S’il pourrait trouver le temps long pendant que Zoya est retenue par ses obligations à l’autre bout du monde, Mickey est en réalité un homme toujours plus occupé. Pas de Fashion Week ni de voyage tous frais payés à Paris en ce qui le concerne, la gestion de son bar et ses visites d’appartement l’accaparant bien trop pour ne serait-ce que songer à prendre des vacances, ce mot-là ayant quitté son vocabulaire il y a déjà bien longtemps. Il ne passera pas un mois de plus sans toit au-dessus de la tête qui ne soit pas vraiment le sien, qu’importe si la cohabitation avec Vinnie se passe bien mieux qu’il aurait pu le prédire car le constat est le même, ferme et sans appel : Mickey dépend encore de quelqu’un et cette idée ne pourrait pas davantage lui déplaire, bien trop fier pour accepter cette situation plus qu’elle n’a déjà duré – en l'occurrence plusieurs semaines. Un loft en particulier lui a tapé dans l’œil mais le boxeur cherche à mettre toutes les chances de son côté, sollicitant l’avis de sa petite amie mais pas franchement celui de sa famille, une partie d’entre elle ignorant toujours ce qu’il a pu perdre dans la tempête. Si Rachel n’a pas tardé à comprendre que son logement avait été touché, le forçant ainsi à avouer ce qu’il s’était d’abord évertué à cacher, Mickey tient toujours Lashana et Junior à l’écart de sa situation sans que ce ne soit trop compliqué – la première parce qu’elle doit avoir suffisamment de problèmes à gérer pour ne pas y rajouter les siens en admettant même qu’ils l’intéressent, et le second parce qu’il ne trouverait rien de mieux à lui balancer qu’un j’avais encore raison dont Mickey se passera bien. Oui, son dernier logement était aussi minable que Junior avait pu maintes fois le dire et non, il ne lui fera pas le plaisir de l’admettre quand sa seule volonté est à présent de trouver mieux pour que son cadet n’ait plus jamais l’occasion de le regarder de haut. Pas question toutefois de jeter son dévolu sur des murs que la prochaine tempête pulvérisera à nouveau, d’autant plus alors que Mickey envisage cette fois d’y aménager une chambre pour Lola car cette idée lui trotte de plus en plus dans la tête, sans parvenir ni chercher à s’en défaire. Cette année marquera donc aussi le rapprochement entre le père et la fille, et c’est l’autre motivation qu’il trouve en s'apprêtant à visiter le prochain appartement sans même faire le rapprochement avec un certain quartier. L’adresse ne lui évoque rien ou du moins, rien que sa cuite de la veille n’ait pas en partie emporté.

La proximité de cet immeuble avec son bar est également un critère que Mickey considère, car il faudrait être difficile pour oser cracher dessus. Difficile, le boxeur ne peut justement pas trop se permettre de l'être car la question d'un nouveau toit se doit d'être réglée sans tarder, et le prochain mois a même l'interdiction de rimer une nouvelle fois avec galère car décembre et janvier n'étaient déjà pas franchement de son côté. Si son choix n'a pas la garantie d'être fait aujourd'hui, il le sera au moins durant les prochains jours car Mickey ne se laisse aucune autre option, si seulement la visite du jour n'annonçait pas déjà quelques complications. Observant la façade tout en se demandant combien de voisins seront susceptibles de se plaindre de lui, c'est une voix un peu trop familière qui le tire de ses pensées pour le ramener à une confusante réalité. « ... Mickey ? » Sa petite sœur, ici ? La première chose à laquelle il pense est que Lashana a peut-être entendu parler de cet appartement à vendre, mais alors pourquoi en aurait-elle besoin elle aussi ? Ce n'est tout de même pas Rachel qui lui a demandé de garder un œil sur lui, encore moins Junior, et le comble à ses yeux est bien qu'elle soit la première à s'interroger sur sa présence dans le coin. « Pourquoi t'es là? » Fronçant les sourcils, Mickey n'est pas certain de vouloir tout lui dire. Que son studio n'a pas tenu face à la tempête, qu'il loge en attendant chez un type qu'il ne connait ni d’Ève ni d’Adam et qu'en faire un secret était bien plus commode que le contraire, toujours. Rien dont il ne soit particulièrement fier, et c'est bien ce que son regard peut déjà trahir. « Je pourrais te poser