(avis de tempête) Pour une fois, que diraient ses proches, il n’a pas pensé qu’à lui. Pour une fois, il a pris la peine d’envoyer des messages et de passer des appels parce qu’il s’inquiète sincèrement de ce qui pourrait arriver à ceux qu’il aime. Et pour une fois, il ne l’a pas fait pour lui, pour apaiser son âme, pour Dieu sait quoi encore. Pour une fois, aussi, il est question de rien d’autre qu’une tempête arrivant droit sur la ville, laquelle rabat les cartes avec virulence et injustice: personne ne sera épargné, c’est un fait avéré. Parmi les réponses pour qui il s’est inquiété, il y en a invariablement une qui tient une place particulière et il n’a même pas cherché à prétendre le contraire. Le sort d’Evelyn le préoccupe toujours, même s’il n’a pas retrouvé son statut de petit-ami et qu’il n’y a aucune certitude quand au fait qu’il arrivera à le retrouver un jour, justement. Il s’accroche à l’illusion d’un oui, laquelle ne change de toute façon rien à son soulagement à l’idée de la savoir près de lui le soir où la tempête frappera. Il sait que cela ne peut rien changer à la finalité, ni qu’il pourrait la protéger d’une foutue tempête, mais au moins il sait en temps réel comment elle se porte et n’a pas à dépendre du réseau de communication, lequel finira tôt ou tard par être coupé, saturé ou endommagé. Rhett peut l’avoir à l’oeil, et il peut tenter de la rassurer autant que possible, lui-même évidemment loin d’être au meilleur de sa forme dans de telles circonstances.

Ainsi, lorsqu’elle se présente sur le pas de la porte et que le vent souffle déjà bien trop fort à l’extérieur, il se pince un instant les lèvres avant de la prendre dans ses bras, ayant ainsi décidé qu’il ne cacherait pas son soulagement à la savoir près de lui. Il hume son odeur, la serre un instant pour s’assurer qu’elle n’est pas une chimère et, après avoir posé une main entre ses cheveux, il s’en défait quasiment aussi rapidement. Ils ne sont plus un couple et il n’est même pas certain qu’il ait le droit de les qualifier d’amis, alors il retrouve sa place ambiguë et ne s’en plaint pas, parce qu’elle lui donne encore une place au moins. « J’ai essayé de dégager la baie vitrée, si jamais elle venait à casser. » Il va à l’essentiel et ne commente pas son geste, sans doute parce qu’il ne sait de toute façon pas quoi en dire. Rhett commente plutôt ce qu’il a fait en son absence, pour s’assurer que les objets du salon ne deviennent pas des projectiles. Inutile de préciser que les couteaux ont été soigneusement rangés au fond des tiroirs, et qu’il a aussi pris soin d’en venir à la même conclusion dans la chambre où la fenêtre a été barricadée avec les moyens du bord. Tout se passera bien si le verre résiste, et si non il n’en sait rien. « Je sais pas vraiment quoi faire de plus. » Dans un rire maladroit, il avoue. « Et ça me rend fou de juste devoir attendre. » Comme tout le monde sans doute, il faut bien le dire, et de son côté aussi Evelyn est bien placé pour le savoir, parce qu’ils vivent la même aventure bien malgré eux. « Y’avait pas ce genre de problèmes à Londres, je sais que j’aurais dû y rester. » Qu’il blague ou non ne serait pas une réponse évidente à donner tant le doute persiste. « Y’a à boire et à manger. Pas pour tenir un siège, mais je me doutais bien qu’on ferait pas un restaurant. » Et cette fois-ci, il le jure, c’est bel et bien une blague - sur le restaurant, du moins, parce qu’il a bien de la nourriture. Sur le tard, Ruben finit par s'ajouter à la scène, lui qui a trouvé sa place bien plus sur le canapé du salon que sur son coussin pourtant acheté uniquement pour ses beaux yeux canins.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Elle ne s’inquiétait pas outre mesure avant que son téléphone ne se mette à s’agiter sous le coup d’une petite quinzaine de messages lui demandant comment elle allait gérer la tempête dans son coin de la ville, lequel était situé bien plus sur la côte que le centre, donc plus exposé à d’éventuels dommages. Elle ne prévoyait pas de répondre à tout le monde non plus, pas par envie qu’on se fasse du souci pour ses beaux yeux, mais parce qu’elle s’imaginait que la moitié n’était que formules de politesses écrites à la va-vite pour soulager les consciences, et qu’Evie en avait assez des courbettes. Mais en posant son regard sur la notification portant le nom de Rhett, elle n’hésita pas un seul instant "Je vais bien." prononça-t-elle en sentant les bras du jeune homme la serrer à peine avait-elle posé un orteil sur le seuil de sa porte, ses lèvres effleurant le tissu de son t-shirt dans lequel elle enfouit son nez par habitude — c’était la mémoire musculaire qui était à saluer ici, ou du moins c’est ce qu’elle dirait pour expliquer qu’ils se sentent obligés de se serrer l’un contre l’autre alors que oui, le vent soufflait déjà fort à l’extérieur, mais que non, rien de dramatique n’était à recenser pour l’heure. Elle ne s’autorisa qu’un instant à apprécier ce contact familier, frôlant du bout de ses dix doigts les contours de la mâchoire de Rhett quand ils se séparèrent, et se cala sur sa volonté de ne pas faire une histoire de cette entrée en matière, le suivant dans son appartement en remontant les bretelles de ses sacs, à main et de voyage, sur son épaule en opinant du chef "Espérons qu’elle ne casse pas." La baie vitrée, longue de plusieurs mètres, qui rendait cet endroit si particulier. Elle n’était pas une experte de la gestion des catastrophes naturelles Evie, elle savait au moins que prévoir ce genre de choses, c’était le protocole. Rassurée que Rhett avait les bons gestes, elle lui donna un léger sourire en haussant les épaules finalement, se défaisant de ses sacs en en posant un sur le premier meuble qu’elle trouva, l’autre au sol près du canapé, avant de retirer son manteau et de le poser sur le dossier en lui disant dans un profond soupir "Il n’y a pas grand-chose à faire de plus, on a plus qu’à…" Attendre, c’est Rhett qui posa le dernier mot de sa phrase, faisant opiner du chef à Evelyn, tout en lui avouant devenir fou à cette idée.

Elle s’avança encore un peu dans la pièce, tirant sur les manches épaisses du pull qu’elle avait choisi de porter, ressentant le besoin d’être enveloppée, et jeta un regard circulaire à l’ensemble "Au moins, on n’aura pas à le faire chacun de notre côté, c’est déjà une bonne chose." Elle le pensait, même si de prime abord, elle n’avait pas pensé vivre ce confinement autrement que seule, voilà qu’elle était soulagée de ne pas y être forcée finalement, trouvant en la présence de Rhett un certain réconfort, malgré tout ce qui s’est passé entre eux. Elle tourna la tête pour regarder d’abord Rhett, et puis elle vit une petite silhouette se trainer nonchalamment jusqu’à elle après avoir quitté sa place de choix. Elle s’accroupit en face de lui, accepta la lèche qu’il lui fit sur la main, et laissa un rire filer en l’observant, langue pendante, l’accueillir à sa façon "Je n’en reviens toujours pas que tu as osé l’appeler Ruben." Etait-ce officiel ? Elle n’avait jeté un oeil aux papiers d’adoption de l’animal dont elle gratouilla les oreilles pour le rassurer un instant, avant de se relever, ses mains trouvant ses cuisses en le faisant, pour se recentrer sur ce que lui disait Rhett "J’ai apporté un gâteau." Bien emballé dans son sac de voyage qu’elle avait manipulé avec la plus grande des attentions de fait, histoire de les laisser, lui et sa surprise dérisoire, intacts "Pour ton anniversaire." Elle s’apprêtait déjà à se défendre, levant une main devant elle pour retenir les ronchonnements du jeune homme "C’est histoire de marquer le coup et de se changer les idées. On s’en moque que ce soit passé." À ses pieds, Ruben jappa doucement. Ça la fit se baisser pour le porter contre elle, lui lever précautionneusement une patte en direction de Rhett et faire d’une petite voix attendrissante, qu’elle imaginait être celle du chien dans ses songes "Dis-lui toi, que toutes les occasions sont bonnes pour manger du gâteau d’anniversaire. Je l’ai pris sans chocolat, il aura droit à un petit morceau comme ça." Ou deux. C’était une situation particulière après tout, chacun avait besoin d’un peu de réconfort.

