old memories and new mistakes
ft  @Mateo Alvarez

« Comme quoi ? Je te vanne c'est tout, déstresse. » Diego avait pincé les lèvres en hochant la tête, un signe qu’il entendait mais ne croyait pas totalement ses mots. Alors à nouveau il avait fait l’effort, lui indiquant à quel point sa présence était désirée par un euphémisme que lui seul pouvait comprendre à cet instant. « Si tu le dis. » Et Mateo non plus, ne semblait pas croire ce qu’il venait de lui dire. La séance photo s’était imposée comme un cessez-le-feu et devant l’invitation de Mateo, Diego n’avait pas pu s’empêcher d’inverser les rôles. « Pourtant je pensais avoir été plutôt clair là dessus. » Et elle était de nouveau là, cette intonation de sa voix qui ne laissait aucune place au doute. Une sorte de confiance naturelle qui agissait sur Diego comme un mauvais sort, parce qu’il ne pouvait rien tirer de bon de cette attirance indéniable qui s’imposait une nouvelle fois à lui comme une évidence. Une attitude qu’il aurait voulu imiter, mais qu’il ne saurait égaler qu’après avoir bu ce fameux verre qu’ils s’étaient décidés à partager au bar. Une gorgée et Diego avait réussi à indiquer un fait, quelque chose de simple : ils s’entendaient bien. « C'est vrai. » avait-il confirmé en laissant le silence s’installer, et le médecin aurait juré qu’ils avaient réussi à se comprendre en un regard mais n’avait rien dit. « Tu dis rien, mais en général j'aime pas trop son entourage. Donc quand je le vois c'est plutôt seul à seul ou en famille. » Son rire faisait écho à son avertissement, comme si Diego s’empresserait de crier sur tous les toits ce que Mateo venait de lui confier. « Je vois, pas du genre à t’entendre avec tout le monde. J’ai failli rejoindre la partie de son entourage que t’aimes pas, alors. C’est pas une place qui m’aurait beaucoup plu, j’pense. » Ses haussements d’épaules devenaient bien trop réguliers pour encore réussir à tromper le jeu alors il avait également changé de sujet. « Oh non, on a quand même dansé un peu. » Il y avait une sorte d’obligation à fouler la piste au moins pour quelques chansons, pour faire honneur aux mariés et s’éviter de passer pour un rabat-joie. Diego s’était volontiers plié à cette règle là, accompagnant CeCe sur un slow et suivant le rythme de quelques intemporels.  « Au pire la soirée est pas finie, on a encore l'occasion de se rattraper s'il le faut. » Parce qu’il ne savait pas comment réagir face à cette seconde invitation qui était pourtant extrêmement banale, Diego avait avalé une gorgée de son verre et s’était concentré sur ses paroles précédentes. S'il suivait des cours de salsa avec Emery et était d'ordinaire extrêmement confiant quant à ses capacités en danse, il avait emprunté un chemin bien différent avec cet interlocuteur là. « Je pense que j'ai assez donné. Mais toi, hésite pas, parce que je t’assure qu’on aurait dit que tu adorais ça. » Et il aurait été mentir de dire qu’il ne l’avait pas dévoré des yeux sur la piste, cependant, s’il pensait avoir été discret, le fait de ne pas avoir réfléchi un peu plus à ses mots venait de le dénoncer entièrement.

