@Malone Constantine

(central laundry) Il ne fait pas le malin, Ambrose. Bien sûr que non. Il pense à tout ce que sa vie aurait pu être, et il voit surtout tout ce qu’elle est maintenant ; c’est à dire pas grand chose. Il ne se sent plus capable de jouer sur scène, il n’est plus capable de maintenir le secret d’une fausse relation, et c’est à peine s’il est encore certain de pouvoir assurer son travail auprès de Camil. Sa fratrie implose déjà de la mort de Norman, et ce n’est qu’un bref aperçu de ce qu’il en sera quand ils apprendront que même les jours de leur père sont comptés. Pour l’heure, Ambrose n’y pense pas trop, non par déni mais simplement parce qu’il sait qu’il ne peut pas mener autant de problématiques de front et qu’il a besoin d’y aller pas à pas, une à une.

Le premier problème, maintenant, c’est qu’il n’a plus de toit sur la tête. Il ne restera pas chez Cassie maintenant qu’ils ont décidé d’arrêter leur mensonge et il ne peut pas non plus revenir chez Norman alors que ce dernier n’y est plus. L’idée en elle-même suffit à le rendre malade, même s’il a toujours ses clés et sa chambre dans son appartement luxueux. Ce n’est pas ce dont il veut, et il préfère encore une place sur le canapé d’un frère dont il ne s’est jamais senti proche plutôt que quoi que ce soit d’autre. C’est temporaire, évidemment, mais c’est une très bonne solution temporaire. Tant qu’il n’a pas à expliquer la situation à qui que ce soit, tout est plus simple ainsi.

Même alors qu’il se retrouve à aller jusqu’à la laverie pour avoir une occasion d’échanger quelques mots avec Malone, tout n’est pas si pire. A bien y repenser, il sait à quel point il est chanceux d’avoir une fratrie toujours capable de l’aider, lui le vilain petit canard malgré tous ses efforts. Il peche sur des sujets différents que ses aînés (Dieu soit loué, la drogue n’est pas son domaine) mais il peche tout de même. « Sans vouloir donner l’impression de me plaindre, je préférais quand une femme de ménage s’occupait de tout ça. » Il initie dans un sourire maladroit. Il parle du temps chez Norman, évidemment, et il a encore beaucoup de mal à assimiler cette idée au passé. Maintenant, plus personne ne fera quoi que ce soit pour lui et son niveau de vie est bien différent. « Mais tu sais que je suis un grand garçon, je peux m’en occuper seul. » A l’avenir, il peut au moins lui rendre une partie de sa pièce en s’occupant seul de ce genre de tâches. Il ne peut pas payer un loyer très conséquent, mais il peut au moins aider à ce niveau et sur quelques autres encore. « Avant, ça aurait pu être compliqué avec mes horaires mais maintenant… j’ai un peu plus de temps. » Il laisse planer l’idée que le temps libéré vient de ses fiançailles rompues, bien que cela n’ait aucun rapport. Il a plus de temps parce qu’il voit de moins en moins les Sand Witches, surtout. Est-ce que Malone sait qu’il est dans un groupe de musique, même ? Il en vient à en douter, alors que l’animosité n’est même plus présente. Il a appris à accepter son sort, aussi simplement que ça. « Tu me diras quand mon neveu viendra aussi. Je serais content de le revoir. » Pour lui, il trouvera le moyen de se libérer, c’est certain.

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@ambrose constantine

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***
C’était temporaire - c’était ce que Ambrose lui avait dit avec une conviction qu’il trouvait autant convaincante qu’elle semblait bidon. C’était temporaire, et peut-être d’un côté heureusement que c’était le cas parce-que l’appartement de Malone n’était pas bien grand, qu’une seule chambre et n’était pas fait pour la colocation; les affaires de son petit frère étaient entreposées ici et là, en fonction de ce qu’il pouvait avoir besoin et de l’espace qu’il arrivait à trouver pour y loger ces dernières. C’était temporaire et il ne l’avouerait pas, mais cela restait étrange pour lui de se retrouver de nouveau avec quelqu’un dans les pattes dès lors qu’il passait la porte de chez lui; depuis qu’il était sorti de cure, des années plus tôt, il avait plus eu à partager son espace d’habitation. C’était temporaire mais en réalité, malgré la longue liste de choses qui pourraient ne pas être appréciables ou qui pourraient mal tourner, la seule que l’ainé Constantine arrivait à retenir c’était que Rose avait choisi de venir chez lui pour se réfugier. Sûrement par défaut, mais en considérant l’état de leur relation, c’était un énorme pas vers l’avant pour eux deux. Alors bien qu’il acceptait de lui prêter son canapé, son apparement et tout ce dont il pourrait avoir besoin même de façon temporaire parce-que c’était aussi de cette façon la qu’ils réussiraient à souder un brin de quelque-chose entre eux.

« Sans vouloir donner l’impression de me plaindre, je préférais quand une femme de ménage s’occupait de tout ça. » Relevant sa tête de son panier à linge, Malone dit attendre de voir le regard et le sourire amusés de son frère pour se rendre compte qu’il abordait ce sujet là dans l’humour - ce qui était tout le contraire de la situation entourant l’endroit où il avait accès à une femme de ménage, justement. « Mais tu sais que je suis un grand garçon, je peux m’en occuper seul. » - « Ça va te faire devenir un grand garçon, surtout. » Qu’il continua dans la même lancée. Lui qui n’avait connu que temporairement le luxe d’habiter chez Norman, parti rapidement à l’armée où les règles n’étaient pas du même acabit, avait dû rapidement apprendre à se débrouiller avec ses affaires et leur entretien. Ce serait l’occasion pour Ambrose d’en venir à une situation similaire - plus de force que de gré, mais ce n’était pas tant nécessaire que cela de se rappeler les raisons blessantes qui l’avaient poussé à en arriver là. Alors, pour joindre la parole aux faits, il lui indiqua le second panier rempli et dans la foulée, indiqua une des autres machines à laver. « T’as qu’à t’y mettre de suite, grand garçon. » Il profitait aussi de l’instant de légèreté, qui n’était pas habituel entre eux; d’ordinaire, ce type de conversation aurait été l’occasion parfaite pour en faire un sujet de dispute selon Malone - pas tant de façon volontaire, mais il avait tendance à prendre tous les sujets de conversation amenés par ses frères et soeurs pour des reproches et des attaques, ce qui n’arrangeait pas leurs relations.

