@Evelyn Pearson

(le temps du rêve) « Ruben, t’éloigne pas. » Et le chien de revenir naturellement au pied de son maître, simplement parce qu’il a entendu son prénom et qu’il est heureux de revenir vers là, sans même comprendre l’ordre qui a été donné. Décidément, l’adopter a été une des meilleures décisions de l’année de la part de Rhett - ce qui est largement aidé par le fait qu’il n’en ait pas fait beaucoup, justement, de bonnes décisions. Cette année sera la leur, il le lui a dit et c’est comme s’il l’avait juré par la même occasion. Plus que jamais, il n’a pas envie de faire fausse route ou de la blesser, tout simplement. Il tient à Evelyn, il le lui a dit de multiples fois et il le pense aussi de tout son cœur, mais il n’est que très peu capable de faire penser ses mots à travers la réalité des faits, des gestes. Maintenant, il fait des efforts. Il le jure, et, pour une fois, c’est aussi une partie de la vérité. Une partie seulement, parce qu’il faut bien avouer qu’il part de loin et, par exemple, quand il a pour intention de profiter de l’offre d’un trek en pleine nature et des précisions culturelles allant avec, il lui semblait évident qu’il avait pour intention de prendre la randonnée des premières lueurs du jour. Pour le lever de soleil est la seule chose à laquelle il a pensé, sans pour autant se demander une seule seconde si le réveil aux aurores pourrait convenir à une Evelyn qui, contrairement à lui, a un vrai travail (quoique Rhett n’a même pas de faux travail: ses journées ne sont ponctuées par rien de particulier).

Après avoir donné l’ordre au chien, il noue ses doigts à ceux de la brune qu’il imagine bientôt porter son enfant. Aussi simplement que cela, ils passeront d’un couple au bord de l’implosion (et qui a même implosé) à un couple parfaitement heureux, au comble du bonheur et qui n’a absolument rien à envier à personne: maison, enfant, chien. Ils cocheront tout, à la seule exception du mariage qui n’a pas été rediscuté et qui n’a pour l’instant aucune intention de l’être. Ils sont bien dans leur configuration actuelle. Tout est parfait ainsi. Il est revenu sur la question des enfants pour elle, mais il ne compte pas revenir sur celle du mariage, qui est une institution en laquelle il n’a jamais cru. « T’es pas étonnée à quel niveau si je te dis qu’on occupait nos week-ends à faire des randos interminables avec Jackson ? » Elle a beau ne pas beaucoup avoir entendu parler de son frère, elle connaît au moins Rhett, et elle sait qu’ils sont plus ou moins fait du même bois. Tout le reste coule de source. « Mais promis, ils m’ont eu à “lever de soleil sur la nature”. » Il est un parfait candidat à toutes les manœuvres marketing, Rhett. « Je compte pas occuper tous nos week-ends comme ça. Je veux dire, on a aussi besoin de laisser de la place aux triathlons. » Et ça, c’est promis, ce n’est qu’une blague qui a totalement vocation à rester à ce statut de simple blague. Le sport n’est pas ce qui les lie outre mesure et il ne lui demandera pas de s’adapter à son monde, surtout alors que ce n’est plus son monde depuis bien longtemps, justement. « Mais je me disais… C’est un peu romantique, non ? » Ce n’est pas un dîner aux chandelles, mais peut-être qu’il gagne justement quelques points en ayant opté pour l’originalité, non ?

did we take the time to make amends?
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Elle se laissait toujours embrigader dans ce genre de plans quand Rhett était aux commandes, sans même se demander si ça lui plaisait vraiment d’en faire partie. Elle n’avait pas la fibre aventurière Evie, elle était du genre à se complaire dans le luxe qu’elle méprisait par acquis de conscience, petite-fille riche qui aime se plaindre de l’être pour ne laisser l’occasion à personne de le lui reprocher, et garde la main-mise sur l’idée qu’elle n’avait pas choisi d’être une privilégiée. Elle n’avait pas à coeur ce genre d’initiatives, alors c’était certainement très étonnant venant d’elle, surtout quand on connaissait son penchant pour l’organisation parfaite de tout et son contraire, mais quand ce genre de choses venaient à être proposées par Rhett, elle se laissait porter sans remettre en doute son choix, lui faisant juste promettre qu’elle ne terminera pas nue au milieu de la forêt à invoquer la Lune, ou elle ne savait trop quoi exactement. Il n’était question de rien de tout ça aujourd’hui, elle le savait pour avoir fait quelques recherches sur le trek en question. Passée outre l’éventualité que ça ne ferait pas de mal à sa fertilité de terminer nue au milieu de la forêt à invoquer la Lune, elle s’était laissée embarquer pour cette longue matinée sombre durant laquelle le soleil se joindrait à eux au fur et à mesure, aussi paresseux qu’il était régulier, pour illuminer la nature de sa lumière réconfortante et son aura majestueuse.

Emmitouflée dans sa parka, le regard suivant les piétinements frénétiques de Ruben dont le museau vont cogner contre ses genoux tant il était heureux d’être là, elle sentit les doigts de Rhett se nouer aux siens, et ça lui suffit à détourner le regard pour le poser sur son visage et entendre ce qu’il avait à lui dire avec un sourire. Elle ajouta son autre main à leur étreinte, pressant ses doigts autour de son bras pour être sûre de ne pas le lâcher, anticipant un dérapage contrôlé éventuel, bien qu’elle n’était pas du genre maladroite, et qu’elle tenait solidement sur ses pieds. Elle fut surprise par la mention de Jackson, mais elle n’en dit rien pour l’instant, se contentant de lui répondre en revanche "Hm, pas étonnée au point que je vais devoir jouer la surprise pour te donner l’impression de ne pas trop bien te connaître." Elle fit semblant donc, ajoutant dans la foulée "Des randos interminables avec Jackson, vraiment ?" Comme si après plus de deux ans, des nombreuses disputes, des discussions sérieuses, et un projet bébé, elle devait encore feindre de ne pas le connaître pour sauver les apparences. Elle s’en moquait des apparences ici, son rire s’ajoutant à sa petite comédie, avant de revenir sur la mention du frère de Rhett en osant lui dire, avec délicatesse et diplomatie "C’est bien la première fois que tu me parles de lui." Et elle ne l’invitait pas à le faire plus longtemps s’il n’en avait pas envie, mais elle voulait lui faire remarquer que sa malle aux sujets délicats commençaient peu à peu à s’ouvrir, et qu’elle était prête à en réceptionner ses trésors s’il s’en sentait d’humeur.

Elle lui sourit une nouvelle fois, avant de perdre radicalement toute sa capacité à paraître heureuse quand cette fois, c’est le mot triathlon qui la fit tiquer "J’espère que tu plaisantes ?" Evelyn et sa capacité à supporter de faire du sport à petite dose devait probablement lui donner des allures d’intolérable paresseuse, mais ce n’était pas tant sa pratique que ses effets qui la terrorisaient, et même si là, elle plaisantait de son côté, retrouvant bien vite son sourire alors que ses doigts serraient plus fort ceux de Rhett entre les siens, il y avait eu des moments dans sa vie où fouler la pelouse d'un terrain de sport lui avait donné des sueurs froides "Tu parles du trek ou du triathlon ?" Lequel des deux étaient romantiques, la question n’avait pas besoin d’être posée, mais l’ambiance était à la taquinerie, et elle n’avait pas envie que ça change. Le haut du nez se fronçant doucement, elle reprit son sérieux pour enchaîner, repoussant une mèche de cheveux échappée de sa queue de cheval, les joues rougies par l’humidité ambiante et la fraîcheur du petit matin "Ça fait partie de tes bonnes résolutions pour cette année, d’être un peu romantique ?" Elle ne l’était pas elle-même, elle aurait un culot patenté de de lui reprocher de manquer de délicatesse parfois, mais ça l’amusait d’imaginer que ça puisse faire partie de sa liste de choses à essayer. Cette année serait la leur, il donnait l’impression de s’en donner les moyens, c’était à peu près tout ce qu’elle avait envie de retenir, Evelyn.