Le small talk avant une tempête n’est pas une chose à laquelle il est habitué, il faut bien l’avouer. Au moins, il n’a pas à réfléchir à quoi que ce soit lorsqu’il s’inquiète pour Evie et a pour réflexe de la serrer dans ses bras, comme pour s’assurer qu’elle est bel et bien face à lui. Il parle de la baie vitrée, il parle de ce qu’il a tenté de faire pour limiter les dégâts, mais ils se mettent surtout d’accord sur l’idée qu’ils n’y peuvent finalement pas grand chose. Peut-être qu’une part de lui avait espéré l’arrivée de nouvelles idées en la personne d’Evelyn mais même elle semble être limitée face aux forces de la nature et il n’est évidemment pas déçu de s’en rendre compte. Elle est humaine, parfois. Elle n’a pas de super-pouvoirs, parfois, et cela fait du bien à le reconnaître, parce qu’il se sent un peu moins pathétique face au fait accompli, celui qui fait de lui l’homme incapable d’accepter leur rupture et qui continue de gratter à sa porte pour un peu d’attention et d’amour.

Et elle de toujours y répondre. "Au moins, on n’aura pas à le faire chacun de notre côté, c’est déjà une bonne chose." Pour une fois, Rhett n’est pas égoïste et il aurait aimé passer la tempête avec tous ses proches et sa famille mais il a dû faire des choix, et force est de constater qu’elle était en tête de liste. Il a ordonné à ses parents de se montrer raisonnable et a envoyé des messages à ses proches avant même le début des hostilités, mais du reste il n’y a qu’à Evelyn qu’il a proposé de passer le soir de la tempête avec. « Je sais qu’être deux y changera rien mais je me dis que y’a de fortes chances pour que les lignes soient coupées demain, alors j’aurai au moins pas à te demander des nouvelles… » Il se fait déjà du souci pour elle et il ne veut pas avoir à connaître ce que c’est que de ne pas pouvoir avoir de réponses, voilà tout. Du reste, il sait que la tempête frappera avec la même intensité qu’il soit seul ou non, et que la personne à ses côtés, peu importe qui elle est, ne pourrait rien y changer. "Je n’en reviens toujours pas que tu as osé l’appeler Ruben." Le chien accapare son attention après le sujet Olga et il sourit avec amusement (et sans doute avec fierté, aussi). Il n’en revient pas non plus qu’il ait osé pousser la blague jusqu’au bout mais si on lui demande s’il regrette, la réponse est négative. « C’était juste supposé être une blague mais finalement ça lui va bien. » Il adresse un regard tendre au duo qu’elle forme avec ledit chien. C’est un peu comme s’ils l’avaient adopté ensemble, après tout. « J’ai posté sur mon Instagram. Ça a beaucoup fait rire Nina, au moins. » Peut-être qu’ils ont au moins pour point commun de détester Ruben autant qu’ils l’aiment et c’est ce qui leur permet de se moquer de lui à ce point. Ça, et le fait qu’ils anticipent sans mal tous les deux à quel point Ruben, de son côté, déteste sûrement déjà cette idée.

"J’ai apporté un gâteau." Il se redresse tel un enfant, sa curiosité piquée au vif et ses papilles en alerte. Bien sûr que l’idée d’un gâteau l’intéresse, même s’il n’en comprend pas de suite la raison. Sur ce point, Evelyn s’explique rapidement et lui provoque un sourire amusé, et sans doute un peu touché aussi. "Pour ton anniversaire. C’est histoire de marquer le coup et de se changer les idées. On s’en moque que ce soit passé." Et ils s’en moquent sûrement aussi que cet anniversaire marque pour de bon le passage de Rhett dans la tranche des quarantenaires (même si ce dernier a toujours autant de mal à justement s’en moquer). "Dis-lui toi, que toutes les occasions sont bonnes pour manger du gâteau d’anniversaire. Je l’ai pris sans chocolat, il aura droit à un petit morceau comme ça." Ruben est utilisé comme bon leur semble et il s’approche du duo nouvellement formé pour donner une caresse au chien, désormais porté à hauteur de torse. « Juste un petit. Le vétérinaire a dit qu’il était déjà bien rond. » Et Rhett veut être un bon maître, pas le genre qui gave son animal de tout et n’importe quoi au détriment véritable de la santé de ce dernier. Ce n’est qu’après avoir précisé ce point - sur lequel ils étaient sûrement déjà d’accord - que Rhett relève son regard dans celui de la brune. « Merci. » Il aime toujours aussi peu fêter ses anniversaires mais il la remercie tout de même de l’attention derrière cette idée, ainsi que le simple fait d’y avoir pensé alors même qu’ils sont dans une phase paradoxale et non moins compliquée.

Qu’une tempête menace la ville toute entière ne semble pas être suffisant pour qu’ils agissent en conséquence. Ils font comme si leur couple/amitié était toujours la même, et ils font comme si rien de particulier n’allait arriver ce soir. Ils sont doués dans le déni, à n’en pas douter. « On peut en manger un bout maintenant. » Il prend le gâteau mais la laisse profiter du chien dans ses bras, lui qui ne se lasse jamais de l’attention qu’on lui porte. « Et tu… enfin, on peut discuter, si tu veux. » Elle veut, il veut. Mais ce qu’il ne veut pas, c’est être le premier à jeter le pavé dans la mare. Il y a trop de points sur lesquels il pourrait être maladroit. « Enfin moi j’aimerais bien. » Parce que si le moment est venu de lui dire qu’il doit arrêter de courir après des chimères, il aimerait autant le savoir. Cela ne change rien au fait qu’il veut la savoir aussi en sécurité que possible, mais pour lui, personnellement, cela changera beaucoup d’autres choses.

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Elle n’était pas surprise que Rhett soit aussi inquiet pour elle, mais elle s’enfoncerait dans le mensonge si elle disait que ça ne lui faisait pas plaisir qu’il le vocalise, ne se barricadant pas derrière sa posture d’homme invulnérable "Tu m’auras bien à l’oeil, c’était la meilleure décision à prendre que de venir ici." résuma-t-elle simplement, évitant d’en faire toute une histoire, tout comme de l’étreinte qu’ils avaient échangé lorsqu’elle était arrivée. Elle l’aurait à l’oeil aussi, chose qui n’était pas sans lui procurer si ce n’était une satisfaction immédiate, un réconfort qu’elle ne savait pas utile à sa survie en temps de catastrophe comme celle-ci. Elle l’avait détesté Rhett, mais ce n’était qu’une façade puisque chaque fois qu’elle prenait le temps de se reconnecter à ce qu’elle ressentait pour lui, elle comprenait que c’était plus de la déception qu’autre chose ; que croire en ce qu’ils avaient tous les deux avait été son moteur pendant tellement longtemps, que s’apercevoir qu’elle était peut-être bien la seule à y croire, ça creusait une insécurité relative à l’affront qu’il lui avait fait. Pour autant, elle n’avait pas envie de l’abandonner. Elle avait argué le contraire, qu’elle ne voulait plus s’inquiéter de son sort, tentant d’être forte et de se flanquer derrière sa fierté… mais elle n’était pas moins humaine que les autres, et elle l’aimait, Rhett, tout simplement. Elle ne jetterait pas deux années de relation aux orties parce qu’elle se sentait trahie, et si ça lui posait problème d’un côté, elle savait aussi qu’elle avait tous les droits d’envisager les choses à sa manière. Alors elle prenait son temps, elle tachait de prendre de la hauteur en subissant les séances de thérapie de couple qu’ils arrêteraient bientôt, et elle se disait que pardonner, c’était encore tout ce qu’elle avait de mieux à faire pour ne pas finir aigrie, à en vouloir à quelqu’un qui malgré tout faisait des efforts "Je demande à être là quand il apprendra son nom." Ils tournaient autour du pot, s’intéressant au nouveau compagnon de Rhett et ce nom qu’il avait récolté au détour d’une blague qui durait et qui faisait rire Evelyn sans qu’elle n’éprouve ne serait-ce qu’une once d’embarras à ce sujet. Il devait en avoir un qui avait les oreilles qui sifflent au travers de la tempête, et elle avait du mal à ne pas trouver que c’était bien mérité.

Elle ne délaissa pas bien longtemps Ruben — le chien, pas l’autre —, le tenant dans ses bras pour convaincre son maître de l’autoriser à grignoter un morceau de gâteau d’anniversaire qu’elle avait apporté avec elle. Ce que Rhett lui répondit, ça la fit ouvrir la bouche en grand, scandalisée, puis poser une main sur l’une des oreilles du chien, le serrant contre elle pour le protéger des recommandations zélées du vétérinaire "Shh, on ne dit pas ce genre de choses devant les enfants." Sujet délicat sur lequel elle passa outre cependant, ne tenant pas à surveiller tout ce qu’elle dirait sous le prétexte qu’ils avaient des blessures à soigner. Ils savaient faire la part des choses, en l’occurence elle plaisantait, chuchotant à Ruben un c’est toi le plus beau en lui caressant les oreilles avant de le remettre au sol pour mieux accueillir les remerciements de Rhett qu’elle regarda fixement, la tête se secouant en décalé, ses yeux se baissant, un air de dire pas de quoi, c’est rien "Je te laisse le couper, je vais faire du thé pour arroser tout ça." finit-elle par dire en réagissant à sa proposition, s’assurant que Ruben les suivait quand, reprenant ses habitudes, elle se dirigea vers la cuisine pour lancer la bouilloire et sortir des tasses.

