(wynnum mangrove boardwalk) Les messages ne laissaient pas la place à une réponse négative. Le rendez-vous était donné à la mangrove, et il n’y a aucun monde dans lequel Damon ne se pointe pas dans cette foutue mangrove. J’ai besoin de lui parler et j’ai besoin de le faire de vive voix, sans qu’il soit question d’être au téléphone ou dans un foutu immeuble avec des bureaux d’où tout le monde voit tout et, accessoirement, entend tout. Je veux parler à mon fils convenablement, parce qu’il est de ces sujets qui ne peuvent être oubliés ou amoindris. C’est sérieux, c’est sérieux au point où j’enrage à la simple idée qu’il ne m’en ait jamais parlé et que j’ai été forcé de l’apprendre dans la presse, comme n’importe quelle autre personne de ce monde. Je ne prétends pas être un bon père, je ne prétends pas être légitime de quoi que ce soit à ses côtés, mais je pensais au moins que nous étions en train de construire une certaine confiance envers l’un l’autre et ce genre de confessions vont de pair avec l’idée d’ensemble de faire des efforts. J’ai été absent mais je ne savais rien ; il n’était qu’un gamin qui ne savait rien non plus. La donne est différente aujourd’hui et il est un adulte qui est largement en âge de parler pour lui-même, que ce soit dans le bon ou dans le mauvais. Il est un putain d’adulte et plus un gamin, voilà ce qu’il est.

« Donne moi les détails. » Il y a eu des salutations. Brèves, froides, mais elles ont au moins existé. Pour la forme, surtout. Pour mimer que tout va bien, ou tout du moins qu’il n’y a pas véritablement de mal, simplement des points à mettre sur les i. « Je vais pas me contenter d’un article de presse qui parle de la moitié de la MHI. » J’exagère, mais peu importe. Le fait est que je veux entendre son histoire et la sienne seule. Pas celle de sa femme, pas celle du cousin de James, pas celle de Dieu sait qui encore. Je me moque de savoir avec combien de personnes Saül a été un connard, parce que le fait qu’il s’est montré sous un tel angle face à son propre fils (ou celui qu’il considérait comme tel, du moins) suffit à me faire comprendre qu’il ne vaut rien et qu’il est un moins que rien, justement. « Tu te douterais bien que je finirais par le savoir, alors parle maintenant. » Le temps n’est plus aux pincettes. Il a su parler une fois face à un parfait inconnu pour raconter son histoire à quelques milliers d’autres, alors j’espère que face à moi il ne fera pas semblant d’avoir perdu sa langue ou Dieu sait quoi encore. J’ai le droit de savoir et, surtout, j’en ai besoin. J’ai besoin de savoir tout ce que j’aurais dû avoir vu plus tôt ; tout ce que j’aurais dû faire arrêter bien plus tôt aussi. Tout ce qu’il n’aurait jamais subi si j’avais été dans sa vie qui, bien que moins étincelante, n’aurait pas été aussi sordide.

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@auden williams

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***
Même s’il n’y avait pas eu l’échange de messages avant qu’ils ne viennent ici aujourd’hui, Damon aurait rapidement compris l’état d’esprit dans lequel se trouvait Auden; il n’y avait qu’à voir la façon dont il l’avait salué à peine arrivé au lieu de rendez-vous fixé. Pas qu’il était une personne extrêmement chaleureuse, mais d’ordinaire il faisait au moins des efforts lorsqu’il était aux côtés de son fils. Aujourd’hui, il y avait fort à parier que tous les efforts du monde seraient jetés aux ordures - et cela se confirma dans la foulée, alors qu’il n’attendit finalement qu’une poignée de secondes supplémentaires pour mettre les deux pieds dans le plat. « Donne moi les détails. Je vais pas me contenter d’un article de presse qui parle de la moitié de la MHI. » Damon aurait pu feinter l’innocence, et peut-être que dans d’autres circonstances cela aurait pu fonctionner; après tout, il avait passé des années à le faire, à esquisser des sourires pour camoufler ses blessures, cela aurait été facile de renfiler le costume. Cependant, les circonstances étaient différentes ici et il savait pertinemment que son père n’était pas dupe: cela ne prendrait pas avec lui. Et puis, avait-il vraiment envie d’emprunter ce chemin là aujourd’hui, avec tout ce qu’il se passait autour de lui, et face à celui qui aurait du être sa figure paternelle durant toutes ces années ?

« Tu te douterais bien que je finirais par le savoir, alors parle maintenant. » - « C’est pas pour autant que j’avais envie que ça arrive, tu sais. »

Secouant sa tête, Damon laissa échapper un long soupire, légèrement emprunt d’un rire sarcastique. Ce n’était pas là dans ses habitudes de réponse, mais il ne s’était pas encore mis à pleurer alors qu’il se trouvait être dans une position où il l’aurait fait en temps normal alors cela comptait comme une victoire, non ? Pinçant ses lèvres un instant de plus, il finit par laisser son regard naviguer partout ailleurs autour d’eux que de se poser sur le visage d’Auden face à lui. « Y’a rien à détailler que tu t’imagines pas déjà. » C’était peut-être cette triste vérité qui faisait que Damon gardait un certain calme en cet instant. « Tu connais ton frère, tu sais de quoi il est capable, alors je suis sur que c’est pas une surprise pour toi et que tu peux très bien imaginer tout seul. » Après tout, Saül avait réussi à pourrir la vie de tout le monde, ajustant les tableaux face à lui pour peindre sous un nouvel angle quand cela l’arrangeait. Les versions variaient peut-être, les paroles étaient plus ou moins dures selon les personnes présentes - mais les résultats seraient toujours les mêmes, puisqu’ils allaient dans le sens de celui qui avait fui les conséquences de ses actes aujourd’hui. Venant gratter l’un de ses sourcils du pouce, Damon haussa un nouvelle fois les épaules. « C’est un connard et tu pourras rien changé à ce qui a été fait, de toute façons. »

