(shailer park media center) Il s’est raisonné toute la journée. Il s’est préparé, il s’est répété mentalement ce qu’il ferait et ne ferait pas: il veut juste parler un peu à Ruben, voilà tout. Il ne veut pas balayer d’un revers de la main toutes ces semaines et mois passés à prendre sur lui pour ne pas entrer davantage que de raison en contact avec le chirurgien - fait qu’il a étonnamment plutôt bien réussi, à sa propre surprise. Et s’il a ressenti le besoin d’envoyer un message à lui et à lui seul au sujet de la mort de Norman, ce n’est que parce qu’il a toujours été un soutien avant tout le reste. Un ami. Il est son ami, et les amis se soutiennent quand ils en ont besoin, ce qui est ce dont Ambrose a terriblement besoin puisqu’il a l’impression qu’il va devenir fou à arpenter les allées de la médiathèque sans même savoir ce qu’il recherche. Les archives de la ville, peut-être. Pour quoi faire ? Il ne le sait plus. Il avait une bonne excuse et une bonne raison en venant ici, mais son esprit est parasité par tous les souvenirs de Norman. Ces souvenirs qui ne pourront plus jamais être étayés, parce qu’il ne reviendra pas non plus. Il a perdu sa mère, il a perdu son père d’adoption, et bientôt il perdra aussi son père. Il ne reste que lui.

Et quand Ruben le rejoint enfin, quand sa silhouette dénote soudainement de tous les autres environnantes, Ambrose en oublie soudainement toutes ses bonnes résolutions. Il referme le livre dont il n’a rien retenu, pas même le titre, et relève son regard en direction du brun. Il retrouve ses traits qu’il a aimé, et qu’il continue d’aimer, et il retrouve le clair d’un regard qu’il a passé autant de temps à haïr. Ses lèvres se pincent, son propre regard faiblit et vacille alors que ses paupières se battent pour qu’il ne se retrouve pas déjà à pleurer. Dans le silence de mort de l’endroit, il s‘en veut même de renifler et d’attirer l’attention d’une façon aussi pathétique, loin de la grandeur à laquelle il aspire. Norman aurait détesté Ruben. Il l’aurait détesté autant qu’il l’aurait adoré, pour son audace et pour son talent. Il lui aurait sans doute rappelé James, ou même Ambrose. Il aurait même pu dire qu’ils se sont bien trouvés. Si jamais Ambrose le lui avait présenté une fois, une seule fois, alors Ruben aurait pu comprendre quel homme fantastique son oncle était, au-delà du styliste de talent que le monde a toujours reconnu. Si.

Il ne sait même pas comment ses jambes arrivent encore à le porter mais ce n’est pas pour autant qu’il cherche à rejoindre une table pour s’y asseoir. Au lieu de ça, son corps cherche le contact de celui de Ruben et ses bras passent autour de son torse pour le serrer près de lui. Et cette fois-ci, alors qu’il attrape un pan de son t-shirt et serre le tissu dans son poing fermé avec force, il ne cherche plus à retenir ses larmes. « Il est mort. » Et Ambrose n’a même pas pu passer les derniers mois de sa vie à ses côtés parce qu’il a préféré l’appartement sans chaleur d’une femme qu’il est supposé qualifier de sienne un jour.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
Ils n’étaient pas en assez bons termes pour qu’Ambrose lui envoie un message de la sorte sortie de nulle part, en réalité - c’était là la réalité des choses. La dernière fois que leurs chemins s’étaient croisés, Ruben ne lui avait pas annoncé de bonnes nouvelles et il n’avait pas voulu en discuter avec lui; que ce soit pour les détails plus techniques ou médicaux, ou même pour soulager la peine que son coeur portait sans que cel ne soit surprenant. Il avait préféré fuir, l’éviter, tout ce qui était dans le vocabulaire qui lui permettait de ne pas l’avoir dans ses pattes. Ben aurait préféré que les choses se soldent différemment, autant pour le diagnostic malheureusement funeste qu’il avait annoncé pour le père de Rose que pour leur entente, mais il se pliait à la volonté du brun: il n’était pas en position de force. Alors, il patientait, sagement pour une fois. Il attendait qu’il le recontacte lorsque les choses se seraient apaisées et que son coeur serait apte à lui faire une fois supplémentaire; ce n’était pas encore ce moment là. Il le savait autant par le sentiment d’urgence qui émanait des messages qu’il lui envoyait que pour le connaitre assez pour savoir qu’il n’était pas encore passer outre les aveux de Ben quand à ses activités parallèles, si elles pouvaient être nommées de la sorte.

Il ne savait pas s’il était déjà venu à la médiathèque, mais il avait eu l’habitude de côtoyer toutes sortes de bibliothèques dans sa vie - la façon dont ces dernières étaient agencées ne différaient pas réellement de l’une à l’autre. Alors, suivant son instinct il se mit en quête de trouver l’endroit où devait l'attendre Ambrose - apparemment il ne pourrait pas le manquer -, peut-être avec une pointe d’appréhension piquant dans son coeur. S’il lui avait demandé de venir, s’il avait quémandé sa présence, c’était que quelque-chose de grave s’était passé. Ruben n’avait pas demandé de précisions, parce-qu’il ne pouvait pas se permettre d’apprendre quelque-chose de grave par messages alors qu’il était en poste si cela concernait Rose directement - il ne saurait garder contenance si cela arrivait. Il lui avait simplement indiqué arriver aussi rapidement que possible, dans la limite de ce que son travail lui permettait. Mais à voir le regard que lui lança le brun alors qu’il arrivait dans son champ de vision, il sut à cet instant même ce qu’il se passait et qu’il n’aurait jamais pu arriver assez vite dans tous les cas.

Comme si la scène se déroulait au ralenti, il vit Ambrose venir jusque lui là où il avait pourtant évité d’approcher de trop de son aura ces dernières semaines, déterminé à ne s’arrêter que lorsqu’ils seraient entrés en contact. Sans un mot, sans y réfléchir pas même à une fois, Ruben ouvrit les bras pour l’accueillir entre ces derniers lorsqu’il arriva à sa hauteur, refermant avec fermeté sa prise autour de ses épaules. Il sentit les muscles du corps de Rose se relâcher avant même d’entendre les larmes couler, resserrant son étreinte avec douceur et fermant les yeux. « Il est mort. » Il n’aurait même pas eu besoin de le prononcer: il avait compris dès l’instant où son regard avait croisé le sien. Parce-qu’au fond de ce dernier, Ruben avait vu un reflet qu’il ne voyait que trop bien de temps à autres dans son regard à lui dans le miroir - et ce n’était pour une fois pas là un exemple à suivre, lui qui se vantait de l’être la plupart du temps. « Je suis désolé Rose. » Qu’il finit par murmurer à son oreille après quelques secondes de silence, l’une de ses mains se mettant à frotter son dos, l’autre faisant en sorte de le retenir assez fort contre lui pour ne pas qu’il perde pied - littéralement. « Ca va aller, ça va aller. » Ca n’allait pas aller, mais il savait aussi que des paroles rassurantes et réconfortantes était à peu près la seule chose qui pouvait lui être apportée en ce moment-même; après tout, ce n’était pas pour lui qu’ils s’étaient vus la dernière fois mais c’était comme s’il venait de perdre son père tant Norman représentait sa figure paternelle depuis tant d’années. « Je suis là, je te lâche pas. Ca va aller. Je suis là. » Comme il avait été là pour lui à d’autres reprises, comme il aurait préféré l’être à d’autres manquées désormais. Ruben ne comptait pas se soustraire à la situation pour aucune raison, et tant que Rose aurait besoin de s’accrocher à lui comme on s’accroche à une bouée de sauvetage, qu’importe le monde autour d’eux il ne bougerait pas de là.

« Je suis désolé Rose. » Et il le croit. Pour la première fois depuis de longues semaines, il ne remet pas une seule seconde en question les paroles de Ruben. Il y a beaucoup de choses qu’il lui reproche encore, mais il sait qu’il tient malgré tout à lui et qu’il n’aurait jamais pu lui souhaiter un tel malheur, et surtout pas celui de Norman. Ruben a toujours entendu du bien de son oncle et surtout père d’adoption. « Ca va aller, ça va aller. » Ca ne va pas aller, mais c’est un mensonge qu’il lui laisse le droit de proférer: c’est ce que tout le monde dit dans ce genre de situation et puisque cela ne l’empêche pas de continuer à se blottir entre ses bras, alors ainsi soit-il. « Je suis là, je te lâche pas. Ca va aller. Je suis là. » - « C’est pas toi que je voulais appeler. » Il a toute sa famille, il a un large choix. Il a Flora, il a August. Il a toujours Malone, malgré tout. Il a James, évidemment. Il a tous ses amis. Il a une putain de liste de personnes à qui il aurait pu se confier, et peut-être même que Cassie est dessus. Mais là encore, il n’a pas voulu en parler à aucun d’eux. Il n’a pas accepté l’idée d’imposer son malheur mais surtout d’accepter sa vulnérabilité face à aucun d’eux. Sa fratrie a autre chose à gérer, de toute façon. Ils sont tristes, eux aussi, et il refuse d’être celui remuant le couteau dans la plaie. « Mais c’est de toi dont j’avais besoin. » Pas parce que Ruben trouvera particulièrement quoi lui dire, mais bien parce que ce sont ses bras qu’il voulait retrouver. Il jure que ça ne change rien à tout le reste, il le jure très fort, mais pour le moment son quotidien doit être réorganisé pour qu’il trouve le moyen de gérer cette nouvelle situation.