La journée est calme, simple, et presque normale. Ce n’est qu’une ballade à la saveur particulière, après tout, et Rhett n’y voit pas beaucoup plus. Le mysticisme vendu par le guide ne l’atteint pas vraiment mais il fait au moins l’effort d’écouter ses histoires, ne serait-ce que pour les répéter à son tour un jour un faire l’intéressant. C’est une éventualité qui l’attire bien plus que tout le reste mais il ne se plaint pas pour autant, loin de là. Il ne se plaint pas parce que cette idée est la sienne, mais aussi parce qu’il est tout simplement heureux d’y prendre part auprès d’Evie. "Des randos interminables avec Jackson, vraiment ?" Et face à une comédie qu’elle ne tente même pas de rendre crédible, il sourit un peu plus encore. Rien n’a été simple entre eux jusqu’à aujourd’hui mais il jure que la donne vient de changer et il jure qu’ils se contenteront d’un bonheur simple et évident, qu’ils se contenteront aussi de moments comme celui-ci. "C’est bien la première fois que tu me parles de lui." Un petit peu moins enthousiaste, il laisse son regard se reposer au loin, le clair de ses yeux protégé par des lunettes de soleil dont il a bien besoin. « J’en parle rarement. » A elle, mais au reste du monde aussi. Même face à sa fratrie, il n’évoque que très peu le prénom de son frère décédé, et ce n’est certainement pas parce qu’il l’a oublié. Simplement, il est persuadé qu’il vaut mieux laisser les morts où ils sont et ne pas trop les déranger.

"J’espère que tu plaisantes ? Tu parles du trek ou du triathlon ?" - « T’es vraiment curieuse aujourd’hui, je suis sûre que c’est parce que le sujet te passionne. » Il en rigole à son tour dans un sourire, bien conscient que ce genre d’activité n’est pas sa passion première. Il ne lui proposera pas tous les week-end de faire des heures de randonnées, ça aussi c’est promis. En réalité, il est surtout heureux qu’elle ait accepté de le suivre pour son idée du jour autant qu’il est conscient qu’elle représente l’exception bien plus que la norme. C’est cette particularité qui lui fait l’apprécier sans doute un peu plus encore le moment présent. "Ça fait partie de tes bonnes résolutions pour cette année, d’être un peu romantique ?" Il mime de se vexer à l’idée qu’elle sous-entende qu’il n’était jusque là pas vraiment un romantique mais la comédie ne dure pas longtemps. Il l’est réellement, romantique, mais il est surtout égoïste au point de penser que ses propres passions représentent aussi celles des autres, ce qui n’est évidemment pas le cas. Ainsi, les standards du romantisme se retrouvent eux aussi être bien différents et s’ils se retrouvent aisément sur l’idée d’un restaurant dans un très bon restaurant de la ville, ils ont plus de mal à se retrouver sur la même longueur d’onde à propos d’autres sujets. « T’en penses quoi ? » Il a beau toujours être en train d’en rigoler, il n’en pense pas moins pour autant: il veut sincèrement récolter son avis sur la question et savoir à son tour ce qu’elle en pense, en bien ou en mal. « Je me disais que ça pourrait pas être une mauvaise idée. » Pour une fois. Il y a encore des progrès à faire dans la réalisation mais dans la théorie, au moins, l’idée ne peut être que bonne. « Et puis je me dis qu’on doit en profiter autant que possible tant qu’on est que nous deux. » Il l’avoue en basculant sa tête en sa direction, pour se permettre de murmurer et ne pas risquer que quiconque entende ce qu’il a à dire à Evelyn dans le plus strict respect de leur vie privée. Son sourire n’en démord pas, mais pour l’heure rien n’est acté. « Tu me dis, d’ailleurs, si jamais tu te sens pas bien. » Et cette fois-ci, il est infiniment plus sérieux et pas le moins du monde prêt à rigoler du sujet. Elle n’est pas enceinte, mais quand même. Ce n’est pas le genre de choses qu’ils apprennent instantanément alors elle pourrait tout de même être soumise aux premiers dérèglements de son corps et il ne veut pas que cela se fasse à son détriment. Il sera là pour elle à chaque étape, il l’a promis, et plus que jamais il tiendra parole.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Je sais." Et elle savait à quel point ça pouvait être difficile d’invoquer le souvenir de quelqu’un qu’on a aimé, qu’on aime toujours, l’injustice se mêlant à la nostalgie d’un passé heureux à ses côtés. Elle n’insistera pas pour soulever le sujet Jackson, comme Rhett n’insistait jamais pour soulever le sujet Kai Pearson, encore que ce dernier paraissait omniprésent tant le clan paraissait plus déterminé que jamais à ne jamais laisser se tarir la légende qu’il avait été. Elle connaissait le sentiment que ça provoquait de penser à quelqu’un qu’on a perdu, le mille-feuille d’images qui se superposent, indistinctes au fil du temps, et c’est peut-être ça le plus douloureux au fond. Ils n’étaient pas là pour ça, elle n’avait pas envie de plonger Rhett dans la morosité lié un deuil qu’elle le soupçonnait d’avoir à peine fait, tout comme elle, alors elle préféra avancer plutôt que de stagner sur l’impression qu’elle avait qu’un peu comme tout le reste, parler de Jackson de façon naturelle lui prendrait du temps.

Est-ce que leur guide était fiable, est-ce que ses histoires se basaient sur des faits avérés, ou son imagination lui permettait de faire fructuer son fonds de commerce, et de vendre du rêve à ceux qui croyaient à son baratin ? Evelyn n’avait pas la réponse à ces questions, trop occupée aux côtés de Rhett pour vouloir trouver du vrai dans ce qu’il racontait au groupe qui le suivait docilement, tous interpellés par la promesse de découvrir un paysage dans lequel ils évoluaient tous dans une certaine mesure, et ce sous un jour différent. Prenant un air sérieux pour enchaîner sur les paroles de Rhett, elle serra ses doigts plus fort entre les siens "Mon père était un athlète de haut-niveau, je te rappelle. Tu te moqueras moins de moi quand je déciderais de prouver que j’ai la génétique de mon côté en devenant marathonienne, et que c’est moi qu’on appellera championne, champion." Elle détourna les yeux en les roulant juste un peu, mais sa résolution de jouer la fausse vexation ne dura pas très longtemps, et du regard, elle suivit l’envol d’une espèce d’oiseaux dont elle serait bien incapable de déterminer le nom ; à croire que tous les critères du romantisme exacerbé avaient décidé de pointer le but de leur nez pour répondre à la nouvelle résolution de Rhett de faire des efforts de ce côté-là.

