Let it be all night ft @Wild Fitzjames

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All this all hard work, no vacation ; stay up off my Instagram, pure temptation ; hit a switch on a fake nigga, like a station ∆ Rihanna, Sex with me

L'invitation au podcast l'avait surprise. D'abord, parce que c'était un support sur lequel elle n'avait jamais été - elle en avait écouté quelques uns, notamment de parentalité ces derniers mois, mais plutôt au hasard et n'avait aucune idée des noms qui y étaient célèbres ou de la popularité des émissions. Et surtout, après avoir écouté quelques uns des épisodes de celui de Wild, Without Taboo, Mabel s'était vite aperçue que le thème était un qu'elle avait toujours évité jusqu'ici.

Sa famille n'avait jamais vraiment parlé de sexe, laissant l'école faire son éducation sexuelle. Ses parents avaient toujours fait comme si le sujet n'existait juste pas, et ni ses frasques étalées dans les journaux, ni le fait qu'elle ait eu un enfant n'avait changé ce fait. C'était tabou chez eux - un peu ironique mais assez amusant vu le nom du podcast. Et tout au long de sa carrière, on avait bien fait comprendre à Mabel qu'on ne parlait pas de sa vie sexuelle. Le fait qu'elle laisse autant voir ses différents partenaires était déjà jugé, alors si elle avait osé en parler, elle aurait très certainement été blacklistée des défilés qu'elle faisait à l'époque.

Elle avait donc été plus que frileuse en se rendant compte que Wild explorait le sujet, dans différentes directions selon ses invités. Mais il n'avait fallu que quelques épisodes pour faire comprendre à Mabel que c'était toujours fait avec tact et sérieux. Ce n'était jamais fait pour ridiculiser l'invité ou le mettre en danger, mais juste pour normaliser les choses, et expliquer certaines pratiques - ou mettre en garde. Plutôt un cours éducatif et pédagogique mêlé à des témoignages prenant aux tripes, loin de ce qu'elle craignait, c'est-à-dire une émission cherchant juste le scandale.

Mabel se retrouvait donc presque impatiente de se retrouver au micro de Wild, même si elle n'avait jamais été très à l'aise à l'idée de se dévoiler face aux gens. Elle s'était longtemps cachée derrière des tenues extravagantes - des années de mannequinat lui avaient donné un visage impassible masquant à merveille ses véritables pensées -, puis avait débuté une carrière d'actrice, se cachant alors derrière des rôles, la laissant choisir ce qu'elle voulait dévoiler ou ce qu'elle pouvait mettre d'elle dans les femmes qu'elle jouait.

Là, derrière ce micro, elle allait devoir s'aventurer sur des chemins qu'elle n'avait jamais emprunté, mais elle en avait vraiment envie. Elle n'était pas sûre de pouvoir relever le défi à cent pourcent, mais elle voulait essayer, et se dévoiler un peu plus, sur des sujets qui lui semblaient importants. Ça n'empêchait pas la nervosité, et l'espoir que Wild soit une hôtesse vraiment douée pour mettre les gens à l'aise.

« Enchantée de vous rencontrer » souffla-t-elle quand elle arriva et qu'on les présenta l'une à l'autre.

C'était un peu étrange, parce qu'instinctivement, en écoutant la voix de Wild, elle s'était imaginée quelqu'un de plus petit, mais elles faisaient presque la même taille. Voir la podcastrice après avoir passé des semaines à l'imaginer en se basant juste sur sa voix donnait un peu le vertige, tant la version que son cerveau avait vu ne ressemblait pas vraiment à la femme qu'elle rencontrait enfin, mais elle oublia bien vite, se laissant juste porter par l'émission qui allait commencer.

Un immense café à la main, Wild passa l'entrée du studio avec un immense sourire aux lèvres. Elle prit Lily dans ses bras puis déposa son sac près de son fauteuil. Se rapprochant de Scott elle déposa un bisou sur sa joue tout en lui offrant un clin d’œil taquin. « Hey. Soit l'homme du jour, dis moi que tout est nickel et que tout est prêt. » Le grand blond laissa échapper un rire amusé. « Il t'arrive encore de douter de moi ? Franchement, je suis blessé. » Il mima une atteinte au niveau du cœur et elle lui envoya une petite tape sur l'épaule. « Tu devrais même en rajouter une couche. » Cela faisait maintenant des années qu'ils bossaient ensemble. Lily était arrivée il y a presque deux ans mais Scott était présent quasiment depuis le début du podcast. S'ils avaient commencé à tâtons en bricolant des enregistrements dans son salon il y a de ça des années, ils travaillaient désormais dans un véritable studio. Leur petite émission du début dépassait aujourd'hui les 1,6 millions de téléchargements mensuels. Si à cette époque, on leur avait dit qu'ils atteindraient une telle notoriété, les deux compères auraient sûrement éclaté de rire. « Sincèrement Wild jamais je n'aurais cru possible que tu arrives à faire venir Mabel Griffiths ici. » A son tour, la brune fit une moue étonnée. Comment pouvait-il ainsi douter de ses capacités ? « J'ai dû faire un rituel vaudou mais hormis ça... » Un immense sourire étira ses traits alors que son ami se mettait à rire dans tout le studio. Une heure plus tard, Lily passa la porte d'entrée accompagnée d'une grande blonde tout à fait magnifique. La jeune femme était encore plus belle que ce qu'elle s'était imaginée. Elle comprit aisément pourquoi elle avait fait carrière dans le mannequinat puis dans le cinéma. « Enchantée de vous rencontrer. » « Enchantée également. Je suis Wild et voici Scott qui est le monteur et ingé son de l'équipe. Lily derrière vous que vous avez déjà rencontré est assistante opérationnelle. » D'un geste elle montra tour à tour ses deux amis et collaborateurs en lui offrant un sourire sincère. Scott leva une main pour la saluer, son casque à moitié vissé sur la tête alors que Lily restait en retrait avec sa bouille enfantine qui la caractérisait tant. Se retournant, Wild lui montra la table et les fauteuils où elles allaient enregistrer le prochain épisode. « Je pense que vous n'êtes pas une grande habituée de ce type de format mais promis, il n'y a rien de très compliqué. » L'important était avant tout de détendre ses invités. Ils devaient se sentir ici presque comme chez eux pour que l'échange soit le plus naturel possible. « Souhaitez-vous un café, un thé ou toute autre boisson ? Il y a également des petits en-cas salés et des bonbons si vous le désirez. » En effet, sur la table se trouvait des petits bols remplis de nourriture. Cela aidait parfois les gens à moins stresser. « Scott vous a déjà préparé votre micro et votre casque, il aura simplement besoin de faire deux ou trois tests par rapport au timbre de votre voix. » Se déplaçant de l'autre côté de la table, la jolie brune attrapa son bloc note et y jeta un rapide coup d’œil avant de relever la tête vers son invitée. « L'important ici est que vous soyez vous-même. Il n'y a pas de public, personne ne vous verra et ne vous jugera. Seule votre voix sera perçue par les gens. Aucun stress à avoir. » Ayant déjà eu des acteurs ou des personnalités célèbres dans son podcast, elle savait à quel point la pression du milieu pouvait parfois être pesante. « Si vous avez la moindre question avant que l'on commence à enregistrer, n'hésitez pas. » @Mabel Griffiths

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Mabel adressa un signe de tête et un sourire à Scott puis à Lily. La petite équipe lui rappelait un peu les premières interviews en radio qu'elle avait pu faire, et ça la rassura un peu de pouvoir rapprocher ce format podcast qu'elle découvrait de quelque chose qu'elle avait déjà fait. Ça restait un peu intimidant de devoir parler devant autant de personnes de choses très intimes, mais elle se savait capable d'ignorer les deux personnes travaillant avec Wild - surtout qu'ils ne seraient sans doute pas dans son champ de vision mais en train de vérifier que tout fonctionnait bien et s'enregistrait correctement.

