Finalement, le lendemain, la soirée devant le chevalet est encore tombée à l'eau. Tout laissait penser qu'elle aurait enfin lieu ; une logue grasse matinée des plus reposantes, une après-midi de balade avec les chiens, ravis de profiter de leurs deux maîtres en même temps. J'avais encore la tête dans le travail, pensant toujours à la journée du lundi, à ce que j'aurais à faire. Et Joanne de me rappeler, à chaque fois, que lundi je serais encore à la maison, comme le lundi suivant, et celui d'après. Pas d'émission pendant un mois. Voilà un point auquel je n'avais pas songé. Un autre animateur me remplacera. La question que je me pose c'est ; pour combien de temps ? Peut-être qu'on ne me laissera pas la reprendre. La direction n'aurait pas d'intérêt à laisser un créneau de cette importance entre les mains d'un type qui se fera arrêter pour surmenage pendant un mois tous les trois mois. A leur place, je ne le ferai pas. Et puis, qui sait si la personne qui a été embauchée pour me seconder ne se montrera pas pleinement compétente pour assurer ce rôle seule. Elle n'aura pas besoin d'aide, elle. Alors il suffira de me mettre dans un placard jusqu'à ce que je comprenne qu'on ne veut plus de moi, et que je m'en aille de mon propre gré. J'ai peut-être tout bonnement perdu mon travail à cause de cet arrêt. Ce n'est pas comme si j'avais réuni tous mes jours de congés de manière à m'offrir un mois de vacances bien méritées. Je ne suis pas non plus gravement malade. Je suis ''juste'' épuisé. J'ai voulu trop faire, je m'en suis trop demandé à un moment où ma vie privée connaissait une foule de chamboulements. Alors, en me retrouvant envoyé au repos forcé, je n'ai fait que montrer de la faiblesse. Montrer qu'on ne peut pas compter sur moi. Cette idée me déprime au plus haut point. Retourner à la radio, et voir mes affaires dans un carton avec un mot de remerciement. Cela ajouté au calme soudain, à n'avoir rien à faire, a rendu les premières journées à la maison des plus difficiles. Je laisse penser à Joanne que je me repose, alors que je rumine. Nous aurions pu remettre la journée de dessin au sur-lendemain. Si le temps n'avait pas été des plus maussades. C'est le jour qu'à choisi Milo pour se faufiler, on ne sait toujours pas comment, de l'autre côté du portillon qui divise le jardin de derrière et celui de devant qui donne sur la rue. C'est sous la pluie qu'il a fallu aller le chercher, frapper à toutes les portes du voisinage pour savoir si personne ne l'a vu ou recueilli. Je l'ai retrouvé sur la plage, sautant joyeusement sur les vagues, le plus innocemment du monde. Bien sûr, il s'est pris une rouste. Et depuis, il est cloîtré à l'intérieur pour sa punition. Le jour suivant, j'étais cloué au lit avec une majestueuse crève. Moi qui ne tombe jamais malade. Rien de grave, mais assez pour me faire passer l'envie de bouger le moindre muscle et m'empêcher de manger. Pendant trois jours. Il faut dire qu'entre la fatigue et le stress accumulés, le moral qui n'est pas au beau fixe le temps de m'acclimater à cette période de repos, sans oublier cette fichue histoire de photos qui m'ôte toute envie de mettre le nez dehors ; le froid a pu s'emparer de la moindre cellule de mon corps pour finir de me vider de toute énergie. Mon cerveau et mes membres engourdis, il ne me fallait pour survivre qu'un thermos de thé à côté du lit et un peu de sommeil dans les bras de ma belle. Je me suis senti particulièrement coupable que Joanne soit aux petits soins pour moi, et d'un autre côté, je ne me voyais pas rejeter sa gentillesse. Elle restait néanmoins prudente, car il ne manquerait plus qu'elle tombe malade à son tour. Je suis de nouveau sur pieds pour l'échographie. Plus ou moins. Mais plutôt plus que moins. La veille, la fièvre feintait de revenir de temps en temps, je marchais au ralenti et ne tenais pas longtemps debout avant de me sentir épuisé. Aujourd'hui, le mal est passé. Je garde tout de même mes lunettes sur le nez en permanence, contre les réminiscences de la migraine. Dans tous les cas, il est hors de question que je n'y sois pas, qu'importe si Joanne insiste pour que je reste me reposer encore un peu. Non, rester au lit ou tourner en rond à la maison me fait ruminer un peu plus. C'est en silence que nous patientons dans la salle d'attente, l'heure du rendez-vous passée depuis dix minutes -éternel retard des médecins. Voir notre petit bout, savoir que tout va bien, me remontera le moral. Mais pour le moment, muet, je garde une main de Joanne dans la mienne que je caresse doucement du bout du pouce, l'esprit ailleurs.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Qu'il était étrange pour Joanne de voir son fiancé si affaibli, épuisé. Toute la pression qui le maintenait en forme devait certainement s'atténuer, pour mettre enfin son organisme au repos. On dit souvent que c'est pendant les périodes de repos où l'on tombe le plus malade. On met de côté ce qui nous permet de tenir le coup au boulot, et dès qu'il y a un relâchement, notre systême immunitaire fait une sorte de grève et laisse la maladie s'installer. Le pauvre Jamie avait été cloué au lit pendant trois jours, à bout de force, après une journée animée à chercher Milo partout. La jeune femme s'occupait de lui comme elle le pouvait, en lui préparant un thé, en restant auprès de lit, faisant ses siestes et ses nuits et l'ayant dans ses bras. Sinon, elle restait pendant d'interminables heures, assise par terre au bord du lit, en s'appuyant contre le lit, à le regarder dormir, en lui tenant la main ou en lui caressant tendrement les cheveux, à juste espérer qu'il aille mieux lorsqu'il rouvrira à nouveau les yeux. C'était en soi du Joanne tout craché, de s'inquiéter et de le regarder inlassablement, dans la plus grande des tendresses. Etrangement, les chiens ne venaient pas réclamer une quelconque caresse pendant ces quelques jours, mis à part lorsqu'elle descendait pour se cuisiner quelque chose de rapide. C'était assez destabilisant pour elle de le voir malade, c'était la première fois. Il