« Avant, ça aurait pu être compliqué avec mes horaires mais maintenant… j’ai un peu plus de temps. » - « Elle était si prenante que ça ? » Sa fiancée, celle qu’il avait laissé - ou qui l’avait laissé, il n’avait pas trop compris et n’avait pas posé plus de questions que cela, tant il ne voulait pas s’imposer là où il n’avait pas sa place.

« Tu me diras quand mon neveu viendra aussi. Je serais content de le revoir. » Ca, c’était le genre de paroles qui tira sans le moindre effort un petit sourire en coin chez le plus âgé des deux frères. Il haussa quelque peu un sourcil. « Il va vouloir dormir avec toi dans le canapé et te montrer comment il est fort à la console de jeux. » Et il s’empressa d’ailleurs d’ajouter rapidement. « Officiellement bien sur il y joue pas, hein. » Peut-être que Malone avait réussi à lui en trouver une à prix réduit et qu’il avait décidé de l’installer dans le salon de son appartement dans le dos de Anna; pas de jeux violents, mais Oscar était content de partager un secret avec son père et peut-être que Malone essayait comme il pouvait de prouver à son petit qu’il l’aimait malgré tout et qu’il était là pour lui. Un peu tordu, mais il cherchait encore la place qu’il avait le droit d’avoir aux côtés de celui qu’il n’avait que trop peu vu grandir. « Il doit venir le weekend dans trois semaines, mais je peux peut-être voir avec Anna si elle est d’accord pour le déposer un autre soir en semaine pour que tu puisses le voir plus tôt. » De façon générale, elle ne lui mettait pas vraiment de bâtons dans les roues - tant qu’il restait dans le droit chemin -, et elle serait ouverte à l’idée qu’Ambrose puisse passer du temps avec Oscar. « Il sera content de te voir. » Et cette idée lui tira un petit sourire attendri.

« Ça va te faire devenir un grand garçon, surtout. » Malone s’en amuse bien plus que c’est le cas d’Ambrose, il faut bien l’avouer. Si son aîné ne consent même pas à le laisser s’occuper seul de la tâche du linge sale, alors il peine à imaginer comment un pays tout entier pourrait lui faire confiance pour le diriger, dans une petite dizaine d’années à peine. Le chemin à faire n’est pas grand, il est immense. Néanmoins, c’est sans se plaindre davantage qu’il se met à la tâche pour remplacer une vie dans laquelle il avait, auparavant, une femme de ménage. Tant que cela ne prend pas trop le pas sur les tâches de son quotidien qui sont réellement importantes, alors Ambrose ne voit pas le mal à aider un petit peu Malone ici et là. De temps en temps, du moins. Le temps qu’il sera sur son canapé - puisse-t-il être aussi bref que possible. « Elle était si prenante que ça ? » - « Quoi ? » La question sort du fond du cœur tant il est surpris par l’évocation de Cassie, lui qui n’avait pas la moindre intention de parler d’elle et qui justement ne faisait pas allusion à sa personne. « Non, je… Je parlais du groupe de musique. » Ce n’est pas l’amour fou avec Cassie, cela ne l’a jamais été, mais il n’a pas à coeur de la laisser prendre des blâmes qui ne sont en rien sa faute. La vie est plus simple maintenant puisqu’il n’a plus à mentir à chaque seconde à ses proches, mais ce n’est pas vraiment la faute de son ex-fiancée.

« Il va vouloir dormir avec toi dans le canapé et te montrer comment il est fort à la console de jeux. »
« Je peux gérer. »

Le sourire qu’il étend est tout aussi heureux qu’a Malone dès qu’il parle de son fils. « Officiellement bien sur il y joue pas, hein. » Et puisqu’il est bien évidemment question de ne vexer personne, Ambrose mime de zipper ses lèvres entre elles et d’emporter ce secret dans sa tombe. Quand bien même il jouera évidemment aux jeux vidéos avec son neveu si jamais la question arrive entre eux sur le tapis. « Il doit venir le weekend dans trois semaines, mais je peux peut-être voir avec Anna si elle est d’accord pour le déposer un autre soir en semaine pour que tu puisses le voir plus tôt. » L’idée lui fait plaisir et il hoche la tête avec soin. « Sans vouloir te vexer, j’espère plus être là dans trois semaines. » Même si cela semble un peu optimiste qu’il arrive à trouver un logement en moins de temps que ça. N’en reste pas moins qu’il sera toujours heureux de passer un peu de temps avec Oscar, peu importe la date: si jamais il a déménagé au moment où ça venait à arriver, il passerait tout de même un instant chez Malone. « Il sera content de te voir. » - « Moi aussi. » Il avoue simplement, au son des tambours de la machine à laver sur laquelle il finit tout simplement par s’asseoir, ses jambes se balançant dans le vide. « Tu… tu lui as dit, pour Norman ? » Il aime les enfants mais il ne les connaît pas réellement, et il ne sait pas s’il est en âge de comprendre ce genre de concept - il ignore aussi tout bonnement si son père pourrait avoir jugé utile de le tenir au courant de la vie et de la mort d’un homme qui n’est finalement qu’un oncle lointain. En réalité, c’est surtout une façon comme une autre pour aborder d’autres sujets, et qui dit Norman dit aussi leur père. A son sujet, il y a encore à discuter. « Je voudrais pas faire de maladresse. » Il trouve une excuse pour aborder le sujet.

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Ambrose était et resterait toujours aux yeux de Malone son petit frère, qu’importait ce que ce dernier pouvait faire de sa vie et de son quotidien. Alors bien sur qu’il agirait toujours en tant que grand frère face à lui, même s’il n’avait endossé ce rôle qu’un nombre trop peu élevé de fois au cour des deux dernières décennies. Il n’était pas un modèle, il était parfaitement au courant de tout ça, mais ce n’était pas pour autant qu’il n’essayerait pas de se comporter comme il aurait du le faire pendant tout ce temps désormais dès qu’il en avait l’occasion. D’avoir Ambrose sous son toit pour quelques temps n’appuierait que cette idée davantage - raison pour laquelle il ajoutait un ton humoristique à la situation présente. Il usa de ce ton aussi, lorsqu’il lui demanda si c’était sa fiancée qui l’avait privé de tant de temps libre; c’était peut-être maladroit mais ils n’avaient pas abordé réellement le sujet ensemble depuis l’annonce d’un mariage qui n’aurait apparemment pas lieu finalement. « Quoi ? » La surprise était de mise dans le ton et le regard de son petit frère, et peut-être que cela remit un instant en cause la façon dont Malone avait posé sa question. « Non, je… Je parlais du groupe de musique. » L’information mit un instant à faire son chemin dans l’esprit de l’ainé, tant il n’était pas attendu à ça. « Oh. » Ce n’était donc pas sa fiancée qui l’avait privé de son temps libre - entendable bien qu’étrange -; Malone fronça les sourcils. « Parce-qu’il a quoi, ton groupe de musique ? » Il ne s’était pas montré présent, mais il avait suivi de loi ces aventures là.

