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@SCARLETT BRIDGERS & RORY

C'était un déjeuner comme Scarlett et lui en avaient déjà partagé plusieurs, depuis que la jeune femme veillait d'un œil assidu sur sa carrière et plus particulièrement sur son image, qui il est vrai s'était rarement aussi bien portée que depuis que Tried & True PR veillait à ce que rien ne vienne l'entacher. Il lui était très reconnaissant pour ça, Rory, pour avoir déjà fait les frais d'un acharnement médiatique en règles et de ce que la notoriété pouvait parfois avoir de perfide, lorsqu'elle se retournait contre vous. Il se savait entre de bonnes mains et se réjouissait toujours du sérieux avec lequel Scarlett se tenait au courant de tout ce qui pouvait le toucher de près, n'ayant aucun secret pour celle à qui il dédiait aujourd'hui une confiance similaire à celle qu'il avait toujours porté à Donna. Son agente aussi voyait d'un bon œil la présence de la brune à ses cotés et c'est parce qu'ils tenaient tous à ce que les choses restent au beau fixe que ces rendez-vous étaient régulièrement organisés pour faire le point et se tenir mutuellement au courant de ce qui était susceptible d'impacter son image. Et justement, c'est avec l'intention de lui parler d'une chose qui lui tenait à cœur que l'acteur s'était cette fois rendu là où ils avaient convenu de se retrouver pour dîner, sans doute aussi avec l'espoir qu'elle saurait le conseiller comme elle l'avait toujours fait.

Swann et Robin restés sagement à la maison, Rory avait revêtu un costume légèrement décontracté et fait en sorte d'arriver quelques minutes en avance, par professionnalisme autant que par souci de se montrer gentleman. Lorsque Scarlett le rejoignit à l'entrée du restaurant, aussi naturellement élégante qu'à son habitude, le grand brun l'accueillit avec un sourire chaleureux. « Bonjour. » Rory se pencha aussitôt pour lui faire la bise après un court instant d'hésitation quant à ce que la brune jugerait approprié ou pas. Ce qui était idiot, après tout Scarlett et lui se connaissaient depuis assez longtemps pour que ce genre de choses ne soient plus sujettes à embarras. Il lui semblait, en tout cas. « Je suis content de te voir. J'espère que le choix du restaurant te plaît. » Il n'avait pas voulu prendre de risque et s'était dit que de choisir quelque chose de relativement classique, c'était encore la meilleure garantie que ça plaise à la jeune femme. Qui plus est l'endroit était calme et c'était précisément ce qu'ils recherchaient. « Tu es peut être déjà venue. Personnellement, je raffole de leur barramundi. » Il n'était jamais particulièrement difficile à contenter, Rory, mais l'attrait qu'il avait toujours eu pour le monde marin lui valait aussi de raffoler du poisson et de ses dérivés. En vérité, s'il avait déjà goûté à la plupart des plats de la carte, c'est bien parce qu'il y avait toujours trouvé de quoi combler son estomac. Ainsi il ne craignait pas pour le reste du repas et se laissa conduire docilement jusqu'à leur table après s'être identifié auprès de l'hôtesse d'accueil, s'occupant personnellement de tirer la chaise de Scarlett pour que celle-ci y prenne place avant de gagner l'autre coté de la table. Si la scène aurait presque pu donner l'impression de sonner le point de départ d'un rendez-vous galant, il était rare que l'acteur passe inaperçu et les quelques regards qui avaient dévié dans sa direction lui laissaient penser que certains clients l'avaient reconnu. Ainsi, ne faisant plus un secret de l'homme qui partageait sa vie autant que de leur récent mariage, il savait que d'être vu en compagnie de la brune ne prêterait à aucune sorte de confusion.

Ouvrant la carte disposée devant lui, Rory y promena un instant son regard avant de reporter celui-ci sur les traits de Scarlett, toujours très en beauté et sur qui une part de lui il ne pouvait s'empêcher de poser un regard un peu différent depuis qu'il savait pour son passif avec Swann. Ça ne changeait pourtant strictement rien, l'australien n'était pas moins décontracté à son contact et il n'irait pas moins se réjouir de passer ce déjeuner avec elle simplement parce qu'elle avait connu son mari à une époque où sa route n'avait pas encore croisé celle de Swann. Ça lui faisait simplement tout drôle, de songer à la place qu'elle avait tenu aux cotés de Swann et à celle qu'elle tenait aujourd'hui dans sa vie professionnelle, à lui, n'ayant jamais imaginé avant tout ça que Swann retrouverait un fantôme de son passé en celle qui lui était de si précieux conseils pour sa carrière et dont il avait souvent parlé à l'anglais sans se douter de rien. Gardant cette idée dans un coin de son esprit, amusé d'à quel point le monde pouvait finalement être petit, Rory préféra ne pas embrayer directement sur le sujet et souffla plutôt. « Je repars à New York dans quelques jours pour terminer le tournage d'American Son, alors je suis ravi qu'on puisse se voir avant. » Rien ne pressait en théorie, mais c'était toujours préférable de faire le point sur l'année à venir le plus tôt possible pour avoir un maximum de recul sur les temps forts des douze prochains mois. La sortie du film était prévue pour la fin de l'hiver ou le début du printemps et son potentiel en rendait plus d'un nerveux au sein de l'équipe qui suivait sa carrière depuis maintenant des années. Rory le savait, ce projet-là était un peu différent des autres et s'il avait déjà été attendu au tournant au fil des années, il en serait encore bien autrement avec ce film-ci. « Donna te l'a sûrement dit, certains n'ont pas apprécié que je reste un peu plus longtemps à Brisbane et que je repousse mon départ après les fêtes de fin d'année. Ça faisait longtemps qu'on m'avait pas qualifié de « rebelle », tiens, quand j'y pense. » Une idée qui tira à l'acteur un bref sourire amusé, préférant en rire plutôt que de repenser aux remontrances qui lui avaient été faites et qui, quelques années plus tôt, l'auraient sans doute empêché de dormir la nuit. S'il prenait toujours à cœur ce qu'on pouvait lui dire sur sa façon de faire son travail et les reproches qui pouvaient parfois lui être faits, il dressait une limite claire entre ses vies personnelle et professionnelle et considérait un peu hypocrite qu'on lui reproche d'avoir préféré rester auprès de sa famille dans ces moments particuliers quand la plupart des personnes qui avaient mis en doute son sens des priorités siégeaient loin de Brisbane et des conséquences dramatiques de la tempête Olga.

Scarlett a toujours aimé les déjeuners d’affaires. La ligne fine entre le formel et l’informel lui permet souvent de mieux cerner ses clients, et elle se surprend à apprécier travailler ailleurs que derrière son ordinateur. Elle se demande parfois pourquoi elle a choisi un métier qui lui demande tant de contact avec les autres, elle qui a une tendance à la solitude dans sa vie personnelle, avant de se rappeler qu’elle est faite pour son métier : tisser des fils d’influence et de pouvoir, côtoyer des milieux qui la fascinent et la stimulent tout en ayant le contrôle sur ces gens qui les composent.  Après avoir grandi en marge de ces sphères-là, elle a trouvé le moyen de continuer à les mépriser tout en tirant son épingle du jeu, et profiter des meilleures avantages - les repas luxueux, les jeux de séduction, l’influence, la créativité. Elle a choisi d’être au centre de l’action, tout en étant elle-même dans l’ombre, un équilibre qui lui convient parfaitement. C’est exactement ce qu’elle se dit, alors qu’elle arrive à la hauteur de Rory Craine, et qu’elle remarque déjà les regards tournés vers lui, son visage à présent reconnaissable.

« Bonjour. » « Bonjour Rory », elle glisse sans se formaliser de la bise malgré son aversion pour les contacts physiques. « Je suis content de te voir. J'espère que le choix du restaurant te plaît. » Scarlett lève la tête vers la devanture du restaurant qui a l’air chic sans en faire trop. Quand ses clients choississent le lieu, elle dit toujours apprécié le choix, évidemment, mais elle doit avouer qu’elle n’est pas mécontente du choix de Rory. Elle commence sérieusement à saturer des restaurants de fusion-food ou de cuisine moléculaire où on veut toujours l’amener pour l’impressionner. « Ça me paraît parfait », elle le gratifie d’un petit sourire poli.   « Tu es peut être déjà venue. Personnellement, je raffole de leur barramundi. » Elle secoue la tête légèrement. « Non, jamais, ça sera l’occasion de découvrir. Je te fais confiance », elle rajoute tandis qu’ils rentrent dans le restaurant. Rien à voir avec le tacos truck où elle et Swann ont dîné récemment, se dit-elle. Elle se demande s’il viendra dans la conversation, ce que Rory sait, exactement, et elle ne tient pas à trop y penser, consciente qu’elle sera capable de rebondir comme il faudra lorsque cela arrivera, elle qui s’y est préparée. Elle ne pourra pas prétendre être prise de court - pas comme lorsque Ruben a remarqué le nom de Swann dans l’agenda qu’elle avait laissé traîner sur son bureau.

Gentlemen comme à son ordinaire, Rory lui tira la chaise, un code auquel Scarlett ne s’est jamais vraiment habitué. Mais cela ne lui déplaît pas qu’un homme se sente devoir faire quelque chose de poli face à une femme. Scarlett n’aime pas le romantisme, mais elle apprécie la galanterie et trouve qu’il s’agit de la moindre des choses, considérent l’état du monde que les hommes ont laissé aux femmes. « Qu’est-ce que tu me conseilles, entre le calamar et le homard ? » Demande Scarlett, ses yeux sur la carte, exécutant à merveille l’un de ses tours favoris : donner l’impression à la personne en face d’elle que son avis lui est précieux. Elle a en réalité toujours su ce qu’elle voulait, et n’est pas du genre à hésiter devant une carte de restaurant. Mais ce sont ces petites politesses qui adoucissent sa personnalité et la rendent plus accessibles, elle qu’on a souvent qualifié de froide et dure.

« Je repars à New York dans quelques jours pour terminer le tournage d'American Son, alors je suis ravi qu'on puisse se voir avant. » Scarlett hoche la tête. Elle apprécie que Rory rentre dans le vif du sujet - s’ils ont une relation purement professionnelle, il la connaît assez pour savoir qu’elle n’est pas du genre à s’étendre sur sa vie personnelle, même lors d’un déjeuner plus informel qu’un rendez-vous à son agence. « Ils t’ont donné une estimation du temps que cela va prendre de boucler le tournage ? » Elle demande, consciente que les tournages n’obéissent pas à des règles de temps très fixes, les jours se transformant souvent accidentellement en semaines, en mois.