avait même eu cette poussée de fièvre qui l'inquiétait grandement. Une chaleur anormale, il avait eu beaucoup de sueurs à ce moment là. Mais il avait gagné en force pour le jour de l'échographie. La fatigue marquait toujours quelques traits sur son visage, sur plombé en permanence de lunettes ce jour-là. Jamie tenait tout de même à venir à l'échographie, voir si leur enfant se portait bien. Elle ne pensait pas que c'était une bonne idée, mais se disait aussi que revoir leur bébé le ferait sourire. Joanne avait l'impression qu'il souriait un peu moins. Peut-être était-ce l'arrêt, le mi-temps, elle n'en savait trop rien. Il n'avait pas l'habitude de ne rien prévoir pour son travail lorsqu'il était à la maison, à admettre qu'il avait enfin du temps pour s'ennuyer, et attendre. Comme attendre leur tour avant d'entrer dans le cabinet du Dr. Winters. Ils étaient arrivés à l'heure, mais il y avait du retard, devaient patienter quelques minutes. Le bel homme gardait la main de sa belle dans la sienne, la lui caressant doucement. Joanne le regardait, de temps en temps, voyant qu'il baignait dans ses pensées et elle n'osait pas trop l'en sortir. Jusqu'à ce que, enfin, le Dr. Winters se présenta devant la porte, lançant un regard à la blonde et annonçant le couple. Joanne caressa la cuisse de Jamie avant de se lever et l'entraîner avec lui et le prenant par la main. A peine installés, le Dr. Winters dit. "Vous avez petite mine aujourd'hui, Jamie." Joanne sourit tendrement. "Ses premiers jours d'arrêt ne lui ont pas été des plus bénéfiques." répondit-elle en passant une main dans les cheveux de Jamie. "La preuve parfaite qu'il se surmenait beaucoup trop." Winters était sûr de ce qu'il disait. "Par contre, Joanne, j'ai l'impression que vos congés vous permettent de reprendre du poil de la bête." "Ca dépend des jours." répondit-elle en toute simplicité. "En tout cas, vos derniers bilans sanguins sont bons, tout est normal." dit le médecin, plus qu'optimiste. Il l'invita à s'allonger, afin de faire l'échographie ; ils étaient venus pour ça. Une poussée de nervosité poussait en Joanne, qui prenait de grandes inspirations, afin d'expirer tout autant d'air. Allongée, son fiancé s'installa rapidement à côté d'elle, et elle lui prit la main d'assaut. Il n'y avait que son médecin de serein dans cette pièce. Celui-ci leva délicatement le haut de Joanne, appliqua le gel et utilisa l'échographe. La belle blonde regardait avec inquiétude l'écran. Le professionnel prit un certain temps avant d'avoir une image nette. On devinait déjà la tête et les membres inférieurs, même si le foetus devait encore être minuscule. Il fit plusieurs clichés, puis un arrêt sur image. "Voilà qu'il prend forme !" dit-il"Voyez, il y a déjà formation des globes occulaires, le cerveau possède déjà ses deux hémisphère..." Il observait avec attention l'image, afin d'être sûr de ne manquer aucun détail. La future maman était de nouveau émue aux larmes, comme si elle réalisait une nouvelle fois qu'elle était bien enceinte. Elle en riait, même, de manière incontrôlée. "Là, il doit mesure à peu près..." Il utilisa les différents paramètre de la machine. "Presque 3 cm." Joanne regarda son bel homme. "Tu as vu comme il a grandi ?"
crackle bones
Dernière édition par Joanne Prescott le Lun 2 Nov 2015 - 23:05, édité 1 fois
C'est sûrement parce que je n'ai pas vraiment l'impression d'être là moi-même que Winters parle comme si je n'étais pas dans la pièce. Ce qui est une chose qui a le don de m'irriter. Je respire, prends sur moi et ne laisse rien transparaître. Je suis bien trop à fleur de peau, entre la fatigue, la maladie, et la nervosité avant l'échographie. J'ai envie de lui répondre, beaucoup trop sèchement, que non, je ne me surmenais pas beaucoup trop. Je pouvais encore tenir jusqu'aux fêtes, et prendre mes vacances à ce moment là, deux ou trois semaines. Cela serait passé ni vu, ni connu. Je ne serais pas passé pour un animal blessé qu'il ne manque plus qu'à abattre. Je sais, je fais sûrement de la paranoïa. On ne m'avait jamais mis au repos forcé avant, et on m'a toujours appris qu'il est hors de question de laisser entrevoir ce genre de faille. Que cela est trop dangereux. Peut-être que je reviendrais au travail comme si de rien n'était. Je ne m'attends pas à ce que le temps s’arrête sans moi. Mais il se peut parfaitement que rien n'ai changé, que la nouvelle soit prête à travailler avec moi, et que le fauteuil devant le micro me soit toujours accessible. Ce ne sont pas des monstres, chez ABC. Et je suis là depuis quelques années. C'est la première fois que je leur fait défaut à ce point et aussi soudainement. Je dois me mettre dans le crâne que tout ira bien. Sans quoi, je n'arriverai jamais vraiment à me détendre et me reposer. Je reprendrai le travail dans le même état que lorsque je l'ai quitté. Si Winters et ma psy me laissent le reprendre dans ces conditions. Oui, je suis épuisé et à bout. Je me voile la face en pensant que j'aurais pu tenir une ou deux semaines de plus. Je devais tout arrêter. Mais la manière dont le médecin le dit m'agace tout de même. Même si, à force de le voir, je connais sa bienveillance. Elle a toujours autant tendance à m'irriter, sans raison. Surtout quand cela me concerne. Qu'importe, je dois me focaliser sur le moment. Cesser de penser à tout ceci pendant quelques minutes. Faire plus qu'un effort de présence physique. Je sors plus ou moins de mon état d'absence lorsque Winters nous invite à aller près de l'échographe, comme la dernière fois. Je suis bien présent quand Joanne attrape fermement ma main, prise d'une nervosité palpable. Je dépose un baiser sur ses doigts et lui souris tendrement. « Il n'y a pas de raison que ça n'aille pas, détends-toi. » dis-je tout bas, caressant sa main pour que ses phalanges desserrent un peu la mienne. Sans quoi, elle finira bleue. Son regard me quitte pour se poser sur l'écran. Elle reste bourrée d'inquiétude. Il faut quelques minutes dans un silence nerveux pour que Winters observe le fœtus sous plusieurs