| | | (#)Ven 12 Jan 2024 - 5:28 | |
| Deep breath Archie ❦ Carmine
Assis à l'arrière du taxi, Carmine fixait ses mains vides des habituels ouvrages qu'il appréciait lire durant ses déplacements. Cette fin d'après-midi là, le mannequin avait préféré venir seul, incapable d'affronter les iris de Donald dans le rétroviseur. Savait-il ? Se doutait-il de quelque chose ? Le regard que le chauffeur posait sur le mannequin - que la tristesse rendait plus silencieux qu'à l’accoutumée - n'était plus le même. C. n'avait pu se résoudre à devoir sauver la face tout au long d'un trajet initialement dédié à la répétition du discours qu'il s'apprêtait à tenir à Archie. Il était plus aisé pour sa Majesté de rester concentré sans sentir sur lui l'attention d'un homme capable de lire dans son attitude que quelque chose avait changé depuis l'ouragan, en décembre dernier. Dehors, le décor défilait inexorablement, le véhicule traversant Bayside à bon rythme, ses vitres battues par la pluie estivale. Les lèvres de l'Anglais bougeaient en silence, articulant des mots qu'il était seul à entendre à l'intérieur de sa tête. Le silence de l'habitacle était bercé du bruit des essuie-glaces. Derrière le volant, le pilote inconnu ne prêtait pas attention au passager. Carmine en était un parmis tant d'autres. Cela lui faisait du bien. Ce qui était paradoxale compte tenu du mal que lui faisaient l'indifférence et le silence radio de celui vers lequel il se rendait. Preuve s'il en fallait qu'en dépit des non-dits et des refus de voir la vérité en face, Kwanteen avait pris dans la vie de Sighbury une place toute particulière. Peu nombreuses étaient les personnes dont l'absence provoquait un sentiment de manque chez le Britannique. Indépendant, C. se satisfaisait de sa propre compagnie en bien des circonstances.
Définitivement pas dans celles-ci.
Sa voix lui manquait. Son sourire condescendant. Ses oreilles rougissantes dès qu'il était question de rapprochement physique. Ses attitudes de requin plus malin que les autres. Ses rires à gorge déployés et trop bruyants. Ses remarques désagréables. Même son odeur de tabac froid. Carmine portait les lunettes noires d'Archie tout en sachant que ce simple détail suffisait à renforcer sa dépendance affective. Depuis le 31, ces dernières le suivaient partout, tel un gilet pare-balle dont il refusait de se défaire. Elles ne le protégeaient toutefois pas de l'état dépressif dans lequel il s'enfonçait de jour en jour, perdant l'appétit et l'envie de sortir. Parfois, sa Majesté chaussait la monture en espérant voir à travers ses verres le monde avec les yeux de celui qui refusait de répondre à son message. En parfait gentleman, C. n'avait pas insisté. D'une part, parce que les attitudes poussives lui paraissaient aussi grossières que déplacées ; d'une autre, parce qu'il estimait nécessaire de donner le temps autant que le droit à Archie de revenir vers lui après le drame de la NBC. Mais Kwanteen gardait le silence et plus les jours passaient, moins l'Anglais parvenait à sortir l'homme d'affaires de ses pensées.
Tout avait commencé avec une respiration saccadée. Une semaine plus tôt, Carmine avait atterri à Brisbane en fin de matinée, était retourné chez lui, avait bénéficié du soutien de Greta puis choisi de sortir prendre l'air afin de se changer les idées après tant d'heures de vol. Il avait ainsi cru reconnecter avec Brisbane, retrouver un semblant de sécurité dans ces rues qu'il avait appris à connaître et à identifier comme étant celles de sa " maison ", sa nouvelle ville de résidence, sa safe place. Mais il était tombé, au détour de ses vagabondages, sur l'enseigne du Carlton, et s'était senti mal. Soudainement. Viscéralement. Au point d'avoir à s'asseoir sur un banc et à compter jusqu'à dix avant de recommencer. Une astuce apprise très jeune, afin de gérer ses angoisses, sa peur de la solitude, cette anxiété chronique que personne ne soupçonnait derrière l'image d'homme accompli auquel tout réussissait. Le début d'une semaine infernale, rythmée de hauts et de bas, de moments d'insouciance que le silence assourdissant de celui qui pourtant ne vivait qu'à quelques kilomètres de lui venait fracasser aléatoirement, au rythme des humeurs du mannequin chaque jour un peu plus mélancolique. Sighbury avait refusé de se rendre au parc aquatique en pareilles conditions. Prendre le risque de suffoquer dans ce lieu public, face à un Archie dont il était incapable de prédire la réaction, aurait été la pire des choses à faire.
