Hostile, c’était ainsi qu’avait toujours été défini son pays, mais Chelsea ne l’avait jamais vraiment vu de cet œil-là. Elle chérissait cette terre qui l’avait vu grandir, sur laquelle ses grands-parents écossais avaient jeté leur dévolu. C’était pourtant bien eux qui lui avaient dit de se mettre à l’abri, parce qu’ils n’avaient pas le souvenir d’y avoir vécu une telle tempête auparavant, Olga leur inspirait la crainte à juste titre. La rousse ne se remémorait pas non plus d’avoir dû se cloîtrer, barricader ses fenêtres comme elle avait pu le faire avec ses colocataires. Devoir s’empêcher de sortir pour des conditions météorologiques était quelque chose de particulièrement déprimant, pour ce papillon nocturne qui avait déjà dû se restreindre pour gérer la galerie d’art. L’étudiante en photographie essayait de se remonter le moral en évitant de passer trop de temps seule dans sa chambre, même si sa relation avec Adèle n’était pas encore au beau fixe, au plus grand désarroi de Carl. Chelsea était tout de même soulagée de l’avoir à ses côtés, alors que celui-ci aurait pu partir définitivement de leur appartement un mois plus tôt, sur un coup de tête pour partir à l’autre bout du monde. Être présent pour ses proches était quelque chose de crucial, elle aurait pu rater l’instant où le jeune homme préparait ses affaires si elle avait continué de s’absenter énormément de leur logement. Une prise de conscience qui en fut suivie d’une autre, à sa plus grande surprise, lorsqu’elle se retrouva avec suffisamment de réseau pour retourner sur les réseaux sociaux. Elle n’avait pas eu besoin de jeter un œil à l’extérieur, pour constater à quel point sa ville avait pu être touchée, de nombreux paysages de désolation avaient été diffusés. De nombreux arbres s’étaient déracinés, des fenêtres avaient été brisées, des toitures s’étaient envolées, des animaux ne savaient plus où se réfugier pour se mettre en sécurité, toutes ces images lui brisaient littéralement le cœur. Chelsea pensa égoïstement à son voilier, elle était soulagée que celui-ci soit actuellement en réparation, à l’intérieur d’un atelier naval plutôt qu’amarré dans le port.
Une préoccupation qu’elle finit par mettre au second plan, lorsqu’elle vit des appels à l’aide dans certains posts. Et si elle se mettait soutenir des inconnus ? Il lui était déjà arrivé de porter assistance à des personnes dans le besoin, Carl était le premier à pouvoir en attester parce qu’elle l’avait sauvé de son agresseur le jour de leur rencontre. Cependant, il ne lui avait jamais traversé l’esprit de devoir en aider un grand nombre, de se joindre à des bénévoles et de consacrer une grande partie de sa journée à faire de bonnes actions. L’étudiante en photographie n’avait plus réellement d’excuses pour ne pas le faire car elle disposait de beaucoup plus de temps, ses cours avaient été annulés et l’exercice de ses deux boulots ayant été compromise par les dégâts de la tempête. Chelsea se mit à consulter le website de Brisbane, pour rechercher ce qu’elle pouvait bien faire, malgré un sérieux handicap ; elle n’était pas véhiculée. Elle finit par trouver une page qui lui apporta une solution, elle pouvait contacter des habitants proposant de faire du covoiturage. La jeune femme se mit à discuter avec un prénommé August, auquel elle donna un rendez-vous au village solidaire. Elle mit son nez dehors après avoir retiré les planches qui condamnaient ses fenêtres, ce qui lui avait permis d’avoir un premier aperçu des ravages sur son quartier. La rousse ne le reconnaissait tout simplement plus puisqu’il n’était plus du tout animé, alors qu’il était pourtant réputé pour être le meilleur endroit pour s’amuser, passer du bon temps avec son entourage. Le peu de visages qu’elle croisa dans la rue étaient ternes, elle ne s’était jamais autant attardée sur eux depuis ce jour. Elle découvrit d’autres expressions une fois qu’elle mit un premier pied dans le village solidaire, où elle put observer des accolades, des sourires, une solidarité humaine qu’elle avait rarement vue. Chelsea se perdit momentanément dans ses pensées, jusqu’à ce qu’elle constate qu’une voiture venait de s’arrêter tout près d’elle. La rousse perçu un conducteur masculin qui lui paraissait bien plus jeune que ce à quoi elle s’attendait, car elle avait associé le prénom du bon samaritain à un âge assez poussé. Il possédait une chevelure dense et bouclée, dénuée du moindre cheveu blanc, qu’elle trouva splendide. « Bonjour, tu... vous êtes August ? » Est-ce qu’elle était trop formelle ? Elle n’en avait aucune idée. La Cavanagh ne voulait pas partir d’un mauvais pied en étant trop familière, elle ne savait pas quelle distance elle devait mettre entre eux. Elle sortait complètement de ses habitudes en effectuant ce genre de démarche après tout.