angles, s'assure que tout aille bien, prenne les clichés nécessaires et s'adresse enfin à nous. Sur l'écran, l'image est saisissante et me laisse sans voix. La petite masse vivante n'avait aucune forme il y a quelques semaines. Une petite tâche sur l'écran. Là, les détails se distinguent. La tête, surtout. Les yeux qui se forment. Et les membres, minuscules, mais reconnaissables. Il a déjà un cerveau. « C'est fou... » Je ne m'attendais pas à ce que cela aille aussi vite. Pourtant, il est encore si petit. Trois centimètres. Seulement trois centimètres. Comment est-ce qu'on peut autant aimer trois centimètres d'une tête et quatre membres qui s'esquissent à peine ? « Pas de problème pour le moment alors, c'est ça ? » je demande au médecin. Pour le moment. Non, il n'y en aura pas, point barre. Ni plus tard, ni jamais. Je m'en veux énormément pour ce que je compte dire, mais il me semble que le docteur doit savoir pour les agissements de Joanne, ses longues minutes passées sous l'eau glacée. « Nous avons eu quelques disputes depuis deux semaines... » je commence, demandant déjà pardon à la jeune femme du regard. Je ne veux pas qu'elle pense que je cherche à gâcher le moment. « A deux reprises, j'ai du récupérer Joanne dans la salle de bains. Elle s'était réfugiée sous la douche. Mais l'eau était toujours vraiment gelée. » J'ai la gorge serrée rien que d'y penser. Elle n'a pas idée du mal que cela m'a fait de devoir la sortir de la là à chaque fois. « Je la retrouvais pâle, les lèvres et les extrémités bleuies. » Autant dire qu'elle avait été sous l'eau pendant un bon moment. « Je voulais juste savoir si cela avait pu affecter le bébé. »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Qu'il était impressionnant de voir à quel point l'embryon avait changé en l'espace d'une poignée de semaines. C'était à peine réalisable. Pourtant l'image était bel et bien là, et le bébé aussi. Encore tout petit, mais il commençait déjà à ressembler à un être humain. Seulement trois centimètres. Ce n'est rien, et beaucoup à la fois. Dire qu'il n'était partie que de quelques cellules, voilà que des milliers le composaient. La science l'expliquait pourtant parfaitement, mais cela restait un véritable miracle, en soi. De voir qu'il avait désormais des yeux, un cerveau, des bras et des jambes, aussi petits cela pouvaient-ils être. Jamie manquait de mot devant ces images, Joanne également. Il voulait tout de même avoir confirmation du médecin, concernant son état de santé. "Pour le moment, tout va bien, oui" commença-t-il en reprenant les mots exacts de son interlocuteur. "D'ici trois semaines, nous pourrons faire l'amniocentèse, et nous serons véritablement décidés là-dessus..." Il esquissa un sourire serein. "Mais votre enfant m'est des plus normal." conclut-il en regardant encore un peu l'écran de l'échographe, pensif. La consultation aurait pu se terminer là, au revoir et à dans trois semaines. Joanne regarda son fiancé avec des yeux ronds, d'abord, à l'entendre mentionner ses disputes. Devinant aisément où il voulait en venir, elle le fusilla alors le regard, malgré tout le pardon qu'il lui implorait au travers de ces fichus beaux yeux verts. D'accord, Joanne savait que ce n'était pas raisonnable, ce qu'elle avait fait. Cela ne donnait pas le droit à l'Anglais de mentionner quoi que ce soit de leur vie privée. Dr. Winters en savait déjà beaucoup sur elle, elle ne voulait pas vraiment qu'il s'immisce davantage, bien que ce soit souvent plus fort que lui. Ce n'était pas ses oignons. Bien sûr, Jamie mentionnait les douches froides, sa peau cyanosée, marbrée, froide. Le médecin ne pouvait s'empêcher de lancer ce regard à la fois plein de pitié et désinvolte à la jeune femme. "Bon dieu, Joanne, ne me dites pas que vous avez recommencé..." soupira-t-il. La jeune femme en levait presque les yeux au ciel, elle en voulait énormément Jamie. Elle retira d'elle-même le reste du gel pour l'échographie de son ventre et se rhabilla. Joanne se redressa de la table de consultation, aucun sourire ne venait illuminer son visage. "Ca ne l'a pas affecté. Ce n'est pas qu'une histoire d'instinct, le corps lui-même se débrouille pour protéger ce qu'il a de plus précieux en lui, et dans ce cas-là, il a protégé le bébé." dit-elle sèchement sans les regarder, récupérant ses affaires. "Mais si tu veux continuer de te confier à lui, Jamie, je t'en prie. Parle-lui de toutes nos autres disputes, tant qu'on y est." "Joanne, je vous en prie..." "Non ! Non, non ! Misez ça sur les hormones, sur tout ce que vous voulez, mais il est hors de question que je reste installée à me faire sermonner. Et puis, de toute manière, vous savez très bien que ça ne va strictement rien arrangé, ni ce qui a pu se passer." "Venez donc vous réinstaller Joanne, nous pouvons en discuter." "Je ne veux pas en discuter, vous n'êtes pas un psy. Vous en savez largement sur ma vie, j'aimerai conserver le peu qu'il me reste de vie intime. Et non, Jamie, ne viens pas me dire que ça concerne aussi le bébé, je le sais bien, et tu as eu la réponse à ta question." Elle réajusta son manteau et s'apprétait à sortir lorsque le Dr. Winters essayait une dernière fois. "A dans trois semaines, Docteur." dit-elle en fermant la porte derrière elle. La jeune femme traversa la salle d'attente et rejoignit les couloirs afin de se rendre vers la sortie, plongée dans ses pensées bien sombres. Si seulement il n'y avait que ça qui la tracassait. Arrivée à l'extérieur, elle redressa la tête, regardant la vie de Brisbane continuer devant elle. Jamie pouvait prendre tout le temps dont il avait besoin s'il ressentait le besoin de parler, il fallait reconnaître que la jeune femme ne s'en souciait guère à ce moment là. Elle fit quelques pas, et finit par s'asseoir par s'asseoir sur un banc, tête baissée, les mains jointes sur ses genoux. Ce n'était pas de voir Jamie malade qui l'avait rendu ainsi, il y avait autre chose, mais elle ne voulait pas lui en parler pour le moment. Peut-être que ça expliquerait aussi son comportement excessif.
