Les fêtes avaient été inhabituellement joyeuses cette année-là, alors que Brisbane avait subi tout début décembre une tempête d’un quasi sans précédent. Peut-être était-ce dû à l’élan de solidarité qui avait suivi pour aider toutes les familles de la ville qui s’étaient retrouvées sans logement, ou dont le logement avait été très endommagé. Lucas s’était rendu très disponible, aidant là où il le pouvait. Le soir du réveillon, avant d’aller dîner chez les Anderson, il avait d’ailleurs donné de son temps pour les enfants de l’hôpital de Brisbane. Ayant été patient de l’établissement pendant plusieurs semaines, il se sentait redevable auprès de l’institution. Et quoi de mieux que de jouer les pères-noël, le temps d’une soirée ? Vêtu d'un costume rouge et blanc étincelant, une barbe blanche parfaitement ajustée et un sac rempli de cadeaux soigneusement emballés, Lucas avait donc joué le jeu pour les enfants hospitalisés. Cette visite surprise du grand-père préféré des petits australiens avait égayé les visages des jeunes patients confrontés à des moments difficiles, ainsi que ceux de leurs parents. En entrant dans le hall de l’hôpital cette soirée-là, il avait été accueilli par des regards émerveillés et des sourires timides. Les enfants, certains alités et d'autres entourés de proches, étaient ravis de voir le Père Noël faire cette apparition  tant attendue. L’ancien pompier s’était alors mis à distribuer des cadeaux avec une joie contagieuse, faisant briller les yeux des petits (et des grands, allons bon). Certains enfants avait posé timidement des questions sur les rennes et le Pôle Nord, tandis que d'autres lui avaient partagé leurs souhaits les plus chers. Il avait écouté attentivement, répondant avec des histoires joyeuses et des rires qui résonnaient dans les couloirs de l'hôpital. Les infirmières et le personnel médical, touchés, ont bien sûr remercié chaudement Lucas - euh, pardon, le Père Noël - d’avoir réussi à créer un moment magique au milieu des défis et des épreuves de la maladie. À la fin de sa visite, Lucas avait quitté l'hôpital avec le cœur léger et le sentiment d'avoir contribué à répandre un peu de magie de Noël là où elle était le plus nécessaire. Tout le monde en avait bénéficié, et à sa grande surprise, c’est certainement à lui, que cela avait fait le plus de bien.
Et le voici, une dizaine de jours plus tard, prêt à remettre son costume de Père-Noël. Pas au sens littéral, cette fois, mais auprès d’une certaine écrivaine blonde, pour qui il avait effectivement un cadeau. Il s’était donné rendez-vous chez lui, avant de partir pour un lien que Lucas avait tenu à garder secret, pour garder la surprise jusqu’au bout. Greta a sonné à sa porte, encore intriguée par leur échange de messages quelques jours plus tôt, ce qui évidemment, amuse beaucoup l’ancien pompier. Jazz, lui aussi, est du voyage aujourd’hui, tout excité de participer à cette sortie du jour. Après avoir roulé une dizaine de minutes, ils sont enfin rendus au R.S.P.C.A. Shelter. Lucas gare la voiture, avant de se tourner vers la blonde. Il sort de sa poche un bandeau, que Greta regarde, en fronçant les sourcils. « Je te promets que c’est pas un truc bizarre. C’est juste pour garder la surprise un peu plus longtemps. Tu me fais confiance ? », demande-t-il à l’écrivaine. Une fois son accord obtenu, le trentenaire noue le morceau de tissu à l’arrière de sa tête et vérifie qu’elle ne voit plus rien. Il l’aide à sortir de la voiture, et ils font quelques pas, jusqu’aux locaux du refuge, où Lucas saluent quelques bénévoles. Il leur confie Jazz, estimant qu’il est peut-être plus prudent qu’ils soient seuls pour ce qui allait arriver. Il guide Greta dans les couloirs de l’association, jusque’à ce qu’ils arrivent devant un box, avec une porte vitrée. Derrière la vitre, un adorable jeune beauceron, noir et marron, les attend en remuant la queue. Un petit panneau affiche le nom de l’animal - Storm -, avec une petite note juste en-dessous "parrainé par Greta Moore". « T’es prête ? », demande Lucas à la jolie blonde, qui commence sérieusement à s’impatienter avec toute cette mise en scène. Il défait le noeud du bandeau, qui tombe sur son épaule droite. Il ne peut pas voir son visage, mais il peut aisément imaginer l’émotion qu’elle affiche. « Joyeux noël, looseuse. », dit-il, sourire aux lèvres.