Décembre 2023, Dovecourt Center Brisbane porte encore les séquelles de la tempête Olga qui a arpenté ses rues avec violence quelques jours auparavant. Quand ce ne sont pas de gros tronc d’arbres qui sont déracinés et barrent l’accès à une route, ce sont des grosses branches qui sont tombés sur les lignes électriques, rendant certaines rues impraticables, même à pied. Les accès principaux ont cependant été dégagés pour permettre aux habitants de circuler à nouveau librement, d’autant plus quand des paires de bras sont nécessaires pour venir en aide à ceux dans le besoin. Malheureusement, ils sont nombreux et comme August a eu la chance d’être épargnés, il est prêt à relever ses manches pour aider là où cela sera nécessaire. Peut-être est-ce aussi un moyen pour lui d’oublier que son oncle est porté disparu et de se sentir utile quand il ne peut rien faire de plus à l’heure actuelle. En arpentant le site officiel de la ville, August a pris à cœur de participer à certaines missions. C’est d’ailleurs ce qu’il compte faire encore aujourd’hui, en commençant par se proposer à nouveau pour covoiturer. Beaucoup ont perdu leurs véhicules du fait des intempéries et se retrouvent aujourd’hui sans aucun moyen de locomotion. En attendant que les assurances fassent leur part, la vie reprend son cours et c’est pour cette raison qu’August propose depuis quelques jours à sa voisine de l’amener à son boulot, tous les deux travaillant dans le même secteur de la ville. Et si aujourd’hui, le Constantine n’a pas l’intention de se rendre au Daily Insider, il prend soin de la conduire avant de rejoindre cette deuxième personne avec qui il échange depuis quelques jours pour covoiturer mais pas que. August va donc retrouver la dénommé Chelsea au village solidaire car les deux inconnus ont décidé d’aller prêter main forte un peu partout dans la ville, ensemble. Ayant vu sa photo dans son profil du réseau social sur lequel ils ont échangé, le journaliste n’a aucun mal à reconnaitre la chevelure rousse de la jeune femme et s’arrête à sa hauteur, abaissant la vitre. « Bonjour » qu’il fait dans un premier temps, son sourire se voulant rassurant alors qu’il pourrait tout aussi bien passer pour un pervers qui aborde une jeune femme dans la rue, il en a conscience. « Bonjour, tu... vous êtes August ? » Il acquiesce mais qu’elle le vouvoie le fait rire et il rectifie tout de suite la chose « Je suis August oui, et tu peux me tutoyer ». Le vouvoiement, très peu pour lui et puis Chelsea doit avoir à peine quelques années de moins qu’Ambrose, son frère cadet. « On y va ? » qu’il fait alors qu’il l’invite à monter dans la voiture, attendant que celle-ci prenne place du côté passager avant de démarrer. « Tu attendais depuis longtemps ? J’ai été déposer une de mes voisines à son travail avant, sa voiture à elle aussi a subi quelques dégâts à cause de la tempête, c’est pour cette raison que j’ai un petit peu de retard ». Et il faut dire que le trafic, à cette heure-ci, est dense et il n’y a qu’à voir, ils se trouvent déjà arrêté derrière une longue file de voiture « On se rend d’abord au Sirromet Winery comme on avait dit pour aider aux emballages cadeaux ? J’ai réussi à avoir quelqu’un ce matin en appelant et visiblement, ce matin, ça ne se bouscule pas vraiment pour leur venir en aide donc on ne sera pas de trop ». Ils auront tout le loisir de revenir au village solidaire ensuite car aider à la distribution de repas figure aussi dans leur programme de la journée, entre autres. Lorsqu’ils parviennent enfin à quitter un peu le trafic dense du quartier de Toowong, August accélère un peu plus sur la voie rapide qui mène à Bayside « Pardon, tu me le dis si je conduis trop vite ou trop brusque ». Il s’est déjà fait faire la remarque et ne serait pas surpris si Chelsea le pensait aussi. « Tu ne m’as pas dit ce que tu faisais dans la vie ».
