@Mavis Barnes

(cemetary) Il faisait bien plus le malin dix ans auparavant, quand il voulait gagner un rire de Mavis en faisant une blague ou une autre. Il aurait fait davantage le malin dans n’importe quel autre contexte de 2024, aussi. Aujourd’hui, il est le premier désolé de retrouver une vieille amie dans un tel contexte, quand bien même elle est celle qui a insisté pour se faire une place à ses côtés et qu’il y a vu là une bonne idée. Malgré tous ses efforts pour exister par elle-même, elle reste en partie qualifiée par celle dont la sœur est morte. Alors, elle sait ce dont elle parle et elle est une personne en qui il a toujours assez confiance pour la laisser l’observer dans un tel moment de vie, lui autant que sa famille. Il la connaît assez pour savoir qu’elle ne veut rien de lui, que ce soit une part de l’héritage qui sera le sien, ou bien une place sur le carnet d’adresse des élites du monde de la mort, qui viennent à leur tour pleurer l’absence de l’un des leurs.

L’enterrement a attendu le retour d’Europe de James mais il n’a fait aucun miracle sur la capacité d’Ambrose à faire le deuil. Tous les autres membres de la fratrie s’y sont déjà exercés au moins une fois, mais cela n’a pas été son cas, et c’est plutôt évident à en observer la blancheur presque maladive de son visage. Et ça, c’est quand on ne s’attarde pas sur les cercles sous ses yeux, ou sur le fait que les traits de son visage se soient encore un peu plus creusés récemment. La tournée musicale du groupe n’a rien arrangé, pour ne pas dire qu’elle a tout empiré. Maintenant, loin de l’éternel flegme de sa profession, il se ronge épaisseur par épaisseur l’intérieur de sa lèvre, juqu’à goûter le sang sans que cela ne suffise pour le faire s’arrêter. Son regard se pose avec insistance sur la seule entrée du cimetière, soucieux de ne pas laisser Mavis évoluer dans un monde où tout le monde lui est étranger, à l’exception peut-être des personnalités publiques. Il est bien conscient qu’elle fait le déplacement pour lui et, à son tour, il ne compte pas l’abandonner. Surtout après avoir fait comprendre à Ruben qu’il ne serait pas le bienvenue aujourd’hui, il veut pouvoir compter à ses côtés une connaissance de longue date dont sa famille a déjà eu connaissance, au moins.

Lorsqu’il entend son nom décliné à l’agent de sécurité chargé de vérifier l’identité des invités, il relève vivement sa tête et ne tarde pas avant d’aller à sa rencontre et surtout arriver à sa hauteur. « Tu n’as pas changé. » Il a le regard brillant malgré le contexte, et il le doit seulement à Mavis, dont la présence a déjà le don de le rassurer alors qu’elle n’a encore rien dit. Et si son maigre sourire se fane aussitôt, ce n’est que pour l’enlacer avec un brin plus de sérieux. Là encore, dans un autre contexte, leurs retrouvailles auraient été différentes. « J’étais pas sûr que tu viendrais vraiment. » Il murmure. A plusieurs reprises, il a cru avoir imaginé cet échange. Après tout, il n’avait ni queue ni tête. « Mais je suis heureux que ce soit le cas. » Parce qu’il n’a prévu personne d’autre contre qui se reposer, et il sait déjà qu’il aura du mal à paraître inébranlable quand ils mettront Norman en terre. « Je te revaudrai ça. » Elle aurait eu un bon milliers de meilleures façons de mieux occuper son après-midi mais elle est ici, à ses côtés. Plus que jamais, il est sérieux lorsqu’il dit qu’il lui rendra la pareille. Il ne sait pas comment, ni quand, mais il n’oubliera pas.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Elle ne savait pas bien pourquoi elle avait envoyé ces messages à Ambrose, comme elle ne savait pas bien ce que ça lui faisait d’avoir de ses nouvelles. Mavis avait toujours gardé un oeil sur lui, elle espérait qu’il aille bien et que sa vie allait comme il l’entendait. Mais quand Dan lui avait appris pour son oncle, elle avait reçu comme une décharge électrique qui avait mis en alerte toutes ses craintes le concernant : si sa vie allait comme il l’entendait jusque-là, ça ne serait plus le cas à partir de ce point en particulier. Elle se souvenait à peine des promesses qu’ils s’étaient faites à l’époque, elle se souvenait en revanche qu’elle l’avait adoré au point de s’imaginer à son bras lors des dîners de la haute, où on les verrait comme l’avenir dans le sens large du terme, elle a sauver des vies, lui a en réguler avec ses lois, ses motions, et sa volonté de faire changer le monde. Leur ambition était impressionnante à l’époque, même s’ils étaient encore très jeunes, à jouer aux grandes personnes pour prouver au reste du monde de quoi ils étaient faits. Ils ne s’étaient pas vus depuis longtemps, et à choisir, Mavis aurait aimé le revoir dans des circonstances différentes, mais elle pensait à la peine qu'il devait ressentir, et plus que celle qu’elle avait ressenti à la mort de sa propre soeur, ça la toucha assez pour qu’elle veuille être là pour lui ; alors elle était là pour lui, bien qu’indisposée par l’idée d’être entourée de gens qu’elle ne connaissait pas, qui se répandraient en bons sentiments sans juger nécessaire d’être ne serait-ce qu’un peu pudiques. Les enterrements, c’était l’anti-chambre de l’enfer à ses yeux, le paradis n’étant qu’une chimère qu’on remuait comme une carotte devant le nez des naïfs. A celui de sa soeur, le cercueil était vide. À celui de sa soeur, elle avait survolé la cérémonie en ne pensant qu’à une seule chose, et c’était combien sa vie serait meilleure maintenant qu’elle était partie ; à celui de Norman, elle ne savait pas encore comment elle envisagerait les choses, mais elle savait qu'elle ne pleurerait pas, et c’était encore tout ce qui l’importait pour l’heure. Ça, et de retrouver Ambrose pour le serrer dans ses bras et s’assurer, qu’à défaut d’aller bien, il irait mieux.