@Greta Moore

Les périodes de Noël avaient eu, comme chaque année, leurs lots de surprises et Greta les avait affrontées avec la tête déjà emplie de plusieurs problèmes à résoudre. Retrouver son Angleterre natale et les Sighbury n’avait évidemment pas participé à apaiser ses doutes alors que les questions avaient fusé - il avait suffi d’une photo sur instagram pour que ses retrouvailles avec Arthur deviennent notoires. Ce n’était pas une discussion qu’elle était prête à avoir alors qu’elle ne savait pas elle-même ce que tout cela sous-entendait et pourtant, cela valait toujours mieux que les reproches sur son départ, son nom d’emprunt ou son désintérêt pour la mode. La blonde avait la chance de ne pas attendre les vacances tant son activité - ou plutôt sa position d’héritière - lui permettait une grande liberté et c’était la seule chose qui la consolait d’avoir vu cette période de fête gâchée par des obligations familiales dont elle se serait passé. Pour rester à Brisbane et trouver du réconfort ailleurs. Pourtant, même en Australie, les choses ne s’étaient pas passées comme elle l’aurait souhaité et elle avait commencé l’année de la même façon qu’elle s’était terminée : tourmentée par les addictions de ses proches. Les nouvelles qu’elle avait reçues de Lucas l’avait donc rassurée parce qu’il semblait aller bien, malgré tout, et savoir qu’il avait passé une période de fêtes plus heureuse qu’elle apaiser une partie de sa culpabilité.

Les indications données par Lucas pour lui donner son cadeau étaient étranges mais elle avait écouté les consignes, s’habillant d’un bas de jogging vintage et des sneakers pour le rejoindre. « Je te promets que c’est pas un truc bizarre. C’est juste pour garder la surprise un peu plus longtemps. Tu me fais confiance ? » Le rire qu’elle avait laissé s’échapper était tantôt amusé, tantôt empli d’une certaine nervosité. Il y avait quelque chose de déroutant dans la façon dont Lucas continuait les efforts, quelque chose qui empêchait Greta de retrouver totalement leur amitié et de se délester du poids de la culpabilité. « Je te fais confiance. » avait-elle répondu parce que c’était au moins ce qu’elle pouvait lui accorder. Ils avaient fait quelques pas et Greta s’était laissée guider en devenant extrêmement maladroite avec ce bandeau qui lui cachait la vue. Le moment était amusant et l’anticipation et le stress de découvrir ce que Lucas lui avait préparé lui faisait presque oublier la raison principale qui lui nouait encore l’estomac. Les yeux bandés, les autres sens de Greta s’étaient mis en alerte et elle entendait des jappements ou des miaulements qui ne laissaient que peu de doute quant à l’endroit où ils se trouvaient. « T’es prête ? » La tête de la blonde avait bougé rapidement de haut en bas, comme un enfant l’aurait fait en étant bien trop impatient de déballer son cadeau de Noël. C’était exactement le cas ici, Greta ayant gardé son âme d’enfant et n’ayant jamais été reconnue pour sa patience. « Joyeux noël, looseuse. » avait-il lancé au même moment où ses yeux se réhabituaient doucement à la lumière du jour. La première chose qu’elle avait faite avait été de regarder autour d’elle pour constater différentes grilles derrière lesquelles des chiens tous différents attendaient sagement. Sa première réaction avait