la même question, je crois. » Tellement facile de saisir le moindre détour pour tenter de s'en sortir, et tellement indigne aussi du grand frère que Mickey est pourtant censé être. Vraiment, il se demande pourquoi Lashana rôde autour de ces boites aux lettres ? Peut-être parce qu'elle a élu domicile dans cet immeuble bien avant lui et qu'il s'agirait éventuellement de s'en souvenir. « Oh. » Il se pourrait que l'information lui revienne ou du moins, que le boxeur soit déjà un peu plus concentré. Mickey a bel et bien oublié où sa petite sœur pouvait vivre et c'est un peu la honte, s'il se fie aux connexions disposées à s'effectuer dans son esprit. « Merde, c'est vrai. » laisse-t-il échapper, un peu moins convaincu d'un coup que l'appartement pour lequel il s'est déplacé puisse lui convenir. La dernière chose que sa sœur souhaite est sûrement de l'avoir dans les pattes et c'est le point qu'il vient clarifier sans attendre, conscient qu'un tel scénario ne serait pas un cadeau à lui faire. « Je suis pas là pour te surveiller si jamais c'est ce que t'imagines, je rendais simplement visite à un ami. » Et cet ami imaginaire a évidemment bon dos, seule excuse qu'il soit parvenu à trouver quand bien même elle ne semble pas très crédible, pour peu que sa sœur ne connaisse pas en plus tous les habitants de cet immeuble. Car lui, des amis ? Ils ne sont pas nombreux à faire encore partie du paysage de sa vie, et aucun n'est surtout du genre à vivre par ici. « Les messages c’est pas mal pour prendre des nouvelles il parait, mais puisque je suis là. » Et qu’il a aussi tout sauf prévu son coup, ce que sa sœur acceptera ou non de croire. Se raclant la gorge, il finit par ajouter : « Comment tu vas depuis la dernière fois ? » Bien sûr que cette question lui brûle la langue depuis qu'il a remis un certain chèque à Lashana, et bien sûr que sa petite sœur ne s'est pas empressée de revenir vers lui en faisant un usage pour le moins inconnu de cet argent de son côté. Pas de nouvelles, bonnes nouvelles ? Un proverbe qui ne s'applique hélas pas souvent à leur famille.

Bien sûr que non, Mickey ne connait personne d'autre vivant ici et il aurait beau chercher en vitesse un nom dans son esprit, aucun ne sonnerait de façon assez crédible. Par chance, sa petite sœur ne creuse pas vraiment cette histoire et ne s'offusque d'ailleurs pas non plus de son oubli, comme s'il était finalement normal qu'un frère ne se souvienne pas de l'adresse de sa cadette, un manquement de plus sur la (très) longue liste d'ores et déjà à son actif. Et cette fois, l'alcool et la poudre ne sont pas totalement à blâmer quand avant tout, Mickey semble s'être laissé absorber par cette recherche de logement dont il espère bien voir le bout au plus vite. Face à lui, Lashana a plutôt bonne mine mais ce n'est qu'en s'assurant auprès d'elle que ses problèmes ne sont plus ce qu'ils étaient qu'il calmera ses instincts de grand frère, un rôle lui collant malgré tout à la peau. « Je vais bien, mieux depuis la dernière fois. » Et c'est évidemment ce qu'il désirait entendre, incapable de présumer de son côté comment elle peut aller s'il ne vient pas lui-même le vérifier. Communiquer, ces deux-là en sont capables mais aussi sûr que Lashana ne le tient pas informé, ses propres messages se font rares au même titre que ses visites – ces dernières n'ayant presque aucune chance de bien tomber, à moins qu'il soit surtout la dernière personne dont sa sœur souhaite s'encombrer. « Je profite de mon jour de repos pour faire quelques courses, il ne faudrait pas que je meure de faim en plus de tout. » Ce qu’il ne faudrait pas, aussi, c’est que Mickey mette son nez dans son frigo avec l’idée de le remplir, une liberté que le boxeur ne prendra assurément jamais quand bien même l'imaginer ne pas toujours manger à sa faim est un peu trop facile. « C'est bien que tu puisses souffler un peu, ça les tuera pas de se passer de toi une journée. » C'est aussi le signe que Lashana n'en est pas venue à travailler encore plus comme elle l'avait un temps envisagé, avant que Mickey ne reçoive un sympathique coup de fil de son banquier pour un chèque au montant affolant – pas le premier ni le dernier, autant bien se l'avouer. S'est-il