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ft @Nina Craine  

Ils avaient une tradition, qui en était devenue une simplement parce qu’ils s’étaient rendus au même endroit, encore et encore. Leurs horaires coïncidaient parce qu’au moment où Nina quittait l’hôpital, Diego avait lui une heure à tuer avant de s’y rendre pour ses consultations. Il pouvait se rendre dans son bureau avant, pour revoir les dossiers des patients avant de les recevoir mais la vérité était qu’il connaissait chaque cas pratiquement par cœur en passant déjà une partie de ses soirées à les relire pour s’assurer de donner le plus de chance possible à un dénouement positif. Se rendre sur place plus tôt n’aurait eu aucune utilité si ce n’était celle de le rapprocher toujours un peu plus du point de non retour. Peut-être que Nina avait su anticiper ce besoin pour lui de décompresser et que c’était la raison qui l’avait poussée à lui écrire pour s’assurer qu'ils prendraient leur petit-déjeuner dans ce petit café où ils étaient maintenant connus. Il était situé à un angle stratégique, juste à côté de l’hôpital, et nombreux étaient les médecins qui y prenaient des cafés à emporter mais Nina et Diego était probablement les seuls à venir ausi régulièrement, chaque semaine, pour parler de tout et de rien autour de ce qui constituait un dîner pour elle, un petit-déjeuner pour elle. Bien sûr qu’il avait confirmé, il était de toute façon habitué à se lever tôt et cet écart dans sa routine de la semaine était plus que bénéfique. Il connaissait l’irrégularité des horaires de son amie, qui ne pouvait décemment pas quitter le bloc lorsque cela lui chantait, et il savait qu’aller l’attendre devant l’hôpital signifierait probablement de passer de longues minutes seul, mais il s’en fichait.

Nina était sortie, la mine contrariée, haussant les sourcils en levant les paumes devant sa poitrine comme pour s’excuser de ne pas avoir été à l’heure. « T’en fais pas, ça fait pas si longtemps que j’attends. » avait-il lancé sans même lui laisser le temps de parler, mettant un point d’honneur à ce que ce moment se passe le mieux possible. Ce n’était pas totalement vrai, mais la demie-heure adossé au bâtiment était passée en un claquement de doigt : il avait pris le temps de regarder le fourmillement des passants et avait même discuté avec quelques collègues. Un sourire s’était dessiné sur son visage lorsqu’elle avait passé les portes automatiques mais ils avaient encore en tête la dispute concernant Ruben, et si lui savait que les efforts qu’il avait tenté de faire s’était soldé par ce qui ressemblait à un échec, Nina n’avait pas besoin de connaître ces détails là. « Tout s’est bien passé au bloc ? » Cette question était aussi un rituel, il aimait prendre la température en la posant. Diego était présent pour la rassurer si la réponse était négative, et pour la regarder avec cette fierté dans le regard dans le cas inverse. Passant sa main autour de ses épaules comme pour lui assurer qu’elle pourrait se reposer sur lui pendant cette heure qui leur était accordée, Diego avait pris la direction du café dont la clochette avait retenti gaiement lorsqu’ils y étaient entrés. « Je démarre la journée avec un rendez-vous important donc j'ai pile une heure, mais ça va le faire. On prend comme d'habitude ? » Leur commande ne changeait jamais, comme si l'envie de s'éloigner de la routine n'était finalement pas si présente que cela.

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@"DIEGO GUTIERREZ" & NINA

« Non. » Elle vit le regard interloquer de l’interne qui cherchait à l’interpeller depuis le haut du couloir. Habituellement, elle aurait été la première à se diriger vers un nouveau dossier, mais pas aujourd’hui. « Ma garde, c’est terminé y’a trois quarts d’heure, je m’en vais ! » Ce n’était pas de ses habitudes, mais Diego l’attendait sûrement depuis plusieurs minutes et Nina avait besoin de sortir prendre l’air, se changer les idées après cette nuit qui fut un peu trop mouvementée à son goût. Elle ne rechignait jamais contre un peu d’action, mais son opération semblait tenir sur un maigre fil et rester à observer les constantes de son patient n’allait rien changer à la situation. Elle avait besoin de manger et surtout de boire un litre de café pour venir à bout de ce mal de crâne qui semblait lui coller aux basques depuis des heures. « À demain, Docteur Craine. » Un sourire se dessina sur ses lèvres malgré la fatigue qui paraissait gagner chaque centimètre carré de son corps alors qu’elle se dirigeait d’un pas déterminé vers la sortie. En traversant les urgences, et comme un signe alors qu’elle venait de repasser son alliance à son doigt, elle aperçut les boucles si familières de son mari au loin, un simple regard échangé, agrémenter d’un sourire qui l’apaisa plus que tout le reste. Il entamait sa journée, elle venait de terminer la sienne. Ils se retrouveront ce soir, elle avait un jour de repos le lendemain.

Et dehors, Diego l’attendait, adosser à un mur de l’enceinte. Elle lui adressa un léger sourire en guise d’excuse, elle savait qu’il était toujours en avance et qu’elle ne pouvait jamais respecter ses horaires dès lors qu’elle se trouvait de garde. « T’en fais pas, ça fait pas si longtemps que j’attends. » Il voulait lisser les choses, ce n’était pas son genre. « Pas de remarques acerbes ? T’es malade Gutiérrez ? » Elle eut un léger rire avant de se dresser sur la pointe de ses converses usées par le temps pour venir déposer ses lèvres sur sa joue. Pour se rattraper de la gifle de la dernière fois. Ou quelque chose comme ça. Si on lui demande, elle ne l’avouera jamais ainsi. « Tout s’est bien passé au bloc ? » Un soupir lui échappa. « Mon patient est toujours vivant. » C’était la conclusion qui l’aidait à garder un brin d’optimisme pour ce petit garçon. « Je sais pas s’il va tenir la journée. » Et Diego savait, a quel point cela pouvait être compliqué. On leur répétait sans cesse de ne pas s’attacher, de garder une certaine distance, mais il y avait toujours une brèche dans cette armure qu’ils s’étaient construite au fil de leurs études.