été de perdre son sourire devant un spectacle aussi peu réjouissant puis elle avait enfin pris conscience du sens de toute cette mise en scène. « Un parrainage ? Oh non mais Lucas c’est du génie, merci ! » avait-elle lancé en retrouvant un large sourire et en prenant Lucas dans ses bras, par réflexe, sans penser aux difficultés avec lesquelles ils luttaient encore. Pour casser la gêne, elle s’était agenouillée pour observer l’animal qui agitait joyeusement la queue en les voyant s’arrêter là, probablement dans l’espoir de les voir l’adopter. « Je vais jamais réussir à me faire à l’idée de devoir le laisser là… Avoue que c’est un piège ? » D’en bas, elle avait lancé un regard faussement sévère à Lucas et ils avaient fini par s’échanger un regard et un sourire tristes.  « Storm ? Il vient d’arriver ? » avait-elle demandé en constatant la coïncidence entre le nom du beauceron et les récents événements. Ses yeux étaient humides alors qu’elle ne pouvait pas réellement contrôler ses émotions auprès des chiens.

Malgré un calme de surface, Lucas a été bien impatient tout le long de leur trajet jusqu’au refuge. Il savait que la surprise qu’il avait prévu pour la blonde allait déclencher chez elle une forte émotion et il n’en pouvait plus d’attendre. Leurs derniers échanges n’avaient pas été des plus joyeux et il avait très envie de revivre avec elle des moments plus légers et heureux. Il aurait pu s’éviter de lui demander si elle était prête et lui enlever toute de suite le bandeau de fortune qui lui couvrait les yeux mais il aimait l’idée de profiter encore quelques instants de cette impatience qu’ils partageaient, elle et lui. Il met fin au suspens dès qu’elle lui donne son accord et la laisse s’adapter à la lumière ambiante. Évidemment, il l’a emmenée ici pour donner de l’amour à un petit animal qui en a bien besoin mais tous ses congénères, eux aussi enfermés dans des cages, le mériteraient tout autant. Il voit dans le regard de Greta qu’elle pense à la même chose que lui, comme en témoigne le triste sourire qu’affiche son visage. Toutefois, la tristesse cède sa place à la joie lorsque l’écrivaine prend conscience de l’écriteau affiché en face d’elle et la jeune femme se retourne vers le pompier pour l’enlacer. Il ne réagit pas tout de suite, surpris, avant de lui rendre son étreinte. Lucas sait que ses gestes de tendresse entre eux vont certainement se faire rare et il tâche à ne pas trop s’attarder, ne pas trop s’y attacher. Par chance, Greta finit par s’accroupir à hauteur du jeune chien qui semble aussi impatient qu’eux de les rencontrer. Enfin, de la rencontrer surtout, puisque ce n’est pas la première fois que Lucas vient voir Storm. À vrai dire, c’est lui qui l’a confié aux bénévoles pendant la tempête. Il avait trouvé la pauvre bête, recroquevillée sous un amas de branches, trempée jusqu’aux os et effrayée. L’ancien pompier esquisse un sourire triste en entendant la blonde l’accuser à demi-mot de lui avoir tendu un piège. « Tu sais que je suis contre l’idée d’offrir des animaux… Alors un parrainage, ça me semblait être davantage envisageable. Te connaissant, je sais qu’il ne sera pas ici tout seul souvent et que tu viendras lui rendre visite dès que tu le pourras, jusqu’à ce qu'il trouve une famille qui l’aimera et qui s’occupera bien de