15 janvier 2024

Bruit sourd. « Merde ! » Jackson sursaute. Encore à moitié endormi, il passe le bras sous l'oreiller à la recherche de son arme ... qu'il ne trouve pas. Panique. L'agent se redresse vivement, tournant le regard en direction de la porte de la chambre laissée entre-ouverte. Il arrache le drap, fouille, tâtonne puis se souvient qu'il a changé de planque depuis que Marley vit sous son toit. MARLEY !

Jax dresse l'oreille, crispé, convaincu qu'on vient de rentrer par effraction dans sa maison, que quelqu'un est présent au rez-de-chaussée et que l'absence de la métisse à ses côtés est le pire des présages. Son sang se glace. Il croit entendre du bruit dans les escaliers. Un bruit se rapprochant lentement, précautionneusement. Le genre de froissements que les mecs comme lui pourraient faire s'ils cherchaient à surprendre un ennemi endormi ... « Mal ? » Voudrait-il chuchoter. Mais son mutisme ne lui permet pas de savoir si la brune se cache dans le dressing.

Mills entend les battements de son cœur tambouriner contre ses tympans. Lui ont-ils fait du mal ? L'ont-ils assommée ? Il l'imagine par terre, inanimée, avec son gros ventre dans lequel leur fils attend de naître. Vision d'effroi le poussant à s'extraire du lit. Dans le tiroir de la table de chevet, il attrape un poing américain avant de partir se cacher derrière la porte. L'agent n'aura qu'une chance de frapper fort, les bruits de pas sont d'ores et déjà de l'autre côté du battant ...

« Jax ! » L'estomac de Mills effectue un salto arrière tandis qu'il se retient de justesse d'abattre sur elle son poing meurtrier. Surpris par l'entrée de la métisse dans la chambre, Jax sursaute et fait ce qu'il peut pour ne pas avoir l'air d'un fou sur le point de tuer sa compagne parce que l'intime conviction d'être traqué par des terroristes persiste dans son esprit malade. Son langage non verbal est explicite : il se prend la tête entre les mains et lève les yeux au ciel, regardant le plafond d'un air scandalisé. Elle lui a fait peur, putain ! « Ton basketteur pointe le nez plus tôt que prévu... »

C'est les montagnes russes. Mills passe du soulagement de ne pas avoir eu de geste malheureux à la stupéfaction la plus totale. Il articule avec véhémence un « WHAT ? » silencieux. Les yeux écarquillés, il laisse tomber son arme dont la rencontre avec la moquette fait un bruit mat. Puis sa main vient se glisser entre les cuisses de la brune. Marley est plus mouillée qu'elle ne l'a jamais été d'excitation pour lui. Jax se fige. Même dans l'obscurité on peut le voir pâlir subitement. « Merde ! » Ses yeux cherchent après le sac qu'ils ont préparé sur recommandation de la sage-femme. Ça pouvait arriver à tout moment, mais ça n'empêche pas l'agent de perdre tous ses moyens. Le contraste est saisissant entre la machine de guerre qu'il est sur le terrain et le stagiaire maladroit qu'il donne l'impression d'être en courant après sa queue tel un chien fou.

Le sac dans une main, son pantalon dans l'autre, Jackson se rend bien compte qu'il n'est bon à rien. Tout se bouscule dans son esprit. C'est maintenant ! C'est là ! Il arrive ! Son fils est dans les starting-blocks !

Il est prêt, mais il n'est pas prêt.
Il est excité, mais il a peur.
Il sourit, mais il tremble.
Il va être papa.

Le rire de Marley le ramène sur terre en plus de le rassurer. Tout va bien, pas de panique, Lynch gère la perte des eaux et semble suffisamment en forme pour se foutre de sa gueule. Il ne lui en tiens pas rigueur, se met même à ricaner avec elle de sa propre inefficacité.« Respire mon amour. » Jax acquiesce de vives mouvements de tête visant à lui remettre les idées en place. Il doit se ressaisir, se montrer présent et clairvoyant afin d’accompagner la métisse à l’hôpital, de l’épauler dans l’épreuve qui les attend.