Une échappatoire bienvenue puisque Rhett rebondissait déjà sur l’idée qu’elle avait soulevé lors de leur échange de messages. Ils pourraient profiter d’être ensemble, ici, pour parler. Elle n’avait même pas eu besoin de dire de quoi, c’était implicite, non moins angoissant parce que les paroles de Ruben — l’autre, pas le chien — ne cessait de lui tourner dans la tête depuis des semaines déjà. Posant les tasses sur le comptoir du petit-déjeuner, Evie croisa le regard de Rhett et lui répondit "Moi aussi, j’aimerais bien." Et elle le savait, c’était à elle d’entamer les hostilités. Ses mains posées contre le bord du comptoir, elle le tapota du bout de ses doigts en pinçant les lèvres, et puis se réanimant pour aller fouiller dans un placard dans lequel elle savait qu’il gardait sa boîte à thé, elle commença "Il y a quelque chose que Ruben m’a dit qui me tourne dans la tête depuis que j’ai réalisé qu'il avait peut-être raison." Elle ne tournait pas le dos à Rhett par impolitesse, mais parce que se battant avec sa petite taille, elle eut besoin d’un instant pour atteindre le haut du placard, là où était rangé la boîte à thé qu’elle saisit enfin, se retournant dans le même temps pour revenir vers les tasses vides "Je me suis étonnée qu’il ne sache pas pour la fermeture de mon agence, il m’a répondu que c’était à accorder au peu d’importance que j’ai pour toi quand je ne suis pas là." Elle choisit d’être précise sur les termes, même s'ils semblaient durs, elle voulait rester fidèle aux paroles de l’autre fils Hartfield qui n’avait pas lésiné sur la franchise pour l’atteindre en plein coeur "Ensuite, il a ajouté qu’en revanche, tu lui avais parlé de ce qui s’était passé avec Mickey et que ça, c’était à accorder à l’importance que lui, il a pour toi." Manipulant la boîte à thé pour en sortir deux sachets qu’elle plaça dans le fond des tasses, elle évita son regard un instant encore, sentant son coeur se serrer, avant de relever la tête pour pouvoir l’affronter, et lui poser la question qui la taraudait sans ciller "Tu ressens quoi pour lui ? J’ai besoin de le savoir." Même s’il y avait de grande chance que la réponse ne lui plaise pas.

"Je demande à être là quand il apprendra son nom." Il pense déjà que les deux frères n’ont que peu de chances de se revoir avant Noël, mais le sujet est un peu trop important pour être abordé à la volée et comme si de rien n’était. Il voudrait qu’elle soit là au moment où Ruben l’apprendra, oui, mais il voudrait surtout qu’elle soit là aux fêtes de fin d’année, bien au-delà de tout sujet concernant son frère ou un quelconque chien - et ce quand bien même il jure aimer son nouvel ami à quatre pattes, là n’est pas le sujet.

Au contraire, ils ont de l’eau sur le feu et ils se doivent de la surveiller. Certains sujets méritent d’être abordés et Rhett lui-même en est venu à la conclusion qu’ils ne peuvent pas se permettre de le repousser indéfiniment. Même lui, pour une fois, a véritablement à coeur de mettre les choses à plat, ce qui vient de pair avec l’espoir que cela les aidera à trouver un nouvel équilibre. Ils sont bien les seuls à chercher un tel objectif de vie durant un moment aussi inquiétant de leur existence mais ils semblent avoir tous deux accepté l’idée qu’lls la subiraient quoiqu’il en soit. Autant ne pas s’inquiéter outre mesure, sans doute. "Il y a quelque chose que Ruben m’a dit qui me tourne dans la tête depuis que j’ai réalisé qu'il avait peut-être raison." Ses mots vont de pair avec la quête du thé en parallèle et au lieu de l’aider, il rêvasse à réaliser à quel point elle sait où se trouve tout ce dont elle a besoin, même cette boîte de thé qu’il repousse toujours au fond d’un placard trop haut dont personne ne voit le fond à hauteur de tête. Elle est à sa place, ici. Ici dans cet appartement ; ici à ses côtés. Et Ruben, lui, quelle que soit la configuration, il ne saura jamais tenir sa langue ni même agir comme s’il était pleinement et réellement dans l’équipe de son propre frère. "Je me suis étonnée qu’il ne sache pas pour la fermeture de mon agence, il m’a répondu que c’était à accorder au peu d’importance que j’ai pour toi quand je ne suis pas là." Et si se souvient effectivement ne jamais avoir partagé cette annonce avec son frère, il est cependant véritablement blessé à l’idée que ce dernier ait osé souligner que ce soit à cause du manque d’importance et d’intérêt qu’il porte à sa petite-amie (de l’époque). L’humour qu’il impose toujours entre son frère et lui est une chose mais le sentiment de trahison qui s’immisce doucement mais sûrement dans son coeur en est un tout autre, bien moins agréable. "Ensuite, il a ajouté qu’en revanche, tu lui avais parlé de ce qui s’était passé avec Mickey et que ça, c’était à accorder à l’importance que lui, il a pour toi." Il vient à ce moment là, le rire nerveux de Rhett. Cette autre conclusion, il ne l’avait certainement pas vue venir, et elle ne fait qu’enterriner le sentiment d’injustice qui s’était frayé un chemin en lui. Il veut parler avec Evelyn et ça n’a pas changé, mais il rêve en parallèle d’en coller une à son frère pour être un humain aussi petit. "Tu ressens quoi pour lui ? J’ai besoin de le savoir." - « Rien. » Il y a des sujets pour lesquels il n’a pas besoin d’y réfléchir une seule seconde, ni même de tourner sa langue dans sa bouche. Il n’a pas viré de bord, il n’y a pas pensé une seule seconde, et il n’a jamais ressenti autre chose qu’amitié (et colère) envers Mickey. Du moins jamais rien qui pourrait s’apparenter à l’ordre intime ou Dieu sait quoi encore. Il n’est pas de ce genre là, et ce qu’il s’est passé avec Mickey ne l’a pas fait se questionner à aucun moment sur la question. « C’est un ami, et ça risque pas de changer. » Il ne sera jamais plus. Il sera sans doute moins selon les hauts et les bas de leurs discussions et autres disputes, oui, mais il n’y aura rien de ce que pourrait imaginer Evelyn, et tout ça à cause de ce que son frère aurait pu lui dire. « Je sais pas à quoi joue Ben mais c’est un sacré connard. » Pour trahir son frère de cette façon, d’une part, mais aussi pour chercher à blesser Evelyn de l’autre côté et la laisser nourrir le doute sur des sujets qui ne le méritent certainement pas. « Je lui ai pas parlé de ton agence parce qu’il n’en aurait rien eu à faire. » Et il n’y a rien de plus à analyser, à dire, à comprendre. A discuter aussi, sans doute, mais il laisse Evelyn juger de ce point. « Et je lui ai parlé de Mickey parce que je suis un sombre abruti. » Sur ça, il n’invente pas de fausse excuse. Il lui en a parlé parce qu’il sait que cela allait créer la surprise de son frère et ça a effectivement été le cas. Il voulait son petit moment de gloire, comme toujours. Il l’a eu, comme toujours ; mais à quel prix cette fois encore ? « Il dort sur le canapé quand Ethel accepte de baisser sa surveillance rapprochée. » Il ne pense toujours pas lui dire que Mickey le fournit en Oxy, mais il peut au moins lui avouer qu’il est un ami assez proche, ou tout du moins un ami qu’il estime et ce malgré toute la complexité de leur relation ô combien difficile à suivre. « Je suis pas du genre à courir plusieurs lièvres à la fois. » Et aussi maladroite soit la comparaison à l’animal, n’en reste pas moins que ses sentiments pour Evelyn sont intacts et que personne n’en a grappillé la moindre once. « Je suis désolé. Pour Ben. Je lui parlerai. Il a pas à te dire des trucs comme ça. » Et Rhett compte bien s’assurer qu’il ne recommence pas, parce qu’Evelyn ne mérite pas d’être traitée de cette manière et sur ce point, au moins, il ne risque pas de changer d’avis.