L’heure tournait sans qu’un instant Diego ne songe à regarder sa montre et quand il l’avait fait, il avait enfin pensé à son départ. Pas parce qu’il souhaitait partir mais bien parce qu’il le faudrait à un moment ou un autre. « Non je dors pas là mais je me fait ramener, t'en fais pas pour moi. De toute façon j'ai pas prévu de rentrer tout de suite. » D’une part, Mateo rentrerait sans encombre et de l’autre, Diego pourrait profiter de sa présence encore quelques temps. Il s’était senti rassuré et cela n’avait rien de rationnel. « C'est moi ou on est des gars vachement bienveillants quand même ? » Il avait tourné son visage vers lui pour tenter de comprendre où il souhaitait en venir. « J'veux dire de manière générale, on est des gars bien. Pas juste l'un envers l'autre. » Cette fois-ci, son rire n’avait pas été contrôlé et il avait passé une nouvelle fois sa main dans ses cheveux pour chasser la gêne. « Et toi tu conduis pas j'espère ? Pour quelqu'un qui bois pas, on peut pas dire que tu sois sobre là. » « La faute à qui ? Je vais devoir prendre un taxi parce que j’avais pas prévu de boire, figure toi. » Il avait levé les sourcils avant de laisser glisser son regard du visage de Mateo à ses chaussures dans un geste démesuré et maîtrisé. « Et pour répondre à ta question, c’est sûrement le fait d’être l’aîné d’une fratrie nombreuse qui veut ça. Enfin j’ai pas l’habitude de l’être avec n’importe qui mais c’est pas comme si on était des inconnus. » Il s’était figé après sa phrase, parce qu’elle était bien trop lourde de sens de son côté. De celui de Mateo, en revanche, elle ne servirait qu’à accentuer l’éventuelle impression d’une connexion entre eux ou à raviver un ancien souvenir. Et c’était un risque à prendre, maintenant que l’alcool l’empêchait d’ajouter le moindre filtre à ses paroles, le laissant semer des indices ici et là.  « Et toi, c’est quoi ton excuse ? » avait-il finalement ajouté après un silence qui avait dû paraître trop long pour ne pas signifier toute la démarche mentale que Diego venait de mener. « Oh je sais, tu me dis ça car tu penses que j’ai une mauvaise image de toi, c’est ça ? » Cette fois-ci, Diego s’était autorisé à l’humour et à l’ironie parce qu’il pouvait sentir cette aisance qu’ils avaient connue autrefois revenir après un départ difficile. Il avait adressé un sourire à Mateo pour souligner à quel point cette phrase ne correspondait pas à une attaque puis il avait soupiré. « J’ai pas assez d’informations sur toi pour te juger, tu sais. Mais de ce que j’ai pu voir, comment t’as été parfait dans ton rôle de témoin… Je pense effectivement que tu dois être un mec bien. » Il portait son verre à ses lèvres si fréquemment qu’il aurait été difficile pour quiconque de savoir que ce n’était pas une habitude pour lui. « Oui tu m’as fait boire et tout ça mais j’admets que ça a rendu la soirée plus sympa. Je suis content que tu m’aies tenu compagnie. Et que tu m’aies désigné comme la personne à qui refiler tes olives, aussi.  » Bien sûr qu’il se souvenait mot pour mot de ce qu’il avait prononcé ce soir-là avant de réaliser qu’il n’était pas juste un type croisé dans un bar mais qu’il était bien plus que ça. Qu’il était à l’origine d’un grand questionnement chez Diego et celui qui n’avait jamais réellement quitté son esprit depuis. Il mourrait d’envie de lui dire, l’alcool ingurgité l’amenant de plus en plus vers une piste dangereuse parce qu’il n’était pas sûr de ce qu’il se passerait si Mateo se souvenait. Quelque chose au fond de lui criait au mexicain de garder cette part de mystère, celle qui lui permettrait de voir si ce qu’ils avaient vécu ce soir-là était assez réel pour se reproduire. Il s’était étiré, chassant ses pensées et tentant tant bien que mal de se donner l’air sobre et nonchalant.

La différence entre quelqu'un qui n'en a vraiment rien à faire de ce que les autres pourraient penser de lui et quelqu'un qui ne fait que semblant, c'est que dans ce dernier cas les risques qu'une personne puisse le remarquer sont nombreux. Et si habituellement personne ne se serait donné la peine de l'observer assez pour se rendre compte de ces choses là, Mateo faisait cette fois face à quelqu'un qui paraissait assez observateur pour le remarquer. C'était aussi flatteur que frustrant, et heureusement pour lui les choses s'étaient apaisées avec Diego ; assez pour qu'il n'ait plus à feindre quoi que ce soit. Il aimait avoir retrouvé la légèreté qu'ils avaient partagé plus tôt dans la journée, mêlant son rire au siens alors qu'il venait d'avouer ne pas apprécier tout l'entourage de Raf. « Je vois, pas du genre à t’entendre avec tout le monde. J’ai failli rejoindre la partie de son entourage que t’aimes pas, alors. C’est pas une place qui m’aurait beaucoup plu, j’pense. » « Je pense pas que ce soit une place à laquelle je t'aurais mise de toute façon. » Sauf si Diego se remettait à agir si bizarrement qu'il lui donnait l'impression d'avoir un problème, et encore là Mateo sentait qu'il serait capable de passer au dessus de ça pour pouvoir en saisir les raisons sous-jacentes - parce qu'il y en avait, il en était maintenant certain. Et alors que l'idée d'inviter le médecin à danser avait effleuré l'esprit embrumé de Mateo, il s'était restreint à rester sage, comme promis. « Je pense que j'ai assez donné. Mais toi, hésite pas, parce que je t’assure qu’on aurait dit que tu adorais ça. » Sa remarque laissait clairement penser qu'il avait passé un certain temps à l'observer alors qu'il dansait, et si une remarque piquante venait brûler sa langue de pouvoir être dite, il se pinçait les lèvres pour se laisser le temps de réfléchir avant de lancer des paroles que Diego aurait pu trouver désobligeantes. Dans un autre contexte - hors mariage où il avait promis de se tenir sagement, donc - il ne s'en serait pas privé.