Elle ne savait pas pourquoi elle n’avait pas demandé la moindre photographie à l’homme qu’elle devait retrouver, elle qui était pourtant connue pour être très méfiante. Chelsea n’avait peut-être simplement pas réussi à imaginer que des personnes puissent être malveillantes en une telle période, elle ne s’était pas dit qu’elle encourait le moindre danger. La jeune femme avait été confiante au point de mettre un cliché d’elle où on la voyait de profil, ce qui avait sans nul doute permis à August de la trouver facilement. Elle avait oublié ce détail au moment où elle lui avait demandé s’il s’agissait bien de lui, parce qu’elle diffusait rarement ses traits sur la toile, préférant y poster ceux des autres avant tout. Il lui confirma son identité tout aussi rapidement qu’il l’autorisa à le tutoyer, ce qui tombait bien puisqu’elle n’avait pas vraiment envie d’être formelle en cette journée placée sous le signe de l’entraide. « Ok. » Il lui fit comprendre qu’elle pouvait monter dans sa voiture, ce qu’elle fit sans plus attendre. « On peut y aller. » Répondit-elle avant de fermer la portière. August s’inquiéta du temps qu’elle avait pu passer à l’attendre, il lui expliqua pourquoi il avait pris du retard avant même qu’elle ne lui apporte une réponse. « Non ne t’inquiètes pas, je n’attendais que depuis quelques minutes. Et puis je ne suis pas à dix minutes près, ce n’est pas comme si je pouvais travailler ou étudier... »Elle était effectivement dans l’impossibilité de faire ses gagne-pain, mais elle pouvait encore bosser sur ses cours, sauf que son cœur n’y était pas. L’absence d’envie d’étudier n’avait jamais été aussi prégnante, alors qu’elle avait jusque-là toujours été avide d’apprendre et de figurer parmi les meilleures élèves. August lui demanda s’ils devaient conserver la première destination qu’ils s’étaient fixés, un endroit qui manquait cruellement de main-d’oeuvre selon ses dires. « Oui on peut respecter notre ordre initial. J’aimais plutôt bien l’idée de commencer par l’activité dans laquelle j’excelle le plus. » La rouquine pouvait l’air avoir un peu vantarde, mais ses côtés manuel et créatif lui paraissaient bien plus utiles pour les emballages de cadeaux que pour le reste. Elle ne doutait pas du fait que le soin qu’elle apporterait durant cette activité allait être appréciée. August se soucia de sa façon de conduire dès qu’il accéléra, elle pouvait lui signaler que celle-ci n’était pas adaptée dès qu’elle le voulait. Qu’il était prévenant, elle n’avait pas le souvenir qu’un homme se soit déjà préoccupé de si elle se sentait bien ou non dans une voiture, Logan le fou furieux du volant, tu devrais en prendre la graine. « Tu es loin d’être dans l’excès. » L’interlocuteur de Chelsea lui fit remarquer qu’elle n’avait pas été très expansive sur ses occupations, elle n’avait pas jugé utile d’en parler en ligne, à vrai dire elle ne pensait même pas que cela allait l’intéresser plus que ça. « Je fais des études de photographie dans le but de devenir reportrice-photographe. » Une précision importante pour la Cavanagh, qui ne voulait pas passer pour une fan de mode, une passion qu’elle jugeait bien trop futile. « En attendant je suis assistante dans une galerie d’art et... hôtesse d’accueil pour la piscine d’un hôtel de luxe. » L’entrain dont elle faisait preuve au début de sa phrase avait progressivement disparu, elle avait tout de même tenté de rendre son second travail plus reluisant en apportant une précision sur son lieu de travail. Il était ennuyeux, mais il avait au moins deux mérites ; celui de lui permettre de gagner de l’argent sans trop se fatiguer et celui de l’avoir rapproché de celui qui était devenu son colocataire. « Et toi ? » Quel métier il pouvait-il bien exercer ? Elle ne serait pas étonnée d’apprendre qu’un jeune homme présentant aussi bien que lui occupe un bon poste, malgré un âge qui lui était encore flou. Elle recherchera à satisfaire sa curiosité sur la question un peu plus tard, cela lui semblait un peu précipité pour le moment.
