it's better the devil you know
@Mabel Griffiths ☆ crédit/josshelps

Le regard qu’elle accorda à Mabel quand elle lui renvoya sa rhétorique à la figure signifiait clairement un touché qu’elle aurait surement explicité si elle n’avait pas eu l’impression de donner aux producteurs de cet entretien ce qu’ils voulaient en parlant ouvertement de sa relation avec Midas. Elle la boucla donc, acceptant de se faire asticoter par la blonde en l’écoutant répondre à ses questions avec bonne volonté juste après. Les coins de la bouche de Jo s’affaissèrent dans une expression d’assentiment positif lorsqu’elle lui révéla la manière dont elle avait géré l’annonce autour de sa bisexualité. Il y eut un temps de latence durant lequel elle ne fit que hocher la tête. Se recalant dans son siège, elle finit par lui dire "Bien joué d’en avoir fait un non-événement, c’est comme ça que ça devrait toujours se passer." N’ayant pas grand-chose à dire de plus sur le sujet, elle trouvait néanmoins sincèrement que c’était une bonne chose que la jeune femme se soit appliquée à rendre les choses banales quand ça avait dû faire frétiller les principes des rétrogrades du monde entier. La preuve en était avec les gros titres qui avaient résumé la relation qu’entretenait Mabel avec sa compagne de l’époque. Si elle ne rebondit pas, ça fit sourire Jo en biais qui, à l’époque, avait essuyé ce genre de raccourcis aussi tout au long de sa relation-pas-relation avec Midas, mais c’était moins étonnant que ça mettait en avant une relation hétérosexuelle fantasmée par un public jeune. Pour Mabel, c’était différent, il s’agissait surtout de ne pas mettre des termes clairs et précis sur une évidence pour ne pas choquer la bien-pensance que Jo avait en horreur.

"Non, je m’étais pas inscrite au casting pour me faire des amis." admit-elle quand elles en vinrent à parler du parcours de Jo dans X Factor "Et puis j’ai fini par quitter Sydney pour emménager ici. Mais c’est pas une excuse, j’étais pas d’humeur à cultiver des amitiés, et j’avais pas envie de garder contact avec des gens qui me rappelaient que j’avais échoué." Midas inclus "J’en ai revu quelques-uns l’an dernier, ça m’a fait réaliser que j’avais pas manqué grand-chose de toute façon." Elle entendait presque cette allumeuse de Bethany souffler un salope derrière son écran quand elle verrait cet interview, et c’était tant mieux, parce que c’était bel et bien elle que Jo visait sans se sentir obligée d’encenser ses anciens coéquipiers. Ceci dit, les propos de Jo ne s’appliquaient pas à tout le monde évidemment, et ce n’était pas utile de souligner qui était son exception. Avec Midas en 2016, ils s’étaient promis qu’une victoire potentielle de l’un ou l’autre ne ternirait pas l’envie qu’ils avaient de rester proches, mais Jo avait sous-estimé sa fierté à l’époque, et six ans étaient passés sans qu’elle ne daigne vouloir lui accorder ne serait-ce qu’un appel pour prendre de ses nouvelles — la réciproque était vraie. Parfois, Jo réalisait quel genre de gâchis ça avait été, et le nombre d’années qu’ils avaient perdu quand il n’aurait surement fallu de pas grand-chose pour qu’ils reprennent contact ; mais avec toutes les données en mains désormais, elle savait aussi que c’était facile sur le papier d’imaginer que ça aurait été aussi simple que ça quand Midas s’en voulait d’avoir gagné sur la base d’un marché sur lequel il n’avait eu aucune ascendance à l’époque, autant qu’elle s’en voulait d’avoir perdu sans savoir que c’était joué d’avance.

