| | | (#)Ven 16 Fév 2024 - 7:48 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018Il avait atterri en début de matinée, partiellement désorienté par le décalage horaire, mais heureux de retrouver Brisbane. Connor était venu le chercher à l'aéroport, offrant à Carmine une accolade fraternelle dès sa sortie du jet à leur nom. Officiellement, l'héritier londonien rendait visite à son homonyme australien pour affaires. Cavendish London ne se contentait pas de tailler et de vendre des pierres précieuses achetées à d'autres. Les célèbres joailliers s'assuraient de ne travailler que les ressources appartenant à la marque familiale. Celle-là même qui, au pays des kangourous, extrayait la matière de leur succès. Cercle fermé et vertueux de flux monétaires ne faisant que passer d'un compte un l'autre sans jamais quitter le patrimoine commun. La conversion des devises était à leur avantage, la défiscalisation aussi. Dans cet échange de bons procédés, tous les représentants de la lignée gagnaient au change ... Mais ce n'était pas la raison pour laquelle le mannequin était si content de venir signer des contrats auprès de son cousin. « Je nous ai réservé une terrasse VIP au concert de Paul McCartney, ce soir. » Dit Connor, une fois qu'ils furent installés dans la voiture de l'Australien. Carmine ne comprenait pas pourquoi son cousin s'obstinait à conduire lui-même le véhicule. À quoi bon se concentrer sur la route quand il était possible de laisser quelqu'un payé à cela se charger de les conduire à bon port ? C. refusait de s'asseoir sur le siège passager. Le confort des banquettes arrière avait sa préférence. Cela l'obligeait à répondre à Connor à travers le rétroviseur central. « Oh. J'apprécie le geste. » « Mais ? » Connor le connaissait bien. C. feinta l'innocence. Connor ne s'y laissa pas prendre. « Je vois ... » Ce n'était pas la première fois que Carmine se désistait ou déclinait gentiment les invitations de l'Australien. Au cours des 12 derniers mois, cela s'était même produit de manière tout à fait régulière. Connor, bien que bodybuildé, n'était pas idiot. Le tatouage sur son biceps datait d'à peine un an. « Qu'est-ce qu'il a de plus que moi ? » Demanda-t-il d'une voix théâtrale avant de se mettre à rire de bon cœur en réponse au « Je t'assure que tu ne souhaites pas connaître la réponse à cette question. » de son passager. « OK, princesse, mais tu viens surfer avec moi cet après-midi ! » Carmine céda dans un long soupire résigné. Les Australiens et le surf, pouvait-on faire plus cliché ? Assis sur la plage, le Britannique avait siroté son thé, doigt levé et torse barbouillé de crème solaire, tandis que Connor s'amusait dans les vagues. Comme à chaque fois, sa Majesté avait pataugé sur sa planche, tenté vainement de se redresser afin d'imiter son cousin puis avait fini par abandonner tout en lui promettant de le ridiculiser au golf. Chacun son sport de prédilection. Aux alentours de 18h, C. tira sa révérence. Connor se préparer pour le concert tandis que lui sautait dans un taxi en direction du centre-ville. Les 30 degrés de l'hiver austral n'empêchaient pas Carmine de s'habiller élégamment. Il était vêtu d'une chemise fine d'un bleu aussi vibrant que celui de ses yeux. Plus bas, un pantalon blanc en lin habillait ses longues jambes de mannequin. Décontracté, mais résolument chic, il sortit du véhicule après avoir poliment remercié le chauffeur et se dirigea vers la boutique de tatouage. La cloche sonna lorsqu'il en poussa la porte, mais, comme il s'y était attendu, un fond sonore particulièrement bruyant couvrait tous les sons sauf peut-être celui de la bobine en train de tourner. C. s'approcha discrètement et jeta un coup d'œil par-dessus le paravent. Eden était penché sur ce qui devait être son dernier client de la journée. Fréquenter le tatoueur avait appri à Cavendish que ce métier, aussi surprenant que cela pouvait paraître, avait des similitudes avec celui d'icône adulée. En effet, lorsqu'il se rendait à une soirée où un gala afin de représenter la marque, Carmine n'avait que rarement la chance de finir à l'heure prévue. Trop de variantes entraient en compte. La vitesse avec laquelle les convives mangeaient. Le nombre de conversations à enchaîner. La durée des photocall ... Autant d'éléments clés susceptibles d'étirer le temps et de faire déborder le planning. Eden, lui, avait à composer avec la résistance à la douleur de ses clients ainsi que la taille de leur vessie influant sur le nombre de pauses à prendre. Il y avait aussi les saignements intempestifs qui faisaient froncer le nez de l'Anglais chaque fois que l'Australien lui parlait d'un cas particulièrement juteux. S'il admirait profondément le talent artistique de son amant, Carmine restait dégoûté par l'aspect mutilatoire de l'acte et ne songeait aucunement se faire tatouer un jour. Après l'avoir observé en catimini pendant plusieurs minutes, C. décida de manifester sa présence par l'intermédiaire d'un texto envoyé à Wilcox. Hors de question d'entrer dans le champ de vision du client et de se faire reconnaître instantanément. Il préféra s'isoler dans une salle du studio sur la porte duquel était accrochée une pancarte " staff only " et attendre la réaction d’Eden : Mimi
Tu pourrais avoir un coup de fil urgent à passer et me rejoindre dans la réserve... Carmine, en véritable séducteur, savait quelles cordes pincer afin de ramener à la surface des souvenirs chargés en émotions. C'était dans cette même pièce qu'après avoir demandé à l’artiste des explications sur son métier et observé religieusement le tatoueur lui montrer ses dizaines de couleurs d'encre que Carmine s'était penché vers lui et l'avait embrassé. Un premier baiser parfait pour un amour de vacances devenu une idylle partagée entre Londres et Brisbane, à grand renfort de voyages d'affaires inventés de toutes pièces et couverts par Connor, leur cupidon inattendu. Bientôt un mois qu'ils ne s'étaient pas vus. Cavendish attendait avec impatience leurs retrouvailles.