seulement donné la peine de répondre à ce qui avait tout l'air d'un avertissement ? C'est un Reeves, la réponse est donc forcément non. « Tu n'as pas besoin de t'inquiéter, ton coup de main m'a vraiment, vraiment aidé. » Il n'avait qu'une seule mission Mickey, alors la prendre au sérieux n'était pas une option. Son sourire modeste sous-entend que ce n'était ni plus ni moins que son utilité en tant que frère, et tant pis si cela fait de lui un porte-monnaie ambulant – il faut bien être quelque chose, dirait-on. « Bon, je vais être sincère, je ne pourrais pas te rembourser tout de suite, mais... » S'il remue déjà la tête, c'est parce qu'elle ne devrait pas s'en faire pour la façon dont cet argent lui reviendra. C'est la famille, ces dettes-là ne comptent pas vraiment et le fait que Mickey soit dans le rouge n'est rien d'autre qu'un détail, un problème pour plus tard. « Cela a fait toute la différence, sincèrement. » Et n'est-ce pas au final l'essentiel ? « Je t'ai déjà dit que rien ne pressait, j'en ai même pas besoin de ce fric. » Vraiment ? Il en aurait bien besoin au contraire mais Lashana n'a pas à savoir dans quelles sombres entreprises son aîné peut tremper pour se permettre d'avoir un nouveau toit au-dessus de la tête, l'argent sale restant après tout de l'argent.

« Et puis ça reste entre nous, non ? » S'ils n'ont officiellement passé aucun marché, Mickey n'aurait rien contre le fait que ce coup de main gagne entre eux le statut de secret. La raison ? Il ne tient pas à ce que son entourage apprenne ce qu'il fait de son argent et à qui il le prête, persuadé qu'il n'échapperait pas à certains commentaires car un père responsable ne gèrerait certainement pas ses finances comme il peut le faire. Et c'est assurément Junior qui y trouverait son mot à dire comme chaque fois que l'occasion de mettre son grain de sel lui est donnée, à tel point que le nommer semble à ce stade plus qu'inutile. « Si on pense aux mêmes personnes, je suis le premier à préférer qu'elles en sachent rien. » il souligne avec un regard suffisamment parlant pour indiquer qu'il fait référence à leur insupportable frère ainsi qu'à leur grand-mère, même s'il se souciera toujours bien plus de ce que la deuxième peut en penser. C'est Rachel, bien sûr que son opinion a le mérite de compter et qu'en comparaison, Junior n'est qu'un rabat-joie que Mickey se donne bien peu la peine d'écouter. Plus sérieux qu'il ne l'aimerait, ce sont des mots à deux doigts d'être prémonitoires qui lui échappent ensuite. « Rachel n’aimerait pas apprendre que tu as des problèmes, et je crois pas me tromper en disant que ni toi ni moi ne voulons l'inquiéter en ce moment. » Oh, il ne soupçonne pas combien ce qu'il dit peut être vrai alors que face à lui, sa petite sœur a sans doute sa propre vision des choses. Inquiéter leur grand-mère n'a jamais été une très bonne chose à faire mais il sait encore dire lorsque celle-ci n'est pas exactement au sommet de sa forme, ou disons plutôt que Mickey ne peut compter que sur son intuition pour le dire quand la principale concernée prétend ne pas savoir de quoi il veut parler. « Si je te dis ça, c'est parce qu'elle m'a l'air de plus en plus fatiguée. Mais impossible d'en discuter avec elle, elle m'assure toujours qu'elle va bien quoi que je dise. » Et donc qu'il ferait bien de revoir son inquiétude à la baisse. En parler à Lashana n'a rien de très naturel alors qu'une part de lui espère peut-être que sa petite sœur lui dira là encore de ne pas s'en faire, car si quelqu'un passe beaucoup de temps avec Rachel c'est bien elle. « Peu importe. » souffle-t-il, son regard balayant ce qui les entoure tout en s'étonnant que Lashana ne lui ait pas (encore) faussé compagnie. « C'est surtout après la tempête que j'aurais dû prendre de tes nouvelles je me rends compte. Tu sais, comme un grand frère l'aurait fait. » Mais il fallait gérer la perte de son studio, l'inscription au programme d'hébergement et sa venue chez Vinnie, les dernières semaines s'étant donc avérées plutôt sportives pour celui qui avait aussi un couple à choyer et un business à faire tourner. « T'étais pas seule, au moins ? » Si elle l'a été, il veut au moins croire qu'elle ne l'est pas tout le temps restée.