Décembre 2023, Dovecourt Center C’est quelque chose qu’il aurait pu faire avec un de ses proches – que ce soit avec un membre de sa famille ou un de ses amis – mais c’est finalement avec une parfaite inconnue qu’August a décidé de donner un peu de son temps. Un moyen pour lui aussi de se changer les idées quand son oncle était porté disparu depuis le passage de la tempête et qu’il avait bien du mal à se penser à autre chose – c’est à peine s’il était parvenu à trouver la concentration nécessaire la veille pour boucler son article pour le Daily Insider. Avec une inconnue, le sujet de son oncle ne risque pas de venir sur le tapis et c’est finalement tout ce qu’il souhaite. Il est d’ailleurs ravi de passer sa journée avec Chelsea, bien que les deux ne se connaissent pas encore. « On peut y aller. » Et ils en ont des missions à relever aujourd’hui, les deux inconnus s’étant mis d’accord sur un petit programme qui vont les obliger à se déplacer, d’où le fait qu’August joue les chauffeurs aujourd’hui. « Non ne t’inquiètes pas, je n’attendais que depuis quelques minutes. Et puis je ne suis pas à dix minutes près, ce n’est pas comme si je pouvais travailler ou étudier... » Il est vrai que la tempête a causé pas mal de dégâts et il imagine donc que c’est pour cette raison que la jeune femme émet un tel commentaire. Il se contente d’acquiescer, sans poser plus de questions, bien qu’il s’intéressera davantage à ce travail et ses études dont elle parle dans quelques minutes. « Oui on peut respecter notre ordre initial. J’aimais plutôt bien l’idée de commencer par l’activité dans laquelle j’excelle le plus. » August prend donc la direction de Bayside et plus précisément du Sirromet Wines où les bénévoles les attendent pour aider aux emballages des cadeaux qui seront distribués aux enfants qui se retrouvent sans toit depuis le passage de la tempête. « Tu es une experte en emballage cadeau ? » Il se permet de relever, non sans un sourire un peu amusé. « Je suis pas sûr que je pourrais en dire autant ». Il est pas si habile August, surtout en la matière, quand il a bien souvent eu le droit à des moqueries de la part de ses proches en découvrant l’emballage qu’il avait confectionné. Mais il ferait des efforts aujourd’hui et qui sait, avec Chelsea, il pourrait apprendre par la même occasion. « Tu es loin d’être dans l’excès. » S’il est nul en emballage cadeau, il ne semble pas être piètre conducteur d’après elle et c’est ensuite sur un tout autre sujet qu’il entame la conversation pour apprendre à connaître celle avec qui il va passer sa journée. « Je fais des études de photographie dans le but de devenir reportrice-photographe. » « Cool. Tu souhaiterais parcourir le monde grâce à ça j’imagine ? Tu as un domaine de prédilection pour tes futurs reportages ? » qu’il s’intéresse, en bon journaliste qu’il est. « En attendant je suis assistante dans une galerie d’art et... hôtesse d’accueil pour la piscine d’un hôtel de luxe. » Elle a de multiples casquettes et August se doute que ces deux derniers sont davantage des boulots étudiants pour elle afin de pouvoir poursuivre ses études et il sait bien de quoi il parle quand lui-même a dû vivre de petits boulots pour poursuivre les siennes. « Tu as pu exposer dans la galerie où tu travailles ? » après tout, ça pourrait être un bon moyen de se faire repérer pour elle mais c’est aussi un autre détail qui vient éveiller sa curiosité « Un hôtel de luxe ? Je peux savoir lequel ? » Ce n’est évidemment pas anodin parce qu’il y en a un en particulier qu’il connait très bien puisqu’il appartient à la femme de son cousin. « Et toi ? » « Je suis journaliste » qu’il fait dans un sourire car, après tout, ils naviguent un peu dans la même sphère « J’ai longtemps travaillé pour un journal de quartier à West End avant de changer pour un journal un peu plus percutant, peut-être que tu le connais de nom, le Daily Insider ». Le journal monté par son ami Blake commençait sérieusement à être connu et ceux notamment du fait de la nature des articles dénonciateurs qu’ils publiaient et pouvaient créer bien du désordre dans la vie de grands noms.