« Je peux gérer. » - « Tu dis ça parce-que tu l’as pas encore dans les pattes. »

Et cette réflexion là était faite avec tout l’amour qu’il avait en réserve pour son fils. Parce-qu'il n’y avait qu’une seule façon de parler de lui pour son père, et c’était de cette dernière. Son fils était et resterait toujours la plus belle réussite de sa vie; il n’avait pas été à la hauteur de ce cadeau pendant trop de temps, mais ce n’était pas quelque-chose qu’il niait ou mettait de côté - surtout ces derniers temps. Il avait à coeur de faire mieux et de faire bien surtout pour Oscar, il s’y appliquait chaque fois jour pour que c soit le cas. Il était heureux, de savoir que son frère avait à coeur de passer du temps avec son neveu, là où le lien entre les deux n’était pas forcément une évidence même non plus. Rien qu’à la manière qu’il eut de se rallier à un secret que le père et le fils partageait, Malone sut qu’il devait ajouter sur la liste des efforts l’idée que Rose puisse voir davantage Oscar. « Sans vouloir te vexer, j’espère plus être là dans trois semaines. » Il balaya les semblant d’excuses que son frère lui apportait avec une telle phrase. « Tu me vexes pas. » Il était tout à fait lucide sur la situation entre son frère et lui, malheureusement. « Mais si t’as besoin, tu peux être encore là dans trois semaines, tu sais. » Il n’était pas le plus démonstratif, mais il avait à coeur d’être présent pour son cadet.

« Tu… tu lui as dit, pour Norman ? » La question d’Ambrose était légitime, et il aurait du la voir venir en réalité alors qu’ils abordaient l’idée qu’ils avaient tous deux hâte que neveu et oncle puisse passer du temps ensemble. « Je voudrais pas faire de maladresse. » Pinçant les lèvres, Malone laissa un soupire lui échapper alors qu'il concentration son attention un instant sur la machine devant lui, appuyant sur un bouton et un autre. Il finit par mimer de s'asseoir sur l’une d’elle en s’appuyant dessus, croisant les bras. « Je lui en ai pas parlé non. » Et il évitait présentement le regard d’Ambrose, bien sur. Parce-qu’il savait pertinemment que la suite de ses paroles n’était pas véritablement plaisante à entendre, surtout à la place qu’occupait son frère. « Il le connait pas, je vois pas l’intérêt de lui en parler. » Norman avait vu quelques fois Oscar lorsque ce dernier était tout petit, encore un bébé, mais c’était le seul lien qui  avait jamais existé entre eux. A partir du moment où le gamin avait été apte à se rappeler de quoi que ce soit, il n’avait pas fait partie du paysage. « J’ai pas trouvé d’intérêt à lui apprendre la mort de quelqu’un qu’il connait pas. » Et parce-que malheureusement, ce n’était pas l’entente parfaite entre Malone et feu-Norman, il ne voyait pas l’intérêt d’apporter quelqu’un de cet acabit pour aborder une conversation sur la mort avec son fils.

Les malentendus sont de mise entre deux frères entre qui le dialogue n’a jamais été leur point fort. « Oh. Parce-qu’il a quoi, ton groupe de musique ? » Pour peu, Ambrose est presque étonné qu’il ne lui pose pas une question du genre “quel groupe de musique ?”, et il se dit que c’est sans doute déjà ça. « Je vais tout arrêter, je pense. J’ai pas le temps pour ça. » C’est la version courte et la version actualisée de toute cette histoire, mais c’est aussi et surtout la plus simple à partager face à son frère sans avoir à rentrer dans une infinité de détails dont il préfère se préserver pour l’heure. Nul besoin d’aborder l’addiction de Cameron, les excès d’Edison, et sa propre crainte dévorante et grandissante dont il ne comprend pas même le fondement. « Tu dis ça parce-que tu l’as pas encore dans les pattes. » Il revient sur le sujet d’Oscar et Ambrose lui offre un sourire sincère en retour, sans chercher un seul instant à sur-interpréter des mots qui ne le méritent pas: Malone a bien des défauts mais l’amour qu’il porte à son fils est indéniable. Le plus jeune profitant d’autant plus du sujet pour lui souligner qu’il a à coeur de l’aider autant que possible et tant qu’ils vivent plus ou moins ensemble mais que ce n’est pas une situation qu’il cherche à voir perdurer. Pour lui autant que pour Malone, cela n’a rien de viable. « Tu me vexes pas. Mais si t’as besoin, tu peux être encore là dans trois semaines, tu sais. » Reconnaissant, il hoche doucement la tête. « Je sais, je sais. » Il ne le mettra pas à la porte, c’est évident, mais cela ne signifie toujours pas pour autant qu’ils ont à y gagner à garder cette situation telle quelle.

« Je lui en ai pas parlé non. » Et si la première réponse qu’il lui partage au sujet de Norman n’est pas le moins du monde une surprise pour Ambrose, la seconde l’est bien plus, sans que cela n’ait quoi que ce soit d’une bonne chose. « Il le connait pas, je vois pas l’intérêt de lui en parler. » Maintenant, et après qu’il ait partagé de tels mots avec son cadet, Ambrose comprend un peu mieux pourquoi il n’a pas osé le regarder dans les yeux en lui disant ça. Déjà, les sourcils du plus jeune se froncent, lui qui se veut incapable de concevoir un monde dans lequel un membre de leur famille ignore tout de Norman. « J’ai pas trouvé d’intérêt à lui apprendre la mort de quelqu’un qu’il connait pas. » Il a beau avoir anticipé sa question du pourquoi, cela ne suffit pas. « Tu te fous de moi ? » La colère l’emporte sur le reste. Le trou dans son cœur est encore immense mais il jure pouvoir sentir le coup de couteau que Malone lui inflige en plein cœur. « Pourquoi est-ce qu’il ne connaît pas Norman ? » La première question n’est rien d’autre que cette dernière. « Il est sa famille à lui aussi. » Il était en droit de ne rien spécifier de l’adoption, surtout à un enfant aussi jeune et évidemment incapable de tout comprendre, mais il n’était pas en droit de lui cacher l’existence d’un homme qui aurait tout eu d’un grand-père pour lui. « Est-ce qu’il l’a déjà rencontré, au moins ? » Oscar n’a aucun souvenir de Norman, mais est-ce qu’il l’a vu quand il était bambin ? Au moins ça, non ? « Des fois je te comprends vraiment pas. » Il souffle, sincèrement désolé. Il essaye vraiment, il le jure, mais l’esprit de son frère est un labyrinthe dans lequel la sortie n’est bien évidemment pas des mieux indiquée.