Alors il roulait en direction de chez Kwanteen, après 7 jours d'agonie, prêt à beaucoup de choses pour que cela s'arrête, que ses poumons se remplissent à nouveau d'air ou ne se vident pour de bon. Quand il arriva face à la porte de l'actionnaire, C. attendit que le taxi eût quitté la propriété avant de frapper. À cette heure, il espérait trouver Archie chez lui, peut-être encore penché sur son ordinateur, mais a minima disposé à parler de vive voix, faute de le faire par écrit. À l'ombre de son parapluie contre lequel rebondissait l'averse qui lui mouillait les chaussures, Sa Majesté inspira profondément lorsque Bucky se mit à aboyer. Si le chien était là, le maître ne tarderait pas à montrer le bout de son nez. (outfit)
Dernière édition par Carmine Sighbury le Dim 14 Jan 2024 - 20:22, édité 1 fois |
| | | | (#)Sam 13 Jan 2024 - 2:53 | |
| Dossier 1 : la climatisation. Énormément de dégâts au niveau de la machinerie. Des panneaux électriques qui ont explosé. Le caoutchouc des fils qui a fondu, des risques conséquents d’incendie. Déjà deux personnes sont sur le cas parce qu’Archie l’a cédé, sans pour autant sortir son nez de la paperasse qui ne le concerne presque plus. À la fin des réparations, c’est de son portefeuille – de celui de Lola’s – que l’argent sera tiré pour payer les frais de matériaux et de main d’œuvre.
Dossier 2 : la sécurité des attractions. La majorité des glissoires principales n’ont pas subi de dommages létaux. Cependant, les joints de nombreuses des attractions sont à renforcer, voire à changer, pour répondre aux attentes du WorkCover NSW, qui colle aux fesses du parc depuis la tempête.
Dossier 3 : le toit arraché de l’édifice administratif. Les travaux sont en cours depuis la mi-décembre mais de nombreux problèmes ont été relevés par les inspecteurs, notamment au niveau de la plomberie. L’eau ne se rend plus à la moitié des salles. Là aussi, l’examen est en cours, et les experts font de leur mieux pour minimiser les coûts de réparation, mais Archie leur assure qu’il mettra l’argent qu’il faut et qu’il s’attend à ce que le travail soit impeccable. Il veut retrouver Lola’s Waterfall comme elle était à la fin de novembre.
Dossier 4 : il frappe à la porte à cet instant-même.
Relevant son nez de son ordinateur portable, Archis se fige comme s’il avait croisé le regard de Médusa. S’il n’émet pas un son, ce n’est pas le cas de Bucky qui se jette vers la porte avec l’intention de faire fuir ce vilain facteur qui lui fait peur. Mais ce n’est pas le facteur ; il est trop tard. Ça ne peut pas non plus être l’une de ses sœurs, Saddie a posté récemment une story dans la ville voisine et Madison… Madison ne se pointerait pas chez lui de cette manière. Elle l’appellerait avant ou, au minimum, elle l’avertirait au gré d’un message. « Bucky ! » Il n’a pas hurlé le nom. Il ne l’a même pas dit. Il l’a chuchoté, ses doigts crispés contre son clavier, plaçant en suspens une réponse à un courriel qui devra inévitablement tarder. Mais le chien se fiche bien de l’ordre de son maître. Têtu comme il est, il ne cesse d’intimider le battant de la porte en lui crachant dessus. Bien obligé de se lever, Archie lâche un soupir désemparé et va jeter un regard au retour de la caméra accrochée dans le coin supérieur droit de sa porte d’entrée.
Un veston vert forêt – même un peu plus clair. Pas de chance pour Carmine ; il tient son parapluie vers la gauche alors Archie peut voir le parfait contour de sa silhouette, de ses longues jambes de poupée à sa mèche distincte qui tient le coup de l’averse. Tétanisé, il se fige une nouvelle fois en fixant cette image que lui renvoie l’écran de qualité médiocre. Il ne peut pas le voir. Il n’a pas réfléchi. Il n’a pas pris le temps de méditer sur la problématique. Il l’a jeté à la poubelle dès le moment où le sourire carnivore de l’intervieweuse s’est étiré en un sourire victorieux. Penser à autre chose. C’est ce qu’il sait faire de mieux. Pas d'amour, pas de tristesse, pas de trahison. Son palpitant hurlant dans sa poitrine, il s’en mord l’index, se refusant de le poser sur le bouton qui lui permettrait d’entrer en contact avec le visiteur immobile devant sa porte. Il fait donc le mort.
Mais Carmine a fait le trajet. De Londres, de New-York, du monde entier, pour venir chez lui. Ainsi, il frappe une seconde fois. Bucky s’agite encore. Si Archie n’est pas prêt aujourd’hui, il ne le sera jamais. Dans une impulsion qu’il va puiser du fond de son ventre acide, il écrase le bouton de son index et annonce d’une voix ferme : « Il est trop tard pour parler affaires. » Parce qu’il n’est pas là pour aborder un autre sujet, pas vrai ? « J’allais me coucher. »
Coward.
@Carmine Sighbury |
| | | | (#)Dim 14 Jan 2024 - 4:53 | |
| Deep breath Archie ❦ Carmine
Les secondes s'écoulaient au rythme des aboiements de Bucky sans qu'aucun autre signe de vie se manifesta. Le rebond de la pluie contre la toile du parapluie rendait Carmine sourd à tout autre bruit que celui de l'eau ruisselante. Nerveux, l'Anglais ne pouvait se résoudre à abandonner alors que la présence de l'animal derrière la porte trahissait celle du maître. Il n'imaginait pas Archie laisser son fidèle compagnon seul, encore moins depuis qu'il l'avait perdu puis retrouvé avec soulagement. Aussi frappa-t-il à nouveau, se flagellant mentalement pour ce manque de politesse. Il prétendrait ne pas avoir été certain qu'on l'entendit la première fois, si d'aventure quelqu'un lui reprochait son insistance. Quelqu'un dont la voix finit par grésiller dans l'interphone.