La joie procurée par les images rassurantes de l'échographie a été de courte durée. Je ne pouvais néanmoins pas faire comme si je n'étais pas inquiet depuis les événements de ces dernières semaines. Deux douches froides espacées de quelques jours. Toutes deux glacées, toutes deux longues, assez longues pour que Joanne soit en hypothermie. Pâle, la peau marbrée, les lèvres bleuies. Le choc lié à ces actions n'est pas passé. Qu'elle ait été capable de se faire subir ça, à elle et à notre enfant, me laisse encore amer. Je ne comprends toujours pas qu'elle ait pu perdre ses moyens à ce point. Que sa grossesse n'était visiblement pas assez précieuse, dans son subconscient, pour que même dans ces moments où l'esprit perd pied elle puisse complètement l'oublier au profit de choix égoïstes. Mon intervention me vaut un regard des plus noirs jetés par une jeune femme qui m'étranglerait pour me faire taire si elle le pouvait. Je ne m'attendais pas à ce qu'elle comprenne pourquoi je mentionne nos disputes. Je ne m'attendais pas non plus à ce qu'elle réagisse aussi violemment. Elle répond à la place de Winters, assurant que le bébé n'a rien. Si j'étais en état, et surtout si j'avais envie de lui répondre, je dirais sûrement qu'il est bien beau que son corps l'ait protégé, mais qu'il serait encore mieux si sa propre mère ne le mettait pas dans ce genre de situation. Mais je reste muet, ne la regarde plus, passe une main sur mon visage pendant qu'elle fulmine. Je me contente très bien de l'hypothèse disant qu'elle s'emporte, à fleur de peau, à cause des hormones et de ces derniers jours qui n'ont pas été de tous repos. En retrait, baissant les bras, je laisse le docteur essayer de retenir Joanne, de la raisonner, en vain. Puis elle part. Je pose un instant mes lunettes sur mes jambes, loge mon visage dans mes mains pendant quelques secondes, soufflant, soupirant longuement. Je n'ai pas d'envie, pas d'énergie pour ce genre de crise. Mon cerveau, au ralenti, n'a aucune idée de la manière dont je dois gérer cela, ce que je dois dire. J'aurais du rester à la maison. Et me taire, comme toujours. Faire ce qu'on sait faire de mieux chez les Keynes : faire comme si de rien n'était. « Désolé pour ça… » je murmure à l'intention du médecin, au moins aussi hébété que moi. Non sans difficulté, je me redresse sur mes jambes, d'une lourdeur ignoble, remets mes lunettes alors qu'une migraine me guette déjà. Je ne m'oblige pas à sourire, et récupère ma veste avant le quitter à mon tour le cabinet, laissant un flaible ; « Au revoir, docteur. » « Prenez soin de vous. » me glisse Winters avant que je m'en aille. J'acquiesce d'un signe de tête. Prendre soin de moi. Ce n'est pas gagné. Couloir après couloir, puis prenant l'ascenseur jusqu'au hall d'accueil, je retrouve la sortie de l'hôpital sans aucune hâte. Mon corps est au ralenti, mes pas me semblent interminables, et les fauteuils roulants que je croise me font de l'oeil. Je sens une légère poussée de fièvre, qui s'envole lorsque je mets un pied dehors et quand l'air, semblant presque frais au contact de la température de mon visage. Du regard, je repère rapidement ma fiancée, assise sur un banc à quelques mètres. J'approche, mains dans les poches, respirant profondément comme pour me donner juste assez de courage et de vitalité pour affronter la jeune femme quelques minutes -en espérant qu'il ne faudra pas plus pour la calmer. « Joanne... » Je ne sais toujours pas ce que je dois dire. Alors je m'assied à côté d'elle, silencieux pendant de longues secondes. « Excuse-moi. » dis-je pour commencer, des excuses me semblant être un bon début. « Ce n'était pas mon intention, que tu te fasses sermonner. » Même si je savais pertinemment que cela allait être le cas, je ne vais pas le nier. Néanmoins, ce n'était pas l'idée première. Nous avions déjà convenu qu'elle ne devait plus agir ainsi, enfoncer le clou n'aurait servi à rien. « Ca me semblait juste important qu'il sache, et que je puisse savoir si cela avait pu faire quoi que ce soit au bébé... » Je ne cesse de le répéter, je ne suis pas médecin. S'il est bien un sujet sur lequel je n'ai pas le moindre savoir, c'est ce domaine. La santé, les maladies, la manière dont un corps fonctionne, en dehors de la pure mécanique, et encore plus la manière dont se déroule une grossesse, sont autant de choses qui m'échappent. Elle n'est pas médecin non plus. Je veux bien croire à son instinct, mais pour de telles questions, je ne peux pas me fier uniquement à cela. J'avais besoin d'une expertise -et au final, je ne l'ai même pas eu. « Toi tu le sais peut-être. Moi pas, et j'étais inquiet. » Je ne sais pas si cela peut suffire à lui faire comprendre. Je ne le pense pas. Mais je ne vois pas quoi faire d'autre. Je n'arrive pas à trouver quoi que ce soit d'autre. Penché en avant, appuyé sur les coudes, le front dans une main, je frotte mes yeux fatigués sous mes lunettes. « Je ne suis vraiment pas en état de me battre, Joanne. » dis-je dans un soupir. Oui, c'est une manière de lui demander d'avoir pitié de moi. Je ne peux pas, et je n'ai absolument aucune envie que nous nous battions de nouveau. C'est à croire qu'il est trop demander en ce moment d'avoir une semaine sans crise. « Je ne voulais pas t’offenser. » j'ajoute en cherchant enfin son regard, sincèrement désolé. « Est-ce qu'on peut oublier ça et rentrer ? »
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Ces histoires de subconscient étaient totalement tirées par les cheveux. Mais ça devait être le cas pour Joanne étant donné qu'en tout bon état de conscience, elle ne se serait jamais infligée pareille punition si cela menaçait directement son bébé. Son fiancé lui avait suffisamment tiré les bretelles la dernière fois, elle se sentait presque trahie qu'il vienne remuer à nouveau le couteau de la plaie en en parlant avec leur médecin. Ses doigts nerveux jouaient entre eux, les yeux regardant le sol -sans vraiment le voir, à vrai dire. Elle ne savait pas combien de temps s'était écoulé avant qu'elle n'entende la voix de Jamie l'appeler. Il n'était pas plus en forme que la veille, cela se devinait facilement en l'entendant parler. Il disait que ce n'était pas son intention qu'elle se fasse une fois reprocher son comportement, pourtant c'était le résultat indéniable, et bien le seul, en voulant en parler avec le professionnel de santé. La jeune femme l'écoutait attentivement, mais ne répondait pas. Que pouvait-elle bien rétorquer à cela, si ce n'était allé dans son sens, baissé la tête comme une enfant que l'on était en train de disputer ? Jamie penserait encore une fois qu'elle voudrait pas entendre ce qu'il lui dirait, et cela démarrerait à nouveau un cycle sans fin de conflits. Il n'y avait que ça, en ce moment, dans leur relation. Des conflits. Tout se mettait en oeure sans qu'il y ait une semaine où ça ne monte pas dans les tours. Les photos, Hassan, etc. Il y avait toujours quelque chose qui n'allait pas et qui menaçait leur couple et leur vie de famille. Beaucoup de pression, et aussi beaucoup d'efforts à faire pour passer outre et continuer à s'aimer. C'était très dur pour Joanne, dans la mesure où elle prenait encore absolument tout à coeur. Passer à autre chose et ignorer les pics qu'on lui lançait était encore une épreuve bien difficile pour elle, alors que c'était bien la chose sur laquelle elle devait le plus travailler. "Je ne veux pas me battre. Pas encore." dit-elle tout bas, en regardant ses mains. "Je ne veux plus me battre avec toi." rectifia-t-elle, surtout pour elle-même. Jamie disait qu'il ne cherchait pas à l'offenser, initialement. Ce qui, en soi, était évident après qu'il ait partagé l'information avec le médecin. Ses magnifiques yeux finissaient quand même par chercher ceux de Joanne, l'air vraiment navré, lui demandant s'ils pouvaient juste à côté et oublier, et rentrer chez eux. La belle blonde acquiesça d'un simple signe de tête, son regard retournant ensuite sur ses doigts. Elle ne pensait plus vraiment à la consultation, si ce n'est l'image affichée sur l'échographe. La jeune femme le trouvait déjà tellement beau. Parfait. Joanne ne se levait pas encore, restant de longues secondes dans ses pensées. Sa tête se redressa légèrement, puis finit par dire, d'un ton profondément attristée. "Sophia est partie." La nouvelle était tombée il y a deux-trois jours, pendant que Jamie était au plus mal. Il était suffisamment épuisé, il n'aurait pas voulu entendre ses histoires et la jeune femme préférait largement qu'il se repose d'autant qu'il le voulait. Alors, elle ruminait dans son coin, parfois, n'essayait pas d'y penser. Elle se plongeait même parfois dans une sorte de déni, à se dire que ce n'était pas vrai, mais il suffisait qu'elle relise le petit mot écrit à la va-vite qu'elle avait mis dans la boîte aux lettres pour retomber lourdement dans la vie réelle. C'était en soi, déjà un exploit, qu'elle n'en ait parlé à personne jusque là. Peut-être que Joanne cherchait aussi à se prouver qu'elle pouvait endurer les choses seule, prétendre posséder une force dont elle n'avait pas besoin. Mais elle n'en pouvait plus, c'était dur à accepter, et elle ressentait le besoin d'en parler avec quelqu'un. Personne n'était mieux placé que Jamie pour ça. "Elle est partie." dit-elle une nouvelle fois, toujours en regardant ses doigts. "Elle a juste laissé un mot vite écrit dans la boîte aux lettres, puis elle est partie."