Dernière édition par Carmine Cavendish le Sam 17 Fév 2024 - 4:53, édité 5 fois |
| | | | (#)Ven 16 Fév 2024 - 9:26 | |
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Under my skin (no) happy ending
Janvier 2018
« Une rose rouge, s’il vous plaît. » Demande-t-il d’un ton quelque peu empressé, bien que l’étau de son visage ne recèle que la vive impatience de retrouver l’espace doucereux des bras aimants qui lui font cruellement défaut lors de ces séparations prolongées, que son coeur a de plus en plus de mal à endurer. Si bien que, lorsqu’on lui tend le trésor aux pétales vermeils soigneusement emballé, il ne peut s’empêcher de presser ses lèvres l’une contre l’autre dans un sourire quelque peu contrit, en regrettant presque la symbolique répétition du geste depuis tout juste un an. Car chaque fois qu’ils se retrouvent, l’offrande est telle une rengaine suave ; s’il n’est pas particulièrement appâté par les effusions chimériques, sait-il que son amant l’est, lui. Alors, de la même manière que l’on prend soin d’un objet rare et précieux, Eden chérit le joyau de romantisme qui compose l’esprit de son bel anglais, autant qu’il le peut du moins.
Ayant été achetée entre deux clients, la rose siège désormais dans un coin de la pièce lumineuse, entièrement revisitée de blanc, de noir et de gris. La décoration est épurée, rehaussée ici et là par quelques plantes soigneusement entretenues et des crânes ornées de peinture, ainsi que des livres sur l’art qui est ici exercé. « Tout va bien ? » S’enquiert-il d’une voix sobre à l’attention de la toile humaine passant sous son aiguille, sans encore lever ses yeux mordorés vers elle. Ses sourcils froncés ont creusé un petit puits de concentration au-dessus de son nez fin, et il étudie minutieusement le tracé de son propre dessin, sans se laisser distraire. Du moins, pour l’instant. « Ça va. » Entend-il comme simple réponse, bien que la crispation dans la voix masculine laisse présager une virulente douleur éprouvée ; compressant ses lippes avec compréhension, il signale simplement, en espérant ainsi distiller un certain soulagement : « C’est bientôt fini. » Redressant son dos cavalier, courbé par la position imposée, il grimace légèrement lorsqu’il ressent, à son tour, un certain endolorissement de ses muscles ; prenant une fine inspiration nasale, il tire sur le fil de son aiguille, dont la corde en plastique surpasse sa nuque pour rejoindre sa main gauche, afin de revenir sur son oeuvre presque achevée. C’est assez surprenant, de prime, de constater qu’il parvient à tatouer avec tant de talent avec la main inversée mais, force est de constater que cela lui est aussi naturel que respirer.