Elle réfléchit un instant à son t’en penses quoi ?, ses sourcils se haussant en même temps qu’elle baissait les yeux pour regarder où elle marchait et faire durer un suspens inutile "J’en pense que si tu me proposes de prendre des vacances sur une île paradisiaque pour offrir un beau départ à ta nouvelle résolution, je pourrais trouver que ce n’est pas une si mauvaise idée, oui." C’en serait même une très bonne, les dernières vacances d’Evie remontant trop loin pour qu’elle réussisse à y mettre une date. Elle lui adressa un sourire sincère, plissa les yeux à ce qu'il ajouta juste ensuite et qui ne lui donna envie de rétorquer quelque chose comme tu sais que même avec un bébé, on sera toujours autorisés à vivre ? ne tenant pas à faire un débat de cette question qui n’en était pas une ; pas comme la suite qui lui fit lâcher sa main pour mieux poser son bras sur ses épaules alors qu’ils continuaient de marcher en cadence, suivit par le groupe. Difficile d’avoir une discussion privée dans ces conditions, mais ils étaient habitués aux indiscrétions, ils savaient comment faire pour les contrer, le prouvait le murmure qu’elle lui renvoya juste après "Je vais parfaitement bien. Si ça change, tu seras le premier informé." La croyait-il capable de ne pas lui parler de ses intuitions concernant leur tentative d’avoir un bébé ? Surement que non, et la question ne se posait même pas, là encore. En revanche, une autre se posait qui lui fit jeter un coup d’oeil par-dessus leurs épaules pressées l’une contre l’autre. Ils avaient de la marge pour être entendus, aussi c’est moins son envie d’être entendue que celle de préserver Rhett qui la fit se positionner juste devant lui pour affronter son regard, et lui dire avec tact et douceur "Tu sais que ça peut prendre beaucoup de temps, hm ?" Elle ne le prenait pas pour un idiot, mais elle le savait enthousiaste, l’illustrait l’entrain qu’ils mettaient à mettre touts les chances de leur côté, envoyant aux oubliettes les longues semaines où même un baiser n’était pas envisageable tant elle, elle avait du mal à chasser les images qui lui trottaient dans la tête quand elle pensait à lui avec quelqu’un d'autre. Ils n’étaient pas le cliché du couple qui veut un enfant à tout prix, mais il fallait donner de sa personne pou faire un bébé, et ce n’était pas clairement pas un problème pour l’heure. En fait, il n’y avait aucun vrai problème pour l’heure, mais il fallait voir les choses en face, et Evie était la première dans cette discipline, quitte à s’accorder un peu moins de crédit pour ne pas être déçue à la fin "J’approche des quarante ans, et c’est charmant de croire aux scénarios de la première tentative fructueuse, mais je te le répète, ça peut prendre beaucoup de temps, d’accord ?" Ses yeux passèrent de l’un à l’autre de ceux de Rhett pour bien lui faire passer le message tout en n’éteignant pas ses espoirs de vite arriver à ce qu'il désirait tant. Ne voulant pas alourdir l’atmosphère, elle ajouta en se replaçant à ses côtés, reprenant sa main dans la sienne en évoquant à nouveau des vacances prolongées avec une candeur légèrement surjouée "Je suis certaine qu’une ou deux semaines sur une île paradisiaque, ça pourrait aider."

"Je sais." Il insiste aussi peu que le fait Evelyn. Il sait qu’elle sait, en effet, et il n’y a rien de plus à en dire. Il porte certains deuils, elle aussi, et cela caractérise tout le monde, au moins à partir d’un certain âge. Elle obtient aussi le dernier mot sur le terrain du sport, des athlètes, des champions. Elle le gagne simplement en le faisant rire, parce que même s’il ne remettra jamais en question les capacités sportives et le talent de son père, n’en reste pas moins que ce n’est pas pour ces mêmes raisons qu’il l’aime. Elle a des qualités, beaucoup, mais se retrouver à la salle de sport tout en buvant des shakers protéinés ne fera jamais partie de leurs activités de couple. "J’en pense que si tu me proposes de prendre des vacances sur une île paradisiaque pour offrir un beau départ à ta nouvelle résolution, je pourrais trouver que ce n’est pas une si mauvaise idée, oui." Evidemment, ce n’est pas une idée pour lui déplaire non plus. « Pourquoi j’ai un peu l’impression de me faire avoir dans les négociations ? » Il demande néanmoins, sourire aux lèvres alors que le sous-entendu de sa question ne se tenait bien évidemment pas là. « T’as un nom en particulier en tête ? » Cette question-là, il l’ajoute plus bas, avec un sourire espiègle, ayant déjà perdu le fil des explications de leur guide depuis plusieurs minutes déjà. N’en reste pas moins que cette idée de vacances sur un île, ça lui plaît plutôt bien. Si Evelyn le propose d’elle-même, alors il n’a rien à craindre que cela puisse mettre à mal son (plus si) nouveau travail.

Après lui avoir assuré qu’elle se portait bien et qu’il n’avait pas - déjà - à s’en faire, elle continue à son tour avec une autre question se portant sur le même sujet. "Tu sais que ça peut prendre beaucoup de temps, hm ?" Il le sait, même en ayant pas vraiment écouté aucun cours relatif à la biologie à l’époque. Ni relatif à aucune autre matière non plus, en réalité. « Je sais. Mais je sais aussi qu’il suffit d’une fois. » Il hausse les épaules en mimant une certaine désinvolture. Après tout, ce n’est qu’une question de chance, non ? Lui n’en a jamais manqué, malgré certains moments de bas. Tout ira bien, et tout ira plutôt vite: il en est persuadé, même s’il prend toujours des pincettes nécessaires sur le sujet. "J’approche des quarante ans, et c’est charmant de croire aux scénarios de la première tentative fructueuse, mais je te le répète, ça peut prendre beaucoup de temps, d’accord ?" Et sans doute qu’entendre à deux reprises la même idée en un laps de temps bien trop court est ce qui pousse Rhett à se refermer quelque peu sur lui-même. Il sait qu’elle a raison, mais il voudrait qu’elle sache aussi qu’il n’est pas un enfant et qu’il n’a pas besoin qu’elle pose des mots sur tous les faits. « On trouvera un moyen. » S’ils n’arrivent pas à avoir un enfant par eux-mêmes, alors ils envisageront d’autres moyens. Ce n’est pas ce qu’il veut faire, ce n’est pas ce qu’il veut entendre pour l’heure non plus, mais il veut qu’elle sache qu’il y a au moins un petit peu pensé parce qu’il n’est pas sans ignorer l’âge d’Evelyn. Il a surtout vu que cela pouvait comporter des risques pour elle, au-delà d’une simple difficulté à avoir un enfant. "Je suis certaine qu’une ou deux semaines sur une île paradisiaque, ça pourrait aider." Pris de court par sa remarque, il étouffe un rire sincère qui les fait remarquer à travers le groupe accroché aux lèvres de leur guide. « Je vois, je vois. L’idée est pas tombée dans l’oreille d’une sourde. » Et il ne sera pas celui qui la raisonnera pour qu’ils ne partent pas en vacances, évidemment. A vrai dire, et outre le fait qu’il en serait heureux, il pense aussi que cela pourrait leur être bénéfique après l’année qu’ils viennent de vivre. « On laissera Ruben faire connaissance avec Ruben ? » Il demande, son regard posé sur leur chien qui représente le pire cauchemar de son frère. N’en reste pas moins qu’il ne pourra sûrement pas venir et qu’il faudra bien quelqu’un pour le garder, cet animal. « Tu sais que mon emploi du temps est pas très compliqué, alors on partira quand tu veux. » Pas qu’il ne fasse rien de ses journées, mais c’est un peu quelque chose du genre, à une question d’ego près. Après tout, il lui a de toute façon promis un voyage comme cadeau de Noël et il compte tenir parole. « J’aimerais bien me retrouver quelque chose à faire cette année, et je suis sûr que des vacances seraient un bon coup de boost. » Il n’en aurait évidemment pas réellement besoin, mais toute excuse est bonne à prendre et lui autant qu’Evelyn sont très doués à ce jeu là. « Et peut-être que ça serait aussi l’occasion de m’installer un peu mieux. » Et par “un peu mieux”, il veut dire “totalement”. Totalement, comme un déménagement pur et simple pour qu’ils puissent dire qu’ils habitent ensemble une bonne fois pour toutes sans que la question soit un éternel couteau remué dans la plaie. Tout va mieux, mais tout pourrait réellement aller bien. Il pense qu’ils sont prêts à aller de l’avant et il tente de savoir si elle l’est tout autant, sans jamais réellement oser poser la question frontalement, évidemment.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Parce que c’est le cas. Je suis devenue redoutable en affaires." Elle ne l’était pas devenue, elle l’avait toujours été dans une moindre mesure, celle-ci s’étendant maintenant parce que son statut avait changé, et que depuis quelques semaines maintenant, ses associés lui faisaient remarquer qu’elle pourrait allonger les frais d’une nomination surprise dans le classement des entrepreneurs de certaines prestigieuses publications. Ce n’était pas pour elle, si elle devait être félicitée pour son travail, elle ne voulait pas en être l’initiatrice en payant sa place comme d’autres le faisaient pour mieux récolter des lauriers qu’ils méritaient à peine. Le sujet n’était pas là, il était même situé bien loin du bureau. Sa main glissant des épaules de Rhett pour se poser entre ses omoplates, elle inclina la tête dans sa direction pour créer une intimité relative aux projets qu’ils soulevaient l’air de rien, mais qu’Evie voulait réaliser sans l’ombre d’un doute. Elle trouvera un moyen de défendre son point de vue quand il faudra expliquer à ses équipes qu’elle a besoin de vacances. Elle répondit à Rhett "Pas encore, mais on peut chercher ensemble." Quand leur balade sera terminée par exemple, le timing lui semblait on ne peut plus parfait.