« C'est effectivement mon premier podcast » avoua-t-elle tout en se laissant guider dans le studio d'enregistrement. « Pour tout dire, ce n'est même pas vraiment un format que j'écoute. J'en ai juste écouté quelques uns pour comprendre un peu ce que c'était et comment ça se présentait, après avoir reçu votre invitation. »

La plupart de ceux qu'elle avait pu voir en cherchant des informations après l'invitation de Wild contenaient des épisodes de minimum vingt ou trente minutes, un format qui n'était pas très pratique pour elle dans la vie de tous les jours. Elle avait toujours sa fille avec elle et si elle pouvait facilement mettre de la musique en fond sonore, les sujets des podcasts qui pourraient l'intéresser n'étaient pas forcément adaptés à une fillette de deux ans.

« Un café, ce sera parfait ! »

Elle ne toucherait pas aux gâteaux, elle qui se battait encore avec ses troubles alimentaires, même s'ils s'étaient bien atténués ces derniers temps. Mais l'attention était adorable, et elle savait que sa sœur Maddy se serait vite détendue en pouvant grignoter des choses qu'elle aimait.

Mabel s'installa dans le fauteuil libre, face à Wild, et remercia Lily quand elle déposa une tasse de café devant elle. Elle la repositionna un peu plus devant elle, de manière à pouvoir la tapoter quand elle aurait à réfléchir à une question de la jeune femme, ou à savoir comment formuler sa réponse. Si elle devenait nerveuse, elle aurait quelque chose pour se calmer un peu, en plus d'avoir sa boisson de prédilection histoire d'éviter d'avoir la bouche trop sèche à force de parler.

« Les gens jugeront toujours, même s'ils le font en décalé quand ils écouteront le podcast » nuança-t-elle tout en installant le casque sur ses oreilles, repoussant ses cheveux pour ne pas être gênée. « Mais je suis habituée au regard des autres, ça ira. »

WIld avait dû s'y habituer ici. Mabel n'était pas la première personne célèbre à s'installer dans ce fauteuil. Elle n'était même pas la plus célèbre, si elle se rappelait bien de la liste d'invités qu'elle avait pu voir sur la page du podcast.

« Je pense qu'on avait bien tout vu par mail en convenant de l'enregistrement. C'est assez clair, je n'ai plus qu'à découvrir en le testant moi-même ! »

Elle sourit poliment à Wild, et prit quelques gorgées de café avant que l'enregistrement ne commence vraiment, avant de s'installer un peu plus confortablement dans son fauteuil. Elle sentait qu'elle était encore un peu tendue, et elle espérait que ça s'efface vite au travers de la discussion qu'elles allaient avoir - même si certains thèmes n'allaient pas aider, parce qu'elle ne les avait jamais abordé en interview et allait devoir faire un effort pour sortir de sa zone de confort.

« Je suis prête » lança-t-elle, tout en regardant vers James pour savoir si son micro était bien calibré et que l'équipe était elle aussi prête pour débuter l'enregistrement.

Malgré le développement important du podcast et les proportions qu'il atteignait aujourd'hui, Wild tenait absolument à ce qu'ils soient toujours en petit comité pour enregistrer. Le noyau dur était composé des personnes présentes dans cette pièce. Bien entendu il y avait également, les sponsors, les investisseurs puis toutes les personnes avec qui elle se devait d'être en lien comme les plateformes de diffusion. L'idée était de garder cet esprit cocooning, avec un petit côté familial et bonne ambiance. Pas de grosse production où le but était uniquement de faire du chiffre et bien souvent, du scandale. Ce n'était pas comme ça qu'elle fonctionnait. « Pour tout dire, ce n'est même pas vraiment un format que j'écoute. J'en ai juste écouté quelques uns pour comprendre un peu ce que c'était et comment ça se présentait, après avoir reçu votre invitation. » Wild lui offrit un sourire entendu, comprenant tout à fait que ce format n'était pas ce qu'il y avait de plus connu même si cela s'était fortement développé ces dernières années. « Encore merci d'avoir accepté. » D'un signe elle lui présenta le siège et regarda Lily disparaître vers la machine à café. Quelques instants plus tard, une grande tasse fut déposée face à la jolie blonde. « Les gens jugeront toujours, même s'ils le font en décalé quand ils écouteront le podcast. Mais je suis habituée au regard des autres, ça ira. » Elle pinça les lèvres, lui concédant ce point tout en le nuançant néanmoins. « C'est le propre de l'Homme de juger son prochain. Cependant l'effet n'est pas le même que lors d'une interview filmée par exemple. Personnellement je trouve les gens plus conciliants et plus ouverts d'esprit lorsqu'ils ne sont confrontés qu'à une voix. » On était alors moins parasités par les expressions faciales, les mimiques, les décors. Les gens ne se concentraient que sur les mots et le message de fond. « Je pense qu'on avait bien tout vu par mail en convenant de l'enregistrement. C'est assez clair, je n'ai plus qu'à découvrir en le testant moi-même ! » Cet enthousiasme lui fit chaud au coeur. A la base la jolie brune ne savait pas comment Mabel allait réagir à son invitation et encore moins si elle serait ou non à l'aise une fois dans l'enceinte des locaux. Cependant au vu du sourire qu'elle lui offrit, Wild se sentit soudainement rassurée. Le tout était surtout qu'elle reste en confiance et que si quoique ce soit venait à déraper, qu'elle lui fasse savoir tout de suite. Normalement le briefing par mail était assez clair là-dessus. De son côté, Scott termina rapidement les réglages d'ordre mécanique et il envoya un pouce en l'air en direction de son amie pour confirmer qu'ils pouvaient débuter. Rapprochant un peu plus son fauteuil près de la table, elle but une grande gorgée de caféine avant de réajuster son casque. Levant la main droite en direction de Scott, elle fit un décompte avec ses doigts avant que sa voix ne se mît à percer le silence ambiant. « Hello c'est Wild. Bienvenue dans Without Taboo, le podcast de partage de connaissances, témoignages et discussions. Nos invités explorent la sexualité sous tous ses angles, en toute simplicité et sans tabou. » Relevant la tête, elle posa ses yeux clairs sur son invitée. « Aujourd'hui nous avons la chance d'accueillir parmi nous Mabel Griffiths, mannequin, chanteuse et actrice émérite. » Elle lui offrit un sourire tout en enchainant sur un ton joyeux. « Bonjour Mabel et bienvenue parmi nous. » D'un signe de tête Scott lui confirma que tout allait comme sur des roulettes concernant l'enregistrement. « En premier lieu, nous allons aborder le fait de parler de sexe et notamment quand on est une femme, qui plus est, une personnalité publique. Est-ce que vous pourriez nous raconter comment cela est perçu de manière générale et si vous vous êtes sentie un jour opprimée concernant ces sujets ? » Avant de rentrer dans des discours un peu plus intimes et personnels, Wild tentait de mettre un cadre à la discussion pour que les auditeurs puissent comprendre son invitée. Pour qu'ils puissent avoir un contexte avant d'entendre la suite. Peu de gens était au courant de ce qu'était réellement la vie d'une personnalité et cela pourrait peut-être les aider à comprendre la suite de leur discours. @Mabel Griffiths

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Mabel pencha la tête, surprise de l'annonce de Wild. Elle n'aurait pas pensé qu'un podcast provoquerait moins de réactions qu'une interview plus traditionnelle. Ou elle aurait plus mis ce fait sur le fait que le podcast était un format plus récent, qu'il fallait aller chercher sur les plateformes, et que c'était donc pour ça que les gens en parlaient moins. Mais quelle que soit la raison, le fait qu'on en parle moins restait un bon point à ses yeux.