Elle pinça les lèvres, dissimulant un sourire à la suite des propos de Mabel qui notait que Jo avait les mêmes centres d’intérêts qu’une gamine en bas-âge "Me force pas à être vulgaire en te parlant de mon centre d’intérêt favori, j’ai pas envie de choquer toutes les ménagères du pays." Si elle devait se mettre à disserter sur ce qui l’envoyait directement au Paradis, pour reprendre les termes de Mabel, nul doute qu’elle se ferait encore une fois gronder par l’équipe autour d’elles. Elle coinça brièvement le bout de sa langue dans l’écart qu’elle avait entre ses deux dents du haut, et inclina la tête en opinant simplement à ce que Mabel ajouta pour se concentrer sur ce qui la passionnait vraiment pour l’heure, et c’était leur discussion autour de la création de chansons "C’est pas une mauvaise chose. Je connais des auteurs-compositeurs qui savent très bien cerner les gens pour leur faire dire des choses qui se rapprochent de ce qu’ils ressentent. Tu veux que je te dise ? Ça fait pas de toi une moins bonne chanteuse de pas vouloir te lancer dans la création de chansons, ceux qui te disent le contraire veulent juste te décourager." A sa façon, elle voulait la rassurer quant à sa valeur, et ajouta "Suffit que tu trouves la bonne équipe toi aussi, et quand tu te sentiras prête, tu t’y mettras." Elle ne lui dit pas qu’elle avait hâte d’entendre ce que ça donnerait, même si elle le pensait "Pas les paroles, puisque comme je l’ai dit tout à l’heure, la plupart de celles que j’ai écrites sont plutôt récentes comparées à d’autres que je garde depuis des années en espérant pouvoir en faire quelque chose un jour, mais pour la musique ouais, on en a arrangé quelques-unes qui datent pour les remettre au goût du jour et les inclure dans mon album." Elle alterna le croisement de ses jambes, plissa les paupières pour faire davantage la focale sur Mabel à qui elle demanda dans la foulée "Je te sens quand même curieuse à propos de tout ça, tu poses de bonnes questions." Ce n’était qu’une remarque comme une autre, mais elle laissait le sentiment à Jo d’être très intéressée par le processus pour que ça lui fasse pas penser qu’elle ne mettrait plus beaucoup de temps avant de se lancer dans la création d'un album à elle. Elle marqua un petit temps de réflexion, et puis elle lui demanda ensuite, moins bonne intervieweuse que la jeune femme, mais y mettant tout de même de la bonne volonté pour établir un certain équilibre "C’est quoi le prochain de tes projets qui va sortir ? Je suis pas à l’affût de ton actualité, mais ma meilleure amie tient le rôle titre de l’adaptation du livre de —" Elle claqua des doigts vers une assistante, ne réussissant jamais à se souvenir du nom du type en question, et attendit qu’elle le prononce à sa place avant de reprendre à l’intention de Mabel "—, et je sais que t’es au casting toi aussi. Qu’est-ce que ça fait de jouer dans un film qui reprend en partie ta propre histoire ? Il paraît qu’il t’as pas loupé dans son bouquin." Elle termina en déplissant les paupières "T’as eu ton mot à dire au moins ?"

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@Mabel Griffiths ☆ crédit/josshelps

Mabel était une artiste complète, intéressée par le processus de création, ce qui expliquait qu’elle posait autant de bonnes questions à Jo qui n’hésitait pas à lui répondre. Pour elle, ça avait toujours été la musique, et c’était déjà très prenant. Elle admirait ceux qui cumulaient les casquettes, qui étendaient leur empire sur plusieurs domaines. Elle ne savait pas encore si elle serait de ces artistes-là, actuellement trop concentrée sur la musique pour vouloir faire autre chose, mais elle avait assez d’énergie pour se donner sans compter, alors qui savait. Plus tard, quand elle n’aurait plus grand-chose à prouver, elle se mettrait à créer ailleurs, à proposer des alternatives à l’univers qu’elle était en train de monter à partir de pas grand-chose, déterminée à partager ce qu’elle avait mûri tant d’années sans faire de concession. Elle qui se revendiquait très souvent égoïste, elle ne lésinait pas sur les efforts pour faire les choses bien, à la hauteur de ce qu’aurait déjà dû être sa carrière si elle n’avait pas si mal géré cette défaite qui n’aurait jamais dû être une fin pour elle, mais bel et bien un début. Elle avait la chance de pouvoir corriger le tir, et bien qu’elle gardait dans un coin de sa tête que tout pouvait s’arrêter du jour au lendemain, elle s’appliquait à ne pas rendre inutile le marché de Midas pour la faire gagner la version all-star de X Factor. Elle était sur une bonne voie, elle voulait y rester, et s’en donnerait les moyens sans se laisser déconcentrer. Pour l’heure, son projet principal, c’était son premier album, le reste suivrait selon plusieurs facteurs qu’elle prétendait pouvoir contrôler, même si ce n’était pas tout à fait vrai.