Il souffle brièvement pour tenter de reprendre le contrôle de ses émotions et toute son énergie lui sert à simplement poser son front contre son omoplate. Ses yeux restent fermés, il avance pas à pas. « Ils savent pas encore pour notre père. » Et finalement, Ambrose n’a même pas eu le temps d’en parler à Norman comme il l’avait espéré. Depuis tout ce temps, Ruben reste encore le seul au courant de son dernier diagnostic. « Ils peuvent pas l’apprendre maintenant. » Il continue de vouloir les protéger, même si son âge autant que sa position dans la fratrie ont toujours fait de lui l’oisillon tombé du nid. « Je sais plus quoi faire. » Et il n’arrive pas à penser correctement alors que son corps tout entier tente de passer les étapes du deuil, son cœur loin derrière en étant éternellement à la première étape. Il a fui le regard de sa famille pour se réfugier dans les bras de Ruben, sans pour autant savoir si ce choix a quoi que ce soit d’une bonne idée.

Son regard finissant par croiser un membre du personnel, il concède sans mal qu’ils seront bien plus à leur place à continuer cette discussion sur la terrasse de la médiathèque, raison pour laquelle sa main s’enroule autour du poignet de Ruben pour l’emmener vers l’extérieur. Il en profite pour chasser les larmes sous ses yeux, ces dernières revenant presque aussi vite. « Il a eu un accident pendant la tempête. » Il se laisse glisser le long du mur jusqu’à toucher sol, ses genoux remontant naturellement pour protéger son torse. Ses coudes se posent sur ses cuisses, ses pouces glissent contre ses tempes pour l’aider à se calmer. « C’est pas juste. Il était pas supposé mourir. » Et si Ambrose conçoit que perdre ses parents reste dans l’ordre des choses, cela n’aurait pas dû être le cas de Norman. Pas à son âge, pas alors qu’il lui restait encore tant de choses à accomplir.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
« C’est pas toi que je voulais appeler. » Même s’il s’en était fortement douté, tant ce geste semblait sorti de nulle part, ce n’était pas pour autant qu’entendre Rose le dire à haute voix ne lui faisait pas mal au coeur. Bien sur qu’il aurait préféré que cela soit une véritable volonté profonde de sa part, que d’être parmi les premières personnes à qui il pensait lorsqu’il avait besoin d’aide; mais pouvait-il se permettre de dire le contraire de son côté ? C’était cette nuance là qui était surement importante dans l’histoire. L’affirmation faisait mal à entendre mais ce ne fut pas une raison pour Ruben de lâcher prise et de ne pas tenir autant fort que doucement Ambrose contre lui - surtout avec la phrase qu’il lui adressa finalement à la suite. « Mais c’est de toi dont j’avais besoin. » Il n’avait jamais, à aucun moment, blesser Rose - il l’avait répété mille et une fois et il le pensait réellement. En cet instant cependant, il regrettait profondément de l’avoir fait. « Et je suis là. » Il répétait peut-être en boucle les mêmes choses mais il n’y avait pas de bon discours de toutes manières en cet instant; au moins, il pouvait se permettre de répéter des choses qui pourraient être rassurantes et qui étaient vraies qui plus était. Il ne l’avait pas toujours été, il ne le serait peut-être pas assez par la suite. Mais en cet instant, alors qu’il avouait avoir besoin de lui pour s’effondrer - car c’était exactement ce qui était en train de se passer -, Ruben n’irait nulle part ailleurs qu’aux côtés de Rose. « Je m’en vais pas. » Et peut-être qu’il resserra un brin son étreinte autour de lui à la suite de ses mots.

« Ils savent pas encore pour notre père. » La raison de leur dernier entrevue. Ruben tentait de raccrocher les wagons pour suivre le chemin de pensées du jeune homme. « Ils peuvent pas l’apprendre maintenant. » - « Ils ont pas besoin de l’apprendre maintenant. » C’était quelque-chose qui lui avait déjà été affirmé par le docteur le jour où il était passé ausculter le père d’Ambrose: rien ne pressait. L’homme était resté des années dans cet état végétatif, il pouvait l’être encore quelques temps, les choses ne changeraient pas de toutes façons. Le temps avait déjà fait son pire effet. « Je sais plus quoi faire. » Et l’entendre démuni de la sorte brisait le coeur de Ruben. « Respire un coup déjà, t’as pas besoin de prendre la moindre décision maintenant. Ni aujourd’hui. » Parce-qu’il n’y avait rien qui pressait si ce n’était qu’il prenne le temps d’intégrer les nouvelles qui lui avaient été communiquées aujourd’hui.

Et dans l’idée d’être réellement présent pour lui, Ruben serait resté dans cette position là pendant des heures s’il en avait eu besoin - si cela n’avait pas été pour Rose qui se délogeait de ses bras à la vue d’un quelque-chose dont il n’avait pas été témoin, si cela n’avait pas été par la suite par ce dernier attrapant son poignet également pour l’emmener dans son sillage. Dans d’autres circonstances, il en aurait profité pour laisser glisser sa main et ses doigts à la suite entre les siens; il se retint d’agir de la sorte présentement parce-que cela ne serait pas bien placé que de le faire, même si ça n’aurait été que pour mieux se montrer présent à ses côtés. Rapidement, ils furent sur la terrasse de la médiathèque.

Ambrose ne reprit la parole que lorsqu’ils furent à l’extérieur, alors qu’il se laissait glisser le long du mur à leurs côtés; heureusement qu’il avait déjà lâché le poignet de Ben à ce moment là, comme ça il ne put sentir les muscles du corps de ce dernier se tendre à l’entente de ses paroles. « Il a eu un accident pendant la tempête. » Serrant les mâchoires par réflexe aussi, il ferma les yeux un instant - mais se força à se ressaisir rapidement, parce-que ce n’était pas le moment ou l’endroit pour se laisser aller à certains de ses souvenirs personnels. Ambrose avait besoin de lui, de sa présence et de son soutien et c’était là dessus et sur rien d’autre qu’il se devait de se concentrer. « C’est pas juste. Il était pas supposé mourir. » Hésitant un instant et un seul, Ruben finit par s’accroupir puis s’agenouiller devant Ambrose - ce n’était pas là une attitude qu’il aurait adopté d’ordinaire, mais aux grands mots les grands moyens. Relevant ses mains dans sa direction, il releva d’abord son visage en glissant son index sous son menton pour enfin apposer ses deux mains de part et d’autre de son minois. Ses pouces glissaient sur les joues du brun pour essayer les larmes qui mouillaient son épiderme et qui lui brisaient le coeur au passage. « C’est pas juste non. » La vie n’était pas juste. « Il était trop jeune pour mourir. » Ruben ne connaissait pas l’âge de Norman mais il pouvait aisément le deviner; il pouvait aussi sans soucis comprendre qu’il n’était pas dans une phase de sa vie où la mort était l’étape suivante à accomplir.

Il inspira longuement. « Mais c’est ce qui fait la définition d'un accident: c’est pas supposé arriver et ça arrive toujours quand on s’y attend le moins. » Il était malheureusement on ne pouvait mieux placé pour en parler. « Est-ce que tu en sais plus sur ce qu’il s’est passé ? » Ses yeux s’accrochaient tour à tour à ceux de Rose, à droite et à gauche. « Est-ce que tu veux parler de ce que tu ressens en ce moment ? » Qu’il prononça d’une voix bien plus calme, bien plus douce; il offrait toutes les possibilités existantes et bien plus encore au jeune homme s’il en avait besoin. « Est-ce que tu préfères que je me taise et qu’on reste là en silence ? »

S’il y avait une seule autre personne en ce monde qui aurait pu remplacer Ruben en cet instant, et qui n’était pas James, alors c’est celle-ci qu’Ambrose aurait préféré appeler. Mais puisque seul le chirurgien le tient dans ses bras, cela signifie que cette personne n’existe pas et malgré tout ce qu’il a pu dire et penser de lui, n’en reste pas moins qu’il s’en remet à sa personne dans les moments de vulnérabilité ultime. Jamais il ne s’était préparé à l’idée que Norman les quitte. Pas pour le moment, pas déjà. « Et je suis là. » Mais Ruben est là, et à défaut que cela puisse arranger quoi que ce soit, il représente au moins un roc contre lequel Ambrose accepte de se reposer un instant. Bientôt, il relèvera la tête et fera comme si rien ne s’était passé ; pour le moment, il digère encore que plus rien ne sera jamais pareil dans sa vie. « Je m’en vais pas. » Et les larmes reprennent de plus belle, de soulagement tant que de chagrin. Il ne veut plus que Ruben s’en aille, même s’il lui fait parfois bien plus de mal que de bien.