« Donna te l'a sûrement dit, certains n'ont pas apprécié que je reste un peu plus longtemps à Brisbane et que je repousse mon départ après les fêtes de fin d'année. Ça faisait longtemps qu'on m'avait pas qualifié de « rebelle », tiens, quand j'y pense. » Effectivement, Scarlett a été en contact avec Donna, qui lui a confié les détails. Elle a un petit sourire à l’évocation d’être un “rebelle”. Les anciens scandales de Rory étaient en effet bien différents - un geste violent contre un réalisateur, qui fût plus tard accusé par Penny Stringer. « Qui a dit qu’être un rebelle et un bon père de famille étaient incompatible ? » Elle plaisante, un sourire en coin. « Ne t’inquiète pas pour ça, les exécutifs sont simplement nerveux, comme sur n’importe quel tournage où les enjeux sont aussi hauts. Mais c’est toi qui incarne et porte le projet, et ta réputation auprès des équipes de tournages est impeccable, tu pouvais te permettre de repousser », elle commente, parce qu’elle a évidemment des oreilles partout, jusque dans les caméramans et les maquilleuses. Les exécutifs sont impatients et nerveux, certes, mais ils savent l’atout que représente Rory dont le talent est indéniable. Il fait parti de ces acteurs qui ont le vent en poupe. « Même si je ne t’apprendrais rien en te disant que concilier vie professionnelle et vie personnelle va être un challenge tout le long de ta carrière, et qui demandera des sacrifices dans un sens ou dans l’autre. » C’est un deal que toutes les personnalités publiques et ambitieuses doivent accepter. Scarlett est d’ailleurs ravie de ne pas désirer de famille qui lui demanderait de sacrifier une partie de ses rêves professionnels. « En parlant de ta vie privée, il va d’ailleurs falloir discuter de ce que tu souhaites ou non évoquer dans tes futurs interviews et apparitions publiques. Je suis en lien avec les studios pour la promotion du film, nous avons plusieurs pistes que je te transmettrais, mais Donna et moi devons nous coordonner sur les sujets off limit pour les journalistes », elle lui explique, bien qu’il connaisse évidemment le manège médiatique. C’est à lui de voir s’il désire blacklister certains sujets, comme son scandale passé, ou sa vie de famille ; et Scarlett est là pour le guider dans ces choix, évidemment.


@Rory Craine  

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Ponctuelle comme à son habitude, Scarlett ne manqua pas de faire une entrée remarquée dans le restaurant choisi par l'acteur, qui avait eu à cœur de s'occuper de ce genre de détails lorsqu'ils avaient convenu de déjeuner ensemble pour parler boulot. Et si Rory savait au fond de lui que ce ne serait sûrement pas l'unique sujet mentionné aujourd'hui, il avait malgré ça tenu à choisir un lieu suffisamment calme et confidentiel pour se prêter à ce rendez-vous. « Ça me paraît parfait » Il mentirait s'il prétendrait qu'une part d'appréhension ne l'avait pas habité à l'idée qu'elle puisse détester l'endroit, ainsi c'est dans un sourire engageant et un peu plus serein que ses lèvres s'étirèrent à nouveau. « Non, jamais, ça sera l’occasion de découvrir. Je te fais confiance » Il aimait penser qu'elle avait raison et qu'à défaut de fréquenter autant de restaurants étoilés que son statut le laissait peut être penser à tort, il savait au moins reconnaître une bonne carte. « Pour une fois, c'est à mon tour de dispenser quelques conseils. C'est pas si souvent qu'on a l'occasion d'inverser les rôles. » Et l'idée l'amusait malgré lui, sans doute parce qu'il réalisait quelle pression c'était déjà d'inviter une jeune femme comme Scarlett à déjeuner, au-delà même de la relation professionnelle qui les liait. Elle donnait l'impression que rien ne pouvait vraiment l'impressionner, un des nombreux aspects de sa personnalité qui l'avaient toujours fasciné. Une bonne chose qu'elle semble aimer le poisson, même si la carte offrait aussi des alternatives. « Qu’est-ce que tu me conseilles, entre le calamar et le homard ? » Concentré, Rory prit à cœur de ne pas lui offrir une réponse trop influencée par ses propres préférences. « Je dirais que tout dépend de ta faim. J'ai toujours eu une préférence pour le homard et le leur est vraiment succulent, mais ils le garnissent très généreusement avant de le passer au four, alors on peut vite arriver à saturation quand on a un appétit d'oiseau. » Ce n'était pas son cas ni celui de Swann, tout comme il y avait fort à parier pour que Robin marche dans leurs pas en la matière, mais peut être Scarlett avait-elle l'habitude de déjeuner léger. « Mais si tu as très faim, c'est vraiment un bon choix. » Et si le homard lui semblait trop ambitieux, le calamar n'arrivait pas loin derrière dans la liste des plats qu'il lui recommanderait.

« Ils t’ont donné une estimation du temps que cela va prendre de boucler le tournage ? » Un tournage interrompu quelques jours auparavant lorsqu'il avait émis le besoin de rentrer sur Brisbane pour être auprès des siens lorsque la tempête Olga frapperait. « Deux semaines tout au plus. Le plus gros était déjà dans la boite lorsque le tournage a du être interrompu. On devrait même pouvoir tenir la date de sortie initiale, George a mis cette pause à profit pour prendre un peu d'avance sur certains aspects de la post-production. » Des aspects sur lesquels il était d'ailleurs impatient d'interroger le réalisateur, particulièrement fasciné par tout ce qui englobait la création d'un film, des premières versions du scénario aux dernières touches de montage apportées. Cet homme était non seulement l'un des meilleurs, mais il avait aussi une manière de travailler particulièrement inspirante. « Qui a dit qu’être un rebelle et un bon père de famille étaient incompatible ? » Sa façon d'en sourire l'aida à se détendre à son tour, conscient que d'un point de vue extérieur il avait peut être donné l'impression de faire un caprice ou de se croire suffisamment important pour s'autoriser à déserter un tournage à son point culminant. C'était tout sauf ça, pourtant, et seule sa famille pouvait lui faire tout quitter du jour au lendemain malgré son attachement évident pour ce projet. « Ne t’inquiète pas pour ça, les exécutifs sont simplement nerveux, comme sur n’importe quel tournage où les enjeux sont aussi hauts. Mais c’est toi qui incarne et porte le projet, et ta réputation auprès des équipes de tournages est impeccable, tu pouvais te permettre de repousser » Il en était conscient, Rory, et peut être bien que pour une fois il en avait aussi joué un peu. A une époque, il devait encore se considérer chanceux qu'on veuille bien lui laisser sa chance et personne ne l'aurait laissé reprendre sa place s'il avait quitté le tournage ne serait-ce qu'une seule journée. Aujourd'hui, les choses étaient bien différentes, et savoir qu'il avait été le premier choix du réalisateur dès la finalisation du scénario ne le rendait peut être pas moins humble, mais lui insufflait sans aucun doute une vraie touche de confiance en lui. « Je leur ai expliqué mes raisons et que j'avais vraiment pas le choix, mais disons que j'ai eu droit à un peu plus de compréhension de la part de l'équipe de tournage. Ils ont été super, j'ai de la chance. » Et pour ce qui était des exécutifs, dans un sens il les comprenait, sans doute qu'ils s'étaient tous dit que cette tempête n'aurait pas pu tomber à un pire moment. Bien sûr qu'il se l'était dit lui aussi, mais il n'était pas question de rester loin de sa famille dans ces conditions. « Même si je ne t’apprendrais rien en te disant que concilier vie professionnelle et vie personnelle va être un challenge tout le long de ta carrière, et qui demandera des sacrifices dans un sens ou dans l’autre. » C'est vrai, il avait déjà eu droit à cette mise en garde et il se l'était aussi répétée à lui-même, pourtant il comprenait qu'elle ressente le besoin de le lui rappeler. Sa vie avait beaucoup changé au cours de l'année dernière et pour la toute première fois, c'est en tant que père de famille qu'il avait rejoint un tournage. C'était un bouleversement, forcément. « Je le sais, oui. J'en suis conscient et c'est une discussion qu'on a souvent eu, Swann et moi. Il sait que notre famille sera toujours une priorité, mais aussi que les déplacements font partie intégrante de mon métier et que ça impliquera forcément que je manque certaines choses. » Et bien sûr qu'il culpabilisait d'avance rien qu'à l'idée qu'il ne serait peut être pas là quand sa fille ferait ses premiers pas ou qu'elle prononcerait son premier mot. A cette seule pensée, son cœur se serra et l'acteur dut secouer la tête pour ne pas trop y penser. « Toi qui côtoies beaucoup de monde, je me demandais: est-ce que d'après ton expérience il est possible de trouver un véritable équilibre entre les deux ? Sa vie professionnelle et familiale, je veux dire. Ou est-ce que ça reste toujours un peu chancelant, en fonction des projets qu'on accepte ? » Elle avait toujours été d'excellents conseils pour lui concernant son image, alors pour une fois il osait lui demander des conseils d'un autre type.

« En parlant de ta vie privée, il va d’ailleurs falloir discuter de ce que tu souhaites ou non évoquer dans tes futurs interviews et apparitions publiques. Je suis en lien avec les studios pour la promotion du film, nous avons plusieurs pistes que je te transmettrais, mais Donna et moi devons nous coordonner sur les sujets off limit pour les journalistes » Secouant la tête, Rory s'empressa de répondre. « Oh, oui, bien sûr. » Il comprenait pourquoi elle se devait de lui poser la question, pourquoi ça avait son importance à l'approche du début de la promotion du film et des nombreuses interviews que ça impliquerait. Alors il était bien décidé à jouer franc jeu avec elle, n'ayant aucun secret pour Scarlett dès que ça concernait sa carrière et lui offrant son plus entière confiance pour toujours respecter ses limites. « Je crois que l'unique sujet que je me sentirais moins à l'aise d'évoquer en interview, c'est ma vie personnelle. J'ai pris l'initiative de communiquer sur mon mariage et sur l'arrivée de Robin parce que je voulais pas que la presse s'en empare avant que j'ai eu l'occasion de l'annoncer comme et quand je le souhaitais, mais je désire pas pour autant en faire un sujet de discussion récurent. » Il était un homme pudique dès que ça concernait sa vie personnelle, Rory, et plus encore depuis qu'il était devenu père. Sa vie sentimentale avait toujours été sujette à beaucoup de spéculations dans le milieu, et il avait finalement fallu que la nouvelle de ses fiançailles s'ébruite pour qu'on le sache en couple avec Swann, quand bien même il s'était déjà confié sur sa bisexualité avant ça. A ce sujet d'ailleurs, il y avait encore une annonce qu'il avait l'intention de lui faire et qui l'envahissait même d’impatience, à vrai dire, mais pour l'heure Rory la repoussa encore un peu. « Je me sens prêt aujourd'hui à évoquer le scandale avec Byers et je pense avoir pris assez de recul sur cette époque plus compliquée pour être capable de gérer les questions qu'on pourrait me poser à ce sujet. Mais Swann... » Ses lèvres se fendirent d'un sourire infiniment tendre, propre à ceux qu'il arborait toujours en évoquant son mari. « Il apprend encore certains jours à composer avec tout ça. Il fait énormément d'efforts pour dépasser sa crainte que notre vie privée se retrouve exposée, et je veux pas être celui qui braque encore plus de projecteurs sur lui. » Et si une part de lui était bien sûr immensément fière du chemin parcouru par son mari, pour qui il aurait été impensable quelques années plus tôt de s'afficher publiquement à ses cotés, ça ne l'empêchait pas de toujours nourrir une part d'inquiétude à l'idée que tout ça, ça lui en demande quand même trop. Qu'il tienne à le faire pour lui, pour leur couple, au détriment parfois de son propre bien-être. « Tu sais qu'il est quelqu'un d'assez réservé et pudique. » Finalement, son regard remonta presque timidement dans celui de la brune, alors qu'il se retrouvait à effleurer le sujet qu'il avait sur le bout des lèvres depuis leur arrivée. « Je veux dire... Swann me l'a dit, pour vous deux. » Et il souffla ces mots dans un léger sourire, espérant que Scarlett comprendrait par là qu'il n'existait aucun malaise et que s'il préférait mettre le sujet sur le tapis sans attendre, c'est parce qu'il ne voulait pas lui cacher que son mari l'avait mis dans la confidence. Peut être s'en doutait-elle déjà, mais il ne voulait pas en faire un secret. « Je savais pas trop comment amener le sujet, alors j'espère que ça t'embarrasse pas. » Ils n'étaient pas obligés d'en parler, si Scarlett n'y tenait pas. Ils n'étaient forcés de rien, quand bien même les révélations de Swann l'avaient forcément rendu curieux et l'avaient presque fasciné, dans un sens. Parce qu'il connaissait Scarlett depuis assez longtemps pour que l'imaginer un jour au bras de celui qu'il avait épousé ait forcément un coté surprenant. Ils étaient tous les deux sans doute bien loin de s'attendre à ce que Swann fasse indirectement le lien entre eux lorsqu'ils s'étaient rencontrés.

