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@Charlie Fawcett ☆ crédit/ssoveia

"Je t'ai jamais demandé —" Attention, venant de Josephine, ce genre d’entame à une question, c’était à double-tranchant. Soit elle s’apprêtait à demander quelque chose de sérieux, qui ne rentrait pas dans les codes de ce qu'elle était capable de soulever d’ordinaire, trop intéressée par l’idée de se montrer dure et ferme qu’un tant soit peu sensible et attentionnée ; soit elle s’apprêtait à faire comme elle faisait d'ordinaire, c’est-à-dire verser dans l’insolence, à la limite du grivois, pour sauver les apparences et noyer le poisson, alors que son apparition — divine, si on lui demandait son avis — n’était même pas attendue. Inutile de se torturer l’esprit trop longtemps pour savoir de quoi en retournait sa perche du jour, qu’elle finit par dire à Charlie vers qui elle se retourna avec l’air des grands jours, aussi mystérieux qu'il était ponctué d’un sourire en biais, signe annonciateur de la connerie qu’elle s’apprêtait à dire "— tu portes une arme ?" L’un de ses sourcils s’arqua aussitôt, et plus sûre d’elle que jamais, s’avançant vers la jeune femme qu’elle pointa du doigt, et devant qui elle s’assit en même temps "Parce que si c’est le cas, ça te fait direct prendre la deuxième position de ma liste personnelle des gens les plus baisables que je côtoie." Pas besoin de lui demander qui était à la première.

Alors d’accord, elle n’avait absolument pas sa place ici. Malgré tout, son arrivée impromptue avait soulevé l’enthousiasme général quand, déboulant, sans escorte, dans un manteau de cuire qui cachait à peine la mini-robe qu’elle portait dessous dans les bureaux du commissariat de Brisbane, elle avait demandé à voir Charlie Fawcett. Pour avoir déjà fait un détour par ici à cause de sa grand-mère, elle avait ses entrées, mais elle avait tout de même rincé le gosier des lourdauds de l'accueil avec des donuts et du café histoire qu’on ne lui pose pas trop questions, acceptée deux ou trois photos pour faire genre, et assurer sa cote de popularité auprès de ces mêmes lourdauds qui avaient reluqué son derche moulé dans du D&G en croyant sans doute qu’elle ne s'en était pas aperçue — grossière erreur — avant de se faire escorter vers le bureau où se trouvait la blonde en lui faisant croire qu’elle passait dans le coin par hasard ; quand elle lui avait glissé à elle aussi son donut préféré et un gobelet de café comme elle l'aimait en guise de promesse indicible qu’elle ne venait pas l'ennuyer, c’était juré.

Charlie était blonde, mais elle avait oublié d’être conne, elle devait donc se dire qu’il avait bon dos le hasard, mais Jo s’en cognait pas mal à ce moment-là. Elle n’était pas encore prête à expliquer pourquoi à la jeune femme, et la manière dont finalement, elle tournait autour du pot en parlant de tout et n’importe quoi, c’était ce qui était à prendre en considération pour juger sa visite inquiétante. Prenant ses aises, se glissant dans le fond de sa chaise pour ensuite tendre ses courtes jambes et poser ses pieds chaussées de talons de la même couleur que sa robe sur le bord du bureau derrière lequel Charlie était assise, elle posa ses deux mains sur son abdomen en reprenant, ne faisant pas semblant d’être intéressée, mais ne se montrant pas non plus trop impliquée — comme seule Jo savait le faire, et qui lui conférait une aura particulière "Pas trop de boulot avec la tempête et tout le tralala ?" Charlie l’enverrait bouler dans quelques minutes à peine, elle en était autant certaine qu’effectivement, voir Jo marcher sur des oeufs, ce n’était pas courant, et qu’ayant le même seuil de patience, la blonde céderait à un moment où un autre aux affres de l’exaspération, mais rien à foutre.

Elle ne sait pas à quel moment le poste de police est réellement devenu un lieu de rendez-vous pour ses amis cherchant à la retrouver, mais elle sait très bien que ça finira tôt ou tard par lui retomber sur le coin de la tête, le tout n’ayant absolument rien de légal. "Je t'ai jamais demandé — tu portes une arme ?" Jo et ses questions, Jo et sa capacité à être Jo. Charlie la jauge un instant des quelques centimètres supplémentaires qu’elle détient sur son amie, incapable de savoir si elle va conclure sa question par une blague graveleuse, une autre question sincère, ou bien un simple “ok” démontrant qu’elle porte déjà son attention à un sujet différent. "Parce que si c’est le cas, ça te fait direct prendre la deuxième position de ma liste personnelle des gens les plus baisables que je côtoie." Et si Jo garde tout son sérieux au moment de s’asseoir, Charlie n’est pas sans esquisser un sourire terriblement amusé, et sans doute aussi un peu fier de sa seconde place - qu’elle décide mériter, qu’elle porte une arme ou non d’ailleurs. « J’ai été formée pour en utiliser. » Sa place dans la police ne justifie pas qu’elle possède une arme à feu au travail - pour faire le chemin entre la machine à café et son bureau, elle ne court pas vraiment de risquer - mais elle ne le dit pas comme ça, parce que ce n’est pas amusant, parce que ça sonne tout de suite bien moins aventureux aussi. « Ce qui est bien mieux que tout la liste des gens que tu pourrais baiser, quand même. » Parce que franchement, si elle faisait un petit effort, Charlie pourrait avoir le droit à sa première place: elle a les mêmes jolis petits yeux bleus, après tout.