lui. », répond-il. Le refuge avait besoin de bénévoles après la tempête et le parrainage leur apportait une aide précieuse dans cette période post-tempête. De toutes façons, même si Greta ne pouvait pas se rendre aussi disponible qu’il l'avait imaginé, Lucas prendrait le relais. « Et oui. C’est moi qui l’ai trouvé pendant la tempête, mort de peur et frigorifié. Bon, j'avoue pour le nom, je me suis pas trop foulé… », explique-t-il à la blonde qui se questionne sur l'histoire du petit Storm. Il remarque ses yeux humides ; évidemment, c'était à prévoir. « Si tu pleures maintenant, qu’est-ce qu’il va se passer quand je vais ouvrir la porte ? », la taquine-t-il gentiment. Il joint le geste à sa parole, enfonçant la clé dans la serrure, avant d’ouvrir. Le jeune chien sort alors en trombe, pour se jeter dans les bras de l’écrivaine, bien trop heureux. L’animal vient alors lécher ses joues, comme pour sécher ses larmes, ce qui attendrit Lucas. Il s’accroupit à leur niveau, avant de caresser doucement le chien entre les deux oreilles. « Hé, Storm. Doucement. Tu m’as déjà oublié ? », proteste-t-il. Le beauceron semble visiblement se rappeler le visage de son sauveur et vient lui faire la fête à son tour, déclenchant le rire du pompier. « Ah, quand même. J’ai eu peur. On va se balader ? », demande-t-il, en lançant un regard impatient à Greta, toujours très émue de sa rencontre avec le jeune animal. Il lui tend sa main pour l'aider à se relever, avant de se diriger vers l’accueil du refuge afin d'y récupérer une laisse, un collier et un balle. Le complexe étant bordé par une grande forêt, les promenades étaient facilement envisageable. Lucas ramène également Jazz, ravi d’être de la partie, en compagnie d’un nouvel ami. Au bout de quelques minutes, le quatuor s’enfonce dans la forêt, redevenue paisible après le passage de la tempête. Certains sentiers sont un peu accidentés, mais l’essentiel reste totalement praticable. Le calme et le contact de la nature semble apaiser tout le monde. « Alors ? Remise de tes émotions ? », demande alors Lucas avec un sourire à la blonde, faisant référence aux quelques larmes qui avaient coulé un peu plus tôt au refuge. Il la taquine gentiment, mais en réalité, il avait le coeur aussi serré que le sien.

@Greta Moore

Ce n’était pas de l’arrogance que de ne pas être une amatrice des surprises, simplement un mécanisme de défense lié à la définition qu’en avait l’élite. Difficile de ne pas penser à l’anniversaire de ses dix-huit ans où sa fête n’était en fait qu’une vaste mascarade ayant pour unique but de présenter une nouvelle robe sur Greta. La crainte qu’elle ressentait vis à vis de la surprise de Lucas n’était pas la même qu’à l’époque, cependant, elle avait assez confiance en lui - surtout après que celui-ci l’est tiré d’affaire lors d’une soirée bien trop arrosée - pour savoir qu’il ne prévoirait rien qui puisse la mettre mal à l’aise. Ses doutes se portaient sur autre chose, sur ce sentiment qu’il continuait à faire des efforts pour tenter de sauver ce que la blonde avait noyé dans l'œuf. Elle avait décidé de chasser cette idée de son esprit pour se concentrer sur le moment qui n’était finalement peut-être rien de plus qu’un moment de complicité entre amis. Après tout, ils devaient tout reprendre depuis le début sur ce