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Pour certaines informations, bien sur qu’il se devait de remercier Flora qui lui glissait ici et là des nouvelles de temps à autres de leurs frères, même lorsque Malone ne posait pas forcément de questions; elle savait que le dialogue n’avait jamais été le fort de leur ainé, et que ce vilain défaut s’était répercuté sur ses relations avec bien trop de membres de leur famille. Il était donc au courant qu’Ambrose faisait partie d’un groupe de musique, mais il n’avait pas eu vent de cette histoire de problème au sein de ce dernier - n’avait-il pas assez écouté, ou était-ce là une information neuve et exclusive même pour le reste de la famille ? « Je vais tout arrêter, je pense. J’ai pas le temps pour ça. » - « Oh. » Et il se doutait que ce n’était pas assez comme réponse, que ce n’était pas forcément non plus le mieux adapté, alors il reprit la parole rapidement. « C’est dommage. J’ai cru comprendre que ça fonctionnait pas trop mal. » N’était-ce pas les informations qu'il avait eu, ça ?

Malone aurait préféré que leur conversation garde le ton un brin plus léger qu’elle avait revêtu au début, parce-que désormais ils s’enfonçaient dans un sujet qu’il savait problématique et bien plus complexe sans même qu’il ne soit mis sur la table assez régulièrement surement. S’il avait eu le courage de regarder son frère dans les yeux pour prononcer sa réponse, il aurait vu que ses sourcils se fronçaient sur son front, marquant son étonnement autant que sa mauvaise surprise quant à la réponse que son ainé lui fournissait. Mais Malone n’était pas tout à fait fou encore, et surtout il n’était pas assez courageux pour laisser le regard d’Ambrose croiser le sien en cet instant. « Tu te fous de moi ? » La réaction primaire du brun laissait anticiper le reste de leur conversation - c’était ce qu’il avait tenté d’éviter depuis que son petit frère avait annoncé avoir besoin d’un coup de main pendant quelques temps, parce-qu’il désirait se montrer autant présent que possible pour lui. Mais il n’avait pas la prétention d’avoir la langue dans sa poche, surtout lorsque cela concernait la partie Weatherton de leur famille ou que cela touchait Oscar - Ambrose avait réuni les deux dans la même discussion. « Pourquoi est-ce qu’il ne connaît pas Norman ? Il est sa famille à lui aussi. » - « Parce-que je le côtoyais déjà pas moi, alors c’est pareil pour mon fils. » Il tâchait de garder la colère qui grondait en lui pour lui, justement, de son côté; pas la peine d’en rajouter une couche non-nécessaire. Surtout en grande partie parce-qu’un détail n’échapperait à aucun des deux frères en cet instant: l’un parlait de Norman au passé, l’autre au présent, les peines n’étaient pas les mêmes et c’était à l’ainé pour une fois de tenter d’endosser au plus correctement son rôle. « Est-ce qu’il l’a déjà rencontré, au moins ? » Il échappa un soupire, pinça ses lèvres un instant. « Quand il était tout petit ouais. » Cela remontait à des années maintenant.

« Des fois je te comprends vraiment pas. » - « Ambrose, écoute. »

Fermant les yeux, il pinça l’arrête de son nez entre son pouce et son index, avant de porter de nouveau ses yeux sur le visage de son frère - maintenant que le sujet était lancé, il pouvait lui faire face: il n’aurait pas pire à lui apprendre aujourd’hui, à première vue. « J’ai déjà du mal à voir mon propre fils, ok ? Maintenant c’est un peu mieux, mais c’est pas encore ça. Et y’a quelques années, c’était encore pire. » Parce-que la prise de nouvelles allait dans les deux sens - ou n’allait pas, plutôt, entre eux -, peut-être que Rose n’était pas au courant d’à quel point son ainé ramait pour avoir son fils dans son quotidien depuis tout ce temps. « Quand je peux le voir, j’en profite autant que c’est possible. Si je peux ne pas perdre de temps à le faire voir d’autres gens, je le fais. » A ses yeux, c’était aussi simple que ça. « Norman a jamais fait plus d’efforts que ça pour avoir des contacts avec le petit non plus, alors j’ai pas cherché à faire les efforts de mon côté. Y’a pas grand chose d’autre à comprendre. » La partie qu’il tairait, c’était que malgré toutes les dernières nouvelles, il ne regrettait pas les choix qu’il avait pu faire. « Alors étant donné qu’il l’a pas vu depuis qu’il est capable de s’en rappeler, non j’ai pas prévenu Oscar de la mort de Norman. »

« C’est dommage. J’ai cru comprendre que ça fonctionnait pas trop mal. » Il marche sur des œufs, sans doute même incapable de donner le nom du groupe dans lequel Ambrose est actuellement, ou celui qu’il a pu connaître toute sa vie. Le benjamin y est habitué et seul le contraire pourrait l’étonner, raison pour laquelle il ne prend même pas la peine de soulever ses mots ou d’en faire le moindre commentaire. Si cela ne pose aucun problème à son aîné de ne pas savoir ce que fait son propre sang de ses journées, il ne perdra pas tout son précieux temps à se battre contre lui. Il se contente d’émettre un vague grognement, lequel est supposé signifier que la discussion est close et qu’il n’y a rien de bien intéressant à en tirer. Ce n’est qu’un demi-mensonge, après tout. Il fera l’affaire.