Le ton lui glaça le sang. Cette voix n'avait plus rien à voir avec celle de leurs derniers appels. Où étaient les ronronnements ? L'affection ? Le plaisir de se savoir écouté par l'autre ? « Je ne suis pas venu parler affaires. » Carmine annonçait la couleur d'un ton tout aussi rigide que celui de son interlocuteur. Un ton qui le surprit lui-même tant il n'avait rien à voir avec la tourbe spongieuse des sentiments embourbés dans la jungle de ses côtes. Réalisant la fragilité de ce qui se trouvait au fond de ses tripes, les cordes vocales de sa Majesté prenaient l'initiative d'agir en remparts. Il n'était pas question qu'on vienne piétiner cet écosystème fragile, quand bien même le terreau de la culpabilité y encourageait la prolifération de fleurs du mal que même Baudelaire n'aurait pu cueillir.
C. avait froid malgré les températures estivales. L'humidité ambiante n'y était pour rien. Les frissons venaient de l'intérieur. « Ouvre-moi. » Archie l'obligerait-il à se confier au microphone ? Le mannequin tourna sur lui-même afin de faire face à la caméra qu'il fixa sans ciller après avoir retiré les lunettes. « S'il te plait, Kwanteen. » L'inflexion changeait. Plus fragile. Plus vulnérable. Pas encore tremblante, mais définitivement plus proche de celle de Roméo pendu au balcon de Juliette que des claquements de bec des corbeaux de mauvais augures. « Ouvre la porte. » Celle de la maison. Celle de la conversation. Celle de ses sentiments que Carmine venait raccommoder sans trop savoir s'il serait capable de soigner les maux de son amoureux quand les siens frôlaient la septicémie.
Dernière édition par Carmine Sighbury le Mar 16 Jan 2024 - 5:33, édité 1 fois |
| | | | (#)Mar 16 Jan 2024 - 5:17 | |
| « Je ne suis pas venu parler affaires. » Que la voix de Carmine grésille de l’autre côté de l’appareil. Cessant de fixer le retour d’image de la caméra comme s’il s’agissait d’une toile, Archie soupire longuement en venant poser son front brûlant contre le métal froid du cadre. Il s’agit d’un nouveau jeu de répliques, où chaque participant dissimule ses émotions derrière la brutalité d’un énoncé impersonnel. L’idylle n’aura pas duré. Archie en veut au garçon, de ne pas avoir été prudent et de s’être affiché à des yeux radoteurs. S’il avait été à la place de ce musicien avec lequel Carmine avait passé la nuit, jamais ils ne se seraient fait prendre – qu’il croit naïvement. Désormais, il ne peut que broyer du noir et lui faire payer sa mégarde. Archie ne fait jamais dans la discrétion. C’est tout ou rien. Aveuglé par la peur de se retrouver dans la situation de celui qui frappe à sa porte, il refuse de faire la part des choses. Cet amour qu’il ressent pour lui s’est d’abord transformé en une flamme, et dès l’instant où il a éteint la télévision pour se préserver du reste de l’interview, il l’a soufflé comme une bougie d’anniversaire. En lui ne règne plus qu’un épais brouillard de fumée, statique et hermétique, où la passion et la colère se mélangent tant qu’il devient impossible de distinguer l’un de l’autre.
« Ouvre-moi. » Cette voix familière, qui lui chatouille le tympan, le ramène dans le moment présent. Il décolle son front du métal et se frotte les yeux. La fatigue, elle est de retour. Le parasite s’est fait parasiter. « S'il te plait, Kwanteen. » Son cœur traverse le nuage de fumée et s’écrase en silence dans le fond de sa poitrine. L’impact ne produit aucun son. Un pompon qui plonge dans un bassin de barbe-à-papa. C’est la voix vulnérable de Carmine qui a produit la réaction chimique. Se maudissant en avance, Archie tourne des talons, ayant songé à sa ridicule stratégie. Il refuse de faire face à la réalité qui veut entrer dans son cocon dont le caractère sécuritaire n'a d'égal que son artificialité. Il ne la regardera pas dans les yeux. Lorsque l’anglais lui implore une dernière fois d’ouvrir la porte, il a fait le chemin jusqu’au salon pour récupérer son ordinateur portable. Le tenant fermement, il s’en sert comme un bouclier quand il vient déverrouiller la porte d’entrée. Un clac sonore retentit au niveau de la serrure, faisant vibrer le matériau. Il n’ouvre pas le battant en entier : il libère à peine quelques centimètres, laissant à Carmine la responsabilité d’unir les deux hommes à nouveau. Quand ce dernier peut voir la silhouette entière d’Archie, il est déjà en train de marcher vers la cuisine, l’ordinateur suspendu à la hauteur de sa poitrine, ses yeux dévorant un texte invisible. Il prétend. Et il continue à prétendre en se servant un verre de gin tandis que, à peine quelques mètres de lui, sa majesté se débarrasse de son armure trempée. « Mon alarme sonne à six heures demain matin. » Il annonce avec le ton d’un président qui sait ce qu’il dit. « J’ai beaucoup de sommeil à rattraper, ce n’est vraiment pas le moment. Et toute cette pluie, en plus. Quelle idée. » Le châtiment du small talk. Toujours sans le regarder, il plonge ses lèvres dans la boisson alcoolisée en faisant défiler une page internet ouvert au hasard. Inutile de proposer un thé à son invité : il ne veut pas qu’il reste. Il préfère le brouillard et l’incompréhension plutôt que de faire face à ses sentiments et à ce que tout ce chaos signifie.