Le dinner les accueillis dans une douce odeur de bacon frit et de café frais, tout ce qu’il fallait pour l’aider à se détendre. Nina se glissa dans le carré qui était le leur depuis qu’ils avaient pris l’habitude de se retrouver pour des petits-déjeuners comme celui-ci. « Je démarre la journée avec un rendez-vous important donc j'ai pile une heure, mais ça va le faire. On prend comme d'habitude ? » - « Hm hm. » Elle n’avait pas besoin de jeter un œil à la carte ou même de lui répéter ce qu’elle voulait, Diego connaissait sa commande par cœur. « Et du café surtout, beaucoup de café. » Et comme si on l’avait entendu, la serveuse s’approchait d’eux avec deux tasses et une cafetière remplie du liquide noir. Enroulant ses doigts autour de la tasse, Nina releva son regard vers son ami. Avec la fatigue, elle ne saurait vraiment dire quand ils avaient pris le temps de se retrouver de cette manière. Une chose est sûre, elle avait quelque chose à lui annoncer, malgré les tensions à ce sujet. Mais pas de suite. Elle avait besoin de cinq minutes et de s’enquérir de son état à lui. « Important à quel point le rendez-vous ? » Est-ce qu’il allait devoir annoncer une mauvaise nouvelle pour démarrer sa journée ?

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ft @Nina Craine  

Les traits fatigués de Nina se dissimulaient derrière ses mèches de cheveux blonds mais ils avaient été assez visibles aux yeux de Diego pour que celui-ci adapte son ton à la situation. « Pas de remarques acerbes ? T’es malade Gutiérrez ? » « Non mais je me méfie de toi maintenant. » Et il avait fait mine d’esquiver un coup avant de rire de sa propre plaisanterie. Le geste de Nina ne serait pas oublié de si tôt mais ils avaient assez misé dans leur amitié pour être capable d’en rire. Diego avait rapidement repris son sérieux et après avoir accueilli le baiser sur la joue de son amie, l’avait questionné sur sa journée de travail. « Mon patient est toujours vivant. » Cette phrase semblait positive mais, entre médecins, ils ne connaissaient que trop bien les énormes sous-entendus qu’elle pouvait contenir et Diego avait grimacé et l’avait laissé poursuivre. « Je sais pas s’il va tenir la journée. » Leurs qualités de médecins ne suffisaient malheureusement pas à sauver chacun de leurs patients et ils devenaient parfois de simples témoins impuissants. Un monde fataliste dans lequel le mexicain avait de plus en plus de mal à évoluer, et s’il réussissait à être un peu plus détaché devant les histoires de patients qui n’étaient pas les siens, le parallèle se faisait tout de même dans son esprit. « Tu veux en parler ? » avait-il demandé malgré tout, parce que Nina avait parfois été un mentor pour lui et s’il glissait ses doutes ici et là auprès de sa famille, il n’en serait pas de même avec elle. Le choix était le sien, Diego était tout à fait disposé à écouter Nina discuter en détail de son patient, mais elle était toujours celle qui décidait ou non de s’épancher sur le sujet. Tantôt extrêmement impliquée et désireuse d’extérioriser ce qu’il s’était passé au bloc, tantôt encline à balayer sa journée de travail d’un revers de la main. De son côté, Diego agissait de même et il savait s'accommoder à toutes les humeurs de Nina - c’était du moins ce qu’il avait cru jusqu’à ce que ses agissements avec Ruben ne changent la donne.

Installés à table, la familiarité du moment avait permis à Diego de se détendre presque instantanément. « Hm hm. » Un signe de tête de la part du médecin avait suffi à ce que la serveuse note rapidement leur commande habituelle sur son carnet et l’envoie en cuisine. « Et du café surtout, beaucoup de café. » Ils gardaient parfois leur blouse pour venir ici et la plupart des clients travaillaient à l’hôpital alors le personnel du lieu était aux petits soins, comme cette serveuse qui était arrivée avec le café à peine s’étaient-ils assis. « Important à quel point le rendez-vous ? » Il n’aurait pas su comment prendre le temps de trouver ses mots sans laisser peser tout le poids de son désarroi alors leurs oeufs brouillés et leurs avocado toast aviaent été servis au meilleur moment. Il avait adressé un sourire à la serveuse avant de prendre un temps bien plus long que nécessaire pour disposer sa tasse de café et ses couverts devant lui sur la table. Il avait regagné les yeux de Nina pour répondre à sa question. « Une entrée en hospitalisation, j’avais déjà évoqué la possibilité aux parents mais ça rend pas la chose plus facile. » Il y avait ce moment où ils apprenaient la maladie de leur enfant puis cette attente de savoir s’il serait traité comme un patient externe ou non. Différentes étapes que la famille Gutiérrez avait connues. « Enfin tu connais, le challenge ça va être de pas laisser les parents transmettre leur stress à leur gosse. » Il avait levé les yeux au ciel avant de rire pour évacuer sa nervosité car la situation n’était absolument pas risible. Les mécanismes de défense des employés de l’hôpital étaient nombreux et ils avaient tous appris à ne plus leur accorder d’importance. « Alors tu vois, j’aurais largement préféré rester ici à enchaîner les lattes mais que veux-tu, hin ? » Il lui avait adressé un sourire avant d’avaler une bouchée de son toast. Ses yeux avait parcouru la pièce avant de se poser sur son amie et sans qu’il ne le réalise, ils s’étaient posés sur un détail bien trop flagrant pour qu’il réussisse à dissimuler le rapide écarquillement de ses yeux. Diego s’était raclé la gorge avant de porter sa tasse de café à ses lèvres, son regard fixant Nina par-dessus. « Jolie bague. » avait-il lancé négligemment, gardant encore l’espoir qu’il ne s’agisse que de la même bague de fiançailles. Rien de plus. Parce que s’il s’agissait de plus, il aurait forcément été au courant.

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@"DIEGO GUTIERREZ" & NINA

« Non mais je me méfie de toi maintenant. » Elle le vit feindre d’esquiver un coup et ne put s’empêcher de lever les yeux au ciel. Il allait en parler encore longtemps ? Ce n’était qu’une fois, elle n’avait pas l’intention de le violenter, cela n’avait jamais été de son genre. « C’était une mauvaise journée. » Elle l’affirmait une fois encore, pour la bonne cause. Nina n’était pas du genre à s’excuser pour ce qu’elle estimait être juste. Jamais. Diego paraissait, pourtant, vouloir jouer avec ses limites. Ils n’avaient pas toujours la même vision des choses, mais elle l’estime assez pour ne pas voir leur amitié se ternir sur un geste isolé. L’embrassade qu’elle lui accorda se voulait signe de paix, jamais prononcer, mais emplie d’une véritable sincérité. Et à la seconde question de Diego, la dynamique qui a toujours caractérisé leur relation, se voyait renaître des flammes.  « Tu veux en parler ? » Elle eut une seconde d’hésitation. Ce n’était pas la première fois qu’il lui offrait une oreille attentive. Elle avait souvent saisi la perche et la réciproque se voulait tout aussi égale, mais aujourd’hui Nina se sentait épuisée. « C’est gentil, mais non. » Il saura, il va comprendre, dès qu’elle trouvera les mots pour décrire les choses. « Faut que j’arrête d’y penser pour… » Elle agita ses mains de manière désordonnées. « Tu sais, prendre le recul, pour revenir dessus avec l’esprit clair. » Parfois, à trop se trouver la tête dans le guidon, il était bien plus complexe de trouver d’autres solutions, une quelconque échappatoire. Nina aimait se donner l’occasion d’une pause, un bon repas, une douche, quelques heures de sommeil et seulement après tout ça, elle se sentait à nouveau apte à prendre le problème à bras le corps. Et souvent, non, en réalité, la plupart du temps, Nina avait besoin de lancer la conversation avec Ben. Il était celui qui comprenait et qui l’aidait parfois à rediriger sa réflexion. « J’aime pas me sentir à court de solution comme ça, il doit bien avoir quelque chose que j’ai loupé. » Il n’était pas sain de se rejeter la faute, mais les passionnés dans leur genre passaient leur temps à se remettre en question.