Concentré à la tâche, il n’entend guère la porte de son salon qui tinte sous la petite clochette titillée, prévenant ainsi du passage dissimulé d’un corps oeuvrant dans le silence ; ce n’est que lorsque l’écran de son téléphone, posé à côté de lui sur la petite table d’appoint, émet un bruit sonore qu’il daigne lever le nez — et les yeux qui vont avec, en direction de son portable. S’en saisissant de sa main droite, il s’empresse de lire le dernier message reçu, qui ravive l’ébauche d’un sourire enjoué sur ses lèvres finement dessinées… Après presque un an, est-ce normal que son coeur virevolte encore dans sa cage thoracique avec tant d’euphorie ? « Je reviens… » commence-t-il à dire en joignant le geste à la parole, se reculant sur son petit tabouret à roulettes tout en se délestant bien promptement des gants en latex noir qu’il porte, avant d’accrocher son aiguille sur le meuble tout près. « …Profitez-en pour faire une petite pause. »
Jetant les gants à l’endroit prévu à cet effet, Eden lance un dernier regard à son client bienheureux de cette interruption, avant de sortir de sa salle pour filer avec hâte en direction de la réserve. Poussant d’abord la porte d’un geste lent, il pose enfin les yeux sur le visage de son amant, duquel il caresse les traits, mêlant affection sincère et admiration amoureuse ; refermant le panneau derrière lui, il s’empresse de réduire l’espace entre leurs deux corps pour enlacer ses hanches de ses paumes câlines, l’amenant ainsi à se rapprocher de lui pour murmurer, d’un ton taquin : « Je ne crois pas que vous ayez le droit d’être ici, monsieur… » Plongeant son regard dans le sien sans se délester de son sourire radieux, il flirte un instant avec ses lèvres, les effleurant sans les toucher comme pour le punir de son absence interminable, avant d’y apposer un premier baiser. « Tu m’as manqué. » Avoue-t-il d’une voix douce et basse tandis que ses mains glissent dans le dos du blond, sans qu’il ne l’ait, encore, quitté des yeux, enivré par l’odeur de sa peau qui vient chatouiller ses narines. « J’ai bientôt fini de le torturer. » Si la formule employée l’amuse, à tel point que son expression prend une teinte enfantine durant quelques secondes, il revient rapidement déposer une myriade de tendres baisers contre les lèvres de l’anglais, en pressant son dos d’une manière inconsciente… Peut-être que la séparation a été trop longue, cette fois. « Je n’en ai pas pour longtemps. » Un dernier accolement de leurs lèvres, une dernière caresse disséminée dans son dos, et il l’abandonne dans la réserve, non sans avoir eu la présence d’esprit d’attraper, au passage, un petit flacon d’encre noire.
Retournant dans sa salle de tatouage avec un flânant sourire aux lèvres, il reprend sa position initiale, sans se presser d’achever sa gravure néanmoins ; bien que son coeur palpite de quelques sentiments enjôleurs, il s’efforce de rassembler toute sa concentration, éparpillée sous les yeux azurés de son amant tout près, afin de parfaire l’ornement épidermique créé de ses mains. Après une vingtaine de minutes, l’oeuvre est achevée ; le client s’empresse de se hisser jusqu’au miroir victorien pour admirer son talisman, avant de quitter les lieux une dizaine de minutes plus tard. « Tu peux sortir de ta cachette. » Annonce-t-il d’une voix un peu plus forte pour que celle-ci puisse être entendue depuis la réserve, tout en entreprenant de ranger son matériel. En attendant que son visiteur le rejoigne, il ne cesse de lancer des regards quelque peu soucieux en direction de la rose, qui surplombe une petite pile de livres… Il repousse cette conversation depuis bien trop longtemps.
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| | | | (#)Sam 17 Fév 2024 - 6:55 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018
Carmine observait la porte avec impatience, excité à l'idée de bientôt la voir s'ouvrir sur la silhouette de son amant. Si les premières semaines de séparation n'avaient pas été plus difficiles à endurer que ce à quoi la distance géographique les avait habitués, Cavendish admettait volontiers que la fin du mois de janvier s'était faite attendre. Il avait compté les jours le séparant de son vol en direction de l'Australie et comptait désormais les secondes avant que son corps puisse à nouveau épouser les contours de celui d'Eden. Quand le tatoueur l'honora enfin de sa présence, un sourire immense éclaira son visage radieux. « Je ne crois pas que vous ayez le droit d’être ici, monsieur… » C. frissonna. Il avait à nouveau quinze ans et se trouvait suspendu à ces lèvres qu'il n'avait eu de cesse de rencontrer en rêves au cours des dernières semaines. « Je plaide non coupable. » Leur premier baiser s'accompagna d'un mélange grisant de libération et de frustration. D'abord le soulagement de goûter l'autre, ensuite la prise de conscience infâme : Eden avait un tatouage à terminer ; ce câlin réconfortant ne pourrait pas durer plus d'une minute ou deux. « Tu m’as manqué. » « Toi encore plus. » Surenchérit-il alors que ses mains imitaient celles du brun dans une attitude inconsciente de conservation. Carmine voulait le garder pour lui seul. « J’ai bientôt fini de le torturer. » Les lèvres du mannequin s'étirèrent en un sourire amusé tandis qu'il veillait à rester à portée de bouche, quémandant en silence plus de baisers qu'il finit par recevoir et accueillir avec délectation. C. pouvait se laisser butiner des heures sans rien faire d'autre que de rester allongé en monarque bienheureux qu'on prit soin de lui rendre la vie agréable. Eden savait y faire. Il l'avait tout de suite su, à l'instant même ou leurs regards s'étaient croisés pour la première fois, ce jour où Connor avait décidé de jouer les rebelles en allant se faire tatouer sur un coup de tête. « Je n’en ai pas pour longtemps. » « Je l'espère ... » C. fit mine de le retenir, mais n'insista pas. Wilcox avait un emploi et des obligations à honorer. Cavendish pouvait le comprendre. Aussi attendit-il sagement que la voie fut enfin libre ...