Confortablement installée dans son fauteuil, Mabel décida de faire confiance à Wild. La jeune femme semblait avoir son podcast depuis un moment, et savait donc mieux que l'actrice les bons et mauvais côtés de son format, et l'accueil qu'il pourrait avoir. Elle écouta donc la jeune femme faire son lancement en buvant une gorgée de café pour se donner du courage.

« Merci de m'avoir invitée ! C'est un plaisir de participer à votre podcast, et de pouvoir participer à ces thématiques pas si courantes. »

La première question de Wild rentrait directement dans le sujet, demandant à Mabel de se concentrer pour pouvoir y répondre sous tous les aspects. Ce n'était pas juste un oui ou un non, et plusieurs idées lui venaient déjà en tête - il lui fallait juste les organiser.

« Je pense que les femmes sont plus facilement sexualisées. J'ai commencé en tant que mini-miss quand j'étais enfant, et les modèles qu'on nous donnait étaient ceux de femmes adultes, avec des corps formées. On se retrouvait à défiler dans les mêmes vêtements échancrés, ou dans les mêmes bikinis, sauf qu'on était des enfants. Et c'est nos corps qui étaient jugés. »

Avec le recul et sa propre maternité, elle se demandait maintenant comment sa mère avait pu lui faire ça. Elle-même en serait incapable pour sa propre fille. Elle refusait déjà d'afficher le visage de Rosalie, et hormis quelques photos de bébé, elle n'avait plus rien montré dès que ses traits s'étaient faits plus reconnaissables. Alors des concours de beauté lui semblaient impossibles à imaginer...

« Et même adulte... Je trouve qu'il y a une plus grosse pression au mariage et à la maternité. Personne ne demande aux hommes quand est-ce qu'ils vont se poser, se marier, avoir des enfants. Ou s'ils vont arrêter leur carrière pour avoir une vie de famille plus conventionnelle. »

Des remarques qui lui avaient toujours fait grincer des dents. A la vingtaine, elle lisait les critiques chaque fois qu'elle changeait de partenaires, comme si ça regardait qui que ce soit qu'elle ne soit pas fiancée et en train d'organiser son mariage de princesse. Et le jour où elle s'était mariée, elle avait vu pulluler sur les journaux ou les forums des remarques sur une potentielle grossesse. Il suffisait qu'elle porte un haut ample ou ait l'air d'avoir un ventre plus rond qu'habituellement pour que les rumeurs explosent.

« Je pense que la société évolue, mais lentement, et qu'on attend toujours des femmes un rôle assez traditionnel. Pas beaucoup d'études, un mariage relativement tôt pour avoir ensuite des enfants. Et idéalement, pas de métier, ou quelque chose avec des horaires souples pour avoir le temps de s'occuper des enfants. »

Une répartition des choses qui ne convenaient plus à la majorité des femmes. Mais difficile de faire bouger les choses dans une société patriarcale.

« Je pense que j'ai le plus ressenti cette pression quand je me suis mariée. Les gens n'hésitaient pas à me demander quand est-ce que j'allais avoir un enfant, si ça n'embêtait pas mon mari que je sois mannequin et je continue de défiler au lieu de rester à la maison à lui faire de bons petits plats et tout ça. Comme si ma seule fonction était d'être au foyer, comme si ma vie professionnelle était moins importante que son confort. »

Après avoir accouché de sa fille, elle avait vu quelques articles passer se demandant quand est-ce qu'elle ferait son deuxième enfant - et "ce serait bien qu'elle ait un garçon, pour avoir le choix du roi et pour que son mari ait un héritier qui transmette son nom" -, mais comme elle avait divorcé peu de temps après, les demandes s'étaient vites tues.

« De mon expérience personnelle, les filles sont sexualisées enfant ou adolescentes, et une fois adulte, on leur demande juste d'être des mères et des épouses. »

Elle se tut, ayant soudainement l'impression d'avoir beaucoup trop parlé. Un peu nerveuse, elle se reporta sur Wild, attendant que la jeune femme ne fasse ou ne dise quelque chose.