Et comme si le personnel de l’établissement avait ressenti son besoin de poser les armes, Nina se retrouva rapidement assise face à une assiette pleine de bonnes choses et avec entre les mains, une tasse de café brûlante. Ce dont elle avait besoin comme sas de décompression et Diego lui offrait une légère distraction, avant qu’elle ne trouve l’ouverture idéale pour lui annoncer ce qu’elle avait chercher à lui dire ces derniers jours. Il était plus simple de lire ce qui se cachait derrière les mouvements contrôlés de Diego et sa manière d’éviter le regard de son amie. « Une entrée en hospitalisation, j’avais déjà évoqué la possibilité aux parents, mais ça rend pas la chose plus facile. » Elle avait connaissance des difficultés de Diego autour de ce sujet en particulier. Parfois, Nina venait à se demander si tout cela ne relevait pas d’un peu de masochisme de se mettre volontairement dans ce genre de situation. Elle admirait la force que Diego semblait trouver pour passer au travers de ce genre d’annonce. « Enfin tu connais, le challenge ça va être de pas laisser les parents transmettre leur stress à leur gosse. » Autrement dit, ce qu’elle détestait dans son métier. Nina savait s’y prendre avec les enfants, ce n’était pas un souci pour elle. Les parents… Disons que Nina pourrait bien se passer de ce genre d’élément. « Alors tu vois, j’aurais largement préféré rester ici à enchaîner les lattes mais que veux-tu, hin ? » Elle haussa les épaules en même temps que lui. Diego n’était pas du genre à avoir besoin de conseils, il commençait à parfaitement maîtriser sa position, mais elle pouvait lire l’angoisse qui se dessinait lentement dans le fond de ses pupilles. « Tu sais, parfois, je trouve ça plus simple de parler à l’enfant d’abord. » Ce n’est pas toujours ce qu’on leur conseil au fil de leurs études, mais Nina commençait à développer sa propre stratégie autour de ce genre d’annonce. « On sait leur expliquer les choses dans un langage qu’ils comprennent. » Contrairement aux parents qui se laissent trop souvent submerger par leurs propres sentiments. « Les parents oublient de répondre aux questions, ils ne savent plus expliquer une fois que leurs émotions ont pris le dessus. » Alors séparer les parents de leur progéniture, considérer le patient avant sa famille, permettait parfois d’éviter ce genre de stress qu’il venait d’évoquer. « Et puis si t’as besoin de soutien… » Elle pouvait se permettre de laisser ses mots en suspens, il était capable de deviner la proposition qu’elle lui faisait à demi-mots.

Laissant le temps à Diego de considérer toutes ses options, elle chercha à se réchauffer avec son café. Mauvaise idée quand elle devrait plutôt chercher à se préparer pour aller dormir, mais rien ne pouvait battre une tasse de caféine après une longue garde. « Jolie bague. » Diego la tira de ses rêveries avec sa remarque. Laissant son regard tombé sur sa main gauche, Nina laissa un léger sourire étirer ses lèvres. « J’allais t’en parler. » Elle se sentait obligée de le préciser au regard que lui lança soudainement son camarade. « C’est pour ça que je voulais que l’on déjeune ensemble. » Ce n’était pas quelque chose qu’elle avait souhaité lui annoncer au détour d’un couloir, est-ce qu’il allait le comprendre. « On s’est marié avec Ruben. » Le simple fait de l’énoncer aussi simplement faisait encore flotter quelques papillons dans son bas-ventre. « Surprise ?! » Et maintenant, il fallait attendre une réaction. N’importe laquelle.

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ft @Nina Craine  

Un sourire en coin aux lèvres, il n’avait pu s’empêcher de la taquiner, encore moins après qu’elle ait elle-même souligné l’absence de remarques désobligeantes de son ami.  « C’était une mauvaise journée. » Pour simple réponse en constatant que ce n’était pas un sujet sur lequel Nina était disposée à rire, il avait haussé les épaules avant de passer son bras autour des siens. Diego était de bonne humeur malgré la journée qui l’attendait et qu’il savait chargé en émotions et il ne comptait pas tout gâcher aussi futilement. Il y avait bien plus important, comme le fait d’être capable de noter que la journée avait également été compliquée rien qu’en le lisant sur son visage. « C’est gentil, mais non. » C’était naturellement qu’il lui avait offert la possibilité d’évoquer les sujets qui la contrariaient et tout aussi naturellement qu’il avait accepté sa position. « Faut que j’arrête d’y penser pour… »  Diego avait tourné le visage vers la chirurgienne pour l’encourager à formuler le fond de ses pensées. « Tu sais, prendre le recul, pour revenir dessus avec l’esprit clair. »  Il lui avait accordé un sourire compatissant en restant silencieux pour garder la proposition ouverte. « Maintenant ou plus tard, tu sais que je suis là. » Malgré les obstacles qui s’érigeaient dans leur amitié, celle-ci ne saurait perdre de sa valeur et ils en étaient tous les deux conscients.« J’aime pas me sentir à court de solution comme ça, il doit bien avoir quelque chose que j’ai loupé. » Le court chemin vers le restaurant avait été une première occasion pour Nina d’évacuer la pression et, comme à son habitude, elle demeurait bien trop exigeante avec elle-même, ils se rejoignaient presque tous sur ce point. « Tu sais très bien que tu peux pas tout le temps te blâmer. » La fatalité faisait partie de leur quotidien et si l’impression d’injustice était parfois impossible à digérer, ils ne pouvaient pas sans cesse remettre leurs capacités en doute. Un conseil qu’il était facile de donner mais bien plus difficile à appliquer, pourtant, il était toujours important de le prononcer tout haut à quelqu’un comme Nina chez qui le sentiment d’impuissance pouvait parfois prendre bien trop d’importance. « Allez, viens, on va se goinfrer pour penser à autre chose. » Il n’avait pas renoncé, il s’adaptait simplement à sa propre vision des choses : prendre du recul pour mieux y réfléchir par la suite.