Aussi s’exécute-t-il lorsqu’elle lui demande de l’aider. Mills s’empare de la robe, l’apporte jusqu’au lit sur lequel Marley accuse le coup. Les coups. Ceux de Mzee impatient de sortir. Jax tâche de ne plus se laisser parasiter par les images d’Alien de Ridley Scott et toutes ces conneries qu’Hollywood lui a fourré dans le crâne à l’âge où se masturber devant la télé était l’un de ses passe-temps favoris. Aujourd’hui, il s’apprête à devenir père. Ses petits soldats ont fait un sacré bout de chemin ! « Il arrive. » Le murmure de Marley lui hérisse le poil. Mills contient son excitation. Délicatement, il passe une main sous le dos de sa compagne et l’aide à se redresser.  « Laisse-moi faire » Demande-t-il d’un regard appuyé, tandis que ses gestes de se font plus précautionneux que d’habitude. L’agent ne manipule pas le corps de la maquilleuse comme il manipule ses armes à feu. Il caresse. Il chérit et, quand Marley est enfin recouverte de sa robe de grossesse, il insiste pour les porter, elle et son fils, jusqu’au rez-de-chaussée. D’un signe du menton, Jax indique à Lynch d’attraper les clés lorsqu’ils se retrouvent dans le hall, face au mur sur lequel sont suspendus leurs différents trousseau.

Tout va si vite. Quelques jours plutôt, l’agent finissait à peine d’installer le siège bébé à l’arrière de la Jeep. Aujourd’hui, il met le contact direction l’hôpital et sait qu’à son retour, un bébé remplira le vide de la banquette arrière dans le rétroviseur …


Les sage-femme ont entrainé Marley dans une chambre afin de la préparer à l’accouchement. Le médecin a été averti, il passera bientôt. En attendant toute une équipe s’occupe de répondre aux questions et d’organiser la chose. Puisqu’il prenait de la place et semblait incommoder son monde, Mills s’est mis en tête de passer à la cafétéria de l’hôpital. L’agent souhaite ramener des livres à la future maman. En chemin, il croise bon nombre de membres du personnel soignant appartenant à RUN FOR JUDY dont Isaak qu’il salue comme un frère. On s’étonne de ne toujours pas l’entendre parler, mais les sourires de l’agent valent plus que de long discours. Il en profite pour avertir Mickey et laisser à Judy un message sur répondeur. La gamine n’est pas la à cette heure, mais il sait qu’elle sera la première à venir les féliciter quand Marley et lui seront passés du statut de duo à celui de trio.

À peine a-t-il franchi le pas de la porte que Marley lui demande un smoothie à la fraise. Jax s’immobilise, les bras remplis de toutes sortes de snacks excepté celui-ci. Il baisse les yeux sur les cookies, les sandwichs, les barres de céréales, les fruits, la viande fumée, les pots de crème glacée. Lynch lui en a fait voir de toutes les couleurs en matière de nourriture depuis son retour de mission mais l’agent n’a pas songé à lui ramener quelque chose de liquide. Il envisage sérieusement de rebrousser chemin et de partir en quête du dernier caprice en date de la métisse lorsque cette dernière montre tout à coup des signes de douleur. Leur fils la maltraite. Cela suffit à le dissuader de s’absenter encore. Le téléphone dans la poche arrière de son jean contient les messages de Mickey. La soutenir, mais lui laisser de l’espace. Il décide d’appliquer les conseils de son cousin en s’asseyant sagement aux côtés de Marley après avoir déposé à portée de main le stock de nourriture.

« Embrasse-moi… » Il entend dans les inflexions de la brune une forme d’appréhension qu’il partage sans pour autant être capable de l’exprimer. Mills est prisonnier de son mutisme. Il se penche en direction de la maquilleuse, l’embrasse calmement puis tire jusqu’à lui le sac dans lequel il a fourré à la hâte l’ardoise magique leur servant de support de communication. Rapidement, il dessine une poche de morphine suspendu à un trépied. Le même genre de perfusion que les gamins de pédiatrie trainent derrière eux dans les couloirs lors des activités organisées par l’association. Il ajoute un point d’interrogation.