C’était particulier de donner son nom à l’entrée d’un cimetière, mais ça ne l’interpella pas plus que ça finalement, la silhouette d’Ambrose qui s’avança vers elle ayant le don d’attirer bien plus son attention "Menteur." lui répondit-elle lorsqu’il lui dit qu’elle n’avait pas changé, laissant un sourire lui échapper sans savoir si ça se faisait, s’avançant d’un pas supplémentaire vers lui pour mieux voir les ombres sur son visage et la tristesse dans le fond de ses yeux. Elle ne le repoussa pas quand il l’enlaça, elle le fit au moins avec autant de force que lui, l’entourant avec ses bras, creusant contre son épaule avec le bout de son nez qu’elle fit bondir contre sa clavicule quand elle se recula en lui répondant, malicieuse par commodité plus que par envie "Je pouvais pas rater ça, j’adore les enterrements." Autour, elle attirerait les regards si on la surprenait à dire ce genre de choses, mais sa voix était chuchotée, et son expression aussi peu sérieuse que l’était pourtant la situation. Avec ses deux mains, elle prit sans délai le visage d’Ambrose entre elles et examina ce qu’elle voyait. Le diagnostique fut sans appel, bien que la sévérité dans son ton ne tarda pas à filer "Je t’avais dit de boire et manger." Et de dormir, aurait-elle pu ajouter, mais sur ce dernier point, elle savait qu’il mettrait des mois à pouvoir s’y remettre sans éprouver de la  difficulté et de la culpabilité. Encore un instant, elle garda son visage dans ses mains, ses yeux faisant le tour de ses traits qui avaient changé depuis leurs 14 ans. Elle finit par le lâcher pour se poser à ses côtés, et glissa sa main dans la sienne comme elle l’aurait fait à l’époque, sans se demander si elle avait le droit de le faire. Elle secoua la tête, jeta un regard au parterre désorganisé de personnalités pour l’heure, et fit au jeune homme "Tu me revaudras rien du tout, c’est pas un service que je te rends." Elle n’était pas là pour soulager sa conscience, elle était là pour être avec lui, pour lui, et ça ne venait avec aucune espèce de compensation qu’elle lui réclamerait quand bon lui semblerait. Serrant ses doigts  un peu plus fort entre les siens, elle attendit qu’il tourne la tête dans sa direction pour lui demander "Tu veux qu’on aille s’asseoir tout de suite, ou tu veux marcher un peu avant la cérémonie ?"

La sensation est étrange lorsqu’il étreint doucement Mavis et qu’il n’a pas l’impression que cela puisse être étrange ou malvenu. Il ne sait même pas s’ils se sont déjà tenus dans les bras l’un de l’autre, à l’époque, mais aujourd’hui rien ne semble faire davantage de sens que ce simple geste. "Menteur." Pour son franc-parler non plus, elle n’a pas changé, et il se garde bien d’en rajouter une couche, même si le sourire qu’il trouve la force d’afficher est ce qui résume néanmoins sa pensée. Ce n’est pas parce que c’est un jour de deuil qu’il n’a pas le droit de sourire ; on le lui assez répété pour qu’il l’ait assimilé. "Je pouvais pas rater ça, j’adore les enterrements." Il n’avait pas besoin de davantage d’exemple pour reconnaître son franc-parler mais Mavis le lui offre tout de même sur un plateau d’argent. S’il n’était pas question de Norman, il aurait à son tour osé dire qu’il adore les enterrements, ne serait-ce par esprit de camaraderie. A son tour, il la laisse prendre son visage entre ses mains sans se plaindre, voyant la scène comme si une grand-mère voulait subitement vérifier comme se porte son petit-enfant qu’elle ne voit que peu. C’est une forme de souci, et c’est justement pour cette raison qu’il la laisse faire sans se battre un seul instant, ni même froncer les sourcils pour marquer son malaise. Elle fait de son mieux, elle aussi. "Je t’avais dit de boire et manger." - « Je suis debout, ça veut dire que j’ai écouté. » Un minimum, au moins. Il n’a pas besoin d’en dire plus, bien conscient qu’elle a déjà un point de vue d’ensemble sur toute la situation.