Afin de passer le temps, Carmine nourrit sa maniaquerie en alignant à intervalles égaux et réguliers les bouteilles d'encre du tatoueur. Les couleurs avec les couleurs. Les noirs avec les noirs. Un dégradé à la fois. Il s'appliquait à placer les étiquettes de manière bien lisibles face à la porte quand la voix d'Eden retentit enfin. Cavendish quitta sa cachette. Quelques enjambées suffirent à ce qu'il puisse à nouveau venir se lover contre le brun, se plaçant dans son dos tandis que ce dernier rangeait son matériel. À la manière d'un koala, le britannique restait accroché à l'artiste, accompagnant ses mouvements afin de ne l'entraver d'aucune liberté si ce n'était de celle de se concentrer convenablement, car ses lèvres n'avaient de cesse de lui embrasser la nuque. « Comment vas-tu ? » Murmura-t-il à son oreille. « Raconte-moi tout. » Tout depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus, soit peu de temps avant Noel. Carmine n'avait que faire d'avoir échangé quotidiennement par messages avec Eden. Il ne souhaitait pas nécessairement l'entendre lui raconter des nouvelles insolites et exclusives. Il souhaitait avant tout sentir la voix du jeune homme lui caresser le tympan et provoquer en lui cette chaleur qu'aucune plage, même Australienne, ne pouvait égaler.
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| | | | (#)Sam 17 Fév 2024 - 21:48 | |
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Under my skin (no) happy ending
Janvier 2018
« Je plaide non coupable. » L’innocent prétendu, soufflant ces quelques mots de défense contre les lèvres de l’accusateur, corrompt bien aisément le coeur de ce dernier ; pour preuve, la délation se disperse bien rapidement sur sa langue taquine, car ses lèvres préfèrent flâner auprès de leurs jumelles, dont la saveur retrouvée ravive quelques étincelles timides. Si Eden s’est naturellement habitué au manque causé par l’absence de son bel anglais, force est de constater qu’une insidieuse forme de lassitude est, depuis peu, venue se mêler à la danse de cette idylle bornée, dont l’issue pourtant défavorable aurait pu être décelée dès l’aube de leurs étreintes passionnées. Aussi, lorsque que Carmine admet que le manque est un sentiment promptement partagé, et bien que le palpitant du tatoueur s’émeut sincèrement de l’aveu, son sourire tend à se compresser de quelques accents amers, comme s’il retenait un amas de mots agglutinés à la porte de ses lippes ; si tu restais, nous n’aurions pas à être séparés a-t-il envie de répondre, sans que la formule ne daigne trouver un écho dans sa voix. Pas encore, peut-être.
Un dernier baiser volé, une dernière caresse apposée, un dernier regard complice à l’ombre de cette cachette de fortune, et les voilà de nouveau séparés ; pour un temps plus admissible puisque, à peine son client sorti, il sent les bras chaleureux de Carmine qui viennent l’entourer avec douceur, diffusant ce curieux sentiment de quiétude qu’il est bien le seul à lui procurer. Mais si c’est un franc sourire qui sépare ses lèvres finement dessinées, dévoilant ses dents blanches parfaitement alignées, ses épaules se replient instinctivement vers l’intérieur de son corps durant quelques secondes, avant que la pluie de baisers ne vienne diluer sa posture quelque peu crispée, lui permettant de poursuivre son minutieux rangement. « Comment vas-tu ? Raconte-moi tout. » Les reliquats de son sourire suave ornant toujours sa bouche entourée d’une fine barbe brunie, il tend légèrement sa nuque avant de décaler son menton de quelques degrés pour pouvoir le regarder par-dessus son épaule, en soufflant, d’une voix grandement affectueuse : « Mieux… » Pivotant légèrement sur sa position, il abandonne le set d’aiguilles souillées sur le meuble blanc devant lui, pour que sa main libre puisse se déposer sur l’épaule de son interlocuteur, cette dernière se faisant finalement plus aventurière en allant jusqu’à sa nuque, pour effleurer sa peau du bout des doigts, traçant des chemins aléatoires sous ses caresses. « …Depuis que tu es là. » Si ce n’est point un mensonge, les mots camouflent plutôt une vérité qui tend à se dessiner avec mélancolie, autant dans son coeur que dans ses yeux, bien trop bavards d’ailleurs.
Un soupir passant finalement la barrière de ses lèvres, il mordille très brièvement le coin de sa lèvre inférieure avant de pleinement se retourner vers son compagnon, en donnant l’impression de chercher ses mots avec difficulté. Son regard s’abaisse vers la chemise qu’il porte, puis remonte jusqu’à ses lèvres si souvent embrassées, à son nez fin et droit, surplombé par ses iris azurés, aussi clairs que les eaux d’un lac gelé, en ne pouvant s’empêcher de lui sourire avec une certaine douceur, malgré la mine soudainement soucieuse qu’il arbore désormais. « En fait… Il faut que je te parle de quelque chose. » Sous sa peau, il sent les battements de son coeur qui s’accélèrent avec une vive appréhension, qui part de son ventre en remontant vers sa gorge car il sait, à présent, qu’il lui est impossible de revenir en arrière.