Nous sommes tous les deux fatigués de nous battre sans cesse depuis des semaines. Depuis mon voyage à Londres, cela n'arrête pas. Le séjour en soi étant difficile à avaler. Puis le gala, la dégradation de la situation avec James et Hannah. L'ex-mari de Joanne qui réapparaît. Les photos. Cela n'arrête pas, et c'est épuisant. Tout n'est pas sombre et tout ne se résume pas aux disputes, heureusement. Il y a Gabriella, petite étincelle dans ce bourbier. Il y a la grossesse de ma fiancée -et le fait que cette bague soit miraculeusement toujours à son doigt. Comme depuis le début de notre relation, nous nous sortons toujours de ces montagnes russes émotionnelles qui sont parfois un cauchemar à vivre, à supporter. Mais cette fois, je déclare forfait dès le départ. Je ne peux pas hausser le ton, je ne veux pas qu'une dispute supplémentaire s'ajoute à la liste déjà assez longue. Joanne non plus. Le conflit s'arrête aussi vite qu'il a commencé, une bataille éclair sans gagnant. Pour mon plus grand soulagement. Je dépose un léger baiser sur la joue de la jeune femme une fois que nous sommes tombés d'accord sur l'idée de laisser tomber ce sujet et rentrer à la maison. Je me lève du banc, prêt à partir, mais je bouge pas en voyant que Joanne ne bouge pas. Elle continue de fixer le sol, ses doigts nerveux se torturant entre eux. J'attends un peu, attendant une réaction pendant encore quelques secondes. Jusqu'à ce qu'elle articule enfin quelque chose. Sophia est partie. Les yeux froncés, attendant plus d'explications, je me rassied à côté de la jeune femme. Mais elle ne m'en dit pas plus, si ce n'est que son amie a laissé un mot. « Comment ça ''partie'' ? » je demande, espérant cette fois avoir plus de précisions. Cela veut tout et rien dire, de partir. Où ? Pour combien de temps ? Un mois ? Deux ? Un an ? Pour toujours ? Mais surtout : pourquoi ? Pourquoi maintenant ? Qu'est-ce qui a pu la mener à partir ? Je n'arrive pas vraiment à assimiler l'information. Cela me semble si impossible. Sophia laissant Joanne, sa meilleure amie, au moment où elle a besoin d'elle. Elles sont un repère l'une pour l'autre. Inséparables. « Elle n'aurait pas pu te laisser, pas maintenant, c'est absurde. » Ca n'a pas de sens. Mon premier réflexe est de nier. Sophia fait partie des meubles, elle ne peut pas disparaître du jour au lendemain, sans préavis, sans dire au revoir. Non, c'est passager. Elle est peut-être rentrée chez elle quelques jours, à cause du manque du pays, et elle rentrera bientôt. « Et pas comme ça. » Un mot dans la boîte aux lettres, vraiment ? Cela me semble d'une lâcheté sans nom, tellement indigne de Sophia. Ce qui me laisse d'autant plus penser que son départ n'est pas important. Pour des raisons graves, elle serait venue voir Joanne. Mais à voir l'expression du visage de celle-ci, je me trompe complètement. Elle est juste partie. En laissant un mot. Je passe une main sur mon visage, quelque peu déboussolé. Et coupable d'avoir pour première pensée ''encore autre chose…'' -mais c'est véritablement insupportable, toutes ces tuiles. « Je ne comprends pas. Elle m'avait expliqué que ça n'allait pas, la situation avec James, Ezra et Evans. Mais elle m'avait l'air d'aller mieux. » dis-je, réfléchissant tout haut. J'étais persuadé qu'un caractère comme le sien allait surmonter tout ceci. Qu'elle enverrait Ezra se faire voir, qu'elle couperait les ponts avec le mannequin, et ferait vent debout pour prouver que ses sentiments pour James étaient vrais. Je n'aurais jamais imaginé qu'elle puisse quitter Brisbane, là où sa vie se trouve, et son repère, sa meilleure amie, comme sa sœur. Elle aurait été à ses côtés pour son mariage, pour garder un œil sur le petit bout -elle en aurait été folle. Mais il n'y a pas que ça. Il y a plus, et parfois, même les liens les plus forts ne suffisent pas. Je serais mal placé pour la blâmer, moi qui ait quitté Londres sans même un mot laissé pour de nombreuses personnes. Parfois, le mal être est juste trop grand. « Est-ce qu'elle s'explique, dans son mot ? » je demande, même si les raisons ne changent rien aux faits. Elle n'est plus là, et Joanne a mal. Elle n'avait pas besoin d'un tel abandon en ce moment. Je passe doucement un bras autour de ses épaules pour la serrer contre moi. « Je suis désolé pour toi. » je murmure, même si je hais ces mots. Ils sont marque d'impuissance, et je dois avouer que c'est ce que je suis. Je ne peux rien faire à part la consoler.