« Pour une fois, c'est à mon tour de dispenser quelques conseils. C'est pas si souvent qu'on a l'occasion d'inverser les rôles. » Scarlett a un sourire, mais sent en elle un réflexe d’adolescence qui la pousserait presque à répondre qu’elle ne prend de conseil de personne. Elle ravale cette poussée d’immaturité, et laisse Rory croire qu’il peut lui dispenser des conseils, ignorant qu’elle le laisse faire pour flatter son égo, comme elle le fait souvent avec ses clients. Elle ne fait confiance qu’à sa propre opinion la plupart du temps. Mais cela ne l’empêche pas de pousser le petit jeu en demandant à Rory son avis sur le menu. « Je dirais que tout dépend de ta faim. J'ai toujours eu une préférence pour le homard et le leur est vraiment succulent, mais ils le garnissent très généreusement avant de le passer au four, alors on peut vite arriver à saturation quand on a un appétit d'oiseau. » Rory Craine est exactement le genre de personnes qui prend le temps de donner des réponses construites, plus sincères et réfléchies qu’influencées par ses propres préférences. « Mais si tu as très faim, c'est vraiment un bon choix. » Scarlett murmure un “hmmm”, comme si elle réfléchissait, consciente qu’elle prendra déjà probablement le calamar. Elle fait généralement attention à ce qu’elle mange, n’a pas un grand appétit. Dans son milieu, l’apparence est importante, et elle aime se dire qu’elle suit les diktats de beauté, aussi stupides soient-ils, par pur professionnalisme. En réalité, elle n’a pas grandi en mangeant assez pour développer un appétit, le frigo de sa mère étant trop vide, souvent plus rempli de bières et de vin que de nourriture. Encore aujourd’hui, elle peut être vite écoeurré lorsqu’elle mange trop. « Dans ce cas-là, je vais me tourner vers le calamar », elle finit par décréter avec un sourire poli. « Merci de ton expertise », elle ajoute, amusée.

Le menu décidé, ils peuvent rapidement se tourner vers une conversation plus importante sur la carrière de Rory et le tournage qu’il va bientôt terminer. Il repart aux USA pour une tournée plus ou moins déterminée, mais qui s’annonce apparemment courte. « Deux semaines tout au plus. Le plus gros était déjà dans la boite lorsque le tournage a du être interrompu. On devrait même pouvoir tenir la date de sortie initiale, George a mis cette pause à profit pour prendre un peu d'avance sur certains aspects de la post-production. » Scarlett hoche la tête. « Raison de plus pour ne pas t’en vouloir d’avoir retardé le tournage : aucun temps n’a été perdu, simplement réarrangé », elle conclue d’un ton sage. Mais Rory n’est pas simplement un golden boy, il est aussi un people pleaser qui aime plaire aux autres - probablement l’une des raisons pour laquelle lui et Ruben s’entendent si bien, victimes de la même qualité que Scarlett trouve à la fois impressionnante et insupportable.  « Je leur ai expliqué mes raisons et que j'avais vraiment pas le choix, mais disons que j'ai eu droit à un peu plus de compréhension de la part de l'équipe de tournage. Ils ont été super, j'ai de la chance. » « Les exécutifs sont ce qu’ils sont, ils tiennent leur rôle. Garde le tien, et tout sera vite oublié », elle devise. Elle sait que la réputation de Rory tiendra la route. Elle fait absolument tout pour, après tout.

Mais elle sait que la problématique de la famille sera toujours présente pour Rory, elle l’a compris dès qu’elle a commencé à le représenter et qu’elle a compris que son couple prenait déjà une place importante dans sa vie. L’arrivée de Robin n’a pas aidé. « Je le sais, oui. J'en suis conscient et c'est une discussion qu'on a souvent eu, Swann et moi. Il sait que notre famille sera toujours une priorité, mais aussi que les déplacements font partie intégrante de mon métier et que ça impliquera forcément que je manque certaines choses. » Elle imagine que Swann est compréhensif, comme d’habitude. « Toi qui côtoies beaucoup de monde, je me demandais: est-ce que d'après ton expérience il est possible de trouver un véritable équilibre entre les deux ? Sa vie professionnelle et familiale, je veux dire. Ou est-ce que ça reste toujours un peu chancelant, en fonction des projets qu'on accepte ? »  Scarlett penche la tête, signe qu’elle réfléchit, et essaie d’organiser ses pensées pour les sortir avec le plus de tact possible. « Hm,  ça dépend de beaucoup de facteurs. De la taille de ton ambition, pour commencer », elle souligne. « Certains rêves et désirs sont incompatibles avec une vraie vie de famille. J’ai l’impression qu’il y a toujours une frustration : on rate le quotidien de ses proches ou on rate un projet qui nous tenait à cœur. Certaines personnes ont moins d’état d’âme à l’idée d’être absent, et dans ces cas-là, c’est les proches qui sont frustrés. » Combien de fois a-t-elle vu les épouses malheureuses d’être abandonnées, mise de côté pour le rêve de leurs maris ? « J’ai souvent l’impression que c’est le plus dur pour les femmes qui sont mères et mariés à un homme, la pression de la maternité et le mariage, être la bonne mère, la bonne épouse. Les hommes ont généralement moins de difficulté à se faire passer en premier, en général. » Scarlett reste polie, mais elle ne mâche pas ses mots. C’est aussi pour ça que l’on aime travailler avec elle. Elle dit les choses avec tact, mais comme elles sont. « Tu es dans une situation moins commune, en étant un couple d'hommes. On attend pas la même chose de vous, votre équilibre est probablement différent des couples hétérosexuels qui ont d’autres injonctions. »

Le prénom de Swann flotte encore dans l’air. Elle danse autour, le contourne, comme si de rien était, même lorsqu’elle demande frontalement à Rory ce qu’il se sent d’aborder en interview ou non. « Je crois que l'unique sujet que je me sentirais moins à l'aise d'évoquer en interview, c'est ma vie personnelle. J'ai pris l'initiative de communiquer sur mon mariage et sur l'arrivée de Robin parce que je voulais pas que la presse s'en empare avant que j'ai eu l'occasion de l'annoncer comme et quand je le souhaitais, mais je désire pas pour autant en faire un sujet de discussion récurent. » Elle hoche la tête, prenant des notes mentalement. Elle aime bien cette approche, c’est plus facile de communiquer sans rentrer dans sa vie privée, et plus difficile de gérer les stars qui tiennent toujours à raconter leurs vies. « Je me sens prêt aujourd'hui à évoquer le scandale avec Byers et je pense avoir pris assez de recul sur cette époque plus compliquée pour être capable de gérer les questions qu'on pourrait me poser à ce sujet. Mais Swann... » Scarlett détourne les yeux un instant devant le sourire de Rory qui déborde d’une telle tendresse qu’elle a l’impression de voir quelque chose de trop intime, qui ne la concerne pas. « Il apprend encore certains jours à composer avec tout ça. Il fait énormément d'efforts pour dépasser sa crainte que notre vie privée se retrouve exposée, et je veux pas être celui qui braque encore plus de projecteurs sur lui. » Rory fait attention à son bien être, et cela ne surprend pas Scarlett. Elle a déjà compris qu’ils forment un couple aimants et sains où chacun prend soin de l’autre. Cela doit demander un effort considérable, elle se le dit à chaque fois, effort qui ne l’intéresse pas mais peut tout de même souligner. « Tu sais qu'il est quelqu'un d'assez réservé et pudique. » Scarlett pince les lèvres et murmure un “hmmmmmm”. Ils sont sur le fil. « Je veux dire... Swann me l'a dit, pour vous deux. » Scarlett fait claquer sa langue entre ses dents et secoue légèrement la tête. « Bien entendu », elle se contente de répondre, souriant malgré tout. Elle ne veut pas brusquer Rory, malgré sa propre pudeur. Il reste son client. « Je savais pas trop comment amener le sujet, alors j'espère que ça t'embarrasse pas. » A nouveau, elle secoue la tête. « Je ne suis pas gênée d’avoir fréquenté Swann, et j’espère que tu ne penses pas que mon silence à ce sujet tout ce temps était de l’embarras ou de la honte », elle souligne, quelque chose qui est important pour elle. Elle a bien vu que Swann n’a pas apprécié qu’elle soit dans son orbite pendant deux ans sans jamais le contacter. « Je suis simplement comme lui : pudique. » Elle offre un sourire entendu à Rory, qui la connaît maintenant assez pour avoir vu sa personnalité. « Je ne voulais pas que cela influence notre relation professionnelle, surtout quand nous avons commencé à travailler ensemble. Je préfère avoir l’opportunité de faire une impression comme je l’entends. » Elle a une réputation qui la précède, certes, mais celle-ci ne se puise pas dans sa vie personnelle. « Et puis… » Elle hésite, avant de rajouter, sincère : « Tu sais de quel milieu Swann vient. » Les banlieues, les immeubles délabrés, les parents absents, le manque d’argent. « J’en viens aussi. Et je considère que cela ne regarde personne d’autre que moi. » Une façon de dire à Rory qu’elle compte sur lui pour ne pas le mentionner à d’autres. « Et je ne suis pas très sentimentale, mais pour ce que ça vaut, je suis contente que Swann ait trouvé quelqu’un comme toi. Il le mérite. »



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Il n'était pas un spécialiste de la carte de ce restaurant, mais il s'y était assurément attardé assez de fois pour que Scarlett puisse au moins espérer un conseil honnête et impartial de sa part. Un conseil qui était loin d'avoir la même importance que ceux que la brune lui dispensait jour après jour, mais qu'il était néanmoins heureux de lui offrir. « Dans ce cas-là, je vais me tourner vers le calamar. Merci de ton expertise. » Répondant par un sourire poli, Rory attendit d'apercevoir un serveur pour lui passer commande de leur choix respectif, leur offrant ensuite l'occasion d'effleurer un sujet un peu plus raccord avec l'objet de ce rendez-vous professionnel. « Raison de plus pour ne pas t’en vouloir d’avoir retardé le tournage : aucun temps n’a été perdu, simplement réarrangé. » Il avait sans doute encore besoin d'être rassuré dans une certaine mesure, Rory, alors ça comptait pour lui que Scarlett semble comprendre son choix là où certains l'avaient quelques peu remis en question. « Peut être bien qu'un jour ou l'autre, un membre de l'équipe se confiera à la presse et qu'on me collera l'étiquette de « vedette capricieuse. » Mais on sait tous les deux que ce serait honnêtement pas pire que ce à quoi j'ai déjà eu droit. » Il tentait d'ironiser, Rory, préférant aujourd'hui prendre un certain recul sur l'affaire qui avait nettement compromis sa carrière à l'époque, parce que tout ça avait fait bien assez de mal pour ne pas se torturer plus longtemps. Quelques années en arrière, il n'avait pas vraiment la presse de son coté, et que la situation se soit inversée aujourd'hui ne l'empêchait pas de garder une certaine méfiance vis à vis des médias. « Les exécutifs sont ce qu’ils sont, ils tiennent leur rôle. Garde le tien, et tout sera vite oublié. » - « Promis, j'ai pas l'intention de me la jouer mauvais élève. » Une remarque soufflée avec légèreté mais qui cachait néanmoins un fond de sérieux, après tout elle était la première personne à qui Rory tenait à assurer qu'il comptait filer droit et ne pas entacher bêtement son image.