terrain là. A peine le bandeau retiré, il avait été aisé de comprendre ce qu’était réellement la surprise et Greta était partagée entre diverses émotions et cette ambivalence devenait presque une habitude chez elle. « Tu sais que je suis contre l’idée d’offrir des animaux… Alors un parrainage, ça me semblait être davantage envisageable. Te connaissant, je sais qu’il ne sera pas ici tout seul souvent et que tu viendras lui rendre visite dès que tu le pourras, jusqu’à ce qu'il trouve une famille qui l’aimera et qui s’occupera bien de lui. » Bien sûr, Lucas connaissait l’implication de la jeune femme dans la cause animale mais il connaissait aussi la façon dont son rythme de vie qui ne collait pas avec la possibilité d’avoir un chien la contrariait. Mais elle ne lui en voulait pas parce qu’il aurait fallu être une personne extrêmement mauvaise pour lui en vouloir à ce moment précis. A la place, elle s’était accroupie pour mieux observer le beauceron dont le regard en disait long sur son caractère et alors qu’il semblait sonder son âme, les larmes avaient gagné ses yeux. « Et oui. C’est moi qui l’ai trouvé pendant la tempête, mort de peur et frigorifié. Bon, j'avoue pour le nom, je me suis pas trop foulé… » Elle s’était tournée vers Lucas. « Merci pour lui. » avait-elle répondu en lui adressant un sourire, c’était de cette façon qu’il était encore un héros à ses yeux.  « Si tu pleures maintenant, qu’est-ce qu’il va se passer quand je vais ouvrir la porte ? » Greta avait laissé s’échapper un léger rire avant d’essuyer les larmes qui perlaient sur ses joues juste avant que le jeune chien ne sorte de sa cage. Une liberté qu’il avait savourée immédiatement, innondant l’écrivaine d’une vague d’amour. « Doucement, doucement, bientôt tu pourras plus faire ça ! » Ses mains avaient entouré la tête de l’animal et un sourire immense avait gagné son visage : le beauceron deviendrait bientôt bien trop grand pour ce genre d’effusion. « Hé, Storm. Doucement. Tu m’as déjà oublié ? » Greta s’était relevée pour regarder Storm saluer son sauveur comme il le devait. « Ah, quand même. J’ai eu peur. On va se balader ? » Ils étaient sortis tous les trois et avaient récupéré Jazz et Greta se sentait bien. « Alors ? Remise de tes émotions ? » avait finalement demandé Lucas alors qu’ils avaient fait quelques pas dans la forêt des alentours. « On va dire que oui. Ça fait du bien de vivre ce genre de moments normaux. » avait-elle confirmé en faisant référence à la façon dont sa vie avait été chamboulée parce qu’elle était à nouveau ressortie de l’anonymat. Un court laps de temps assaillie par les journalistes lui avait fait à nouveau prendre conscience de la chance qu’elle avait de pouvoir profiter de ce moment en tant qu’anonyme. Jazz et Storm s’amusaient à se provoquer alors qu’elle tenait la laisse et des rires ponctuaient la discussion. « C’est toi qui va devoir l’adopter, regarde comment ils s’entendent ces deux-là ! » Un rapide regard suppliant à Lucas avant que celui-ci ne balaye la demande en un haussement de sourcils. « Comment tu vas, toi ? Tu vas continuer à faire le héros ou tu vas chercher des pistes sérieuses pour une nouvelle carrière ? » Ses bras s’étaient croisés sur sa poitrine, ce moment permettant également à Greta de se mettre à jour sur la vie de son ami.