S’il y a un sujet sur lequel il ne peut passer sans tenter d’en faire son combat ou, au minimum, de raisonner Malone, c’est bien celui de Norman. Il n’a jamais passé trop de temps à essayer de forcer les deux hommes à nouer un lien, bien conscient depuis sa plus tendre enfance que ça n’arriverait jamais, mais il ne peut pas le laisser dire de tels mots sans creuser autour. Plus que tout, il n’arrive pas à réaliser que son neveu puisse ne pas connaître l’homme qu’il a mis sa vie en pause pour recueillir toute une fratrie et ses problèmes. « Parce-que je le côtoyais déjà pas moi, alors c’est pareil pour mon fils. » Ambrose échange avec son aîné un regard mauvais, jugeant déjà que son excuse n’est pas recevable. Tout ce qu’il a fait, c’est être un adulte têtu et buté qui a continué de bouder un homme au travers de son fils. « Que tu portes pas Norman dans ton cœur c’est ton problème. Ca aurait jamais dû affecter Oscar. » Il avait le droit de rencontrer le seul homme qui ressemble à une figure paternelle de ce côté-là de la famille mais Malone a été égoïste et il l’a privé de ce droit, sans véritable raison derrière ça. « Quand il était tout petit ouais. » Il l’a rencontré une fois seulement. Deux peut-être. Jamais rien de plus, jamais rien de poussé. Ambrose écoute la réponse en se retenant d’ajouter de nouveaux reproches à l’encontre de son frère mais il n’en pense pas moins. « Et papa ? » Est-ce qu’il l’a déjà rencontré ? Est-ce qu’un homme dans un état végétatif semble valoir davantage que celui qui a quotidiennement été présent pour eux depuis plus de vingt ans ?

« Ambrose, écoute. »

La colère de Malone se lit aisément dans ses gestes mais Ambrose ne cille pas pour autant, habitué à entrevoir ce genre de réaction chez autrui. Le fait qu’il soit son propre frère n’y change pas grand-chose. « J’ai déjà du mal à voir mon propre fils, ok ? [...] Alors étant donné qu’il l’a pas vu depuis qu’il est capable de s’en rappeler, non j’ai pas prévenu Oscar de la mort de Norman. » Il écoute tout le discours en resserrant un peu plus sa mâchoire à chaque nouvelle seconde écoulée tant les mots qu’il aligne ont tout pour lui déplaire. « Leur relation aurait pas dû foirer parce que c’est le cas de ton couple. » Il est dur et le sait, mais il peut se permettre de tenir des reproches à tout va tant qu’il ne peut pas lui-même être donné en exemple sur le plan familial et conjugal - mais surtout familial. Il nourrit l’idée que chacun peut faire ce qu’il veut de ses amours sans que cela ne regarde qui que ce soit d’autre, mais à la seconde où un enfant s’ajoute à l’équation, la donne change totalement. « De toute façon c’est trop tard. » Il annonce, sans que ça ait vocation à apaiser l’ambiance: c’est trop tard, et de ça aussi il tient rigueur à Malone. Il a toujours laisser le temps avoir de l’avance sur lui sans jamais paradoxalement se battre - un comble pour un homme tel que lui, pas vrai ? « Je suis juste énervé que personne ait jamais fait les efforts suffisants pour qu’on soit une famille normale. » Il ne dit pas que c’est facile, mais il dit au moins qu’ils auraient valu la peine d’essayer.

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C’était rare qu’entre eux, les discussions ne tournent pas vinaigre mais naïvement, Malone s’était dit qu’avec les circonstances actuelles les choses pourraient changer quelque peu. Ils avaient commencé par échanger sur des banalités, ce qu’ils ne faisaient presque jamais - cela aurait pu durer, ils auraient pu avoir une discussion comme d’autres membres d’une même fratrie savaient le faire. Mais il avait fallu qu’Ambrose mette sur le tapis un sujet qu’il savait d’avance les diviser; il l’avait fait tout de même et maintenant même si Malone était empli de bonne volonté, il se devait de serrer les dents et d’argumenter là où il ne pensait pas avoir besoin de contenir la moindre énergie négative aujourd’hui. « Que tu portes pas Norman dans ton cœur c’est ton problème. Ca aurait jamais dû affecter Oscar. » - « Il le connait pas, ça peut pas l’affecter. » Et puis surtout, il ne voyait pas l’intérêt de lui présenter un homme qu’il ne voyait déjà pas de son côté, pour lui c’était aussi simple que cela dans son esprit. « Et papa ? » Cette question là, cette répartie là, il ne s’y était pas attendu. Reportant son regard d’un coup sec dans la direction de son cadet, ses yeux finirent par se reposer sur ses mains qui jouaient nerveusement avec le bord de la machine devant laquelle il était posté. La réponse n’allait pas plaire à Ambrose, aussi peu que la première qu’il avait déjà donné en tous cas. « Il l’a déjà vu. » Une seconde de silence et une inspiration plus tard. « Mais il était trop petit pour s’en rappeler. » Il soupira. « Je voulais pas qu’il ait cette image de l’hôpital et de papa dans cet état  quand il essayerait de s’en rappeler, alors j’ai préféré pas le laisser y aller par la suite. » Cette partie là de l’histoire était lâche, il le savait; mais la raison qui l’avait poussé à agir de la sorte était on ne pouvait plus compréhensible normalement. « C’est un enfant. » Il ne voulait pas remplir ses souvenirs de ceux dont il aurait du mal à se défaire.

Et il aurait pu - aurait du, même, peut-être à force - anticiper que ses excoriations ne seraient jamais à la hauteur de ce qu’Ambrose aurait aimé entendre. Il n’était encore qu’un enfant qui venait de perdre celui qui avait endossé le rôle de père pendant des années à ses yeux, voire même toute sa vie en réalité. Il était en deuil, il était triste et la dissociation entre les situations et ses idées et sentiments avait du mal à se faire. Dans d’autres circonstances, Malone ne lui en aurait pas voulu; mais il attaquait une partie de sa vie personnelle dans laquelle il n’avait en réalité pas son mot à dire: Oscar. « Leur relation aurait pas dû foirer parce que c’est le cas de ton couple. » Si les mâchoires de l’ainé se contractaient au fil des paroles du plus jeune, c’était également le cas de ses mains sur la machine dont les jointures commençaient à blanchir. « Fais gaffe à ce que tu dis Ambrose. » Sa voix avait un ton bien trop grave pour dissimuler ce qu’il ressentait en cet instant. « T’as pas ton mot à dire sur mon couple, et c’est pas une discutable. » Parce-que Malone était le premier affecté par la façon dont les choses avaient tourné entre Anna et lui, bien sur; il était en premières loges depuis le début, et surtout la principale raison pour laquelle les choses en étaient arrivées à ce point là. Il aurait du faire mieux, il le savait: il n’avait pas besoin que son petit frère lui pointe du doigt les problèmes pour qu’il s’en aperçoive.