Il reporta son enfin son regard sur son paternel, ce dernier était bien plus chargé en émotions et bien moins assuré que lorsqu’ils s’étaient retrouvés sur place. L’une des mains de Damon jouait nerveusement en silence, aussi, autre témoin de son inconfort en cet instant. « Et tant que j’en parlais pas, je pouvais toujours rester dans le déni et me dire que c’était pas si pire, comment il se comportait. » Le rire était amer, et surtout emprunt d’une tristesse qui pouvait fendre tous les coeurs, même ceux de pierre.

« Y’a rien à détailler que tu t’imagines pas déjà. » - « C’est arrivé combien de fois ? » Il ne veut pas me donner les détails mais il y en a certains que j’ai besoin de savoir. J’ai besoin de savoir tout ce que j’ai manqué, tout ce que je n’ai pas vu et tout ce que j’ai ignoré trop longtemps. J’ai besoin de savoir tout ce que mon frère me cachait, à l’époque où je pensais encore qu’il avait su élever Damon bien mieux que je n’en aurais jamais été capable. « Tu connais ton frère, tu sais de quoi il est capable, alors je suis sûr que c’est pas une surprise pour toi et que tu peux très bien imaginer tout seul. » Dans le fond, non, ce n’est pas une surprise. Du moins, je ne remets pas en question un seul instant la véracité de ses mots parce que si quelqu’un avait dû s’en prendre à son propre enfant, ça n’aurait pu être que Saül. Dans notre famille, du moins, il n’y aurait pu y avoir que lui. Même moi je ne le pourrais pas. Même Ana, cette foutue Ana, n’aurait pas pu s’en prendre à ses enfants si elle en avait. « Je me doutais pas de ce qu’il se passait avec lui. » Et je refuse qu’il pense le contraire, parce que ça fait de moi celui qui savait mais qui n’a rien dit ni fait. Et ce n’est pas le cas. Je n’ai rien dit ni rien fait simplement parce que je ne savais pas qu’il y avait matière à tout ça. Sinon, je me serais battu pour lui, même s’il est mon fils que je connais à peine. Il est mon fils, et c’est le plus important.

S’il y a bien une conclusion sur laquelle nous pouvons tomber d’accord, c’est celle qu’il ose prononcer lui-même. « C’est un connard et tu pourras rien changé à ce qui a été fait, de toute façons. » Mon frère est un connard, oui. Et je ne peux rien changer à tout ce qui s’est passé, aussi. « C’est pas pour autant que je compte faire comme si de rien n’était. » Que je compte faire comme si rien ne s’était passé non plus, sous couvert qu’il s’agit d’une histoire ancienne. Personne n’est à l’abri que Saül revienne un jour et c’est justement pour éviter une telle chose que la parole de Damon a toute son importance en tant que victime. « Et tant que j’en parlais pas, je pouvais toujours rester dans le déni et me dire que c’était pas si pire, comment il se comportait. » Ses propres mots font doucement rire Damon mais je suis incapable de le suivre dans cette même idée. Je sais qu’il n’en rigole pas réellement mais je ne sais pas faire semblant, même à un niveau infime. J’en suis d’autant moins capable alors qu’une autre question me taraude et que sa seule pensée suffit à voiler mon regard d’un manteau noir. « Il t’a juste frappé ? Il s’est contenté de ça ? Il t’a pas… touché ? » Et qu’on soit clairs: je ne minimise pas les coups. Je ne dis pas qu’il juste juste de ça et que ce n’est pas si grave. Je ne le dis pas en ce qui concerne Saül et Damon et je ne le dis pas non plus en ce qui me concerne, avec Ginny. Néanmoins, en tant que père, il y a encore d’autres sujets qui sont source d’une certaine inquiétude et je ne sais pas faire semblant de ne pas m’en inquiéter. S’il a osé le frapper, qu’est-ce qu’il aurait encore pu faire d’autre ? Qu’est-ce que Damon pourrait garder pour lui, comme il garde tous ses autres démons et secrets ? « Quelqu’un d’autre savait ? » Elise ? Est-ce qu’elle l’a su tout le temps sans jamais rien dire ? Ariane ?