Sans doute plus que le sien quand elle voulut instaurer une mise en garde à l’encontre de l’enthousiasme de Rhett à propos de leur projet bébé. Elle n’aimait pas porter la casquette du buzzkiller, mais il fallait rester ancré dans la réalité. Elle venait de lui dire, c’était charmant de croire aux scénarios du bébé providentiel, celui qui arrive dans le temps imparti par le désir de ses parents de l’avoir tout de suite et maintenant, mais la vérité c’était que ça prenait du temps de faire un enfant à leur âge. Rhett était optimiste néanmoins, et c’était assez surprenant pour qu’elle ne veuille en rajouter, lui disant seulement avec un sourire en coin "T’y crois vraiment, hm ?" Parce qu’il en avait envie, ça avait tendance à faire grimper le niveau d’anticipation, et c’était autant une bonne qu’une mauvaise chose. Indirectement, ça mettait une pression sur leurs tentatives, et ça faisait craindre à Evelyn le caractère mécanique de ces dernières. Elle n’avait pas envie de devenir le potentiel vaisseau de quelque chose qu’elle ne matérialisait pas encore, elle ne voulait pas que Rhett voit en elle qu’un moyen d’obtenir ce dont il avait envie. Seulement, la discussion ne pouvait pas être plus explicite que ça pour l’heure, le lieu n’y étant pas propice, alors elle garda ça pour elle, et se contenta d’opiner du chef.

"Non, j’étais très, très sérieuse. Je veux qu’on parte, qu’on se retrouve." Ils s’étaient retrouvés depuis quelques semaines maintenant, mais il comprendrait ce qu’elle voulait dire sans qu’elle ne s’échine à le lui expliquer "Et puis tu as raison, c’est le moment idéal pour profiter du temps qu’il nous reste avant que notre vie change, et qu’on soit plus capables de s’accorder du temps en tête-à-tête." Parce que le bébé bousculera toutes leurs habitude, et qu’ils devront trouver un rythme pour réguler tous les changements induits par ce premier membre d’une famille qu’ils étaient prêts à appeler la leur. Son nez se froissa à la mention des Ruben — plus à celle de l’un que de l’autre, inutile de pointer du doigt celui qui provoquait chez elle cette attitude de rejet visible sur son visage "Si Ruben veut faire connaissance avec Ruben sans que ma présence soit nécessaire, je te laisse te charger de faire les présentations comme tu l’entends." Elle devrait essayer de trouver la force de ne plus en vouloir autant au frère de Rhett, mais c’était trop lui demander. Tant qu’elle n’était pas obligée de le côtoyer, elle en faisait son affaire ; quand il faudrait affronter sa suffisance, ce serait une autre paire de manches qu’elle n’avait pas envie d’enfiler de sitôt "On va y réfléchir avec mon planning sous les yeux, et on décidera d’une date. Je déteste jouer cette carte, mais j’ai tout donné ces dernières semaines, et je suis censée avoir le droit d’imposer ma parole." Kennedy la regarderait d’un mauvais oeil, elle en était sûre "Je me fiche qu’on me reproche de prendre des vacances alors que je viens à peine de prendre mes fonctions, j’en ai besoin." On en a besoin, aurait-elle pu se corriger, mais elle ne le fit pas, interpelée par ce que Rhett ajouta sur ce qu'il avait envie de faire tout au long de l’année "Je t’aiderais à  te mettre les idées au clair. Je ne vais pas te proposer de faire un moodboard, mais ce serait pas une si mauvaise idée que ça pour t’aider à te projeter." En fait, elle n’imaginait pas Rhett se lancer dans une activité pareille, mais ça la faisait sourire de l’envisager en pensées au moins, et puis rien ne l’empêchait, elle, de matérialiser ce qu’il déciderait par quelque chose qui l’aiderait à visualiser ; comme elle visualisait très bien ce que serait leur vie s’il se décidait à emménager avec elle pour de bon. Elle laissa filer un soupir de soulagement, ses yeux se fermant pendant que son pas ralentissait doucement, mais que ses doigts serrèrent plus fort les siens "J’avais hâte de t’entendre dire quelque chose comme ça, ça fait des semaines que j’ai envie de te demander si tu y as réfléchi." Mais comme elle lui avait dit ne pas vouloir forcer les choses, elle n’avait rien dit. Jetant un regard rapide au guide qui les avait déjà catégorisé comme les mauvais élèves du groupe, Evie décida qu’elle se fichait qu’il rappelle à l’ordre, et enchaîna "Mais quand tu dis un peu mieux, tu veux dire pour de bon, rassure-moi ?"

"Pas encore, mais on peut chercher ensemble." Et tout à coup, l’idée qu’ils aient encore plusieurs heures de randonnée devant eux n’est plus pour lui plaire autant alors qu’il se rêve déjà derrière un ordinateur à écumer les plus belles destinations. Et bien sûr, bien sûr qu’il tapera “destination lune de miel” et que ça ne sera que pour s’assurer d’obtenir les résultats les plus pertinents. "T’y crois vraiment, hm ?" Bien sûr qu’il y croit. Bien sûr que sa dernière idée en date devient aussitôt une obsession, et ce peu importe le thème dont il est question. Ils ont discuté bébé et maintenant il en veut un, parce qu’il veut pouvoir raconter des anecdotes autour d’un verre avec ses amis, parce qu’il veut être celui prenant toute la place sur le trottoir au moment de sortir le porte-bébé de la banquette de la berline. Il a envie d’entendre Evelyn réprimander leur enfant sur ses mauvaises actions et sur ses paroles déplacées parce qu’il est curieux de savoir à quel point elle arrivera à être pédagogue envers un marmot incapable de faire la distinction entre le bien et le mal. La liste est longue, terriblement longue, et tout ce qu’il en dit c’est qu’il y croit vraiment et que cela prend la forme d’un bref sourire suivi d’un baiser à son égard. Ils ont le temps d’en rediscuter de façon posée, maintenant. Bientôt - il en est toujours aussi certain -, c’est de prénom dont ils devront parler.

Si le sujet du bébé reste plutôt simple à aborder, il en est un autre pour lequel tout est différent. "Si Ruben veut faire connaissance avec Ruben sans que ma présence soit nécessaire, je te laisse te charger de faire les présentations comme tu l’entends." Elle parle avec une animosité qu’il ne lui connaît que rarement mais qu’elle dédie dernièrement à son frère. « Je comptais juste l’amener chez lui, rien de plus. » Sa présence n’est donc pas nécessaire et, à dire vrai, il ne comptait pas dessus tant il sait qu’elle préfère rester loin de son frère pour le moment. Et que le “moment” risque de durer l’équivalent d’une éternité. Dans cette histoire, il n’a pas non plus prévu de prendre la défense de son frère, jugeant pour l’heure que le retour de bâton est plutôt mérité. Il le défendra si les choses vont trop loin, mais pour le moment il n’en est rien. « On partira quand tu voudras. » Il se contente de résumer alors qu’Evelyn lui parle des rouages de l’entreprise et de son droit à décider de ses vacances. Il n’y connait pas grand chose, il ne sait pas non plus qui a réellement le dernier mot, mais il est au moins bien au fait qu’il peut lui faire confiance pour que les choses arrivent quand elle l’a décidé. « Tu viens pas vraiment à peine de prendre tes fonctions. » Il précise, tentant maladroitement de lui retirer un certain poids des épaules. Elle est en training depuis un moment, c’est vrai, mais ça compte quand même, pas vrai ? Elle est au sommet de l’échelle, cela signifie qu’elle peut prendre les décisions qu’elle veut.