I believe in the lost possibilities you can see. And I believe that the darkness reminds us where light can be. I know that your heart is still beating, beating darling. I believe that you fell so you can land next to me. ‘Cause I have been where you are before. And I have felt the pain of losing who you are. And I have died so many times, but I am still alive
Oui, bel et bien partie. La première réaction de Jamie était des plus normales, c'était incompréhensible de la part de la rouquine. Mais pourtant bien vrai. Qu'elle ait maintenu sa décision malgré le fait que Joanne ait exprimé son souhait qu'elle devienne la marraine du bébé et son témoin de mariage. Partir après ça, cela parle beaucoup de la qualité d'une amitié, pas vrai ? A vrai dire, Joanne était perdue, ne savait pas comment vraiment réagir. S'il fallait être heureuse pour Sophia, espérer pour elle qu'elle trouvera son bonheur dans une autre ville, un autre pays, qu'elle fera sa vie là-bas. Une vie qui lui conviendrait. Ou s'il fallait qu'elle soit en colère contre elle, de l'avoir abandonnée si lâchement, sans davantage d'explication, juste par un petit mots écrit à la va-vite et balancé dans la boîte aux lettres. Ou s'il fallait juste qu'elle soit triste avec cette horrible sentiment d'abandon. Jamie n'avait pas l'air de comprendre non plus le comportement de la rouquine, restant quelques minutes dans le déni. "Elle m'avait déjà fait le coup une fois. Quand tu travaillais. Sauf que j'ai eu le temps d'aller à l'aéroport et la stopper juste avant qu'elle n'embarque. C'est là que je lui ai annoncé ma grossesse même si... je comptais bien le lui dire à un autre moment. Et aussi pour qu'elle soit son témoi de mariage." Elle haussa les épaules, le visage peiné. "Sur le coup, elle avait l'air assez convaincu de rester." Mais la désillusion avait été des plus totales le jour où Joanne était allée chercher le courrier. "Elle m'a parlée de son embrouille avec Ezra et... j'ignorais qu'elle connaissait James Evans aussi." Les yeux toujours baissés, elle tentait de dire avec ironie "Que le monde est petit, pas vrai ?". Mais cela ne semblait regorger que d'innocence. Joanne secoua négativement la tête lorsqu'il lui demandait si elle expliquait quelque chose sur le papier. "Ce n'était pas un grand morceau de papier. Elle demandait tout le temps pardon mais disait qu'elle devait absolument partir, quelque chose comme ça." Les yeux de Joanne se bordèrent doucement de larmes, elle était profondément triste. Ceux-ci regardaient Jamie, en quête de réponses, même si au fond d'elle, elle se doutait qu'il n'en savait pas plus qu'elle. "Est-ce que j'ai fait quelque chose de mal ? Pour qu'elle parte comme ça ?" Ses questions frôlaient le ridicule, mais Joanne avait cette fâcheuse habitude de se sentir fautive pour absolument tout. Le départ de Sophia avait laissé un sacré vide en la belle blonde, bien difficile à combler. Son fiancé la serra alors délicatement contre lui, elle appuya sa tête contre lui, le regard perdu. "Elle me laisse toute seule..." dit-elle d'une voix faible. Certes Joanne était une personnes des plus sociables, mais elle ne laissait que très peu de personnes la connaître, ce qui faisait qu'elle avait un nombre d'amis assez limités. Elle sympathisait très facilement, elle restait accessible, mais sans plus. Elle s'était beaucoup isolée après son divorce, n'ayant pas le coeur à vraiment sortir et faire de nouvelles connaissances. Il y avait ce terrible sentiment d'abandon qui s'instaurait en elle. "Gaby ne me laissera jamais tomber, pas vrai ?" finit-elle par demander. Elle ne comptait plus du tout Hannah dans sa liste de connaissance, ni Kelya. Sophia était partie, qu'est-ce qui lui restait ? James, mais Jamie ne l'appréciait pas, et Gaby. La liste s'amenuisait, pour les amis les plus proches. Il y avait ses collègues, avec qui elle s'entendait bien, mais ce n'était pas pareil. Heureusement que Jamie dominait sa petite vie, qu'il l'occupait en permanence. D'ici quelques mois, il y en aura un ou une autre qui allait lui prendre beaucoup de temps. "Tu n'as pas à te sentir désolé, tu n'y es pour rien." De rares larmes coulaient le long de ses joues. "Ca doit être comme ça, je suppose." Une histoire de destinée, peut-être. Une histoire beaucoup moins réjouissante que celle de leur théorie de vies antérieures, Joanne ne savait pas si elle allait retrouver Sophia dans une autre vie. Elle restait quelques minutes ainsi, avant de se redresser, tentant de passer à autre chose. Croisant les doigts avec le sien, elle l'entraîna avec elle en se levant. "Viens, allons faire quelque chose, n'importe quoi pour se changer les idées." dit-elle avec un sourire avant de l'embrasser tendrement."Rentrons, tu dormiras, et je te cuisinerai un petit quelque chose."
Je ne suis qu'incompréhension. A mes yeux, tout ceci n'a pas de sens. La situation est irréaliste. Sophia qui part sans dire au revoir, sans se retourner, laissant tout derrière elle. Tout, dont Joanne. Certes, malgré leur lien, une vie ne peux pas se résumer à une amitié. Même si elle adorait Joanne, et je n'en doute pas une seconde, il est des choses plus importantes qui vont bien au-delà d'une jolie histoire de ce genre. Des choses qui font que même la plus forte des amitiés ne fait pas le poids. C'est si difficile à avaler, et je n'imagine même pas à quel point la jeune femme doit se sentir triste, abandonnée, seule et vide. A quel point cela doit l'affecter, elle qui prend tout si facilement à coeur, encore plus en ce moment à cause de sa grossesse. Elle aurait tan eu besoin d'avoir la rouquine à ses côtés, son amie, futur témoin de mariage, et très certainement future marraine de notre enfant. Mais d'après Joanne, si ces arguments avaient su convaincre Sophia pendant quelques temps, leur effet fut éphémère. Et une fois les bonnes nouvelles passées, le mal être a repris le dessus, et emporté la jeune femme vers un autre horizon. Oui, le monde est petit. Et si vaste à la fois. Veut-elle seulement revoir Joanne, garder le contact avec elle ? Par lettre, par mail, par textos ? Ce ne sont pas non plus les finances qui manquent pour financer quelques allers-retours en avion vers l'endroit où se sera établi la rouquine afin que les deux comparses ne perdent pas leur lien si précieux. Tout est possible. Mais il faut pour cela que Sophia n'ait pas complètement tiré un trait sur elle. « Vous vous reverrez peut-être. Si vous voulez garder contact, si vous le voulez vraiment, vous pourrez toujours vous parler, et vous rendre visite. » dis-je en espérant apporter un peu d'optimisme. Joanne, elle, commet toujours, est persuadée d'avoir fait quelque chose de mal, qu'elle a fait une faute quelque part à n moment donné qui aurait pesé dans la balance en sa défaveur. « Non, bien sûr que non. » j'assure en la serrant un peu plus contre moi. « Elle te l'aurait dit, si tu y