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« C’est arrivé combien de fois ? » Pinçant les lèvres, Damon secoua quelque peu sa tête de gauche à droite. Pas qu’il ne voulait pas répondre - ses émotions lui criaient de partir en courant, oui, mais c’était là la façon dont elles se comportaient tout le temps et il ne pouvait se permettre de les écouter en permanence -, mais plutôt: comment répondre à cette question là ? Ce n’était pas là une chose qui était quantifiable aussi facilement que ce qu’Auden semblait s’imaginer. Inspirant longuement, il haussa alors un sourcil. « De quoi, combien de fois, exactement ? Qu’il ait eu des gestes violents envers moi, ou des paroles qui l’étaient tout autant ? Parce-que pour cette deuxième catégorie, je pourrais pas compter. » Parce-qu’il avait effectivement levé la main plus d’une fois sur lui, de façon de plus en plus violente avec les années, mais ce n’étiat pas la seule chose qui avait laissé des traces chez le jeune italien. Mais cela ne devait être une surprise pour personne, d’apprendre que le premier cobaye de Saül avait été son propre fils, non ? « Je me doutais pas de ce qu’il se passait avec lui. » - « Mais t’es pas surpris. »

« C’est pas pour autant que je compte faire comme si de rien n’était. » - « J’ai cru comprendre. » Ce n’était pas un reproche - ou pas vraiment, en tous cas. Disons que cela aurait été plus simple s’il n’avait pas eu envie d’en savoir plus et de mettre son nez dans tout ça; cela aurait évité à Damon de se retrouver dans cette position décilage qu’il obtenait aujourd’hui, à devoir confronter son père sur les agissements d’ironiquement celui qui portait réellement ce surnom là aux yeux du monde. « Il t’a juste frappé ? Il s’est contenté de ça ? Il t’a pas… touché ? » Lorsque la question parvint jusqu’aux oreilles du jeune homme, ce dernier se mit un instant à froncer les sourcils d’incompréhension tout en tournant son visage vers Auden. Ce ne fut là qu’une seule seconde pour connecter toutes les informations, mais ce fut tout de même une seconde de latence - et lorsqu’il se rappela qu’il avait appris ces éléments là via l’article dans le journal, et ce que ce dernier mettait surtout et avant tout en avant, Damon ferma les yeux. « Non, grand Dieu merci non. » Il ne s’était pas un seul instant dit, tant cela était au moins une évidence pour lui que ce n’était pas le cas, que c’était également de cette façon là que les choses pouvaient être perçues pour lui. « Ce qui s’est passé avec Ambrose, ça s’est passé avec Ambrose et pas avec d’autres. » Tout du moins, de ce qu’il avait comme information, c’était le cas. Mais surtout: la question de la part d’Auden ne le mettrait pas tant que cela à l’aise et ses joues étaient déjà assez en feu pour qu’il ose mettre le moindre mot un peu plus descriptif sur quoi que ce soit. Son regard était déjà parti ailleurs, lui, par ailleurs.

« Quelqu’un d’autre savait ? » Secouant avec une lenteur presque exagérée, Damon s’éclaircit la gorge. « Pour les coups ? » Parce-que là était toujours le noeud du problème: il n’était pas question que d’une seule vérité. « Megan le sait, elle a été témoin des dégâts des derniers qu’il m’a donné. » Coups, étranglements… Il n’était plus à ça dans les détails non ? Ce n’était pas forcément exactement le bon mot, mais les maux avaient été autant importants, alors. « Pour toutes les fois où il m’a parlé comme un moins que rien parce-que c’est ce que je suis à ses yeux ? Tout le monde a été témoin. Toi le premier. » Ce n’était pas un reproche: cela avait été la normalité imposée et installée malheureusement depuis le début. Et parfois, des habitudes de langage, ou ce qui semblait en être lorsqu’il s’agissait de certaines personnes ou certaines dynamiques, plus personne n’en venait à relever quoi que ce soit. Auden avait forcément déjà entendu Saül dire que son fils ne valait pas grand chose, que c’était un moins que rien; Damon y mettrait sa main à couper que ça avait déjà été le cas. Les excès de colère lorsqu’il revenait dans la maison familiale, aussi, après de longs voyage d’affaires: sa mère en avait toujours été témoin, mais n’avait jamais rien dit tant elle tenait à préserver cette image de la famille équilibrée et épanouie qu’ils avaient mis tant de temps à polir. Elle avait surement peur aussi de perdre son fils si jamais Saül trouvait qu’elle dérogeait à son rôle d’un peu trop.

« De quoi, combien de fois, exactement ? Qu’il ait eu des gestes violents envers moi, ou des paroles qui l’étaient tout autant ? Parce-que pour cette deuxième catégorie, je pourrais pas compter. » Je sais. Saül n’a jamais épargné personne et s’il ne l’a pas fait avec sa fratrie, je me doutais qu’il le ferait tout aussi peu avec ses enfants, bien que j’en ai toujours nourri l’espoir aussi fou que terriblement stupide. Je ne lui pose pas la question une seconde fois, déjà trop conscient que la réponse se résume à un nombre de fois tel qu’il ne peut finalement pas être dénombré. Et c’était évidemment le pire qu’il puisse y avoir dans tout ça. « Mais t’es pas surpris. » Non. Je connais mon frère. Je sais qui il est, je sais comment il est. « Non, grand Dieu merci non. » Damon me confirme au moins que Saül s’est toujours contenté de lever la main sur lui, il n’a jamais rien fait de plus répréhensible et cela me rassure. Je n’ai au moins pas à le chasser et retrouver où il se trouve pour le tuer de mes propres mains, même si cela n’arrange en rien mon désir de justice quant à ce qu’il a imposé à Damon. « Ce qui s’est passé avec Ambrose, ça s’est passé avec Ambrose et pas avec d’autres. » - « Lui c’est pas mon problème. » Et cela ne sert à rien de parler de ce garçon. C’est de Damon dont je me soucie et il est aussi le seul dont je veux parler, ce qui prouve bien qu’aucun de nous deux n’a de temps à perdre avec cet Ambrose dont je me soucie à peine pour le compte de James, mais pour qui mon intérêt reste profondément réduit. Mes mots sont durs et parviennent aussitôt ceux du jeune homme prononcés mais je me moque bien de ce qu’il peut penser de l’attention que j’accorde ou non à autrui.