Rhett se retient de dire qu’un moodboard est une idée de bonne femme mais force est d’avouer qu’il n’en pense pas moins, raison pour laquelle il laisse couler la proposition en se contentant d’un sourire vague et d’un hochement de tête qui l’est tout autant. Ils peuvent en discuter si cela fait plaisir à Evie, bien qu’il doute de l’utilité d’une conversation sur ce point, mais il refuse d’occuper un après-midi à découper des petites photos. Il le fera s’ils ont un enfant seulement. "J’avais hâte de t’entendre dire quelque chose comme ça, ça fait des semaines que j’ai envie de te demander si tu y as réfléchi." Il est fasciné par la vitesse à laquelle certaines choses peuvent changer, Rhett. Il n’y a pas si longtemps encore, tout ce qui concernait eux était un sujet tabou et aujourd’hui elle lui apprend qu’elle attendait avec impatience qu’il remette sur le tapis l’idée d’emménager ensemble. Dans ce sens là, il est heureux de la façon dont les choses changent et surtout avancent. Dans ce sens-là seulement, le prouve son sourire. "Mais quand tu dis un peu mieux, tu veux dire pour de bon, rassure-moi ?" - « Au point où j’ai fait le deuil sur l’idée d’habiter à cent mètres de mon restaurant préféré du monde entier. » Et si ça c’est pas une preuve d’amour, alors il ne sait pas ce qu’il pourrait faire de plus, quand même. « Mais je voulais ton avis avant. » Il ne se voyait pas prendre la décision seul, à commencer parce que l'idée n'est plus qu'Evelyn emménage chez lui mais bien l'inverse. « Parce que je sais qu'on parle de beaucoup de changements en peu de temps. » Et que leur couple a stagné pendant près de deux ans avant ça, alors ils sont loin d'y être habitués et il pourrait comprendre qu'elle veuille prendre un peu de recul - bien que paradoxal avec l'idée de devenir parents ensemble, mais peu importe. « Mais tu sais que si ça tient qu'à moi, je rentre avec toi ce soir et je risque plus de bouger ensuite. » Ce qui est on ne peut plus vrai puisqu'il n'a même pas un travail auquel se rendre tous les jours. Il n'aura qu'à appeler une entreprise de déménagement pour s'occuper de tout à sa place. « Enfin, peut-être que ce soir on a réservé un dîner fait par un chef avec vue sur le bush. » Il sourit doucement. Peut-être. « Et qu'ils offrent la possibilité de dormir dans ces tentes cinq étoiles aussi. » Qui n'ont de "tente" que le nom. Sur ça, il n'a pas encore pris de décision mais la réservation n'est qu'à un message d'eux, si seulement Evelyn estime que ce n'est pas trop déraisonnable par rapport à son travail.

did we take the time to make amends?
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Tu sais qu’ils ont inventé un truc merveilleux qui s’appelle la livraison à domicile ?" C’était peut-être le petit matin qui la rendait si taquine, allez savoir. Tout ce qu’elle voulait néanmoins, c’était de faire de cette balade supervisée un bon moment où leurs éternelles discussions sérieuses ne tournaient pas au drame existentiel. C’était toujours un peu sérieux sur le fond, mais Evelyn refusait que ça le soit plus que ça dans l’immédiat. Elle aimait pouvoir parler avec lui que ce soit sérieux ou pas, le laissant entrecouper leurs décisions importantes par un baiser "Si ce n’est qu’une histoire de restaurant préféré, on va pouvoir trouver une solution, je te le promets." Elle n’apprendrait pas à cuisiner comme le chef de son restaurant préféré, mais un dîner par semaine loin de la maison, dans ce restaurant qu'il affectionnait, c’était un compromis qu’elle pouvait faire sans que ça ne lui coûte trop cher. Elle avait fait d’autres compromis, elle n’était plus à ça près en vérité. Elle lui adressa un sourire "Tu voulais mon avis avant ? Et tu ne t’es pas dit que te redonner la clef de chez moi avec un porte-clef personnalisé à ton nom Garrett —" Elle pointa le doigt vers lui sans le regarder, juste pour faire preuve d’un peu théâtralité en faisant la précision, laquelle allait de paire avec sa malice, c’était certain "— ce n’était pas une bonne piste à prendre en compte? Je dirais même la preuve ultime que c’est ce que j’attends depuis Noël ?" Elle ne pensait pas qu’elle réussirait à lui pardonner un jour de lui avoir fait subir les derniers événements en date, ceux qui les avaient fait rompre sans qu’elle ne juge utile de lui demander son avis. Et pourtant, elle en était là : à se languir qu’il s’approprie son chez elle pour l’appeler enfin son chez lui — leur chez eux —, et préparer l’arrivée d’un bébé qui n’était encore qu’une chimère à ses yeux, mais qui prenait déjà suffisamment de place pour que les astres décident de se montrer cléments avec eux et de leur accorder cette faveur "J’ai pas peur du changement. Même si c’est vrai que ça en fait beaucoup en peu de temps, je crois qu’on a assez pris notre temps." lui avoua-t-elle en hochant la tête pour appuyer ce qu’elle pensait vraiment. Ils se connaissaient depuis longtemps maintenant, ils étaient ensemble depuis aussi longtemps que ça, et une part d’elle se disait que repousser toujours un peu plus loin l’idée de s’engager vraiment dans leur vie de couple, c’est ce qui avait peut-être causé des dommages à leur histoire. Pas que ça évidemment, ce serait minimiser l’impact du reste, seulement il planait toujours quelque chose au-dessus d’eux de l’ordre du peut-être pas tout à fait qui lui déplaisait un peu. Elle en était en partie responsable, elle n’avait jamais été fortiche pour s’engager, mais avec Rhett, elle le voulait, et apposer le sceau du maintenant, tout de suite, pour de bon c’était le seul caprice qu’elle était encore en droit de s’autoriser.

"Et tu sais qu’ils ont inventé un autre truc tout aussi merveilleux que la livraison à domicile, et qui s’appelle les entreprises de déménagement ?" Cette fois, elle fronça le haut de son nez en lui tirant la langue, ajoutant rapidement en reprenant son sérieux "On peut tout faire à la fois : préparer notre voyage, préparer ton emménagement. Le sommeil, c’est pour les faibles." Ou pour les gens qui n’avaient pas leur emploi du temps, ce qui revenaient plus ou moins au même selon les codes stricts des entrepreneurs assez pédants pour se prendre pour l’élite de ce monde. Enthousiasmée, Evelyn s’apprêtait à ajouter quelque chose pour le convaincre que c’était une bonne idée de presser un peu le pas et d’affirmer son envie de rentrer ce soir pour ne plus jamais bouger, mais il la prit de court pour la surprendre, et la faire s’arrêter sur le sentier que leur guide présentait comme une merveille dont elle se moquait, et elle en était à peine désolée pour le coup, bien qu’elle lui accorda un sourire poli — qui se fendit davantage quand elle retourna la tête vers Rhett "Oh donc, tu ne plaisantais pas non plus à propos de ta résolution de devenir un peu plus romantique ? Un dîner avec vue sur le bush, vraiment ?" Elle surjouait, s’autorisant à s’approcher de lui pour nouer ses bras autour de son cou, sa tête suivant les mouvements de la sienne en faisant dans un murmure exagéré "Et une nuit dans une tente cinq étoiles ? Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de Rhett Hartfield ?" Si elle n’avait pas le ton aussi badin que ça, ça pourrait être un peu vexant cette façon qu’elle avait de s’amuser de ses efforts, mais elle était véritablement conquise, prête à en profiter sans se laisser le choix de vouloir lui faire confiance chaque fois qu’il lui proposerait une activité de ce genre — activité qui au demeurant, n’était qu’un prétexte, le groupe qu’ils suivaient prenant de l’avance sur eux alors qu’elle levait la tête un peu plus pour être certaine de ne pas rompre le contact visuel avec Rhett à qui elle dit "Si tu dis qu’il y a un jacuzzi de disponible dans le forfait de la nuit dans la tente cinq étoiles, tu rendras une femme très heureuse." En d’autres termes, s’il ne s’agissait là que d’une offre de sa part, elle l’acceptait sans rechigner, rechignant encore moins à lui rendre le baiser qu’il lui avait donné tout à l’heure.