Puisqu’il peut se permettre de se reposer sur Ruben, ce sont maintenant un nombre infini de pensées différentes qui lui traversent l’esprit. Il pense aux conséquences, il pense aux retombées, il pense à toute sa famille. Et encore, il pense à son père qui, dans son état, ne se rend même pas compte que le monde vient de s’effondrer. « Ils ont pas besoin de l’apprendre maintenant. » - « Il faut qu’ils sachent. » Ils ont besoin de discuter tous ensemble pour savoir quelle décision prendre, parce que même Ambrose ne saurait décider seul. Pas cette fois, du moins, et pas alors que cela concerne un père qu’il n’a jamais réellement connu. Tous les autres membres de la fratrie sont mieux placés que lui pour agir en son nom. « Respire un coup déjà, t’as pas besoin de prendre la moindre décision maintenant. Ni aujourd’hui. » Et même s’il obtempère aussitôt et prend une large inspiration, n’en reste pas moins qu’il sait que le temps ne joue pas dans le même camp que lui. Plus il attend et plus la question du tu le sais depuis quand ? se montrera terriblement douloureuse à son égard. Tout en prenant (déjà) une nouvelle inspiration, et après avoir croisé le regard d’un employé de la médiathèque, Ambrose juste préférable de continuer cette discussion à l’extérieur et ne pas risquer que leurs murmures attirent davantage l’attention. La main posée autour de son poignet l’emmène un peu plus loin, un peu plus au calme.

Adossé contre le mur, il se laisse aller à de nouvelles pensées, lesquelles prennent rapidement la forme de mots qu’il ne censure pas face à Ruben. Il lui a déjà raconté bien trop de choses pour qu’une censure d’une quelconque sorte puisse encore être nécessaire. Il le laisse prendre place face à lui, et il le laisse chasser ses larmes sans même chercher un seul instant à le repousser, ou à lui rappeler qu’il le pensait sincèrement quand il lui a annoncé ne plus jamais vouloir croiser son chemin à nouveau. De tels mots ne prenaient pas en compte la mort de Norman. « C’est pas juste non. » Rien n’est juste, et tout en enfermant sa lèvre inférieure entre ses dents, Ambrose ramène doucement ses deux mains autour des poignets de Ruben. Il ne veut pas qu’il retire ses mains. « Il était trop jeune pour mourir. » Tout ce qu’il pense, Ambrose, c’est que Norman était trop talentueux pour mourir. Il avait encore des idées pour une vie entière. Rien ni personne n’aurait dû le faucher. « Mais c’est ce qui fait la définition d'un accident: c’est pas supposé arriver et ça arrive toujours quand on s’y attend le moins. » Sans animosité, il reprend. « Je sais ce qu’est un accident. » Il n’est pas un enfant à qui on doit apprendre la différence entre vie et mort. Il ne s’agit pas de ça, il ne s’agit pas de lui dire que Norman est mieux là où il est. Ce n’est pas le cas. Il était à sa place auprès de sa famille, et entre les tissus et croquis. Nulle part ailleurs.

« Est-ce que tu en sais plus sur ce qu’il s’est passé ? »
« J’ai pas voulu écouter. »

Sans doute qu’il aurait eu tous les détails s’il avait bien voulu écouter James, mais ce n’est pas une discussion qu’il était déjà prêt à entendre. Il sait que Norman a eu un accident, il sait qu’il a pris la route pendant la tempête, et il sait que s’ils n’ont pas su identifier son corps rapidement, c’est qu’il existe des détails qu’il n’est pas encore prêt à entendre. Un jour, oui, mais pour le moment il n’en a pas besoin. Ses forces, il les utilise pour oser regarder Ruben dans les yeux, et pour contrôler des larmes qu’il veut calmer, pour ne pas dire annihiler. « Est-ce que tu veux parler de ce que tu ressens en ce moment ? Est-ce que tu préfères que je me taise et qu’on reste là en silence ? » Comme s’il venait à peine de se rendre compte que seule la chaleur de la peau de Ruben réchauffe la paume de ses mains, les pouces d’Ambrose dessinent des symboles aléatoires sur son poignet. « Pourquoi tu rends tout si compliqué ? » Sa tête bascule légèrement, sa lèvre inférieure se retrousse d’une tristesse sincère. « T’es là, tu prends le temps, tu fais.... Ruben et après y’aura plus rien. » Il fera du Ruben autrement, d’une manière qu’Ambrose aime bien moins. Il a toujours eu cette double facette, oui, mais jamais le côté négatif ne l’avait emporté sur le positif dans son esprit. Tout est encore plus compliqué maintenant alors qu’il se montre à l’écoute et qu’il agit avec lui avec une douceur infinie, ce qu’Ambrose ne peut nier apprécier. Ses mains remontent jusqu’à celles de Ruben pour les éloigner doucement de son visage, lui qui préfère nouer ses doigts aux siens sans se poser davantage de questions. C’est comme s’il retrouvait la sensation du toucher grâce à lui. « On part en tournée dans deux jours. J’y penserai plus. » Du moins, il utilisera cette excuse pour expliquer qu’il n’a pas le temps de penser à son oncle alors qu’il doit performer sur scène et assurer le spectacle pour le groupe. Le dos de sa main lui sert à essuyer ses larmes. « Tu peux rester un peu ? » Il l’a proposé, et ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd mais Ambrose a besoin de s’assurer de la véracité de ses mots, même s’il pose déjà sa main libre à côté de lui pour que Ruben y trouve sa place. Il veut simplement le serrer contre lui le temps que son coeur se calme, le temps que tout fasse un peu moins mal aussi. « Je suis désolé pour ton frère. Les circonstances… je voulais pas te le rappeler comme ça. » De l’eau a coulé sous les ponts mais si Ambrose juge injuste de déjà avoir perdu son oncle, il ne sait même pas comment il pourrait gérer la mort d’un membre de sa fratrie. Alors, il s’excuse de ses mots crus, tout comme il s’excuse d’avoir fait parler son chagrin avant de réfléchir avec empathie à son égard.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
« Il faut qu’ils sachent. » - « Il faut qu’ils sachent, mais ça a pas besoin d’être aujourd’hui. Respire. » Parce-qu’effectivement, ses frères et soeur devaient avoir accès aux mêmes informations qu’il avait pu donner à Ambrose, mais ils avaient tous mieux à faire aujourd’hui que de se préoccuper du prochain membre de leur famille qui passerait l’arme à gauche - et Ruben ne laisserait pas le jeune homme s’encombrer de cette peine là aujourd’hui. Ce n’était pas le but, ce n’était pas ce qu’il avait envie de voir dans le fond de ses yeux: sa peine était déjà assez grande comme ça.

Dehors, l’air n’était pas frais mais cela faisait peut-être davantage de bien d’être à celui libre qu’à l’intérieur de la médiathèque là où les regards commençaient à se faire insistant à leur égard. Dans d’autres circonstances, Ben n’aurait jamais laissé le comportement et les gestes qu’ils avaient là en ce moment être à la vue du tout public, mais certaines situations appelaient à des exception et il n’était pas question qu’il agisse différemment que ce quoi son instinct lui dictait en cet instant. « Je sais ce qu’est un accident. » Alors, les mains d’Ambrose tenant fermement ses poignets pour ne pas qu’il s’éloigne, Ben continuait d’essuyer les larmes qui coulaient sur ses joues. « Je sais que tu sais. Mais l’entendre c’est pas pareil dans ce genre de situation. » C’est un accident Ben, t’aurais bien pu faire que lui avait répété Leon mille et une fois après la mort de son frère; il aurait peut-être pu faire quelque-chose avec des si et de la magie, et peut-être continuait-il de trop s'accrocher à cette idée là même encore aujourd’hui. Néanmoins, il savait que ce type de paroles pouvait avoir un effet positif sur la façon d’assimiler une nouvelle de cet ordre - alors, s’il le fallait, il le répèterait encore et encore à Ambrose jusqu’à temps que cela fasse son effet. « J’ai pas voulu écouter. » Doucement, il hocha la tête. Il entendait ce type de réponse - il ne comprenait pas, puisque lui fonçait dans le tas et faisant en sorte d’obtenir le plus d’informations possibles à situation équivalente, mais il pouvait imaginer pourquoi Ambrose n’avait pas demandé plus d’informations.

Les yeux dans les yeux désormais, Ruben dut faire un énorme effort pour ne pas flancher lorsqu’il reprit la parole. « Pourquoi tu rends tout si compliqué ? » Rose ne le verrait surement pas - pas dans l’état dans lequel il était, pas avec les larmes qui barraient son regard -, mais un éclat brilla dans les yeux de Ben. Et bien sur que c’était là d’une émotion saisissante que cet éclat résultat - de son coeur se contractant dans sa poitrine. Parce-que cela n’avait jamais été la façon dont il avait eu envie de voir les choses tourner. « T’es là, tu prends le temps, tu fais.... Ruben et après y’aura plus rien. » Tu fais Ruben: il ne s’était jamais autant senti complimenté et insulté en même temps, il lui semblait. Pinçant ses lèvres un instant, il soupira celui d’après. Il serait bien resté là à argumenter pendant des heures qu’il n’y aurait pas plus rien après, mais il avait parfaitement en tête les dernières discussions qu’ils avaient pu avoir ensemble et la façon dont ces dernières avaient tourné - et la façon dont Ambrose avait été clair face à sa présence à ses côtés. Ce n’était pas de cette sorte là qu’il avait envie que les choses se fassent et Ben se devait de respecter ça; ça lui faisait mal, mais il ne pouvait aller à l’encontre de ce que lui désirait. En revanche, il ne pouvait pas lui souligner que des deux, ce n’était pas lui qui mettait une distance entre eux, parce-qu’il était celui au bord du gouffre et qui cherchait où se raccrocher en cet instant. Autant que ses mains s’accrochaient à celles de Ruben, autant que ses doigts trouvaient refuge entre les siens. « Parce-que faire Ruben a été suffisant pour tout le monde jusque maintenant, et que j’ai pas appris à faire autrement. » Qu’il finit par souffler du bout des lèvres, sans pour autant détacher son regard du visage d’Ambrose. Et par faire Ruben, il y avait un sous-titre qu’il ne prononcerait pas à haute voix mais qui commençait par co- et terminait surement par -nnard - mais plutôt recevoir toutes les insultes de la bouche de Rose que de l’avouer seul et sans que les lignes lui aient été soufflées avant.