Avec Jo, rien n’est laissé au hasard et lorsqu’on est une personnalité dans son genre, dont les moindres mouvements se retrouvent sur Reddit et d’autres sites parfois plus douteux encore, on réfléchit à la moindre de ses sorties. Et passer par le commissariat, on ne lui fera jamais croire que cela a à voir avec le hasard. Personne ne passe par ici par hasard, et personne ne passe par l’accueil et auprès de tous ses collègues uniquement pour livrer un café et un donut - pourquoi est-ce qu’elle avait un café et un donut, déjà ? "Pas trop de boulot avec la tempête et tout le tralala ?" - « On m’a assigné sur le terrain et j’ai porté une arme. » Elle ne dira pas qu’elle croule sous le travail et elle ne se fera pas plaindre, autant parce que ce n’est pas dans son caractère que parce qu’elle ne veut pas parler charge de travail face à Jo qui vit dans un monde où les heures de travail se comptent jusqu’à vingt-quatre au cours d’une même journée. « Tu comptes pas faire un concert caritatif ? Si je suis assignée à ta protection et que j’ai une arme, ça me fait pas passer numéro un ça ? » Ce qui n’arrivera pas, parce que rien n’est plausible dans cette histoire, mais quand même elle veut savoir ce qu’il lui en coûterait pour passer première dans un monde parallèle hypothétique. « J’ai deux minutes de small talk et trois pour parler sérieux. » Elle annonce, après avoir porté un rapide coup d’oeil au cadran de sa montre connectée. « Pas que je pense que t’as forcément fait tout ce chemin pour me parler d’un truc en particulier. » Mais quand même, il faut bien avouer que ça ferait un peu plus de sens que parler arme à feu, non ?

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@Charlie Fawcett ☆ crédit/ssoveia

Jo, elle ne savait pas exactement quand elles en étaient venues à ce statu quo avec Charlie, mais ça ne lui déplaisait pas de pouvoir à nouveau lui parler comme si toutes leurs conversations se devaient de ne pas être sérieuses. Elle comprenait son langage, c’était suffisant pour lui faire passer l’éponge sur des choses qu’il y avait encore un an de ça, presque jour pour jour, elle ruminait en ne démordant pas de l’idée que ça avait été soigneusement orchestré pour la blesser. Il n’était plus question de ça aujourd’hui, même si le volcan endormi qu’était Jo restait menaçant, elle apprenait de plus en plus à pardonner les erreurs de ceux qui pardonnaient les siennes, alors en cette période de trêve induite par cette foutue tempête, elle consentait à faire comme si elle avait oublié, et force était de constater que ça servait leur amitié "Essaye trois heures de show dans un stade bondé à craquer avant de remettre en doute le numéro un de ma liste, inspectrice." Réponse à tout Josephine, ça ne changerait pas sous le prétexte que l’image d’une Charlie en train de faire leur fête à des truands, ça faisait tourner son imagination à plein régime. Elle ne se risqua même pas à laisser un sexy susurré de sa voix de velours lui échapper, même si elle n’en pensait pas moins, et recala ses talons sur le bureau de sa comparse en se mettant à décompter les secondes avant qu’elle ne perde patience et lui demande enfin ce qu’elle foutait là.