« Merci de m'avoir invitée ! C'est un plaisir de participer à votre podcast, et de pouvoir participer à ces thématiques pas si courantes. » Wild lui offrit un sourire encourageant, pour tenter de détendre son invitée. Elle savait comme il était parfois difficile de se dévoiler lorsqu'on se retrouvait seule face à un micro. Ouvrir son coeur et sa vie intime n'était pas un exercice aisé pour tout le monde et elle l'avait déjà constaté à plusieurs reprises. La jolie brune enchaina sur sa première question pour donner un peu de cadre à l'interview. « Je pense que les femmes sont plus facilement sexualisées. J'ai commencé en tant que mini-miss quand j'étais enfant, et les modèles qu'on nous donnait étaient ceux de femmes adultes, avec des corps formés. On se retrouvait à défiler dans les mêmes vêtements échancrés, ou dans les mêmes bikinis, sauf qu'on était des enfants. Et c'est nos corps qui étaient jugés. » Attrapant son stylo, elle prit quelques annotations rapidement sur son calepin pour pouvoir revenir sur le sujet lorsque son interlocutrice aurait terminé. « Et même adulte... Je trouve qu'il y a une plus grosse pression au mariage et à la maternité. Personne ne demande aux hommes quand est-ce qu'ils vont se poser, se marier, avoir des enfants. Ou s'ils vont arrêter leur carrière pour avoir une vie de famille plus conventionnelle. » Ah ça... Mabel prêchait une convaincue. Pour le vivre de manière récurrente, elle ne pouvait qu'approuver. « Je pense que la société évolue, mais lentement, et qu'on attend toujours des femmes un rôle assez traditionnel. Pas beaucoup d'études, un mariage relativement tôt pour avoir ensuite des enfants. Et idéalement, pas de métier, ou quelque chose avec des horaires souples pour avoir le temps de s'occuper des enfants. » Wild retint un soupire de justesse. C'était un discours qu'elle connaissait par coeur et elle n'avait jamais véritablement compris pourquoi tout s'était établit de cette manière. « Je pense que j'ai le plus ressenti cette pression quand je me suis mariée. Les gens n'hésitaient pas à me demander quand est-ce que j'allais avoir un enfant, si ça n'embêtait pas mon mari que je sois mannequin et je continue de défiler au lieu de rester à la maison à lui faire de bons petits plats et tout ça. Comme si ma seule fonction était d'être au foyer, comme si ma vie professionnelle était moins importante que son confort. » Alors qu'elle était en train de prendre une gorgée de café, elle se stoppa net, ses yeux glissants sur son interlocutrice. Elle approuva d'un signe de tête entendu. « De mon expérience personnelle, les filles sont sexualisées enfant ou adolescentes, et une fois adulte, on leur demande juste d'être des mères et des épouses. » C'était un constat accablant et pourtant, criant de vérité. Se redressant un peu sur son fauteuil, elle se rapprocha de son micro et rompit le silence de quelques secondes qui s'était installé. « Concernant les mini miss, je ne peux que plussoyer. C'est en effet de l'hypersexualisation infantile. Certains pays sont d'ailleurs en train d'élaborer des lois pour que ces concours soient plus encadrés et qu'on y pose enfin des limites. » Elle ne parvenait pas à comprendre, comment, en 2024 et alors qu'on faisait la chasse aux tordus partout sur cette planète, on continuait d'exposer ainsi des gamines comme s'il s'agissait de vulgaire pièces de viande. Prenant une grande inspiration, elle enchaîna sur un ton las. « Encore aujourd'hui, beaucoup oublient que pour faire un enfant, il faut être deux. Le partage des tâches devrait donc être équivalent. Ce ne devrait pas être à la mère de sacrifier sa carrière pour élever un être issu d'une union. Après tout, c'est le principe... » Elle laissa sa phrase un court instant en suspens avant de relever ses yeux sur la jeune femme. « Il n'y a qu'à voir les sorties de cours d'école, les entraînements sportifs, les rendez-vous médicaux. Dans une grande majorité des cas, ce sont toujours les mères que l'on voit. » Pour la carriériste qui vivait au fond de son être, ces constatations avaient un goût particulièrement amer. Elle ne parvenait pas à comprendre pourquoi les femmes devaient toujours tirer un trait sur leur propre existence au profit des hommes qui continuaient tranquillement la leur. Elle mima alors des guillemets avec ses doigts. « Concernant la pression du mode de vie : foyer – mariage – maman, je ne peux qu'approuver vos dires. Ce n'est un secret pour personne ici car c'est un sujet que nous avons déjà abordé plusieurs fois mais je peux parler en connaissance de cause. Arrivant bientôt sur mes trente-cinq ans, je subis régulièrement cette pression sociétale. Comment se fait-il que je ne sois ni mariée, ni maman à mon âge ? » Scott se mit à sourire derrière son écran mais il n'ajouta rien. Sans un mot, elle comprit aisément à quoi ce dernier était en train de penser. « J'ai deux frères carriéristes à qui ma mère n'a jamais mis de pression sur ces sujets. Et ça ne choque personne. » Elle se souvenait de ce repas de famille où sa mère avait abordé le sujet alors que cela ne faisait que quelques mois qu'elle était en couple avec Leroy. Cela l'avait passablement agacé et elle avait envoyé sa mère sur les roses. Surtout qu'à cette époque, ils n'auraient jamais pu avoir d'enfant car c'était impossible pour Lee. Et pourtant, cette pression sociétale l'avait empêché de l'avouer ouvertement à sa mère. Elle esquissa alors un sourie amusé, anticipant ce qui allait suivre. « Je vous laisse imaginer ce que ça fait aux gens lorsqu'ils se rendent compte qu'une femme peut réussir sa carrière tout en parlant et en dédramatisant ouvertement la sexualité. » Elle se mit à rire de manière communicative, ses yeux pétillants de malice. « Notre société a encore de gros progrès à faire, c'est une évidence. » Marquant une légère pause, elle reprit une gorgée de café avant d’enchaîner sur un ton qui se voulait plus léger et dédramatisant. « Concernant votre propre sexualité, en tant que femme constamment épiée par la presse, cela a-t-il été compliqué d'assumer vos choix en matière de partenaire ? » Elle parlait bien entendu des hommes avec lesquels elle avait été mais également des femmes si elle avait bien cerné la bisexualité de Mabel. Cependant, elle n'avait pas employé le terme pour laisser le choix à son invitée d'en parler ou non. @Mabel Griffiths

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C'était étrange de voir les réactions de Wild face à ses affirmations. Ce n'était pas la première fois que Mabel parlait de son hypersexualisation en tant que mini-miss, ou de cette pression infernale à avoir un enfant sans qu'on lui demande si elle le voulait ou non - sans parler des cris d'horreurs ou presque quand elle avait avoué ne pas en vouloir. La plupart des journalistes devant lesquels elle avait abordé le sujet lui avaient souvent dit qu'elle était trop extrémiste, ou qu'elle voyait le mal partout et exagérait tout. Wild restait plus neutre, mais ses hochements de tête semblaient plutôt montrer qu'elle était d'accord avec ce qu'elle entendait. L'actrice se demanda un instant si la podcasteuse avait un mari et des enfants, ou si justement on lui faisait la remarque qu'il était temps qu'elle se pose et fonde une famille - elles devaient être du même âge, et ce ne serait donc pas étonnant que Wild ait reçu les mêmes pressions à l'approche de la trentaine.

La réponse finit par lui être apportée dans la réponse de Wild à son monologue. Ainsi, la jeune femme n'était ni mariée, ni mère - et Mabel savait que si elle avait juste été mère, sans homme pour s'occuper de l'enfant, ça aurait aussi posé souci. Même en Australie, un pays relativement égalitaire et se présentant comme moderne.

« Je vois assez bien ce qu'on peut vous dire... La sexualité, c'est un sujet dont seuls les hommes peuvent parler, et même si souvent, c'est pour parler de leurs expériences avec des femmes, elles, elles ne peuvent rien dire. »

Comme si elles étaient des images faites pour leur plaisir, et pas des égales. La répartition des tâches au sein d'un foyer hétérosexuel, décrite par Wild quelques minutes plus tôt, était aussi une description de cette inégalité. Personne ne s'étonnait que Mabel ait eu la garde de sa fille, mais elle se faisait vivement critiquer pour continuer de travailler, tout en sachant qu'on l'aurait critiqué de vivre aux crochets de son ex-mari et de sa pension alimentaire. Quoi qu'elle fasse, elle avait forcément tort.

« En fait, en ce qui concerne mes relations, je ne suis pas sûre de ce qui est venu en premier » expliqua-t-elle, ses doigts tapotant nerveusement sa tasse de café. « Je suis bisexuelle » ajouta-t-elle, pour rajouter du contexte, « et des photos avec des partenaires féminines ont été dans la presse avant que je sois prête à montrer cette part de moi, quand j'étais toute jeune, genre vingt-et-un, vingt-deux ans. Et en même temps, malgré notre proximité physique évidente sur les photos, tous les magazines ont parlé de notre amitié, de comment c'était bien qu'on soit si proches en tant que collègues... »

D'un certain côté, ça lui avait au moins permis de faire le tri dans ce qu'elle ressentait sans pression médiatique. Les gens qui la connaissaient et savaient qu'elle n'était pas tactile quand elle n'était pas à l'aise avec les autres avaient vite deviner la véritable nature de sa relation avec Laney, et ses parents lui avaient envoyé des messages réprobateurs, mais le public ne savait pas.

« Mais c'est quand j'ai commencé à dire que j'étais bisexuelle, que j'aimais autant les hommes que les femmes, que ça a commencé à être compliqué. Y a ceux qui ignorent le terme de bisexualité et pensent que si je ne sors qu'avec une personne d'un sexe, je laisse tomber l'autre, et les hommes qui me proposent de me "guérir" de mon amour pour les femmes... Ouais, ce genre de commentaires, ça a beau faire des années, j'ai toujours autant de mal ! »

Dans l'esprit des gens, elle faisait un choix. Si elle était aujourd'hui avec Aiden, c'était qu'elle avait arrêté d'aimer les femmes, et ils étaient incapables de concevoir qu'elle pouvait continuer de trouver hommes et femmes attirants, mais qu'elle avait des sentiments pour une seule personne.