étais pour quoi que ce soit. Elle n'aurait pas demandé pardon sinon. » Elle n'aurait même pas laissé de mot. Ce ne sont pas des intentions que l'on a généralement pour les personnes qui ne comptent pas à nos yeux, ou contre qui l'on a de la rancoeur. Dire au revoir, c'est une marque d'affection. Et même si Sophia n'a pas eu le courage nécessaire pour le dire en personne, elle aura au moins eu un geste pour son amie. « Si elle devait absolument partir, c'est qu'elle devait avoir ses raisons. Des raisons qui dépassaient le reste. » Leur amitié, le mariage, le bambin. Ce n'était pas assez pour la retenir. Pas assez pour la soulager et donner un sens à ses journées, et dans le fond, c'est bien normal. « Tu n'es pas toute seule. » je murmure en embrassant Joanne sur la tempe. « Et tu t'en sortiras très bien sans elle. » Cela ne sera pas facile. Même si elle est d'un naturel sociable, la jeune femme ne se fait pas des amis facilement. Elle ne s'attache qu'à ceux qui parviennent à passer tous les tests d'une sélection particulièrement ardue sous son regard. Il faut lui inspirer confiance avant tout. Et s'armer de patience. Elle s'entoure facilement de ses antagonistes à ce que j'ai remarqué. Sophia, moi, Gabriella. Cela m'a énormément surpris que ces deux-là s'entendent si bien d'ailleurs. « Gaby ne te laissera pas tomber. » Si ce n'est pas par peur de ne prendre une raclée de ma part, ce sera par sincère et profonde amitié. Bornée et dévouée comme elle peut l'être, Gabriella est le genre d'animal qui s'accroche à votre jambe et ne vous lâchera pas si elle n'en a pas décidé ainsi. « Elle t'adore, et elle est déjà fan de l'idée d'être tante. Elle sera toujours là pour toi. » Et moi aussi. Mais un compagnon, même un fiancé, cela ne fait pas tout. Une vie ne se résume pas à cela non plus. Le reste, l'entourage, la vie en dehors de la sphère du couple reste primordiale. Et je ne voudrais pas que tout se résume à moi et à notre famille pour elle. Jamais. Elle serait bien trop capable de complètement s'oublier dans ses rôles d'épouse et de mère, elle qui nie si facilement l'importance de sa propre personne. Elle reste ainsi un long moment dans mes bras. Je caresse ses cheveux, tendrement, sa joue, son épaule. Je dépose un baiser sur son front, de temps en temps. La laisse essayer de reprendre le cours de la journée à son rythme. Nous pourrions passer des heures sur ce banc si tel était son choix. Nous avons toute la journée devant nous après tout. Mais finalement, elle se redresse et se relève. Je lui adresse un léger sourire, inquiet tout de même à l'idée qu'elle soit si triste intérieurement. Il ne faut pas se laisser abattre, mais le contre-coup doit être terrible. « Alors ça, c'est un programme que j'aime vraiment beaucoup. » je lui réponds en passant délicatement un pouce sur ses joues pour les sécher. Je l'embrasse tendrement avant que nous nous mettions en route. C'est une fois sur le parking qu'une silhouette m'interpelle près de la voiture. « Qu'est-ce que... » La jeune femme porte un boîtier à son visage, et je comprends qu'il s'agit d'un appareil photo. Elle est nonchalamment assise sur le capot de l'Audi, sachant que je ne peux pas la dégager de là sans lui donner l'opportunité de m'accuser de l'avoir attaquée. « Dites-moi que je rêve. » Comme si la journée n'était pas assez compliquée. Je soupire, blasé. Appuyant sur le bouton des clés de la voiture, les lumières clignotantes des phares font comprendre à la journaliste que nous arrivons. Un sourire illumine son visage. « Jamie, comment se déroule la grossesse de votre fiancée ? » « A merveille. » je réponds sans réelle intonation dans la voix, d'une neutralité froide, et sans lui adresser lui moindre regard. Ma main est déjà sur la poignée de la portière. « Et votre liaison avec Hannah Siede, elle l'a aussi pris à merveille ? » D'un signe de tête, je lui demande de ne plus toucher à la voiture. Elle se lève mais reste devant le passage. « Ce n'est vraiment pas le moment. » dis-je doucement, sans aucune menace. Ce genre de supplication ne les touche jamais, mais cela ne coûte rien d'essayer à chaque fois. La jeune femme avance du côté de ma fiancée, son téléphone en main, et la fonction d'enregistrement tournant afin d'avoir une trace de tout l'échange. « Joanne, qu'est-ce que ça vous a fait d'apprendre ça ? Pourquoi êtes-vous toujours ensemble ? » J'ouvre ma portière, agacé, et lance ; « Joanne, monte dans la voiture. Allons-nous en. »
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Jamie gardait toujours un certain optimisme, tentant de trouver des issus à une situation qui avait l'air désastreuse. Cela partait d'une bonne intention, mais Joanne en doutait beaucoup. Si elle voulait vraiment partir, elle aurait coupé avec absolument tout le monde, changé de numéro de portable, utilisé de nouveaux identifiants pour les réseaux sociaux, etc. On irait peut-être trop facilement voir Joanne pour avoir de ses nouvelles, et Sophia ne désirait peut-être pas que cette proximité là soit toujours présente. C'était compréhensible, mais pas forcément pardonnable. "J'essaierai de lui écrire, plus tard." Les yeux humides, elle ajouta. "Là, maintenant, je peux pas." La plaie était encore trop à vif pour reprendre comme si de rien n'était, oublier le comportement qu'elle avait adopté. Le bel homme la reprenait rapidement lorsqu'elle lui demanda si elle été fautive dans quoi que ce soit. C'était bien Sophia qui avait demandé pardon, pas Joanne. Il expliquait ensuite qu'elle devait avoir des raisons bien à elle pour quitter la ville ou le pays aussi précipitamment. "Oui, je le sais bien." Et Jamie devait exactement savoir ce que c'était, que de s'évader ainsi et laisser tout derrière lui. C'était ce qu'il avait fait en quittant Londres il y a quelques années de cela. Elle haussa. "C'est juste que... Il y a différentes manières de partir. Peut-être que ses problèmes dépassaient tout le reste, ça ne devrait pas jouer sur la manière de dire au revoir." Il y avait forcément une part de déception. "Un peu mieux que de l'écrire rapidement sur un morceau de papier déchiré d'un cahier ou d'un bloc-notes." Au moins, elle avait dit au revoir, comme diraient certains. Il semblait confiant à l'idée qu'elle pourrait très bien s'en sortir sans Sophia. Sauf que la belle blonde n'avait plus sa confidente, qui connaissait tout d'elle, à qui elle n'avait pas besoin de réexpliquer certaines choses. Tout ceci lui semblait bien peu concevable. Il confirmait que Gabriella serait toujours là. Joanne l'adorait. Pour le moment, la jeune femme avait plus la tête à se cloîtrer chez eux, à s'occuper de Jamie puisqu'il n'était pas toujours en grande forme. Et ce fut là qu'elle puisa sa force afin de se lever et de proposer un programme des plus basiques au bel homme. Mais qui lui plaisait beaucoup, à lézarder pour le reste de la journée. Joanne répondit