« Megan le sait, elle a été témoin des dégâts des derniers qu’il m’a donné. » Et ironiquement, je ne sais même pas quoi faire de cette réponse. Megan savait mais n’a rien fait ; je m’en doutais et je n’ai rien fait non plus. Je voudrais tout mettre sur le dos de la gamine mais c’est un niveau d’injustice que même moi je n’arrive pas à me permettre, et ce même alors qu’elle ne possède pas l’immunité familiale, quoiqu’en dise la bague à son doigt et son nouveau nom sur les documents officiels. Elle n’est pas la famille. « Pour toutes les fois où il m’a parlé comme un moins que rien parce-que c’est ce que je suis à ses yeux ? Tout le monde a été témoin. Toi le premier. » Je garde un instant le fond de ma pensée pour moi mais n’y parviens pas davantage. « Tu aurais dû apprendre à te défendre avec le temps. » Et Saül aurait dû être le premier à ne jamais le traiter comme ça, je continuerai toujours de le penser, mais Damon aurait pu se protéger et il aurait dû apprendre à le faire. C’est ce que font les gamins: ils se protègent, ils érigent des barrières, ils apprennent à mordre en retour. Lui n’a jamais su le faire, de toute évidence. « Tu sais au moins quel exemple ne pas suivre en termes de paternité. » Je hausse les épaules. Saül est loin, il n’y a plus rien à faire. Toute la famille le déteste pour des raisons bien fondées, que dire de plus ? Damon n’est plus sous le joug de qui que ce soit, maintenant. « Je veux que tu me tiennes au courant si ça se reproduit. » Avec qui que ce soit d’autre, puisque j’ai déjà souligné l’idée qu’il ne semble pas capable de se défendre lui-même. Je le ferai.

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«  Lui c’est pas mon problème. » Il eut un petit rire amer sifflé par les narines. « Je m’en doute. » Mais c’était quand même par rapport à cet exemple là qu’il souhaitait savoir ce qui lui était arrivé à lui, non ? Alors c’était on ne pouvait plus normal que ce soit ce dernier que Damon prit en exemple pour faire comprendre à son père que lui n’avait pas subi ce genre de violences de la part de Saül. D’autres choses lui étaient littéralement parfois tombées dessus, mais s’il pouvait se permettre de voir les choses comme ça cela s’était cantonné aux gestes violents et aux paroles qui l’étaient tout autant, rien de plus - et il n’existait aucune réalité où il s’était un jour dit que ce serait une bénédiction que ce soit le cas, et que recevoir des coups était presque une aubaine. Remis en perspective aujourd’hui, ce n’était presque pas la mer à boire.

C’était assez en revanche pour avoir traumatisé un enfant devenu un adulte qui désormais n’avait pas réussi à prendre confiance en lui avec les années, tant il avait été habitué à être traité littéralement comme un moins que rien par celui qui aurait du être l’un de ses piliers dans ce monde. Si seulement d’autres étaient intervenus à travers les années, peut-être que bien des choses auraient été différentes aujourd’hui mais ça n’avait pas été le cas; les paroles que son père avait pu avoir envers lui avaient été aux yeux de tous pendant tout ce temps, et l’exemple le pus flagrant de la façon dont il traitait son fils, et pourtant fermer les yeux avait toujours été l’option choisie par tout le monde. Damon n’en voulait à personne, là était un fait véridique; peut-être ne réussirait-il pas à le formuler de la sorte ou le démontrer aujourd’hui, parce-qu’il ne s’était pas attendu à cette discussion et qu’il n’était ni préparé ni à l’aise pour et dans cette dernière, mais il n’en voulait à personne de ne pas être intervenu. Il connaissait l’emprise de Saül sur ceux qui gravitaient autour de lui, il savait ce que ça faisait. « Tu aurais dû apprendre à te défendre avec le temps. » Il pinça ses lèvres. « J’aurais du surement oui. Mais quand tu sais d’avance comment tu vas être reçu si tu le fais, si tu te défends, j’ai vite été découragé de le faire. » Parce-que l’emprise qu’avait Saül sur lui ne datait pas d’hier et elle était ancrée depuis tant d'année que s’en défaire ne se faisait pas en un claquement de doigts. Il y arrivait, avec le temps et la patience que Megan pouvait lui octroyer - parce-qu’il ne savait le faire seul, il n’avait jamais appris à se débrouiller seul quand il s’agissait d’étoffer sa force de caractère -, mais cela prenait du temps justement.

« Tu sais au moins quel exemple ne pas suivre en termes de paternité. » Une pensée intrusive fut à deux doigts de lui échapper, mais il la rattrapa juste à temps. « Crois moi que j’ai pas envie de devenir comme lui. Plus maintenant. Enfin, depuis un bout de temps déjà mais maintenant j’ai plus trop de doutes. » Il aurait voulu dire que cela faisait des années pour bien diverses raisons qu’il avait rapidement appris quel genre de père il souhaiterait être dans le futur, et que Saül n’était malheureusement pas le seul exemple dans ce domaine - mais ce n’était pas le sujet de cette conversation et il ne désirait pas envenimer davantage les choses alors qu’il avait réussi à maintenir ses émotions en grande partie sous contrôle durant cet échange; chose assez rare pour être notifiée.