La jolie brune avait l'habitude de tout entendre sans ressentir le besoin de systématiquement juger la personne en face d'elle. C'était d'ailleurs la base même de son podcast. Ici tout le monde pouvait venir échanger sur n'importe quel sujet, être soi-même, sans avoir l'impression d'être épié, et que leurs propos soient honteusement déformés et transformés par la suite. Wild ne faisait qu'échanger, tout en donnant régulièrement des exemples sur sa propre vie et ses souvenirs. C'est surement ce qui avait fait son succès. Un épisode de Without Taboo pouvait tout aussi bien se montrer sous un jour drôle et particulièrement amusant en début de semaine puis être bien plus sérieux et aborder des sujets graves lors du deuxième épisode hebdomadaire. La pression sociétale, Wild l'avait subi en long, en large et en travers. Selon elle, l'important était d'affimer ses choix et ses positions et de les défendre coûte que coûte une fois qu'on était sûr d'avoir pris la bonne décision pour soi-même. Qu'on soit petit, grand, gros, maigre, blanc, noir, hétéro, bisexuel, pansexuel, homme, femme, transgenre ou tout autre chose, l'important était simplement de se sentir en accord avec ces convictions. Et Wild mettait un point d'honneur à ce que chaque discours soit entendu et compris. Et pourtant, malgré toute cette ouverture d'esprit et ce pays pour le moins civilisé, elle se prenait encore des réflexions à la con de manière quasi quotidienne. Certains étaient et resteraient toujours obtus quoi qu'on fasse. “Argumenter avec des imbéciles, c'était comme jouer aux échecs contre un pigeon. Peu importe votre niveau, le pigeon allait juste renverser toutes les pièces, chier sur le plateau et se pavaner fièrement comme s'il avait gagné.”  « Je vois assez bien ce qu'on peut vous dire... La sexualité, c'est un sujet dont seuls les hommes peuvent parler, et même si souvent, c'est pour parler de leurs expériences avec des femmes, elles, elles ne peuvent rien dire. » Wild se mit à rire tout en faisant tourner son stylo entre ses doigts. Ses yeux pétillèrent d'une intensité nouvelle, comme si elle avait été piquée par un insecte. « C'est exactement ça. A ses débuts, ce Podcast a fait couler beaucoup d'encre. De un car il dédramatisait la sexualité d'aujourd'hui et se voulait plutôt ludique et décomplexé. De deux, car il était – et est toujours – tenu par une femme, hétérosexuelle qui plus est. Et si je le précise, c'est parce que pour certains, je n'avais aucune légitimité sur bon nombre de sujets abordés ici. » Elle fit une pause tout en plongeant ses yeux clairs dans ceux de son invitée tandis qu'un sourire amusé étirait ses traits.  « Il était inconcevable qu'une femme ose aborder de tels sujets avec une ouverture d'esprit et une simplicité affirmées. Une femme qui parle de sexe sans tabou est considérée comme une vulgaire traînée que l'on doit museler alors qu'un homme a d'office le droit de donner son avis sur le sujet. » Et Dieu sait qu'elle en avait entendu. Sois belle et taits-toi. Tu devrais plutôt faire un podcast sur la cuisine ou le jardinage. Tu n'as pas honte de parler de toutes ces choses et de les banaliser dans le plus grand des calmes ? Et les commentaires des haters étaient pire encore. Mais Wild avait fini par s'y habituer. Il était impossible de plaire à tout le monde alors que certains fassent l'autruche ne la perturbait plus des masses. Elle enchaîna alors sur les relations de la jolie blonde. « En fait, en ce qui concerne mes relations, je ne suis pas sûre de ce qui est venu en premier. » En une fraction de seconde, Wild put observer que la tension était montée d'un cran. La nervosité palpable de Mabel faisait doucement surface. Sans un mot, elle la regarda tapoter sa tasse de café. « Je suis bisexuelle. » Elle fut quelque peu soulagée que son invitée arrive à poser le mot au micro. Elle acquiesça aux différents propos de cette dernière, étant affligée au fond d'elle même de constater qu'encore aujourd'hui, toute personnalité publique se devait d'avoir une petite vie d'hétérosexuelle lambda. « Alors que ses mêmes photos, au bras d'un homme, auraient déclenché toutes sortes de rumeurs dans la presse sur un éventuel petit ami je suppose ? » - « Mais c'est quand j'ai commencé à dire que j'étais bisexuelle, que j'aimais autant les hommes que les femmes, que ça a commencé à être compliqué. Y a ceux qui ignorent le terme de bisexualité et pensent que si je ne sors qu'avec une personne d'un sexe, je laisse tomber l'autre, et les hommes qui me proposent de me "guérir" de mon amour pour les femmes... Ouais, ce genre de commentaires, ça a beau faire des années, j'ai toujours autant de mal ! » Cette fois-ci elle ne put s'empêcher de rire, mais elle leva une main vers Mabel pour bien lui faire comprendre que ce n'était pas de cette dernière qu'elle se fichait mais plutôt du comportement des gens. « C'est affligeant que certaines personnes puissent encore tenir de tels discours. A quel moment, est-ce que l'on pourrait guérir cet amour ? Les préférences sexuelles et sentimentales de chacun ne sont en aucun cas une maladie. » Elle marqua une pause avant d'esquisser un sourire amusé, ses yeux brillants d'une intensité vibrante. « Et le pire dans tout ça c'est que généralement, ceux qui critiquent le plus, sont ceux qui ne parviennent même pas à régler leur propre problème au sein de leur relation. Et combien encore, critiquent pour se convaincre – ou se rassurer eux-mêmes – sur leurs propres préférences. Les œillères et la stigmatisation de la différence ont encore de beaux jours devant eux. » Elle offrit un sourire à Mabel tout en haussant les épaules en signe de résignation. « C'est tout de même triste de résumer la bisexualité au fait d'être indécis, plutôt que de le voir comme une osmose entre deux êtres et ce, quelque soit leur sexe. » Scott leva son pouce en l'air, son casque vissé sur les oreilles, tandis qu'il modulait les timbres sur son pc et confirmait que tout se passait pour le mieux. La jolie brune ancra alors ses yeux clairs dans ceux de la blonde. « Si vous aviez un message à faire passer aujourd'hui sur la bisexualité, ce serait quoi ? Ou bien qu'auriez-vous aimé qu'on vous dise à cette époque pour que tout soit plus simple ? » @Mabel Griffiths

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Mabel hocha la tête alors que Wild parlait des débuts de son podcast, comprenant parfaitement ce que la jeune femme voulait dire. Certes, l'actrice n'avait elle-même jamais rien fait de si "subversif" - bien qu'elle ne considère pas que parler de sexualité le soit, mais dans le contexte, même à cette époque, ça l'était quand même un peu, surtout venant d'une femme -, elle n'avait pas de mal à imaginer ce que Wild avait pu entendre ou lire par rapport à son émission. Ce n'était pas pour rien que les podcasts ou chaînes youtube ou comptes de réseaux sociaux tenus par des femmes tiennent souvent autour des mêmes sujets, de la beauté à la cuisine en passant par la décoration. Et certaines femmes étaient passionnées par ces sujets - Mabel était elle-même abonnée à beaucoup de comptes donnant des conseils en mode ou en maquillage, surtout que c'était directement lié à son premier métier, plus quelques chaînes sur la parentalité depuis sa grossesse. Mais il y avait aussi d'autres sujets, comme le true crime ou la sexualité, l'histoire, le cinéma, qui pouvaient aussi intéresser les femmes. Avec souvent d'autres perspectives et d'autres angles d'approche que les hommes.