Une fois installés, Diego avait simplement évoqué son manque de temps et il semblait que Nina avait pu sentir l’appel à l’aide dissimulé sous cette urgence. Si elle venait de terminer sa journée et faire face à ses propres challenges, lui n’en était encore qu’à les appréhender. La routine pouvait s’installer dans son métier, les rendez-vous et les procédures étaient les même et pourtant, chaque cas restait différent et unique. Chaque patient avait sa propre personnalité et l’entourage ne réagissait jamais de la même manière aux annonces parfois insoutenables provenant du médecin. « Tu sais, parfois, je trouve ça plus simple de parler à l’enfant d’abord. » Il l’écoutait, attentivement, ses yeux plongés dans les siens. Il était tourmenté par le lien de son métier avec sa propre histoire mais n’en était pas moins toujours amoureux de la médecine et de tout ce qu’il pouvait apprendre de ses collègues. « On sait leur expliquer les choses dans un langage qu’ils comprennent. » Les rendez-vous des mineurs devaient se faire en présence des parents mais il y avait parfois sûrement du bon à s’éloigner de la méthodologie apprise à l’école puis sur le terrain. « Les parents oublient de répondre aux questions, ils ne savent plus expliquer une fois que leurs émotions ont pris le dessus. » Ses yeux s’étaient fermés et ses sourcils s’étaient froncés pendant qu’il acquiescait. « Et puis si t’as besoin de soutien… » Il avait souri avant de se concentrer à nouveau sur son assiette et son café. « C’est gentil, mais tu seras tout au fond de ton lit ou sous la douche quand j’y serai. Ca va aller. » Il n’allait pas l’ennuyer lorsqu’elle pourrait enfin profiter d’un repos bien mérité. « Et je pense avoir assez d’expérience pour m’autoriser quelques écarts aux procédures, mais tu me connais, je suis un peu trop carré parfois. » Il avait adressé un sourire à Nina, son attitude et ses mots venant indiquer qu’il garderait ses conseils en tête et les utiliserait si cela pouvait l’aider à garder le contrôle de la situation et à s’assurer que son jeune patient commencerait son hospitalisation le plus sereinement possible. Haussant les épaules, il avait tenté de redonner un ton moins professionnel à une discussion qu’ils avaient tous les deux besoins de dissocier de leur travail. « Dans d’autres spécialités ils doivent annoncer des décès par epectase, je me dis qu’on est pas si mal lotis. » Les personnes extérieurs à la médecine seraient probablement étonnés de la façon dont les professionnels de ce milieu choisissaient de rire de tout mais Diego et Nina, eux, l'avaient fait sans problème. Une manière comme une autre de détourner la discussion.

Mais c’était plus fort qu’eux, leur vie entière tournait autour de l’hôpital et de leurs patients et discuter d’autre chose nécessitait presque un effort. Alors il avait concentré son attention sur l’endroit avant de reposer son visage sur Nina puis sur son annulaire. « J’allais t’en parler. » Lèvres pincées, il avait acquiescé, mais cette fois-ci, il ne comprenait pas tout. « C’est pour ça que je voulais que l’on déjeune ensemble. » La discussion prenait une toute autre tournure et cette bague une toute autre signification.  « On s’est marié avec Ruben. » Son bras s’était reposé sur la table où il avait reposé sa tasse de café qu’il s’apprêtait à porter à ses lèvres. Il accusait le coup d’une annonce qui n’aurait pas dû être faite à la va vite, dans un restaurant bondé. « Surprise ?! » Il avait croqué dans son toast en soutenant son regard et avait fini par reposer le tout délicatement dans son assiette. Frottant son index et son pouce ensemble, il avait détourné le regard avant de lancer un rire. « Surprise ? Vraiment ? » Il avait secoué la tête avant de passer les deux mains dans ses cheveux - il y avait tout un tas de choses qu’il acceptait de voir lui être caché mais celle-ci n’en faisait pas partie. « Bah félicitations, hin, tu m’excuseras j’ai pas prévu de cadeau du coup. » Il  avait levé les yeux au ciel, il était passablement agacé mais ce que lui avait dit Nina juste avant planait encore dans son esprit. Un cas compliqué, une épreuve qu’ils surmontaient bien trop de fois et que lui-même ne gérait plus. Et ses conseils, ses précieux conseils qui le remettait à cette place de gamin émerveillé face à une idole. Alors il avait soupiré pour chasser les mauvaises ondes et tenter d’être le meilleur ami possible pour la femme qu’elle était. « Vous savez vraiment rien faire comme les autres, hin ? » Le faire-part, le choix du témoin, des demoiselles d’honneur, l’enterrement de vie de jeune fille… Tant d’étapes précédant le grand jour qui n’avaient jamais eu le temps d’avoir lieu. L’idée d’un mariage dissimulé aux yeux de tous qui s’était fait dans le plus grand secret aurait pu avoir un sens extrêmement romantique aux yeux d’un Diego qui l’était lui-même mais qui, avec Ruben dans le rôle du mari, ne le rassurait absolument pas sur ses intentions. Malgré tout, il s’était essuyé le coin des lèvres avec sa serviette avant de se lever pour se poster derrière Nina et l’entourer de ses bras. « Je suis content pour toi, Nina. » avait-il murmuré en déposant un baiser sur sa tempe avant de regagner sa place, le geste ayant attiré quelques regards surpris sur eux. C’était un événement unique et riche en émotions et il ne pouvait camper sur ses positions, surtout pas lorsqu’elle portait un sourire plus radieux que jamais sur un visage qui avait retrouvé toute sa lumière lorsque le mexicain avait remplacé sa colère et son étonnement par une douceur qu’il n’accordait habituellement qu’à ses petites soeurs.