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| | | | (#)Dim 18 Fév 2024 - 6:42 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018
« Mieux… » Un ronronnement appréciateur s'éleva de la gorge de l'Anglais. Si Carmine savait comment séduire son Australien préféré (ne le répétez pas à Connor), ce dernier savait comment lui parler en retour « …Depuis que tu es là. » Le mannequin ferma les yeux afin de laisser ces mots l'imprégner. Une expression aussi satisfaite qu'amoureuse animait ses traits délicats. Les caresses d'Eden le long de sa nuque et la proximité immédiate de leurs êtres si intimement collés l'un à l'autre lui faisaient un bien fou. Un bien égoïste. Un bien incapable de déceler la lassitude derrière l'aveu.
Aveuglé par son romantisme, conditionné par la littérature à l'eau de rose qu'il lisait par brouettes entières de livres depuis sa plus tendre enfance, le Britannique ne voulait pas voir. Voir que son amant commençait à souffrir de la distance ; que les cachoteries et les interdits l'étouffaient peu à peu. À l'extérieur de leur bulle privée, une fois passé la porte du tattoo shop, il n'était plus question de se caresser le dos ou de se tenir la main. Cavendish oubliait que Wilcox n'était pas né dans un univers fait d'étiquette, de protocole et d'apparences trompeuses. Il oubliait qu'avoir une vie et des relations fictives ne s'appliquait pas à tous les représentants du commun des mortels ; qu'il faisait en réalité partie d'une infime poignée de personnes dans ce monde à vivre en jonglant d'une personnalité à l'autre en fonction du contexte et du prisme de lecture médiatique sur leurs actions. Le genre de gymnastique qu'un être lambda trouvait - à juste titre - malsaine, mais que Carmine - élevé dans la seule optique de se prêter à ce jeu de dupes - considérait comme étant la norme. Sa norme. Sa zone de confort. Certes, Sa Majesté restait en grande partie lui-même, qu'il fut ou non en public et face aux caméras, mais certains de ses comportements variaient au gré de ce que la marque souhaitait refléter. Le fait de tenir un autre homme entre ses bras comme c'était le cas ce soir-là ne faisait résolument pas partie de la stratégie marketing Cavendish ... Qu'importe ! C. considérait la divine comédie qu'il jouait en société comme l'un de ses mandats. Un travail, ni plus, ni moins. Pas de quoi se remettre en question ; pas de quoi s'empêcher de vivre une fois les projecteurs tournés dans d'autres directions que la sienne et pas de quoi non plus s'en plaindre. Le mannequin vivait dans un confort matériel omniprésent, dont il appréciait jouir à outrance. Il était libre de tout le reste et s'adaptait très bien à la situation, car on l'avait élevé ainsi. Sa Majesté était fait de bois souple, de flegme britannique. Il était convaincu d'avoir à honorer sa part de responsabilités dans la grandeur de l'Empire familial, comme tous les Cavendish s'y étaient appliqués avant lui. Leur patronyme était le lien. Ce dernier appartenait à l'histoire Britannique et Carmine appartenait à la lignée. Parfois, il se projetait dans l'avenir et se demandait ce que l'on retiendrait de lui dans deux ou trois cents ans. Serait-il la coqueluche ? L'icône glamour ? Le plus désirable ? Lui qui aimait tant l'art et l'esthétisme ne pouvait rêver meilleur trophée. Il y avait eu les généraux, les savants, les gouverneurs, les explorateurs, les bâtisseurs, les professeurs et il y aurait lui : le magnifique. Le plus parfait des Cavendish.
Le tour qu'Eden fit sur lui-même le ramena à la réalité. C. battit des cils, charmé par le sourire bienveillant de son amant, mais quelque peu alerté par cet air soucieux qu'il affichait désormais. Ses mains se posèrent sur ses hanches, son regard se fit plus intense. « En fait… Il faut que je te parle de quelque chose. » « Je t'écoute. » Répondit-il tout en venant replacer derrière l'oreille du brun une mèche de cheveux rebelle. Qu'il aimait ces cheveux corbeau. Et cette barbe fine. Et ces yeux mordorés. Et ce teint de peau tellement plus bronzé que le sien. Carmine se laissait déconcentrer par la beauté du tatoueur, le lyrisme de ses sentiments sens dessus dessous après ces retrouvailles tant attendues. Il s'efforça de recentrer son attention sur la conversation et l'encouragea d'un « Tu peux tout me dire. » Aussi sincère que tragique.
Il ne s'imaginait pas courir à sa perte en invitant son amant à le mettre au pied du mur.