Mabel, elle semblait en avoir des tas sous le coude, des projets "Les deux. Tu l’avais lu avant d’être impliquée sur le film ?" Peut-être que ses questions tournaient à la conversation de midinettes, mais elle s’en moquait. Cette histoire avait fait les choux gras de la presse à un moment donné, et si personnellement, elle ne s’intéressait pas à la vie désespérante d’un ancien sportif, elle savait que le public était attiré par la puanteur de ragots distillés sous le prisme de la biographie "Mais il a raconté des choses à propos de toi, t’aurais pu mal le prendre et décider de lui en faire voir de toutes les couleurs. C’est ce que j’aurais fait si l’un de mes ex s’était amusé à me dépeindre comme une sorcière malveillante et intéressée." C’est ce qu’elle avait fait quand Micah s’était interposé entre elle et Midas en jugeant bon accuser ce dernier d’avoir la mainmise sur une Jo qui prenait pourtant toutes ses décisions seule. Elle jeta un bref regard à ses doigts convalescents, remontant les yeux vers Mabel en lui demandant dans la foulée pour ne pas penser à tout ça maintenant "Tu t’es retrouvée dans le rôle qu’on t’a confié ? C’est lequel d’ailleurs ?" Dans le fond, Jo estimait que ça ne devait pas tant gêner Mabel que ça de parler de tout ça, sinon elle serait opposée à l’élaboration d’un projet comme celui-ci alors qu’elle était l’une des protagonistes directe. Elle était au casting de cette adaptation sur grand écran de la vie de son ex, c’était qu’une partie de son ego devait y trouver son compte, donc qu’importe que les caméras tournaient ou pas, elle décida de poser ses questions — elle lui faisait confiance pour l’envoyer sur les roses si elle se sentait heurtée par ces dernières de toute façon "Aiden, c’est le type avec qui tu partages ta vie en ce moment, c’est ça ?" Elle n’avait pas la mémoire des prénoms Jo, sans doute se souviendrait-elle davantage du visage du jeune homme si elle le voyait, et qu'elle remettrait son parcours en tant qu'acteur pour mieux se figurer qu'il ne s'agissait pas de n'importe qui. Ce n’était pas à l’ordre du jour, alors elle poursuivit "Vous avez eu du mal à vous défaire de vos rôles une fois rentrés à la maison, c’est pour ça que tu dis ça ?" Au contraire de Mabel, travailler avec Midas, c’était probablement ce qu’elle préférait faire. C’était facile, n’étant jamais aussi bien accordés que quand ils mettaient leur talent en commun pour créer. Ils ne vivaient pas ensemble, elle savait que si c’était le cas, son ressenti serait le même, et que la perspective de pouvoir créer avec lui à chaque moment de la journée la rendrait plus heureuse que jamais : elle ne se lassait pas de pouvoir discuter de musique avec lui, elle ne se lasserait jamais d’envisager de réitérer l’exploit de leur duo dans les années à venir, c’était même une motivation utile à son bien-être en tant qu’artiste, en tant que femme, mais en tant qu’amoureuse aussi. Elle eut un sourire, sa tête pivotant sur le côté "C’était votre première et dernière fois en tant que costars alors ?"