« On part en tournée dans deux jours. J’y penserai plus. » Faux: il y penserait tout autant, mais en devant garder la face tous les soirs devant des inconnus et dans les loges pour ne pas plomber l’ambiance au sein de son groupe. Il y penserait peut-être un peu moins de temps en temps, mais la peine serait toujours la même et reviendrait au galop lorsque la solitude le rattraperait. « J’espère pour toi. » Mais ils sauraient tous les deux qu’il mentait en cet instant.

« Tu peux rester un peu ? » Ruben hocha la tête. « Je peux rester un peu. » Il n’avait absolument aucune idée de ce que représentait en temps réel cette promesse, autant par rapport aux besoin de Rose que par rapport au temps qu’il avait réellement à disposition, mais pour le moment il faisait fi du monde extérieur; tant qu’il ne voyait pas son téléphone perdre feu tant les appels étaient nombreux pour le joindre, il se permettait pour une fois de mettre un pied dans un déni relatif - tout chez le jeune homme face à lui soulignait qu’il avait besoin de ce un peu pour reprendre contenance. « Je suis désolé pour ton frère. Les circonstances… je voulais pas te le rappeler comme ça. » Et si jusque maintenant il avait gardé ses yeux plantés sur son visage dans détourner une fois le regard, Ben ferma les yeux un instant - un seul, mais c’était tout de même notable. » T’excuses pas. » Il avait déjà de nouveau les yeux ouverts. « T’as pas à t’excuser, t’es pas responsable. » Effectivement, bien d’autres de choses étaient possibles d’être soulignées en terme de similitudes pour lui, mais il ne s’arrêterait pas là. Parce-qu’il avait l’habitude malheureusement que ce soit le cas, et si la mort de son frère était toujours une plaie béante et fraiche dans son coeur même aujourd’hui, ce n’était pas une excuse. « T’en fais pas pour moi, c’est de toi qu’il est question là. » Et peut-être qu’il resserra un peu davantage la prise de ses doigts autour de ceux de Rose. « Parle moi de la tournée plutôt. » C’était un sujet qui serait bien plus facile à aborder, à maitriser aussi. « Vous faites un tour d’Australie ? Cassie vient avec toi ? » Aurait-il une épaule sur laquelle se reposer pendant tout ce temps pour réussir à supporter cet avenir qui serait radicalement changé pour lui dès aujourd’hui ?

« Il faut qu’ils sachent, mais ça a pas besoin d’être aujourd’hui. Respire. » Et il respire. Il s’arrête une seconde et il prend une large inspiration, bien conscient de la valeur des conseils de Ruben. Il est une des rares personnes dont il arrive à écouter les conseils, qui plus est. Sa famille l’apprendra plus tard. Vue l’état de leur père, rien ne presse. Rien n’a pressé depuis des années en ce qui le concerne, surtout alors qu’Ambrose connaît son état depuis de longs mois. « Parce-que faire Ruben a été suffisant pour tout le monde jusque maintenant, et que j’ai pas appris à faire autrement. » Ambrose doute sincèrement du qualificatif de suffisant, mais il comprend au moins que Ruben ne sait pas faire autrement. Ce concept est bien plus facile à appréhender que le reste et l’idée qu’osciller entre tout et rien puisse être suffisant pour quiconque. Tous ceux qui oscillent autour de lui voudraient tout sans jamais avoir à jongler avec les rien, et il n’y a que Ruben pour ne pas comprendre un concept aussi simple que ça. « Personne aime partager, Ruben. » Ambrose souffle, désolé. Personne n’aime partager Ruben non plus, et il a besoin de l’entendre, parce que viendra un jour où ses priorités devront être revues. Ambrose a déjà statué qu’il ne sera pas dans la compétition d’aucune manière, mais quand même, le sujet continue de lui tenir à cœur.

Ambrose est égal à lui-même quand il tente de changer doucement de sujet, le tout en espérant qu’une simple tournée de musique puisse arriver à lui faire oublier que celui qui l’a élevé comme son fils ne verra plus jamais le soleil se lever. Qu’il ne l’a plus vu depuis plusieurs semaines déjà, en réalité. Il reste égal à lui-même quand il impose à Ruben de rester à ses côtés par pure empathie, par nécessité de sa part aussi alors qu’il n’a jamais pris le temps d’oublier son parfum au milieu du chaos de leur relation. « Je peux rester un peu. » Malgré l’inconfort impersonnel du sol sur lequel ils sont assis, c’est tout ce qu’il voulait entendre. Pour lui, il reste un peu plus. « T’excuses pas. T’as pas à t’excuser, t’es pas responsable. » Il n’est pas responsable, non, mais cela ne l’empêche pas de se sentir désolé pour la mort de son frère, survenue dans des circonstances similaires. A en juger par la réaction de Ruben, il n’a jamais totalement réussi à faire son deuil, et Ambrose pense qu’il en sera de même pour lui. « T’en fais pas pour moi, c’est de toi qu’il est question là. » - « L’un n’empêche pas l’autre. » Il n’a pas besoin d’être le seul oisillon tombé du nid, et ce n’est de toute façon pas dans ce genre de circonstances qu’il a à cœur d’obtenir l’attention de Ruben. Il veut qu’il soit fier de lui, pas qu’il le prenne en pitié.

« Parle moi de la tournée plutôt. » Tout en doutant que ce soit un sujet plus apaisant à aborder, Ambrose laisse sa tête reposer contre l’épaule de Ruben. Maintenant, les derniers soubresauts de ses épaules se sont calmés et seuls ses yeux rouges témoignent malgré eux de sa tristesse. « Vous faites un tour d’Australie ? Cassie vient avec toi ? » - « Je pense pas qu’elle vienne, non. On part dix jours à peine. » Cela ne sert à rien qu’elle prenne la peine de se déplacer sur une aussi courte période et, de toute façon, ce n’est pas Ambrose qui lui demanderait de faire l’effort tant il sait que la présence de Cassie à ses côtés n’aurait rien pour l’aider et bien au contraire. « C’est qu’une petite tournée. Avec Cameron qui a été en cure, je crois que le label a besoin de nous refaire confiance avant de voir plus loin. » Littéralement plus loin, avec une tournée mondiale qu’Ambrose doit pour le moment se contenter d’espérer, à défaut de la voir. Tout ça à cause de Cameron, voilà ce qu’il en dit. « Je suis désolé d’avoir coupé les ponts comme ça. » Il voudrait dire qu’il est désolé de tout ce qu’il lui a dit, aussi, mais ça serait un mensonge: certaines de ses choses étaient pensées. « Mais tu me fais mal au coeur, Ben. Même sans le vouloir. » Même en cet instant, alors qu’il est simplement un ami présent, il continue de lui faire mal au cœur. Ambrose ne saurait l’expliquer. C’est sûrement plus fort que lui. « Je veux être ton ami. Et être heureux pour toi. » Il renifle, réminiscence de sa tristesse pas le moins du monde éclipsée. Il ne veut pas prétendre à davantage, pas alors que ça lui procure une seconde de bonheur contre dix de malheur.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
Il savait que les explications n’étaient pas assez, et qu’elles ne représentaient surement pas ce qu’Ambrose désirait entendre - mais elles étaient là au plus proche de ce que Ruben était capable de donner, parce-qu’il n’avait pas d’autre façon de voir les choses de son point de vue. Il avait toujours agi de la sorte, pour lui c’était là sa façon normale et naturelle de se comporter, si bien qu’il avait du mal à se dire qu’elle n’était pas adaptée pour d’autres personnes. « Personne aime partager, Ruben. » Il souffla un rire sans amusement par le nez, faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre un instant, les pinçant vaguement celui d’après. « Je suis le premier à pas savoir le faire, c’est ça le pire. » Il n’aimait pas l’admettre, mais c’était pourtant on ne pouvait plus vrai: il était le premier dans toute situation à être jaloux comme un poux.

« L’un n’empêche pas l’autre. » - « Pour moi l’un empêche l’autre. » Qu’il ne perdit pas de temps à avouer du bout des lèvres. Comme pour bien d’autres sujets, là en était un qu’il n’appréciait pas aborder et qu’il préférait garder pour lui - mais les circonstances particulières faisaient qu’il était plus aisé pour lui de le faire en cet instant. Alors avec une voix plus faible et une conviction moins ancrée, il reprit la parole. « Je peux pas me concentrer sur toi et sur moi en même temps pour ce sujet là. » S’il voulait être présent pour le jeune homme, il ne pouvait se permettre de faire des parallèles avec sa propre expérience et son frère à lui qui avait quitté ce monde trop tôt selon ses goûts. Ruben n’avait jamais fait son deuil, de cette perte là - elle était encore bien trop ancrée dans la moindre fibre musculaire qui avait été sollicitée et pétrifiée par ce qu’il avait pu voir ce jour là -; si bien qu’aujourd’hui il en devenait presque incapable d’en parler réellement ou d’en faire des parallèles pour d’autres situations. Pas alors qu’il avait promis, là sur cette terrasse qui n’intéressait personne d’autre qu’eux apparemment, qu’il se montrait pleinement présent pour Rose. S’il voulait le faire, il ne pouvait se permettre de laisser Jackson prendre trop de place dans ses pensées. Cela aurait pu être une bonne chose, un élément qui aurait pu lui permettre d’être davantage empathique face à la peine qu’il pouvait ressentir, mais Ben savait pertinemment que s’il laissait ses émotions prendre trop de place il ne pourrait être efficace dans son soutien.