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« Maintenant ou plus tard, tu sais que je suis là. » Qu’importent les tensions qui pouvaient parfois exister entre eux, une chose était sûre, ils savaient se montrer présents pour l’autre. Ce n’était pas une amitié linéaire, ils en faisaient les règles au rythme de leur humeur, mais ce qui paraissait fonctionner pour eux. En guise de remerciement, Nina vint poser sa main sur celle de son ami, accompagner d’un léger sourire qui se chargerait de transmettre le fond de sa pensée. « Tu sais très bien que tu peux pas tout le temps te blâmer. » Elle eut un léger rire sans jamais réellement se moquer. Une part d’elle savait parfaitement à quel point il avait raison, mais son côté perfectionniste à l’extrême ne pouvait l’entendre de cette oreille. Nina se devait d’envisager toutes les options possibles même si cela en venait à des possibilités presque tirées par les cheveux. Il lui était impensable de lâcher l’affaire sans avoir exploré toutes les pistes possibles au préalable. Il était exactement question de cela pour ce patient qui avait atterri dans son bloc opératoire dans un état d’urgence extrême. « Me blâmer peut-être pas, mais je peux pas baisser les bras avant d’avoir tout exploré. » Il le savait, il l’avait vu à l’œuvre plus d’une fois. Mais Diego avait également appris à gérer une Nina un peu trop concentrée sur ses objectifs. « Allez, viens, on va se goinfrer pour penser à autre chose. » Si la plupart du temps l’appel d’un repas ne se voulait pas suffisant, aujourd’hui elle voulait bien lui accorder cette maigre victoire.

Elle n’était pas la seule à traîner ses dossiers en dehors de l’hôpital. Ils se voulaient tout un brin masochiste à ce sujet. Toujours à se dire épuisé mais incapable de lâcher le fil pour plus de quelques heures. « C’est gentil, mais tu seras tout au fond de ton lit ou sous la douche quand j’y serai. Ça va aller. » Elle leva les yeux au ciel, presque offensé par la remarque du brun. « Tu sais que t’as qu’un mot à dire pour que je fasse demi-tour et que je retourne à l’hôpital avec toi. » Oui, elle était épuisée. Oui, elle rêvait d’une bonne douche chaude. Mais si Diego déclarait avoir besoin d’un deuxième avis ou même juste d’une présence supplémentaire, Nina sortirait du diner en sa compagnie, pour retourner à l’endroit qu’elle venait juste de quitter. Elle ne le faisait pas avec tout le monde. Personne n’a ce privilège si ce n’est Ruben et depuis peu, Diego. Ils étaient l’exception à sa règle de ne jamais mêler le personnel au professionnel. Ses autres collègues, n’étaient que cela, des collègues. Elle ne se rendait pas au travail pour se trouver des copines, mais pour sauver des vies. Nina n’avait pas de temps à perdre avec les broutilles de copinage. Diego avait su gagner sa place d’une manière qu’elle ne saurait expliquer aujourd’hui encore. Et puis Ben, well il a toujours été l’exception. « Et je pense avoir assez d’expérience pour m’autoriser quelques écarts aux procédures, mais tu me connais, je suis un peu trop carré parfois. » Oh ça, elle le savait parfaitement. « Ça te ferait pas de mal de t’éloigner des rigidités des procédures parfois. » Il se devait de tout tester, de trouver la méthode qui serait la sienne pour devenir un bon médecin. On ne devenait pas excellent en se contentant de copier ce qui a déjà été fait. « Dans d’autres spécialités, ils doivent annoncer des décès par epectase, je me dis qu’on est pas si mal lotis. » Cette fois, elle ne su retenir un franc éclat de rire qui fit tourner quelques regards dans leur direction. Ce cachant derrière sa tasse à café, Nina ne pu s’empêcher de commenter joyeusement. « Tu crois vraiment qu’on peut crever d’un orgasme ? » Elle ne reniait pas le tsunami que cela pouvait engendrer, mais au point d’en mourir ? Après tout, certains s’amusaient à appeler ça la petite mort. « Ce serait le pied. » Qu’elle commenta en riant à nouveau.

Et à se perdre dans un monde hypothétique ou Ruben viendrait à l’achever de plaisir, Nina ne prêta pas attention au regard de Diego qui venait de se poser sur son annulaire. Elle lut malgré tout la tempête qui parut terrasser les traits de son camarade. Un regard appuyé et elle compris que sa surprise venait de se dévoiler au grand jour. Elle ne l’avait pas imaginé aussi fin observateur. « Surprise ? Vraiment ? » Elle haussa les épaules, engageant un mouvement de recul face à la réaction, quelque peu démesurée de Diego. « Bah félicitations, hin, tu m’excuseras j’ai pas prévu de cadeau du coup. » Elle n’appréciait guère son attitude d’enfant vexé de ne pas avoir été invité à la fête. « On s’est pas marié pour les cadeaux. » Est-ce qu’il allait vouloir entendre ce qui leur avait semblé être une évidence ? « Vous savez vraiment rien faire comme les autres, hin ? » Elle eut un léger rire. « Il faut croire que non. » Elle sait que, comme beaucoup, Diego s’était attendu à recevoir un faire-part, à être invité à la cérémonie, à prendre part à cette journée qui en réalité ne leur appartenait qu’à eux. « On l’a fait ça comme ça parce-que c’est ce qu’on voulait tous les deux. » Et pourquoi est-ce qu’elle se justifiait même ? Mais quelque chose ne lui semblait pas aller droit quand l’expression de Diego se voulait amer. Pourquoi est-ce que personne ne paraissait vouloir entendre leur raison ? « Ça veut pas dire qu’on le célébrera pas à nouveau plus tard. » Ils avaient voulu commettre cet engagement dans leur bulle, sans pression et sans attente. Mais il n’a jamais été question de ne pas célébrer leur mariage avec leur proche.

Nina se laissa surprendre par l’initiative de Diego avant de se laisser aller dans cette étreinte aussi exceptionnelle que bienveillante. Elle n’était pas certaine de comprendre ce qui se tramait dans l’esprit du brun, mais l’instant d’affection fut accueilli avec un sourire tendre. « Je suis content pour toi, Nina. » Elle voulait le croire, plus que tout, mais cette vilaine sensation ne cessait de venir la titiller depuis la première réaction de Diego. « Vraiment ? » Qu’elle osa demander sans chercher à croiser son regard. « Ou tu dis ça pour ne pas vexer la jeune mariée ? » Elle se rappelait parfaitement tous les doutes qu’il avait soulevés au sujet de Ruben, tout ce qu’il avait souligné lors de cette dispute qui n’avait jamais réellement quitté son esprit. « Sois honnête. » La demande se voulait sincère, Nina se savait capable d’encaisser l’opinion des autres, sans jamais douter de son action. Elle avait épousé Ruben parce que cela lui semblait juste. Ils avaient choisi de garder la date secrète pour n’avoir ce souvenir à partager avec personne d’autre. Et même si la déception semblait pointer le bout de son nez, Nina se contenta d’attaquer son petit-déjeuner sans se soucier du regard que Diego balayait sur elle.