« J'ai envie de dire que la vision de la société est tellement hétéronormée que si un homme et une femme sont pris en photo ensemble, même s'ils sont juste à discuter ou à rire, sans gestes ambigus, il y aura forcément une rumeur de couple. Je ne peux pas vraiment me prononcer pour deux hommes ensemble, même si j'imagine que ça va parler de bromance et de complicité, mais pour deux femmes, même surprises à se câliner et s'embrasser, ce seront toujours des meilleures amies ! »

Alors effectivement, il y avait eu énormément de rumeurs sur d'éventuels petits-amis, chaque fois qu'elle était un peu trop proche d'un homme. Même quand elle était officiellement en couple (que ce soit avec un homme ou une femme), et bien qu'elle ait toujours dit que la tromperie était quelque chose d'insupportable à ses yeux, qu'elle-même ne pourrait jamais faire, et qu'elle ne pardonnerait pas à ses partenaires. Alors que s'afficher avec une partenaire féminine entraînait toujours des articles les décrivant comme amies, même quand les deux rendaient très clair le fait que ce soit une relation romantique.

« Certains pensent encore que les "thérapies" peuvent soigner de ces relations déviantes. Je pense surtout qu'il y a une grosse pression de la société, voire de la religion, et surtout un manque de connaissances et d'éducation. »

Quand elle avait commencé à se poser la question de ses attirances sexuelles, adolescente, élève dans un lycée renommé de Brisbane, il n'y avait eu personne pour répondre à ses questions. Les rares cours d'éducation sexuelle qu'elle avait eu au lycée tournaient autour des relations hétérosexuelles et dans son entourage, s'il y avait eu des personnes queers, elles faisaient en sorte de ne pas être vues en tant que tel. Mabel s'était énormément renseigné sur internet, avec toutes les dérives sur lesquelles on pouvait tomber, surtout en tant qu'adolescente un peu crédule et manquant d'expérience, et même la désinformation. Surtout que combiner avec sa célébrité grandissante, elle avait mis très longtemps à trouver des associations queers pouvant répondre à ses questions et l'aider à appréhender tout ce qu'elle traversait.

« J'aurai aimé qu'on me dise que c'est normal » réfléchit-elle, improvisant un peu sa réponse à Wild sans prendre le temps d'une trop grande réflexion. « Que ce n'était pas forcément commun ou la majorité des couples, mais que c'est normal. Peut-être aussi en savoir plus sur la sexualité avec quelqu'un du même sexe. On peut trouver de bons trucs en ligne pour une relation hétéro, mais à l'époque, quand on cherchait pour des trucs homo, on finissait vite sur du porno ou des gens racontant leurs fantasmes, mais rien d'éducatif, ou sur la prévention ou je ne sais quoi. Après, c'était il y a quinze ans, et je sais que les associations aujourd'hui font beaucoup d'éducation, notamment en ligne, mais c'était pas du tout le cas quand j'étais jeune. »

Ça ne répondait pas tout à fait à la question de Wild, puisque ça concernait toute la sexualité en dehors de l'hétérosexualité. Mabel, qui faisait partie du milieu queer depuis longtemps, n'avait que récemment découvert les termes d'asexualité ou d'aromantisme, et elle trouvait incroyable que tout ça n'atteigne pas le public général, mais juste ceux qui faisaient l'effort de se renseigner - et donc majoritairement ceux qui se trouvaient "anormaux" par rapport à leurs pairs et cherchaient à comprendre ce qui se passaient dans leurs têtes ou dans leurs corps.

« Mais concernant juste la bisexualité, juste dire que c'est normal, que ce n'est rien de grave. Qu'on peut aimer ou avoir une relation avec qui on veut, tant que ça nous rend heureux. Que le plus important, c'est le consentement et la communication avec son partenaire, quel que soit le genre. Et j'aurai aimé... J'aurai aimé que ça ne change rien pour ma famille. »

Ce qui n'était malheureusement toujours pas le cas. Elle avait conscience que ses parents étaient soulagés qu'elle soit avec Aiden, parce que c'était un homme et qu'elle vivait ainsi une relation normale à leurs yeux. Mais elle n'aimait pas Aiden parce qu'il était un homme - elle l'aimait pour la façon qu'il avait d'être prévenant, ou comme il avait facilement accepté que Rosie soit sa priorité, mais certainement pas juste parce qu'il était un homme.

La jolie brune acquiesça face aux affirmations de Mabel. Depuis sa rupture avec Leroy en 2020 et l'ampleur prise par le podcast durant les années qui ont suivi, les rumeurs n'ont cessé de jaillir de partout dès qu'elle était prise en photo aux bras d'un homme. Scott, juste derrière l'actrice, pouvait lui même en témoigner. Les ragots concernant leur potentiel couple avaient fait couler beaucoup d'encre à l'époque alors qu'ils étaient juste d'excellents amis. Mais ça, c'était bien trop compliqué à comprendre pour les magasines. Être complice avec un homme faisait automatiquement d'elle un objet sexuel que l'on devait caser dans des bras viriles. Et pendant longtemps, en plus de leurs affabulations, on lui avait souvent demandé si Scott était à la tête du projet et si c'était lui qui gérait tout dans l'ombre. Parce que oui, un podcast sur la sexualité, ne pouvait décidément, pas être tenu par une femme... En revanche, comme venait de le dire Mabel, elle n'avait jamais eu un seul commentaire de ce genre lorsqu'elle s'était retrouvée aux bras d'une amie, à rire à gorge déployée ou à sortir en soirée malgré quelques photos parfois considérée comme déplacées malgré son hétérosexualité. « Certains pensent encore que les "thérapies" peuvent soigner de ces relations déviantes. Je pense surtout qu'il y a une grosse pression de la société, voire de la religion, et surtout un manque de connaissances et d'éducation. » Du tac au tac, sa voix résonna dans le micro face à elle. « La religion est une excuse pour beaucoup de choses, elle donne des œillères à ceux qui ne souhaitent rien voir. Mais je pense surtout que c'est, comme vous le soulignez à juste titre, un cruel manque d'éducation et parfois une profonde méconnaissance de ces sujets. » Finalement, beaucoup de monde préférait rester dans l'ignorance, parfois de peur de poser des questions ou, au contraire, d'entendre les réponses. « Aujourd'hui il y a encore bien trop d'adolescents et d'adultes qui se renseignent d'eux-même sur internet pour tenter de trouver des réponses à leurs interrogations. » Elle fit une pause tout en soupirant un court instant avant de relever les yeux sur son interlocutrice. « Le vrai problème est qu'il y a à boire et à manger sur le net. Et il est très aisé de se perdre dans la masse d'informations. » Scott en face d'elle lui confirma que tout roulait sur des roulettes accompagné d'un pouce en l'air. Elle acquiesça d'un signe de tête avant de poursuivre. « J'en profite d'ailleurs pour rappeler qu'à Brisbane nous avons la chance d'avoir plusieurs associations très actives qui peuvent aider ceux qui se posent des questions comme Brisbane Pride Choir, Rainbow Connections ou Manzili pour les plus jeunes qui nous écoutent. » Wild enchaîna alors en lui demandant quel serait le message qu'elle souhaiterait faire passer aujourd'hui concernant les sujets évoqués. « J'aurai aimé qu'on me dise que c'est normal. » La brune ne l'avait pas vécu personnellement mais elle fut touchée par cette simple phrase, comprenant la détresse qu'avait dû vivre son invitée à cette époque. Elle ne pouvait imaginer la solitude et l'incompréhension qu'elle avait dû ressentir devant tous ces questionnements. Elle ne put acquiescer de la tête lorsque la jolie blonde enchaîna sur les dérives d'internet et la pornographie qui y était associée. Il ne lui était pas du tout difficile d'imaginer, comment quinze ans en arrière, le simple fait de taper les termes lesbienne ou bisexuelle avait dû donner des centaines de résultats mais pas du tout, ou très peu sur des articles sérieux. Elle releva ses yeux clairs sur Mabel tout en écoutant sa dernière explication, elle ressenti un violent pincement au plus profond de sa cage thoracique. Quelque soit leur orientation sexuelle, tous les couples étaient un jour confrontés aux sujets du consentement et de la communication. Même elle dont c'était pourtant le métier aujourd'hui, devait avouer que le manque de communication dans son couple lui avait, par le passé, joué bien des tours. Cela avait eu raison de sa relation avec Leroy à l'époque... Elle fut cependant touchée par la dernière phrase de son interlocutrice. Il était évident qu'elle ne semblait pas avoir eu la chance d'être soutenue par sa famille concernant ses choix. « C'est un message tout en simplicité et en authenticité qui, je pense, en rassurera beaucoup parmi ceux qui nous écoutent. » Elle tapota un court instant sa tasse de café avant de checker son mémo présent sur sa gauche. « Le consentement a de nombreuses fois été abordé dans Without Taboo. Vous pourrez retrouver ces épisodes dans la playlist du podcast. Concernant la communication au sein d'une relation, nous avons un live prévu en mai 2024 pour ceux qui souhaitent y participer. » Elle prit une gorgée de café avant de continuer sur un ton qui se voulait bien plus sérieux. « Il s'agit là des deux piliers qui permettent de cimenter une relation saine. Je remercie donc Mabel pour l'avoir justement souligné aujourd'hui. » D'un geste habituel, elle croisa les jambes tout en se reculant dans son fauteuil. « En ce qui concerne la famille, malheureusement on ne la choisi pas. Certains comprendront tout de suite, pour d'autres il leur faudra du temps alors que certains ne l'accepteront tout simplement jamais. » Elle marqua une courte pause avant d'ajouter sur un ton bienveillant. « L'important n'est pas de leur plaire mais de se sentir en accord avec soi-même. » @Mabel Griffiths