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Mabel et son impertinence la faisaient rire. Elle pouvait se reconnaître dans la manière qu’elle avait de feindre l’indifférence face à ce qu’impliquait sa présence dans les lignes du livre écrit par son ex et ça la faisait l’apprécier davantage. Elle avait peut-être à coeur de plaire à tout le monde Mabel, mais elle restait droite sur ses appuis quand il s’agissait de revendiquer son droit de se foutre de ce qu’on racontait d’elle et Jo aimait beaucoup ça. Elle ne savait pas dans quelle mesure elle avait le droit de questionner Mabel sur son rôle dans cette adaptation cinématographique d’un bouquin qui continuait de faire parler de lui, mais elle s’en moquait pas mal en risquant de débusquer des scoops sur le film avec ses questions "Ouais, j’ai entendu dire que le scénario avait été mis au goût du jour. C’est un pari risqué, mais c’est pas une mauvaise chose." Pour ce qu’elle en savait, elle n’était ni actrice ni scénariste ou elle ne savait quoi encore — elle était juste une femme, et elle savait que dans un monde où les hommes avaient le pouvoir, sentir que le vent était en train de tourner au profit de ce genre de choix audacieux, ça devait faire mal aux egos surdimensionnés de ceux qui jusqu’alors se prenaient pour les rois du monde. Au fond d’elle, elle espérait que ce putain de film serait un bombe et que Megan parviendrait à se hisser sur la marche la plus haute pour faire fermer la gueule de tous ceux qui la jugeaient trop blonde, trop plantureuse, trop belle pour tenir ce genre de rôle ; elle n’était pas particulièrement fan du sujet de film, mais elle soutiendrait son amie quoi qu’il en soit, même si elle trouverait forcément un moyen moins niais de le faire, beaucoup trop pudique pour se monter élogieuse sans verser dans le potache de bas-étage — elle fermerait les yeux quand elle verrait Micah à l’écran, exactement comme une gamine devant un film d’horreur "Quand t’étais avec Brett —", elle le faisait exprès, inutile de le préciser "— tu t’entendais bien avec son frère au moins ? C’est intéressant je trouve, de devoir se glisser dans les chaussures de quelqu’un qu’on a connu, ça pousse à se mettre à sa place et à mieux le comprendre." Avec un peu de chance, ce type était quelqu’un de meilleur que le sujet du livre en question et ça n’avait pas demandé trop d’introspection à une Mabel connue pour être redoutable.

"En couple, mais pas trop quoi." commenta Jo sans rentrer dans le détails, pas là pour donner son avis sur les histoires de coeur — ou autre d’ailleurs — des autres. Là où elle, elle ne trouverait rien à redire de passer chaque heure, de chaque jour avec Midas, Mabel semblait aimer la parcimonie. Grand bien lui faisait, elle n’était pas assez experte en relation amoureuse pour être capable de déterminer quelle méthode était la meilleure. Dans tous les cas, elle n’apprécierait pas que qui que ce soit vienne mettre son grain de sel dans son couple, dont elle s’abstint de faire tous commentaires, espérant échapper à la réciproque sauf qu’évidement, Mabel ne rata pas cette opportunité qui lui était offerte sur un plateau "Je crois que c’est le moment de couper l’interview, non ? Ça doit bien faire une heure qu’on y est, vous devez avoir ce que vous voulez." En l’occurence non, elle savait qu’une partie de l'équipe attendait qu’effectivement, elle se mette à parler en large et en travers de son couple, et c’était une limite qu’elle ne dépassait pas au contraire de Mabel à qui elle dit en retournant la tête vers elle "Je parle de ma vie privée devant la caméra, mais c’était pas une mauvaise question." Elle lui répondrait en privé si ça lui chantait, en attendant elle préférait que tout s’arrête ici au risque de cumuler les confessions qui mèneraient à des choses dont elle n’avait pas envie de parler "C’est bon, on a terminé ?" demanda-t-elle à nouveau à l’équipe qui poussa un gros soupir quand elle se leva sans plus de cérémonie, bien décidée à mettre un terme à ce qui se jouait ici et ce sans s’attarder davantage. Elle savait qu’ils étaient déçus que l’entente entre les deux jeunes femmes soit aussi évidente, malgré un petit passage tendu le temps d’une seconde à peine, elle savait aussi que ça laisserait le spectateur sur sa faim de l’entendre parler de Midas que d’un point de vue professionnel, mais c’était comme ça qu’ils faisaient les choses ; ils en donnaient déjà assez pour vouloir faire tourner toutes leurs interviews autour de l’un et de l’autre — la rareté, c’était quelque chose que Jo aimerait cultiver à l’avenir, pas parce qu’elle n’aimait pas se montrer avec Midas, mais parce qu’elle voulait qu’ils soient les seuls décideurs de quoi offrir à la plèbe. Se laissant désequiper de son micro, Jo regarda Mabel se lever, et lui demanda en même temps "C’était pas si pire que ça, tu trouves pas ?"