L’air de la forêt, le calme de la nature ont un effet particulièrement apaisant sur Lucas, qui ne s’était pas rendu compte qu’une nervosité sourde s’était installée dans son estomac. Heureusement, Jazz et Storm étaient un sujet de conversation tout trouvé pour ne pas laisser de malaise entre lui et l’écrivaine s’installer. Et la blonde semblait réellement heureuse de prendre part à cette balade, loin de l’agitation de sa vie quotidienne. « J’imagine. Les paparazzi te collent toujours aux basques ? », demande Lucas, un poil inquiet. Il sait bien que Greta sait se débrouiller toute seule mais l’acharnement des journalistes pouvait aussi être très pesant. Leurs regards se portent à nouveau sur les deux chiens qui profitent de leur promenade avec le plus grand des plaisirs, occasionnant une remarque de l’Anglaise sur la possibilité que Lucas adopte aussi Storm. Il hausse les sourcils, avant de sourire. « J’aimerais bien, mais Jazz me prend déjà toute mon énergie. » Bien sûr, il y avait déjà réfléchi et adopté un jeune chiot, avec l’engagement que cela impliquait en termes d’éducation, n’était pas forcément la meilleure des choses à faire, compte tenu de sa situation. Greta change ensuite de sujet, lui demandant s’il allait bien et ce qu’il comptait faire. Il se penche pour se saisir d’un bâton au sol, avant de lancer au loin. « Ça va. », finit-il par dire, après avoir hésité un instant. Il ne pouvait pas dire grand chose de plus, car il avait connu bien pire. Il observe Jazz courir après le bâton qu’il a lancé, Storm à ses trousses, lui arrachant un sourire. « J’avoue que j’ai hésité pendant un moment à me coudre un costume de super-héros. Genre Batman, tu vois ? », plaisante-t-il, pour détendre l’atmosphère. Il n’était pas orphelin, ni plein aux as, alors la comparaison était plutôt hors-sujet, mais il aimait cette idée d’être un sauveur dans l’ombre. Lorsqu’il était pompier, les remerciements lui réchauffaient le coeur mais le mettaient aussi parfois mal à l’aise. Tout ce qu’il faisait lui semblait si ordinaire, si normal. « Plus sérieusement, non, je n’ai pas trop réfléchi, j’avoue. Tu sais que je bossais dans un disquaire quand j’étais plus jeune ? Parfois, ça me manque. J’aimerais bien en ouvrir un. », répond-il à la question posée plus tôt. La musique était certainement la deuxième chose qui le faisait vibrer, dans la vie, alors pourquoi ne pas lier l’utile à l’agréable ? Ouvrir un disquaire semblait aussi être une activité largement compatible avec sa nouvelle condition physique - mais il allait devoir faire confirmer ça par Swann. Pour autant, trouver une nouvelle voie n’était pas la chose la plus haute sur la liste des priorités dans la vie de Lucas. « Mais j’ai une priorité plus importante. », finit-il par dire à la blonde. S’il devait bien en parler à quelqu’un en premier, c’était à elle. « Je vais arrêter. Je vais me sevrer définitivement. J’attends le nouvel an, histoire de me dire que ça va faire partie de mes bonnes résolutions. » Et aussi parce qu’il est effrayé à l’idée, mais ça, c’est une autre histoire. « Et quand ça, ça sera fait, je réfléchirai sérieusement à quoi faire de ma vie. » Une chose à la fois, chaque jour suffit sa peine. Il se répétait ça en boucle, pour garder le cap. « Et toi ? Comment tu vois la suite maintenant que tout le monde sait que tu es une Sighbury ? »

@Greta Moore

« J’imagine. Les paparazzi te collent toujours aux basques ? » La discussion semblait bien plus légère au milieu des jappements joyeux des deux chiens qui s’entendaient trop bien pour que Greta ne voit pas là une opportunité.  « J’aimerais bien, mais Jazz me prend déjà toute mon énergie. » Elle avait levé le menton pour simple réponse parce qu’elle ressentait une pointe de culpabilité à l’idée de ne pas avoir anticipé à quel point Lucas n’avait pas besoin d’une chose supplémentaire à gérer. Puisqu’il semblait avoir ouvert la voie, Greta avait posé cette question qui ne pouvait pas être retenue trop longtemps : qu’allait-il devenir ? La blonde s’inquiétait, sans cesse, de le voir trouver du réconfort uniquement dans les médicaments alors qu’à la souffrance physique s’ajoutait la peine mentale que ressentait son ami face à sa carrière brisée. Il avait d’ailleurs aidé, pendant la tempête, mettant probablement en péril ses chances de guérison. « Ça va. » La réponse était bien trop brève pour décrire une situation aussi compliquée que la sienne mais elle le laissait parler à son rythme, réalisant qu’il chassait les tensions à l’aide d’un bâton lancé aux chiens. « J’avoue que j’ai hésité pendant un moment à me coudre un costume de super-héros. Genre Batman, tu vois ? » Le visage de Greta s’était tourné vers lui avec un sourire légèrement triste, la plaisanterie aurait été bien plus adaptée si elle n’était pas au courant de la situation dans laquelle il se trouvait. Lucas avait compris, et avait poursuivi.  « Plus sérieusement, non, je n’ai pas trop réfléchi, j’avoue. Tu sais que je bossais dans un disquaire quand j’étais plus jeune ? Parfois, ça me manque. J’aimerais bien en ouvrir un. » L’idée était concrète et sonnait comme la lumière au bout du tunnel. « Je peux comprendre l’envie de retrouver un peu de normalité et je trouve l’idée très cool » avait-elle répondu en tournant son visage pour lui adresser un sourire sincère. Elle cherchait la normalité après avoir fui l’élite londonienne, lui avait besoin de normalité après avoir vu son rêve d’être un héros se briser devant ses yeux impuissants. Ils étaient similaires, Lucas et Greta ayant toujours eu beaucoup de points communs malgré leurs apparentes vies opposées. L’idée qu’ils se comprennent encore la rassurait, comme si cela était la promesse de voir leur amitié renaître pour de bon.

Un moment simple, que Greta ne s’était pas accordé depuis quelques temps et qui lui faisait du bien. A lui aussi, probablement, parce que Lucas avait poursuivi ses confidences. « Mais j’ai une priorité plus importante. » avait-il continué, faisant naître une pointe d’espoir chez elle. « Je vais arrêter. Je vais me sevrer définitivement. J’attends le nouvel an, histoire de me dire que ça va faire partie de mes bonnes résolutions. » Difficile de l’entendre reléguer cette priorité aux titres de bonnes résolutions, mais il s’agissait d’un début. « Et quand ça, ça sera fait, je réfléchirai sérieusement à quoi faire de ma vie. » « T’as raison sur un point, c’est que tu pourras rien faire de concret avant d’être complètement clean. » avait-elle commencé, se focalisant sur la cadence de ses pas pour dédramatiser la discussion. « Mais faut que t’aies conscience que c’est pas une résolution aussi simple à tenir que se mettre à lire ou arrêter de manger entre les repas, Lucas. » Oh les pincettes qu’elle prenait pour se forcer à le prévenir - ayant déjà eu des mots similaires avec Arthur par le passé. « Mais si je serai là pour les moments de réussite, je serai aussi là quand ce sera plus difficile. T’as d’autres personnes pour te soutenir ? » Il était probablement mal venu de le questionner sur ce point là, mais son inquiétude était plus que sincère. « Et toi ? Comment tu vois la suite maintenant que tout le monde sait que tu es une Sighbury ? » « J’en sais trop rien… » Elle aussi devait renoncer à son rêve, mais cette discussion avec Lucas lui faiait réaliser à quel point elle n’était pas légitime à se plaindre. Lui avait vécu un réel calvaire, parce qu’après avoir bâti sa carrière de pompier, c’était un accident de parcours qui l’obligeait maintenant à trouver une autre voie. Greta pouvait continuer à écrire, et ce même si elle s’évertuait à ressentir une certaine amertume à l’idée de ne jamais réussir à prouver ce qu’elle valait au-delà du nom de famille. « Je vais continuer à écrire parce que c’est la seule chose qui me paraît logique dans tout ça. Et puis, tu sais, je pense que je porte bien mieux le nom de Moore que celui de Sighbury. » avait-elle ajouté en riant et en levant sa jambe gauche pour mettre en avant ses sneakers couvertes de boue. Bien sûr qu’elle pesait ses mots et évitait au maximum de se plaindre à ses côtés.