« Je veux que tu me tiennes au courant si ça se reproduit. » Bien sur que cela ne tombait pas dans l’oreille d’un sourd et que cela apportait un pesant d’émotions particulières chez Damon. C’était là le type d’attention que ses pères auraient du lui apporter pour les petites et les grandes choses de la vie, depuis des années, pas malheureusement parce-que l’un des deux était une ordure et une pourriture. « J’ai plus de ses nouvelles, tu sais. » Depuis qu’Ambrose avait commencé à ouvrir sa bouche ici et là, c’étaient des endroits où Williams n’était plus vu depuis. Il avait tout laissé en plan derrière lui, et c’était peut-être la première fois qu’il prenait une décision qui l’arrangeait lui autant que les autres autour. « Et je pense pas qu’il ait envie d’avoir des miennes, il m’aurait contacté depuis sinon. » C’était peut-être là une réalité qui faisait mal à recevoir, mais Damon était lucide sur la question: ce n’était pas la première fois que son père disparaissait des radars sans prévenir et sans prendre des nouvelles, il y était habitué; et pour une fois c’était pour la bonne causse que c’était le cas cette fois-ci. « Donc je pense pas que j’aurais grand chose à te tenir au courant. »

Je n’excuse pas ce qu’a fait mon frère durant toutes ces années, mais cela n’en fait qu’un mystère de plus à mes yeux. Je ne sais pas comment Damon a pu grandir pour être un homme de cette trempe - laquelle manque justement de trempe. Il n’a pas pu compter sur quiconque en grandissant et maintenant qu’il est adulte, j’ai l’impression qu’il peut compter sur tout aussi peu de personnes, et toujours pas lui-même. « J’aurais du surement oui. Mais quand tu sais d’avance comment tu vas être reçu si tu le fais, si tu te défends, j’ai vite été découragé de le faire. » Je sais, oui. Mais il aurait pu trouver de nombreuses alternatives pour se défaire de lui. J’en sais rien, je ne veux plus y penser et ce n’est même pas une conversation que je veux continuer à avoir avec lui. Son enfance est faite, l’histoire est écrite et ne peut pas l’être à nouveau simplement parce que la configuration actuelle est loin d’être idéale. « Crois moi que j’ai pas envie de devenir comme lui. Plus maintenant. Enfin, depuis un bout de temps déjà mais maintenant j’ai plus trop de doutes. » Je pense surtout qu’il ne pourrait jamais être comme Saül, même s’il mettait véritablement tous ses efforts à la tâche. « T’as pas vraiment besoin d’argumenter. Je m’en doute un peu. » Je me doute bien plus de ça que de son envie ou non d’avoir des enfants, à vrai dire. Saül est un prénom qui lui donne sûrement la chair de poule et peut-être qu’il en est de même pour l’idée d’une vie de famille, dont son enfance aurait pu le vacciner une bonne fois pour toutes. J’en sais foutrement rien.

Et si je suis bien conscient de ne pas avoir une place dans sa vie d’adulte, je me permets tout de même d’exiger de lui qu’il me tienne au courant si jamais Saül revenait un jour dans son existence. J’ai beau en douter, je ne veux justement plus me reposer sur l’idée de “doutes raisonnables”. « J’ai plus de ses nouvelles, tu sais. Et je pense pas qu’il ait envie d’avoir des miennes, il m’aurait contacté depuis sinon. Donc je pense pas que j’aurais grand chose à te tenir au courant. » - « On sait jamais. » Il a tout à y perdre à revenir en Australie, littéralement, mais il est hors de question que je me repose sur des suppositions en ce qui concerne mon frère autant que mon fils. « Mais s’il remet un pied ici, j’en connais beaucoup qui voudraient sa peau. » Et le plus ironique dans tout ça, c’est qu’il n’est plus question que de moi-même. James, à commencer, a sûrement envie d’avoir sa peau et de l’exposer sur une future collection Weatherton ; et je serais prêt à l’aider pour qu’il arrive à ses fins, parce que la seule chose qui me lie à Saül est un nom de famille commun. Pas le moindre brin d’adn identique, au final. « Je te demande juste de me tenir au courant, c’est tout. Je suis pas Saül, je vais pas te dicter ta vie. » qu’il fasse ce qu’il veut avec sa pseudo vie de couple, à jouer les adultes tout en étant un gamin. Je n’en pense pas moins mais je garde mes pensées au creux de mon être.

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Il aurait pu apprendre à endurcir sa carapace avec les années et le temps écoulé - et c’était là surement toute chose attendue de la part d’un humain normalement constitué. Sauf que Damon n’avait jamais réussi à en venir à ce résultat là, endurant littéralement les coups et les mauvais comportements de celui qui avait pris le titre de père pour lui dès qu’il était venu au monde. Au moins, cela avait eu le don de lui montrer le chemin qu’il ne voulait absolument sous aucun prétexte emprunter désormais - si cela pouvait vraiment être un avantage. « T’as pas vraiment besoin d’argumenter. Je m’en doute un peu. » Damon pinça les lèvres un instant. « Tout est pas perdu chez moi alors, tu vois. » Parce-qu’il savait que c’était là une partie des pensées d’Auden, que de se dire qu’il y avait bien des choses à remettre en place davantage correctement chez son fils; c’était là une vision qu’il partageait malheureusement avec son frère. Pas pour les mêmes détails, mais il y avait forcément une partie de lui qui se disait qu’à refaire, il y avait des choses qui seraient différentes aujourd’hui. A refaire, Damon referait certaines choses différemment aussi surement - autant que possible et avec les outils qui avaient été le long de sa route à portée de main.