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Il avait tenté de trouver les mots pour la réconforter même s’ils savaient tous deux combien il était difficile de faire entendre raison à Nina. Elle connaissait ses propres capacités mieux que personne et si elle était dure avec elle-même, c’était parce qu’elle n’avait parfois pas d’autres choix. Diego se devait d’essayer parce qu’il voyait en elle bien plus que cette chirurgienne dont les qualités n’étaient plus à prouver. Nina était devenue une réelle amie pour lui, et c’était la raison qui le poussait à s’éloigner un peu du traditionnel schéma entre titulaire et résident. « Me blâmer peut-être pas, mais je peux pas baisser les bras avant d’avoir tout exploré. » Ses yeux s’étaient relevés vers elle pour y constater ce sentiment d’impuissance qui ne la quittait jamais, son implication était louable et pourtant, le constat restait effrayant pour Diego. Ne jamais baisser les bras, ne jamais abandonner, tant de phrases qu’il se répétait en boucle pour ne pas mettre en péril cette carrière qu’il s’était tracée. Il s’était perdu dans ses pensées durant un moment assez long pour qu’une réponse de sa part semble hors de propos et il était de toute façon à court d’arguments. Le résident aurait pourtant préféré poursuivre sur ce chemin-là s’il avait connu la suite de la discussion qui s’était un peu trop rencentrée sur lui. « Tu sais que t’as qu’un mot à dire pour que je fasse demi-tour et que je retourne à l’hôpital avec toi. » « Je sais, Nina. » avait-il répondu en lui accordant un sourire comme si sa sincérité devait être prouvée. Si certains aspects de leur relation pourraient le faire douter, il savait qu’il pouvait compter sur elle. « Ça te ferait pas de mal de t’éloigner des rigidités des procédures parfois. » Elle ne faisait que valider ses propos mais cela avait quelque chose de rassurant. Comme si l’entendre de la bouche de Nina venait rendre légitime le fait de tenter de suivre sa propre méthode, si elle l’en sentait capable, c’était peut-être parce qu’il était prêt. « J’aimerais avoir la même assurance au boulot que dans le monde extérieur. » Il avait haussé un sourcil avant de laisser s’échapper un rire et de minimiser le poids qui pesait sur leurs épaules. « Tu crois vraiment qu’on peut crever d’un orgasme ? » Diego avait haussé les épaules, son sourire ne retombant pas alors que les éclats de rire de Nina résonnait dans le restaurant. « Ce serait le pied. » Peut-être avait-il lancé un sujet avec lequel il n’était pas à l’aise et pourtant, sa réponse avait été plutôt spontanée. « J’en ai aucune idée mais t’es plus à risque que moi en tout cas.  » avait-il lancé en dirigeant une moue faussement déçu vers Nina avant qu’ils ne se mettent à rire à l’unisson.

Le sourire était resté sur son visage dans le prolongement de ces éclats de rire pendant quelques temps encore jusqu’à ce qu’il pose les yeux sur les mains de son amie. C’était bien trop évident pour qu’il ne passe à côté de ce bijou qui avait une signification tout aussi évidente. « On s’est pas marié pour les cadeaux. » Son ton avait changé, ses lèvres entièrement retombées maintenant qu’elle avait troqué son sourire pour une mine accusatrice. Ce changement sur le visage de Nina avait eu l’effet d’un électrochoc parce qu’il avait pris conscience de la façon dont elle avait ri un peu plus fort, dont ses yeux pétillaient avec une lueur nouvelle. Il ne réussirait probablement jamais à comprendre mais le constat était bel et bien là : elle semblait plus heureuse que jamais. « Il faut croire que non. » avait-elle simplement répondu alors qu’il avait souligné la singularité de leurs agissements. « On l’a fait ça comme ça parce-que c’est ce qu’on voulait tous les deux. » Le menton de Diego s’était levé et il avait acquiesé doucement. Il n’avait pas son mot à dire sur les choix de ces deux-là, il le savait, mais il ne pouvait contrôler cette déception qui l’avait gagné en constatant qu’il avait raté une étape importante de la vie de Nina.  « Ça veut pas dire qu’on le célébrera pas à nouveau plus tard. » Cette éventualité avait calmé son agitation. « Je serai invité cette fois ? » Le moment était mal choisi pour taquiner une Nina déjà agacée par son comportement, mais il n’était pas le meilleur pour évoquer ce qu’il ressentait et il était bien trop piqué pour oser avouer à quel point il aurait voulu être témoin de ce jour heureux pour elle. A la place, il s’était levé pour lui accorder la réaction qu’il aurait dû avoir dès le début. Le geste avait perdu un peu de sa portée parce qu’il était dénué de toute spontanéité mais il était sincère. « Vraiment ? » avait-elle demandé alors qu’il regagnait sa place. « Ou tu dis ça pour ne pas vexer la jeune mariée ? » Il avait poussé un long soupir et elle ne lui avait pas laissé le temps de chercher ses mots avant de préciser.  « Sois honnête. » Il le serait, même s’il tairait une partie de la vérité pour laisser à Nina ce joli sourire sur son visage. « Tu sais ce que je pense mais j’ai rien à te dire de plus Nina, t’es une grande fille. » Il s’était fait assez tapé sur les doigts - et littéralement - pour ne pas continuer à exprimer tout haut toutes ses craintes. « Tout ce que je peux voir là c’est à quel point t’as l’air heureuse et puis bon sang il s’est pas moqué de toi, montre-moi un peu ça ? » avait-il lancé en attrapant délicatement sa main pour observer la bague. Il était resté un instant ainsi, sa main dans la sienne, les yeux rivés sur un bijou qui était bien trop symbolique pour être offert par quelqu’un qui n’en avait que faire. Ruben était-il finalement ce mari dont toutes les femmes pouvaient rêver et qui cachait un côté romantique ? Il l’espérait, mais ne le croirait jamais réellement. « J’ai peut-être été con de douter, j’ai la preuve maintenant. » Il lui avait adressé un sourire et un haussement d’épaule, le mariage avait une symbolique bien trop forte pour ne pas chasser les doutes. « Alors, madame, ça fait quoi d’être mariée ? » Posant son menton sur son poing fermé, il s’était installé pour l’écouter, prêt à voir toute l’étendue de son bonheur lui exploser au visage. Ils avaient tous les deux besoin d’une grande dose de positivité pour finir et démarrer leur journée respective.