@Carmine Sighbury je me détruis peu à peu, miette par miette |
| | | | (#)Mer 17 Jan 2024 - 3:56 | |
| Deep breath Archie ❦ Carmine
Clac ! Carmine contint un sursaut. Ses muscles, contractés aussi bien par le froid que d'appréhension, étaient durs sous le touché velouté de sa veste couleur espoir. Archie ne lui fit même pas cadeau d'un regard. À peine si Sa Majesté, peu habitué à ce qu'on n'ouvre pas pour lui les battants, eut le temps d'apercevoir l'actionnaire avant que ce dernier ne s'éloigne. Il replia son parapluie, ravalant un soupir indigné. Ce n'était pas le moment d'être impoli, encore moins de montrer de quelconques signes d'exaspération. Aussi l'Anglais poussa-t-il lui-même la porte afin de pénétrer le hall. Bucky semblait en proie à un choix cornélien : faire la fête au visiteur ou suivre son maître dans la cuisine ? C. n'en voulu pas à l'animal de choisir Archie. Il retira sa veste humide qu'il suspendit au porte-manteau puis frotta ses bras nus que les manches de sa petite chemise d'été ne couvraient plus suffisamment à son goût. Pourquoi avait-il choisi cette tenue, au juste ? Afin de paraître moins formel que dans ses costumes sur mesure ; moins " Sighbury " que dans la marque affublé de laquelle il aurait juré avoir entendu le cœur d'Archie se briser, de l'autre côté de l'écran, tandis que les caméras les immortalisaient, AJ et lui, cloués sur la croix.
« Mon alarme sonne à six heures demain matin. » C. rejoignit l'homme d'affaires, marquant un temps d'arrêt dans l'encadrement de la porte afin de le détailler. La dernière fois qu'ils s'étaient vus, Kwanteen dépérissait d'angoisse tandis que Lola's attendait la tempête. Ce soir, il y avait quelque chose d'à la fois semblable, mais aussi de foncièrement différent, dans l'attitude de l'Australien. Quelque chose que Carmine percevait sans être capable de le définir clairement. Rien de bon, en tout cas. Une énergie sombre et poisseuse, détail inquiétant à ses yeux. « J’ai beaucoup de sommeil à rattraper, ce n’est vraiment pas le moment. Et toute cette pluie, en plus. Quelle idée. » Le gin intéressait davantage Archie que Carmine. Ce dernier laissa le silence s'épaissir. Il savait que rien de ce que lisait Kwanteen ne pouvait réellement monopoliser son attention en cet instant et voulait obliger le fuyard à constater son attitude, à prendre conscience que l'alcool n'avait aucun goût, que sa poitrine ne respirait pas à plein poumon. C'était visible, clair et limpide pour sa Majesté dont la pluie était le dernier des soucis. « Regarde-moi. » Demanda-t-il. Ce qu'Archie ne fit pas, évidemment.
Être puni par le silence était une chose que Carmine pouvait comprendre. Son père le faisait régulièrement. Mais ne pas vouloir poser les yeux sur sa personne était le plus terrible des châtiments. Cela niait l'existence du mannequin, enfonçant de facto une lame empoisonnée dans ses complexes égocentrés, son besoin d'attention, sa vie à travers le regard d'autrui. Fébriles, ses jambes le portèrent en direction du requin. Sa raison savait pertinemment qu'il était en train de tendre le bras pour se le faire mordre, mais son cœur suffoqué ne pouvait se résoudre à ne pas tenter l'approche. Quand il fut aux côtés de l'actionnaire, le Britannique se hissa sur le plan de travail en souvenir de cette soirée durant laquelle Archie ne savait plus le quitter des yeux. « Regarde-moi. » Sa main rabattit calmement le clapet de l'ordinateur portable posé face à Kwanteen.