Même si cela n’aurait peut-être pas du être le cas, bien sur qu’une partie de lui était touchée de savoir qu’Auden - ou une partie de lui aussi, de ce ce qu’il pouvait en savoir - s’inquiéter de savoir où en étaient les contacts entre Saül et sa pseudo-progéniture. La question ne se posait pas en réalité: à partir du moment où il s’était réellement senti menacé, l’homme d’affaire n’avait plus pris contact avec son fils et avait fui le territoire australien. Leur relation n’était déjà pas au beau fixe avant tout ça, malgré les efforts de Damon dans ce domaine - et Dieu qu’ils étaient grands et nombreux les efforts -, ce n’était pas désormais que les choses allaient être réparées. « On sait jamais. » ll soupira quelque peu. « J’ai pas trop de doute. » Il serait celui laissé en arrière, et si quelques années en arrière cela lui aurait de nouveau déchiré le coeur que ce soit le cas, aujourd’hui il était en paix avec cette idée. « Mais s’il remet un pied ici, j’en connais beaucoup qui voudraient sa peau. » Relevant son regard vers son père, sa réponse fut prononcer sans aucune hésitation. « Toi le premier ? » Parce-que malgré tout les rancoeurs qu’il pourrait avoir à l’égard de Saül de son côté, il n’aurait jamais l’idée de lui faire la peau - il n’avait pas assez de courage pour ça. Et si Auden ne lui répondait pas par la positive à cette question, il aurait du mal à croire à sa sincérité - parce-qu’il n’était pas spécialement connu pour son calme et sa patience.

« Je te demande juste de me tenir au courant, c’est tout. Je suis pas Saül, je vais pas te dicter ta vie. » - « Heureusement. » Ce n’était même pas dit avec le coeur lourd, mais plus avec un certain soulagement que ce soit le cas. Il savait qu’il n’aurait pas été obligé de suivre ses dires et de marcher au pas, mais Damon restait Damon et il avait besoin de l’approbation parentale bien plus qu’il aurait envie que cela puisse être le cas.

C’était peut-être et surement cette dite raison là qui le poussa à lancer un autre sujet, qui n’avait rien à voir avec le premier; mais il lui semblait important que s’il tenait Auden au courant pour les allées et venues de Saül par rapport à lui, qu’il puisse le faire pour des choses bien plus heureuses et positives dans sa vie. « On part en Italie après-demain avec Megan. » Ce n’était pas assez développé pour que cela soit une réelle surprise - ils étaient tous deux attachés à leurs racines et même si elles se trouvaient à l’autre bout de la planète, ce n’était pas une grande surprise qu’il retourne sur place une à deux fois l’année. « J’ai prévu de l’épouser pour de vrai cette fois ci, à l’abris des regards. Pour remplacer le premier mariage catastrophique dans nos souvenirs. » Ils ne pourraient jamais véritablement être remplacés, mais ils pourraient être adoucis avec des nouveaux bien plus supportables pour eux. « Je sais que c’est pas de ça que tu voulais que je te tienne au courant, mais j’avais envie de te le dire. » Les occasions n’avaient juste pas été présentes et ils n’étaient pas du genre à s’envoyer des messages toutes les semaines pour prendre des nouvelles l’un de l’autre. « Je sais que t’en penses pas grand chose de ce mariage, mais cette fois ci la décision vient de moi. » Et c’était peut-être l’une des seules qu’il avait réussi à prendre seul, alors il était important de le souligner.

« Toi le premier ? »
« Moi le premier. »

Je le tuerais de mes propres mains si je le pouvais, alors oui. Beaucoup de personnes veulent la peau de mon frère mais je m’attribue le premier rôle dans tout ça. « On part en Italie après-demain avec Megan. » Je dégage mon regard du sien et le pose ailleurs sans réellement me poser la question du ‘où’, un simple « Hm, hm. » émanant de ma gorge sans la moindre conviction. Je n’ai pas fait ce chemin pour l’entendre parler de ses pseudo-vacances avec sa pseudo-femme. Il retourne dans mon pays natal et le sien tout autant, je n’y vois rien d’inédit et, surtout, rien d’intéressant. Si la discussion ne consiste plus à planifier la mort de Saül, alors mon attention n’est plus présente. « J’ai prévu de l’épouser pour de vrai cette fois ci, à l’abris des regards. Pour remplacer le premier mariage catastrophique dans nos souvenirs. » Et peut-être que ces mots gagnent davantage mon attention, en effet. Ils ont au moins le mérite de me faire relever la tête en sa direction. Je me moque qu’ils tentent de faire les choses bien au milieu du chaos: c’est un espoir fou qui vient avec une vingtaine loin d’être éternelle. Ils comprendront bien assez tôt que la réalité ne peut pas s’aligner sur leurs rêves. « Je sais que c’est pas de ça que tu voulais que je te tienne au courant, mais j’avais envie de te le dire. » Tant mieux pour lui, j’imagine. Je ne cache pas mon manque d’enthousiasme sur le sujet, mais je me garde au moins de tout commentaire désobligeant. « Je sais que t’en penses pas grand chose de ce mariage, mais cette fois ci la décision vient de moi. » - « J’en pense pas grand chose parce qu’il est pas fait de grand chose. » Ce n’est pas par manque d’enthousiasme quant au bonheur de Damon, mais bien parce que j’ai du mal à trouver de quoi je devrais me rendre heureux pour lui à en juger par les circonstances.