"Tu me revaudras rien du tout, c’est pas un service que je te rends." Elle est farouche et toujours assurée de ses idées autant que de ses positions, même dans un moment tel que celui-ci. Cette fois-ci, il ne sourit pas, mais il prend au moins le temps de hocher imperceptiblement la tête. Il n’insistera pas. Il trouvera un autre moyen de lui rendre son service mais n’en dira rien, parce que sa capacité de résilience ne va pas aussi loin que son entêtement et son sens de la justice. "Tu veux qu’on aille s’asseoir tout de suite, ou tu veux marcher un peu avant la cérémonie ?" Ambrose jette un regard en direction de l’endroit où se déroulera la cérémonie. Il s’y attarde une seconde puis une autre avant de revenir vers Mavis. Théâtralement, il lui présente sa main, paume vers le haut, pour qu’elle l’enlace à son tour de la sienne. « Tu n’as jamais rêvé d’un tour du propriétaire ? » On parle d’un cimetière et il est loin d’être propriétaire de quoi que ce soit - pas même Weatherton ne l’est -, alors elle n’a sans doute jamais rêvé de rien de tout ceci mais Ambrose a besoin de dédramatiser toute la situation. Conscient de son statut de fiancé qui n’a pas osé parler de la fin de cette union à sa famille pour l’heure, il fait finalement glisser son bras autour de celui de Mavis plutôt que de garder sa main dans la sienne. Question de bienséance, il est certain qu’elle comprendra. « Donatella Versace à droite, Nicolas Ghesquière à gauche. » Il lui murmure quelques-uns des grands noms de la mode ayant fait le chemin pour assister à la cérémonie. A défaut d’avoir à lui présenter les noms de sa famille, il pose un nom sur des visages pourtant déjà connus: si jamais elle doute qu’il s’agisse bel et bien d’eux, elle n’a plus à douter. « Ne va pas voir James aujourd’hui, ok ? » Leurs pas foulent l’herbe à une allure lente, trop lente pour ne pas cacher la simple envie d’Ambrose de marcher et de tenter de penser à autre chose. « C’est pas contre toi, juste… c’est difficile pour lui. » C’est difficile d’entendre encore et encore que tout le monde est désolé, que son père était quelqu’un de bien. Il doit garder la face devant ses collègues du monde entier et cela lui demande sans doute assez de force et de courage pour ne pas avoir à en demander davantage. « Je peux gagner des points d’originalité avec ces retrouvailles, au moins ? » Il se garde de préciser que ce sont des retrouvailles de vieux amis, bien conscient que le terme n’est pas pour lui plaire. Il ne propose rien de frais, d’amusant, de simple. Il ne propose rien de positif du tout et pourtant au-delà même d’assurer sa présence, elle est celle qui a assuré qu’elle voulait venir. Elle n’a jamais eu froid aux yeux, Mavis, et des années de médecine n’ont fait que confirmer cet aspect de sa personnalité.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Elle aurait bien voulu lui rétorquer que quand on coupait la tête d’une poule, elle continuait de courir comme une dératée, c’était pourtant loin de la preuve irréfutable que sa santé était de fer, mais elle n’avait pas envie d’accabler un homme à terre. Mavis continua de l’observer un instant sans chercher à rationaliser ce qui se passait autour, se contentant d’éprouver une pointe de joie malvenue de le voir aujourd’hui. Il était triste, c’était vrai, mais il était beau, Ambrose : avec ses traits taillés à la serpe, les angles de son visage adoucissant à peine la profondeur de ses grands yeux sombres qui donnaient à sa peau une pâleur à faire peur — s’il n’avait pas été aussi beau, il aurait eu l’air malade. Il avait vieilli, tout comme elle avait vieilli, et ce n’était pas une critique, ça prouvait juste que malgré tout, ils avaient fait ce qu’ils avaient prévu de faire sans regretter un instant de l’avoir fait seul, et ça apaisait leurs retrouvailles.

Pas de regrets, pas de rancoeur, ils n’étaient pas des anciens amoureux qui se déchireraient sur les vestiges de leurs souvenirs, et c’était une bonne chose. Mavis n’était pas venue pour ça. Elle ne savait pas bien pourquoi elle était venue si ce n’était pour lui tenir la main, mais elle savait que le concept de lui reprocher quoi que ce soit se tenait bien loin de sa démarche impulsive, donc profondément sincère. Elle lui demanda s’il voulait s’installer tout de suite, il lui tendit la main pour qu’elle noue ses doigts aux siens, et le geste avait quelque chose de plus réconfortant que la réponse qu’elle adressa à la question qu’il lui posa pour se délester du poids qu’il devait sentir peser sur sa poitrine "Je connais bien la maison, ma soeur est enterrée dans l’allée près du cerisier japonais." Elle se reprit, ses sourcils se haussant pour marquer la correction-express qu’elle infligea à ses propres paroles "Enfin, son cercueil vide est enterré près du cerisier japonais." Cercueil qui avait coûté un bras par ailleurs, dommage qu’elle n’était pas dedans, qu’elle se dit en détournant les yeux pour les poser devant elle et s’arrêter sur les visages qu’elle voyait défiler au rythme de leur marche lente par commodité. Ambrose lâcha sa main, mais attrapa son bras. La bienséance de gens riches, qui ont plus à coeur de sauver les apparences que de satisfaire leur besoin immédiat, quel qu’il soit. Elle comprit tout de suite "Personne n’est au courant pour tes fiançailles ?" lui demanda-t-elle dans l’intervalle des informations qu’il lui donnait au sujet des invités de marque assistant aux funérailles de Norman.