« De toute façon c’est trop tard. » Soupirant, Malone leva les yeux au ciel. « Quoi qu’est trop tard, hein ? » Il y avait une sacré dose d’inscriptions sur la liste des trop tard, Rose allait devoir être un brin plus explicite que cela s’il désirait faire comprendre à son frère sur quoi portaient ses regrets ici. « Je suis juste énervé que personne ait jamais fait les efforts suffisants pour qu’on soit une famille normale. » Soupirant une fois de plus, il pinça l’arête de son nez d’une main, fermant les yeux un instant. Il savait qu’il ne devait pas réagir sur l’instant, ravaler ses commentaires un instant avant de répondre - parce-que même si c’était là ce que son instinct lui hurlait de faire, ce n’était pas ce qui était judicieux. Les mots, y compris les reproches qu’il lui adressait, soulignait clairement un malêtre de la part du jeune Constantine et le rôle de Malone n’était normalement pas d’enfoncer le clou là où cela faisait mal. « Il aurait fallu que nos parents soient en vie pour être une famille normale, Ambrose. C’est compliqué d’y arriver à partir de là. » C’était peut-être un constat qui faisait mal, mais c’était malheureusement la triste réalité: leur histoire de famille ne permettait pas d’accéder à une telle réalité. Pas que cela n’aurait pas plu à Malone, mais il aurait surtout été heureux s’avoir encore ses deux parents à leurs côtés plutôt que tout autre chose. « Et je sais que t’as pas connu avant qu’ils soient plus là, et que pour toi tout le temps qu’on a passé chez Norman c’est ce qui se rapproche le plus d’une famille normale, mais c’est pas tout à fait le cas. » Il pinça ses lèvres, haussa les épaules. « On sera jamais d’accord sur ce point, parce-qu’on a pas les mêmes souvenirs. » Pour l’ainé, ce qui s’était le plus rapproché d’une famille normale pour lui, c’était tout le moment où leurs parents étaient encore parmi eux. Toute la partie de leur histoire commune où Ambrose n’avait pas été là non plus, malheureusement. Mais ses mots restaient ce qu’il en pensait - et c’était pour ça qu’il se permit d’enchainer sur un autre sujet qu’il savait tabou entre eux deux. « Mes souvenirs de famille sont avec papa, moi, Ambrose. » il détourna le regard. « Celui pour qui j’ai envie de me battre. »

« Il le connait pas, ça peut pas l’affecter. » Ambrose se retient et se contente de grogner face à cette réponse, digne d’une foutue mauvaise foi parfaitement bien transmise dans leur famille. Il aurait dû connaître Norman, mais maintenant il est trop tard. Il a un grand oncle mondialement connu et l’ignore totalement. Puisqu’il en est ainsi pour l’homme qui les a adopté, il se permet de poser la question au sujet de leur propre père, dont le lien de parenté n’est pas à discuter. « Il l’a déjà vu. » Et s’il se contente de dire qu’il l’a déjà vu, Ambrose comprend déjà que cela ne va pas plus loin. Ce sujet aussi, donc, a déjà tout pour l’énerver profondément. « Mais il était trop petit pour s’en rappeler. » Leurs soupirs se mêlent, chacun existant pour ses raisons propres. « Je voulais pas qu’il ait cette image de l’hôpital et de papa dans cet état quand il essayerait de s’en rappeler, alors j’ai préféré pas le laisser y aller par la suite. C’est un enfant. » Malone ne lui fait pas part de cette partie de l’histoire avec fierté et pourtant, paradoxalement, c’est en cet instant qu’Ambrose le comprend le mieux. Il sait comment on grandit lorsqu’on connaît par cœur le chemin jusqu’à la chambre de son père, et il ne peut pas le souhaiter à Oscar. Malgré tout, il aurait aimé que Malone soit un peu plus capable de nuances et, même si amener son fils chaque semaine à l’hôpital n’aurait pas pu être une bonne idée, il aurait au moins pu faire l’effort à raison de quelques fois par an. « Oh, Malone. » Il souffle une fois de plus. Il le comprend sur une partie de son raisonnement, mais jamais dans son entièreté.

« Fais gaffe à ce que tu dis Ambrose. T’as pas ton mot à dire sur mon couple, et c’est pas une discutable. »
« Dis moi que j’ai tort. »

Il est têtu, Ambrose. Il l’est sans que ce soit le moins du monde une nouveauté, si bien qu’il ne réfléchit pas à deux fois avant de répondre à son aîné et le faire en le regardant les yeux dans les yeux. Son couple est en plein noyade depuis toujours ou presque, il n’a pas le droit de prétendre le contraire et il n’a pas le droit d’être aussi en colère contre son frère, lequel n’a rien à voir avec ça. Il se contente de constater, il se contente de rappeler qui sont les véritables adversaires de l’histoire. « Il aurait fallu que nos parents soient en vie pour être une famille normale, Ambrose. C’est compliqué d’y arriver à partir de là. » C’est au tour du plus jeune de se renfrogner, notamment parce qu’il vit ces mots comme des reproches personnels, se tenant éternellement responsable de la disparition de leur mère. « C’est trop facile de le résumer à ça. » Ils auraient pu être une famille rien qu’entre membres de la fratrie. Ils auraient pu être proches de Norman, ils auraient pu tous faire l’effort de laisser une place à James. Si chacun avait fait des efforts, alors oui, il en reste convaincu: ils auraient pu être une famille normale, même en l’absence de leurs deux parents. Ils sont bien assez pour s’entraider. « Mes souvenirs de famille sont avec papa, moi, Ambrose. Celui pour qui j’ai envie de me battre. » Il en a bien assez entendu. « Je pense qu’il est temps qu’on lui rende sa liberté. » Et il a décidé qu’il en parlerait à leur fratrie, que cela plaise ou non à Malone et qu’il s’en sente prêt à son tour ou non. Ils ont l’information en main depuis bien assez longtemps: le moment est venu de la partager. Néanmoins, il prend déjà la direction de la sortie. La discussion a assez duré, il ne veut pas en entendre davantage. « Donne-moi les clés. Je rentre. » Ils se sont assez disputé pour une journée entière.