August demanda si elle était une experte en cadeaux, une question qui lui donnait presque l’impression d’être quelqu’un qui passait son temps à en faire. En réalité, elle n’en faisait pas tant que ça, par manque de moyens et parce que les personnes qui en méritaient étaient rares à ses yeux, mais elle prenait un certain soin pour les emballer lorsqu’elle les faisait. « Je suis assez manuelle et plutôt créative, si je peux ajouter ma petite touche personnelle j’en suis plutôt contente. » Chelsea était une demoiselle qui aimait se démarquer dans bien des domaines, celui des cadeaux n’y échappait pas, elle aimait que ses proches repèrent du premier coup d’oeil lesquels provenaient d’elle. L’interlocuteur de la rousse se montrait plus modeste sur ses capacités en la matière, ce qui la fit sourire. « Ce n’est pas très compliqué de s’améliorer là-dedans. » Il existait tant de tutoriels, de façons de les emballer, il allait forcément trouver celle qui lui convenait le mieux, peut-être qu’elle pourrait être celle qui arriverait à l’aiguiller. Le brun entama un autre sujet, celui qui brûlait toujours les langues lors des rencontres, celui de sa principale occupation. Elle n’avait pas encore le luxe de n’en avoir qu’une seule, mais elle n’était pas pour autant trop à plaindre, ses boulots n’étant pas particulièrement pénibles, elle savait qu’elle était plutôt chanceuse de les avoir. August chercha à savoir ce qui la poussait à avoir ce but en particulier, il trouva de lui-même l’une de ses raisons avant de chercher si elle avait un domaine de prédilection. « Oui, j’aimerais découvrir au maximum cette planète, mais pas de le faire de manière artificielle. » Elle entendait par là qu’elle ne comptait pas se rendre dans les autres pays uniquement pour fouler les lieux touristiques, faire des boutiques ou lézarder, elle voulait aller beaucoup plus loin, ce qu’il allait comprendre avec sa prochaine réponse. « Je pense que j’aimerais beaucoup faire des reportages sociaux, dénoncer des inégalités, découvrir et mettre en avant des traditions. » La première partie de ses paroles avait hérissé les poils de sa mère, qui l’avait déjà imaginé se rendre dans des zones en guerre ou en proie à différents trafics. Chelsea n’était pas intéressée par la facilité, elle souhaitait exercer un métier qui la ferait vibrer, la ferait sortir des sentiers battus. Il la questionna sur la galerie où elle travaillait, pour savoir si elle avait cherché à se faire exposer dans celle-ci. « Juste une fois, pour exposer une photo qui me tenait à cœur, mais je n’ai pas envie de trop abuser de la gentillesse de ma patronne non plus. » Le culot de l’étudiante en photographie des limites, qu’elle ne se voyait pas encore franchir. La précision qu’elle avait donnée sur son second travail attisa sa curiosité, qu’elle étancha. « À l’Emerald Hotel. » Était-il un habitué des établissements hôteliers étoilés pour lui poser cette question ? Ou est-ce qu’il était simplement curieux ? Elle lui retourna sa question, ce qui lui permit de constater qu’ils avaient certainement de gros points en commun tous les deux. « Journaliste. » Qu’elle répéta avec un regard scintillant. Il s’agissait d’un des métiers qui suscitait le plus d’admiration chez elle, elle l’avait toujours trouvé fascinant, August ne devait pas s’ennuyer. Il semblait avoir récemment trouver un journal qui colle plus à ses aspirations, dont le nom lui disait vaguement quelque chose. « Il se pourrait bien que je sois déjà tombée dessus. » Chelsea était avide de lecture, mais elle ne trouvait pas toujours le temps de lire de nombreux journaux. « Je lis plus souvent le