Elle trouva Donatella Versace hideuse, Nicholas Ghesquière quelconque. Elle ne s’intéressait pas à ce monde-là, même si elle devait reconnaître que ceux qui le régentaient avait une ambition qui la fascinait dans une certaine mesure ; s’ils avaient décidé de s’intéresser à autres choses qu’à des chiffons, la terre se porterait surement bien mieux. Elle préférait garder ses réflexions pour elle, ne serait-ce que par respect pour Norman dont l’intérêt pour le chiffon lui avait valu les honneurs tout au long de sa vie, se calant sur le pas d’Ambrose qu’elle surveillait du coin de l’oeil, sentant ses doigts chauds au creux de son coude qu’elle plia pour les sentir davantage encore "Je suis même pas sûre qu’il se souvienne de moi." interjeta-t-elle à propos du cousin du jeune homme, un sourire dessinant ses pommettes pour leur donner une rondeur presque enfantine "Mais je sais. J’ai anticipé en faisant envoyer une couronne de fleurs au nom de ma famille et de celle de Dan. Il aurait voulu venir d’ailleurs, mais avec le ballet de personnalités en ville, il a trop de travail." C’était Dan qui l’avait prévenue, il avait à coeur de pouvoir se libérer, mais sans succès. L’herbe, pourtant entretenue, craquait sous leur pas, un peu comme si tout se devait d’être pittoresque dans un endroit où rien ne respirait la joie de vivre quand, elle au moins, aurait eu envie de célébrer l’idée qu'ils se revoyaient après des années. Elle secoua la tête, intima à ses sourcils de se froncer avec une fausse sévérité, et répondit au jeune homme "Je refuse que ce soit nos retrouvailles officielles." Elle le disait à peine en plaisantant, pas comme la suite qu’elle débita en posant sa main sur celle avec laquelle il tenait son bras, levant la tête vers le ciel pour faire mine de réfléchir "C’est plus une sorte de test d’amitié qui déterminera à la fin si on se vaut encore assez pour traîner dans les pattes l’un de l’autre. Tu sais, du genre les amis qui vont aux enterrements ensemble, restent ensemble, ou quelque chose comme ça." Pour affirmer sa philosophie, elle hocha d’abord la tête avant de la tourner vers Ambrose pour quérir son approbation. Sauf qu’elle ne réussit qu’à reprendre son sérieux quand elle lui dit, ses paupières clignant pour chasser toutes traces de plaisanterie de son visage "Je te mentais pas que je t’ai dit que j’aurais bien aimé prendre des nouvelles de toi dans d’autres circonstances." Est-ce que tu m’en veux ? La question resta silencieuse pendant que sa main quittait la sienne pour venir retomber contre sa propre hanche.

Il sait qu’elle connaît bien mieux l’endroit que lui, et ce n’est qu’une entrée de plus dans toute cette histoire aussi ironique que paradoxale. Ambrose pose son regard sur ledit cerisier japonais par politesse, même s’il ne compte pas rendre visite à plus de personnes que prévues au cours de cette journée déjà bien assez chargée et forte en émotions. Il a connu sa sœur, brièvement au moins, et ils en ont bien assez discuté pour qu’ils ne remuent pas le couteau dans la plaie aujourd’hui. "Personne n’est au courant pour tes fiançailles ?" Il fait glisser son pouce autour du bras de Mavis, comme s’il était celui ayant pour rôle de la rassurer - non qu’en retour ce soit son rôle à elle, mais elle pourrait peut-être le penser. « C’est pas le bon moment pour en parler. » Ce qui est vrai, au cœur de la tourmente de Norman, mais ce qui l’arrange aussi beaucoup tant il n’a pas encore le courage pour en parler. Le sous-entendu de cette réponse, c’est que sa famille n’est effectivement pas au courant de l’état actuel de ses (non) fiançailles. Que personne ne l’est, mis à part elle, sans que cela ne fasse sans doute beaucoup de sens.

Leurs pas les mènent nulle part en particulier. Ils foulent la terre sans objectif, simplement en attendant que les minutes s’égrainent assez vite pour marquer le début de la cérémonie et qu’elles le fassent bien plus rapidement encore pour en annoncer la fin. "Je suis même pas sûre qu’il se souvienne de moi." Il ne se serait sans doute pas souvenu du prénom de Mavis lancé à la volée mais Ambrose pense tout de même qu’il se souvient de la fille dont son petit-frère n’a cessé de parler pendant quelques mois. Il ne saurait pas restituer chaque pan de sa vie mais il sait se souvenir des gens quand il est intéressé ; et Ambrose veut croire que ses mots ont toujours intéressé James, que ces derniers le méritent effectivement ou non. "Mais je sais. J’ai anticipé en faisant envoyer une couronne de fleurs au nom de ma famille et de celle de Dan. Il aurait voulu venir d’ailleurs, mais avec le ballet de personnalités en ville, il a trop de travail." Il a un sourire soulagé. Il sait Mavis raisonné et raisonnable, mais avec le temps il avait oublié qu’elle l’était à ce point. « Je lui dirai que tu étais là. » Qu’elle n’a pas fait qu’envoyer des fleurs mais qu’elle a aussi fait le déplacement, parce qu’elle s’en soucie sincèrement. Cela ne changera sans doute pas la face du monde mais il veut que tout le monde sache qu’elle est une bonne personne. « Et je jugerai du choix des fleurs avec lui. » Il reprend avec un sourire au coin des lèvres en guise de maigre tentative d’humour. En réalité, il doute que son frère prenne le temps de la moindre discussion avec lui tant il va préférer se noyer de travail.