« Hm, ça dépend de beaucoup de facteurs. De la taille de ton ambition, pour commencer. » L'observant tandis qu'il lui offrait toute son attention, Rory hocha pensivement la tête et la laissa poursuivre. « Certains rêves et désirs sont incompatibles avec une vraie vie de famille. J’ai l’impression qu’il y a toujours une frustration : on rate le quotidien de ses proches ou on rate un projet qui nous tenait à cœur. Certaines personnes ont moins d’état d’âme à l’idée d’être absent, et dans ces cas-là, c’est les proches qui sont frustrés. » Ils savaient tous les deux combien une carrière dans le milieu du show-business pouvait compliquer les choses à ce niveau-là, raison pour laquelle beaucoup d'acteurs attendaient d'avoir une carrière plutôt établie avant de se poser et de fonder une famille – d'autres choisissaient pour leur part de se consacrer à leur profession ou faisaient plus généralement le choix de ne pas avoir d'enfants, pour des raisons diverses et variées. « Tu commences à bien me connaître, tu sais que j'ai toujours choisi mes projets en fonction de la manière dont un rôle pouvait me toucher. J'ai jamais recherché le film qui ferait de moi l'acteur le plus prisé du pays, j'ai toujours voulu pouvoir dire la vérité quand on me demanderait ce qui m'a valu de tomber amoureux d'un scénario au départ. Et aujourd'hui, je veux surtout être pris au sérieux en tant qu'acteur et sélectionner des projets qui m'y aideront. » C'est là qu'était son ambition, plus que dans une quelconque recherche de gloire démesurée, quand bien même il désirait autant que n'importe quel autre acteur que la trajectoire de sa carrière s'éloigne des téléfilms de début d'après-midi. Vivre de sa passion était son but premier depuis le départ, et de pouvoir aujourd'hui le faire aussi confortablement était déjà un luxe quand n'importe quel artiste était conscient d'à quel point la concurrence était rude, quel que soit votre domaine. « J’ai souvent l’impression que c’est le plus dur pour les femmes qui sont mères et mariés à un homme, la pression de la maternité et le mariage, être la bonne mère, la bonne épouse. Les hommes ont généralement moins de difficulté à se faire passer en premier, en général. » Si l'exemple qu'il avait reçu de son père allait effectivement en ce sens, dans la fratrie Craine on retrouvait presque des tempéraments plus affirmés et ambitieux chez les représentantes féminines. Une réflexion qui lui tira un bref sourire, son attention toujours portée sur la jeune femme. « Tu es dans une situation moins commune, en étant un couple d'hommes. On attend pas la même chose de vous, votre équilibre est probablement différent des couples hétérosexuels qui ont d’autres injonctions. » Une réalité à laquelle Rory fut bien forcé d'acquiescer, conscient aussi que dans un état aussi conservateur que celui-ci, bon nombre de combats n'étaient pas encore gagnés il y a quelques années à peine. Le simple fait d'avoir pu épouser l'homme qu'il aimait et fonder une famille avec lui aurait été impensable il n'y a encore pas si longtemps. « Ça me coûte chaque fois que je dois voyager loin de Swann et de Robin, c'est la raison pour laquelle je suis heureux quand on me propose des projets qui peuvent être tournés ici, en Australie. Mais je sais que j'ai déjà été chanceux qu'on me tende la main après l'affaire Byers et qu'on peut pas espérer mener cette carrière et durer sans certaines sacrifices. » C'est pourquoi il irait aussi là où sa carrière l’amènerait, en tentant simplement de trouver le meilleur équilibre possible entre ces deux aspects de sa vie – tout en donnant évidemment la priorité à sa famille. « J'ignore si l'opinion publique a un avis sur mon rôle de père, pour être honnête. Je communique assez peu au sujet de ma fille, je fais juste en sorte de donner assez de grain à moudre aux médias pour éviter qu'elle se retrouve sur les photos volées publiées dans la presse. Je tiens à garder du temps pour ma famille, et pour ça je me fixe une limite quant au nombre de projets que je peux enchaîner à l'année, même si ce sont pas les scenarii intéressants qui manquent. » Il voudrait parfois pouvoir se dédoubler, être partout et honorer autant de projets fascinants qu'on lui en proposait, mais ce ne serait pas raisonnable. « Je veux simplement pas devenir comme mon père. Un fantôme toujours entre deux avions. » Et qu'ils avaient à peine le temps d'apercevoir quand il rentrait en coup de vent pour se donner bonne conscience, sans doute. « Je sais pas pourquoi je te raconte ça, désolé. » Le brun reprit après quelques secondes, réalisant qu'il avait peut être poussé un peu loin le jeu des confessions et ne désirant pas mettre Scarlett mal à l'aise.

Finalement, ne se voyant pas lui cacher que son mari lui avait dit la vérité à leur sujet, Rory osa cette fois effleurer un sujet un peu plus personnel. Swann et lui n'avaient jamais eu de secret l'un pour l'autre et parce qu'il dédiait la même franchise à ceux avec qui il travaillait, il lui paraissait naturel de ne rien cacher à Scarlett en retour. « Bien entendu. » Les réactions de la jeune femme restaient parfois difficiles à déchiffrer pour Rory, néanmoins Scarlett lui semblait plus pudique que véritablement gênée d'aborder le sujet. « Je ne suis pas gênée d’avoir fréquenté Swann, et j’espère que tu ne penses pas que mon silence à ce sujet tout ce temps était de l’embarras ou de la honte. » Secouant doucement la tête, Rory souffla dans un léger sourire rassurant. « Non, je me doutais qu'il était pas question de ça. Et je dis pas ça seulement parce qu'il a eu le don de marquer en bien les personnes qui l'ont connu. » Sans prétention aucune et sans partir du principe que c'était nécessairement le cas aussi pour Scarlett, la façon dont elle en parlait aujourd'hui tendait à confirmer cette théorie. Il faut dire qu'il était bien impossible de ne pas garder un souvenir attendri d'un être tel que Swann. « Je suis simplement comme lui : pudique. Je ne voulais pas que cela influence notre relation professionnelle, surtout quand nous avons commencé à travailler ensemble. Je préfère avoir l’opportunité de faire une impression comme je l’entends. » Une chose qui pouvait se comprendre et qu'il n'avait aucune intention de lui reprocher, quand bien même apprendre après tout ce temps que Scarlett et lui avaient Swann en commun avait forcément un coté déroutant. « Je comprends, oui. Et si ça peut te rassurer, ça change strictement rien à mes yeux. Je me rends compte qu'on a plus en commun qu'on le croyait sans doute jusqu'ici, mais ça a aucune raison de faire la moindre différence. » Et elle semblait tenir autant que lui à ce que ces révélations ne viennent pas impacter leur relation professionnelle, ce qui lui tenait d'autant plus à cœur qu'il avait l'impression de lui être constamment redevable pour la manière dont elle l'avait aidé à redorer puis à maintenir son image après le scandale Byers. Il lui devait beaucoup, Rory. « Et puis… Tu sais de quel milieu Swann vient. J’en viens aussi. Et je considère que cela ne regarde personne d’autre que moi. » Ses lèvres pincées entre elles pour lui montrer qu'il mesurait l'importance de cette confession et le fait que ça lui coûtait sans doute d'évoquer ce terrain-là avec lui, Rory souffla doucement. « C'est le cas, ça regarde personne d'autre que toi. Alors tu as ma parole, ça restera entre nous. » Son aveu était en sûreté avec lui, et Rory comprenait qu'elle ne tienne pas à ce que cette partie de son passé se sache dans le milieu. Elle avait fait du chemin et s'était construite seule, personne n'avait besoin d'en savoir plus. « Et je ne suis pas très sentimentale, mais pour ce que ça vaut, je suis contente que Swann ait trouvé quelqu’un comme toi. Il le mérite. » Finalement, ses lèvres s'étirant dans un sourire un peu plus touché cette fois, Rory reprit. « Je me doute que c'était pas nécessairement avec un acteur, et un homme de surcroît, que tu l'aurais imaginé faire sa vie à l'époque. Et tu serais pas la première, entre nous, alors y'aurait pas de mal. » C'était sa façon de lui dire qu'il ne le prendrait pas personnellement si elle n'avait pas vraiment imaginé Swann suivre cette trajectoire, sa rencontre avec une personnalité du Cinéma ne collant pas tellement avec ses rêves de discrétion, là où sa bisexualité était sans doute aussi source de surprise pour ceux qui l'avaient connu à l'époque. « C'était assez inespéré, entre lui et moi, et ça a été compliqué pour beaucoup de raisons. Mais je me suis jamais battu pour personne comme je me suis battu pour lui, et il m'a jamais donné une seule raison de le regretter. Après tout, tu connais Swann. » Et c'est pour ça qu'elle comprendrait sans doute qu'il se soit accroché pour vivre avec lui la vie dont ils rêvaient, et ça alors que beaucoup d'obstacles s'étaient dressés sur leur chemin. « Je sais qu'il est loin d'être fier lui non plus de l'endroit d'où il vient, que c'est pour ça qu'il en parle peu. Mais pour ce que ça vaut aussi, je suis rassuré qu'il ait pu compter sur toi à cette époque de sa vie. Que vous ayez peut être pu compter l'un sur l'autre. » Il en savait assez sur le passé de Swann pour savoir que son mari avait sans doute trouvé un pilier et un soutien en la jeune femme à l'époque, sans pour autant partir du principe qu'il savait tout ce qu'il y avait à savoir sur leur passé commun. « Je sais pas exactement quels sont vos rapports aujourd'hui, Swann s'est pas tellement étendu sur le sujet, mais si jamais ça a son importance tu sais déjà qu'il reste assez à l'écart de ce qui touche à ma carrière. Qu'en dehors du soutien qu'il me montre et des événements auxquels il m'accompagne, il tient à jouer un rôle assez minime dans tout ça. » Et c'était une chose qui là encore n'étonnerait sans doute pas Scarlett, alors qu'elle avait eu assez d'occasions de constater que Swann se montrait d'un soutien infaillible pour son époux mais cherchait à rester dans l'ombre le plus souvent possible. Et s'il lui disait tout ça, Rory, c'est parce qu'il pressentait qu'elle avait une bonne raison pour avoir préféré repousser ses retrouvailles avec l'anglais, peut être synonymes d'un trop plein de souvenirs plus ou moins évidents à se remémorer.