journal local, ceci dit. » Parce qu’elle aimait tout de même bien était au courant de ce qui se passait au plus près d’elle, même si cette activité n’était ‘ pas de son âge ’. Les kilomètres défilèrent jusqu’à ce qu’ils n’arrivent à leur destination. Ils rencontrèrent rapidement une personne chargée de guider les nouveaux arrivants, qui les amena dans un entrepôt. « C’est donc ici que nous allons jouer aux lutins. » Qu’elle pensa à voix haute, en découvrant l’étendue du lieu. La mairie avait mis les moyens et cela faisait plaisir à voir, elle se dirigea naturellement vers la section qui était consacrée aux cadeaux à destination des plus jeunes, attirée par une peluche de koala qui lui rappelait celle avec laquelle elle s’endormait. La vision de celle-ci l’attendrit momentanément en la propulsant à l’époque où Raghnall l’avait déposé dans ses petites mains. Elle se surprenait d’être nostalgique de cette époque qui n’était pourtant pas toute rose, elle secoua légèrement sa tête avant de reposer l’objet là où elle l’avait trouvé.
Décembre 2023, Dovecourt Center« Je suis assez manuelle et plutôt créative, si je peux ajouter ma petite touche personnelle j’en suis plutôt contente. » Il y en a au moins un des deux qui sera plus à l’aise dans l’emballage de cadeaux, August ne pouvant pas en dire autant sur ses capacités à en faire. Ce n’est pourtant pas ce qui l’arrête dans ce bénévolat dans lequel il se lance aujourd’hui. « Ce n’est pas très compliqué de s’améliorer là-dedans. » Elle a sûrement raison et August veut bien croire que, d’ici la fin de la journée, il saura réaliser ses emballages cadeaux avec expertise, et peut-être pourra-t-il impressionner ses proches quand il devra, à son tour, leur en offrir – il ne compte pas trop là-dessus, sa liste de personnes à qui il fait des cadeaux pour les fêtes étant bien restreintes. « Je compte sur toi pour m’y aider » qu’il ajoute donc à l’encontre de Chelsea, sourire aux lèvres. Ils ne se connaissent pas encore mais ce trajet en voiture est un bon moyen pour le faire, August découvrant que la jeune femme était photographe « Oui, j’aimerais découvrir au maximum cette planète, mais pas de le faire de manière artificielle. » Elle souhaite donc parcourir le monde en vivant de sa passion et c’est tout en son honneur. Il comprend aussi qu’elle sait où elle va, qu’elle ne fait pas ça par pur hasard puisqu’elle semble avoir des objectifs bien définis en tête. « Je pense que j’aimerais beaucoup faire des reportages sociaux, dénoncer des inégalités, découvrir et mettre en avant des traditions. » Et cela fascine déjà August qui tourne sa tête une fraction de secondes sur sa passagère « C’est tout en ton honneur et j’espère que tu parviendras à le faire, sincèrement. Il y a tant d’injustices qui sont bien souvent oubliées et qui méritent d’être dénoncées ». Les siennes de batailles sont d’un tout autre domaine, quand il travaille désormais pour un journal qui dénonce aussi des injustices mais la cause reste, de base, sensiblement la même. Il est donc admiratif d’autant de détermination et ne peut que souhaiter à Chelsea qu’elle arrive à ses fins. « Juste une fois, pour exposer une photo qui me tenait à cœur, mais je n’ai pas envie de trop abuser de la gentillesse de ma patronne non plus. » Elle est photographe ou, du moins, tant à le devenir et il comprend que, pour l’heure, elle agit encore dans l’ombre « Mais ce serait un bon moyen aussi pour toi de te faire connaître. Et si elle est si gentille que tu le dis, elle serait sûrement ravie d’y contribuer ». Il n’est pas du genre à abuser lui aussi de ce que les gens lui offrent mais il sait