Dernière édition par Carmine Sighbury le Mer 17 Jan 2024 - 5:35, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 17 Jan 2024 - 4:21 | |
| L’atmosphère s’est tendue. Une goutte de colorant alimentaire rouge a été versée dans l’aquarium et sa couleur Carmine contamine l’invisibilité de l’eau, celle qui était à l’imagine d’Archie et de ses yeux fuyants. Il voudrait disparaître pour ne jamais avoir à continuer cette conversation. Pas parce qu’il craint les conclusions qu’ils tireront, mais parce qu’il sait qu’il commettra une autre erreur et qu’il blessera l’anglais par sa façon de craindre sa mise à nue publique. Il a trahi Madison de la même façon et, si quiconque aurait appris une leçon de la première fois, Archie est incapable de penser aux conséquences avant d’agir en mal. Tout ce qui compte, c’est sa stabilité fragile, l’opinion de ceux qui l’ont élevé à leur image et, surtout, de rendre fier la famille. Il n’a pas droit à l’erreur. Cela fait vingt ans qui sacrifie son naturel pour faire plaisir ; il ne jettera pas toutes ces années à la poubelle.
Et Carmine ? Carmine souffrira. C’est inévitable. Comme la petite aiguille termine un tour de la Rolex en une minute, le mannequin perdra un morceau de lui s’il continue de creuser sa tombe avant l’heure. « Regarde-moi. » Bucky a senti la terreur chez son maître au visage stoïque. Il s’est assis sur ses pieds et fixe avec prudence cette silhouette qui se joint à eux et qui fait accélérer le rythme cardiaque d’Archie. Par peur. Par amour. Par accident. Ses pupilles dilatées refusent de céder à l’ordre et elles continuent à lire une phrase de texte qui ne veut absolument rien dire. Plus Carmine se rapproche et plus ses poils sont repoussés par son épiderme. Hirsute porc-épic qui menace de se cogner aux mollets. Il déglutit avec difficulté lorsque l’anglais retrouve sa place de choix sur le plan de travail de granite. Il se recule par automatisme lorsqu’il se fait confisquer l’écran de son ordinateur et il fait un tour sur lui-même pour fixer le muret de briques qui épouse la ligne du comptoir de la cuisine. Bucky s’agite et émet des couinements qu’Archie interrompt d’un claquement de la langue. L’animal, sensible au signal, va retrouver son panier sans demander son reste.
« Je crois que tu n’as pas compris, Carmine. » Le jeune homme murmure entre ses dents serrées et craquantes. Il doit puiser dans toutes ses forces pour récupérer un peu de sa voix. « Ce que tu désires te causera beaucoup plus de mal que tu ne le crois. » La bombe à retardement aura le mérite de prévenir ses futures victimes. « Je vais te blesser pour me protéger. Je ne peux pas faire autrement. Je n’ai pas le choix. » Et s’il reste dos à Sighbury, c’est aussi pour le préserver du spectacle des larmes salées qui ont commencé à lui rougir les yeux. « C’était une mauvaise idée. »
@Carmine Sighbury |
| | | | (#)Mer 17 Jan 2024 - 7:10 | |
| Deep breath Archie ❦ Carmine
L'estomac de Carmine se retourna en même temps que le dos d'Archie. L'Australien restait là, à quelques dizaines de centimètres du mannequin, sans même lui faire l'honneur de le regarder en face. Encore. Coup dur pour son altesse élevé au protocole, à l'étiquette et aux standards de bienséance aristocratique anglaise voulant qu'un gentleman ne se montra jamais aussi peu distingué. Kwanteen ne le considérait pas. Il ouvrait la porte à la conversation, mais le confrontait à un mur. Ne restait à Sighbury que l'option du monologue. C. déglutit péniblement, cherchant le courage de parler seul et de réciter sa prose tout en n'ayant d'autres choix que de s'en remettre au bon vouloir de son auditoire pour prêter l'oreille ... Le claquement de langue de l'actionnaire le déconcentra. L'Anglais perdit le fil de sa pensée, rata la mince fenêtre de tire dont il disposait tant et si bien que le drame le faucha avant même qu'il n'eut le temps de comprendre d'où venait la première balle : « Je crois que tu n’as pas compris, Carmine. »
Sighbury se figea. Le granite du comptoir et celui de sa personne ne faisaient plus qu'une seule et même entité compacte. Sous l'épaisseur glacée de cet épiderme irréchauffable, la pulsation cardiaque du Britannique perdait en régularité. Une fois sur deux, le palpitant hoquetait de terreur. C. entendait les tambours de sa panique faire trembler ses tympans, rendant difficiles à saisir les mots du requin : « Ce que tu désires te causera beaucoup plus de mal que tu ne le crois. Je vais te blesser pour me protéger. Je ne peux pas faire autrement. Je n’ai pas le choix. » Les jointures du mannequin blanchirent sur le rebord du plan de travail. La semelle de ses chaussures avait beau n'être qu'à une marche et demi du sol, sa Majesté souffrait tout à coup d'un vertige abyssal. Carmine s'accrochait à quelque chose pour cesser de se sentir tomber dans le vide.