"Je refuse que ce soit nos retrouvailles officielles." - « Ah oui ? » Elle était simplement venue lui annoncer ses condoléances par messages il y a quelque jours, et la voilà qui décide pour eux deux l’avenir d’une amitié longtemps oubliée. Ce n’est pas pour déranger Ambrose, pas cette fois, mais il ne peut s’empêcher de trouver toute cette situation plutôt amusante. Ou ironique, au moins, puisqu’il a du mal à trouver l’amusement dans l’enterrement de celui qu’il considère comme un père. Les amis qui vont aux enterrements ensemble, restent ensemble il note mentalement ses mots avec un sourire. Il aurait aimé qu’ils se prouvent leur amitié d’une autre manière. "Je te mentais pas que je t’ai dit que j’aurais bien aimé prendre des nouvelles de toi dans d’autres circonstances." Elle laisse son bras retrouver le long de son corps et il ne l’en empêche pas, ses propres mains trouvent les poches d’un pantalon taillé sur mesure. « Je t’accuse pas de mentir. » Il ne l’accuse même de rien et il ne veut pas qu’elle le pense ; encore moins qu’elle estime nécessaire de s’expliquer. « Mais ça craint de retrouver quelqu’un à un enterrement après tout ce temps. » Et sur ce point, c’est lui-même qu’il blâme. Il aurait dû lui proposer un café avant, ou Dieu sait quoi d’autre qui aurait pu être plus simple à vivre qu’une journée pareille. « Tu m’accorderas quelques heures, d’ici quelques jours ? » Ambrose n’est généralement pas du genre à se contenter de quelques comme précision et se montrer aussi peu précis mais il doit bien avouer qu’il ne sait pas exactement quand il sera libre, ni quand Mavis pourra l’être aussi de son côté - parce que la seule autre personne qu’il connaît et qui travaille aussi à l’hôpital est toujours terriblement occupée. « L’avantage à ça, c’est que je peux au moins te payer un café maintenant. » Café qu’elle aurait largement pu se payer seule, mais qu’il peut se permettre de proposer sans pleurer après l’argent perdu maintenant. Norman lui laisse beaucoup, mais rien qui ne puisse étancher sa peine.

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@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Elle n’insisterait pas au sujet des fiançailles d’Ambrose, comme elle n’insisterait pas pour savoir quand elles s’étaient rompues. Elle se dit seulement que tout ça était une bien mauvaise excuse pour repousser le moment où il préviendrait les autres, mais ça ne la regardait pas. Mavis resta aux côtés de lui à marcher sans véritable but, consciente que la balade entamée n’avait rien de salutaire, qu’elle n’était là encore qu’un prétexte pour échapper à la réalité de quelque chose qui arriverait plus vite qu’escompté. Elle sentait détachée de ce qui allait bientôt se passer, elle n’était pas émotive au point de ne pas savoir se retenir dans ce genre de moment Mavis, mais ce n’était pas le cas de ceux qui avaient fait le déplacement, tout comme elle. Elle pouvait déjà anticiper les larmes des autres, elle espérait juste que par respect pour la famille qui souffrait vraiment, personne ne jugerait ça opportun d’en faire des caisses et de se donner en spectacle pour faire la Une des magazine ; ne serait-ce que pour James dont le chagrin devait supplanter celui de tout le monde, et qui devint brièvement le sujet de la conversation qu’elle entretenait maintenant avec Ambrose "Hé, je suis peut-être pas une experte en mode, mais j’ai beaucoup de goût." se défendit-elle mollement quand il sous-entendit que la couronne de fleurs qu’elle avait envoyé par égard pour Norman serait soumise au jugement des très pointilleux membres de la famille du défunt.