aussi à quel point il est important de se battre pour avoir sa place – du moins, il tend à le comprendre progressivement, lui qui est resté bien longtemps dans sa zone de confort. « À l’Emerald Hotel. » Et parce que Chelsea n’est encore qu’une étudiante, celle-ci a plusieurs casquettes dont celle de travailler dans un hôtel et pas n’importe lequel « Je le connais bien. Cristina est la femme de mon cousin, James » Sa patronne fait donc indirectement partie de sa famille et cela montre à quel point parfois le monde peut être petit. « Journaliste. » C’est à son tour de lui parler de sa personne, indiquant donc sa profession à la jeune femme « Il se pourrait bien que je sois déjà tombée dessus. » Ca c’est au sujet du Daily Insider et August est même certain qu’elle a dû tomber au moins une fois sur un article – pas le sien, cela fait bien trop peu de temps qu’il y travaille, bien que ses articles sur Saul Williams ont eu une certaine résonnance. « Je lis plus souvent le journal local, ceci dit. » « Tu fais donc parti de ceux-là » Et ce n’est pas une critique car il a bien souvent entendu des personnes dire que ce type de journal était bien souvent lu par des personnes âgées. « J’ai travaillé pour le West End Today pendant des années » qu’il précise, si jamais elle faisait partie de leurs ferventes lectrices.
« C’est donc ici que nous allons jouer aux lutins. » Les voilà sur place où on les guide un peu sur les tâches qui seront les siennes. August écoute attentivement les instructions mais observe aussi du coin de l’œil Chelsea qui se saisit d’un koala. Elle semble perdue dans ses pensées, la peluche entre les mains et lorsque la femme qui les accueille finit son petit monologue, August se dirige doucement vers Chelsea qui vient de reposer le koala sur la table « Même s’il te fait de l’œil, je suis pas sûre que ce soit une bonne idée de leur volatiliser ». Il use volontairement d’humour et se saisit déjà d’un premier jouet – qui se trouve dans un carton rectangulaire ce qui rend l’emballage moins difficile « Ça va ? » qu’il se permet d’ajouter doucement et de manière plus sérieuse.
Enseigner aux autres n’était pas forcément le point fort de Chelsea, qui manquait certainement trop de patience pour le faire correctement, mais aujourd’hui n’était pas un jour comme un autre. Elle s’était promise qu’elle prendrait sur elle, parce qu’il était placé sous le signe de la solidarité, mais elle n’avait en principe pas trop de soucis à se faire, August ne lui avait pas l’air d’être un empoté. Il donnait à l’inverse l’impression d’avoir la tête sur les épaules, il n’aurait probablement pas proposé de faire du covoiturage dans le cas inverse. La rousse hocha brièvement de la tête, avant de lui expliquer ce qu’elle désirait faire dans le futur, un futur qui lui paraissait à la fois proche et lointain. La Cavanagh n’avait en réalité aucune idée du temps que ça lui prendrait de trouver du travail dans la branche qu’elle désirait, mais elle s’était persuadée qu’elle ferait preuve de suffisamment de persistance pour y parvenir un jour. Les idées quelques peu idéalistes de la jeune femme ne paraissaient pas irréalisables pour son interlocuteur, qui l’encouragea à poursuivre dans cette voie, à l’inverse de sa mère qui se montrait plutôt septique. « Je ferai tout pour. » On pouvait dire qu’elle avait hérité de Brianna à ce niveau-là, elle était entêtée, il fallait être sacrément déterminé pour qu’elle oublie les objectifs qu’elle s’est fixées. Elle semblait pourtant manquer de confiance, lorsqu’elle évoquait la galerie d’art pour laquelle elle travaillait, elle ne se voyait pas y être exposée