Pas le choix. Les mots raisonnaient en écho dans sa boîte crânienne. Le cerveau de l'intellectuel, d'ordinaire si prompt à carburer à plein régime, s'était immobilisé comme le reste de son corps. Toute la complexité de sa pensée se résumait à trois mots d'un cynisme épouvantable. Pas le choix. Tout comme AJ n'avait pas eu le choix face à la journaliste de NBC. Tout comme Carmine n'avait pas eu le choix face aux décisions prises par la marque en réponse à cette interview désastreuse. Pas le choix. Un dénominateur commun plus grinçant qu'une porte de prison. Un déjà vu aux relents d'impuissance. L'excuse imparable, car valable pour les uns comme pour les autres. Aucun des protagonistes de cette histoire n'aurait pu blâmer ses camarades d'infortune de ne pas avoir le choix. Pour des raisons différentes, certes, mais ils portaient la même croix. « C’était une mauvaise idée. »
Le temps s'arrêta au cadran de la Rolex. Sighbury repensait aux loges VIP. Aux vestiaires. À la cravate verte. Aux courbatures. Au Gatorade. Au prisme. Au jasmin. Aux plans de Lola's. Aux scones. Aux croissants. Au miroir au plafond. Aux chapeaux de nouvel an. Il renifla sans vraiment s'en rendre compte, constatant amèrement que ce qu'Archie lui disait là, AJ le lui avait dit quelques jours auparavant. Les garçons étaient simplement bien moins courageux que les filles quand il s'agissait de se dire au revoir. Dos tourné, appel téléphonique raccroché sans crier gare ... Ces façons de faire le blessaient profondément. Un constat venant sournoisement appuyer les affirmations de Kwanteen concernant sa sensibilité. Il fallut une minute entière à l'Anglais pour encaisser la rupture. Encore une autre afin de faire le tri dans la jungle de ses émotions mélangées entre tristesse, colère et peur. Le monde qui l'entourait ressemblait de plus en plus à une cage dont les barreaux s'amusaient à onduler sous ses yeux. Un jour il pensait avoir sauver les meubles grâce à sa prise de parole lors de l'interview, au démenti de la marque. Le lendemain il voyait son meilleur ami se faire bâcher sur les réseaux sociaux. Un soir il venait recoller les morceaux avec l'élu de son coeur. Au petit matin, il devrait se réveiller meurtri, condamné à la solitude par les mêmes projecteurs l'ayant rendu si désirable, si convoité. Cadeau empoisonné que d'être le soleil dans la lumière duquel tout brûle, mais dont l'ombre ne protège de rien. Parce qu'il était qui il était, Sigbbury ne pouvait être personne d'autre. Quiconque le fréquentait se voyait exposé au rayonnement cancérigène de sa légende. Requin avisé ou pas, Archie n'échappait de toute évidence pas à la règle.
Carmine ressentait le besoin urgent de crier. De laisser s'exprimer la frustration de se sentir manipulé à ce point par des forces échappant à son contrôle. Il regarda à droite, à gauche, mais ne trouva rien qui puisse l'aider à gérer cette détresse. Spontanément, l'Anglais se jeta sur Kwanteen. Ses bras entourèrent son torse. Son front se posa contre l'arrière de son crâne. Il ferma les yeux aussi fort qu'il referma son étreinte autour de l'actionnaire. Sa poigne solide n'empêchait pas son être tout entier de trembler. Ce n'était pas un câlin, mais définitivement pas une agression non plus. C. intériorisait sa colère avec la force du désespoir. Accepter de sentir l'eau lui couler entre les doigts n'était pas chose aisée. Perdre celui qu'il aimait non plus. La voix cassée par la douleur, il murmura : « You're letting fear win. »
|
| | | | (#)Mar 23 Jan 2024 - 0:35 | |
| Il n’a pas les couilles. Archie ne les a jamais eues. Il s’est contenté de prétendre et ça fonctionnait. Et maintenant qu’il rencontre une impasse et qu’il ne peut plus déjouer son interlocuteur en lui adressant moult sourires charognards. S’il inflige à Carmine cette décision à peine songée, c’est pour se protéger lui-même, puisqu’il ne changera visiblement jamais. Il briserait mille promesses qu’il n’apprendra pas sa leçon. Il ne comprend pas que sa capacité à se battre seul n’est pas un privilège mais une entrave à ce qu’il pourrait devenir s’il se laissait accompagner. Il voit les amoureux et ça le fait grimacer ; bien sûr, il s’agit de jalousie, mais Archie ne sait pas distinguer les sentiments les uns des autres. Sa cervelle en compote n’héberge plus qu’un amas d’émotions variées tressées ensemble. S’il tire le cordon de la colère, il récupère aussi celui de l’envie et, s’il s’enroule d’amour, il réalise que son corps devient complètement bleu de tristesse – ou vert de peur.
Mais c’est ainsi pour tout le monde. Cette confusion fait de l’humanité ce qu’elle est. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui l’ont compris. Hélas. Archie réfléchit encore comme un enfant qui craint de se faire confisquer son jouet préféré. C’est tout naturel pour lui de se refermer maintenant que la peur se balance à la lumière, à l’inverse de l’amour qui, de l’autre côté du pendule, est plongé dans la noirceur. Il préfère couper le fil et s’échapper de l’emprise que les deux émotions conjointes détiennent sur lui. L’acte le terrorise déjà, et les excuses qu’il souffle à Carmine ne le convainc pas lui-même. Il s’entend s’égarer dans des propos qui ne font de sens que pour une personne qui n’a pas le courage de rayer son passé pour se laisser transporter par la délivrance que pourrait lui offrir un futur auprès d’un homme dont il est tombé amoureux.