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Ce n’était pas tant d’avoir gardé des habitudes qui la faisait agir ici, plutôt l’envie un instant d’échapper au regard de Rhett pour ne pas avoir à l’affronter, craignant d’y lire par anticipation, et peut-être en leur donnant une mauvaise interprétation, les réponses qu’elle avait besoin qu’il lui apporte enfin. Ruben n’était qu’un connard certes, il connaissait son frère autant que son frère le connaissait, et tout ce qu’il lui avait rétorqué l’autre fois, certainement pour la blesser, ça trouvait sa source dans des observations qu’il avait faites et auxquelles elle était prête à se référer puisqu’encore une fois, un connard peut-être, mais un connard foutrement intelligent. Le crépitement de l’eau dans la bouilloire derrière elle, elle l’oublia un instant pour se lancer dans ce dialogue qu’elle mena jusqu’à son terme avec la volonté de poser le contexte comme il fallait, ne laissant pas d’échappatoire à Rhett qu’elle finit par regarder pour mieux obtenir sa réponse qu’il prononça sans une once d’hésitation "Rien." répéta-t-elle pour se l’ancrer dans la tête, mais elle ne mentirait pas en affirmant qu’elle y croyait pour l’heure, préférant se prémunir des couleuvres que Rhett était capable de lui faire avaler sans même qu’elle ne s’en rende compte. Elle resta un moment à le regarder, pour laisser échapper le même genre de rire nerveux que lui tout à l’heure, et noter intérieurement qu’il était sur la défensive en lui précisant que Mickey était son ami, et que ça ne risquait pas de changer "Parce que tu t’attends à ce que je te demande de ne plus jamais le voir, c’est ça ?" Certainement. Sauf qu’en partant du principe qu’ils n’étaient plus un couple, elle ne lui ferait pas ce genre de requête. Même s’ils l’étaient, elle ne lui ferait pas ce genre de requête. Pourtant, elle en avait envie, elle voulait lui donner le genre d’ultimatum proche de la tragédie grecque qui se terminait par un overdramatic c’est lui ou moi, mais elle n’était même pas sûre d’obtenir gain de cause à la fin, c’était dire à quel point elle ne croyait plus tellement que les sentiments de Rhett lui étaient exclusivement réservés. Elle finit par lâcher prise, son regard abandonnant le sien pour se tourner vers la source du sifflement qui résonna soudain dans la pièce, se joignant à celui du dehors qui devenait de plus en plus intense pendant qu’elle, elle tachait de garder tout son calme. Pour se faire, elle alla chercher la bouilloire, coupa le feu dessous pour que son sifflement s’arrête, et versa l’eau bouillante dans leur tasse respective en prenant le temps de la regarder couler, sa vapeur s’échappant par bouffées alors qu’elle ponctuait la conclusion que Rhett réservait au petit jeu de son frère par un "On est au moins d’accord sur ça." Elle ne ferait plus jamais semblant d’apprécier le docteur, elle ne ferait plus jamais semblant de pouvoir accepter qu’il trouve anormal qu’elle se sente bafouée par les erreurs de son frère.

Après avoir glissé une cuillère dans la tasse de Rhett, puis dans la sienne, elle releva la tête pour mieux se figurer de ce qu’il était en train d'ajouter. Elle se fichait de cette histoire d’annonce à propos de la fermeture de son agence à dire vrai, elle se rangeait à l’avis de Rhett à ce sujet parce qu’elle savait qu’il avait raison, et qu’il n’y avait pas un monde où Ruben se souciait de savoir ce qui allait ou n’allait pas dans la vie de la partenaire de vie de son frère, c’était tout le reste qui l’intéressait. En l’occurence, les raisons de la fanfaronnade de Rhett à propos des faveurs qu’il demandait à ses amis donc "C’est déjà arrivé avec Hassan ?" lui demanda-t-elle, de but-en-blanc. Si elle partait du principe que Mickey était l’ami de Rhett, que ça lui semblait logique et naturel de partager ce genre de choses avec lui, qu’en était-il de ses relations avec ses autres amis ? A quoi devait-elle s’attendre ? Elle passa sur l’insulte qu’il se réserva à lui-même, ne tenant pas à rentrer dans ce jeu, encore moins à lui donner raison à nouveau, et le dévisagea avec la volonté farouche de ne pas se laisser attendrir par ce qu’elle pouvait lire dans ses yeux. La confession qu’il lui fit lui en coupa l’envie de toute façon, et elle détourna le regard en secouant la tête, un sourire infime fendant ses lèvres qu’elle pinça finalement "Tu parles au présent, ça veut dire que pendant qu’on suit une thérapie de couple, tu héberges l’homme qui est l’une des causes de cette thérapie ? Rhett, je t’aime —" fit-elle, ses yeux papillonnant pour les recentrer sur son visage, et pouvoir continuer sa phrase, le bas de ses paumes posées contre la rainure du comptoir derrière lequel ils étaient flanqués, lui d’un côté, elle de l’autre "— mais tu ne m’en voudras pas de trouver tout ça franchement tordu." Il n’était pas du genre à courir plusieurs lièvres à la fois, c’était lui qui le disait, ça ne restait qu’une vérité derrière laquelle il aimait se cacher parce qu’il s’était fait prendre, voilà ce qu’elle pensait, Evelyn "T’as aimé ?" Ce que Mickey lui avait fait "Qu’est-ce qu’il t’a demandé de lui faire, lui ?" Elle n’avait jamais osé lui demander s’il lui avait retourné la faveur ; et elle se fichait bien que ses questions paraissent triviales, Ruben avait insufflé un doute dans son esprit, et tant qu’il ne disparaitrait pas, elle continuerait de croire qu’à côté du caractère malsain de toute cette histoire, elle était en partie responsable de ce qui s’était passé. Elle voulait le vocaliser, elle voulait se sentir assez forte pour lui demander si c’était parce qu’elle ne lui apportait pas ce dont il avait besoin qu’il était allé le chercher ailleurs, pause ou pas, mais son amour propre l’en empêcha à la dernière seconde quand, sans agacement, elle ajouta à ce qu’il lui dit à propos de son frère "Je m’en fiche de Ben. Je lui ai parlé de Nina et de ce qu’il ne lui dit pas avant qu’il ne me parle de toi, il n’a fait que se défendre." Elle aurait juste aimé que les armes qu’il avait en sa possession soient moins aiguisées. Doucement, ses yeux dérivant du visage de Rhett, elle avala sa salive, et puis elle s’empara de sa tasse de thé fumante pour la placer juste devant elle sans rien faire de plus, juste ajouter en décalé, repoussant une mèche de cheveux qu’elle coinça mal derrière son oreille "C’est pas à propos de Ben, et tu le sais. C’est à propos de nous. De toi, de moi… de ce que tu as fait, de ce que moi je n’ai pas su faire." C’était subtil, et Rhett ne l’était pas autant qu’elle aimait le croire, alors elle n’était pas certaine qu’il saisisse le sous-entendu, mais elle l’avait dit, et maintenant, elle noya ses mots dans une gorgée de thé qui lui brûla la langue.

Lorsqu’elle répète le "Rien.", Rhett ne dévie pas son regard du sien. Il veut qu’elle sache qu’il ne ment pas et qu’il ne flanche pas non plus, et si résumer Mickey à “rien” est égoïste, n’en reste pas moins qu’il comprend surtout qu’elle veut savoir s’il éprouve des sentiments à son égard, et sur cette question il n’existe aucune sorte de nuance possible. Non. Bien sûr que non: il ne ressent rien, si ce n’est une amitié sans doute née sur des bases très peu saines mais qui apprend à le devenir avec le temps. "Parce que tu t’attends à ce que je te demande de ne plus jamais le voir, c’est ça ?" - « C’est ce que tu voudrais ? » Sans doute qu’il s’y attend un peu, quand bien même il pense aussi assez connaître Evelyn pour savoir qu’elle ne ferait pas ça. Elle se dit sûrement que si elle ne peut pas lui faire confiance sur les amitiés qu’il dédie à autrui, alors une histoire serait vouée à l’échec et surtout à la souffrance. Rien ne sert de donner un ordre si c’est pour qu’il le suive contre sa volonté, c’est bien ce qu’elle penserait, non? « Ça te rassurerait ? » Il n’est pas celui qui devrait poser les question mais c’est plus fort que lui et il ne sait pas réellement faire autrement.