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@ambrose constantine

lieu: central laundry service, fortitude valley.
(c): vicsdeangelis (gif), luleaby (codage).

***
Bien sur qu’Ambrose avait son mot à dire sur la façon dont Malone avait décidé de gérer les relations de son fils vis-à-vis des différents membres de la famille; l’inverse l’aurait grandement étonné. Ce que son frère ne pouvait comprendre en réalité, c’était qu’Oscar n’était encore qu’un enfant et qu’il existait certaines choses qui devaient être uniquement prises en compte par les adultes. Il n’y aurait rien gagné à faire connaitre Norman à son fils, tant les relations entre toute cette partie là de la famille et lui-même étaient compliquées - il fallait rajouter à tout ça que le lien qu’il tentait de tisser avec son rejeton n’était pas des plus simples. Mettre sur le dessus de ce tas l’état de santé de leur père n’était pas envisageable, et n’était pas négociable. Il n’existait pas une version de cette réalité où Oscar passait ses dimanches après-midi dans une chambre d’hôpital austère, à côtoyer l’au-delà de cette façon. Anna et lui en avaient déjà discuté plus d’une fois, la jeune femme se rangeant du côté de son jugement tant elle savait à quel point les choses n’étaient pas des plus simples. Bien sur que Malone s’était posé la question plus d’une fois, bien sur qu’il s’était demandé s’il prenait les bonnes décisions; mais toutes ses réflexions menaient à la même conclusions, même après toutes ces années écoulées. « Oh, Malone. » Il grogna à son tour. « Me Oh Malone pas avec ce ton là s’il te plait. » Parce-qu’il entendait malgré tout la pitié dans la voix de son frère, et ce n’était pas quelque-chose qu’il tolérait très bien. Il n’avait jamais désiré être pris en pitié de la sorte.

« Dis moi que j’ai tort. » - « Ferme là. » Il n’avait surement pas bien entendu: il n’acceptait pas le moindre commentaire sur cette partie là de sa vie. Il savait pertinemment que les choses n’avaient pas tourné de la façon dont personne ne s’y attendait, lui le premier, mais ce n’était pas pour autant que le plus jeune était autorisé à faire le moindre commentaire. « Tu pourras faire des commentaires quand tu seras marié et que t’auras des enfants, hein. » Parce-qu’apparemment, c’était dans cette direction là qu’il avait décidé de conduire ses relations personnelles, il pourrait donc reprendre cette conversation là tous les deux quand il aurait l’expérience pour savoir de quoi il parlait.

Et parce-qu’il semblerait que ce ne soit pas le seul sujet à fleur de peau qu’Ambrose ait décidé d’aborder aujourd’hui, bien sur que Malone réagit au quart de tour lorsque son frère mentionna de nouveau l’état de leur père - mais de manière plus générale l’état de leur famille. Ils n’avaient pas eu une enfance normale, ils n’avaient pas grandi en connaissant des expériences normales; il n’y avait aucun élément dans leur apprentissage de la vie qui permettait de souligner qu’ils étaient une famille normale, et ils ne le seraient jamais: il n’y avait qu’Ambrose pour penser que cela puisse être le cas. « C’est trop facile de le résumer à ça. » - « Dis moi que j’ai tort. » Oh, Malone pouvait jouer cette carte là aussi, si c’était ce qui l’intéressait. « Y’a jamais rien qui nous a permis d’être une famille normale, faudrait que tu te retires cette idée là de la tête. » Qu’il souffla entre ses dents. Bien sur qu’il l’aurait souhaité très fort aussi de son côté, que cela puisse être le cas; mais il ne fallait pas prendre ses désirs pour des réalités. « Je pense qu’il est temps qu’on lui rende sa liberté. » S’il avait baissé le regard en pensant que cela conversation ne pouvait pas davantage glisser vers des mots regrettables, les yeux de Malone se posèrent en une seconde sur son frère, une touche d’incompréhension dans le regard. Oh, ils avaient déjà abordé le sujet, mais il pensait que ce n’était pas quelque chose qui reviendrait sur la table - ni aujourd’hui, ni jamais en réalité. « De quoi lui rendre sa liberté ? » Il recula quelque peu sa tête, fronça les sourcils. « Me dis pas que tu parles de papa, parce-que j’ai pas envie que tu parles de papa avec ces mots là. On a l’impression que tu parles d’un clébard en cage. » Il secoua la tête: rien dans cette phrase n’était bon à prendre, à ses yeux.

« Donne-moi les clés. Je rentre. » - « Réponds moi Ambrose: tu parles de quoi là ? » Il ne lui donnerait pas les clefs, ne laisserait pas cette partie là de la discussion filer. Il n’avait pas envie d’en parler, mais il ne laisserait pas son frère avec de telles pensées. « Joue pas au lâche comme ça. » Comme moi aurait pu aussi bien être la formulation correcte ici.

« Me Oh Malone pas avec ce ton là s’il te plait. »
« Arrête de me disputer comme si j’étais ton fils. »

Ambrose tolère plutôt mal qu’on lui donne des ordres en temps normal, et ce sentiment se retrouve exacerbé par la tournure difficile que prend leur discussion et tous les points de tension qu’ils abordent par la même occasion. « Tu pourras faire des commentaires quand tu seras marié et que t’auras des enfants, hein. » Il lui décoche un regard noir, digérant mal l’idée d’être résumé à une alliance à son doigt et une descendance à inscrire quelque part. Il veut marquer le monde autrement, Rose. Il veut être utile à la société d’une façon bien différente qu’en aidant à garder un taux de natalité suffisant pour que personne ne panique, là-haut, dans les strates élevées de la société. « On aspire pas tous à ça. » Et peut-être qu’il devrait accepter l’idée qu’il n’ajoutera pas sa descendance aux dix neveux et nièces que les autres membres de la fratrie pourraient lui donner. Il ne dit pas qu’il n’aura jamais d’enfant ; simplement qu’il a d’autres foutues choses à penser, à commencer par leur père dont l’état est plus que jamais inquiétant, pour ne pas dire alarmant.