Elle mima un frisson de plaisir coupable, yeux légèrement révulsés en prime, en entendant Charlie lui révéler son rôle sur le terrain, avec son arme donc. Cessant rapidement sa comédie, elle inclina la tête pour mieux la garder dans son viseur "T’es vraiment en train de devenir une super-héroïne." Et venant de Jo, ce genre de paroles, ça équivalait à recevoir une médaille de sa part, alors elle espérait que Charlie savourait le soin qu’elle prenait à souligner son évolution professionnelle, sincèrement impressionnée par les responsabilités qu’on lui donnait désormais, et qu’elle ne pouvait s’imaginer dans le fond. Tout comme Charlie ne pouvait que s’imaginer ce que Jo vivait dans son monde de strass et de paillettes "J’ai emballé des cadeaux, maquillé des gamins, visité les petits vieux, et crois-le ou non, j’ai même prévu de jouer à la mère Noël quelque part entre la sortie de mon premier titre et sa promotion." Se redressant pour de bon, elle dressa son profil parfait par le maquillage un air d’être prête à recevoir les lauriers, trop fière d’elle pour ne pas le montrer, tout en prenant bien garder de ne pas rebondir sur l’idée que Charlie ferait mieux le boulot que son père, si elle était assignée à sa protection rapprochée. A ce propos, elle reprit "C’est marrant que tu parles de ça d’ailleurs." Sans rien dire de plus, la pointant de l’index alors qu’en même temps, la blonde s’impatientait gentiment, la coupant dans son élan — chose qui l’offusqua pour de faux, et pour de faux seulement, sa main se posant sur sa poitrine comme tante Jeanne qui apprend que son petit neveu joue pour l’autre équipe "Merde, ça vous va si mal à tous de m’avoir dans votre sillage, vous prenez tous mes pires défauts. Tout doux, j’étais en train d’y venir." Se levant alors de sa chaise pour mettre juste un peu de distance entre elle et le bureau de Charlie, soudainement, et subtilement, mal à l’aise, Jo fit quelques pas. Le son de ses talons accompagna sa détente, et elle garda le silence une courte seconde, caressant avec le bout de ses doigts les rainures des gros volumes qu’il y avait sur une étagère. Enfin, elle se retourna vers la jeune femme qu’elle observa une seconde de plus avant de lui dire "J’ai une question à te poser. Mais y a un deal qui va avec, et c’est que tu poses pas de questions en retour, vu ?" Vu, décida-t-elle pour elle, enchaînant dans la foulée en restant toujours à distance de son bureau tandis que ses paupières strassées se plissaient résolument pour faire le point sur les micro-expressions de Charlie "Le truc des injonctions d’éloignement là, tu vois de quoi je parle ?" Certainement que oui, elle ne lui laissa pas le temps d’interjeter là encore, poursuivant sans se soucier de paraître suspecte, ou même inquiète — ce qu’elle était, dans une certaine mesure, et sans que ça ne soit compréhensible pour quiconque de présent dans cette pièce, si ce n’était elle "C’est un vrai truc, ou ça existe que dans les films ?"

"Essaye trois heures de show dans un stade bondé à craquer avant de remettre en doute le numéro un de ma liste, inspectrice." Peut-être qu’elle aurait tenté de vraiment donner le change en parlant de son boulot ou du fait qu’elle a tout de même des yeux tout aussi bleus. Peut-être qu’elle aurait pu le faire, oui, si elle avait une quelconque envie de rivaliser avec celui dont on ne doit prononcer le nom. Au lieu de ça, c’est un aw sincère quoiqu’un peu surjoué qu’elle laisse filer. « C’est mignon. » est la conclusion qu’elle applique à cette discussion, déjà certaine que les mots n’iront pas plus loin et que Jo la déteste bien assez comme ça déjà, surtout le sourire attendri que Charlie a ajouté sans même s’en rendre compte. "J’ai emballé des cadeaux, maquillé des gamins, visité les petits vieux, et crois-le ou non, j’ai même prévu de jouer à la mère Noël quelque part entre la sortie de mon premier titre et sa promotion." Et pour peu, on pourrait croire qu’elle venait d’être embauchée par Disney et devrait travailler sur son image pour plaire aux enfants mais surtout, surtout aux parents. Charlie lève un sourcil, ne sachant d’abord si Jo est en train de se moquer d’elle ou si elle s’est vraiment transformée en parfaite petite Mère Noël pour l’occasion. Peut-être que cette image lui va bien, après tout. « T’es chiante, ça nécessite pas une protection rapprochée ça. » Elle finit par faire semblant de lui en vouloir, pourtant sincèrement touchée par ce à quoi Jo a occupé ses dernières journées récemment. C’est une bonne chose, tout ça. Pour son image, pour les gamins dont il est question, mais surtout pour Jo elle-même.