Et s’il n’est pas certain qu’elle entende ses mots de la façon dont il le voudrait au sujet des discussions qu’il a, ou non, avec son frère, il se retrouve parfaitement pris de court lorsqu’elle ajoute sa propre question. "C’est déjà arrivé avec Hassan ?" Il ne fronce pas les sourcils parce qu’il est pris la main dans le sac mais bel et bien parce qu’il est étonné de la question. Il est étonné qu’elle la lui pose autant qu’elle se la pose elle-même, à commencer par là. Déjà, son ego se demande ce qui a pu lui laisser penser un seul instant que ça aurait pu être arrivé avec Hassan à un moment donné de leur longue amitié. « Quoi ? Non, bien sûr que non. » Il se retient de dire qu’il n’est pas gay, pas même bisexuel, et pas non plus Dieu sait quel nouveau mot dont il n’a pas suivi l’entrée dans le dictionnaire. C’est elle qu’il aime, et même avant qu’elle entre dans sa vie, il n’a jamais rien connu d’autre qu’une pure amitié (et de nombreuses disputes) avec son ami de toujours. Et s’ils se parlaient encore, justement, il aurait attendu quelques jours que la pilule passe avant d’ose lui envoyer un “tu devineras jamais quoi” par message, comme si de rien n’était. « Ni avec Hassan, ni avec personne d’autre. » Au cas où il pouvait subsister une once de doute à ce sujet dans son esprit, il s’occupe de la chasser une bonne fois pour toutes. Il n’y a eu que Mickey, et il n’a été question que d’une seule fois. Ce n’est pas un chiffre voué à évoluer. "Tu parles au présent, ça veut dire que pendant qu’on suit une thérapie de couple, tu héberges l’homme qui est l’une des causes de cette thérapie ? Rhett, je t’aime —" Il l’aime aussi ; est-ce que ce n’est pas suffisant pour mettre les cadavres sous le tapis et se concentrer sur leur sentiment réciproque ? Non ? Vraiment ? Dommage. Il garde pour lui un “je t’aime aussi” qui aurait sans doute paru un peu trop enfantin et se contente d’accuser le coup, bien conscient qu’il joue avec les limites en continuant à héberger Mickey sous son toit. N’en reste pas moins qu’ils n’ont jamais réitéré ça et que Rhett ne ressent toujours rien pour lui alors ce n’est pas si grave, si ? "— mais tu ne m’en voudras pas de trouver tout ça franchement tordu." Non, effectivement, il ne lui en veut pas pour ça et il comprend aisément comment elle peut penser une telle chose. « C’est pas le genre de personne qui tourne bien si elle reste seule. » Il ne l’a jamais dit à Mickey de cette manière, mais ça le rassure d’avoir de ses nouvelles régulièrement et de s’assurer qu’il fait pas trop de conneries, au moins quelques soirs par semaine. Et ça, il ne veut pas que ce soit davantage corrélé à leur thérapie de couple, parce que même si ce qu’il s’est passé entre eux a fait explorer leur union, n’en reste pas moins qu’elle le dit elle-même: il est à la source d’un seul problème parmi tant d’autres. « Je sais que c’est pas mon idée la plus brillante par rapport à nous deux. » Pour une fois, il accepte son manque de discernement et de délicatesse à ce sujet: preuve en est, s’il n’a jamais dit à Evie qu’il l’hébergeait jusqu’à ce soir, c’est bien parce qu’il se doutait qu’elle n’aimerait pas cette annonce. Et pourtant, les verres ne se brisent pas et le ton ne monte pas, les bruits de la tempête à l’extérieur l’emportant aisément sur le niveau de leur conversation.

N’en reste pas moins que certains mots n’ont pas besoin d’être hurlés pour être violents, et à ce jeu-là Evelyn se révèle parfois être redoutable. "T’as aimé ?" Elle ne précise pas ce dont elle parle mais elle n’en a pas besoin. Ils sont deux adultes l’ayant déjà compris, et se retrouvant déjà vexé pour Rhett. « Tu veux savoir si j’ai bandé ? Non, c’est tordu Evie. » Et il ne dit pas non au sujet de sa propre question, il dit non parce qu’il ne veut pas lui répondre. Personne ne parle des détails de ses relations ou de ses aventures à son ex, et encore moins à sa petite-amie. Elle n’y gagnerait rien à le savoir, vraiment, et il n’a pas envie qu’elle vive avec l’idée qu’il a apparemment aimé, quoique son ego veuille accepter de dire. Cela ne signifie rien et il n’y a aucune conclusion à en tirer. Elle en sait déjà bien assez quant à cette soirée. "Qu’est-ce qu’il t’a demandé de lui faire, lui ?" Il hésite un instant avant de répondre à cette seconde question mais puisqu’elle dessert un peu mieux son image, il ne réfléchit pas bien longtemps. « Je lui avais dit que je ferais rien avec lui. » Il s’est servi de lui, comme elle le dit si bien, mais il a au moins eu la décence de prévenir avant de passer aux choses sérieuses: Mickey se mettrait à genoux mais Rhett n’en ferait pas de même, et il ne ferait rien d’autre non plus. Il souffle un bref instant et rajoute une précision, malgré lui. « Il a demandé à m’embrasser. » Parce qu’il en pince pour lui, sûrement. Ça, elle le sait déjà et il se doute qu’elle ne risque pas de l’oublier. « J’ai refusé. » Il ne s’est donc rien passé de plus, pas même un simple baiser. Le clair de ses yeux bleus qu’il ne sait pas déloger de son profil le jurent.

"Je m’en fiche de Ben. Je lui ai parlé de Nina et de ce qu’il ne lui dit pas avant qu’il ne me parle de toi, il n’a fait que se défendre." Peut-être, mais lui il ne s’en moque pas et il refuse de laisser passer de tels mots de la part de son propre frère et à l’encontre de celle qu’il aime. Il n’est pas un gamin, il peut retenir ses mots et, surtout, il peut faire des efforts et comprendre qu’il n’est pas le roi du monde. « Y’a d’autres façons de se défendre. » qu’il se contente d’ajouter alors qu’Evie boit de sa tasse. "C’est pas à propos de Ben, et tu le sais. C’est à propos de nous. De toi, de moi… de ce que tu as fait, de ce que moi je n’ai pas su faire." Et s’il pensait comprendre son point au début, il faut bien avouer qu’elle le perd assez rapidement. Du moins, il veut croire qu’il est perdu et qu’il a mal compris ce qu’elle cherche à lui dire, parce que l’hypothèse qu’il formule ne lui plaît pas le moins du monde. « T’as envie d’aller voir ailleurs ? » Il ne dit pas “tromper” parce qu’il refuse toujours d’accepter l’idée qu’il l’a trompée. Aller voir ailleurs, c’est déjà assez difficile à prononcer et à imaginer, mais c’est aussi tout ce qui lui vient à l’esprit après de tels mots cryptiques. « T’en as eu envie ? » Il la croit quand elle dit ne pas avoir su le faire et il ne remet pas en doute ses mots, mais c’est justement le fond de ces derniers qu’il ne comprend pas. Pourquoi est-ce qu’elle aurait voulu faire ça ? Pour lui faire payer, pour voir ce que ça fait, pour être sûre de pas rater quelque chose à ses côtés ? Et il n’est pas du genre à se prendre la tête pour rien, mais il faut bien avouer que le pavé dans la marre a tout pour le faire cogiter à la vitesse de la lumière et ce bien malgré lui. « C’est quoi que t’as pas su faire ? » Il veut lui donner l’opportunité d’expliquer un peu mieux le fond de sa pensée, lequel sera loin de ce que Rhett imagine lui-même, avec un peu de chance.

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"Oui." Autant faire comme lui et révéler ses pensées les moins raisonnables en étant brutalement honnête, libérant ainsi la partie la moins glorieuse de sa personnalité. Elle était parfaite Evie, ce n’était pas elle qui se définissait comme ça, c’était le sceau qu’on apposait sur sa façon d’être puisque à défaut de rentrer dans les cases que sa famille aurait bien voulu qu’elle investisse, elle s’était forgée une aura qui la plaçait d’emblée dans la catégorie des femmes de standing, classes et raisonnées. Mais elle ne l’était pas quand il s’agissait de Rhett, ce qu’elle ressentait pour lui faisant s’échauffer à gros bouillons sa jalousie, sa possessivité, et son envie égoïste d’être le centre de toute son attention. C’était surement pour ça qu’au cours des dernières années, elle avait tant abondé dans son sens sans appliquer de limite à la manière dont il voulait gérer son addiction et le reste. Une partie d’elle, celle qui avait besoin d’attention, avait cru qu’en faisant les choses de cette façon, il lui accorderait tout le crédit du monde, et que sa tolérance serait le ciment de ce qu’ils vivaient, et que ça le ferait rester à ses côtés pour un temps indéterminé. Force était de constater qu’elle avait eu tort, la rendant coupable d’avoir eu un cheminement de pensées contradictoires à toutes ses valeurs par peur de le perdre. Elle le fixa sans ciller "Oui, je voudrais que tu arrêtes de le voir, et oui ça me rassurerait. Mais tu sais ce qui m’empêche de t’en faire explicitement la demande ? C’est que je ne suis pas même sûre que tu la respecterais." Elle récolterait quoi, une nouvelle manière pour lui de prouver qu'il était le genre d’homme à l’esprit de contradiction si aiguisé, que faire l’inverse de ce qu'on attendait de lui, c’était devenu un art qu’il était le seul à maîtriser avec autant de perfection ? Elle secoua la tête "Je ne te tiens pas en laisse, alors je prendrais sur moi en acceptant qu’il soit ton ami, mais n’espère pas que je voie jamais votre relation autrement que sous un mauvais oeil, ou que je ne me fasse pas d’idées." Au contraire, elle ne trouverait jamais la paix à ce sujet. Ensemble ou pas, elle couverait toujours la crainte que quelque chose se passe "Je suis convaincue que ce qui s’est passé entre vous se reproduira, et certainement pas pour le meilleur." Au contraire, elle était persuadée qu’une seule brèche serait l’occasion rêvée pour Mickey de mettre le grappin sur Rhett, qu’importait ce qu’il lui disait sur la manière dont lui, il le percevait. Il avait l’air de savoir comment s’y prendre pour manipuler son monde Mickey, elle en avait brièvement fait l’expérience "Est-ce que tu as remarqué la façon dont il te regarde ?" finit-elle par lui demander, source là encore d’une inquiétude latente qu’elle ne voulait plus taire sous le prétexte que ça heurtait la virilité de Rhett.