« Peut être bien qu'un jour ou l'autre, un membre de l'équipe se confiera à la presse et qu'on me collera l'étiquette de « vedette capricieuse. » Mais on sait tous les deux que ce serait honnêtement pas pire que ce à quoi j'ai déjà eu droit. » Scarlett pince les lèvres et secoue légèrement la tête avant de répliquer. « Not on my watch. » Elle compte bien contrôler parfaitement l’image de Rory, et si n’importe qui s’aviser d’aller dans la presse affirmer qu’il était une diva, Scarlett se chargerait de retourner le narratif pour mettre en avant à quel point Rory est un bon père qui a fait passé sa famille avant tout. Au jeu du PR, Scarlett a plus d’un tour dans son sac, et ne s’inquiète absolument pas de cette histoire. A vrai dire, elle trouve généralement plus difficile de gérer ses clients et leurs spontanéités et leurs mauvaises idées, que de gérer ce qu’on dit d’eux. Manipuler l’opinion public n’est pas si difficile. Contrôler les égos de stars, c’est une autre paire de manche.

« Tu commences à bien me connaître, tu sais que j'ai toujours choisi mes projets en fonction de la manière dont un rôle pouvait me toucher. J'ai jamais recherché le film qui ferait de moi l'acteur le plus prisé du pays, j'ai toujours voulu pouvoir dire la vérité quand on me demanderait ce qui m'a valu de tomber amoureux d'un scénario au départ. Et aujourd'hui, je veux surtout être pris au sérieux en tant qu'acteur et sélectionner des projets qui m'y aideront. » Scarlett hoche la tête. La sincérité de Rory, proche d’une certaine naïveté qu’elle ne peut pas s’empêcher de juger, reste honorable. Les célébrités aux rêves innateignables sont parfois fatiguantes à gérer, même si Scarlett admire chez eux leur ambition et leur fierté .  « Ça me coûte chaque fois que je dois voyager loin de Swann et de Robin, c'est la raison pour laquelle je suis heureux quand on me propose des projets qui peuvent être tournés ici, en Australie. Mais je sais que j'ai déjà été chanceux qu'on me tende la main après l'affaire Byers et qu'on peut pas espérer mener cette carrière et durer sans certaines sacrifices. » Rory est quelqu’un de lucide, ce qui plaît à Scarlett. Cela rend leur discussion plus simple. Elle n’est pas obligée de prendre le rôle de la grande méchante qui vient rappeler la réalité - rôle qu’elle sait, au demeurant, remplir à merveille. « En effet, il y aura toujours des sacrifices. Mais Donna et moi travaillons de concert pour réseauter avec des producteurs et réalisateurs australiens, faire briller ton image ici pour que tu sois plus facilement considéré dès qu’il s’agit de caster un nouvel acteur dans une production australienne. Je n’ai aucune inquiétude sur le fait que cela va fonctionner. » Elle n’a aucune inquiétude sur sa capacité à bien travailler. « D’ailleurs, je compte transférer à Donna quelques noms de personnes qui seraient intéressées par déjeuner avec toi, discuter. Juste pour établir un premier contact. » C’est ça aussi, la vie des acteurs que l’on ne voit pas dans les magazines ou les grands écrans : des déjeuners à n’en plus finir pour se faire bien voir.

« J'ignore si l'opinion publique a un avis sur mon rôle de père, pour être honnête. Je communique assez peu au sujet de ma fille, je fais juste en sorte de donner assez de grain à moudre aux médias pour éviter qu'elle se retrouve sur les photos volées publiées dans la presse. Je tiens à garder du temps pour ma famille, et pour ça je me fixe une limite quant au nombre de projets que je peux enchaîner à l'année, même si ce sont pas les scenarii intéressants qui manquent. » S’il y a bien une chose que Scarlett respecte chez Rory, c’est sa volonté de protéger sa fille, et de ne pas s’en servir pour attirer sympathie ou vues sur les réseaux sociaux. « Je veux simplement pas devenir comme mon père. Un fantôme toujours entre deux avions. » Scarlett lève un sourcil. Tiens, il partage donc ça avec Swann, se dit-elle - et avec elle-même, aussi, bien qu’elle se garde bien de raconter quoi que ce soit de personnel à Rory. « Je sais pas pourquoi je te raconte ça, désolé. » Elle fait un geste de la main pour repousser son excuse. « Ne t’inquiète pas », dit-elle avec un petit sourire. Il est bien loin des acteurs insupportables qui déballent leurs traumas de vie au premier rendez-vous pour justifier leurs dernières erreurs. « Et je commence à te connaître assez pour savoir qu’on ne fera pas de toi un acteur débordé toujours par monts et par vaux. Tu peux toujours avoir une belle carrière avec ces paramètres. Et une belle vie de famille. » Elle affirme, certaine.

Et en parlant de vie de famille, le sujet de Swann vient évidemment sur le tapis. « Non, je me doutais qu'il était pas question de ça. Et je dis pas ça seulement parce qu'il a eu le don de marquer en bien les personnes qui l'ont connu. » Scarlett concède un petit sourire, parce qu’il ne sert à rien de mentir sur ce sujet-là. Oui, Swann est une bonne personne. Qui oserait remettre ça en doute ? « Au moins, de ce côté-là, je n’ai pas à m’inquiéter qu’il fasse des histoires ou abime ta réputation avec des rumeurs ou des scandales. » Elle a un petit rire malgré le terrain miné que représente cette conversation. « Imagine le scoop : un insider révèle que Swann Craine est simplement adorable. Quel scandale », elle ironise avec un sourire amusé.

Ce n’est pas Swann qui la dérange elle, en tout cas, c’est ce que ça révèle d’elle qui maintient un contrôle parfait sur son image. « Je comprends, oui. Et si ça peut te rassurer, ça change strictement rien à mes yeux. Je me rends compte qu'on a plus en commun qu'on le croyait sans doute jusqu'ici, mais ça a aucune raison de faire la moindre différence. » Elle se retient de pincer les lèvres - elle ne considère pas avoir grand chose à voir avec Rory Craine, le golden boy adorable et solaire, à la famille nombreuse et unie, et le mariage réussi. Ca, ou l’égo mal placé de Scarlett qui ne supporte pas qu’on la compare à qui que ce soit. « C'est le cas, ça regarde personne d'autre que toi. Alors tu as ma parole, ça restera entre nous. » Scarlett a un sourire, car elle sait que Rory est quelqu’un qui tient parole. « Et je t’en remercie », elle lui offre.

« Je me doute que c'était pas nécessairement avec un acteur, et un homme de surcroît, que tu l'aurais imaginé faire sa vie à l'époque. Et tu serais pas la première, entre nous, alors y'aurait pas de mal. » Scarlett secoue la tête. « C’est vrai que je ne l’imaginais pas avec quelqu’un sous le feu des projecteurs, lui qui est si pudique. Et pour être tout à fait honnête, je n’ai absolument pas tiqué sur le fait qu’il soit avec un homme », elle avoue avec un petit sourire. De ce côté-là, elle est trop ouverte d’esprit, considère presque que tout le monde pourrait être queer. « Peut-être une déformation à cause de ma propre vision sur le sujet de l’orientation sexuelle, ou le fait de fréquenter un milieu où la moitié des gens sont bien moins hétérosexuels que ce que les magazines imaginent. » Elle hausse les épaules. Elle est payée cher pour cacher ces secrets chez d’autres personnes. Pour sa part, elle, elle a toujours détesté les étiquettes et est trop pudique pour s’épancher sur le sujet, mais elle ne se cache pas : elle a déjà quitté de nombreuses soirées huppées aux bras d’une femme ou d’un homme.

« C'était assez inespéré, entre lui et moi, et ça a été compliqué pour beaucoup de raisons. Mais je me suis jamais battu pour personne comme je me suis battu pour lui, et il m'a jamais donné une seule raison de le regretter. Après tout, tu connais Swann. » Scarlett hoche la tête. Oui, elle connait Swann, et oui, elle comprend. Même si c’est elle qui a rompu avec le jeune homme il y a quinze ans de cela. « Je sais qu'il est loin d'être fier lui non plus de l'endroit d'où il vient, que c'est pour ça qu'il en parle peu. Mais pour ce que ça vaut aussi, je suis rassuré qu'il ait pu compter sur toi à cette époque de sa vie. Que vous ayez peut être pu compter l'un sur l'autre. » Scarlett détourne le regard un court instant, le sujet un peu trop glissant pour elle. « Nous étions tous les deux là au bon moment, je crois », elle admet. C’est déjà trop à avouer pour elle.

« Je sais pas exactement quels sont vos rapports aujourd'hui, Swann s'est pas tellement étendu sur le sujet, mais si jamais ça a son importance tu sais déjà qu'il reste assez à l'écart de ce qui touche à ma carrière. Qu'en dehors du soutien qu'il me montre et des événements auxquels il m'accompagne, il tient à jouer un rôle assez minime dans tout ça. » Scarlett comprend que cette perche permet à Rory de lui faire comprendre qu’il ne s’attend pas à ce qu’elle soit meilleure amie avec Swann, et cela lui fait plaisir. Elle se redresse sur sa chaise. « Pour être honnête, je ne sais pas exactement ce que mes rapports avec lui sont non plus. Nous avons beaucoup évolué en quinze ans, c’est presque comme rencontrer une nouvelle personne. Mais quoi que soit ma relation avec lui, elle n’affectera jamais la qualité de mon travail avec toi, Rory. » Elle affirme. « Le professionnel passe avant tout dans ma vie », elle explique, ne surprenant probablement pas Rory qui connaît sa réputation et travaille avec lui depuis des années. « Et si Swann doit être mêlé à certaines choses, parce qu’il vient avec toi à un gala où je t’ai recommandé d’assister ou que sais-je, je gererais ça de la même façon que je gère les autres partenaires de mes clients. »