Après quelques minutes amusantes et des reproches allant nulle part (autant que son classement dans la liste des personnes baisables, elle le sait malheureusement bien), Charlie demande avec un brin plus de sérieux à quoi rime toute cette comédie. Personne ne fait le chemin jusqu’à elle pour parler de la pluie et du beau temps, et personne ne vient non plus au poste de police comme si de rien n’était. Jo n’est pas des plus douées pour parler franchement, parfois (et parfois seulement), mais son amie est au moins là pour lui l’aiguiller et lui rappeler que la nuit ne leur appartient pas. Les méchants décident de son emploi du temps. "J’ai une question à te poser. Mais y a un deal qui va avec, et c’est que tu poses pas de questions en retour, vu ?" Déjà, elle n’aime pas ce deal et alors que Jo se lève pour faire les cent pas, Charlie se dresse dans son fauteuil et l’observe d’un œil bien plus soucieux. Pour le moment, et tant qu’elle ne sait rien de la discussion qui risque de s’amorcer, elle ne promet rien. "Le truc des injonctions d’éloignement là, tu vois de quoi je parle ? C’est un vrai truc, ou ça existe que dans les films ?" Les roues de sa chaise l’amènent jusqu’au plus proche de son bureau, d’où elle allume l’ordinateur. « Dis moi pour qui t’en as besoin. » Et ce n’est pas une question, ça, pas vrai ? Parce qu’elle ne veut pas croire que Jo a préféré faire tout ce chemin plutôt que d’interroger Google, au moins dans une certaine mesure. Elle sait que ça existe, elle sait que Charlie voit évidemment ce dont elle parle. Et si elle est là, c’est parce qu’il est question de passer à une étape suivante, non ? « Il faut des preuves. Et c’est pas moi qui peux gérer ça, mais je peux au moins aider pour monter un dossier. » Elle ne sera pas la personne qui pourra juger de la légitimité de son dossier, ça non, mais elle peut au moins être celle qui s’assurera de son poids. « Tu dois être sûre de toi. C’est pas une petite procédure. » A quel point est-ce qu’elle est dans la merde, au juste ?

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C’était mignon au point qu’elle-même avait envie de se gifler parfois "Je sais." Une ponctuation qui n’était que ça, qui ne deviendrait pas une excuse pour entamer le sujet Midas, lequel elle pourrait explorer toute la Sainte journée si l’occasion lui était donnée, mais qu’elle évitait toujours de soulever avec Charlie pour des raisons aussi évidentes qu’elle était relativement de bonne humeur, et qu’elle n’avait pas envie que ça change, qu’importait si elle tachait de faire la part des choses et concluait, toute adulte qu’elle devenait enfin, alléluia, de faire la part des choses. Elle n’était pas là pour ça, elle n’était même pas là pour tourner en dérision les responsabilités de Charlie.

Bien au contraire. C’était parce qu’elle avait conscience de la mission qui était la sienne qu’elle était venue précisément la voir elle, et personne d’autre. Elle aurait pu s’en remettre à l’Internet, elle aurait pu s’en remettre à l’avocat qui travaillait pour elle désormais, et qui aurait été le plus à même de la renseigner sur ce qui lui trottait dans la tête, mais elle n’aurait pas eu la franchise et le réconfort en prime. Elle avait discuté de son père avec Midas, ça lui avait fait réaliser qu’elle se mettait assurément en danger, ce qu’elle avait déjà suffisamment à l’esprit pour que ça fasse perpétuellement monter son angoisse à l’idée de l’avoir à la tête de sa sécurité, mais elle mettait aussi son entourage en danger, et c’était ça qui la torturait plus que tout finalement. Pas uniquement parce qu’il avait la main lourde une fois les portes fermées, et les verrous poussés, mais aussi, et surtout en l’occurence, parce qu'il avait la fâcheuse manie d’avoir les oreilles qui traînent, et la vengeance aussi lourde que le reste. Elle ne voulait plus de ça, de cette menace constante qu’elle repoussait en prétendant que ce n’était que de l’esbroufe, quand elle savait très bien de quoi il était capable en réalité. Elle avait fait une erreur en autorisant ses parents à l’approcher de nouveau, et le regret se mêlant à la peur, elle savait qu’elle devait faire quelque chose pour réparer, que c’était une tache qui lui incombait : pas à Midas qui était trop doux pour faire entendre à un homme de la trempe de son père qu’il avait fait assez de mal comme ça. Mais bien à elle, et elle seule. Il fallait qu’elle trouve quoi faire, n’importe quoi, il fallait seulement que ce soit plus concret que de le virer de sa sécurité, ou de lui interdire de foutre à nouveau les pieds chez sa grand-mère.