Rien ne presse, c'est vrai, et Mickey n'a toujours pas prévu de revenir à la charge pour réclamer à sa petite sœur un argent dont il a intégré qu'il ne reverrait sans doute jamais la couleur. Ce n'était pas un prêt, l'idée n'a pas été de dépanner la benjamine Reeves en se disant que ce fric finirait par lui revenir alors il lui offre un hochement de tête tranquille, pour mieux confirmer ensuite que leur petit marché n'a pas d’intérêt à s'ébruiter au sein des Reeves. Ce qu'il peut faire de son argent ne regarde que lui, et les problèmes de Lashana ne sont pas forcés d'arriver aux oreilles de leur autre frère pour une fois que Mickey détient sur lui un certain privilège. Il est celui qu'elle a sollicité même si son aide aura été exclusivement financière, et il sera aussi celui qui tiendra sa langue quant au peu qu'elle a pu lui confier, ne serait-ce que pour ne pas alarmer leur grand-mère et lui éviter ainsi de nouvelles contrariétés. « Non, je ne veux pas qu'elle s'inquiète pour rien, et puis après toutes ces années, je me dis qu'elle mérite mieux que ça, tu vois ? » Oh, peut-être bien que Mickey le prend personnellement dès lors que la principale source d'inquiétude de Rachel a longtemps été sa capacité à très mal tourner en tant qu'aîné. Il était un enfant impossible à gérer avant d’être cet adulte rattrapé par des démons jamais vraiment semés, alors il endosse en grande partie la responsabilité du souci longtemps causé à la femme qui les a élevés. Lashana a raison, elle mérite de goûter à un semblant de tranquillité et c'est pourquoi Mickey la tient à l'écart de tout ce qui pourrait la tracasser à présent qu'il est en mesure de la protéger. « T'as ma parole qu'elle en saura rien. » Une promesse qui n'est pas formulée à la légère et une discussion que le frère et la sœur garderont donc secrète, et ce peu importe le nombre de chèques qu'il devra signer. Il se fiche par ailleurs de mettre Junior de côté, préférant dans l'immédiat venir aux nouvelles auprès de sa cadette pour s'assurer qu'elle était au moins en sécurité le mois dernier. « Non. Je n'étais pas seule. » – « Bien. » se contente-t-il de souffler, réaliste quant au peu de détails que sa sœur désire glisser ici. Il ne saura de toute évidence pas où elle se trouvait ni avec qui, mais l'essentiel est sûrement qu'elle ait pu compter sur quelqu'un lorsque la tempête a frappé – le tout étant maintenant de contenir au mieux sa curiosité. « Mais tu n'as pas besoin de t'inquiéter pour moi, tu sais... » Il sait, oui. Ce n'est plus vraiment ce qu'on attend de lui après une interminable liste de manquements à son actif et pourtant, Mickey n'en reste pas moins un frère tentant parfois de rattraper un rôle qu'il n'a pas souvent su endosser. Trop tard, doit au fond d'elle penser Lashana. « Réflexe fraternel. » qu’il justifie dans un bref sourire, l'air de dire qu'elle est encore sa petite sœur et que pour cette raison, certaines choses ne changeront pas.