tout autant à son baiser, lui caressant la joue du bout de ses doigts, avant de se mettre en route. Elle aperçut rapidement cette inconnu installée sur la voiture, se disant d'abord qu'il fallait être sacrément culotté pour s'installée sur un tel véhicule. Joanne ressentit vite l'exaspération de Jamie, et devina qu'il s'agissait très certainement d'une paparazzi ou d'une journaliste venu les embêter. Dès qu'elle remarqua leur présence, l'inconnue sauta sur ses deux pieds et ne tarda pas à poser des questions d'ordre privée - ce qui braqua intérieurement Joanne, mais vraiment pas de la même manière que la soirée organisée par Jon. Son fiancé répondit de lui-même d'un ton neutre -preuve qu'il avait largement l'habitude de ce genre d'altercation. Il fallait forcément parler de la grossesse, de la relation présumée de Jamie et Hannah. La belle blonde évaluait la scène d'un ton tout aussi neutre. Elle se surprit elle-même de se contenir aussi aisément. Elle ne s'attendait pas à ce que la journaliste vienne vers elle pour revenir sur ce malentendu. La journaliste savait certainement que sa victime n'était pas très dure de caractère et qu'elle aurait forcément une réponse de sa part. A côté, Jamie lui disait de rentrer dans la voiture afin qu'ils puisse rentrer chez eux. Joanne fixait silencieusement la journaliste, sans expression. Puis Joanne se dirigea vers Jamie, et, du haut de ses talons, l'embrassa plus que langoureusement. On ne savait quelle mouche l'avait piqué, mais ça faisait son effet. A la fin du baiser, alors que son visage était encore très proche de celui de Jamie, elle fit un sourire plus que satisfait avant de lui voler un dernier baiser avant de rejoindre sa place dans la voiture. Tout en contournant la voiture, elle dit calmement à la journaliste. "Vous devriez être sûre des informations que l'on vous transmet. La porte fermée, Jamie ne tarda pas à sortir du parking de l'hôpital. Eloignée de la journaliste, toute la pression redescendait. Joanne expira profondément et fermait les yeux, posant l'une des mains sur son ventre. Elle pensait à son bébé, si on allait autant l'embêter dès sa naissance. Joanne espérait que non. "Tu disais que l'on était plus indulgent avec les femmes enceintes." dit-elle, avec un sourire amusée. "Il faut croire que ça ne se voit pas encore assez." Joanne riait nerveusement, c'était juste la barrière qui s'était constitué de manière improbable qui redescendant, laissant la Joanne qu'il connaissait si bien faire face à la situation. Son autre main, elle la posa sur la cuisse de Jamie, cherchant un contact physique avec lui, jusqu'à ce qu'il gare la voiture à l'entrée de leur maison, enfin.
Nous ne saurons sûrement jamais le fin mot de l'histoire, et toutes nos questions resteront en suspend. La raison de son départ, s'il s'agit d'Ezra, de James, d'Evans, d'autre chose dont elle ne nous aurait pas parlé. Le lieu où elle a décidé de s'en aller, de s'installer, à moins qu'elle ne reste sur la route pendant des mois. Nous ne saurons pas non plus si elle compte revenir un jour. J'espère de tout coeur qu'elle n'a pas l'intention de couper les ponts avec Joanne. Qu'elle ne l'abandonnera pas à ce point. Et d'un autre côté, la jeune femme serait pour elle le reste de cette vie qu'elle fuit ainsi. Malgré leur amitié, il se peut que le mot qu'elle a laissé chez nous soit la dernière trace d'elle qu'elle aura. Je soupire, triste, déçu, et pourtant plein de compassion pour Sophia. Etant passé par là, je ne peux que comprendre, ou du moins essayer de comprendre, les mécanismes de son esprit à cet instant. Un mot, c'est une manière d'épargner l'autre. S'éviter les au revoir larmoyants et le sentiment d'impuissance pour l'autre. Il est toujours plus facile pour tout le monde de mettre les gens devant le fait accompli. Plus lâche aussi, c'est vrai. Mais qui pourrait se vanter d'avoir assez de courage pour confronter ses proches un à un pour leur annoncer un départ aussi précipité ? J'avais eu la force d'aller voir Kelya pour ma part, sachant qu'elle comprendrait, que cela était prévisible de ma part pour elle. J'avais prévenu Madison. Mais pas James. Personne d'autre, à vrai dire. Pour les autres, j'avais simplement disparu du jour au lendemain. « Ne la juge pas trop durement. » dis-je tout bas, songeur, pensant à tout ce que j'aurais du faire, regrettant la manière dont s'était déroulé les choses. Et me disant que, dans quelques années, Sophia ressentira la même chose. « Ce n'est pas simple de prendre la décision de partir non plus. » j'ajoute, laissant Joanne en déduire que je parle d'expérience. Il est facile de condamner la personne qui nous blesse par son départ. Plus que de comprendre, même sans savoir les raisons, et de pardonner. Joanne aussi, dans quelques temps, saura être au-dessus de cela. Et peut-être qu'elles se retrouveront alors. Je dois appeler James. Je dois absolument l'appeler. Décidant de partir, nous tombons sur une journaliste installée près de la voiture. Cela ne m'étonne même pas, et m'exaspère plus qu'autre chose. Il est si simple d'avoir des renseignements sur les personnes que l'on cherche. Un coup de téléphone suffit. C'est la beauté et le malheur de notre métier. Même si je ne considère pas que cette jeune femme et moi avons la même profession. Restant calme, je me contente de répondre et lui demander de nous laisser armé d'une bonne dose de patience et de courtoisie. Mais lorsqu'elle se tourne vers Joanne, ces deux principes s'envolent. Mais la belle ne monte pas dans la voiture. Sourcils froncés, ne comprenant pas ce qu'elle compte faire, je l'observe faire le tour de la voiture jusqu'à moi. Et là, capturer mes lèvres en un long et passionné baiser des plus langoureux et agréables. Je reste hébété, muet. La journaliste aussi. Je lui adresse un regard, un sourire en coin. 'Voyez, vous ne nous avez pas eu. Nous sommes toujours là. Joanne s'installe dans la voiture, et une fois les portières fermées, je démarre immédiatement et nous éloigne de l'hôpital. En chemin vers la maison, la jeune femme fait remarquer que j'avais sûrement tort concernant la souplesse des paparazzis avec les femmes enceintes. « Oh, crois-moi, elle… Elle était gentille. » je réponds en soupirant. Maladroite, et loin d'être aussi incisive que certaines personnes sur lesquelles il est possible de tomber. Tant mieux pour nous. Nous arrivons rapidement à la maison. Je gare la voiture dans l'allée du parking, devant celle de Joanne. Le moteur coupé, je me penche vers elle pour lui voler un baiser. « J'aime assez la manière que tu as de rembarrer les journalistes. » je murmure avec un clin d'oeil. Je pourrais la dévorer pour un baiser pareil. « J'espère qu'elle l'a pris en photo, celui-là. » j'ajoute avec un sourire cynique en sortant de la voiture. Il serait pourtant bien plus sexy en une que ces clichés volés d'un pseudo-baiser avec Hannah.