Si Marley a mal, Jax peut demander une péridurale. Pas besoin qu’elle se retrouve, tels ses compagnons d’armes, à endurer blessures et souffrance sur le terrain. Ils ont ici la chance d’être en territoire allié, entourés d’une équipe bienveillante et compétente. Sa main caressant les cheveux de la brune se veut rassurante : tout ira bien.

Jackson presse le bouton d'appel du service de garde. Un infirmier se présente bien vite à leur porte, prêt à brancher Marley à sa poche d'anesthésiant. La réaction de la brune le ferait probablement fait rire s'il ne s'agissait pas d'un évènement aussi important aux yeux de Mills que la naissance de leur enfant. L'agent ne souhaite pas que les choses tournent mal. Il ne souhaite pas que Marley s'évanouisse de douleur ni qu'elle ressorte de cette chambre d'accouchement complétement traumatisée par l'expérience. Leur couple a son lot de traumas. Jax y est pour beaucoup et représente à lui seul plus des deux tiers des enjeux de santé mentale de leur binôme, mais cela ne l'empêche pas de vouloir limiter la casse tant que possible. Si Marley n'avait pas fini par accepter d'elle-même face à son regard moralisateur, sûrement qu'il aurait essayé de négocier avec le staff pour la droguer à son insu. Mais il n'a pas à aller jusque-là et regarde la métisse se laisser faire, soulagé de la savoir déchargée de la douleur ...

Les heures qui suivent sont calmes. Peu après le lever du soleil, l'agent reçoit un texto de Judy. Il l'invite à le rejoindre en lui communiquant le numéro de la chambre puis laisse quelques instants Marley seule et endormie pour saluer la gamine sur le pas de la porte. Un échange rapide, sans mots, seulement constitué d'une étreinte émue et de l'habituel ébouriffage de cheveux de la part de l'adulte envers celle qui n'est plus tout à fait une enfant. Avant que Sofia ne parte en voyage humanitaire, l'agent a eu le temps d'apprendre de la kiné que ses doutes étaient bel et bien fondés : Judy n'est plus vierge. S'il s'est d'abord mis dans une colère épouvantable, Jax a fini par prendre sur lui et accepter l'idée que sa petite protégée devient une femme. Tout comme Marley devient une mère. Taquin, il mime avec des gestes grossiers un acte de pénétration puis dessine un ventre rond au-dessus de ses abdominaux de soldat surentrainé. " Tu sais c'qui t'attend si t'oublies la capote ", voilà ce que veut dire l'indexe qu'il secoue sous son nez en guise d'avertissement. Judy lui frappe l'épaule et lui souhaite de s'évanouir face au cordon ombilical. Il feint d'être vexé, mais retourne dans la chambre le visage fendu d'un sourire espiègle.

Main dans celle de Marley, Mills regarde passer les heures jusqu'à ce que, tout à coup, tout s'accélère : « Le travail a commencé, c'est pour maintenant. » Il écarquille les yeux, aussi surpris que Marley par cette annonce. « Ne me laisse pas ! » La détresse de la brune est palpable. Jackson redresse les épaules, réflexe instinctif des gars sur lesquels on peut compter dans l'adversité. « Quand je vous le dirai, vous pousserez. » Il capte le regard de sa compagne et comprend qu'elle est en train de freezer. Mal freeze comme Jax a déjà vu certains de ses collègues piller net face à des cadavres ou des menaces imminentes. Il resserre l'étreinte de ses doigts autour de ceux de la métisse et vient coller son front au sien, poussant doucement contre sa tête pour la faire réagir, répondre par une tension musculaire dans son cou afin de ne pas se faire complétement repoussée dans l'oreiller. Mills cherche à créer de la contraction, puisque c'est bien ce qu'on lui demande, non ? Soudain, il prend une grande inspiration, se met en apnée et accentue la pression de sa tête contre celle de la brune. Jax donne l'exemple. Elle n'a qu'à lui rendre la monnaie de sa pièce et tout ira bien. Après tout, elle l'a déjà mis K.O une fois sur le ring.