Son père ne le permettrait pas. Sa mère non plus. Il leur doit pourtant absolument tout.
C’est d’un sursaut contenu qu’il reçoit l’étreinte inattendue de Carmine. Il n’a pas l’habitude des confrontations où l’un des bataillons s’arme d’amour. Il se retrouve muet et démuni, à tenir un couteau près d’un cœur qu’il pourrait saigner d’un petit coup. Tout comme son corps, ses mains enfoncés dans ses poches tremblent à l’image des plaques tectoniques. Il paraît que c’est comme ça que la Terre est devenue ce qu’elle est aujourd’hui. « You're letting fear win. » Immobile, Archie peine à soutenir les deux poids. Le sien et celui de son amant, dont les bras sont traversés d’électricité. Il se sent tanguer mais puise dans toutes ses forces pour ne pas retomber (en amour) avec lui. Fermant ses paupières gorgées de larmes douloureuses, il se flagelle mentalement. « This isn’t a rugby game. » Il n’a pas réalisé que ses mains sont venues s’enrouler autour des poignets de Carmine autant pour luter contre le contact que pour le toucher, ironiquement. « J’ai bien plus à perdre qu’une stupide partie. » Le retour du discours égoïste qui prendra toujours les rênes quand Archie a activé son mode survie. Madison en a payé les frais, Carmine y goûtera.
« We can’t be seen together. » Puis sa voix se décompose quand il ajoute à contre-cœur : « Pourquoi ? » Les larmes chaudes coulent sur ses joues comme des voitures qui se font la course. « Pourquoi tu les as laissés te voir ? You fuckin’ fool. You ruined it. You ruined everything. »
@Carmine Sighbury - Spoiler:
|
| | | | (#)Mar 23 Jan 2024 - 6:33 | |
| Deep breath Archie ❦ Carmine
« This isn’t a rugby game. » Le coup était si bas que Carmine le sentit s'insinuer en lui sans pouvoir rien y faire. Slalomant entre ses côtes tels des serpents, les mots le mordirent en plein cœur. Sa poitrine, jusqu'alors secouées de sanglots contenus, se figea, stupéfaite. Le venin se propageait à l'endroit où étaient nés les fameux picotements post-plaquage, le soir où tout avait commencé. Derrière ses paupières étroitement closes, l'Anglais revoyait la couleur orangée des nuages, le vert vif du gazon synthétique, le bleu chimique de leur boisson. Les propos d'Archie lui revinrent en mémoire. Des mots qu'il s'était répété encore et encore jusqu'à être capable d'initier les contacts dans ses courses folles vers la zone d'embu. " La peur d’avoir mal, peur de l’inconnu, peur de ce qui pourrait arriver, mais qui, au fond, a très peu de chances d’arriver. " « J’ai bien plus à perdre qu’une stupide partie. »
Les doigts de l'actionnaire autour de ses poignets lui brûlaient la peau. Sighbury refusait de lâcher prise. Il avait l'intime conviction qu'une fois libéré, Archie disparaitrait. Peut-être pas physiquement, mais mentalement. Spirituellement. L'homme qu'il aimait, celui dont il était tombé amoureux, était en train de se dissoudre dans des stratégies de repli autodestructrices. « Please, stop. » Supplia-t-il contre ses cheveux humides des perles salées désormais trop nombreuses pour être contenues. « We can’t be seen together. » C. inspira fébrilement. Comme le reste, ses poumons tremblaient, pauvres papillons aux ailes chiffonnées de douleur. Carmine savait. Il savait et il voulait croire que des alternatives étaient encore possibles, que des cachettes étaient encore trouvables, que des mensonges pourraient encore convaincre. Mais il suffisait de voir la force avec laquelle le Britannique s'accrochait au requin pour comprendre qu'aucune de leurs comédies ne tromperait personne. Qu'il y aurait forcément une main, un regard ou un mot pour les trahir. Que l'éloignement de décembre était venu renforcer leurs sentiments. Difficile de cacher ce qui se voit comme le nez au milieu de la figure ...
Jamais sa Majesté ne s'était senti aussi déchiré. Ses dizaines d'années de déceptions en tout genre ne l'avaient pas préparé à ce genre de perte. Peut-être parce qu'en dépit du comportement égoïste de Kwanteen, le premier fautif, à ses yeux, restait indiscutablement lui-même. Et Archie, cruel, ne manqua pas de le lui rappeler : « Pourquoi ? Pourquoi tu les as laissés te voir ? You fuckin’ fool. You ruined it. You ruined everything. » Carmine vacilla. Sa poigne autour du torse de l'actionnaire perdit en intensité tandis qu'il sentait ses genoux se dérober. Des jours qu'il se détestait d'avoir été si confiant, de ne pas avoir averti AJ de se méfier en allant rendre la clé de sa suite à la réception. Des nuits entières passées à se sentir coupable pour le déluge d'insultes qu'avait à affronter son ami. Et maintenant la confirmation, de la bouche de celui qu'il n'aurait plus l'occasion d'embrasser, que son erreur avait gâché bien plus qu'une amitié lui tenant à cœur.