A la place, alors que l’occasion lui était donnée sur un plateau d’argent, il préférait prendre la tangente et changer de sujet; la tournée à laquelle Ambrose s’apprêtait à participer semblait être un terrain un peu moins pire pour tous les deux - au moins un minimum, c’était là toujours ça de pris. « Je pense pas qu’elle vienne, non. On part dix jours à peine. » Ambrose ne pouvait le voir, à avoir déposé sa tête contre l’épaule de Ben désormais, mais ce dernier haussa un sourcil un brin surpris. Certes, le fait qu’il décide de l’appeler lui plutôt que sa fiancée pour le conforter et le consoler pouvait être surprenant mais ils avaient une histoire, une ancienneté qui pouvait justifier ce premier réflexe. En revanche, s’il s’était trouvé à la place de Cassie et que Rose était parti en tournée une dizaine de jours seulement, il savait qu’il aurait pu faire en sorte de faire le déplacer si ce dernier avait émis le désir que ce soit le cas. Il était surement aussi biaisé par le fait qu’il appréciait particulièrement la musique et que ce serait là une super opportunité de s’enivrer de cette passion qui était également sienne pendant une poignée de jours. « Pas envie ? Pas le temps ? » S’ils faisaient bien ce que bon leur semblait, ce qui inquiétait Ruben c’était de savoir d’avance qu’Ambrose allait se retrouver seul pendant ce laps de temps; il n’eut pas le temps d’évoquer cette partie là des affaires que le jeune homme reprenait la parole. « C’est qu’une petite tournée. Avec Cameron qui a été en cure, je crois que le label a besoin de nous refaire confiance avant de voir plus loin. » Il avait suivi de loin à travers ses récits les déboires de l’un des membres du groupe - qu’il ne connaissait pas autrement qu’à travers ces histoires là d’ailleurs. « Pour repartir de plus belle plus tard dans l’année éventuellement ? Avec des nouvelles chansons à présenter ? » La créativité d’Ambrose serait-elle toujours là d’ici à ce qu’ils atteignent ce moment là, tant la tristesse et le deuil pouvaient être de puissant poisons pour l’esprit ?

« Je suis désolé d’avoir coupé les ponts comme ça. » C’était là un retournement de situation et un changement de sujet qu’il n’avait su anticiper. « Mais tu me fais mal au coeur, Ben. Même sans le vouloir. » - « Je sais. » L’aveu avait été soufflé dans un soupire, presque inaudible pour toute personne ne suivant pas la conversation de près; Ambrose l’aurait très bien entendu. Il avait compris que malheureusement, il lui faisait bien plus de mal qu’il arrivait à lui en faire du bien dans la configuration des choses qu’ils avaient mis en place. Ce n’était pas ce qu’il avait voulu, mais comme les pièces du puzzle étaient rentrées dans le tableau général de façon aisée ainsi, Ruben n’avait pas cherché à changer quoi que ce soit malgré tout et en étant tout à fait au fait de comment les choses finiraient malheureusement un jour. Il préférait savoir Ambrose non loin de lui que de devoir se séparer de sa présence une nouvelle fois - ce qui était paradoxal, puisqu’il était celui responsable de cela la première fois. « T’as pas à t’excuser. » Il inspira longuement. « Pas d’avoir coupé les ponts. Ca me plait pas, mais je sais pourquoi tu l’as fait et j’ai dit: j’irai pas au delà des limites que tu me demandes de respecter. » Ce n’était pas cette partie là de leur dernière véritable discussion qui le laissait dérangé. « Je digère pas par contre la comparaison que t’as utilisé. » Il y avait des reproches dans les mots utilisés mais non dans le ton emprunté, parce-que c’était simplement quelque-chose de factuel - Rose avait pu le deviner aisément, mais le dire avec bien plus de calme était surement une chose nécessaire pour leur discussion de façon plus générale.

« Je veux être ton ami. Et être heureux pour toi. » - « Même si je le suis avec quelqu’un qui n’est pas toi ? » Parce-que c’était là une part important de ce qu’il désirait, après tout: ils ne pouvaient être amis et heureux pour lui s’il n’acceptait pas l’idée qu’il ne l’avait pas choisi lui en fin de course. Le coeur d’Ambrose était bien plus fragile que le sien, avait bien plus de mal à supporter le manque d’amour que Ben pouvait éprouver à son égard - supporterait-il tout ça pour l’idée qu’ils puissent être amis, et rien qu’amis ? « Sans conditions particulières, je veux dire, elles regardent que moi ces dernières. » Disons qu’elles ne le regardaient plus lui à l’heure actuelle il avait été très clair sur cette partie là de l’histoire. « Est-ce que t’arriverais à être heureux pour moi en étant simplement mon ami ? » Lui saurait le faire de son côté; il prendrait un temps et un autre peut-être plus long que ce qu’il saurait jamais envisager pour mettre sa jalousie de côté, mais il se connaissait assez pour savoir que cela pouvait finir par être possible. S’il l’inverse était tout aussi vrai, alors Ben plongerait tête baissée dans cette nouvelle façon d’envisager les choses entre Ambrose et lui, parce-qu’au delà du reste il appréciait particulièrement sa place à ses côtés.

« Pour moi l’un empêche l’autre. Je peux pas me concentrer sur toi et sur moi en même temps pour ce sujet là. » Ils ne sont pas d’accord et ils ne le seront sans doute jamais, parce que Ruben refuse qu’on lui tende la main et parce qu’Ambrose voudrait l’aider quand il le peut, parfois. Qui plus est sur le sujet du deuil, parce qu’il est plutôt bien placé pour connaître le sentiment et qu’il n’a pas attendu le décès de Norman pour ça. Mais aujourd’hui, il n’a pas la force de se battre et il ne le fera pas, raison pour laquelle il laisse sa tête retomber contre l’épaule de Ruben. « Pas envie ? Pas le temps ? » - « Pas le temps. » Et elle n’en a sûrement pas envie non plus, il le sait bien, mais ce n’est pas le genre de chose qu’il peut partager. Pas même à Ruben. « Pour repartir de plus belle plus tard dans l’année éventuellement ? Avec des nouvelles chansons à présenter ? » La curiosité de Ruben est sincère et Ambrose sait que ce n’est pas une façon pour lui de changer la discussion et l’occuper autrement, mais il n’arrive pas à mettre son cœur dans ses réponses. « Peut-être. On verra. Je sais pas si je resterai avec eux. » L’objectif est de sortir un album et de faire une tournée mondiale, oui, évidemment. Mais Ambrose ne sait pas si le reste du groupe en est capable, et il ne sait même plus si c’est ce dont il a envie. Son quotidien est différent, son temps ne peut plus être partagé autant qu’il le voudrait entre son métier et sa passion. Et son métier a toujours primé sur le reste ; ce n’est pas pour changer de méthode aujourd’hui. « Smith m’a fait comprendre que je devrai faire un choix. » Et il lui a fait comprendre que le plus tôt serait le mieux, ce qu’Ambrose refuse encore d’entendre parce qu’il reste une personne particulièrement butée à son tour.

Parler d’eux n’est pas pour arranger les tourments de son coeur, et loin de là, mais c’est ce dont il a besoin pour avancer. Poser des mots sur les choses ; poser des mots qui ne sont pas des cris. « Je sais. » Ruben lui fait du mal et il le sait. Il l’a toujours su, et Ambrose aussi. Cela ne les a jamais arrêtés. « T’as pas à t’excuser. Pas d’avoir coupé les ponts. Ca me plait pas, mais je sais pourquoi tu l’as fait et j’ai dit: j’irai pas au delà des limites que tu me demandes de respecter. » Le problème c’est qu’Ambrose le premier sait à quel point il a lui-même du mal à respecter lesdites limites, parce qu’il n’a jamais réellement tourné la page à son sujet et que les raisons pour lesquelles il est un jour tombé amoureux de lui n’ont jamais cessé d’exister. Des contre-parties sont arrivées, un goût amer de retour à la réalité s’est aussi immiscé entre eux, mais il n’y a jamais rien eu qui soit assez puissant pour le faire oublier Ruben. Même aujourd’hui alors qu’il sait qu’il trompe sa femme avec d’autres personnes, il se contente de penser qu’il fait partie des élus, et que c’est déjà pas si mal. « Je digère pas par contre la comparaison que t’as utilisé. » A la réaction qu’il a eu sur l’instant, Ambrose n’en a jamais douté. « Je sais. » En absence de toutes excuses ou autres précisions, Ruben comprendra pourtant qu’Ambrose ne compte pas reprendre la comparaison. Il continue de le penser. Chacun à leur manière, ils l’ont brisé. Ils ne lui appliquera pas de la pommade uniquement parce qu’il nourrit pour lui des sentiments dont il n’a jamais été question pour Saül.