Ce qui ne change pas non plus, c'est ce dialogue toujours aussi compliqué avec Rachel depuis que Mickey lui a fait savoir qu'il la trouvait affaiblie. Plusieurs mois déjà que son état le travaille mais si elle consent à aborder le sujet avec quelqu'un, ce n'est de toute évidence pas avec lui. « Et pour Rachel... Oui, on en a parlé, je crois que ce sont les tâches ménagères et autres qui la fatiguent. Je suis passée ce matin pour faire un peu le ménage et quelques repas, mais... » Il ne peut retenir un soupir face aux mots de Lashana, à la fois rassuré qu'un élément de réponse lui soit donné et résigné de n'obtenir que le silence de leur grand-mère, en comparaison. « Mais elle te parle toujours plus qu'à moi, visiblement. » Ce qu'il ne s'explique pas vraiment, en vérité. Rachel partage beaucoup d'autres choses avec lui mais tout est différent dès qu'il devient question de sa santé, comme si ses craintes n'étaient pas influencées par le fait d'avoir vu leur mère être emportée par la maladie lorsqu’il était hélas assez grand pour s'en souvenir. Ça ne peut évidemment pas être aussi grave, non bien sûr, mais il peut encore entendre que sa grand-mère s'épuise à un âge où ces choses-là sont même plutôt logiques. « Elle est plus toute jeune, je me doute que ça joue beaucoup et c'est même pour ça que j'étais avec elle pendant la tempête. Je voulais pas la savoir seule, surtout. » Il a pris cette décision au détriment de sa fille et de sa petite amie, toutes deux suffisamment entourées pour que Mickey puisse faire de leur grand-mère une priorité. L'idée était de veiller sur elle et il estime l'avoir fait, en plus d'avoir déserté son studio juste à temps pour qu'Olga ne l'emporte pas avec. Plus que jamais, le boxeur a eu du flair. « Faudrait qu'on en parle... pour trouver un truc plus permanent, tu vois ? » Son regard retrouve celui de Lashana tandis qu'il croit lire entre les lignes, car ses mots ont inévitablement le don de le faire réfléchir. « Non pas que ça me dérange de passer ranger et faire à manger sur mes jours de repos. Du tout même. » Il l'entend bien mais pour autant, ce n'est pas sa place. Pas si cela doit lui voler le peu de repos auquel elle a droit car jusqu'à preuve du contraire, ils sont trois à disposer de bras et de jambes pour intervenir à tour de rôle. « On pourrait sinon se relayer pour ça, je peux m'arranger pour passer quand il le faut et puis Junior peut bien faire ça, lui aussi. Compte simplement pas sur moi pour lui en toucher un mot. » Autrement dit : je te laisse gérer ça avec lui car tu sais bien mieux lui parler que moi. Est-ce vraiment la solution permanente à laquelle sa petite sœur pensait ? Sans doute pas, et c'est pourquoi Mickey reprend pour suggérer la suite. « Mais si tu pensais à prendre une aide pour Rachel, j'imagine que c'est possible. C'est sûrement pas donné cela dit, mais j'aime pas me dire qu'elle peut compter sur personne quand on bosse tous les trois. » Ce qui représente quand même un sacré laps de temps chaque jour durant lequel Rachel est potentiellement livrée à elle-même. Certes, elle n'en est pas encore au point de ne plus rien pouvoir entreprendre au quotidien mais elle fatigue, et c'est suffisant pour envisager d'avoir recours à une auxiliaire de vie ou quel que soit le nom à lui donner. « Je crois que j'aurais la conscience plus tranquille, et sûrement que toi aussi. » Là-dessus, il cherche dans les yeux de sa sœur une confirmation silencieuse, tout en se préparant au fait de devoir certainement y mettre le prix.