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« Not on my watch. » S'il avait véritablement du s'inquiéter des répercussions de toute cette histoire – ça n'était pas le cas quand ses rapports avec l'équipe d'American Son étaient au beau fixe et où même les producteurs avaient fini par passer l'éponge sur son aller-retour forcé pour Brisbane – ces quelques mots auraient forcément aidé à ce qu'il relativise. « En effet, il y aura toujours des sacrifices. Mais Donna et moi travaillons de concert pour réseauter avec des producteurs et réalisateurs australiens, faire briller ton image ici pour que tu sois plus facilement considéré dès qu’il s’agit de caster un nouvel acteur dans une production australienne. Je n’ai aucune inquiétude sur le fait que cela va fonctionner. » Accueillant ses propos avec beaucoup de gratitude, Rory prit une nouvelle fois conscience d'à quel point il était chanceux de compter autour de lui une équipe aussi dévouée et compréhensive, et ça malgré les quelques erreurs qu'il avait pu commettre par le passé. « Et j'apprécie énormément la peine que vous vous donnez pour me faciliter les choses. C'est particulièrement important pour moi de pas m'éloigner trop longtemps alors que Robin est encore si petite, avec Swann on veut vraiment éviter de la perturber. » Rester le plus souvent possible auprès de sa famille compterait toujours plus que tout, mais avec un enfant de tout juste un an à la maison il tenait forcément d'autant plus à aménager son emploi du temps le plus possible. « D’ailleurs, je compte transférer à Donna quelques noms de personnes qui seraient intéressées par déjeuner avec toi, discuter. Juste pour établir un premier contact. » - « Tu sais que je fais confiance à ton jugement. J'ai profité de ces allers-retours en avion et de ces longues soirées dans ces chambres d'hôtel pour rattraper la lecture des scripts qu'on m'a fait parvenir, mais tu me connais, j'aime prendre le temps de mûrir une réflexion avant de me lancer dans un projet. » Ce n'était jamais les propositions qui manquaient, Rory était même plus demandé qu'à aucun autre moment dans sa carrière depuis que son dernier film avait prouvé qu'il était non seulement un acteur versatile mais une tête d'affiche capable d'engranger des centaines de millions de dollars de recettes, simplement il ne se lançait jamais dans un projet à la légère et dernièrement, il explorait aussi des perspectives plus diversifiées. « Ne t’inquiète pas. » Elle ne semblait pas gênée qu'il se soit laissé aller à une ou deux confessions, ce qui ne l'empêcherait pas de veiller à ce que ça ne se reproduise pas trop souvent. « Et je commence à te connaître assez pour savoir qu’on ne fera pas de toi un acteur débordé toujours par monts et par vaux. Tu peux toujours avoir une belle carrière avec ces paramètres. Et une belle vie de famille. » C'est le genre de carrière qu'il voulait mener : se lancer dans des projets qui le passionnaient sans pour autant oublier ce qu'il y avait de plus important pour lui, un bonheur que pas même les plateaux de tournage ne sauraient lui procurer. « C'est l'équilibre que j'espère atteindre. Je sais que certains trouvent enivrant de sauter d'un projet à un autre en permanence, mais j'ai besoin de redonner la priorité à ma famille lorsque j'ai passé plusieurs mois entre deux avions à donner autant de moi-même pour un film. Je trouve qu'ainsi, chaque projet a encore plus de sens. » Choisir des films qui résonnaient particulièrement en lui plutôt qu'en enchaîner sans plus de conviction, ça avait plus généralement toujours été sa façon de faire. « Et je te remercie de comprendre ça. »

« Au moins, de ce côté-là, je n’ai pas à m’inquiéter qu’il fasse des histoires ou abime ta réputation avec des rumeurs ou des scandales. Imagine le scoop : un insider révèle que Swann Craine est simplement adorable. Quel scandale. » Une pensée qui tira à Rory un petit sourire amusé, bien conscient en effet que Swann n'avait pas l’étoffe d'un homme à problèmes ou du genre de conjoint dont vous pouviez découvrir après des années qu'il vous avait caché toute une part plus sombre de sa vie. « T'as pas de souci à te faire avec Swann, c'est clair. Je sais qu'on pourrait dire de moi que je manque d'objectivité, mais je le connais depuis huit ans et je lui cherche encore des vilains petits secrets. » Il confia avec légèreté et cette inévitable tendresse dans la voix dès qu'il mentionnait l'homme qu'il avait aimé de bout en bout durant ces huit dernières années, et qu'il avait la prétention de connaître par cœur depuis le temps. Il y a bien longtemps que l'anglais et lui n'avaient plus le moindre secret l'un pour l'autre et il savait que de toutes les personnes qui composaient son entourage, Swann était celle dont son équipe avait le moins à s'inquiéter. « Et je t’en remercie. » C'était bien naturel pour Rory de garder son secret et de considérer que cette partie de la conversation n'avait même jamais eu lieu, ne comptant pas trahir des confessions qu'il savait plutôt rares chez Scarlett. « C’est vrai que je ne l’imaginais pas avec quelqu’un sous le feu des projecteurs, lui qui est si pudique. Et pour être tout à fait honnête, je n’ai absolument pas tiqué sur le fait qu’il soit avec un homme. » Son regard s'éclaira malgré lui, peut être parce qu'il avait pu avoir l'impression par le passé que d'autres tiquaient davantage sur cette idée. La mère de Swann avait elle-même paru un peu déroutée lorsqu'elle avait su son fils en couple avec un homme, même s'il osait croire qu'ils avaient dépassé ce stade. « Peut-être une déformation à cause de ma propre vision sur le sujet de l’orientation sexuelle, ou le fait de fréquenter un milieu où la moitié des gens sont bien moins hétérosexuels que ce que les magazines imaginent. » Touché qu'elle se confie sur sa propre expérience, Rory l'était aussi de songer qu'elle pouvait sans doute le comprendre mieux que beaucoup autour de lui. Pour autant, considérant ce sujet trop intime pour se risquer à la moindre question, il souffla dans un sourire. « Ça va peut être te sembler étrange, mais quelque part je suis rassuré que tu puisses comprendre. Je veux dire, que pour toi ce soit un détail anecdotique. » Il se sentait un peu plus à l'aise encore à son contact, sans que ça change pourtant véritablement quelque chose. « C'est un peu moins le cas aujourd'hui, mais au début de ma carrière je sentais que les gens autour de moi étaient frileux à l'idée que ça puisse trop vite se savoir. » Avant que Scarlett prenne en charge tout ce qui concernait son image, on lui avait conseillé d'attendre que sa carrière décolle pour faire son coming out publiquement, ce qu'il avait plus ou moins fait en gardant sa vie privée hors d'atteinte durant des années. En y repensant, peut être se serait-il senti plus soutenu s'il l'avait rencontré plus tôt.

« Nous étions tous les deux là au bon moment, je crois » Rory songea pendant un bref instant au fait que Scarlett ait connu Swann à une époque où lui ne faisait pas encore partie de sa vie, ce qui faisait d'elle la mieux placée pour comprendre cette part de son passé que son mari mentionnait assez peu. Loin de lui inspirer des regrets, cette pensée le rassurait : peut être Swann se confierait-il à la brune s'il en éprouvait un jour l'envie, là où il n'osait peut être pas toujours le faire avec lui ou avec la même facilité, de peur de l'inquiéter ou de changer d'une manière ou d'une autre le regard qu'il portait sur lui – ce qui n'avait pas la moindre chance de se produire, pourtant. « Pour être honnête, je ne sais pas exactement ce que mes rapports avec lui sont non plus. Nous avons beaucoup évolué en quinze ans, c’est presque comme rencontrer une nouvelle personne. Mais quoi que soit ma relation avec lui, elle n’affectera jamais la qualité de mon travail avec toi, Rory. » Acquiesçant doucement, il souffla. « Vous êtes restés éloignés plusieurs années, c'est normal qu'il vous faille un peu de temps pour retrouver vos marques l'un avec l'autre. Mais pour ce que ça vaut, je crois que ça lui a fait sincèrement plaisir de te revoir. » Il ne voulait pas parler pour Swann, mais il nourrissait l'impression que ces retrouvailles réjouissaient son mari même si une part de lui semblait regretter qu'elles aient eu lieu si tardivement. A ce sujet, l'acteur ne comptait pas émettre le moindre jugement, apte à comprendre qu'elle ait sûrement eu ses raisons. « Le professionnel passe avant tout dans ma vie » - « Je le sais, Scarlett. J'avais pas la moindre inquiétude sur ce point. » Il connaissait sa réputation irréprochable, bien sûr, mais il savait surtout à qui il avait à faire depuis toutes ces années et l'idée qu'elle puisse laisser sa vie personnelle impacter son travail ne lui effleurerait même pas l'esprit. « Et si Swann doit être mêlé à certaines choses, parce qu’il vient avec toi à un gala où je t’ai recommandé d’assister ou que sais-je, je gérerais ça de la même façon que je gère les autres partenaires de mes clients. » Une autre chose dont l'acteur ne doutait pas, quand bien même Swann et elle avaient partagé une relation bien différente de celle qu'elle était ou non amenée à nouer avec les partenaires de ses clients. « Tu seras prévenue s'il doit m'accompagner. A partir de là, je vous laisserai gérer les choses de la façon la plus simple pour vous. Swann connaît les personnes qui m'entourent, à commencer par Donna que je soupçonne d'avoir toujours eu un soft spot pour lui, » Il glissa cette précision dans un léger rire, puis ajouta. « mais il tient pas vraiment à se mêler de tout ce qui touche à mon travail. » Swann avait toujours préféré rester le plus en retrait possible et c'était une chose que Rory tenait à respecter, veillant à ne jamais lui imposer la moindre apparition, peu importe à quel point il était pourtant toujours ému et fier de pouvoir s'afficher à ses cotés. Redevenu silencieux quelques secondes, subitement un peu plus hésitant, l'acteur finit par reprendre. « Ça n'empêche pas qu'il est toujours la première personne à qui je demande conseil, et dernièrement j'ai justement reçu une proposition très excitante. Et pour une fois, c'est pas d'un film dont il est question. » Ce déjeuner professionnel, lui, semblait être le moment tout indiqué pour solliciter à son tour l'avis de Scarlett. Ainsi, peinant à réprimer un léger sourire, il enchaîna. « C'est aussi pour ça que je voulais te parler. On m'a proposé de figurer dans le prochain numéro de Out, tu dois sûrement connaître. Ils veulent notamment que j'apparaisse sur la couverture. » Une proposition loin d'être anodine et qui représentait forcément beaucoup pour l'homme ouvertement bisexuel qu'il était et qui, bien qu'il ait toujours communiqué avec parcimonie sur sa vie privée, y voyait quelque chose de particulièrement symbolique aujourd'hui. Comme si c'était tout simplement le bon moment.

Scarlett mentionne des scripts, et quand Rory réplique qu’il fait confiance à son jugement, elle ne peut s’empêcher d’avoir un petit sourire en coin, satisfaite. Elle a travaillé dur pour en arriver à ce stade de sa carrière, et malgré le dédain qu’elle ressent face à bon nombre de célébrités qui s’assoient dans son bureau, elle ressent une certaine fierté à être devenue quelqu’un vers qui on se tourne, quelqu’un dont l’avis compte. Il faut dire qu’elle travaille avec Rory depuis un moment, et si elle a été réticente, au début, lorsqu’elle a compris que Swann était, eh bien, Swann, elle est contente de s’être accrochée. Il est une bonne addition à son portefeuille de clientèle, et elle le connait assez bien pour saisir comment il fonctionne, ce qu’il souhaite pour sa carrière, et l’image qu’il projette. Lorsqu’il lui parle de son désir de ne pas enchaîner les avions, de voir Robin grandir, elle l’entend et le comprend - même si, pour sa part, elle ne ressent aucun désir de maternité et ne ferait jamais passer sa carrière après un petit être.