Les verres étaient passés autant que les minutes depuis qu'lis s'étaient installés à ce bar sans plus se quitter. « La faute à qui ? Je vais devoir prendre un taxi parce que j’avais pas prévu de boire, figure toi. » Sa main cachait sa bouche et l'air faussement choqué qu'il venait de prendre avant de rire à nouveau de bon cœur. « Va pas me dire que tu regrettes. » Même s'il le disait, Mateo saurait que c'était faux. En tout cas, de son côté, les moments qu'il avait passé avec Diego accoudés à ce bar faisaient parti des meilleurs de sa soirée. « Et pour répondre à ta question, c’est sûrement le fait d’être l’aîné d’une fratrie nombreuse qui veut ça. Enfin j’ai pas l’habitude de l’être avec n’importe qui mais c’est pas comme si on était des inconnus. » Il aurait espéré que le sujet ne soit pas remis sur la table et que sa maladresse soit passée inaperçue, mais visiblement ce n'était pas le cas. « Et toi, c’est quoi ton excuse ? » Il avait haussé les épaules machinalement avant de répondre, sarcastique. « J'ai dû être piqué par une mouche bizarre parce que c'est pas mon genre d'habitude. » Qu'il avait lancé en touchant son front de sa main comme pour vérifier qu'il avait de la fièvre. « Oh je sais, tu me dis ça car tu penses que j’ai une mauvaise image de toi, c’est ça ? » « C'est l'impression que tu m'as donné. » La question avait été posée sur le ton de l'humour et il avait essayé de faire en sorte que sa réponse le soit aussi, mais sa voix sonnait un peu faux. « J’ai pas assez d’informations sur toi pour te juger, tu sais. Mais de ce que j’ai pu voir, comment t’as été parfait dans ton rôle de témoin… Je pense effectivement que tu dois être un mec bien. » Alors le regard de Mateo s'était illuminé à nouveau. « T'as dit parfait ? Si je m'attendais à ça ! C'était pas gagné pourtant. » Mateo préférait réagir avec humour qu'assumer le fait que ce compliment le touchait plus qu'il n'aurait dû. « Oui tu m’as fait boire et tout ça mais j’admets que ça a rendu la soirée plus sympa. Je suis content que tu m’aies tenu compagnie. Et que tu m’aies désigné comme la personne à qui refiler tes olives, aussi.  » Comme une phrase sur deux, celle ci était chargée et lourde de sens ; d'un s'en qu'il ne pouvait pas comprendre bien qu'il avait la sensation d'en saisir toute l'ambivalence. « Ra-vi d'avoir rendu ta soirée plus agréable. » Il avait fait mine de retirer un chapeau imaginaire avant de faire une révérence, continuant de s'exprimer avec humour plutôt qu'admettre franchement qu'il avait lui aussi passé un bon moment en sa compagnie. « Mais je tiens à dire que ce statut de mangeur d'olives est permanent, alors hors de question d'attendre un prochain mariage ou je ne sais quel évènement pour se recroiser par hasard. J'aurais besoin de toi plus souvent que ça. » Diego restait un mystère que Mateo n'avait pas su percer jusqu'ici, mais il comptait bien approfondir le sujet et ne pas rester sur les frustrations qui semblaient s'être créées en lui ce soir.