Lashana ne le contredit pas sur la facilité avec laquelle leur grand-mère semble se confier à elle, quand il a de son côté un peu plus de mal à arracher des confessions à cette dernière. Ce n'est pourtant pas faute de se rendre disponible dès qu'il le peut pour Rachel comme il l'a fait le jour de la tempête, mais autant avouer aussi que Mickey la tient lui-même éloignée d'une grande partie de sa vie et que la doyenne Reeves ne peut pas tellement dire de quelle façon son petit-fils gagne celle-ci aujourd'hui. C'est mieux comme ça dirait-il, ses trafics et le reste n'ayant pas trop intérêt à parvenir aux oreilles de Rachel et c'est tout autant le cas pour Lashana ou pour son frère, qu'il n'hésite pas à inclure dans une possible solution pour veiller sur leur grand-mère tant que cela ne n'oblige pas à en parler au concerné. Ces deux-là sont surtout bons à se bouffer le nez alors se relayer est certainement dans leurs cordes, oui, mais à condition qu'ils n'aient pas non plus à trop souvent se croiser. Et c'est évidemment d'un ridicule sans nom quand on a le même sang et qu'on est censés former une famille, en admettant que quiconque fasse encore le moindre effort pour en honorer la véritable définition – pas Mickey ni Junior, de toute évidence. « Je vais devoir jouer les intermédiaires ? Ne t'inquiète pas, le message est bien passé... un jour je vous enfermerai dans une pièce tous les deux, et je ne reviendrais que l'heure d'après. » Cette idée le crispe déjà par principe alors que Lashana ne l'émet sans doute pas sérieusement, bien trop consciente du service qu'elle ne leur rendrait pas en le faisant. Junior lui taperait sur le système en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire avec son éternelle morale, et Mickey ne serait pas fichu de garder son calme comme un ainé un tant soit peu responsable – son cadet aurait au moins été bien plus cohérent dans ce rôle, et ce quoi qu'il puisse en dire. « Je rigole, bien entendu. » S'il n'en doute pas en l'observant, le boxeur se fend d'un très bref sourire car tendu, il n'a aucun mal à l'être quand une discussion fait mention de leur frère. Ce qu'il se retient de dire, c'est que l'histoire serait réglée en moins d'une heure de son point de vue car personne n'enfermera personne, et aucun dialogue digne de ce nom ne semble également prévu entre Reeves à la fierté exacerbée. Dans cette famille, il est après tout bien connu que la communication est difficile mais trouver un arrangement pour leur grand-mère est encore ce qui peut un minimum les souder, car Rachel s'est bien assez occupé d'eux pour qu'ils n’en fassent pas de même avec elle aujourd’hui. « On n'est pas obligés de décider quoi que ce soit dans l'immédiat, il ne faut pas oublier que notre mamie aime son indépendance. » Et tous les trois savent bien de qui ils tiennent, pour ne pas mentionner aussi le caractère bien trempé de leur défunt père. « C'est pas une Reeves pour rien. » il lui accorde dans un hochement de tête et un sourire sobrement esquissé, prêt à prendre la décision qui s'impose pour alléger tout ce qui devra l'être mais également à laisser le temps à leur grand-mère d'accepter l'idée sans rien lui imposer. « Je vais regarder les prix et commencer à lui en parler, et prendre la température. » Tout indique que Lashana devra effectivement s'y coller car cela rejoint finalement ce qu'il constatait un peu plus tôt : elle est celle que Rachel sait écouter, et donc la mieux placée pour lui faire part de leurs intentions. « Merci de t'en charger Lash'. » C'est peu de le dire, certainement même un peu facile mais c'est important, aussi, de reconnaître à sa sœur qu'elle est celle qui se mouillera pour la fratrie – et encore, il n'imagine pas tout ce qu'elle endosse déjà. « Et t'as raison, c'est pas comme si on était pris par le temps, c'est simplement bien d’y penser je crois. » En s'organisant tous ensemble et sans attendre car décider qu'ils trancheront la question de l'aide à domicile un peu plus tard ne doit pas les empêcher de faire tous les trois leur part.