Charlie se montra alerte à la seconde où elle termina sa question, et elle sut qu’elle avait bien fait de s’en remettre à elle. Jo pensa à lui mentir évidement, mais elle était têtue, pas idiote : si elle voulait obtenir son aide, elle devrait un minimum être transparente, et ça avait beau la terrifier dans le fond, elle n’avait pas trente-six solutions non plus. Elle hésita bien sûr, affrontant ses yeux sans les lâcher d’un cils. Et puis enfin, elle baissa sa garde, se rasseyant devant son bureau en rabattant les côtés de son manteau en cuir sur sa poitrine et en détournant un instant dérisoire ses yeux des siens pour lui répondre "Mon père — t’as dit que tu poserais pas de questions." Elle ne l’avait pas dit non, mais elle voulait lui rappeler que c’était dans leur contrat tacite qu’elle avait été la seule à décider, en bonne petite despote qu’elle était. La tête s’étant relevée comme un suricate ayant flairé la menace, elle la fixa de nouveau avec résolution, et prit sens de ce qu’elle lui disait pour lui demander en retour, les sourcils froncés "Quand tu dis preuves, c’est quel genre ?" Des traces de coups, des menaces enregistrées ? Elle doutait que des souvenirs suffisent au dossier que Charlie lui proposait de l’aider à monter, mais elle voulait en être sûre. Et avec ça, le tangible de ce que ça déclencherait si elle se lançait dans une démarche pareille lui fit peur au point que, dans un rire nerveux, ses deux mains se levant devant elle pour contenir le professionnalisme de Charlie, elle lui dit brusquement "Ho, doucement. Je suis encore sûre de rien, je me renseigne juste sur mes possibilités." Chaque fois qu’elle était à ça de prendre une décision au sujet de son père, elle reculait par crainte que ça ne fasse qu’empirer la situation. Elle donnait le change là, souriant de moitié en prétendant que ça l’amusait de voir Charlie autant impliquée, mais sa manière de faire un bond en arrière, ce n’était induit que par une seule chose : la peur, et rien d’autre. Elle continua, croisant ses doigts les uns avec les autres après les avoir baissés, sa tête rentrant dans ses épaules en même temps "Ça veut pas dire que je vais lancer la machine, ou même que je compte le faire à un moment donné. Je veux juste que tu m’expliques précisément comment ça fonctionne, tu crois que tu peux faire ça pour moi ?" Rien que ça. Au moins.

"Mon père — t’as dit que tu poserais pas de questions."
« C’était pas une question. »

Elle préfère rappeler qu’elle n’a pas posé de question plutôt que de dire qu’elle n’a rien promis, parce qu’il y a au moins une des deux solutions qui lui donne l’impression d’être capable de gérer la discussion comme elle l’entend. Elle répond autre chose pour ne pas rebondir sur le fait qu’elle tente d’obtenir une injonction d’éloignement de la part de son propre père, ce qui n’est pas si rare que ça dans son milieu professionnel mais qui l’est bien plus quand il s’agit de ses amies. L’amie voudrait la rassurer, l’inspectrice réfléchit pour lui donner les réponses les plus utiles et brèves que possibles pour ne pas se perdre en blabla inutile. "Quand tu dis preuves, c’est quel genre ?" Charlie hausse les épaules, désolée de la réponse qu’elle s’apprête à apporter. « N’importe quoi de tangible. » Ce genre de dossier n’est pas facile à défendre et elle pourra avoir besoin de tout ce qu’elle a à disposition. La demande est paradoxale, parce que l’amie en elle espère que Jo n’a finalement pas beaucoup de preuves à apporter au dossier et qu’il s’agit d’une dispute ayant débordée, ou quelque chose du genre - alors qu’elle est bien placée pour savoir qu’aucune dispute ayant débordée ne peut mener à un tel projet devant la loi.

Jo canalise les pensées d’une Charlie qui s’imaginait déjà monter un dossier en béton à l’instant même. "Ho, doucement. Je suis encore sûre de rien, je me renseigne juste sur mes possibilités." La blonde ne répond rien. Pour une fois, elle prend le temps de la réflexion. Elle analyse la situation, elle observe les réactions d’une amie qu’elle ne connaît finalement pas tant que ça. Elle fait de son mieux, après avoir longtemps choisi plus ou moins délibérément de prendre les pires décisions possibles au sujet de leur amitié. « Je peux pas vraiment faire ça, non. » Lui expliquer le processus dans toutes ses nuances et subtilités. Elle peut aider à un certain niveau, elle peut apporter toutes les connaissances qu’elle a en sa poche, mais elles connaissent rapidement leurs limites. « Mais je peux t’aider à remplir un dossier. On est pas obligées de le faire suivre où que ce soit. » Même si Charlie pense qu’elle devrait, parce que si elle en est au point où elle interroge son amie pour savoir comment tout se passerait au cas où, c’est qu’elle y a déjà bien trop réfléchi pour sa propre santé. « Et quand je dis dossier… je veux dire que ça doit commencer par une plainte. Dans laquelle tu dis que la personne te met en danger d’une façon ou d’une autre. » Elle ne dit pas père, parce qu’elle préfère encore se contenter du pseudo anonymat de la situation et d’une Jo se contentant d’obtenir le plus d’informations possibles. Juste comme ça, juste au cas où elle voudrait vraiment aller au bout des choses. Beaucoup de si. « D’autres personnes peuvent témoigner. » C’est une affirmation autant qu’une question, finalement. D’autres sont bien mieux au courant de la situation que Charlie ? Parce que cette fois-ci, ça pourrait véritablement aider Jo.