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Ça commençait à tourner trop débat de société pour Jo. Elle avait arrêté l’école bien trop tôt pour tenir bon sur ce genre de sujet pointu. Toutefois, elle comprenait quel genre d’enjeu venait avec des choix comme ceux fait lors de la pré-production de Nine, aussi opina-t-elle du chef face à la verve sérieuse de sa comparse dont l’avis devait davantage compter que le sien, étrangère à ce projet. Elle préférait s’intéresser à ce qui était plus accessible aux gens comme elle — pas bêtes, mais qui n’avaient pas non plus gagné le prix Nobel. Il fallait voir les choses avec franchise, et Jo le faisait, même quand ça impliquait de reconnaître qu’elle avait des lacunes quand il ne s’agissait pas d’être mesquine et hilarante — bien sûr qu’elle l’était, autant mesquine qu’hilarante, d’ailleurs. Toujours est-il que là encore, elle n’avait pas grand-chose à apporter au dialogue, réalisant juste encore un peu plus que Mabel semblait toujours prendre ce qu’elle faisait par-dessus la jambe malgré les grands airs qu’elle se donnait. On ne pouvait pas tous être des bourreaux de travail, ça lui paraissait néanmoins assez curieux que, pour chaque projet dans lequel elle oeuvrait, elle venait plus ou moins les mains dans les poches ; même Beyoncé travaillait comme une forcenée, mais elle supposait que c’était un débat pour un autre jour.

Voulant échapper à ceux autour de sa vie privée, Jo coupa court à l’interview sous les protestations silencieuses de l’équipe autour "C’était comme une conversation filmée, j’ai pas eu l’impression d’être en pleine interview." En d’autres termes, elle avait apprécié l’exercice autant que Mabel, bien qu’elle se serait passée de certaines bifurcations pour se concentrer sur ce qu’elle avait à proposer en tant qu’artiste, mais c’était le jeu après tout. Elle finirait par s’y faire — elle s’y faisait déjà à vrai dire, assez caractérielle pour imposer sa loi en la matière, pas impressionnée par les menaces de ceux qui lui rappelaient que dans cette époque, en donner toujours plus, c’était essentiel pour rester au sommet "Je suis pas très au point sur tout ce qui est féminisme et tout, mais je croyais que c’était terminé ces conneries à notre époque ?" fit-elle suite aux paroles de Mabel au sujet de la compétition qu’on s’attendait à trouver entre elles, s’adressant autant à elle qu’à l’équipe qu’elle prévint, un sourcil arqué "Elle a raison, j’espère au moins que vous aurez l’honnêteté de pas pourrir le montage avec votre envie de faire sensation. De toute façon, on a un droit de regard sur ce qui sera diffusé ou non, non ?" demanda-t-elle en connaissant parfaitement la réponse, ce qui la plaçait moins dans la peau d’une petite nouvelle que d’une rombière avec de la bouteille. Elle n’était pas née de la dernière pluie Jo, et sous le prétexte que sa page Wikipédia était moins remplie que la majorité des personnes présentes sur le plateau aujourd’hui, elle ne se laisserait pas faire — certitude accentuée par le regard circulaire qu’elle posa sur les membres de l’équipe de tournage, et qui se radoucit significativement quand elle le reposa sur Mabel "J’ai été contente de faire ça avec toi, ça aurait été moins fun de le faire avec quelqu’un d’autre." lui avoua-t-elle en laissant un clin d’oeil lui échapper quand elle s’avança pour quitter le plateau, d’assez bonne humeur pour la gracier avec sa bienveillance.