Elle, elle continua de le fixer, déterminée à aller au bout des choses et ne pas faiblir face à sa volonté de mettre les choses au clair. Sa conscience s’en porterait mieux ou pire, elle ne savait pas exactement, mais elle avait besoin d’avoir cette discussion, alors ils l’auraient, ce n’était pas un choix qu’elle lui laissait. Sans doute allait-elle trop loin, mais pour une fois, elle s’en moquait. Elle parla d’Hassan dont il lui assura être resté que l’ami durant toutes ces années, et elle était prête à le croire parce qu’elle pensait avoir cerné un minimum la personnalité de son ami pour en être rassurée, mais pour le reste, elle resterait sur ses positions, et ne pouvait pas croire que Rhett soit autant investi auprès de quelqu’un qui nourrissait visiblement des sentiments pour lui "Et ? Ce n’est pas ta responsabilité. D’après ce que j’ai vu, c’est un grand garçon qui donne l’impression de savoir ce qu’il fait, alors ce n’est peut-être pas involontaire de sa part de faire les mauvais choix." Elle se trouvait dure, mais elle n’avait pas de compassion pour Mickey. A partir du moment où il avait osé lui mentir en la regardant droit dans les yeux, il avait perdu son respect. Qu’importait qu’ils avaient un point commun en appréciant Rhett bien plus que de raison, elle n’en ferait jamais un allié, même si une partie d’elle savait mieux que personne que Rhett ne faisait que se servir de lui "Il est amoureux de toi." lâcha-telle sans pré-mâcher sa conclusion, la lui donnant presque toute crue. Elle en était certaine. Elle en était certaine parce que c’était facile de tomber amoureux de Rhett, qu’elle avait aussi été assez stupide pour le faire sans même s’en rendre compte, accusant désormais le coup de toutes ses idées pas très brillantes, comme celle qu’il mettait en exergue sans qu’elle ne relance, désabusée au point de détourner la tête, et s’enfoncer plus loin dans l’indécence en lui posant des questions sordides qui au lieu de la rassurer, la firent prendre conscience à quel point tout ça était malsain.

"C’est tellement malsain." ponctua-telle seulement après eu les réponses de Rhett "Et j’imagine que refuser de l’embrasser, ça te rassure sur l’idée qu’il ne se passe rien entre vous ? Tu te racontes des histoires Garrett." L’air dégoûté qu’elle avait sur le visage n’étant la réaction que de la situation dans son ensemble, et pas de ce que pouvait lui provoquer la vision de son partenaire embrassant un autre homme, elle le regarda avec l’air de ceux qui ne reconnaissent plus la personne à qui ils s’adressent. Elle se moquait de ça, de l’orientation sexuelle de l’un et de l’autre, mais pas de ce qu’impliquait la requête de Mickey ni même le refus de Rhett de lui dire si oui ou non, il avait aimé ce qui s’était passé. Son absence de réponse, c’était un aveu qui lui serra la gorge, et la força à boire une gorgée de thé qu’elle garda dans sa bouche avant de l’avaler tout rond quand il lui renvoya des questions à propos de sa propre fidélité, ou du moins à propos de ses propres envies "C’est comme ça que tu me vois alors ? Comme la femme prête à aller voir ailleurs pour se venger de l’homme qu’elle aime ? Tu me crois vraiment capable de ça ? Ça en dit plus sur comment tu me considères que tout le reste." lui dit-elle en riant nerveusement parce que c’était grotesque. Mais il voulait une réponse, alors elle lui en donna une en remontant ses yeux dans les siens, posant sa tasse plus loin alors qu’elle s’était éloignée, appuyant ses reins contre le bord du premier meuble qu’elle trouva, s’éloignant de Rhett au passage "Non, je n’ai pas envie d’aller voir ailleurs, et j’en ai pas eu envie. J’ai eu des opportunités, mais contrairement à toi qui juge que ta colocation avec Mickey est une bonne chose, je n’ai pas trouvé que c’était compatible avec le suivi d’une thérapie de couple. D’ailleurs, pour ton information, je n’ai pas l’esprit vengeur." Elle était calme, trop calme, comme quand elle était vraiment en colère et que son seul mécanisme, c’était de se barricader en elle-même ; mais elle fulminait à l’intérieur, se refermant comme une huître quand il lui demanda explicitement ce qu’elle n’avait pas su quoi faire. Elle lui en voulait de la forcer à envisager de le lui dire, et la lueur dans ses yeux brillant plus fort. Elle croisa les bras, sa tête s’inclinant pour capter encore un peu plus longtemps ses yeux malgré tout "Je ne sais pas, à toi de me le dire." Elle ne marqua une pause que pour froncer les sourcils, reprenant dans la foulée "C’est toi qui as préféré la bouche de quelqu’un d’autre à la mienne, alors que j’attendais que ça Rhett, que tu me dises que c’était stupide cette histoire de pause, que ce n’était qu’une manière de te donner bonne conscience pour ce qui s’était passé avec Nell." Elle devait remettre les choses à leur place, et elle le fit sans délai "Notre pause, c’était ton idée, pas la mienne. Alors peut-être que c'était ta façon de me dire que je m’y prenais mal avec toi dans tous les sens du terme." Encore une fois, ils étaient adultes, elle n’avait pas besoin d’être plus explicite que ça, c’était déjà assez difficile pour elle de penser qu’elle ne le satisfaisait pas au point qu’il se sente obligé de faire des choix douteux, qu’elle ne se sentait pas d’attaque à l’exprimer à haute voix en plus.

"Oui." Il y avait une chance sur deux pour que ce soit sa réponse, après tout. Il le savait au moment de poser ses questions, mais il espérait surtout qu’elle réponde différemment. Ca aurait été plus simple pour tout le monde, et il continue de le penser même après avoir entendu ce oui. Rhett n’a aucune réponse à lui donner en retour: il n’a pas précisé si la demande d’Evelyn impliquerait une action dans le même sens de sa part. "Oui, je voudrais que tu arrêtes de le voir, et oui ça me rassurerait. Mais tu sais ce qui m’empêche de t’en faire explicitement la demande ? C’est que je ne suis pas même sûre que tu la respecterais." Et il pense qu’elle a bien raison de douter de lui sur ce point bien précis parce qu’il n’y a que sur le terrain qu’il se forçait à écouter les ordres, et encore cela connaît quelques exceptions s’il pensait les ordres mal placés. En dehors du terrain, de façon pure et simple, il n’en a jamais suivi aucun, se jugeant évidemment supérieur en tous temps. Aujourd’hui, sans que ce ne soit une question de supériorité, s’en est au moins une d’ego: s’il cède pour cette demande, alors il devra céder pour les autres ensuite et même s’il a assez confiance en Evie pour penser que ça n’arrivera pas, il ne veut pas prendre de risque. Il ne veut pas tendre une main pour qu’on lui prenne le bras, et il ne veut pas non plus que son amitié avec le boxeur soit un dommage collatéral d’une histoire qu’il n’arrive pas à réparer. « Plus de canapé. » Il comprend lui-même avoir joué avec les limites sur ce point et il trouvera les mots adéquats pour en parler avec Mickey. A ce propos et seulement à ce propos. « Mais il reste mon ami. » Et les amis ne s’abandonnent pas, encore moins à la demande d’une petite-amie dont il comprend pourtant les doutes. Il le jure, pourtant: ils n’ont plus lieu d’être. « Je te demande pas qu’il soit aussi le tien. » Et il ne cherche pas non plus à contrôler ce qu’elle peut penser de lui. Ils ne parleront sûrement pas de lui, de toute façon, alors ce n’est pas un combat qui vaut la peine d’être mené. Leurs avis divergent, il n’y a rien de plus à en dire pourtant. "Je suis convaincue que ce qui s’est passé entre vous se reproduira, et certainement pas pour le meilleur. Est-ce que tu as remarqué la façon dont il te regarde ?" Il n’est même plus vexé qu’elle le pense sincèrement bisexuel, à force. Il n’est même plus vexé qu’elle l’imagine découcher avec le sportif tous les quatre matins non plus. Ce dont il est fatigué, par contre, c’est qu’elle s’obstine à souligner une relation qui n’existe pas, au détriment d’une autre que Rhett cherche à faire renaître sans savoir comment s’y prendre. Est-ce qu’elle sait qu’il l’a toujours regardée d’une façon toute particulière, lui ? Est-ce qu’elle sait que cela continue aujourd’hui encore, malgré les doutes et les craintes autour de leur couple ? « Peu importe comment tu penses qu’il me regarde. C’est pas réciproque. » Et il n’est pas du genre à coucher sans sentiments, ce qui suffit à expliquer que non seulement cela ne se reproduira pas, mais surtout cela n’ira pas plus loin.