Elle refoula une petite tape à lui accorder sur le bout des doigts, n’étant pas vraiment vexée de toute façon "A moins que tu veuilles plus jamais me revoir ? Je comprendrais." Son ah oui ? était assez penaud pour qu’elle y voit une forme de surprise déguisée, comme si après tant d’années, l’idée de se côtoyer à nouveau était une folie. Peut-être que ça l’était, elle ne savait même pas si elle pensait vraiment ce qu’elle disait quand elle parlait de retrouvailles, elle ne savait même pas si c’était une bonne idée de reconnecter avec un passé trop proche des erreurs qu’elle avait commises, d’autres ayant remplacé celle qui avait valu la vie de sa soeur. Elle voulait seulement détourner l’attention d’Ambrose, elle voulait le soutenir en faisait surement preuve d’un peu trop d’orgueil en partant du principe que sa seule présence pourrait lui allouer un peu de réconfort ; c’était le cas à l’époque, pourquoi ça ne le serait plus aujourd’hui malgré les années ? "Je sais, mais je voulais que tu saches que je pensais vraiment ce que je t’ai dit, que j’étais pas seulement polie." Ce n’était pas si important, elle insistait cette fois pourtant "Ça craint, mais ça aurait pu être pire. J’aurais pu t’envoyer un faire-part de naissance, t’imagines un peu ?" Et sous couvert de faire une blague pour le dérider, elle partait d’une vérité qui lui faisait de la peine bien sûr, qui était toutefois assez générique pour qu’il ne soupçonne pas du tout qu’elle ne plaisantait pas au fond. Elle en serait à cinq mois de grossesse aujourd’hui, une idée mortifère qui lui fit détourner les yeux sur l’environnement qui l’était tout autant, et qui lui fit réaliser que cette petite chose dont elle s’était débarrassée presque sans scrupules n’avait même pas eu le privilège d’être traitée comme un être humain en rejoignant le caveau familial des Barnes. Elle se racla la gorge pour se remettre les idées en place, demanda au jeune homme de but-en-blanc "Qu’est-ce qui s’est passé ?" Pour Norman, comment était-il mort ? Elle lui posa la question pour chasser ses pensées, joignant ses deux mains aux doigts noués entre eux sur le devant de la robe sobre qu’elle portait, interjetant à la question qu’il lui posa juste après avec un léger sourire en biais "Si ce n’est que quelques heures, on va pouvoir s’arranger." Bien sûr, fallait-il comprendre, ses mains se dénouant pour qu’elle puisse à son tour attraper son bras au niveau de son coude, sa tête se baissant sur leurs pas quand elle retint un rire pour ne pas faire tache dans l’environnement qui les entourait "Ça doit se résumer à peu de choses si tu peux seulement me payer un café." Elle ne lui demanderait pas le montant de son héritage, ça ne l’intéressait pas. Ses parents étaient riches, elle l’était pas définition, le deviendra officiellement plus tard, quand elle aura atteint son objectif. Elle pinça les lèvres, releva le nez vers le chemin qu’il foulait pour ajouter "Fais vite par contre, si tu veux profiter de moi et de ma présence pour rattraper le temps perdu. Je compte pas m’éterniser en ville, j’ai des projets." Des projets imposés, mais des projets quand même. Anticipant la question du jeune homme, elle lui expliqua dans la foulée "Je vais faire mon internat ailleurs qu’au St-Vincent, mais j’ai encore reçu aucune réponse, alors ça peut être dans un hôpital d’ici, ou dans un autre, je suis dans l’attente depuis quelques semaines." Une partie d’elle espérait qu’elle serait affectée à un autre hôpital de la ville tout simplement, l’autre se disait que ce ne serait pas plus mal de prendre de la distance avec Brisbane.

"A moins que tu veuilles plus jamais me revoir ? Je comprendrais." Et puisqu’il ne sait pas si elle est sérieuse ou si elle se moque doucement de lui, il ne tarde pas davantage avant de préciser le fond de sa propre pensée. « Laisse moi parler. » qu’il précise, avant de lui faire comprendre qu’il serait heureux de la retrouver dans un autre contexte et ainsi discuter avec elle. Il se dit que c’est ironique, tout de même, qu’ils se soient à l’époque rapprochés suite à la mort de Marion et qu’il en soit de même aujourd’hui à la disparition de Norman. Ils feraient sans doute mieux de ne pas se perdre de vue à l’avenir, parce qu’aucun de leurs proches ne seraient à l’abri. "Si ce n’est que quelques heures, on va pouvoir s’arranger." Tout en sachant que le contexte est malvenu pour une telle chose, Ambrose s’autorise un sourire simple et brièvement heureux. Il a hâte de la revoir dans un autre contexte.

Il y a des questions qu’il avait pu anticiper, mais il y a en a d’autres qui peuvent encore le prendre de court. "Qu’est-ce qui s’est passé ?" Celle-ci en est un exemple tant il prend pour acquis l’idée que les journaux ont tout expliqué de sa mort. En réalité, il n’en est rien. Le monde entier sait qu’il est mort durant la tempête mais rien de plus n’a été dévoilé ; sans doute parce que ça ne dépeint pas un tableau à la hauteur de l’homme qu’il était. « Il a pris le volant pendant la tempête et s’est retrouvé coincé. Il est mort noyé. » Ambrose a inspiré avant de préciser la cause de sa mort. Il a inspiré, parce qu’il sait que cela fait sonner un certain echo dans le coeur de la jeune femme à ses côtés. Il est mort de la même manière que Marion. Il est enterré dans le même cimetière. L’histoire se répète comme dans un mauvais film d’horreur mais face à Mavis, il ne cherche pas à romancer la réalié, ni même à lui cacher les faits. Ils ne l’ont pas fait quand ils étaient adolescents, il n’y a aucune raison pour qu’ils le fassent aujourd’hui en tant qu’adultes.