« C’est ce que j’ai fait avec Ginny. » Il n’y a jamais eu de véritable cérémonie en premier lieu, certes, mais peu importe. On s’est mariés à l’abri des regards, et on l’a fait en Italie. Ce sont assez de points communs pour que j’ose la comparaison, bien que cette dernière s’arrête là et que je n’oserai jamais la comparer à celle que Damon veut (encore) marier. « Et tu vois où ça a mené. » Je l’arrête tout de suite s’il pensait que ma première confession allait en amener d’autres sur le terrain de la nostalgie et de l’amour. Ce n’est pas le cas. « Mais profite. » Tant qu’il le peut, c’est encore le meilleur conseil que je peux lui donner: il y aura toujours un temps pour les regrets et il viendra bien assez vite. Alors pour l’heure, il est en droit d’en profiter autant que possible, aussi longtemps que possible.

you’ll be fine was a criminal lie

@auden williams

lieu: wynnum mangrove boardwalk, bayside.
(c): conjuringgifs (gif), luleaby (codage).

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« Moi le premier. » Dans d’autres circonstances, cet aveu aurait pu tirer un frisson malsain dans le dos de Damon - mais dans celles là, c’était la réponse la plus logique à entendre. Même: si elle avait été différente, ca aurait été à ce moment là qu’il se serait inquiété.

Saül mit derrière eux, la conversation portant sur Auden désirant être mis au courant des éléments de la vie de son fils, cela donna des ailes à ce dernier qui se dit que c’était peut-être le bon moment pour prévenir son paternel qu’il comptait épouser de nouveau, pour de vrai cette fois-ci, celle qui était déjà sa femme depuis deux ans désormais. Mais à voir la façon dont il détourna son regard dès le sujet abordé, à entendre ses « Hm, hm. » perturbant à peine son discours, Damon savait que la réaction ne serait pas à la hauteur du peu d’espérances qu’il pouvait avoir dans cette situation. « J’en pense pas grand chose parce qu’il est pas fait de grand chose. » Baissant le regard, il se pinça les lèvres: il n’était pas composé de grand chose à ses yeux parce-qu’il n’avait jamais pris le temps de réellement s’y intéresser, surement. S’il avait agi pour ce bien là, il se serait aperçu que le regard porté par Damon sur son épouse avait changé au fil des mois écoulés, et que leur quotidien n’avait plus rien à voir avec celui du couple fraichement marié qu’ils avaient pu un jour être - parce-qu’effectivement, ce mariage là n’était pas composé de grand chose.

« C’est ce que j’ai fait avec Ginny. » Le plus jeune des deux italiens releva son regard, une certaine lueur d’espoir dans ce dernier, comme s’il y existait le moindre de ces derniers quant à l’idée qu’Auden puisse partager une expérience personnelle avec lui. « Et tu vois où ça a mené. » Le moindre éclat dans son regard azur se vit être réduit en cendres à ces simples mots. « Mais profite. » C’était donc ainsi qu’il voyait l’avenir de l’union de son fils: avec la même finalité, la même tragique trajectoire que pour son union à lui ? Il n’en pensait pas grand chose, c’était un fait établi et sans aucun doute puisqu’il l’avouait à haute voix - mais de là à envisager la même chose pour un autre ? « Tu sais, tu peux pas me demander de te tenir au courant de si Saül revient dans ma vie pour lui défoncer la gueule si c’est le cas, et n’en avoir rien à foutre du reste. » Avec beaucoup de courage, il remonta son regard dans celui de son père - oh, il se forgeait une carapace avec le temps; elle était encore fragile mais il tentait de toutes ses forces de faire en sorte de ne plus autant se faire marcher sur les pieds désormais. C’était compliqué, surtout face à Auden parce-qu’il avait toujours cherché malgré lui cette attachement et l’approbation d'un paternel. Il s’était même naïvement dit qu’en apprenant que Saül n’était pas son véritable père, il aurait l’occasion de pouvoir faire les choses mieux avec Auden. Il s’était surement mis le doigt dans l’oeil jusqu’au coude, à le voir agir de la sorte face à lui. « Ca fonctionne pas comme ça. Tu peux pas agir comme un père que quand ça t’arrange et que ça soulage ta conscience. » Parce-que c’était ce qu’il faisait, non ? Il se montrait présent uniquement quand cela l’arrangeait et pouvait lui donner le bon rôle ? Damon ne savait même pas pourquoi il était étonné, alors que c’était là ce qu’il faisait avec le reste de la famille depuis de nombreuses années. Simplement, jusque maintenant, il était gonflé d’espoir que les choses soient différentes pour lui - quel imbécile.