"Tu sais qu’ils ont inventé un truc merveilleux qui s’appellent la livraison à domicile ?" Mais il est vieux jeu et il n’y peut rien, parce qu’il ne peut pas s’empêcher de penser que n’importe quelle livraison à domicile, aussi rapide et efficace soit-elle, ne pourra jamais rivaliser avec le simple fait d’avoir sa table dans son coin préféré, un serveur réactif à ses requêtes, et des plats cuits à la parfaite température sortant à peine de la cuisine. « C’est arrivé jusqu’au fin fond de l’Australie cette histoire, alors ? » Il préfère s’en moquer plutôt que de rentrer dans une véritable conversation autour des différents moyens de livraison de l’ère contemporaine: de toute évidence, ce n’est pas ce qui l’intéresse le moins du monde. Qui plus est, il préfère ramener la conversation sur le sujet de la maison et de son emménagement en-cours-à-venir, parce que ça l’intéresse bien plus que tout le reste en cet instant. "Tu voulais mon avis avant ? Et tu ne t’es pas dit que te redonner la clef de chez moi avec un porte-clef personnalisé à ton nom Garrett ce n’était pas une bonne piste à prendre en compte? Je dirais même la preuve ultime que c’est ce que j’attends depuis Noël ?" - « Ma mère a longtemps eu mon double des clés et c’est pas pour autant que j’avais envie qu’elle habite avec moi, tu sais. » Il hausse les épaules, lui-même incapable de dire s’il fait pleinement de l’humour ou si cela revête tout de même un fond de vérité. Sa mère a effectivement eu le double des clés de son appartement lorsqu’il était étudiant à Brisbane parce qu’il se disait qu’il pourrait oublier ses clés un jour et que ça lui serait bien utile: se serait omettre qu’il vivait sur le campus et qu’il avait bien assez d’amis chez qui dormir si jamais il rentrait tard un soir et devait attendre le lendemain pour contacter l’administration. Mais ce n’est pas une situation le moins du monde comparable avec celle d’Evelyn, pas vrai ? Parce qu’il est plutôt évident qu’elle ne lui a pas donné les clés au cas où et qu’elle ne l’a jamais caché: elle les lui a donné pour qu’il s’en serve à son tour, le plus vite et le plus rapidement possible. Le plus souvent possible, aussi. "J’ai pas peur du changement. Même si c’est vrai que ça en fait beaucoup en peu de temps, je crois qu’on a assez pris notre temps." - « Je le crois aussi. » qu’il finit par conclure, cette fois-ci sans plus la moindre notion d’humour. Il sait qu’il n’a jamais été très doué pour lire et comprendre les sentiments d’autrui, raison pour laquelle il a ressenti le besoin de s’assurer à de nombreuses reprises qu’il était dans le bon chemin. Maintenant, et après avoir usé jusqu’à la corde la patience d’Evie, il sait que tel est le cas.

"Et tu sais qu’ils ont inventé un autre truc tout aussi merveilleux que la livraison à domicile, et qui s’appelle les entreprises de déménagement ?" Parfois, des choses insignifiantes lui rappellent qu’elle a vécu dans un monde parfait, Evie. Il ne lui en veut pas, ça fait partie d’elle et c’est une raison parmi d’autres expliquant l’amour qu’il lui porte, mais quand même. Il aime le noter mentalement, comme si ça pouvait changer quoi que ce soit.  « Mais je suis un peu trop vieux jeu pour laisser qui que ce soit ranger dix ans de ma vie. » Surtout, il n’a rien de mieux à faire de ses journées, alors déménager lui permettra de s’occuper l’esprit autant que les mains pendant un temps. Et ce sera pour une bonne cause, une très bonne cause. "On peut tout faire à la fois : préparer notre voyage, préparer ton emménagement. Le sommeil, c’est pour les faibles." La remarque le prend de court et il ajoute un rire aussi bref que sincère à la suite de ses mots. Elle oublie de préciser qu’ils peuvent aussi préparer l’arrivée du bébé, mais ce n’est de toute façon pas vraiment une tâche qu’il trouve particulièrement gênante.

Qui plus est, il meurt déjà d’envie de lui révéler que la soirée n’est pas totalement un piège et qu’il a quand même prévu un moment qui pourrait lui plaire à elle autant qu’à lui. "Oh donc, tu ne plaisantais pas non plus à propos de ta résolution de devenir un peu plus romantique ? Un dîner avec vue sur le bush, vraiment ?" Elle se rapproche de lui et il pose machinalement une main dans le creux de son dos, son sourire démontrant bien à quel point il est plus fier que jamais. Il souhaite vraiment faire des efforts et même s’il se montre un brin cliché dans sa façon de faire, il estime aussi ne pas trop mal s’en sortir ; pas vrai ?"Et une nuit dans une tente cinq étoiles ? Qui êtes-vous et qu’avez-vous fait de Rhett Hartfield ?" - « C’est le nouveau Rhett qui a les clés d’une maison à Bayside. » Leur couple va fonctionner. Leur famille existera un jour. Il veut le croire, parce qu’ils font tous les deux bien trop d’efforts dans ce sens là pour qu’ils ne portent pas leurs fruits. "Si tu dis qu’il y a un jacuzzi de disponible dans le forfait de la nuit dans la tente cinq étoiles, tu rendras une femme très heureuse." Il répond à son baiser avant de le faire avec la question mais cela lui donne l’occasion d’approcher ses lèvres de son oreille au moment de lui murmurer un secret de plus.  « Y’a même l’option massage qui peut être ajoutée au programme de demain matin. » Cliché, on a dit. Quitte à l’être, il ne fait pas semblant.  « Je me disais que ça pourrait t’intéresser un peu plus que les heures de marche au milieu de nulle part. » Même si le paysage est magnifique, même si le guide est très qualifié, même si la météo est parfaite. Sans doute que cela n’a pas la moindre importance face à un jacuzzi, et ne parlons même pas du massage qu’il vient de lui promettre - réalisé par un pro, pas par lui.