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| | | | (#)Dim 18 Fév 2024 - 18:57 | |
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Under my skin (no) happy ending
Janvier 2018
« Je t'écoute. » Quoique l’oreille de son amant s’annonce comme attentive, les mots tant attendus ne semblent pas vouloir rouler leurs syllabes hésitantes sur sa langue, qui se refuse soudainement à parler ; la voie ouverte par la formule doucereuse ne suffit visiblement pas à camoufler la vive appréhension qui étouffe son coeur malmené, et il se retrouve, ainsi, les lèvres légèrement espacées pour laisser passer un souffle tiède, les yeux vagabondant sur le visage de son aimé, comme si c’était la dernière fois qu’il le voyait. Est-ce la dernière fois ? Le doute, serpentant douloureusement son ventre jusqu’à le tendre d’anxiété, remonte vers sa gorge comprimée, qui se refuse à libérer le délicat message, pourtant maintes et maintes fois répété. Et la main câline qui s’avance, distillant la tendresse à laquelle il est bien trop attaché pour y renoncer si facilement, ne peut que rendre davantage périlleux le saut dans le vide qu’il s’apprête à faire. « Tu peux tout me dire. » Non, c’est faux ; Eden n’a jamais pu dire à quel point les heures s’allongent quand il n’est plus là, à quel point les jours deviennent ternes, à quel point les nuits rétrécissent, à quel point la vie se tait, à quel point le vide laissé dans son sillage est bruyant, et s’il l’a toujours dans la peau, ce sont ironiquement ces morceaux de vides qui prennent toute la place désormais.
« Oui, je sais. » Dit-il malgré tout pour ne pas le blesser, écorchant ses lèvres d’un bref sourire avant de se défaire délicatement de son étreinte pour s’éloigner de quelques pas, dans une pulsion inconsciente de mettre de la distance, physique, concrète, entre eux. Pour une fois, c’est lui qui s’en va. « Ça fait un an, toi et moi… » Parvenant derrière son fauteuil de tatouage, il fait machinalement glisser ses fines mains sur le dossier de ce dernier, en se positionnant face à l’anglais, amenant ses coudes à prendre appui sur le support de cuir noir, ses doigts s’entrelaçant vaguement entre eux comme pour créer un rempart bien modeste. « Tu n’en as pas marre, de tout ça ? Se voir quelques jours entre deux avions, passer quelques heures ensemble puis attendre plusieurs semaines avant de se retrouver, devoir se cacher, tout le temps, surveiller et faire attention que personne ne nous voit… » La lassitude règne en maître dans son langage, qu’il soit corporel ou verbal ; les mots sont usés, décharnés, probablement gardés trop longtemps à l’intérieur de son coeur pour se déployer avec un aspect enjôleur. Il a attendu, trop longtemps, trop de fois. « Moi, j’en ai marre. » Sous cette sentence, le ton est plus ferme, bien qu’il ne soit point autoritaire ou mauvais, mais retranscrivant plutôt l’éreintement que la situation a fini par lui procurer, malgré tout l’amour partagé. « Je ne peux pas continuer comme ça, tu comprends ? » Il déglutit avec difficulté tant l’avouer est amer, résonnant comme un échec tant il a voulu croire à cette histoire, mais il finit par prendre une fine inspiration en redressant finalement son dos endolori, ses avant-bras suivant le mouvement en se retirant progressivement du fauteuil pour retomber le long de son corps. « Je te veux, toi. Vraiment. » Sa voix se brise quelque peu sur cet aveu, et il pince le milieu de sa lippe inférieure en baissant les yeux sur ses vans, essayant de faire taire le bourdonnement dans ses oreilles, comparable à un essaim d’abeilles dont on aurait secoué la ruche. Péniblement, il poursuit néanmoins sa tirade, sans reporter ses yeux mordorés sur le blond, qu’il discerne à peine dans son champ de vision : « C’est la phrase la plus conne qui existe mais c’est vrai, je veux m’endormir et me réveiller avec toi, parler de toi à mes amis, voyager avec toi, te tenir la main dehors, je veux… » Une vie normale. L’aveu, quoique difficile, est nécessaire, et il lui semble qu’un certain poids quitte ses épaules lorsqu’il se libère de cette suave volonté, portée par un amour sincère et pur, qu’il est aisé de lire dans les yeux qu’il reporte sur le mannequin lorsqu’il proclame, sans l’ombre d’une hésitation, mais souffrant gravement de l’incertitude : « Ce sera tout ou rien. » Achevant sa parole sur cet ultimatum, il chasse le mirage de ses pensées ballottées quelque part entre l’inquiétude et l’espérance, pour entendre la réponse.