« Le travail a commencé, c'est pour maintenant. » Il écarquille les yeux, aussi surpris que Marley par cette annonce. Elle inspire, il inspire. Elle serre les dents, il les serre aussi. Elle souffle, il souffle. Jax vit d'accouchement en miroir, le visage à proximité de celui de Marley, tout son corps tendu aussi bien par le fait de la voir agoniser de douleur que pas l'excitation ressentie. Physiquement, il est inquiet et totalement dédié à la cause de la mère. Mentalement, une part de son esprit focalise sur son enfant. « Je vois la tête. » La délivrance est imminente. Il flotte dans l'air un courant électrique étrangement similaire à celui des derniers tours de piste, quand la ligne d'arrivée se rapproche et qu'il faut trouver la ressource pour accélérer. Mais la course que soutient Marley n'est pas le genre de sprint dans lequel l'agent excelle aux entraînements. Voilà des heures qu'elle est allongée sur ce lit d'hôpital. La naissance de leur fils est un marathon entamé 9 mois plus tôt. À l'heure de voir apparaître le fruit de leur amour, les moments clé de la dernière année défilent dans l'esprit de Mills. Marley pleure tandis que Sydney se rappelle à lui. Ils trinquaient au champagne dans la chambre d'hôtel en parlant de leurs projets d'avenir, de son souhait de devenir père, de l'hypothèse qu'elle puisse - peut-être, un jour - être la mère de ses enfants.

« Il respire ? Dîtes-moi que tout va bien ? » Les cris d'Mzee de sortent de sa transe. Jackson sue à grosses gouttes, les mains ravagées des griffures de Marley. Il tourne la tête puis il le voit. Premier regard. Coup de foudre. Son fils hurle de toutes ses forces, pendus par les pieds dans les mains du médecin qui bien vite le place en position horizontale. « Le papa veut couper le cordon ? » Le regard de l'agent navigue entre la paire de ciseaux chirurgicale et le tube organique bleuâtre rattachant le bébé à sa mère. Fébrile, il tend le bras et s'empare de l'instrument ...

Alors Daddy, costaud ou pas ? a écrit:

WIN : Des tripes et des boyaux, Jax en a déjà vu. Ce cordon biscornu ne lui fait ni chaud ni froid parce qu'il représente la vie aussi bien que l'espoir, là où ses souvenirs de mission sont tous peuplés de mort et de cadavres mutilés. Il coupe l'organe sans hésiter, le regard hypnotisé par l'enfant qu'on enroule dans une couverture pour le lui tendre. Le crâne du petit ressemble à un raisin contre ses gros biceps. Mills se courbe sur son fils, le cœur empli d'une joie intense. « Salut Mzee. » Il parle. C'est une renaissance.

SO CLOSE : Bien qu'hésitant, Jax parvient à couper le cordon. Mzee lui est transféré par la sage-femme tandis que des larmes de joies inarrêtables coulent en silence le long de ses joues. Mills alterne entre sourires rayonnants et grimaces de sanglots. Tenir la preuve de sa paternité au creux de ses bras provoque en son for intérieur une tempête bringuebalant l'agent d'un extrême à l'autre de la gamme des émotions. Hébété, il se rapproche de Marley sur le front de laquelle il dépose un baiser d'une tendresse et d'une affection palpable. Il lui dit merci et fond littéralement lorsque la main du petit se pose sur la joue de Lynch. Ça y est, ils sont trois désormais.

LOSE : La main de Jackson tremble d'émotion. Il est surpris par texture étonnamment caoutchouteuse du cordon qui résiste à sa première tentative de le couper net. Mills s'apprête à insister pour en venir à bout quand la pression des mains de l'accoucheur sur le ventre de Marley lui offre une vision d'horreur à laquelle il ne s'attendait pas. Le médecin expulse le placenta. L'agent voit sortir de l'un de ses refuges préférés, de cette place dans laquelle il aime se perdre en jouissance insouciante, une poche infâme. Alien ressemble à un film pour enfants à côté de cette horreur. Arrivera-t-il jamais à oublier cette vision cauchemardesque ? Seul l'avenir nous le dira : Jax tourne de l'œil, rattrapé de justesse par le personnel soignant qui le replace sur son siège et s'occupe d'en finir avec le cordon. En quelques secondes, le bébé est placé sur la poitrine de Marley pour un premier contact peau à peau réconfortant.