« Même si je le suis avec quelqu’un qui n’est pas toi ? »
« J’ai bien compris que ça serait le cas. »

Il savait déjà qu’il resterait avec Nina et bien qu’il ne se doutait pas qu’il existait d’autres amants, n’en reste pas moins qu’il se retrouve à accepter la situation sans rien dire de plus. S’il veut garder Ruben, il n’a de toute façon aucun autre choix pouvant s’offrir à lui. « Sans conditions particulières, je veux dire, elles regardent que moi ces dernières. » Raison pour laquelle Ambrose ne prend même pas la peine de lui poser la question. Plus que jamais, il ne veut pas connaître les conditions en question et il ne veut pas s’impliquer dans cet aspect là de sa vie. « Est-ce que t’arriverais à être heureux pour moi en étant simplement mon ami ? » Son coeur brûle douloureusement de savoir Ruben si proche de lui sans avoir le droit de l’embrasser, de l’enlacer, ou de lui dire ce qu’il ressent pour lui. Ambrose se donne le temps de la réflexion, il s’accorde une seconde, il se pince les lèvres tout en sachant pertinemment qu’il n’existe aucune bonne réponse dans leur situation. S’ils reprennent leur relation, tout ne sera que pire encore au moment où ils se sépareront encore. S’ils arrêtent maintenant, au moins, cela donne à Ambrose le temps de se reprendre en main sans pour autant tout perdre. Son tout se résumant désormais à Ruben. « Je ferai de mon mieux. » Il ne peut rien promettre, si ce n’est qu’il fera tous les efforts qu’il peut pour que ce soit le cas et pour qu’ils arrivent à trouver leur équilibre. « Mais arrête ton petit jeu avec Cassie. » Il sait qu’il n’a pas engagé la discussion avec elle par bienveillance lors de son concert et il ne veut plus avoir à se retrouver entre eux, ni même à mettre Cassie au coeur d’une histoire qui ne la regarde pas et dont elle se moquerait éperdument si elle la connaissait.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
« Pas le temps. » Cela résonnait pourtant comme pas l’envie à l’oreille de Ruben, mais il ne fit pas de commentaire - il se contenta d’un petit grognement autant d’accord que de désaccord, n’étant pas présent aux côtés d’Ambrose pour jeter de l’huile sur un feu qui se voulait endormi pour le moment. Il préférait s’intéresser à ce que la tournée représentait pour lui, à ce que l’avenir semblait lui offrir de ce côté là; il connaissait l’importance de la musique dans sa vie et savait à quel point il avait toujours aime se représenter sur une scène. « Peut-être. On verra. Je sais pas si je resterai avec eux. » Il ne le vit pas, mais Ben fronça quelque peu les sourcils à cette information là. « Comment ça se fait ? » Les idées et les envies variaient au sein d’un groupe, il n’était pas sans le savoir; mais Rose semblait plutôt heureux dans son groupe les peu de fois où il avait pu en avoir un aperçu. « Smith m’a fait comprendre que je devrai faire un choix. » - « Ah. » C’était donc là le noeud du problème. « C’en est rendu à ce moment là alors. » Parce-que même s’ils n’avaient jamais explicitement abordé le sujet ensemble, Ruben savait qu’un jour viendrait où le jeune homme se retrouverait à cet embranchement - il avait eu le même, mais pour lui la question n’en avait jamais vraiment été une puisqu’il n’était pas autant impliqué qu’Ambrose dans la musique et qu’il ne ferait rien qui pourrait ruiner sa carrière.

Leur relation n’aurait pas du exister - c’était ce que disait la normalité et la loi. Ce qui n’aurait surtout pas du avoir lieu, c’était de profiter l’un de l’autre ces derniers temps parce-qu’il n’y avait aucune indication à ce que ce soit le cas et Ben savait pertinemment que ce n’était pas lui qui en souffrirait - en souffrait déjà - dans cette configuration. Cela ne l’avait pas pour autant empêché de foncer tête baissée dans la situation et désormais, ils en étaient tous les deux à ramasser les pots cassés. Pas pour les mêmes raisons, mais le résultat était là tout de même. « Je sais. » Mais il ne comptait pas reprendre ses paroles et il ne pouvait lui en vouloir: il reprendrait de son côté le même comportement si la situation venait à se reproduire, avec les mêmes excuses et les mêmes façons de penser. Ils étaient condamnés présentement sur ce point là à se faire du mal, et à accepter que les choses soient fatalement faites de cette façon là sans que cela ne leur plaise véritablement à travers tout ça.

« J’ai bien compris que ça serait le cas. » - « Je préfère m’en assurer, Rose. Je t’ai déjà dit je veux pas te faire de mal. » Il lui en faisait, il le savait aussi pertinemment, mais ce n’était pas par gaité de coeur. Alors il préférait remettre des mots sur la situation pour expliciter les maux, afin que la suite de cette conversation se passe pour le mieux. Parce-que bien sur qu’il avait envie que Rose reste son ami, qu’il continue d’être à ses côtés malgré tout, et si c’était là une configuration que le brun avait envie de se voir être articulée désormais et que les conditions de cette dernière étaient explicites dès le début, il foncerait tête baissée sans y réfléchir par deux fois. « Je ferai de mon mieux. » Il avait pris le temps de la réflexion avant de répondre et c’était la raison pour laquelle Ruben hocha quelque peu la tête sans y réfléchir trop longtemps: il savait que ce n’était pas là une décision prise trop rapidement. Peut-être qu’elle n’était pas motivée par le meilleur des sentiments qu’Ambrose pouvait ressentir, mais elle n’était pas précipitée au moins.

« Mais arrête ton petit jeu avec Cassie. » A ces paroles là en revanche, un sourcil se haussa sur son visage et il eut un temps de silence forcé de son côté. Oh, il comprenait pourquoi il lui faisait cette remarque là et à quel événement cela faisait référence - mais Rose n’avait surement pas anticipé assez la suite de cette conversation pour lancer ce sujet là en particulier. Pinçant ses lèvres, il finit par soupirer avant de dégager lentement son épaule de sous la tête de Rose, pour se tourner face à lui. Il avait besoin de voir ses yeux, de lire dans son regard lorsqu’il prononcerait ses prochaines paroles. « D’accord. » Il accepterait d’arrêter son petit jeu avec Cassie si c’était là quelque-chose qui lui tenait à coeur, et il respecterait son engagement. Mais accepter quelque-chose avec cette rapidité et cette simplicité n’était pas Ruben - Rose verrait venir la suite de ses paroles surement à ce moment là. « Seulement si tu m’expliques exactement ce qu’il se passe entre vous deux. » Et le ton qu’il empruntait pour dire ces paroles là ne laissait pas de place à la moindre marge de manoeuvre, ni à quelconque façon pour Ambrose de le mener en bateau. Il n’était pas dupe, il ne comptait pas continuer de prétendre de l’être. « J’ai la chance de connaitre ce que c’est de recevoir un regard amoureux de ta part, Ambrose. » Et il était sincère quand il disait que c’était une chance. « Tu la regardes pas comme ça. » C’était aussi évident que le nez au milieu de la figure. « Alors dis moi ce qui se passe entre vous et je ramènerai plus le sujet sur la table promis. » Il inspira un instant. « Et me mens pas une nouvelle fois sur le sujet, parce-que j’ai pas cru un seul instant à tout ce que t’as pu m’en dire jusque maintenant j’ai juste rien dit parce-que je voulais pas t’embêter avec un sujet que t’avais visiblement pas envie de partager. »

« Comment ça se fait ? »
« Ils sont… Médiocres. »

Le groupe est bon, musicalement parlant. En tant qu’individus, ils le sont aussi. Mais l’ensemble est un désastre ambulant où chacun coule l’autre par le fond. On lui a promis des tournées, des réussites, des albums. Il n’y a rien eu de tout ceci et seulement des scandales, encore et encore. Ce n’est pas ce pour quoi il a signé, et ce n’est pas ce qu’il a le temps de voir s’améliorer non plus. « C’en est rendu à ce moment-là alors. » C’en est aussi venu au moment où Camil a osé être le premier à lui dire qu’il ne pouvait pas continuer à brûler la corde par les deux bouts, ce que beaucoup d’autres pensent sans doute sans jamais avoir osé le dire à Ambrose en personne. « C’en est rendu là. » Il répète tristement, l’impression d’être au pied du mur n’étant plus réellement une simple impression.

« Je préfère m’en assurer, Rose. Je t’ai déjà dit je veux pas te faire de mal. » La tête d’Ambrose se redresse et quitte l’épaule du chirurgien. « C’est pas tout de le dire. Faut aussi agir en conséquence. » Parce qu’il pourrait arrêter de voir cette inconnue et ça suffirait au bonheur le plus entier d’Ambrose, mais ce n’est pas à l’ordre du jour de Ruben. Il aurait mille façons de s’assurer de ne pas lui faire du mal et même de le rendre heureux, mais Ruben n’agit pas en ce sens parce qu’il n’y trouve pas davantage son compte que dans la configuration actuelle. Il est égoïste, il l’a toujours été, mais même ainsi il continue d’être aimé - par trop de personnes pour que tout cette situation puisse être qualifiée de saine. Malgré lui, Ambrose accepte pourtant les termes de ce nouveau contrat. Totalement inchangés.