Un bruit mat signala l'impact des rotules de l'Anglais contre le carrelage. Carmine embrassait désormais les cuisses de son hôte. « I'm so sorry. » Marmonna-t-il à l'agonie, vaincu. Un éclair de poils blancs vint alors lui renifler le visage. Bucky. Sighbury laissa le chien lui décoiffer la mèche, bénissant presque l'animal de lui donner matière à reconnecter avec le réel ; de réaliser à quel point la position dans laquelle il se tenait n'avait rien d'acceptable. Péniblement, et tandis que le maître lui tournait toujours le dos, C. se redressa. Des frissons parcouraient son corps, confondant sanglots et grelotements. Cette cuisine dans laquelle il s'était senti confortable et bien accueilli lors de sa première venue lui paraissait à présent inhospitalière. Impersonnelle. Archiesque. Le mannequin se recula, sonné. « Bonne nuit. » Dit-il avant de tourner les talons, d'attraper sa veste et de se précipiter dehors. Le vent autant que la pluie lui fouettèrent le visage. Il avait oublié son parapluie. Tant pis, l'Anglais ne put se résoudre à faire marche arrière. Son corps en état de choc n'obéissait plus qu'au besoin de rentrer chez lui et de s'écrouler dans les bras de Greta. Carmine savait qu'elle ferait semblant de le croire, qu'importe le mensonge visant à justifier cette crise de larmes. Là, tout de suite, sa Majesté avait purement et simplement besoin d'amour pour survivre à sa peine.
|
| | | | (#)Ven 26 Jan 2024 - 3:59 | |
| « Please, stop. » Non, il ne peut pas arrêter. Ce qu’Archie entreprend, Archie termine. Un devoir. Un projet. Un empire. Une erreur. Les dés ont été jetés et le résultat est affiché sur les murs qui entourent les deux hommes. Un s’effondre – l’autre fait semblant d’être assez fort pour ne pas s’effondrer. Son dernier ancrage au sol, c’est son impossibilité à se briser quand des yeux sont rivés vers lui. Archie ne se brise pas, il est le pare-chocs de la voiture la mieux équipée, et ce qu’il écrase ne l’écrasera jamais. Les larmes le trahissent certes, mais il les confie à l’extérieur du couple, dans un angle auquel Carmine n’a pas accès. Le corps de ce dernier s’écroule derrière lui lorsque les insultes sont affublées avec toute l’ijustice dont le requin peut faire preuve quand vient le temps de lever sa garde. Il connait l’endroit exact où planter la lame pour que la coupure soit fatale. En plein dans le cœur de l’anglais, dans ses failles, dans sa culpabilité, dans la faute qu’il a faite en laissant les caméras lui dérober son intimité. « I'm so sorry. » Les mains d’Archie s’accrochent au rebord du plan de travail. Le poids changeant de son amant l’a presque fait tanguer. Il s’accroche les griffes comme si sa vie en dépendait sans réaliser qu’il mène une bataille du mauvais camp. Endoctriné par des valeurs qu’il croit appuyer. Il se refuse d’émettre le moindre son. Sa gorge est crispée, l’air ne passe plus, il va tomber dans les pommes si le moment s’éternise. Il veut claquer des doigts et faire disparaître cette histoire aussi excitante que courte, oublier afin de s’épargner de la souffrance avec laquelle il cheminera dans le dédale des enfers dans les semaines à venir. Mais c’est trop tard pour revenir en arrière. Les souvenirs ont été créés, photographiés dans sa mémoire. Aucun alcool ne les effacera, pas même celle à friction qu’on utilise pour décaper le nom de quelqu’un sur une pièce d’équipement qui n’est plus le sien.
C’est Bucky qui lui rappelle de respirer. Encore une fois, ce cabot aux poils longs l’aura sauvé. Gémissant dans le plus douloureux des silences, il n’émet pas la moindre opposition lorsque Carmine moue son corps jusqu’à la sortie. Pour seule réponse à ses derniers mots, il se crispe de plus belle, s’en blesse les ongles sur la surface en granite du plan de travail. Il entend ses molaires craquer sous le poids de la honte alors que défile derrière lui une dernière scène dont il ne sera pas spectateur, jusqu’à ce que le son de la pluie léchant les vitres vienne annoncer la couleur du nouveau chapitre.
Solitude.
Il s’effondre, enfin. Il va vomir. Ou mourir. Ses poumons se sentent à l’étroit dans cette cage – thoracique. Le crie qu’il lance est celui d’un noyé qui coule jusque dans les profondeurs les plus sombres de l’océan, où il disparaîtra de la vue et sera oublié. Le tragique destin du roi qui a laissé tomber sa couronne par-dessus bord. En cet instant, Archie mord à pleine dents dans le fruit qui a poussé de la graine plantée des années auparavant. Et à qui appartenait la pelle qui a fait le travail ?
À son père ?
À lui ?
Ce sont les mêmes personnes, après tout.
@Carmine Sighbury la mort la mort la mort la mort la mort |
| | | | | | | |
| |