« T'as pas de souci à te faire avec Swann, c'est clair. Je sais qu'on pourrait dire de moi que je manque d'objectivité, mais je le connais depuis huit ans et je lui cherche encore des vilains petits secrets. » Scarlett a un sourire en coin - en cet instant, elle ne sait pas encore ce qui se cache sur les poignets de Swann, et la dispute qu’ils auront, sur la plage. Non, en cet instant, elle croit ce que Rory dit, et se dit que les seuls secrets de Swann, elle les partage aussi : d’où ils viennent, leurs familles implosées. La conversation dévie naturellement sur Swann, le fait qu’il partage le quotidien de Rory, l’étrangeté de la situation. « Ça va peut être te sembler étrange, mais quelque part je suis rassuré que tu puisses comprendre. Je veux dire, que pour toi ce soit un détail anecdotique. » Elle hoche légèrement la tête. Elle a toujours du mal à ressentir une connivence avec quelqu’un sous prétexte qu’ils partagent le fait de ne pas être hétérosexuel : elle n’aime pas l’idée d’être mise dans une case, de comprendre quelqu’un sous prétexte qu’ils ont ce même vécu qui est pourtant si différent pour chacun. Mais elle se garde bien de le dire. « C'est un peu moins le cas aujourd'hui, mais au début de ma carrière je sentais que les gens autour de moi étaient frileux à l'idée que ça puisse trop vite se savoir. » De nouveau, elle hoche la tête. « Les choses changent petit à petit, oui. Dans un monde parfait, ce que chacun ferait de ses relations affectives et sexuelles ne regarderaient personne. Mais ce n’est pas encore le cas, il faut être réaliste, et pour être tout à fait honnête, je doute que ça soit un jour possible », elle admet, parce que le monde n’a pas été construit ainsi, et qu’elle est loin d’être optimiste ou idéaliste sur ces sujets-là. Comme pour beaucoup de choses, elle n’en éprouve ni colère ni tristesse, elle se dit que les choses sont ainsi et qu’il faut composer avec au lieu de se fatiguer à vouloir rêver.

« Vous êtes restés éloignés plusieurs années, c'est normal qu'il vous faille un peu de temps pour retrouver vos marques l'un avec l'autre. Mais pour ce que ça vaut, je crois que ça lui a fait sincèrement plaisir de te revoir. » Scarlett fait un petit signe de la tête, qu’elle laisse Rory interpréter comme il le souhaite : elle n’est pas sûre de pouvoir dire à voix haute que ce plaisir est partagé. Swann remue trop de choses en elle, complique son quotidien, même si lorsqu’ils ont diné ensemble, elle a senti une espèce de détente dans son corps qui n’était pas désagréable. Comme si être aux côtés de quelqu’un qui savait, pour elle, sa vie, son passé, pour la première fois depuis qu’elle a quitté Londres, pouvait être salvateur. Mais le professionnel resterait le plus important pour elle. « Je le sais, Scarlett. J'avais pas la moindre inquiétude sur ce point. » Elle a un petit sourire, fière à nouveau que sa réputation la précède. « Tu seras prévenue s'il doit m'accompagner. A partir de là, je vous laisserai gérer les choses de la façon la plus simple pour vous. Swann connaît les personnes qui m'entourent, à commencer par Donna que je soupçonne d'avoir toujours eu un soft spot pour lui mais il tient pas vraiment à se mêler de tout ce qui touche à mon travail. » Elle hoche la tête, et admet :  « Je soupçonne beaucoup de gens d’avoir un soft spot pour Swann, oui. » A commencer par elle, mais elle préférerait se jeter sous une voiture que de l’admettre à voix haute.

« Ça n'empêche pas qu'il est toujours la première personne à qui je demande conseil, et dernièrement j'ai justement reçu une proposition très excitante. Et pour une fois, c'est pas d'un film dont il est question. » Scarlett lève un sourcil curieux, et fait un signe du menton pour que Rory continue. « C'est aussi pour ça que je voulais te parler. On m'a proposé de figurer dans le prochain numéro de Out, tu dois sûrement connaître. Ils veulent notamment que j'apparaisse sur la couverture. » « Oh », Scarlett lâche, avec un léger mouvement de la tête, parce qu’elle est surprise, et qu’elle déteste s’être laissée surprendre - sûrement parce qu’ils avaient parlé de Swann, de la vie personnelle, et que pendant un instant, elle s’était presque trop détendue. Elle recompose très vite son visage et se redresse, à nouveau la professionnelle qu’elle sait être.  « Je suis surprise, tu me disais à l’instant que tu voulais peu mentionner ta vie privée en interview, et qu’être en couple avec un homme était un détail anecdotique. La couverture d’Out, c’est mettre cela en avant, faire de ça l’inverse d’un détail. » A vrai dire, elle trouve que c’est une mauvaise idée, autant pour le tempérament de Rory que sa carrière, mais elle n’attaque pas directement avec cet angle.  « Pourquoi as-tu envie de faire leur couverture ? » Elle demande, sincère, essayant de jauger ce qui anime Rory.  « Tu n’es pas inquiet d’être étiquetté comme “l’acteur bisexuel” ? » Elle ajoute, ses mains formant des guillemets dans l’air.


@Rory Craine  

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it's all that anybody talks about.

@SCARLETT BRIDGERS & RORY

« Les choses changent petit à petit, oui. Dans un monde parfait, ce que chacun ferait de ses relations affectives et sexuelles ne regarderaient personne. Mais ce n’est pas encore le cas, il faut être réaliste, et pour être tout à fait honnête, je doute que ça soit un jour possible » Si Rory avait toujours eu une approche des choses un peu plus idéaliste, il lui fallait reconnaître que le chemin lui semblait encore long avant que ce genre de questions deviennent aussi anecdotiques qu'il le voudrait, spécifiquement dans un milieu où vos moindres faits et gestes étaient décortiqués et parfois allègrement critiqués. Les réseaux sociaux aidaient beaucoup à ce phénomène, malheureusement. « On est déjà forcés d'accepter que notre vie privée nous appartient jamais totalement, quand on se lance dans ce genre de carrière, mais cette exposition nous place aussi en première ligne face aux critiques quand on ose assumer une orientation sexuelle que certains considèrent encore comme n'étant pas « la norme. »» Et bien sûr qu'il le regrettait sincèrement et plus encore que les choses mettent autant de temps à évoluer, et ça alors qu'il faisait partie de ce milieu depuis déjà douze ans et avait forcément été confronté plus d'une fois à ce que tout ça impliquait. Une chose était certaine, il chérissait le temps et l'énergie que Scarlett avait toujours consacré à prendre soin de son image et à le conseiller sur sa carrière, et ça n'était pas une chose qui risquait de changer même maintenant qu'il connaissait son passif avec Swann. A vrai dire, et puisque tout le monde semblait d'avis que ça n'avait aucune raison d'impacter leurs rapports, il ne voyait aucune raison pour que les choses ne continuent pas comme avant. « Je soupçonne beaucoup de gens d’avoir un soft spot pour Swann, oui. » Une pensée qui lui tira un sourire un peu plus tendre, n'ayant aucun mal à comprendre qu'on puisse aussi facilement s'attacher à quelqu'un d'aussi tendre et affectueux que son mari. « J'ai appris à m'y habituer. Je serais mal placé pour juger qui que ce soit, après tout. » Quiconque l'avait déjà entendu parler de Swann savait combien tout l'amour qu'il lui portait pouvait facilement transparaître dans chacun de ses mots, à tel point qu'il se considérait chanceux qu'on ne lui fasse pas plus souvent de remarque à ce sujet.

Ce déjeuner professionnel lui semblait aussi être l'occasion idéale pour faire part à Scarlett d'un projet qui lui tenait à cœur et qui pour une fois n'englobait pas un film ou une production télévisée. « Oh. » Et il mentirait s'il prétendait qu'il n'avait pas anticipé que la nouvelle puisse la surprendre, et même probablement la dérouter quelques peu. Parce que faire la couverture d'un magazine tel que Out, ça n'était jamais tout à fait anodin et ça la jeune femme était bien placée pour le savoir. « Je suis surprise, tu me disais à l’instant que tu voulais peu mentionner ta vie privée en interview, et qu’être en couple avec un homme était un détail anecdotique. La couverture d’Out, c’est mettre cela en avant, faire de ça l’inverse d’un détail. » - « Je sais bien, oui. » Et il comprenait sans mal que ça puisse être inattendu à plus d'un titre, sachant combien il avait toujours veillé à en partager le moins possible au sujet de sa vie personnelle, y compris de sa bisexualité qu'il avait principalement évoqué sur instagram et parce que c'était encore sur sa propre plateforme qu'il se sentait le plus à l'aise de le faire, là où personne ne pouvait déformer ses propos. « Pourquoi as-tu envie de faire leur couverture ? » Il pouvait percevoir que tout ça la laissait perplexe et probablement qu'il l'aurait été lui aussi à sa place, après tout son rôle était de faire entendre lorsqu'elle jugeait une idée potentiellement périlleuse et celle-ci réunissait pas mal d'éléments pour que ce soit le cas, Rory était lucide à ce sujet. « Ma bisexualité, je l'assume depuis des années sans m'être jamais vraiment exprimé sur ce que ça symbolisait vraiment, or depuis mon mariage je reçois beaucoup de messages de jeunes personnes queer qui se disent inspirées par mon parcours ou qui me demandent conseil. Et je me dis que ce serait quelque chose de fort, de pouvoir faire cette couverture et contribuer à mon niveau à ce que la représentation de la communauté LGBTQ+ dans les médias continue à avancer dans le bon sens. Notamment la représentation bisexuelle, qui reste encore tabou et stigmatisée. » Ils savaient tous les deux que beaucoup souffraient encore aujourd'hui des clichés qu'on associait parfois aux personnes bisexuelles, et le fait qu'il ait été assez chanceux pour en souffrir moindrement pour sa part ne l'empêchait pas de vouloir contribuer à ce que les mentalités évoluent.

« Tu n’es pas inquiet d’être étiquetté comme “l’acteur bisexuel” ? » Il s'attendait à cette question et n'en voulait évidemment pas à Scarlett de la lui poser. Elle faisait son boulot, pensait à tout ce que dont Rory ne tenait pas forcément compte, parce que son point de vue sur la question était forcément plus objectif et avisé. « J'en sais rien, je crois que ça m'aurait effrayé il y a quelques années mais qu'aujourd'hui je suis à un stade de ma carrière où je crains un peu moins d'être « typecasté » à cause de ça, même si je sais que le risque existe toujours. » Parce qu'il avait gagné une certaine influence au gré de ses projets, qu'il connaissait certains des pièges à éviter, qu'il s'était entouré de personnes de confiance et qu'il faisait progressivement en sorte d'avoir un droit de regard plus important sur ses futurs projets. La production, c'était aussi un moyen d'avoir son mot à dire sur certains d'entre eux. « J'ai toujours été quelqu'un de plutôt secret et je compte le rester. Protéger Swann et Robin, ce sera toujours ma priorité, ici j'ai juste envie de porter les valeurs qui me tiennent à cœur et pour ça je me dis que je pourrais peut être me confier sur mon expérience. » Sur ce qui lui avait valu de parfois se heurter à la discrimination et aux aprioris, mais aussi à la bienveillance et à l'ouverture d'esprit. « J'aimerais trouver un juste milieu entre la pudeur que je veux conserver au sujet de ma famille, et mon envie de m'ouvrir un peu plus sur ce que c'est aujourd'hui, d'être un acteur bisexuel qui peut assumer son mariage avec un homme et malgré tout faire le métier qu'il aime, là où c'était impossible pour beaucoup à une époque. » Il avait eu la chance de naître à une époque où l'autocensure n'était plus systématique dans ce genre de milieux, et pourtant les tabous étaient encore nombreux et certains préféraient taire ce genre de choses pour se laisser les meilleures chances de rafler des rôles dans des projets importants. Rory était lui aussi passé par là, à l'époque où on lui conseillait de ne pas crier sa bisexualité sur tous les toits, juste au cas où. « Je sais pas si quelqu'un a besoin de l'entendre, j'ai pas la prétention de croire que ça changera la face du monde, mais je sais que quinze ans plus tôt, quand j'avais pas vraiment grand monde à qui m'identifier lorsque je me posais des questions sur ma sexualité, ça aurait fait une différence si j'avais eu ce genre de revue entre les mains. » Et pourtant, il considérait avoir eu de la chance, ayant été accepté par sa famille et son entourage, assez en tout cas pour que ce ne soit pas un vrai problème. « Je sais que tu dois trouver ça risqué, mais est-ce que d'un point de vue professionnel tu trouverais cette idée vraiment mauvaise ? Ça a déjà nui à des carrières, d'après ton expérience ? » Il le lui avait dit, il n'avait pas la prétention de faire bouger les choses à un large niveau, tout ce qu'il voulait c'était utiliser sa notoriété et son image à des fins qui avaient un sens à ses yeux. Et si ça pouvait permettre de guider une ou deux personnes au passage, il considérerait déjà que c'était une victoire.