"Et ? Ce n’est pas ta responsabilité. D’après ce que j’ai vu, c’est un grand garçon qui donne l’impression de savoir ce qu’il fait, alors ce n’est peut-être pas involontaire de sa part de faire les mauvais choix." - « T’es dure, Evie. Tu le connais pas. » Et sa voix prend une tonalité plus ferme à son tour, parce qu’il estime qu’elle commence à franchir des limites contre lesquelles il n’aurait même pas pensé devoir la mettre en garde. Ils ont des comptes à régler mais cela ne regarde qu’eux et il ne veut pas que Mickey soit la cible de nombreux reproches de sa part. Il n’est pas tout blanc et ce n’est pas un secret pour quiconque mais ce n’est pas non plus leur problème, à eux deux. « C’est pas moi qui vais expliquer le concept d’une main tendue. Et encore moins à toi. » Parce qu’elle est celle qui aide les autres bien plus qu’il ne le fait en temps normal, et il ne le cache pas non plus. Simplement, il trouve injuste qu’un brin de générosité lui soit reproché en cet instant bien précis. "Il est amoureux de toi." Elle ose tenir une conclusion dont Rhett est bien moins assuré de son côté, raison pour laquelle il hausse les épaules avec nonchalance. Dans son langage, cela peut vouloir dire tout autant que son contraire. « Et moi de toi. » Et pas d’un autre, alors grand bien fasse à Mickey si elle a raison.

Mais la discussion n’est pas close et loin de là, parce que la tournure fin du monde de la météo semble donner à Evelyn des ailes et, avec elles, la capacité de poser toutes les questions qui lui trottent dans l’esprit depuis des semaines. "C’est tellement malsain. Et j’imagine que refuser de l’embrasser, ça te rassure sur l’idée qu’il ne se passe rien entre vous ? Tu te racontes des histoires Garrett." - « Tu comptes au moins faire semblant de me croire ou t’as fait tout ce chemin pour ça ? » Elle dessine les conclusions toute seule et elle en profite pour accuser Rhett au passage. Il ne nie pas être en tort, il ne nie pas avoir merdé, mais il subsiste quand même quelques points sur lesquels il n’a pas agi si mal que ça, et le fait de refuser d’embrasser Mickey en fait partie. Il ne voulait pas lui donner un signal contraire, et il ne voulait pas le faire alors que c’est à Evelyn qu’il pensait tout du long. Parce qu’à ses yeux, c’est ça qui aurait été particulièrement malsain.

Preuve en est qu’il ne comprend décidément rien à la discussion dont il fait pourtant partie, ses suppositions lui sont renvoyées à la figure après les mots trop cryptiques d’Evelyn. "C’est comme ça que tu me vois alors ? Comme la femme prête à aller voir ailleurs pour se venger de l’homme qu’elle aime ? Tu me crois vraiment capable de ça ? Ça en dit plus sur comment tu me considères que tout le reste." Il passe une main sur son visage, incapable de comprendre comment elle a pu avoir des mots ambigus en premier lieu, tout ça pour que ça retombe sur le coin de sa propre figure. « J’essaie juste de comprendre ce que tu veux me dire. » Et si elle parfait de façon aussi crue que lui, ce serait aussi prosaïque que foutrement pratique. Malgré tout, il est soulagé d’entendre qu’elle n’est pas allée voir ailleurs et qu’elle n’en a pas envie, même après tout ce qu’elle a pu apprendre ce soir. Ce dont il n’est pas soulagé, c’est de comprendre qu’elle a été vexée dans son estime et dans tout ce qu’elle peut représenter aux yeux de Rhett. « J’ai pas élaboré tout un plan parce que j’étais pas heureux au lit, non. » A commencer parce que “élaborer un plan”, ça ne ressemble en rien à Rhett. S’il a quelque chose à dire, il le fait sans tarder et bien souvent sans prendre de pincettes. « Tu veux savoir si je regrette ? Ouais. Je regrette d’avoir fait ça avec lui, mais je regrette pas la pause parce que je pouvais pas rester avec toi après ce qu’il s’est passé avec Nell. » Elle était prête à lui pardonner mais ce n’était pas le cas pour lui. Il avait besoin de temps, il avait besoin d’une foutue cure. Il avait besoin d’avoir une carotte au bout de ses efforts et c’était elle, encore, toujours. « Mais merde, je ferais pas autant d’efforts pour nous si tu comptais pas à mes yeux. » Ni s’il voulait finalement jeter Evelyn au profit d’un amant sorti de nulle part, soit disant plus doué avec sa bouche ou Dieu sait quel mensonge auquel elle a fini par croire, par dépit. « Si tu penses que ça peut pas être réparé, notre couple, dis-le. Parce que si tu veux pas comprendre que t’es la plus importante à mes yeux alors qu’on est un soir d’une foutue tempête, je te jure que je sais plus quoi faire. » Il va finir par écouter des foutus podcast sur les couples si c’est ça, et il ne sait même plus à quel moment son ego s’est perdu dans toute cette démarche.

black hearts for pupils
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Merci." Elle pouvait au moins lui concéder des remerciements pour se plier à quelque chose qui faisait du sens. Plus de canapé, c’était déjà mieux que rien. Au point où ils en étaient, elle estimait que ce n’était pas si pire, et puisqu’elle n’ignorait pas que ça coûtait beaucoup à Rhett de faire cette concession-là, elle le remercia, oui "J’espère simplement pour toi qu’elle vaut le coup cette amitié." Et qu’elle ne le trouvera pas en train de se morfondre sur cette dernière quand il se sera pris un couteau dans le dos par celui qu’Evie n’avait même plus envie de nommer "Sois rassuré sur ça, il ne le deviendra jamais." Et l’ironie de la situation lui fit se poser une question mentale, qu’elle n’oserait poser à voix haute tant ça en disait long : si leur couple survivait à tout ça, s’ils prenaient des décisions pour eux, s’ils en venaient à, par exemple, décider de se marier à un moment donné, qu’est-ce qu’il en serait de la place de Mickey au milieu de leurs proches ? Inutile d’y penser maintenant, mais ça lui traversa l’esprit, et quand bien même elle passa elle-même à autre chose, reléguant ses questions à la dernière place de sa liste de priorités pour l’heure, elle espérait être assez forte à ce moment-là pour imposer son refus catégorique de le faire participer de près comme de loin à un évènement célébrant sa relation avec Rhett. Elle n’avait jamais eu d’ennemis Evelyn, pas d’aussi directs en tout cas, mais elle venait d’en gagner un, et déterminée à ce qu’il le reste longtemps encore, elle ne se montrerait ni élégante ni délicate à son égard. Sous-estimer sa rancune parce qu’elle paraissait inoffensive, c’était une erreur qu’elle ne souhaitait à personne. Que ce soit Mickey ou Rhett, ils ne savaient pas au fond ce qu’ils avaient déclenché. Elle fixa ce dernier quand à nouveau, il lui affirma que ce que semblait ressentir son soi disant ami pour lui n’était pas réciproque. S’il le disait, qui était-elle pour le contredire ? C’était charmant d’y croire. Elle voulait y croire, et une partie d’elle savait bien sûr qu’il y croyait autant qu'il aurait aimé qu’elle y croit, mais le temps ferait son oeuvre à ce sujet. Dans la seconde, elle avait du mal à se dire que Rhett était sincère tant il s’échinait à insister sur cette notion d’amitié qu’il réservait à Mickey.

"C’est toi qui m’obliges à le devenir." lui rétorqua-t-elle quand il l’accusa d’être dure, et elle ne s’en excuserait pas, pas cette fois. Rhett était un peu comme tous les autres, il le croyait parfaite, et maintenant, faisant la liste des erreurs qu’il avait commises, elle se demandait s’il ne s’accrochait pas à cette idée parce que ça lui donnait l’opportunité lui, de ne pas l’être ; de faire ce qu’il avait envie de faire en se cachant derrière ses travers quand elle, elle était là pour rééquilibrer la donne, et assurer ses arrières. Campée sur ses positions, elle croisa les bras pour bien le lui montrer, accusant au passage Mickey d’avoir la même faiblesse qu’elle — la même faiblesse que Rhett à l’égard d’Evelyn qui flancha juste assez quand il lui renvoya ses accusations à la figure de la façon la plus douce qui était en lui disant que lui, il était amoureux d’elle "T’as une drôle de façon de le montrer." s’entendit-elle lui dire, la voix faiblardes et étouffée par la boule qu’elle avait dans la gorge, et par l’envie qu’elle ressentait d’arrêter de faire semblant d’être forte, et de s’approcher de lui pour au moins le prendre dans ses bras. Mais elle resta loin de lui, à soutenir son regard sans lui répondre lorsqu’il lui demanda de but-en-blanc si elle comptait le croire à un moment où un autre.