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| | | | (#)Lun 19 Fév 2024 - 7:53 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018
« Oui, je sais. » Sans être capable de s'expliquer pourquoi, Carmine trouva que l'affirmation sonnait faux. Sentir Eden se soustraire à son étreinte ne fit qu'accentuer le froncement de sourcils entamé par son sentiment de suspicion. Quelque chose clochait. Quelque chose qui n'annonçait rien de bon. Pris au dépourvu - il n'avait jamais ressenti ce genre de menace en compagnie d'Eden auparavant - C. observa son amant contourner le fauteuil. « Ça fait un an, toi et moi… » Les mots ravivèrent les souvenirs. Le mannequin vit défiler sur la toile de son écran mental des images jetées en vrac : les crèmes glacées partagées en terrasse, les regards langoureux échangés lors des soirées bondées de Connor, l'amour sur la plage aux premières lueurs du jour, les heures passées à le regarder dessiner sans rien dire, juste à l'admirer être si concentré, si mystérieux. Un sourire nostalgique enjoliva les traits du Britannique avant que la suite ne vînt figer son expression attendrie en grimace de stupéfaction. Le déluge s'abattit alors. S'il était davantage question de constats que de reproches, la rhétorique du tatoueur ne laissait aucun doute sur son état d'esprit. L'aigreur dans le ton de sa voix glaça le sang de Carmine dont le cœur rata un battement lorsqu'Eden ajouta : « Moi, j’en ai marre. Je ne peux pas continuer comme ça, tu comprends ? »
Non, il ne comprenait pas. Il ne comprenait pas et cela se traduisait par de discrètes négations de la tête, comme si Cavendish cherchait un sens à ce revirement soudain de situation. Comment pouvaient-ils passer d'un ciel sans nuages à " plus rien ne va, ça doit cesser " ? Et cesser quoi, d'ailleurs ? C. gardait le silence face au regard fuyant de son interlocuteur, bien décidé à le laisser parler, à lui donner la chance de se montrer plus clair, car rien de l'état des lieux que faisait Wilcox n'inspirait à sa Majesté de quoi formuler une réponse pertinente. Il était démuni ; mis face à une évidence qui jusqu'alors lui avait complètement échappé. En plus d'être déstabilisé par la détresse palpable de l'élu de son cœur, l'esprit du mannequin ne semblait pas prêt à accepter la présence dans la pièce d'un éléphant que personne d'autre que lui n'avait ignoré. Carmine et sa naïveté d'adolescent. Toute l'expérience dont il jouissait dans le domaine professionnel entrait en parfait contraste avec son manque de maturité affective, sa candeur sentimentale tout juste bonne à lui faire croire que la réalité ne les rattraperait jamais. Doux rêveur. « Je te veux, toi. Vraiment. » Lui, pas son personnage, pas la marionnette de la marque. Les mots d'Eden aurait du faire naître les papillons au creux de son estomac. À la place, Cavendish sentait l'angoisse lui enserrer la gorge. « C’est la phrase la plus conne qui existe mais c’est vrai, je veux m’endormir et me réveiller avec toi .. » Difficilement faisable, mais possible avec quelques aménagements géographiques. « Parler de toi à mes amis ... » Envisageable, si son prénom n'était jamais suivi de son nom dans la conversation et qu'il ne rencontrait pas lesdits amis. « Voyager avec toi ... » Compliqué ... « Te tenir la main dehors ... » Impossible. « Je veux… » Une vie normale. Carmine n'eut pas besoin qu'Eden le formule pour l'entendre. En croisant son regard souffreteux, il comprit ce que désirait son amant et cela fit instantanément peser sur sa cage thoracique un poids écrasant, asphyxiant. L'un se libérait, l'autre sentait des barreaux de prison le prendre en otage. « Ce sera tout ou rien. »
Au tour de Cavendish de déglutir péniblement. Sa Majesté sentit un tournis le prendre tandis qu'il tâchait de trouver une solution à la problématique. L'équation - vertigineuse - paraissait insoluble. Il ouvrit la bouche, la referma. L'ouvrit encore, mais se ravisa. Fait rare : le mannequin si loquace face aux caméras perdait tout son vocabulaire. Face à lui l'horizon se découpait en deux mots d'une simplicité plus cynique qu'enfantine : Tout / Rien. Pas d'entre deux. Pas d'autres choix. Pas de compromis. Ce n'était pas acceptable. En homme d'affaires avisé, Carmine refit surface sur le champ des négociations, convaincu qu'il était toujours possible de trouver un terrain d'entente quelque part, quelle que fut la situation : « Je suis peiné d'apprendre que la situation te pèse à ce point. » Chercher à marchander n'empêchait pas sa Majesté de se montrer sincère et transparent. Il n'arrivait pas à voir en Eden un ennemi ou un concurrent comme cela pouvait être le cas autour des réunions d'affaires en partie responsables de ses absences à répétition. Cet autre qui lui faisait part de ses états d'âme et se montrait vulnérable face à lui méritait son respect ainsi que la validation de ses émotions. « On doit pouvoir trouver des solutions ... » Oui, mais lesquelles ? C. déglutit de plus belle, avant de s'avancer d'un pas en direction du tatoueur. Il était mal à l'aise avec l'impression d'insuffisance que cette conversation provoquait en lui. Toute sa vie durant, sa Majesté avait été bien plus qu'assez. L'insatisfaction de Wilcox l'obligeait à prendre conscience des chaînes dorées pendues autour de son cou ainsi qu'à ses poignets. Des chaînes dont les bijoux de ses parents étaient les allégories sinistres. Gourmettes en or, montres en diamant, colliers platine ... Des cailloux de luxe dont le poids symbolique pesait bien plus lourd dans la balance des devoirs que leur taille n'influençait dans celle des droits. Il avait beau faire partie des rois de ce monde auxquels tout était dû, face aux désirs contrariés de son amant, Carmine redevenait un homme comme les autres. Un homme effrayé à l'idée d'être dépossédé. Un homme dans le déni.