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@"DIEGO GUTIERREZ" & NINA

« J’aimerais avoir la même assurance au boulot que dans le monde extérieur. » Il avait haussé les sourcils comme pour donner un peu de légèreté à ses propos. Nina ne se voyait pas détruire son argumentaire en osant émettre un doute sur la soi-disant assurance que Diego semblait posséder. Il savait être déterminé lorsque le sujet en valait la peine à ses yeux, mais il se laissait encore trop souvent écraser par l’opinion des autres. Cette conversation, ils l’ont déjà eue une centaine de fois, et aujourd’hui, juste avant son rendez-vous important, elle n’avait pas à cœur de venir tirer sur ses croyances. « Tu as encore le temps pour construire ton expérience. » C’est ce dont il manquait le plus, peut-être comme elle au final. Il n'était que des nourrissons dans le grand monde de la médecine. Des bébés qui se prenaient pour des grands parce que l’on leur avait enfin donné un titre et un statut dans ce monde fait de requins assoiffés de sang. Il était plus simple de prétendre à la facilité, de faire comme si de rien n'était et de plaisanter sur des futilités de la vie. Nina s’entendit rire à gorge déployée, préférant ne pas donner d’attention à cette petite voix dans un coin de sa tête qui s’interrogeait sur la dernière fois où elle s'était autant laissé aller.

Les éclats de rires se sont atténués sous les reproches déguisés de Diego. Ce n'était pas son intention première, elle pouvait le lire dans son expression, mais elle entendait tout ce qu’il n’avait pas le courage de lui dire sur l’instant. Il venait mordre dans son bonheur avec ses convictions à demi-teinte et sans fondement. Elle s'était fait une joie de lui dire la nouvelle. S'était imaginé que son ami serait heureux pour elle, avant toute chose. La déception ne faisait que grandir, rendant le goût de son avocado toast presque amer. Nina n’était pas certaine de vouloir rester, pas persuadée de vouloir entendre ce qui se cachait sous le sourire a moitié sincère de son collègue. « Je serai invité cette fois ? » De toutes les questions qu’il aurait pu lui poser, il venait de choisir la plus blessante. Un soupir lui échappa tandis qu’elle jouait avec sa fourchette. « Si tu te poses réellement la question, c’est qu’on n’a pas la même définition de l'amitié, toi et moi. » Nina n’était pas amie avec le monde entier, loin de là. Pourtant, Diego faisait partie de ceux qui entraient dans ce cercle très privé, les amis. Dans son esprit, il avait toujours fait partie de la liste des invités, mais visiblement, il n’en était pas aussi convaincu.

Et son étreinte se voulait bien moins spontanée, à peine sincère, teinte d’une vérité que Nina ne voulait entendre. « Tu sais ce que je pense mais j’ai rien à te dire de plus Nina, t’es une grande fille. » Elle était une femme, avant même de se marier. Elle n’avait pas besoin qu’il en dise plus, elle connaissait son opinion sur Ruben. Il le jugeait sans cesse, mais il ne le connaissait pas comme elle pouvait le connaître. Personne ne connaissait Ben comme elle pouvait le connaître, c’est toute cette perspective qui avait rendu ce mariage possible. Elle n’avait jamais réellement imaginé cela pour eux, avant que Ben ne pose un genou à terre. Ce n'était pas une fin en soi, pas quelque chose qu’elle avait longuement planifié. Mais cela faisait sens désormais, ils s'étaient promis de vieillir ensemble et c’est ce qui était venu dessiner un sourire permanent sur ses lèvres. « Tout ce que je peux voir là c’est à quel point t’as l’air heureuse, et puis bon sang, il s’est pas moqué de toi, montre-moi un peu ça ? » Elle leva les yeux au ciel avant de faire glisser sa main dans celle de Diego. Et là, il redevenait son ami. À observer sa bague sous tous les angles sans pouvoir s’empêcher de sourire. « Il a bien choisi. » Elle n’avait jamais aimé les bijoux tape-à-l'œil et Ben le savait. Il avait choisi un anneau simple avec une gravure à l’intérieur qui représentait tout ce qu’ils étaient l’un pour l’autre. Elle n’avait pas eu besoin de plus. « J’ai peut-être été con de douter, j’ai la preuve maintenant. » Elle ne put s’empêcher de rire. « Te fais pas trop mal en mentant non plus. » Elle se fichait de son opinion, il devait en avoir conscience depuis le temps. « Mais je suis heureuse, Diego. » Elle l'était, sincèrement. Et ce n’est pas le genre de chose qu’elle s’empressait de raconter à tout le monde. « Alors, Madame, ça fait quoi d'être mariée ? » Elle haussa les épaules, s’autorisant enfin à se détendre et à reprendre une gorgée de son café. « C’est pas de grand changement. » Après tout, cela s'était terminé comme une journée banale et elle n’avait pas l’impression d’être une personne différente après cela. « Je vais pas te raconter des niaiseries avec des cœurs dans les yeux, tu te trompes de personne pour ce genre de truc. » Il ne le disait jamais à voix haute, mais elle savait que Diego se voulait être un grand romantique parfois. Et elle pourrait se moquer de lui pour ça. « Je sais pas, c’est juste… C’était un moment important, mais je saurais pas te décrire exactement. » Elle avait ressenti une nouvelle sorte de connexion auprès de Ruben et ne pouvait s’empêcher de sourire en pensant à la journée qui avait suivi, puis à cette randonnée qu’il avait préparée. Il était attentionné et tendre envers elle et Nina se sentait bien. « Par contre, pas de Docteur Hartfield à l’hôpital. Je veux pas être la femme de, c’est Docteur Craine. » On lui avait déjà posé la question une dizaine de fois depuis que certains avaient appris la nouvelle et la remarque commençait déjà à l'agacer. Levant les yeux vers Diego, elle finit par ajouter. « T’es la première personne a qui je le dis, après mon frère. » Est-ce qu’il allait entendre tout ce qu’elle ne dirait jamais au travers de cela ? Il était son ami, sans doute celui vers qui elle se tournerait vers n’importe quoi et même si elle ne donnait pas dans les élans de sentiments, elle tenait à ce qu’il en soit conscient.

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« Tu as encore le temps pour construire ton expérience. » Il avait levé le menton pour acquiescer, ils avaient promis de ne pas - trop - parler de leur travail alors il avait jugé la discussion close. Une autre conversation avait pointé le bout de son nez, bien plus importante, bien plus périlleuse encore. « Si tu te poses réellement la question, c’est qu’on n’a pas la même définition de l'amitié, toi et moi. » Nina laissait planer l’avertissement de cette façon et cela suffisait à Diego pour comprendre qu’il devait calmer le jeu, ne pas continuer sur le chemin qu’il empruntait au risque de la blesser définitivement. La blonde ne faisait pas dans la demie-mesure et aussi facilement s’attachait-elle aux gens, aussi vite pouvait-elle défaire un lien important à ses yeux si les choses évoluaient négativement. Il la comprenait, finalement, et c’était ce qui leur empêchait de se fâcher plus de quelques heures. « Il a bien choisi. » Ruben aussi la connaissait, et aussi évident que cela pouvait paraître, Diego y voyait là un indice supplémentaire à la liste qu’il se faisait mentalement pour tenter de croire en ce conte de fées qu’ils voulaient prétendre vivre. Alors son accolade et la douceur de ses mots avaient pu sonner complètement faux, il l’acceptait. « Te fais pas trop mal en mentant non plus. » T’es chiante. aurait-il eu envie de rétorquer, mais il avait déjà assez terni ce moment. « Mais je suis heureuse, Diego. » Diego avait été le premier à souligner la façon dont les traits de son visage s’étaient illuminés mais malgré tout, cette phrase avait une résonance particulière chez le médecin. Il se souvenait de cette fois où il lui avait demandé, droit dans les yeux, et que Nina était restée silencieuse. C’était la réponse qu’il attendait et qui intervenait avec plusieurs mois de délais. Mais c’était la validation qu’il attendait, les mots dont il avait besoin pour se rassurer et pour taire cette intuition qui le laissait penser que tout finirait dans les larmes. Nina n’était pas du genre à pleurer mais Ruben était, de son point de vue, probablement totalement capable de tirer les larmes de n’importe qui.