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N’importe quoi de tangible. C’était une réponse à laquelle Jo s’attendait. Elle était moins déçue qu’elle n’était ennuyée puisque pour l’heure, elle n’avait rien de tangible. Son père l’avait bousculée physiquement il y avait quelques semaines de ça, il insinuait beaucoup de choses en se mettant sur sa route en se cachant derrière le rôle qu’elle lui avait attribué, mais autrement, c’était un homme malin. Même s’il avait les paumes des mains qui le démangeaient sans aucun doute, si elles finissaient pas retomber sur Jo, il ferait en sorte que ça ne se voit pas, et c’était bien pour ça qu’elle était ennuyée. Un hmm lui échappa donc, traduction de ce que lui inspirait cette réponse sur laquelle elle ne s’arrêta pas si longtemps que ça finalement, ses yeux trouvant à distance ceux de Charlie qui lui annonça ne pas pouvoir lui expliquer exactement le processus dans lequel elle aspirait se lancer au cas-où, donc "Tu peux pas parce que c’est pas ton boulot ? Un avocat pourrait le faire mieux que toi ?" Ce n’était pas un jugement de valeur, une façon de lui dire qu’elle était une incapable, ou rien de ce genre. D’ordinaire ça aurait pu l’être, cherchant toujours à garder le contrôle de la situation pour en faire un non-événement, mais là, elle avait simplement besoin de comprendre les tenants et les aboutissants de tout ça, et ça passait par poser des questions un peu stupides. Si elle s’était déplacée jusqu’ici, c’était qu’elle se sentait capable de le supporter dans une certaine mesure, même si ça mettait à mal sa foutue fierté.

"J’ai pas envie de t’impliquer dans tout ça." lui avoua-t-elle après avoir laissé un temps de latence s’installer suite aux paroles de Charlie. Elle se rassit convenablement sur sa chaise, pinça brièvement les lèvres en papillonnant des paupières pour faire le point sur ce qu’elle pensait à ce moment-là. Elle le partagea avec elle dans la foulée "Je m’en remets à toi parce que dans mon entourage, t’es celle qui en sait plus sur le sujet, et que je te fais confiance." Malgré tout "Mais dans l’absolu, je veux pas que t’en fasses une affaire personnelle." Elle aurait peut-être dû y penser avant. Sauf que Jo et sa capacité à réagir sur le coup d’une impulsion était aussi connue que sa propension à attirer les regards en ne faisant que prendre sa respiration. Elle était venue sur un coup de tête, se sentant le courage de le faire ; si elle avait réfléchi à quoi que ce soit, elle n’aurait même pas passé les portes du commissariat. Elle le regretta d’ailleurs quand le mot plainte résonna dans la pièce "Putain." s’entendit-elle dire dans un rire soufflé par le nez, sa tête se baissant en même temps qu’elle ouvrait légèrement la bouche pour laisser à sa langue le loisir de balayer sa rangée de dents du haut avant qu’elle ne relève la tête pour faire à la jeune femme "Mais là aussi, il faut des trucs tangibles ? Si je débarque simplement en disant que je veux porter plainte contre quelqu’un, sans preuves, c’est ma parole contre la sienne." Et Isaiah Carter était éloquent, autant que savait l’être sa fille qui se mit en secouer doucement la tête en roulant tout aussi doucement des yeux en entendant la fin de la phrase de Charlie "Ouais, mais personne le fera." Personne qui tenait assez à elle dans sa famille, pas même sa mère. Elle pourrait la supplier de le faire, elle n’en ferait rien pour des raisons qui, Jo l’espérait en secret, la tenait éveillée la nuit tant ça lui paraissait insensé qu’une mère soit capable de se taire au sujet de choses de ce genre. A nouveau, elle pinça les lèvres, son regard se déportant de quelques centimètres sur le côté pour s’enfoncer une nouvelle fois dans ses pensées, et demander tout de go à Charlie "Si je porte plainte, avant que l’injonction soit mise en place, je serais protégée au moins ?"