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« Clairement, internet n'est pas une ressource fiable. Ou il faut savoir trier les bons sites des mauvais, mais c'est compliqué quand on essaye de s'informer sur un sujet sur lequel on ne sait rien. »

Mabel ne pouvait pas parler pour les autres, mais au tout début de ses questions sur sa sexualité, elle aurait eu bien du mal à aller vers quelqu'un pour se renseigner. Elle avait préféré faire ses recherches par elle-même, trop anxieuse de ce que pourraient être les réactions autour d'elle si elle osait en parler à voix haute. Même aujourd'hui, alors qu'elle faisait des dons réguliers à une des associations de la ville, dont elle reconnaissait les actions et le fait que les queers avaient besoin de tels lieux, elle déplorait qu'on ne puisse pas cacher les mauvais résultats sur Google, pour tous ceux qui préféraient d'abord se renseigner en ligne avant d'aller vers des associations.

« Je sais pas si c'est très rassurant d'apprendre qu'il y a encore des familles qui peuvent vous tourner le dos juste parce que vous vous écartez de la norme qu'ils ont imaginé pour vous » souligna-t-elle, pensive.

Elle entendait de belles histoires, mais elle voyait aussi le nombre d'adolescents que l'association qu'elle soutenait devait aider chaque année, après qu'ils aient été mis à la rue juste pour être queer. Un nombre qui la révoltait. Si dans sa famille, ils avaient choisi de fermer les yeux et de la considérer comme hétérosexuelle, ça lui avait au moins laisser un toit au-dessus de la tête et la possibilité de choisir ce qu'elle voulait faire de sa vie d'adulte.

« Mais c'est important de se diriger vers des associations dans ces cas-là, pour trouver d'autres personnes qui sont dans les mêmes cas, et/ou qui peuvent vous soutenir dans les moments où on se sent isolé de tout le monde. »

Elle espérait qu'à force d'entendre plusieurs voix donner le même conseil, ceux qui hésitaient encore à se rapprocher des lieux de rassemblement queers pourraient sauter le pas. Même si c'était juste pour prendre connaissance, ça leur permettrait déjà de se rendre compte qu'ils n'étaient pas aussi seuls qu'ils pouvaient le croire, et qu'on pouvait se questionner à tout âge.

« Se sentir en accord avec soi-même reste compliqué, mais faire un pas pour se comprendre est un bon début pour s'accepter comme on est, je dirai. »

Même à trente ans passés, Mabel n'était pas sûre de s'accepter pleinement. C'était un travail de longue haleine, avec des avancées et des retours en arrière, au fil du temps et de sa santé mentale. Mais il y avait certaines informations qu'elle n'était pas prête à annoncer au reste du monde.

« Merci de m'avoir accueillie sur ce podcast, surtout pour un tel sujet. C'était très agréable de pouvoir parler de tout ça sans me faire couper et sans qu'on minimise mon vécu » reprit-elle, souriant à Wild.

La jeune femme avait un talent certain pour mettre ses invités à l'aise et créer un cocon dans lequel ils se sentaient assez bien pour discuter. Mabel n'aurait pas cru pouvoir en dire autant, et pourtant, elle n'avait eu aucun mal à parler face au micro, bien aiguillée par les questions de Wild.