« Dis moi que j’ai tort. » Et en cet instant, il comprend que cette discussion vient de dépasser le point de non-retour. Malone utilise ses propres armes contre lui et il continue de nourrir injustement l’idée que leur famille n’a jamais eu la moindre chance, et ce uniquement parce qu’ils ont perdu leurs parents bien plus tôt que ce qui est communément accepté. « Y’a jamais rien qui nous a permis d’être une famille normale, faudrait que tu te retires cette idée là de la tête. » Ils ont eu Norman. Ils ont toujours eu Norman. Pourquoi est-ce qu’il refuse autant d’entendre que leur oncle aurait tout fait pour eux, et même pour Malone s’il avait au moins concédé à lui accorder un brin de remerciements ? Ambrose ne répond pas, préférant plutôt se concentrer sur la seule chose qui importe désormais: l’avenir de leur père. Plus précisément, le fait qu’il n’y a justement aucun avenir possible pour lui. « De quoi lui rendre sa liberté ? Me dis pas que tu parles de papa, parce-que j’ai pas envie que tu parles de papa avec ces mots là. On a l’impression que tu parles d’un clébard en cage. » - « Change les mots pour ce que tu veux, mais j’en pense pas moins. » Il veut parler de le débrancher ? Il veut parler d’euthanasie ? Qu’il appelle ça comme il veut, dans le fond cela représente bien le cadet des soucis d’Ambrose. Ce dont il a envie n’a plus aucune importance pour son petit frère, qui ne le regarde plus qu’avec un regard noir et lourd de reproches.

En réalité, il n’a simplement pas envie de perpétuer cette discussion, laquelle est simplement vouée à mal se terminer et à laisser les frères se lancer des horreurs au visage. S’ils peuvent l’éviter, alors autant tenter de le faire. « Réponds moi Ambrose: tu parles de quoi là ? » Face à son inaction et en même temps qu’il comprend que son frère n’est pas prêt de lui donner les clés de l’appartement, Ambrose grogne. « Joue pas au lâche comme ça. » - « T’es sérieux ? C’est moi le lâche ? Alors que toi t’as besoin d’entendre mot pour mot qu’on doit débrancher papa ? » Il l’avait déjà compris. Qu’il ne se fasse pas passer pour plus stupide qu’il ne l’est: n’importe qui l’aurait compris, même sans connaître tout le contexte autour de leur famille. « Je te laisse réfléchir sur ça. Si tu me donnes pas les clés, je vais marcher. » Faire un tour, peu importe. Il va s’occuper ailleurs, il va surtout être partout sauf face à son frère. Maintenant, la bombe est lancée. Ils ne passeront pas une année supplémentaire en compagnie de leur père, c’est une évidence.

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lieu: central laundry service, fortitude valley.
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« Arrête de me disputer comme si j’étais ton fils. » Reculant son visage, ne cachant pas être étonné cette réplique, Malone secoua quelque peu ce dernier de gauche à droite. Oh, elle faisait mal cette réplique; elle appuyait parfaitement sur la couleur la plus sensible de l’hématome, ne réussissant jamais réellement à se résorber. Il ne le disputait pas comme s’il était son fils, parce-que malheureusement Malone ne savait pas faire ça et n’avait pas l’habitude que ce soit le cas. Il aimerait bien dire que c’était par habitude, parce-qu’il était présent dans l’éducation d’Oscar et que ce dernier était quelque peu turbulent, mais ce n’était en rien le cas: il n’en avait aucune idée de ce que c’était d’être présent de cette sorte pour son petit. La seule expérience qu’il n’avait jamais eu, c’était celle de grand-frère - et il n’avait su le faire correctement non plus, ça. Alors il ne disputait pas Ambrose comme s’il était son fils, il tentait de le faire comme il était supposé le faire en tant que frère, mais il se plantait sur toute la ligne c’était d’une évidence que personne ne saurait nier. Et à ça, il ne sut répondre, il ne sut répliquer.

« On aspire pas tous à ça. » - « Je sais. Mais ça te permettrait de savoir de quoi tu parles. » Il ne connaissait pas la difficulté de la vie conjugale, de conjuguer celle-ci avec la parentalité et le reste d’un quotidien de grandes personnes qui essayaient autant que possible de construire quelque-chose ensemble. Tant qu’il n’en serait pas à cette étape là, il ne pouvait se permettre de faire ce type de commentaire.

Et s’il pensait que la conversation était déjà au bord d’un précipice qu’il n’aurait su voir venir pour de vrai, le nouveau sujet abordé n’aiderait pas à les tirer du bon côté du bord. Les mots que prononçaient Ambrose étaient à deux doigts de faire perdre à son frère le peu de patience qui lui restait, tant il ne s’attendait pas à ce qu’il en parle là, au milieu du chaos régnant dans leur famille dernièrement. Surtout: il n’était pas envisageable qu’il en parle avec ces mots là. « Change les mots pour ce que tu veux, mais j’en pense pas moins. » Un rire amer, plus par mécanisme de défense qu’autre chose, se fit entendre côté Malone: il n’en croyait pas ses oreilles. « Il représente si peu pour toi, hein, pour que tu en parles comme ça. » S’il l’avait connu, il n’utiliserait pas de tels mots, il en était certain: il n’était pas pensable de diverger à propos d’une personne qui vous tenait à coeur de cette façon. « T’es sérieux ? C’est moi le lâche ? Alors que toi t’as besoin d’entendre mot pour mot qu’on doit débrancher papa ? » Pour la seconde fois il resta un instant sans avoir la moindre réplique à lui accorder; parce-qu’effectivement, c’était peut-être trop compliqué à imaginer pour Ambrose, mais il avait besoin de l’entendre oui. Parce-que ce n’était pas simplement l’action de débrancher, dans son cas à lui: c’était de mettre au placard tout une tranche de ses souvenirs, le peu auxquels il associait un bonheur certain au sein de sa famille au complet, avant que les choses ne s’enveniment et deviennent de plus en plus compliquées à conjuguer. « Je te laisse réfléchir sur ça. Si tu me donnes pas les clés, je vais marcher. » - « Va marcher alors. » Qu’il cracha presque, se détournant de son frère. Ce n’était pas de cette façon là qu’ils avaient été élevés, ce n’était pas e cette manière là que leurs parents avaient une vision de la famille. Il fallait croire que cette dernière avait disparu lorsque eux l’avaient fait aussi. « Il aurait pas abandonné au moins, lui, à notre place. » Leur père: il se serait battu tant qu’il avait du souffle pour tenter de donner un avenir à ses enfants. Il le faisait déjà à l’époque, et il aurait continué de le faire à rôles inversés. A la place, deux de ses fils se faisaient dos dans une laverie miteuse de la ville en s’arrachant le coeur à évoquer des possibilités que lui n’aurait même pas un jour imaginé.