"Tu peux pas parce que c’est pas ton boulot ? Un avocat pourrait le faire mieux que toi ?"
« Oui. »

Un avocat saurait bien mieux s’y prendre que Charlie, c’est un fait assez évident pour qu’elle ne cherche pas à tourner autour du pot un seul instant. C’est un sujet important qui met largement de côté son ego et son besoin d’être le centre de l’attention: cette fois-ci, elle se met en retrait selon les besoins de Jo. D’un ton moins abrupt, elle reprend néanmoins. « Mais je peux demander à certains de mes collègues, qui ont plus à faire à ce genre de choses que moi. » Elle se garde de donner directement leur contact à Josephine, parce qu’elle a conscience que ça donnerait l’impression qu’elle l’abandonne dans cette entreprise. "J’ai pas envie de t’impliquer dans tout ça." Elle marque la négation de ses mouvements de tête. « Je suis grande. » Elle peut décider pour elle mais, surtout, elle sait qu’elle a la possibilité de ne pas s’impliquer dans cette histoire si elle ne le veut pas. Jo est forte, elle pourrait le faire seule. Mais Charlie intervient en tant qu’amie qui s’avère être un minimum utile, et elle ne veut pas l’abandonner avant même d’avoir commencé. "Mais dans l’absolu, je veux pas que t’en fasses une affaire personnelle." Ce qu’elle trouve louable. Ce dont elle remercie Jo, de ne pas voir en elle une amie utile mais bel et bien une amie avant tout le reste. Elle n’en fera pas une affaire personnelle, elle le jure. Tout ce qu’elle veut, c’est faire son boulot - à un ou deux mensonges près.

Là aussi, en cas de plainte, il faut des trucs tangibles ? Bien malgré elle, Charlie lui confirme ses soupçons tout en tentant de lui faire comprendre que la parole d’une personne contre une seconde n’est pas un plan qui a quoi que ce soit d’ingénieux à mettre en place. Elle risquerait beaucoup, sans avoir tant de choses à y gagner pour autant. "Ouais, mais personne le fera." Ce qui a tout pour faire s’insurger Charlie, évidemment, mais elle joue de son stylo entre ses doigts pour se concentrer ailleurs et ne pas laisser son éternel besoin de justice prend le dessus sur le reste. "Si je porte plainte, avant que l’injonction soit mise en place, je serais protégée au moins ?" Son regard se plante dans celui de son amie et s’y attarde une seconde, puis une autre, et une dernière ensuite. « J’aurais aimé te dire que oui. » Et peut-être qu’officiellement, la loi la protégera ou Dieu sait quoi. Officieusement, rien n’est moins sur et elle ne peut pas lui promettre une réalité qui n’arrivera pas réellement. « Tu devrais te renseigner sur les sociétés de garde du corps. » Ou peu importe le nom pour les stars à la Michael Jackson qui ne peuvent pas faire deux pas sans être harcelés. C’est comme ça qu’elle voyait déjà Jo, mais c’est surtout comme ça qu’elle la voit maintenant qu’il est question de son père. « Je te tiens au courant si tu me tiens au courant ? » Elle n’en fait toujours pas une affaire personnelle, non. Elle se contente de rester informée, voilà tout.

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@Charlie Fawcett ☆ crédit/ssoveia

"Mais je vais devoir parler, raconter, je veux pas que la terre entière soit au courant de quoi que ce soit à ce sujet-là." Sans compter qu’étant donné son nouveau statut, il faudrait s’assurer que personne au sein de cette équipe ne soit du genre à vouloir arrondir ses fins de mois avec des scoops à balancer au premier rapace qui passe. Si Charlie mettait ses autres collègues sur le coup, elle devrait se montrer brutalement honnête. Rien de nouveau pour Jo qui l’était bien plus souvent qu’à son tour, mais pas dans ces circonstances, c’était évident. Ça la gênait déjà d’être là, d’avoir réagi sous le coup de ses pensées et de s’être pointée dans s’annoncer pour récolter des informations, l’éventualité qu’on astreigne une équipe à son cas, ça la mettait dans un état d’alerte qui fit tressauter l’une de ses jambes et détourner encore un peu le regard alors que Charlie lui répondait à propos de son envie qu’elle ne fasse pas de tout ça une affaire personnelle.  Elle était sérieuse ; elle l’avait choisi elle parce qu’elle lui faisait confiance malgré leurs passes difficiles, pas pour qu’elle se sente obligée de revêtir sa putain de cape et ses bottines truffées de gadgets pour sauver le monde. Jo reposa son regard sur elle, surement trop brutalement, et lui dit "Je plaisante pas. Midas est déjà prêt à bondir, je veux pas avoir à gérer plusieurs fauves à la fois." Elle ferait ce qu’elle voudrait de cette information, mais sa pensée à ce sujet était claire et limpide : elle n’avait pas besoin d’accumuler les menaces d’explosion. Elle voulait faire les choses dans les règles, même si les règles l’obligeaient à dévoiler des pans de sa vie. Elle l’avait plus ou moins promis à Midas, qu’elle ferait quelque chose, et putain que c’était bien sa veine d’être du genre à tenir ses promesses.