"Ça doit se résumer à peu de choses si tu peux seulement me payer un café."
« Tu pourras prendre un supplément lait végétal, t’en fais pas. »

Déjà, elle lui tire un second sourire et même un second rire. Elle se doute bien que l’héritage ne s’arrête pas là et qu’il n’aura plus à craindre le prix de n’importe quel café du monde, et c’est évident au point où aucun des deux ne cherche à aborder le sujet avec sérieux. Ambrose n’a de toute façon aucune hâte de recevoir cet héritage. "Fais vite par contre, si tu veux profiter de moi et de ma présence pour rattraper le temps perdu. Je compte pas m’éterniser en ville, j’ai des projets." Il s’arrête brièvement dans leur marche sans but et se poste face à Mavis pour qu’elle en fasse de même et qu’il l’observe les yeux dans les yeux. Il veut savoir ce dont elle est en train de parler. "Je vais faire mon internat ailleurs qu’au St-Vincent, mais j’ai encore reçu aucune réponse, alors ça peut être dans un hôpital d’ici, ou dans un autre, je suis dans l’attente depuis quelques semaines." - « Ailleurs où ça ? » Il se sent bête à déjà s’inquiéter qu’elle puisse travailler plus loin alors qu’il ne pensait plus du tout à elle il y a encore quelques semaines de ça. La vérité, c’est qu’elle est arrivée dans sa vie à un moment où il n’y avait plus grand monde, et cela lui a aussitôt donné beaucoup de place. Tel une entité à l’état de gaz, elle a pris toute la place qu’elle avait à sa disposition. « Je sais même pas quelle spécialité tu as pris. Va falloir que tu me fasses un debrief autour d’un café. » Pas ici, pas maintenant, mais bientôt (avant qu’elle parte pour ses projets, c’est noté). Grâce à Ruben, il peut au moins se vanter d’y voir un peu plus clair dans le labyrinthe des spécialisations de médecine. « Tu seras dans l’attente jusqu’à quand encore ? » Déjà, il nourrit l’impression qu’un décompte vient de se lancer au-dessus de sa tête. Le fait que les invités rebroussent chemin pour rejoindre le cercueil n’en est qu’une preuve de plus. « Je serai avec mes frères et soeur pendant la cérémonie mais je reviens vers toi après, ok ? » Il la remercie sincèrement de sa présence et de son soutien mais se dérober à une présence auprès de ses proches n’a jamais été envisagée. Plus que jamais, c’est pour James qu’il veut être là.

and my heart would go flatline
@Ambrose Constantine (crédit gif/megedonnellygifs)

Elle l’avait laissé parler, elle avait compris qu’il voulait la revoir dans d’autres circonstances que celles-ci, et son amour propre s’en retrouva grandi, la petite Mavis de quatorze ans — qui n’ignorait pas que le Constantin de quatorze ans la regardait avec des coeurs dans les yeux et de l’or enrubannant chaque mention de sa personne qu’il faisait aux autres — refaisant un instant son apparition alors que doucement, elle attrapait à nouveau son bras pour sentir au travers de son costume qu’il n’était définitivement plus un enfant. Malgré tout, c’était agréable de retrouver l’innocence le temps de quelques instants ; bien qu’à quatorze ans, Mavis n’était déjà plus vraiment innocente, enfilant en secret les habits de la coupable toute désignée, et que là maintenant, l’environnement dans lequel ils se trouvaient n’appelait pas vraiment la candeur. Tant pis, elle n’avait pas envie d’être trop grave, elle avait juste envie de soutenir son vieil ami.

Elle ferait des concessions pour lui, ruinerait l’équilibre de son emploi du temps pour le voir plus heureux qu’ici, le rendez-vous n’étant pas encore fixé, mais étant déjà pris. Elle aurait peut-être dû attendre d’être sortie du cadre morbide du cimetière pour le questionner sur ce qui était arrivé à son oncle, mais la question était sortie naturellement, sa curiosité se rappelant à elle pour se prendre un revers de conscience sur lequel elle ne prononça qu’un "Oh." qu’Ambrose serait décoder sans qu’ils n’en fassent tout un fromage. Norman était mort noyé, Marion était morte noyée, est-ce que le destin ne pouvait pas être plus caustique que ça ? "Je suis désolée." se retrouva-t-elle à dire en baissant brièvement la tête, parce que c’était vrai d’un certain côté, même si pour sa part, la noyade de sa soeur n’avait jamais fait partie de sa liste des regrets. Pour Norman, c’était différent. Ça affectait Ambrose, ça affectait sa famille — ça avait affecté la sienne à l’époque, que Marion se noie, mais elle, elle s’en était moquée en repensant à ce qu’elle avait ressenti quand elle s’était aperçue de ce qu’elle venait de faire, de l’adrénaline de l’impulsion qui l’avait transie quand elle avait pris sa décision et qu’elle avait estimé la hauteur de la falaise pour comprendre que, dans tous les cas, elle ne remonterait jamais à la surface.