« Tu sais, tu peux pas me demander de te tenir au courant de si Saül revient dans ma vie pour lui défoncer la gueule si c’est le cas, et n’en avoir rien à foutre du reste. » Il est dramatique, Damon. Je n’ai jamais stipulé ne rien en avoir à foutre du reste ; j’ai simplement laissé entendre que je n’en aurai jamais rien à foutre de son mariage, que je ne verrai jamais autrement que sous le prisme de l’ambition et des desseins de Saül. Peu importe ce qu’il en est aujourd’hui, peu importe ce qu’il pense ressentir ou ressent effectivement: ce ne sont pas mes affaires. Je ne suis pas lui, je ne me mettrai pas mon nez dans sa vie privée. S’il veut se marier une seconde fois pour apaiser son âme, qu’il le fasse. S’il veut divorcer, qu’il le fasse. Rien n’est mon problème, rien ne m’intéresse réellement non plus. « Regarde moi faire. » Je réponds néanmoins froidement, peu enclin à entrer dans son jeu et perdre mon temps à le rassurer face à tous les maux du monde - parce qu’il pense qu’ils l’accablent tous, justement. « Les deux sont pas liés. » Je finis simplement par ajouter. Il ne peut pas voir l’ombre de Saül dans toutes choses.

Mais Damon semble avoir trouvé le courage de parler pour ce qu’il ressent et pour ses convictions et le voilà qui ne sait plus comment s’arrêter. « Ça fonctionne pas comme ça. Tu peux pas agir comme un père que quand ça t’arrange et que ça soulage ta conscience. » - « Je le fais pas pour toi. » Alors si je n’agis pas en tant que père dès le début, cela me donne bien le droit de faire ce dont j’ai envie, non ? Ce n’est pas le reflet de la réalité mais je m’en moque bien, tant qu’il arrête de jouer au Calimero face à moi et apprend enfin de ses erreurs pour se construire un caractère. « Et tu n’es pas en position pour me dire ce que je peux faire ou non. » Parce que je reste son père, quoiqu’il veut en penser. Nous le savons tous les deux. « Être un père ce n’est pas se réjouir d’un mariage à la con. Ça, c’est ce que tu voudrais. » Mais ce n’est pas parce qu’il a passé toute sa vie à espérer un père idéalisé que cela peut rencontrer la réalité. J’agis comme un père en lui faisant comprendre que rien ne m’enchante dans son idée et j’agis comme un père en le laissant tout de même faire ses choix, parce qu’il finira par apprendre des conséquences de ces derniers, qu’elles soient bonnes ou mauvaises. Et je ne sais pas ce qu’il imagine du haut de ses quelques années, mais il ne connaît rien à la paternité, quoiqu’il puisse bien en penser.

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@auden williams

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Ca lui en demandait, du courage, pour oser parler de cette sorte à son père. Ce n’était pas d’aujourd’hui et ce n’était une nouvelle pour personne que Damon était plutôt du genre à baisser la tête face à un caractère même qu’un brin plus imposant que le sien - préférant courber l’échine pour plaire que de chercher à faire entendre ce qu’il avait sur le coeur. Cependant, ces derniers temps il essayait de faire au mieux pour justement se sortir de ce rôle préconçu pour lui, qui lui avait été imposé avec les années et les différentes personnes surtout ayant revêtu un rôle parental à ses côtés. Ce n’était pas encore parfait, loin de là mais au moins il n’était pas possible de lui retirer qu’il essayait aussi fort que cela lui était permis. « Regarde moi faire. Les deux sont pas liés. » Dans la continuité de la vie de Damon, tout était lié parce-qu’il voyait la vie de façon linéaire - et que bien des actions du passé avaient des conséquences importantes sur son présent. C’était surement ce qu’Auden ne comprenait pas: il n’était pas apte à se défaire de ce qu’il avait vécu avant et de se détacher de cette sorte, comme lui était cabale de le faire.

« Je le fais pas pour toi. » Cette réponse ayant oublié de manquer d’honnêteté lui fit baisser les yeux et le visage, tant parfois il oubliait à quel point son père pouvait être cru dans ses paroles sans faire fi de si cela pouvait plaire à son entourage ou non.  Et de si cela pouvait atteindre son fils d’une façon ou d’une autre, pour ce que ça valait. « Et tu n’es pas en position pour me dire ce que je peux faire ou non. Être un père ce n’est pas se réjouir d’un mariage à la con. Ça, c’est ce que tu voudrais. » - « Parce-que ça importe pour moi. » Et qu’il aurait aimé qu’une fois, une seule fois dans sa vie, l’un de ses parents se réjouisse un minimum pour quelque-chose qui lui faisait plaisir. Ou plutôt rectification: que l’un de ses pères en ait quelque-chope à faire. Ce n’était même pas qu’il avait misé sur le mauvais cheval, parce-que la réaction de Saül aurait été motivée par autant de mauvaise volonté et d’arguments qui n’auraient été recevables à ses yeux - c’était qu’il n’existait pas réellement de cheval apte à gagner cette course pour lui rapporter quelque-chose à lui. Il savait que cela pouvait arriver, mais il avait toujours préféré se dire que la version la plus arrangeante de cette situation pouvait arriver plutôt que celle qui le relayait à un rand d’importance secondaire. « J’aurais du me douter que ça t’importerait pas. » Et parce-qu’il avait bien compris désormais que si ce n’était pas pour discuter de la façon dont ils pourraient envoyer Saül bruler en enfer, Auden n’aurait pas spécialement envie d’avoir d’autre sujet de discussion avec lui aujourd’hui, Damon se releva de sa chaise. « Au moins tu t’es inquiété de savoir s’il a pas été un pervers sexuel avec moi, c’est toujours ça de pris. » Et il tourna les talons pour ne pas relever son regard empli de déception vers celui d’Auden.