Tout en reprenant la marche d’un pas lent, il garde une main posée contre son dos, Evelyn toujours près de lui.  « Et puis je voulais te remercier, pour le porte-clé. » Pour la clé bien plus que pour le porte-clé en lui-même, évidemment, mais parfois il a du mal à aller directement aux faits. Il veut surtout la remercier pour tout ce que ça signifie, pour la confiance qu’elle lui donne à nouveau, et pour l’avenir qu’ils s’autorisent à imaginer à deux alors que cela aurait semblé impossible il y a de ça à peine quelques mois.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Ça la faisait rire que Rhett soit du genre à avoir réponse à tout, même si parfois elle aurait préféré qu’il soit un peu moins malin pour se laisser l’occasion de lui en vouloir un peu plus, bien incapable de tenir ses propres promesses de rancoeur à son encontre quand il faisait des erreurs "Est-ce que ça veut dire que je vais aussi devoir faire un double des clefs pour maman Hartfield ?" Elle faisait semblant de s’en inquiéter, l’écart entre ses deux yeux se froissant avec exagération tandis qu’elle retenait un tant que tu ne me forces pas à en faire un pour Ruben, elle qui n’avait jamais fait aucun double de clefs à aucun membre de sa famille directe. Ils en étaient là les Pearson, ou alors ce n’était qu’Evelyn : à ne même pas penser que ça pourrait être utile en cas de pépin de pouvoir compter sur quelqu’un de sa famille avec un double des clefs de chez elle. Elle avait appris à se débrouiller seule, elle avait vécu loin pendant longtemps, elle ne faisait pas ce genre de chose "Ça fait un moment que j’ai emménagé maintenant, mais je n’ai fait aucune crémaillère. Si tu veux faire visiter l’endroit où tu vas vivre à tes proches, on pourra peut-être organiser quelque chose ? Une fête, un dîner." proposa-t-elle dans la foulée tout en y pensant brièvement, retrouvant son sérieux en affirmant qu’il était temps de faire les choses de la bonne façon et d’avancer enfin dans cette histoire qui ne stagnait pas, mais qui prenait de l’ampleur qu’à tous petits pas, comme si leurs craintes les empêchaient de véritablement admettre qu’ils étaient partis pour durer.

"On laisse l’entreprise de déménagement de côté, j’ai compris le message." Une main levée devant elle comme un d’accord silencieux, elle prit le temps de former ses propos suivants dans son esprit avant de les lui adresser, sa tête se tournant de son côté en même temps "Si je te propose de t’aider à ranger, tu refuseras alors ?" Il avait dit qu'il était trop vieux pour laisser qui que ce soit l’aider à ranger dix ans de sa vie, mais était-elle incluse dans ce qui que ce soit ? Evie, elle pouvait se targuer de connaître Rhett, mais il y avait des choses dont ils ne parlaient jamais. Elle faisait très souvent preuve de délicatesse, elle n’insistait que rarement pour lui tirer des confidences et des souvenirs, comme le prouvait la brève mention de Jackson qu’il avait faite tout à l’heure, aussi le temps passant, sa curiosité grandissait en même temps que ses sentiments pour lui se confirmaient. Elle savait que si elle exprimait son envie de connaître chaque instant de chaque année de la vie qu’il avait mené jusqu’ici, il lui répondrait de relire son livre, mais ce n’était pas une réponse qu’elle pouvait entendre : elle voulait apprendre des choses sur lui qui venaient vraiment de lui, pas de la plume romancée de quelqu’un qui l’avait certes écouté attentivement, qui avait usé et abusé des figures de style pour dépeindre l’homme qu'il était comme rien de moins qu’un protagoniste d’une histoire qui s’apprêtait à être portée à l’écran.

"Très bonne réponse." ponctua-t-elle dans un sourire au nouveau Rhett qui a les clefs d’une maison à Bayside, ne pouvant s’empêcher de ressentir une pointe d’excitation saine à l’idée que tout soit officiel. Elle n’imaginait pas un seul instant que c’était aussi important pour elle de l’avoir près d’elle, elle n’imaginait pas non plus que cette normalité qui découlait de leurs décisions successives la rassurerait autant quant à l’avenir de leur couple, elle qui ne portait pas vraiment d’intérêt à tout ça avant de le rencontrer. Mais la vérité, c’était qu’elle se sentait bien à voir les choses sous la perspective d’un jour nouveau où ils deviendraient un peu comme tout le monde tout en restant qui ils étaient — à s’échanger des baiser au milieu d’une nature qui était censé les subjuguer, Evie l’étant bien moins par ça que par le bleu des yeux de Rhett qui lui échappèrent quand il se pencha sur elle pour lui murmurer à l’oreille. Elle ouvrit très légèrement la bouche, reculant doucement sa tête pour pouvoir le regarder à nouveau frontalement, et murmura en retour, posant ses deux mains sur les côté opposés de son cou pour qu’il continue de la regarder comme il savait si bien le faire "Tu crois que si on leur fausse compagnie tout de suite, on deviendra officiellement les mauvais élèves du groupe ?" Pas que ça provoquait chez elle une honte particulière au demeurant. Disons qu’elle demandait pour une amie. Retenant un sourire aux paroles de Rhett à qui elle rendit sa liberté, elle enfonça le bout de son index dans sa poitrine en lui faisant, essayant de rester sérieuse, mais aussi d’insuffler à ses propres paroles un soupçon de sévérité "On va devoir revoir notre attitude avant d’avoir un enfant. Parce que quand il sera ado et qu’il séchera les cours pour profiter du beau temps et qu’on devra le gronder en lui rappelant que c’est pour son bien, je vais avoir l’impression d’être rien d’autre qu’une hypocrite." Etant donné qu’ils n’étaient vraiment pas mieux dans le genre, et qu’à choisir entre saluer le soleil en haut d’une colline et passer un moment dans une tente luxueuse avec Rhett, il n’y avait même pas de choix à faire. Sur ce coup-ci, c’était même Rhett le plus raisonnable puisque la faisant reprendre sa marche à ses côtés, il la força à se montrer patiente. Plus que quelques minutes encore, et ils pourraient s’échapper. Sentant la main de Rhett dans son dos, elle bascula doucement la tête en arrière pour croiser son regard quand il la remercia pour le porte-clé, la faisant sourire et lui répondre en même temps "Ça ne mérite pas de remerciement, c’est dans l’ordre des choses, non ?" Elle tourna sa phrase comme une question, seulement elle n’avait pas besoin de réponse, elle la connaissait déjà "Mais puisqu’on en est à se remercier, c’est à mon tour : merci de ne pas avoir dit non." Elle ne savait pas comment elle aurait pris un refus, elle avait préféré ne pas y réfléchir, et elle ne comptait pas y réfléchir plus maintenant qu’elle avait la certitude que ce n’était plus qu’une histoire d’organisation, et que Rhett ferait très bientôt entièrement partie de son quotidien pour de bon, comme elle le voulait déjà avant qu’ils ne se séparent.

"Est-ce que ça veut dire que je vais aussi devoir faire un double des clefs pour maman Hartfield ?" - « Oh non, je t’en supplie. » Il rigole, il sourit, mais il n’en pense pas moins: sa mère n’est pas du genre étouffante mais elle est néanmoins du genre à avoir du mal à comprendre la définition de barrière et de distance avec ses enfants. Il l’aime beaucoup, il ne s’en cache pas, mais du haut de ses quarante ans il est bien heureux de pouvoir vivre sa propre vie et de laisser à Ruben tout l’honneur de faire des voyages jusqu’à Kilcoy pour prendre soin de leurs parents. "Ça fait un moment que j’ai emménagé maintenant, mais je n’ai fait aucune crémaillère. Si tu veux faire visiter l’endroit où tu vas vivre à tes proches, on pourra peut-être organiser quelque chose ? Une fête, un dîner." Rhett partage avec elle un simple regard pour s’assurer qu’il n’a pas provoqué ses mots à outrance, et pour aussi s’assurer qu’elle serait bel et bien heureuse d’organiser ce genre de soirées. Peu importe à quel point lui serait heureux d’accueillir ses proches dans son nouveau chez lui, ce n’est pas non plus ce qu’il pourrait considérer comme un besoin. « Un dîner, ça serait super. » Il cuisinera pour l’occasion, parce qu’il ne sait pas faire grand-chose de ses mains autrement que jouer au rugby mais ça, encore, il gère. "Si je te propose de t’aider à ranger, tu refuseras alors ?" - « Je peux considérer ta demande. » Il ne l’associe pas à ce qui que ce soit dont il était question, non, et même si ses mots laissent penser le contraire, le regard qu’il partage avec Evie ne laisse aucun doute. Elle l’accueille dans une maison qu’elle considère déjà comme un “chez nous”, et lui n’a pas à y repenser à deux fois avant d’accepter la simple idée qu’elle l’aide à ranger les souvenirs d’une vie. Il n’y a rien qu’il puisse lui cacher, et il ne voudrait pas qu’elle puisse le suspecter d’une quelconque manière, ou pour quelconque raison. Si elle veut aider, elle sera la bienvenue, bien qu’il ait tendance à considérer que ce soit une perte de temps.