Elle secoua la tête en la relevant pour chasser tout ça de son esprit, comprenant qu’ils n’en feraient définitivement pas un sujet de discussion, et pas seulement parce que c’était douloureux pour Ambrose de rentrer dans les détails de la perte de l’homme qu’il considérait comme un père. Ils reprirent plutôt leur échange pas très profond, Mavis se permettant d’apposer un tampon d’urgence à leurs retrouvailles puisque d’une certaine manière, le temps leur était compté "Ailleurs, je sais pas encore. J’ai postulé à Melbourne et Adélaïde en plus de quelques cliniques privées des environs, ça dépendra des effectifs." Pas de son dossier, il était parfait "Je l’ai pas encore annoncé à Dan, t’es le premier à qui j’en parle vraiment." Ruben étant l’exception, mais Ruben ne méritant pas qu’elle le compte parmi les élus en ce moment. Elle haussa les épaules, pinça très fort les lèvres avant de tourner la tête dans sa direction "Neuro-chirurgie. Fais pas semblant d’être surpris." Elle aurait pu garder l’information pour cultiver son intérêt lorsqu'ils se retrouveraient autour d’un café, mais quand on donnait l’occasion à Mavis de se faire mousser, elle ne la boudait jamais, qu’importe l’endroit où elle se trouvait "En théorie, jusqu’au mois prochain. En pratique, je connais des internes qui n’ont rejoint leur programme que plusieurs mois après avoir postulé." Elle pouvait demander à son père de faire valoir son influence, sauf que ce n’était même pas envisageable pour elle d’habitude, ça l’était encore moins depuis ce qui était arrivé le mois dernier. Elle se laissa un très court instant happé par ses pensées, le temps pour Ambrose de la prendre de court alors qu’au loin, il y avait du mouvement, annonçant que la cérémonie allait commencer. Elle le regarda s’agiter, elle l’écouta lui poser une autre question à laquelle elle répondit vite, mais d’un simple oui de la tête, harponnant sa main avant qu’il ne se dérobe pour de bon "Hé, respire, d’accord ?" lui conseilla-t-elle, dérogeant à son ton de médecin qui s’inquiète pour son patient pour mieux concilier à ses directives le ton doux qu’on réserve à ses proches. Son regard resta un instant solidement amarré au sien, et puis elle finit par le lâcher, tout comme sa main, pour qu’il aille rejoindre sa famille. Mavis lui adressa un petit signe de tête encourageant qu’elle n’accompagna d’aucun mot cette fois, juste d’un léger sourire dans lequel elle laissa transparaître toute la tendresse qu’elle avait gardé pour lui tout au long de ces années.

Il note mentalement les villes dont il est question: Melbourne, Adelaïde. Partout et nulle part ; l’endroit ne semble pas avoir la moindre importance pour elle et il n’a pas le droit d’agir comme si ça en avait pour lui, même s’ils vivent dans un foutu pays où les villes sont bien trop éloignées les unes des autres. Ambrose se concentre sur autre chose, sur l’insouciance de leur échange au beau milieu d’un endroit qui n’a rien d’insouciant, justement. "Je l’ai pas encore annoncé à Dan, t’es le premier à qui j’en parle vraiment." Il aurait jubilé, quelques années plus tôt, si elle lui avait dit qu’il avait été prioritaire par rapport à Dan sur une information. « Motus et bouche cousue. » Elle ne lui a même pas demandé mais il le précise quand même, parce qu’il ne risque pas de vendre la mèche à qui que ce soit, et surtout pas à Dan à qui il n’a pas parlé depuis des années. Il l’a autant perdu de vue que c’était le cas pour Mavis, jusqu’à ce soir. "Neuro-chirurgie. Fais pas semblant d’être surpris." Quand son sourire s’étire au plus haut depuis longtemps, il croise son regard. Evidemment qu’il n’est pas surpris, évidemment qu’il espérait bien qu’elle lui réponde quelque chose du genre aussi. "En théorie, jusqu’au mois prochain. En pratique, je connais des internes qui n’ont rejoint leur programme que plusieurs mois après avoir postulé." Au fond, il espère égoïstement qu’elle rejoindra son programme plus tard seulement, parce qu’il ne pense pas qu’ils pourront rattraper tout le temps perdu mais ça ne l’empêche pas de vouloir essayer, ou au moins d’en caresser l’objectif. Ca, et aussi l’espoir de croire qu’en rejoignant son programme plus tard, cela lui laissera la possibilité de se reposer un peu avant de rentrer pour de bon dans un monde où le repos n’est qu’un vague concept. L’hôpital qui se fout de la charité, en somme. « Tiens moi au courant. » Il insiste d’un mouvement de tête, pour lui faire comprendre qu’aujourd’hui plus que jamais, il ne s’encombre pas de paroles en l’air. La vie est précieuse, le temps alloué à chaque chose l’est tout autant.

Sa capacité à garder son calme et s’occuper l’esprit avec d’autres discussions est mis à mal lorsqu’il comprend que la cérémonie s’apprête à commencer et il entre dans une certaine forme de panique qui se veut assez évidente pour que Mavis intervienne. "Hé, respire, d’accord ?" Ses mots, couplé à son geste, lui permettent de capter l’attention d’Ambrose durant un instant. Il plante à son tour son regard dans le sien et hoche brièvement de la tête pour lui assurer qu’il fera des efforts. « Merci. » Pour ça, pour tout le reste. Il le lui murmure en espérant qu’elle comprenne à quel point il pense ces mots et à quel point ils sont importants pour lui. Ils prennent la forme d’une rapide et dernière étreinte alors qu’il pose une main contre son dos. D’un geste de la tête, cette fois, il lui propose silencieusement qu’elle le suive jusqu’au lieu de rassemblement, sans pour autant vouloir le lui imposer si elle veut garder ses distances avec la cérémonie en elle-même. Déjà, il sait qu’il la recherchera quand elle sera terminée, parce qu’il aura besoin de penser à tout sauf à ce qu’il vient de vivre. Preuve en est, il n’a déjà qu’une seule envie: que tout soit terminé.