« Clairement, internet n'est pas une ressource fiable. Ou il faut savoir trier les bons sites des mauvais, mais c'est compliqué quand on essaye de s'informer sur un sujet sur lequel on ne sait rien. » La jolie brune ne put acquiescer. Quand on savait qu'aujourd'hui sur internet il était possible de trouver absolument tout et n'importe quoi, y compris l'impensable, alors elle ne pouvait imaginer la sensation de solitude face à laquelle certains devaient se confronter. L'éducation concernant la sexualité devrait être une cause d'utilité publique. Cela éviterait bien des drames et aiderait la nouvelle génération à mieux se familiariser avec leurs corps et leurs ressentis. Mais avant que le gouvernement du pays ne mette son nez là dedans, il neigerait un mois à Brisbane. Il avait fallu attendre 2017 pour le mariage des couples de même sexe et 2019 pour la légalisation de l'avortement dans tous les états du pays alors autant dire qu'il restait encore beaucoup de travail à faire. La cause LGBTQ+ n'était clairement pas l'une de leurs priorités. C'était également pour cette raison que son Podcast rappelait régulièrement l'importance des associations présentes à Brisbane mais également à travers toute l'Australie. A Noël Without Taboo avait récolté des dons pour aider les jeunes à se reconstruire après avoir été abandonnés par leur famille lorsqu'ils avaient fait leur coming out. « Je sais pas si c'est très rassurant d'apprendre qu'il y a encore des familles qui peuvent vous tourner le dos juste parce que vous vous écartez de la norme qu'ils ont imaginé pour vous. » - « Je trouve ça désolant... Le but d'avoir un enfant ne serait-il pas de simplement l'aimer et de souhaiter qu'il soit heureux ? » Alors certes, Wild n'avait pas d'enfant et elle n'en voulait pas non plus. Cependant, elle partait du principe que le but ultime pour des parents serait le bonheur de leur enfant et ce, qu'il soit en couple avec un homme, une femme ou tout autre qualificatif concernant la personne qui partageait leur vie. Heureusement pour certains, tout se passait pour le mieux mais pour d'autres, ils vivaient un véritable clavaire. Elle avait discuté récemment avec une jeune femme qui avait dû subir une thérapie de conversion imposée par ses parents pour exorciser sa sexualité déviante tandis qu'un jeune homme se l'était fait rentrer dans le crâne à coup de poings. Le monde allait mal, c'était une évidence... Les associations avaient alors un rôle extrêmement important. Elles apportaient des réponses à leurs questions, et bien souvent, un lieu sain et réconfortant où ils pouvaient enfin être eux-mêmes. Elle releva ses yeux bleus vers son invitée et lui offrit un sourire d'approbation. « Il est tout aussi important de souligner le fait qu'il n'y a pas d'âge pour faire un coming out. Que vous soyez dans l'adolescence ou dans la cinquantaine. » Elle s'était sentie presque obligée de souligner cette information. Ayant été très touchée par le témoignage de Martha le mois dernier, cinquante et un an qui avait expliqué avoir fait son coming out et changé de vie après des années mariée à un homme et deux enfants. « Se sentir en accord avec soi-même reste compliqué, mais faire un pas pour se comprendre est un bon début pour s'accepter comme on est, je dirai. » Et encore, certaines personnes ne parvenaient jamais à s'accepter et ce, quelque soit leur éducation, leur niveau de vie et leur orientation sexuelle. Très peu de gens sur cette planète avait aujourd'hui assez de recul pour s'accepter pleinement. L'humain ayant toujours été rempli de doutes, incertitudes et de fortes remises en question.  « Le premier pas à faire serait celui de s'aimer soi-même avant de vouloir aimer les autres. » Et ça c'était un pas extrêmement compliqué à franchir pour bon nombre d'être humains. Car il fallait avoir la capacité de prendre le problème à l'envers et de se rendre compte aucun amour n'était suffisant pour combler le vide d'une personne qui ne s'aimait pas elle-même. « Merci de m'avoir accueillie sur ce podcast, surtout pour un tel sujet. C'était très agréable de pouvoir parler de tout ça sans me faire couper et sans qu'on minimise mon vécu. » Wild lui rendit le sourire que Mabel lui offrit. Soulagée de constater que celle-ci s'était sentie à l'aise de partager son expérience et son vécu sans se sentir forcée à quoique ce soit. « Merci d'avoir accepté l'invitation et d'avoir partagé votre histoire avec nous. » Ses yeux pétillants de bienveillance, elle lui souria alors que Scott lui donnait le top d'un mouvement d'index vers le ciel. Elle se rapprocha alors de son micro pour la phrase de fin du podcast. « Une fois encore, merci à tous d'être là sur Without Taboo et de nous permettre d'explorer la sexualité sous tous ses angles, en toute simplicité et sans tabou. » Aussitôt, la lumière des deux micros s'éteignit et Wild prit le soin de retirer son casque et de le poser sur le petit trépied sur la table. Elle reporta alors son attention sur Mabel alors que sa voix résonnait à nouveau dans l'espace. « Je sais comme il peut être intimidant de se dévoiler face à un micro mais ça s'est bien passé, non ? » Lui offrant un sourire sincère et encourageant, elle montra Scott derrière sa table de mixage. « Nous vous enverrons la bande son sous 24 heures pour que vous puissiez l'écouter en avant première. Le podcast ne sera publié qu'en début de semaine prochaine. Si vous avez le moindre retour à nous faire en attendant, n'hésitez pas.» @Mabel Griffiths

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Mabel hocha la tête. Laisser son enfant être elle-même était un de ses leitmotivs depuis son accouchement, même si elle avait un peu de mal à trouver l'équilibre entre les limites à donner pour la sécurité ou pour en faire une enfant polie, et ce que la petite voulait pour elle-même. Elle-même ayant été élevée par des nourrices changeant bien trop souvent, elle n'avait pas vraiment de méthodes de références sur lesquels s'appuyer pour élever Rosalie, se laissant donc porter par son instinct. Heureusement qu'à deux ans, sa fille commençait à pouvoir dire ce qu'elle aimait ou non - et exprimer ce qu'elle voulait à voix haute, voire par cris.

« Qu'il soit heureux, qu'il soit indépendant mais qu'il sache que ses parents seront toujours là pour lui s'il en a besoin » ajouta-t-elle.

Bien sûr, elle aurait aimé que Rosalie reste ce tout petit bébé qui se blottissait contre elle, mais elle avait conscience que ce n'était pas possible. Son rôle était d'élever au mieux sa fille pour lui donner toutes les clés en main quand elle prendrait son indépendance, pour qu'elle soit capable de vivre seule - ce que Mabel avait appris avec difficultés quand elle avait quitté sa famille et leur armée de domestiques. Elle donnerait de meilleures armes à sa fille, et elle espérait aussi lui fournir une maison qui serait un cocon, confortable et sécurisante.

Wild donna quelques conseils pour avancer sur le chemin de l'auto-appréciation. Des conseils justes et que Mabel ne pouvait qu'approuver, même si elle avait du mal à se les appliquer. S'aimer soi-même était compliqué quand on était bourré de complexes et de troubles alimentaires, mais elle se garda bien de révéler combien tout ça était compliqué pour elle. Elle était sur un podcast plutôt tout public, et pas en séance privée avec un thérapeute. Il lui avait fallu longtemps pour aborder la question de sa sexualité - et le podcast de Wild était la première fois où elle en parlait vraiment, avec les conséquences que ça avait eu sur sa vie et sa relation avec sa famille -, elle n'était pas prête à parler du reste.

Wild conclut son podcast, et Mabel l'imita quand elle retira son casque, se sentant d'un coup plus légère. Elle avait fini par oublier l'objet, mais le déposer semblait avoir une certaine symbolique. Comme si elle avait fini de s'exprimer sur le sujet et qu'elle pouvait repasser à autre chose.

« Honnêtement, je ne pensais pas en dire autant. Vous avez un don pour faire parler les gens ! »

Elle s'était sentie à l'aise face à Wild, plus qu'avec les dizaines de journalistes qui l'avaient déjà interviewée. La jeune femme avait une façon de sembler vraiment intéresser par les réponses à ses questions, et ne posait pas de questions trop intimes ou invasives, et Mabel avait pris plaisir à lui répondre, et à prendre le temps de réfléchir à la réponse la plus juste.

« Je ne pense pas avoir de problèmes avec ce que j'ai dit, mais j'ai hâte d'avoir le montage de l'épisode et de voir ce que ça va donner ! »

Elle avait peut-être été à l'aise pendant l'entretien, mais elle gardait une certaine méfiance envers celle qui restait une inconnue. Ce ne serait pas la première fois qu'on déformerait ses mots ou qu'on sortirait ses phrases de leur contexte. De son écoute des précédents podcasts, Mabel pouvait dire que Wild n'était pas de ce genre-là, mais elle préférait vérifier que de se faire avoir.