La seule demande qu’il se permet de formuler, c’est celle poussant Ruben à rester éloigné de Cassie et à ne plus se servir d’elle pour tenter d’atteindre Ambrose. Elle n’a rien à voir avec tout ceci. « D’accord. » Ruben cherche son regard et Ambrose ne le fuit pas. Il attend le mais qu’il voit déjà se dessiner sur le bout des lèvres du médecin. « Seulement si tu m’expliques exactement ce qu’il se passe entre vous deux. » Face à cette question, le regard d’Ambrose se durcit. Il comprend déjà qu’il ne peut pas s’en sortir aussi simplement qu’il le voudrait, par une pirouette ou une autre. Ruben veut une réponse, et s’il ne l’obtient pas de sa part alors il ira chercher de l’autre côté du duo qu’il forme avec Cassie. « J’ai la chance de connaitre ce que c’est de recevoir un regard amoureux de ta part, Ambrose. Tu la regardes pas comme ça. » Et il sait déjà qu’il ne regardera jamais Cassie de la même manière qu’il regarde Ruben. Il a essayé, pourtant. Il a vraiment essayé. Les mois se sont écoulés sans aucun résultat probant. « Il se passe rien. » Il souffle simplement, sobrement. Tout en anticipant les reproches de Ruben, il continue rapidement pour ne pas lui laisser le temps de les exprimer. « Littéralement rien. » Il joue distraitement avec sa bague de fiançailles, qu’il oublierait tous les matins s’il n’avait pas décidé de dormir avec pour que ce ne soit justement pas le cas. « J’avais besoin d’une couverture. Et que les gens aiment ce que je représente en étant fiancé. Ce qu’on représente. » Si Ruben était resté, c’est avec lui qu’il aurait voulu participer à différents galas. Pour lui, il aurait oublié la norme hétérosexuelle et il aurait changé son fusil d’épaule, peu importe le coût électoral. Mais il n’était pas là, contrairement à Cassie. « Je l’aime pas, elle m’aime pas. » Il est triste de l’avouer ; triste de résumer sa vie à des négations. Sa fiancée ne l’aime pas et lui non plus, l’homme qu’il aime ne l’aime pas en retour (pas comme il le voudrait, du moins). Rien ne se passe comme prévu. « On va faire traîner pour que le mariage n’ait jamais lieu. On expliquera le moment venu qu’on voulait des choses différentes. » Le plan est ficelé sur plusieurs années. Il a longuement été mûri et réfléchi. « Personne ne le sait. Même pas ma famille. » Et le regard qu’il lui porte lui fait comprendre qu’il n’a pas intérêt à vendre la mèche alors qu’il lui fait cette confidence dans l’intimité nouvelle de leur amitié. « Maintenant tu sais pourquoi t’as d’autant moins de raisons de l’emmerder. » Il n’y a rien qu’il puisse briser dans une relation qui n’existe pas, pas vrai ?

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
« Ils sont… Médiocres. » Il pencha quelque peu son visage sur le côté. « Ah. » Ce n’était pas là le genre de réponse à laquelle il s’attendait, mais c’était une explication qui faisait bien du sens du pourquoi le groupe ne pourrait pas rester formé. Il connaissait assez Ambrose pour savoir que sur certains points, ils se ressemblaient bien et la médiocrité ne faisait pas partie de leurs habitudes. Ils n’en étaient pas à couper des gens de leur vie si cela arrivait, mais dans certains domaines ce n’était pas quelque-chose d’acceptable. L’autre raison qui pousserait rapidement le jeune homme à ne plus jouer dans le groupe auquel il appartenait ces derniers temps, c’était la seule raison qui avait toujours poussé Ruben à ne jamais chercher à faire partie d’un vrai groupe de son côté: le travail. Et le patron semblait s’en mêler cette fois-ci, mettant donc un terme plus ou moins définitif à la lubie comme cela pourrait être appelé de Rose. « C’en est rendu là. » Ben esquissa une petite moue qu’il ne pourrait voir, mais elle était là tout de même - assis véritable que les mots qu’il prononça par la suite. « Désolé, je sais que ça te tient à coeur. » Pas le groupe en particulier, mais la musique: elle faisait partie intégrante de lui.

« C’est pas tout de le dire. Faut aussi agir en conséquence. » - « Je sais, je sais. » Peut-être qu’une pointe d’agacement était audible dans ces quelques mots pour une fois, mais elle ne dura qu’un instant. « Tu me l’as déjà dit, j’essaie de faire des efforts. » Il ne serait pas parfait dans ce domaine ou dans ces dits-efforts de suite, mais il tentait de faire de son mieux en ayant désormais la confirmation que son comportement l’avait véritablement blessé.

L’autre sujet sur lequel il pourrait consentir à faire des efforts, c’était par rapport aux fiançailles de Rose. Il n’était pas contre l’idée d’arrêter de mêler Cassie à ses comportement qui n’étaient là que pour continuer de graviter autour d’Ambrose d’une façon ou d’une autre, pour garder un pied dans sa réalité et son quotidien, seulement si ce dernier arrêtait de lui mentir ouvertement et qu’il lui expliquait ce qu’il se passait entre la blonde et lui. Le mais émit par Ruben, l’autre s’y attendait ce n’était pas cette partie là qui assombrit son regard lorsqu’il le reporta sur le visage du docteur; c’était sur la partie où mentir ne lui sauverait pas la mise cette fois, Ben le savait et arrivait à lire clairement à travers ses prunelles. Il haussa alors un sourcil, attendant de voir s’il allait oser lui mentir de nouveau. « Il se passe rien. » Ruben s’apprêtait déjà à faire un commentaire mais Rose lui coupa l’herbe sous le pied. « Littéralement rien. » Il détendit un brin les traits qui s’étaient contractés par réflexe sur son visage. « C’est que du vent ? » Ben s’en était douté, mais il avait laissé un maigre bénéfice du doute. « J’avais besoin d’une couverture. Et que les gens aiment ce que je représente en étant fiancé. Ce qu’on représente. » Oh, Rose. Il n’avait pas besoin de tout ça pour être apprécié par les autres, en réalité - si seulement il y croyait un petit peu plus seul de son côté pour commencer. « Je l’aime pas, elle m’aime pas. On va faire traîner pour que le mariage n’ait jamais lieu. On expliquera le moment venu qu’on voulait des choses différentes. » Et même si ce n’était pas vrai, même si c’était que du vent comme il disait, Ben avait un pincement au coeur en regardant Rose lui raconter cette histoire. Il s’en doutait, le savait inconsciemment, mais l’entendre était différent. « C’était obligatoire, tu penses ? De jouer ce jeu là ? » Il ne pointait pas du doigt, son ton n’était pas chargé du moindre reproche. Il voulait simplement comprendre ce qui avait motivé le brun à agir de cette sortie alors qu’il avait l’impression que malgré tout, cela l’avait touché. « Tu la connaissais avant d’accepter cette idée ou pas du tout ? » Si cela s’était passé avec quelqu’un à qui il tenait, les choses auraient été différentes pour sur.

« Personne ne le sait. Même pas ma famille. » Il avait compris dans la façon qu’il avait eu de masquer la vérité dès le début, que ce n’était pas quelque-chose qui était de notoriété commune. Le regard que Rose lui lançait en cet instant confirmait tout ça. « J’en ferai rien de l’information Rose, t’en fais pas. Je voulais juste savoir parce-que j’aime pas que tu me mentes. » Il pourrait deviner la raison du pourquoi Ben n’appréciait que peu lorsque c’était la solution qu’il décidait d’employer entre eux - la dernière fois, les choses ne s’étaient pas spécialement bien terminées. « Maintenant tu sais pourquoi t’as d’autant moins de raisons de l’emmerder. » Pinçant les lèvres, il fit une petite moue. « Je le faisais parce-que je me doutais que y’avait quelle-chose de louche dans ton histoire. » Il inspira, haussa les épaules. « Pas au début. Au début j’étais vraiment dégoûté d’apprendre sur Instagram que tu t’étais fiancé sans me le dire de vive voix. » Il eut un petit rire: il comprenait pourquoi aujourd’hui, finalement. Il ne l’aurait jamais cru s’il lui avait annoncé en face à face. « Mais elle était qu’un dommage collatéral après parce-que je voulais te faire comprendre que j’étais pas idiot et que tu pouvais pas la garder secrète comme ça alors qu’on se côtoyait de nouveau, ça fonctionnait pas. » Ca aurait pu, si cela avait été quelqu’un de moins insistant à la place de Ruben. « T’en as pas parlé à ta famille parce-que tu leur fais pas confiance ? » Quelles étaient les raisons, plus importantes que celles qu’il gardait à l’égard de Ruben puisqu’il avait fini par lui dire la vérité, qui l’empêchaient d’en parler à ceux qui pourtant représenter une part importante de qui il était ?