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Jo laissa un petit son guttural lui échapper "Il est beaucoup trop tôt pour rentrer dans ce genre de débat." C’était le début d’après-midi, et elle était debout depuis 5H30, autant dire que sa réplique était une façon fort polie de décliner l’invitation subtile de Mabel à se lancer un peu plus dans le débat de société. De nos jours, admettre qu’on se fichait un peu de ce genre de choses, c’était creuser sa tombe et s’attirer les foudres de la communauté woke de la planète entière. Il fallait revendiquer ses croyances, ses orientations, et même son régime alimentaire ; y mettre des étiquettes précises pour se faire apprécier quand en vérité, le monde n’était fait que de gris, et que la nuance existait bel et bien. Jo était la mieux placée pour le savoir, qu’entre les faits et la réalité, il y avait souvent un fossé monstrueux, et que bien qu’elle savait se montrer tranchante dans ses opinions, rien n’était vraiment aussi facile que chercher à savoir qui est gentil et qui est méchant. Qui plus est, elle ne tenait pas à verser dans l’extrémisme pour ravir la bien-pensance, elle avait clairement autre chose à foutre ; et ça valait pour les doléances pas si secrètes que ça de l’équipe de tournage qui aurait sans nul doute aimé que les filles se crêpent le chignon. Dommage, ça n’était pas arrivé, et c’était une bonne chose que Jo releva juste après les quelques mots de Mabel à propos du fonctionnement du milieu dans lequel elles évoluaient désormais "C’est le moment où on s’inscrit dans la légende en voguant à contre-courant des habitudes malsaines du milieu. On est à ça de devenir des visionnaires, on peut être très fières de nous." fit-elle en laissant un léger clin d’oeil lui échapper à l’adresse d’une Mabel qu’elle appréciait chaque fois un peu plus.

Elle le lui dit plus ou moins d’ailleurs, lui avouant qu’elle avait aimé faire cette interview en sa compagnie. Elle n’aurait pas apprécié cet exercice si quelqu’un d’autre avait été impliqué. Mabel avait été patiente et maline dans sa succession de questions, assez corrosive pour ne pas dénoter auprès d’une Jo qui ne crachait pas dans sa main pour faire-valoir ses avis tranchés et revendiquer son honnêteté. Peut-être que cette interview n’était pas suffisamment sensationnelle pour ceux qui consommaient de la télé-poubelle, mais elles étaient d’une classe au-dessus. Elles méritaient toutes les deux qu’on s’intéresse à elle pour les bonnes raisons, et pas parce qu’elles avaient des ragots à confier, ou des casseroles à traîner. Elles étaient les espoirs de leur domaine respectif, elles avaient des choses à dire et à proposer, aussi avoir une plateforme pour le faire avec bienveillance, c’était important. Quelque part, Jo espérait qu’elles réitéreraient l’expérience dans les prochaines années histoire de constater le genre de progrès qu’elles avaient fait et sourire face à ce qu’elles disaient à l’époque, alors qu’elle en tout cas, était à l’aube d’une carrière dont elle avait rêvé toute sa vie.

Descendant du plateau seule, comme une grande, sa hauteur de talons lui faisant exécuter un tout petit saut pour mieux retrouver son équilibre, elle se tourna vers Mabel qui lui renvoyait ses compliments. Jo s’autorisa quelque chose qu’elle en faisait pas très souvent en dehors de son cercle de proches, très proches ; elle s’approcha d’elle pour lui donner une accolade chaleureuse, et ainsi liées par la force de son étreinte, elle fit basculer leur deux silhouettes de droite à gauche avant de relâcher la blonde, et de lui dire avec un sourire, gardant un instant ses mains sur ses épaules "J’aurais pas dit mieux que ça. On se croisera surement avant les Oscars. T’y seras ?" lui demanda-t-elle en étant certaine que oui, même s’il semblait à Jo que Mabel n’avait pas de projet en lice cette année.