La confidence est plutôt solennelle, comme s’il annonçait qu’il allait se marier. Il essaie de se montrer confiant auprès de la blonde, alors qu’en réalité, il est effrayé. Les tentatives de se sevrer par le passé s’étaient toutes soldées par un échec - même s’il a considérablement réduit sa consommation d’antidouleurs ces derniers mois. L’idée de devoir dire adieu à cette béquille chimique le terrifiait. Mais il savait que c’était nécessaire pour qu’il puisse avancer, entreprendre de nouveaux projets sérieusement. Et Greta semble tout à fait d’accord avec lui. Il ne peut retenir un rire amer lorsque l’écrivaine le met toutefois en garde sur la facilité de la chose à mettre en oeuvre. « Oui, je suis au courant. », répond-il, sans animosité. Il se souvient des sueurs froides, des tremblements, à Londres l'été dernier lors de la visite rendue à son frère. Ce court sevrage forcé ne lui avait donné qu’un bref aperçu de ce qu’il allait subir d’ici quelques semaines. Il observe au loin Jazz et Storm se disputer gentiment le bout de bois qu’il a lancé plus tôt. « Mais si je serai là pour les moments de réussite, je serai aussi là quand ce sera plus difficile. T’as d’autres personnes pour te soutenir ? » Lucas sourit, même si ce sourire n’est pas des plus sincères. Il sait que Greta est honnête, mais dans les faits… Il sait qu’il ne se sentirait pas capable de lui demander son aide. Même si les choses se sont améliorés entre eux dernièrement, quelque chose semble s’être définitivement brisé entre eux et il ne sait pas si cette chose pouvait être réparée en l’état. Il se garde bien d’en faire la remarque à voix haute, préférant se concentrer sur la question qu’elle lui a posé. « Et bien… Alex pourra m’aider, j’imagine. Elle a connu des choses similaires. », commence Lucas tout en restant assez évasif. Il n’aimait pas spécialement parler au nom d’autres personnes et dévoiler le passé de sa cousine dans les détails n’étaient pas forcément nécessaire. « Je vais à des réunions, aussi. Plusieurs fois par semaine, à vrai dire. » Pourquoi se sentait-il si honteux de lui dire ? Il y voyait un échec, alors qu’il s’agissait là simplement du parcours d’une personne malade pour guérir. Les mains dans les poches, il avance à ses côtés, regardant le bout de ses chaussures. L’ancien pompier estime que c’est le bon moment pour changer de sujet et questionne alors la blonde sur ses projets d’avenir à elle. Elle avait aussi eu ses problèmes à gérer, avec la levée de son anonymat. « Tu sais, t’es pas obligée de te décider tout de suite. C’est bien de prendre du temps pour soi, aussi. », tente-t-il de rassurer Greta, face à son incertitude. Le temps, c’est bien tout ce qu’ils avaient. Impossible de le remonter, de l’arrêter, alors autant en profiter. Sa remarque sur son nom, le rire qui s’échappe de ses lèvres lorsqu’elle lui montre sa chaussure maculée de boue, lui réchauffe le coeur et le transporte plusieurs mois en arrière. Quand tout n’était pas si compliqué. Il ose enfin plonger son regard dans le sien, affrontant la peur d’y rester perdu indéfiniment. « Tu sais, moi… Je crois que je préfère Greta Moore. », finit-il par dire, un peu timide. Il réalise que cette phrase, qu’il voulait être un compliment, pouvait ne pas du tout sonner comme tel. Il soupire, légèrement agacé contre lui-même. Contrairement à la blonde, les mots, ce n’était pas son fort. « Enfin, Greta Sighbury est très cool aussi, hein. C’est juste que… je la connais un peu moins. Tu resteras toujours Greta Moore, à mes yeux. » Une fille simple, intelligente, pétillante et légèrement drama queen sur les bords. La fille qui l'a appelé pour une simple cheville foulée. Celle qui lui a donné envie de se battre. Mais ça, il se garde bien de lui dire.

@Greta Moore