Elle regrettait d’être là, encore plus quand elle eut la confirmation qu’elle ne serait de toute façon pas vraiment protégée si elle entamait des actions contre son père, qu’importe laquelle. Elle eut un léger rire à nouveau, celui soufflé par les narines qui révèle plus de l’aigreur que de l’amusement, et secoua la tête en haussant les sourcils quand en soutenant le regard de Charlie, elle lui dit "Ouais. Là aussi, Midas m’a déjà servi le couplet sur la sécurité." Bien avant de savoir tout ce qu’il savait aujourd’hui d’ailleurs, comme quoi son instinct était bien entraîné. Il s’invitait deux fois dans la conversation quand d’ordinaire, elle taisait son nom par crainte de lire quelque chose dans le regard de Charlie qui l’aurait forcée à lui cracher à la gueule "Mais je pensais que la police, ça restait le must quand il s’agit d’être protégé. Je regarde vraiment trop la télé." À quoi s’attendait-elle ? Elle ne le savait même pas, mais une part d’elle était frustrée dans l’immédiat. Comme ce n’était pas un sentiment qu’elle savait très bien gérer, elle préférait encore se tirer que de devoir faire payer verbalement à Charlie tous les protocoles officiels et autres procédures auxquels elle était soumis en tant que représentante des forces de l’ordre. Se levant dans la foulée, elle garda son regard posé sur elle tout en replaçant les deux côtés de son manteau en cuir pour qu’il tombe parfaitement sur sa mini-robe et pinça les lèvres pour estomper son gloss tandis qu’elle ne faisait que hocher la tête à sa question "Bois ton café, il va être froid." C’est la seule réponse qu’elle lui accorda avant de tourner les talons et d’ajouter, mais une fois seulement qu’elle eut ouvert la porte de son bureau "J’ai pas besoin de te demander de garder tout ça pour toi, hm ?"

Elle comprend la situation de Jo. Elle n’a pas besoin de lui rappeler que le simple fait que son nom soit cité dans une affaire de police créera l’engouement au niveau international et que le sujet premier sera sans doute rapidement oublié au détriment de sa seule popularité. N’importe qui voudrait garder pour lui ce genre d’histoire, et n’importe qui en aurait sans nul doute eu la possibilité, mais Jo n’est plus une nobody depuis longtemps et c’est un point qu’aucune des deux ressent le besoin d’expliciter davantage. "Je plaisante pas. Midas est déjà prêt à bondir, je veux pas avoir à gérer plusieurs fauves à la fois." Ca tombe bien, parce qu’elle ne plaisante pas non plus et qu’elle n’avait pas besoin de sortir les grandes explications en citant Midas (pour la première fois depuis combien de temps, au juste ?) pour que Charlie accepte déjà de rester à sa place. Malgré toute l’amitié qu’elle lui porte et la hauteur parfois obsessionnelle de son besoin de justice, elle ne sera pas un fauve. « Tu vas pas gérer deux fauves. » Pour le premier, elle ne saurait s’avancer, mais pour le second elle peut au moins lui assurer qu’elle ne sera pas une source de stress supplémentaire pour Josephine. Elle en dit souvent des conneries, mais pas là.

"Ouais. Là aussi, Midas m’a déjà servi le couplet sur la sécurité." Elle doit se retenir de toutes ses forces pour ne pas faire une remarque face au fait que son prénom ne soit pas cité une fois mais bien deux au cours d’une même discussion. Ce n’était pas arrivé depuis quoi, 1903 ? A une ou deux années près. Ce dont elle est rassurée, au moins, c’est qu’elle n’aura pas besoin de se battre davantage sur ce point: Midas a déjà enfoncé des portes ouvertes, ce qui prouve bien qu’il est parfois utile au-delà de sa belle gueule. "Mais je pensais que la police, ça restait le must quand il s’agit d’être protégé. Je regarde vraiment trop la télé." Elle veut croire que l’entité chargée de protéger la population est en effet capable de le faire, et qui pourrait lui en tenir rigueur ? « Les entreprises privées ont souvent plus de moyens. Et moins de limites. » Quitte à ce que leurs pratiques soient plus ou moins légales, ce que Charlie ne veut pas savoir. Mais s’il faut aider Jo à choisir les bonnes personnes pour ce rôle, alors elle oubliera sans mal durant quelques minutes quel est son véritable métier quand elle n’est pas occupée à jouer à l’amie de - un rôle dans lequel elle commence à avoir particulièrement de l’expérience. « Jo Carter qui ? » Elle ne répondra pas aux questions de ses collègues curieux et, de toute évidence, elle laissera encore moins la possibilité au bruit de sa venue jusqu’ici se répandre. « Je suis au courant de rien, mais tiens moi au courant quand même. » Qu’elle n’ébruitera rien est un fait, mais ce n’est pas pour autant qu’elle veut avoir eu les prémices de cette histoire sans en connaître le dénouement. Cela lui tient à coeur, et pas simplement de par son travail: elle veut être tenue au courant au nom de leur amitié et du souci qu’elle se fait pour Jo.