"Et j’essaye juste de comprendre ton raisonnement. J’essaye juste de comprendre comment tu en es arrivé à cet extrême-là." À la voir ici, ce n’était pas bien difficile de comprendre pourquoi quand il y avait des postes à responsabilités, on pensait à elle malgré l’idée qu’en posant les yeux sur elle la première fois, on ne se doutait pas une seule seconde qu’elle pouvait être redoutable. Et pourtant. Il ne s’agissait pas d’une négociation ici, mais elle ne lâcherait pas le morceau avant d’avoir tous les tenants et les aboutissants du raisonnement de Rhett pour s’assurer qu’à l’avenir, rien ne recommencerait. Après tout, il lui avait déjà dit ce genre de choses à propos de son addiction, et ça n’avait fait que s’empirer, non ? Qu’était-elle supposée faire ? Prendre sa parole pour argent comptant quand au cours des derniers mois, il l’avait abreuvé de bons sentiments, l’enivrant avec sa foutue bonne volonté, quand à l'arrière de son crâne continuait de tourner ses plans de secours pour éponger ses maux ? Elle ajouta "J’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main pour juger de ce qui m’attend, tu ne peux pas me reprocher de sauter aux conclusions quand tu as pris la mauvaise habitude de m’envoyer des signes contradictoires, Rhett." Comme d’aller trouver quelqu’un d’autre pour son plaisir, tout en arguant que ce n’était pas parce qu’elle, elle ne savait pas s’y prendre. Encore et toujours, elle soutint son regard, et le laissa continuer en ne l’interrompant que pour lui dire, à propos de ses regrets "Je te crois quand tu dis que tu regrettes." Et c’était vrai, elle savait reconnaître quand il était vraiment désolé, et il l’était. Mais ça ne changeait pas grand-chose finalement étant donné que le mal avait été fait. Il faudrait pourtant qu’elle réussisse à passer au-dessus de ça, et c’était un travail qu’elle était peut-être bien la seule à pouvoir faire.

Elle ne savait pas, elle n’en donnait pas l’air, barricadée derrière sa colère contenue, elle n’en était pas moins perdue Evie, au point d’ailleurs que quand il enchaîna sur l’importance qu’elle avait à ses yeux, elle ne sut quoi lui répondre tant ça semblait sortir du coeur. Ce n’était pas un homme de bons sentiments Rhett. Il avait sa manière de dire les choses qui n’était jamais trop mièvre, jamais trop sentimentale, alors quand il disait ce genre de choses sans filtre, c’était à prendre en compte ; et elle le prenait en compte, manifestement un peu trop si on s’arrêtait sur la manière dont ses yeux se remplirent de larmes, et qu’elle détourna par pudeur pour mieux prendre une profonde inspiration, et faire le point sur ses propres intentions. Après un instant de réflexion inutile, elle consentit à relever la tête pour le regarder, et lui dire "On pourra réparer. Je ne passerais pas autant de temps à vouloir te comprendre si mon intention, c’est de te dire à la fin que je ne veux plus être avec toi." Elle haussa les épaules pour marquer l’évidence qu’elle prononça dans la continuité "Je veux être avec toi. C’est même pas le fond du débat." Même si elle avait mis fin à leur relation, c’était ce qui lui avait semblé correct à faire sur l’instant, et c’était tout. Par la suite, elle avait été là chaque fois qu’il l’avait appelée ; comme une bonne fifille, elle avait accouru, elle avait répondu à ses messages, à ses appels, à ses lubies et ses solutions, passant de plus en plus de temps avec lui malgré la difficulté qu’elle avait à le regarder droit dans les yeux. Elle y parvenait à nouveau aujourd'hui, et elle le faisait à ce moment-là, quand elle lui dit après un temps de latence durant lequel elle ne sut pas faire si ce n’était le fixer encore et encore pour que ce qu’elle ajoutait en même temps s’ancre profondément dans son esprit "T’auras pas d’autre chance, et t’auras beau me dire ce que tu voudras, estime-toi heureux que je tienne autant à toi que tu sembles tenir à moi." Elle conclut, sans déroger de la pseudo-dureté avec laquelle elle lui allouait ses derniers mots "Ce qui s’est passé avec Mickey, c’est ton dernier affront à mon encontre, est-ce que c’est bien clair pour toi ?" Pas d’ultimatum à propos de Mickey donc, mais une mise en garde à demi-menaçante pour lui enfoncer dans le crâne que si elle lui laissait à nouveau le bénéfice du doute, ce serait la toute dernière fois.

Il se la ferme et il hoche la tête. Il espère que son amitié avec Mickey en vaut la peine, lui aussi. Il a une drôle de façon de lui montrer son amour depuis leurs débuts, oui. Il ne sait pas lui-même comment il a pu se débrouiller aussi misérablement dans une relation qu’il chérit pourtant sincèrement. Pour autant, Evelyn n’est pas arrivée au meilleur moment de sa vie, et elle a dû faire face aux épreuves les unes après les autres sans même qu’ils aient le temps de reprendre leur souffle. "Et j’essaye juste de comprendre ton raisonnement. J’essaye juste de comprendre comment tu en es arrivé à cet extrême-là." Il y a eu son agression, il y a eu la drogue, il y a eu Mickey. Il y a eu tout le reste, des mots, tout et n’importe quoi. Il essaie de comprendre, lui aussi, à vrai dire. « Y’a pas vraiment de raisonnement quand t’es un addict en cure. » est tout ce qu’il arrive à analyser de la situation. Ce n’est pas une excuse, ce n’est pas une raison non plus. Il n’est pas fier de le dire, parce qu’une erreur ne peut pas être l’excuse d’une seconde, pas vrai ? Ce qu’il s’est passé avec Mickey est arrivé dans une période de sa vie où il luttait au jour le jour pour rester sobre, et peut-être que c’est ce qui n’a pas aidé à agir avec raison, justement. Peut-être aussi que ça n’a pas eu une once d’incidence, à dire vrai. Personne n’en saura jamais rien de façon exacte, Rhett le premier. "J’ai besoin d’avoir toutes les cartes en main pour juger de ce qui m’attend, tu ne peux pas me reprocher de sauter aux conclusions quand tu as pris la mauvaise habitude de m’envoyer des signes contradictoires, Rhett." Et ce n’est pas ce qu’il lui reproche, en effet. Il lui reproche de ne pas vouloir le croire maintenant, mais dans le fond il comprend aussi sans mal pourquoi elle a à ce point des problèmes à lui accorder sa confiance à nouveau. Ils auront besoin de temps pour remettre un peu d’ordre dans cette histoire, et il espère simplement que le temps en question ne sera pas trop long, parce qu’il veut reprendre leur histoire avant d’arriver à la fin de sa vie. Il n’a pas pour habitude de se montrer patient, Rhett. C’est sans doute parce qu’il a toujours tout eu en claquant des doigts, mais c’est aussi sans doute parce qu’il n’aime pas ces temps de latence et tout ce qu’il assimile à du temps perdu. Ils s’aiment, oui ou merde ? Alors bon, à quoi discuter encore et encore de problèmes qui ne s’effaceront jamais ?

Elle manque de pleurer et il fait face à son visage qu’elle déporte pour qu’il ne puisse pas l’observer, ayant lui-même envie de la prendre dans ses bras et d’attendre dans cette seule position que la tempête passe. "Je veux être avec toi. C’est même pas le fond du débat." Mais il y a débat. Encore et toujours. "T’auras pas d’autre chance, et t’auras beau me dire ce que tu voudras, estime-toi heureux que je tienne autant à toi que tu sembles tenir à moi." Il ne sait pas si elle dit semble parce qu’elle doute du fond de ses pensées ou bien parce qu’elle veut se protéger autant que c’est encore possible. Les deux, peut-être ? "Ce qui s’est passé avec Mickey, c’est ton dernier affront à mon encontre, est-ce que c’est bien clair pour toi ?" - « C’est clair. » Il n’y a pas à réfléchir davantage sur ce point. C’est clair, parce qu’il ne veut pas la voir souffrir à nouveau. C’est clair, parce qu’il a envie d’être à ses côtés bien plus qu’il veut tout le reste, et il se rend compte que la perdre est une des pires choses qui pourraient lui arriver en ce moment - le prouvent les dernières semaines écoulées. « Je veux plus d’histoires. » Plus de disputes, plus de déceptions. Il veut qu’elle soit heureuse, elle aussi - au moins autant qu’elle le rend heureux en retour - et il sait que ça ne repose que sur lui, parce qu’il a été le seul à merder tout du long. « J’aurais aimé te rencontrer avant. » Parce qu’ils auraient connu une plus longue période de calme, au moins. Parce qu’elle aurait pu savoir qu’il en vaut la peine, mine de rien, sans avoir à passer par de longs mois difficiles.

Un coup de vent ponctue ses mots et ouvre la fenêtre de sa chambre, le poussant à rappeler Ruben à ses pieds pour qu’il ne se mette pas en danger. En un rien de temps, elle est refermée et le problème momentanément résolu. Rhett profite d’être en mouvement pour se poster face à Evelyn, voulant sécher des larmes n’existant déjà plus. A défaut, il entoure ses joues de ses mains et embrasse tendrement son front, plus soulagé que jamais de savoir que tout n’est pas terminé.