laquelle elle l’observe avec des yeux particulièrement compatissants. « Je ne veux pas que les autres sachent, mais je - c’est dur de mentir. Je suis fatiguée » Les lèvres de la blonde se pincent entre elles sans qu’elle ne trouve la réponse à tout ceci. Mentir est difficile, et cela l’est encore plus lorsqu’il est question de sentiments. L’amour est le pire de tous. « Je sais, je sais. » Sa main pose sur ses mèches qu’elle caresse doucement, Charlie chuchote à son intention, elle-même attaquée par ses propres souvenirs et sentiments. Elle n’a jamais été dans une situation semblable, elle n’a jamais caché sa sexualité, mais ce n’est pas pour autant que sa vie amoureuse peut être qualifiée de long fleuve tranquille. Loin de là, même. « Qui te dit que c’est pas moi qui aurait brisé ton cœur ? » Charlie écarte à peine son visage, pour avoir une meilleure vue d’ensemble de celui de Madison. Elle lui sourit comme un lion pourrait sourire face à sa proie, et si ses yeux pouvaient parler ils lui diraient qu’elle est infiniment naïve. Tout dans cette attitude pourrait être interprété comme de la condescendance, raison pour laquelle elle préfère encore garder le silence. N’en reste pas moins qu’elle est certaine que Madison aurait été mortellement blessée avant même d’avoir pu dégainer ses propres flèches, et cela n’a rien d’une fierté pour elle.

« Juste à Archie. Il ne m’a pas jugé. » Dans un premier lieu, elle ne s’attendait déjà pas à ce qu’elle en ait parlé à son frère. Dans un second, elle s’attendait encore moins à ce que la réponse de ce dernier puisse être positive, empathe, ou Dieu sait quoi pouvait faire office de synonyme. Peut-être qu’elle l’a mal jugé, finalement. « Mais… Je ne sais pas vraiment comment en parler, en fait, je… Je ne sais pas ce que je suis. » Elle est une Madison, juste une Madison, toute une Madison. C’est bien plus que la plupart des gens. « Et je... Je crois que je sais mais je ne veux pas savoir. J’ai peur que ça ruine ma vie. Je dois aimer Oliver, Charlie. » - « Tu dois aimer personne. » Et cette fois-ci, elle est sérieuse. Elle ne prend plus de pincettes, elle ne se confond pas en mielleries. Elle ne doit aimer personne, que ce soit un homme ou une femme. Elle a le droit de ne pas tomber amoureuse ; elle a le droit de le faire à chaque coin de rue aussi. C’est un sujet qui ne regarde qu’elle. « S’il ne te rend pas heureuse, Mad… » Elle ne termine pas sa phrase, consciente qu’elles savent toutes les deux où elle veut en venir. S’il ne la rend pas heureuse, alors elle n’a absolument aucune raison de rester avec lui, surtout pas pour avoir la même étiquette sociale que la plupart des gens. Rentrer dans le moule est purement ennuyant. « L’amour c’est pas supposé être un étau, tu le sais ça ? » Ce n’est pas supposé la faire s’éloigner de ses proches, ce n’est pas non plus supposé la faire se rapprocher d’un garçon qu’elle n’aime finalement même pas. Ce n’est pas ce dont ce sentiment est fait, et elle n’aurait jamais dû être poussée à le penser. Quelqu'un aurait dû lui dire ces mots il y a bien longtemps.