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ft  @Mateo Alvarez

Diego savait qu’il ne pouvait pas laisser ses pensées l’envahir, qu’il ne pouvait pas se permettre de continuer à jouer ce jeu. Ce n’était que ce soir, la coïncidence l’ayant pris au dépourvu et empêché de réfléchir à comment enfouir tout ce qu’il ressentait. Il n’aurait pas pu prévoir que Mateo reviendrait dans sa vie, ils avaient passé tout ce temps sans jamais se revoir, alors il prenait des risques ce soir parce qu’il s’imaginait que cela n’aurait aucune répercussion par la suite. « Je pense pas que ce soit une place à laquelle je t'aurais mise de toute façon. » Et c’était une sorte de compliment qui l’avait fait sourire. Mateo lui avait fait remarquer que sa consommation d’alcool avait largement dépassé les limites qu’il s’était fixées au début de la soirée, et pour cause, Diego s’était convaincu de ne pas boire. Difficile, donc, de les respecter et ce à un mariage ou l’euphorie régnait et où la tension s’était avérée être bien plus palpable qu’il n’aurait pu l’imaginer. Pour réponse, Mateo avait d’abord couvert sa bouche de sa main dans un mouvement théâtral qui les avait fait éclater de rire tous les deux. « Va pas me dire que tu regrettes. » Diego avait haussé les épaules, il n’avait aucune envie de lui donner raison et pourtant, le sourire au coin de ses lèvres trahissait le fond de sa pensée. Ces deux-là n’avaient pas réellement réussi à totalement s’oublier malgré les maladresses et ils continuaient de s’inquiéter l’un pour l’autre, au point que cela ne soulève des interrogations chez l’espagnol. « J'ai dû être piqué par une mouche bizarre parce que c'est pas mon genre d'habitude. » Alors Diego avait donné son interprétation de cette apparente gentillesse dont il faisait preuve et qui dénotait avec l’ensemble des commentaires qu’il avait pu lui faire. « C'est l'impression que tu m'as donné. » Le ton était devenu bien plus sérieux et Diego avait froncé les sourcils pour prendre le temps de se justifier et d’assurer à Mateo que l’image qu’il avait de lui n’était absolument pas négative. Non, au contraire, elle était bien plus positive qu’il ne pourrait l’imaginer et ses yeux continuaient de le voir comme ils l’avaient fait ce soir-là, un élément assez déroutant pour que le mexicain se protège comme il le pouvait. D’une certain façon, il se sentait vulnérable, et cette impression que Mateo se jouait peut-être de lui ne le quittait pas mais dans un élan de bonne volonté, il s’était autorisé à venir apaiser les doutes du garçon. « T'as dit parfait ? Si je m'attendais à ça ! C'était pas gagné pourtant. » Cette fois-ci, l’humour était bel et bien revenu et Diego avait à nouveau laissé s’échapper un rire devant les mimiques de Mateo. Il s’était arrêté et avait pris le temps d’observer l’ensemble des traits de son visage, ses pupilles en scrutant les moindres détails comme si Mateo risquait de disparaître. Et alors que leurs yeux ne se quittaient pas, Diego avait une nouvelle fois laissé entendre le fond de sa pensée tout en lui donnant de nouveaux indices quant à leur première entrevue. « Ra-vi d'avoir rendu ta soirée plus agréable. » Et il n’avait probablement aucune idée d’à quel point cela était vrai, et ce même si les sentiments qu’il ressentait divergeaient à cause d’une situation pour le moins inhabituelle. Une situation que à laquelle Diego refusait d'accorder trop d'importance. « Mais je tiens à dire que ce statut de mangeur d'olives est permanent, alors hors de question d'attendre un prochain mariage ou je ne sais quel événement pour se recroiser par hasard. J'aurais besoin de toi plus souvent que ça. » Une forme d’anxiété l’avait gagné et Diego avait passé une main dans ses cheveux. Cette soirée devait être unique, tout cela ne devait pas se reproduire. Et pourtant, face à lui, il lui était incapable de continuer à se mentir à lui-même. « On devrait se recroiser facilement avec tous ces amis communs. » avait-il répondu en désignant du menton les invités qui ne semblaient pas encore prêts à quitter les lieux. Diego n’avait aucune envie de partir, la promesse de Mateo subtilement dissimulée dans sa phrase n’avait aucune valeur à ses yeux et il n’était pas assuré de le revoir. Peut-être qu’il n’en avait même pas envie, parce que tout cela ne deviendrait que trop réel et donc dangereux. Diego devait s’éviter de reproduire la même erreur et, terminant le fond de son verre en soutenant le regard de Mateo, il savait qu’il lui était presque impossible de nier l’évidence. Chassant le cours de ses propres pensées et reprenant ses esprits, le médecin avait décidé qu’il avait assez joué avec le feu. « Sur ce… Je vais rentrer. » avait-il lancé avec toute la désinvolture qu’il avait réussi à simuler. Tout ce qu’il lui resterait après cela serait les souvenirs qu’il avait décidé de ne pas partager avec lui et les non-dits, et s’il savait qu’il regretterait à la seconde où il monterait dans le taxi, Diego n’avait pas pu se résoudre à évoquer le passé. « Passe une bonne soirée, à plus tard. » Et il était parti, l’estomac déjà noué et l’esprit embrumé par l’alcool et le pouvoir qu’avait Mateo sur lui.