En clair, ça ne les tuera pas de dégager eux aussi un peu de temps pour Rachel, et il s'engage personnellement à ramener son frère par la peau de fesses si celui-ci prétend que sa foutue carrière l'accapare avant même tout le reste. « Je vais continuer de passer, et je diviserai les jours où je ne peux pas passer entre Junior et toi. » Ce qui revient à lui laisser le plus gros du boulot, il le sait, mais ce n'est pas comme s'il pouvait la raisonner ni même promettre qu'il pourra en faire autant avec la vie qu'il mène. « En faisant en sorte que vous ne vous croisiez pas... » L'allusion le fait aussitôt détourner le regard, pas forcément prêt à regarder la réalité en face : sa petite sœur se retrouve dans une position pas très plaisante par leur faute et rien de tout cela n'est vraiment normal, si seulement Mickey n’avait pas trop d’égo pour admettre qu'il n'est bien souvent pas en reste lorsque son frère le cherche. Deux idiots incapables de s'entendre comme de se comprendre, voilà ce qu'ils sont. « Sens-toi libre de m'appeler quand c'est pas l'idéal pour toi, je me débrouillerai pour être là. » Il aimerait être le premier qu'elle contactera dans un tel cas, bien sûr, mais les choses ne marcheront pas forcément comme ça. Quant à ce sourire que Lashana finit par perdre devant lui, il vaut au boxeur de froncer doucement les sourcils tandis qu'un soupçon de quelque chose semble après ça teinter sa voix. Il ne sait pas exactement quoi, mais il le perçoit. « Elle n'est pas toute seule de toute façon, et on peut bien être là pour elle, non ? » Se retenant d'amorcer un geste un peu trop fraternel, Mickey opte plutôt pour un regard chargé d'appuyer ses prochains dires. « Hey, on est trois alors ça va aller. » Trois à mener leur barque chacun de leur côté, certes, mais trois à se soucier aussi du bien-être de leur grand-mère pour en avoir fait le pilier de leur vie respective. « Et j'aurai aussi bientôt quelqu'un à présenter à Rachel, quelqu'un qui connait bien l'importance de la femme qui m'a élevé. » Quelqu'un qu'elle devrait également beaucoup apprécier si on demande son avis à Mickey, puisqu'il n'imagine pour tout dire pas vraiment le contraire. « Mais ça non plus, ça ne presse pas. » C'est glissé sans volonté de s'étendre sur le sujet dans l'immédiat, simplement pour attester qu'elle n'est pas seule et qu'elle devrait prochainement voir du beau monde s'il concrétise la rencontre promise à sa petite amie il y a quelques mois de cela. La présenter à sa sœur serait aussi une bonne chose, mais quel intérêt porte-t-elle à sa vie amoureuse depuis qu'il a réussi à foutre son mariage en l'air ? Probablement aucun, s'il faut être honnête. « Je pense que je repasserai voir mon ami un autre jour, c'est pas comme s'il m'attendait encore de toute façon. » finit-il par annoncer, et pas comme si Mickey avait véritablement un ami vivant ici, surtout. C'est un appartement qu'il est initialement venu visiter mais autant avouer qu'il n'envisage plus de vivre dans cet immeuble si c'est pour être sur le dos de sa sœur, une impression que sa seule présence ne pourra que créer et une situation bien assez compliquée que le boxeur ne souhaite pas empirer. Il aura l'air malin quand il donnera sa future adresse à Lashana après lui avoir caché que son studio n'a pas tenu face à Olga mais au moins, celle-ci n'en perdra pas sa petite bulle vraisemblablement trouvée dans ce quartier et surtout loin de lui. « T'as sûrement envie de rentrer chez toi, et j'ai pas mal de trucs sur le feu aussi. Mais si ça te dit, on rendra visite à Rachel ensemble la prochaine fois. » Il le propose sans rien graver dans le marbre, et sans même demander à ce que Junior ne soit pas là – une grande première, donc.