D’un geste du pouce, Ambrose chasse des dernières larmes, séchées depuis longtemps. Norman n’aurait pas voulu qu’il le pleure jusqu’au restant de ses jours. « C’est que du vent ? » Bien malgré lui, Ambrose hoche la tête. Sur le moment, l’idée lui avait paru bonne, pour ne pas dire nécessaire. Maintenant, il ne sait plus. « C’était obligatoire, tu penses ? De jouer ce jeu là ? » Que l’idée soit aujourd’hui jugée bonne ou mauvaise, nécessaire ou superflue ; ce n’est même plus la question. Il est empêtré jusqu’au cou et ce n’est pas quelque chose qu’il peut défaire en claquant des doigts. « Après l’affaire Williams, oui. » Il n’avait pas abordé cette histoire pour l’associer à sa décision, mais elle est pourtant ce qui a tout précipité. Sans ça, Ambrose aurait continué à être un jeune adulte pour qui le mariage n’est pas encore une véritable question. « J’ai été traité de tous les noms, il fallait que je pare ça. » Il fallait qu’il se défende, tout simplement. Il fallait qu’il fasse taire tous ceux qui le traitaient de salope et qui se contentaient de lire les articles à ce propos pour n’en sortir qu’avec les informations les plus croustillantes et amusantes, pour ceux qui ne sont pas liés de près ou de loin à tout ça. Plus d’un an plus tard, Ambrose en parle encore en serrant les dents pour contenir sa colère. « Tu la connaissais avant d’accepter cette idée ou pas du tout ? » - « Vaguement. On s’était rencontrés à quelques événements. Son père est quelqu’un d’influent. » Elle avait un visage, un prénom, une histoire. Ils n’avaient pas de lien pour autant, et rien qui se rapproche d’une amitié. Simplement, il la savait intelligente et ambitieuse, ce qui a suffit à imaginer la suite.

Rapidement, il ressent le besoin de lui préciser que l’information est particulièrement secrète et qu’elle n’a aucune vocation à changer à ce niveau-là, même maintenant qu’il a partagé ce secret avec Ruben: il ne doit pas aller plus loin. Il ne doit pas se rendre jusqu’à d’autres oreilles. « Je le faisais parce-que je me doutais que y’avait quelle-chose de louche dans ton histoire. » Et comme la personne raisonnée et raisonnable qu’il est, il a décidé de s’attaquer à Cassie plutôt que de demander la vérité à Ambrose. Il ne changera donc jamais. Il n’a pas su accepter l’idée qu’Ambrose lui cache quelque chose, et pourtant tout ce que le jeune homme y voit, c’est qu’il a surtout été le seul à comprendre qu’il n’était pas honnête. Qu’il n’était pas amoureux, surtout. Le reste du monde n’y a vraisemblablement vu que du feu. « T’en as pas parlé à ta famille parce-que tu leur fais pas confiance ? » Il marque la négation de la tête. Ce n’est pas ça. Il leur fait confiance, ou tout du moins à la majorité d’entre eux, mais ce n’est pas ce qui a été pris en compte dans sa (non-) décision. « C’est plus simple pour eux s’ils ne savent rien. Ils sont heureux pour moi, et ils pensent que tout va bien. » Et Ambrose ne veut pas être un poids, certainement pas. Ils ont tous mal pris le fait qu’il leur annonce ses fiançailles aussi maladroitement, il le sait, mais depuis de l’eau a coulé sous les ponts et tout va un peu moins mal. Il leur raconte qu’il est amoureux et que Cassie est formidable. Et aussi simplement que ça, tout le monde sourit. S’ils connaissaient la vérité, rien de tout ceci ne pourrait exister. « Merci d’être venu. » Il en oublierait presque pourquoi il le lui a demandé. Il va un peu mieux, maintenant, et il se permet de souffler un instant. Son visage s’enfouit entre le mur et son épaule, simplement pour embrasser cette dernière de façon aussi discrète que possible. Il reste son ami, et c’est ce que les amis font. Presque.

a very last kiss

@ambrose constantine

lieu: shailer park media center, logan city.
(c): leclercpiastri (gif), luleaby (codage).

***
Ambrose hochait la tête autant pour lui confirmer que son histoire avec Cassie était du vent que pour lui dire qu’effectivement, cela avait été obligatoire. Ruben ne comprenait pas en quoi cela avait pu être le cas, mais il ne posa pas la question, se contentant d’hausser légèrement l’un de ses sourcils et d’attendre de voir s’il tenait à lui expliciter sa réponse un brin davantage. « Après l’affaire Williams, oui. » Bien sur qu’automatiquement sans même y réfléchir par deux fois, les mâchoires de Ben se serrèrent davantage à l’évocation de cette partie là de l’année passée. « J’ai été traité de tous les noms, il fallait que je pare ça. » Et ce n’était pas de cette façon là que Rose méritait d’être traité, parce-que faire une erreur de parcours n’était pas la fin du monde. En revanche, user et abuser d’autrui pouvait l’être - il n’y avait qu’à voir comment cela affectait celui du brun à ses côtés. « Je suis désolé que t’en sois venu à ça. » Il n’avait pas été autant désolé dans une seule conversation de toute sa vie surement, mais là les conditions étaient telles qu’il ne pourrait faire autrement: Ambrose ne méritait pas cette situation, qu’importe ce que d’autres pourraient dire.  « Vaguement. On s’était rencontrés à quelques événements. Son père est quelqu’un d’influent. » Il opina quelque eu du chef. « C’était plus rapide et facile pour redorer ton image comme ça. » Ce n’était même pas parce-qu’ils avaient déjà une histoire, qu’ils se connaissaient d’avant ou quoi que ce soit, c’était simplement plus pratique pour la situation dans laquelle il était. Hormis un semblant de tranquillité pour ne pas que les tabloïdes s’affolent encore davantage, il n’avait donc rien à gagner dans cet engagement. Soupirant, Ruben se permit de venir poser tendrement la main sur le genoux du brun, resserrant cette dernière autour de l’articulation; il n’allait pas une nouvelle fois dire qu’il était désolé pour lui, parce-qu’ils l’avaient entendu assez de fois de sa bouche tous les deux pour la décennie à venir et que Rose allait finir par croire qu’il se moquait de lui; il voulait qu’il comprenne en revanche que l’idée était là.

Ce n’était pas parce-qu’il avait désormais cette information entre les mains que Ruben s’amuserait à aller la crier sur tous les toits, bien au contraire: il savait garder un secret, oh bien sur qu’il savait parfaitement le faire. Et si Ambrose insistait autant sur la question et qu’il cherchait à lui faire comprendre que c’était une étape importante de leur conversation, il n’était pas question que Ruben trahisse sa confiance d’une quelconque façon. Etait-ce pour une question de confiance qu’il n’en avait pas parlé à sa famille de son côté ? « C’est plus simple pour eux s’ils ne savent rien. Ils sont heureux pour moi, et ils pensent que tout va bien. » Une fois de plus, il pinça ses lèvres; il pouvait comprendre, pour de vrai, car de son côté s’il avait pu il aurait fait en sorte qu’aucun des membres de sa famille ne soit au courant de son secret aussi. Parfois, c’était plus simple de paraitre aux yeux de ceux qui comptait pour nous, plutôt que de chercher à leur expliquer les tenants et aboutissants d’une situation. « Et quand ils apprendront que tout va pas bien ? » Quand il en viendrait à leur annoncer que les fiançailles n’étaient plus et qu’en réalité, tout n’était pas aussi rose qu’il avait pu le vendre dans son couple, soupçonneraient-ils à ce moment là la supercherie qui avait duré pendant des mois avant ça ? Ou resteraient-ils encore dans l’ignorance de l’évidence ? « Merci d’être venu. » Il en aurait presque oublié pourquoi il était initialement venu tant la conversation avait dérivé entre temps - il resserra sa prise sur le genou d’Ambrose lorsque ce dernier déposa un baiser sur son épaule, discret mais dont il s’aperçut bien sur. « C’est normal. » Parce-que pour lui ça l’était, de se montrer présent pour Ambrose. Il n’était pas un petit-ami fidèle, mais il était un bon ami et cela peut-être qu’au moins Rose saurait apprécier. « Je serai toujours là si t’as besoin de moi. » Qu’importait la raison, c’était un promesse qu’il pouvait faire et à laquelle il n’aurait de toutes façons pas envie de déroger il le savait d’avance. Il tenait à lui, voulait faire en sorte de faire mieux pour lui. Ils avaient redémarré sur le mauvais pied surement, même si Ruben n’échangerait en rien les derniers mois écoulés - il y retirerait peut-être quelques reproches, tout au plus, mais il garderait le reste intact parce-qu’il avait au moins pu renouer le contact avec Ambrose. Même: il souhaitait être son ami, et c’était quelque-chose d’important pour lui.

Après quelques instants de silence, il finit par soupirer quelque peu pour se relever doucement du sol; entre autre, il commençait à perdre de sa circulation sanguine normale. Une fois debout, il tendit une main vers Ambrose. « Restons pas là. » Ruben allait devoir retourner à l’hôpital, il le savait, ce n’était là une surprise pour personne puisqu’il s’était extirpé d’entre les murs de la structure en plein milieu de la journée pour répondre à l’appel de détresse de Rose. Mais déjà, dans un premier temps, ils ne pouvaient rester sur la terrasse de la médiathèque alors qu’ils pourraient tous les deux être ailleurs - séparés ou ensemble, ce n’était pas la question pour la minute actuelle. « Tu comptais rester ici ou je te dépose quelque part ? » Il haussa un sourcil. « Tu peux rester avec moi, mais je retourne à l’hôpital dès que tu m’en donnes le feu vert, je suis pas sur que ça t’intéresse beaucoup. » Il avait surement du travail bien plus intéressant que de regarder Ben jouer à l’adulte.