« On est déjà forcés d'accepter que notre vie privée nous appartient jamais totalement, quand on se lance dans ce genre de carrière, mais cette exposition nous place aussi en première ligne face aux critiques quand on ose assumer une orientation sexuelle que certains considèrent encore comme n'étant pas « la norme. »» Scarlett hoche la tête, parce qu’elle a assez fréquenté de personnes publiques pour connaître ces difficutés. Et s’il est vrai que la plupart des acteurs ont généralement des égos immenses et un besoin d’être toujours au centre de l’attention, il est aussi vrai qu’ils s’en mordent souvent les doigts quand cela leur arrive finalement. Pudique comme elle, Scarlett n’imagine pas comment elle supporterait une telle vie, mais elle n’est pas non plus du genre à avoir de la compassion et de la peine pour les célébrités : elles ont fait leur choix, connaissaient les risques du métier. Encore aujourd’hui, Scarlett se demande comment quelqu’un comme Swann a pu accepter de se mettre avec Rory, quitte à subir tout ce cirque médiatique - cirque médiatique qui paie les factures de Scarlett, certes - lui qui est si privé, comme elle. Elle est persuadée que si elle lui demandait, il répondrait quelque chose de sentimental et niais comme “parce que j’aime Rory” et elle a envie de lever les yeux au ciel rien que d’y penser. Elle trouve cela insupportable, même si elle doit bien avouer devant Rory que son mari touche le soft spot de beaucoup de personnes. « J'ai appris à m'y habituer. Je serais mal placé pour juger qui que ce soit, après tout. » Elle eut un sourire en coin, et un discret signe de tête pour approuver. Elle ne peut pas avouer à voix haute ce qu’elle ressent pour Swann, elle-même trop occupée à noyer sa loyauté collante et mélancolique qu’elle déteste.

Mais le sujet de la relation amoureuse de Rory continue d’être mise sur le tapis, alors qu’il mentionne Out Magazine, et son désir d’en faire la couverture, prenant de court Scarlett et son habituelle capacité à tout anticiper. Mais avant de se brusquer, elle se recompose, et interroge Rory, curieuse d’essayer de comprendre ce qui le motive - pour mieux le décourager, peut-être, ou mieux ré-orienter son choix en lui proposant autre chose qui satisferait son envie d’apparemment parler de ce sujet. « Ma bisexualité, je l'assume depuis des années sans m'être jamais vraiment exprimé sur ce que ça symbolisait vraiment, or depuis mon mariage je reçois beaucoup de messages de jeunes personnes queer qui se disent inspirées par mon parcours ou qui me demandent conseil. Et je me dis que ce serait quelque chose de fort, de pouvoir faire cette couverture et contribuer à mon niveau à ce que la représentation de la communauté LGBTQ+ dans les médias continue à avancer dans le bon sens. Notamment la représentation bisexuelle, qui reste encore tabou et stigmatisée. » Elle écoute, concentrée, un peu agacée au fond, elle qui n’a jamais compris ce besoin des personnes queer d’avoir des “modèles”, de faire de leur orientation sexuelle un tel sujet. Elle a l’impression que sa propre orientation sexuelle est l’une des choses les moins intéressantes chez elle, un véritable détail, et elle préférerait qu’il en soit de même pour les autres. « J’entends ce que tu dis, mais ce n’est pas non plus forcément ta responsabilité de devenir un modèle pour les autres », elle souligne, sans jugement, mais avec l’objectivité qu’elle se considère avoir.

Elle a du mal à comprendre comment Rory, qui semblait vouloir être si privé, change ainsi son fusil d’épaule. Elle continue de le questionner, pour essayer de mieux saisir, notamment  pour savoir s’il ne craint pas de se mettre une étiquette. « J'en sais rien, je crois que ça m'aurait effrayé il y a quelques années mais qu'aujourd'hui je suis à un stade de ma carrière où je crains un peu moins d'être « typecasté » à cause de ça, même si je sais que le risque existe toujours. » Le risque existe plus que jamais, mais elle ne le réplique pas. Pas encore. Elle laisse Rory continuer à s’exprimer, elle perçoit que c’est un sujet important pour lui. « J'ai toujours été quelqu'un de plutôt secret et je compte le rester. Protéger Swann et Robin, ce sera toujours ma priorité, ici j'ai juste envie de porter les valeurs qui me tiennent à cœur et pour ça je me dis que je pourrais peut être me confier sur mon expérience. » Scarlett écoute, son cerveau calculant déjà à toute vitesse ce qu’elle pourrait proposer à Rory comme alternative pour qu’il puisse y trouver son compte sur ce fameux besoin de porter ses valeurs - une demande de plus en plus présente à la fois chez les célébrités, mais aussi de leurs fandoms, bien sûr, même si la réalité est ensuite beaucoup plus complexe que ce que les champions de la justice sociale s’imaginent. « J'aimerais trouver un juste milieu entre la pudeur que je veux conserver au sujet de ma famille, et mon envie de m'ouvrir un peu plus sur ce que c'est aujourd'hui, d'être un acteur bisexuel qui peut assumer son mariage avec un homme et malgré tout faire le métier qu'il aime, là où c'était impossible pour beaucoup à une époque. » Il veut être ce qu’il n’a pas vu, gamin, et Scarlett pourrait presque le comprendre, si elle n’avait pas grandi avec l’idée que la représentation n’était qu’un leurre, qu’elle ne verrait jamais quelqu’un comme elle - qui a grandi dans un quartier pourri, avec une mère pourrie et une vie pourrie - et que ça ne servait à rien d’attendre, que ça ne changerait rien. La société voudrait toujours des perdants et des gagnants, des normes, des inspirations, et il valait mieux s’hisser en haut et l’assumer.

« Je sais pas si quelqu'un a besoin de l'entendre, j'ai pas la prétention de croire que ça changera la face du monde, mais je sais que quinze ans plus tôt, quand j'avais pas vraiment grand monde à qui m'identifier lorsque je me posais des questions sur ma sexualité, ça aurait fait une différence si j'avais eu ce genre de revue entre les mains. » Elle se retient de pincer les lèvres, et ose glisser : « Ça risque de changer des choses pour toi, en tout cas, c’est certain. » Elle ne l’a pas dit méchamment, mais Rory est aussi là pour avoir son opinion professionnelle, et Scarlett n’est pas connue pour être particulièrement gentille ou naïve. « Je sais que tu dois trouver ça risqué, mais est-ce que d'un point de vue professionnel tu trouverais cette idée vraiment mauvaise ? Ça a déjà nui à des carrières, d'après ton expérience ? » Il lui donne la parole, et la marge de manoeuvre de Scarlett est délicate. Heureusement, elle est habituée - et c’est aussi ça qui fait d’elle la business woman avec une telle réputation aujourd’hui. « Il y a deux volets à prendre en compte : le grand public et l’industrie. Pour ce qui est du grand public, évidemment que les choses bougent aujourd’hui, et qu’une partie des fans demande aussi aux célébrités qu’ils aiment de porter certaines valeurs… Mais ce n’est malheureusement pas encore le cas de tout le monde. Au contraire. Il suffit de voir le push-back que recoivent énormément de marques qui s’affichent publiquement avec des influenceurs queers », elle ne les listera pas, consciente déjà qu’elle s’apprête à jeter un froid sur le repas en parlant d’homophobie de façon aussi franche. « Aujourd’hui, tu as encore le luxe d’être out, mais sans que cela se sache “trop” », elle dit en formant des guillemets avec des doigts, « et certaines personnes qui aiment ton travail ne savent même pas que tu es bisexuel. Certaines personnes peuvent aussi préférer que tu sois bisexuel sans “avoir le besoin de le crier sur tous les toits” », elle refait des guillemets, pour appuyer que ce ne sont pas ses propos. « Encore aujourd’hui, une grande frange de la population est plus tolérante, mais surtout si ce n’est pas trop voyant. » C’est une réalité simple, bien qu’acide pour certaines personnes. « Tu risquerais donc de t’aliéner du partie du grand public. Et quant à l’industrie… Elle a beaucoup de retard, et ce qui est affiché publiquement versus ce qui se passe en coulisses, ce sont deux choses bien différentes… Il suffit de regarder le mouvement me too. Oui, officiellement, ce n’est plus bien vu d’être sexiste. Mais les abuseurs sont encore embauchés et protégés. » Elle fait un signe de tête à Rory, l’air de dire : pas besoin de te faire un dessin, toi plus que n’importe qui peut le comprendre. « C’est pareil pour l’homosexualité. Non seulement tu t’exposerais à beaucoup d’homophobie plus ou moins discrète, mais également beaucoup de studios pourraient être frileux si tu étais trop marketé comme queer, car cela risquerait t’entacher ton potentiel de leading man et surtout de love interest pour un public féminin. » Elle inspire, mais continue malgré le visage de Rory qui s’allonge à chaque phrase qu’elle prononce. « Il suffit de regarder les grands acteurs d’Hollywood de ces dernières années : DiCaprio, Clooney, Pitt, Cooper, De Niro, Hanks, etc, etc. Officiellement, ils sont tous hétérosexuels. Si tu veux mon avis, statistiquement, c’est impossible. Mais ils savent maintenir une image qui sert leur carrière. » Et du reste… « A l’inverse, beaucoup d’acteurs gays se retrouvent typcastés, ou pire, les rôles de personnages queers sont offerts à des acteurs hétérosexuels à qui on donnera des oscars pour les féliciter d’une performance incroyable », elle soupire, sincèrement agacée par cette situation. « J’entends ton besoin de porter tes valeurs et de t’investir pour ça, je le respecte. Mais en tant que ta chargée de pr, je te conseillerais plutôt vers une façon de t’investir différente : des dons financiers à des associations, voire de l’activisme plus discret sur le terrain auprès de personnes concernées, plutôt qu’une façon qui t’expose plus publiquement. Mais au bout du compte, la décision est évidemment la tienne. »



@Rory Craine