Rassuré, il avait repris la conversation comme elle aurait dû démarrer, avec les questions d’usage. « C’est pas de grand changement. » Il avait levé les yeux au ciel avant de rire devant le manque d’enthousiasme de son amie. Peut-être était-il bien plus fleur bleue qu’elle, mais sa désinvolture face à cet événement l’amusait tout de même. « Je vais pas te raconter des niaiseries avec des cœurs dans les yeux, tu te trompes de personne pour ce genre de truc. » « Ah bah dis donc, on sonne pas pareil quand on est heureux. » avait-il lancé en lui jetant un minuscule bout de pancake au visage avant d’éclater de rire. « Je sais pas, c’est juste… C’était un moment important, mais je saurais pas te décrire exactement. » Ils avaient repris leur sérieux et il s’était légèrement penché pour l’écouter, si son avis avait été donné sans le consentement de son amie, il demeurait une oreille attentive pour elle. « Par contre, pas de Docteur Hartfield à l’hôpital. Je veux pas être la femme de, c’est Docteur Craine. » Il avait hoché doucement la tête. « T’as raison, c’est toi seule qui mérite d’être reconnue pour ta carrière. » Ruben n’avait rien à voir là-dedans, Nina s’était construite seule et si les deux garçons pouvaient s’accorder sur un point, c’était sur le fait qu’elle était une femme forte et indépendante. « T’es la première personne a qui je le dis, après mon frère. » Un sourire incontrôlable et presque niais avait surgi sur le visage du mexicain qui appréciait le geste. S’il avait fait des efforts qu’elle jugeait surjoués, il pouvait lui aussi penser que ces mots-là étaient choisis dans l’unique but d’apaiser son agacement. « T’es pas obligée de me dire ça tu sais, je sais me tenir. » avait-il commencé, la nouvelle et l’euphorie du moment le rendant d’humeur taquine. « Je plaisante, ça me fait plaisir. C’est important pour moi, de savoir que notre amitié compte et de te savoir heureuse. » Il lui avait adressé un sourire, elle une grimace écoeurée. « Oui c’est bon j’ai compris je retourne à mes pancakes. » Comme un enfant boudeur, il avait enfourné une bouchée dans sa bouche en mangeant avec bien moins de classe qu’il n’en avait à l’accoutumée. Il était fatigué, à l’idée de reprendre son poste et d’avoir ressenti tant d’émotions contraires.

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Tout le monde semblait réagir à sa manière, mais jamais de la façon dont elle l’avait imaginé. Nina ne s’était pas peint des éclats de joie et des embrassades, mais elle avait espéré, juste un peu, que son entourage serait heureux pour elle. Même Diego. Qu’importe ce qu’il avait pu dire par le passé, de son ton si assuré alors qu’il ne connaissait rien d’eux. Elle lui en avait voulu, elle lui en voulait toujours d’avoir exprimé son opinion de manière aussi franche. Comme si elle n’était pas du genre à faire exactement la même chose avec lui. Leur amitié se voulait bancale comme ça. A se balancer leurs quatre vérités dans un regard noir avant d’éclater de rire pour une bêtise qui n’avait aucun rapport. Dans le fond, même si elle ne l’avouera pas ainsi, Nina aime la franchise de Diego.

Elle appréciait bien moins son envie de discours fleur bleue. Ce n’était pas son genre. Elle était heureuse bien sûr, mais elle ne saurait réellement décrire ce qu’elle avait pu ressentir  lors de cette journée et ce que la vision de son alliance pouvait bien lui provoquer. Elle jouait ses sentiments près du cœur, sans jamais les étaler aux yeux de tous. Et bien sûr que l’autre idiot devait de se moquer. « Ah bah dis donc, on sonne pas pareil quand on est heureux. » Reposant sa fourchette contre son assiette, elle ne put s’empêcher de lui tirer la langue. « Si je passe plus de cinq minutes à te dire à quel point j’aime mon mari, tu vas commencer à lever les yeux au ciel. Je te connais Gutiérrez ! » C’était plus fort que lui, que d’exprimer son opinion, surtout lorsqu’il s’agit de Ruben. Mais Nina prit un instant, pour tenter de décrire ses sensations, pour lui faire entendre qu’elle avait fait le bon choix. Et le sourire de Diego finit par la rassurer. Il n’était pas d’accord, elle le savait parfaitement, mais il était assez intelligent pour respecter son choix sans s’engager dans un débat futile. « T’as raison, c’est toi seule qui mérite d’être reconnue pour ta carrière. » Et il savait quoi dire pour qu’elle oublie ses remarques acerbes.

« T’es pas obligée de me dire ça tu sais, je sais me tenir. » Sans un mot, elle leva un sourcil, peu convaincue par les paroles du brun. « Je plaisante, ça me fait plaisir. C’est important pour moi, de savoir que notre amitié compte et de te savoir heureuse. » Elle lui rendit son sourire un peu mal assuré. Ils ne savaient pas être ami sans se crêper le chignon, mais Diego tenait une place toute particulière dans sa vie. « Oui c’est bon j’ai compris je retourne à mes pancackes. » - « Chiale pas sur ton petit déj Diego. » Elle ricana quelque peu avant de lui donner un léger coup de pied sous la table. Elle n’avait pas besoin d’en dire plus, il avait compris comme un grand, qu’elle tenait à lui. Elle allait le prouver encore une fois, en lisant les signes qui émanent du soudain silence du docteur. « Aller finis et je t’accompagne pour ton premier rendez-vous. » Ce n’était pas négociable, elle n’allait pas en faire une discussion. Diego était stressé et si elle pouvait juste l’aider à respirer un grand coup avant sa consultation, elle pourrait bien perdre une heure de sommeil.