La discussion s’étend et se perd sans que cela ne soit pour déranger Rhett, encore moins lorsqu’ils prennent le temps de partager un simple baiser sur le chemin. "Tu crois que si on leur fausse compagnie tout de suite, on deviendra officiellement les mauvais élèves du groupe ?" Il l’observe un instant de plus, subjugué par tous les masques qu’elle arrive à porter. Elle est très loin de la femme rencontrée au détour d’un gala il n’y a pourtant pas si longtemps de ça, et pourtant elle n’a fait que mettre en exergue toute une ribambelle d’indices qui ont toujours été présents. « Evidemment. Mais j’ai l’habitude. C’est pas si pire, je te promets. » Il était celui qui allait à l’école pour retrouver ses amis bien plus qu’autre chose alors oui, bien sûr qu’il a très tôt été caractérisé par le terme de cancre autant que de mauvais élève. Et si elle veut goûter à ce genre d’interdit, il ne sera pas celui qui la raisonnera à outrance. Rester sur le droit chemin, ça a quelque chose d’ennuyant. "On va devoir revoir notre attitude avant d’avoir un enfant. Parce que quand il sera ado et qu’il séchera les cours pour profiter du beau temps et qu’on devra le gronder en lui rappelant que c’est pour son bien, je vais avoir l’impression d’être rien d’autre qu’une hypocrite." Malgré son rire, il doit s’avouer vaincu sur cette répartie. Il pensait déjà jouer le rôle du good cop, quitte à ce que cela force des disputes entre Evie et lui, parce qu’il aurait été lâche au point de la laisser gérer les disputes et remontrances la plupart du temps. Parce qu’il la laissera le faire, quand ils auront un enfant et quand ce dernier sera en âge de leur faire regretter leur désir de paternité. « On a le temps avant qu’il soit ado. Laisse moi encore en être un. » Sans doute qu’il en est lui-même un peu trop souvent un, d’adolescent, mais encore une fois il s’agit de voir un seul problème à la fois, non ?

"Ça ne mérite pas de remerciement, c’est dans l’ordre des choses, non ? Mais puisqu’on en est à se remercier, c’est à mon tour : merci de ne pas avoir dit non." A son tour, il peine à accepter les remerciements qui lui sont partagés. « Je l’ai pas envisagé. » Il crevait d’envie de pouvoir retrouver une vie de couple avec Evie, alors bien sûr que non il n’aurait jamais pensé à repousser à plus tard leur emménagement ensemble. A ses yeux, ils ont déjà bien assez attendu. « On prend des notes pour être de bons élèves jusqu’à ce soir et après on se dit que j’oublie ce genre de plan à la con ? » Ils profitent de la randonnée jusqu’à sa fin et ils peuvent même peut-être essayer de se souvenir d’une histoire ou deux, mais ils ne doivent pas oublier qu’une soirée tout confort les attend et que c’est ce à quoi ils aspirent avant tout le reste. Les photos et les souvenirs qu’ils partageront à leur enfant quand ils diront “on a un jour exploré le bush” ne tiendront évidemment pas en compte du restaurant, du jacuzzi, du service de chambre et tout ce qui s’ensuit.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"On invitera ta soeur et ton frère même, si t’en as envie, et si c’est possible pour eux de se libérer." Pas que l’idée l’enchantait particulièrement de devoir compter ce dernier dans les invités à choyer lors de ce dîner, mais elle savait ce que c’était d’être exclu de ce genre de festivités, et quand bien même elle préférait encore voir Ruben en peinture qu’en face à face, elle ne se risquerait pas à lui causer ce genre d’affront juste parce qu'ils s’étaient chamaillés. De là à imaginer qu’ils pourraient se rabibocher lors de cette occasion, il ne fallait tout de même pas pousser le bouchon "On ajoute ça à notre liste. Elle commence drôlement à s’allonger." Et comme c’était son petit plaisir d’en faire à tort et à travers, des listes, elle ne trouvait pas ça dérangeant. Bien au contraire, ça faisait peser sur leurs épaules le doux poids de projets qu’elle se sentait apte à mener, leur futur s’avérant plus engageant que leur passé qu’elle ne renierait pas certes, qu’elle ne troquerait pas contre la perspective rassurante de se sortir enfin de toute cette mauvaise passe qui les avait pourchassés durant des mois.

Rhett allait enfin s’installer à Bayside, et ça ne pourrait pas la rendre plus heureuse. Même s’il ne voulait pas l’impliquer dans son emménagement, même s’il voulait s’occuper lui-même de ranger ses trophées, elle saurait se faire à l’idée qu’il avait besoin de conserver quelques-uns de ses secrets tout en croisant les doigts pour qu’un jour où l’autre, il lui parle de tout : de Jackson, de Jenna, de Mabel aussi pourquoi pas. En échange, elle pourrait lui parler de son père, de l’idée qu’elle aimerait être un parent comme il l’avait été pour que leur enfant chérisse tous les moments qu’ils passeraient ensemble quand elle ne serait plus là. Envisager la maternité, ça remettait en perspective la manière dont elle avait été élevée, et elle se rendait compte qu’à craindre d’être comme sa mère, elle en avait oublié qu’elle pourrait tout aussi bien être comme son père, et ça la rassurait d’une façon inédite, elle à qui on avait si souvent dit qu’elle ressemblait beaucoup à Kai. Ils en parleraient plus tard, quand leurs tentatives deviendraient concrètes, qu’ils pourraient se lancer dans des choix qui incomberaient moins à leur enfant qu’à eux de faire ; son prénom, la couleur des murs de sa nurserie, et tout un tas d’autre chose qui n’étaient pas encore à l’ordre du jour, mais qui arriveraient bien assez tôt comme l’adolescence de cet enfant dont Evie parlait comme de quelqu’un à part entière alors qu’elle savait à peine où ça le mènerait. Ça lui faisait un peu moins peur désormais, même si ça lui paraissait toujours aussi peu concret tant qu’elle n’avait pas le sentiment d’être pleine et de sentir que quelque chose grandissait en elle. Ça viendrait, tout comme le reste, elle ne préférait pas se faire des noeuds au ventre et voir le pire quand dans le fond, il n’y avait que le meilleur sur quoi elle voulait se concentrer.

Leur guide finirait probablement par les haïr, mais elle s’en moquait "OK, deal." fit-elle à Rhett lorsqu’il lui proposa de rentrer dans les clous le temps de quelques minutes, jouant enfin le jeu imposé par un guide qui croyait à ce qu’il disait autant qu’eux croyaient en ce qui allait bien finir par arriver. Pour rendre plus officiel ce marché passé avec son partenaire de vie, Evie lui serra la main comme elle le ferait avec n’importe quel financier de la MHI — sauf que gardant sa paume contre celle de Rhett le temps d’un instant, elle fonça sur ses lèvres pour planter un baiser contre sa bouche et officialiser davantage encore leurs efforts imminents, un léger rire s’échappant de sa gorge avant de reprendre leur chemin avec le groupe qui les attendait plus depuis longtemps. Le soleil commençait doucement à se lever pour illuminer morceau par morceau cette nature sur laquelle ils méditeraient, se détournant un instant de la gratitude qu’ils ressentaient l’un pour l’autre pour profiter d’une quiétude salutaire après les mois difficiles qu’ils venaient de passer, et qui s’ils n’espéraient ne jamais vivre à nouveau, avaient consolidé quelque chose qu’Evelyn, au moins, espérait aussi inébranlable que la somptuosité de ce sur quoi ils posèrent enfin les yeux.

rp terminé.