alors qu’elle n’était qu’une photographe en herbe. Chelsea était tellement reconnaissante envers son employeuse, de lui avoir laissé une chance de travailler dans le domaine qui l’intéressait vraiment, qu’elle ne voulait pas passer pour la dernière des arrivistes. August supposa qu’elle pourrait être enchantée à l’idée de l’aider, il n’avait peut-être pas tort. « J’oserai probablement le faire quand on se connaîtra mieux. » Il n’était pas difficile de faire sa connaissance, après tout elles ne travaillaient qu’à deux, mais elle se voyait mal lui faire une telle demande sans avoir un certain nombre de mois d’ancienneté à son actif. Elle n’était pas prête de partir après tout, tout du moins c’était ce qu’elle se disait pour le moment, rien ne la pousserait à se séparer d’elle, elle n’avait pas établi une vraie date de fin, elle la garderait tant qu’elle aura besoin d’elle. L’étudiante en photographie lui dévoila son autre lieu de travail, ce qui lui permis d’apprendre qu’il s’agissait d’un endroit familier pour le brun. Il était apparenté au mari de la gérante, James, qu’elle ne connaissait que de vu. Chelsea ne savait pas vraiment quoi faire de cette information, Cristina étant avant tout une figure effrayante pour les employés en bas de l’échelle, elle ne se voyait pas en dire du bien pour lui faire plaisir. Cependant, le célèbre styliste bénéficiait d’une meilleure image à ses yeux, sans compter qu’elle ne pouvait pas nier qu’il avait du talent. « C’est un sacré lien de parenté que tu as là. » Tout le monde ne pouvait pas en dire autant, même si une famille ne se choisissait pas, en principe. « Tu dois en prendre plein les yeux à chaque fois que tu le vois. » À moins qu’il ne soit lassé, à force d’être trop habitué à voir des pièces d’exception, qu’il devait lui-même porter parfois. La grand-mère de Chelsea étant couturière, elle lui avait appris à reconnaître les vêtements de qualité, mais elle n’était clairement pas assez connaisseuse pour être capable de discerner s’il portait du Wheatherton ou non actuellement. Elle était plus intéressée par le métier qu’il exerçait, même si elle ne pouvait pas affirmer avec conviction qu’elle avait déjà lu ses articles. La rousse lui confia quel type de journal elle préférait lire, elle ne savait pas s’il était surpris d’apprendre dans quelle catégorie de lecteurs elle se trouvait, mais il n’avait pas l’air de s’en offusquer. Il lui donna le nom du journal pour lequel il travaillait auparavant, dans lequel il avait passé plusieurs années. « Cela me parle beaucoup plus, j’ai grandi dans ce quartier. » Elle s’y rendait encore assez régulièrement, aimant l’ambiance de celui-ci et ses friperies. « C’est une sacrée coïncidence. » Elle aurait même pu employer le pluriel, puisqu’il connaissait aussi l’Emerald Hotel, ils étaient peut-être destinés à finir par se rencontrer, après tout. Le temps de parler de leurs vies personnelles en détails fut écoulé, ils allaient devoir mettre la main à la pâte, mais avant cela elle ne put s’empêcher de s’attarder sur une peluche. Un intérêt qui n’avait pas échappé à August, qui fit un trait d’humour avant de se soucier de son état. « Oui, ne t’en fais pas. » Elle n’allait tout de même pas être déprimée par un simple koala, qui n’était même pas pour elle. Chelsea reprit son sérieux en débutant son premier emballage, qu’elle effectua vraisemblablement trop vite pour que son binôme ne puisse s’en inspirer. « Tu veux que je te montre comment je fais ? » Il était possible qu’il veuille s’entraîner tout seul dans un premier temps, elle ne lui en voudrait pas qu’il veuille se débrouiller sans elle.
Accueil
(