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| | | | (#)Lun 19 Fév 2024 - 20:59 | |
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Under my skin (no) happy ending
Janvier 2018
En cet instant, le tatoueur ne sait pas ce qui lui est plus tortueux : formuler la révélation de lassitude, la rendre palpable, effective, tangible, ou observer une douloureuse incompréhension sur le visage de Carmine, qui affiche une mine contrite depuis quelques secondes déjà. Il lui semble, alors, que c’est la toute première fois qu’il lui cause une telle affliction car, quand bien même la courbature de ses sentiments ne date point d’hier, Eden a toujours fait en sorte de le préserver, jugeant, avec une tolérance désormais élimée, qu’il faisait de son mieux et qu’il n’y avait donc point de reproches à proférer… C’est chose faite, désormais. « Je suis peiné d'apprendre que la situation te pèse à ce point. » C’est peut-être à cet instant précis, sous l’auréole des syllabes accolées pour démontrer une certaine compréhension, que ses espoirs se brisent : il comprend, avec une fatalité immuable, que leur idylle est sur le point de prendre fin. Pourtant, malgré la morne pensée qui s’impose dans son esprit altéré par le chagrin, c’est une hilarité confuse, sans nul doute hautement nerveuse, qui vient défaire ses lèvres pincées ; secouant légèrement son menton de gauche à droite, il appose son index et son pouce contre le sommet de son nez fin, en fermant les yeux quelques secondes pour tenter de dissiper les mauvais sentiments qui commencent à poindre, et dont il ne veut point être affublé. « On doit pouvoir trouver des solutions ... » Des solutions. Pas une solution. La nuance sémantique décline qu’il n’y aura pas de réponse probante à sa demande, mais plutôt des ajustements visant à assouplir la douleur causée, de la même façon que deux parties marchandent pour trouver un terrain d’entente satisfaisant lors d’une transaction. Est-ce seulement ce qu’il est, à ses yeux ?
« Laisse tomber. » Sa main rejoint son autre tandis qu’il mordille l’intérieur de sa joue avant de s’attaquer à sa lippe inférieure, la malmenant de quelques vilaines morsures tout en posant un regard nouveau sur l’homme qui, il le ressent encore, porte toujours la pleine souveraineté en son coeur ; il sait qu’il l’aime, car on ne peut chasser l’amour confortablement installé, ni oublier les souvenirs précieusement conservés dans la mémoire — surtout qu’elle est traite, la mémoire, mais dans son regard, qui d’ordinaire est si caressant lorsqu’il effleure les contours de son visage diaphane, on peut voir s’opérer un curieux changement. Derrière ses longs cils noirs, sous la lune de ses prunelles dorées, les lumières qui s’éclairaient envieusement sous les accents anglais, s’éteignent, lentement. La dernière lueur vient de vaciller dans le décor de leur union, et les cendres se répandent sur cet amour qui s’est consumé sans se faner, sans rompre la promesse de leur évidence, de leur rencontre insufflée par l’esprit rebelle d’un tiers, leurs baisers volés, les tours et les détours de leurs mains qui se cherchaient et refusaient de s’abandonner, le curieux manège de leurs yeux qui traversaient les murailles des faux-semblants, l’orchestre que formaient leurs coeurs en échos, et leurs corps qui mouraient d’envie jusqu’à la pluie d’étoiles sur l’oreiller froissé. Ce soir, il n’y a plus d’étoiles dans le ciel. Dans son regard, il n’y a plus rien, rien que de la poussière, du silence et l’indifférence apposée comme une défense pour faire taire la douleur lancinante qui comprime son coeur. Pour lui, il n’y a plus rien à sauver.
L’amour est toujours là, pourtant. Frêle trésor qui persiste à s’illuminer à chaque fois que ses yeux accrochent les siens, mais la lumière est trop précaire, trop fragile, pour qu’on puisse encore la discerner dans l’obscure froideur ; il ne veut plus la voir, cette étincelle, puisqu’elle n’est plus douce chaleur réconfortante mais fer brûlant apposé contre sa peau déjà marquée. En silence, Eden peine à comprendre pourquoi il n’est jamais le premier choix ; pourquoi ses parents l’ont délaissé au profit d’un autre enfant et pourquoi cet amour, prétendu inconditionnel, n’est jamais revenu, même après la disparition de ce frère si encombrant. Est-il toujours si peu ? N’est-il jamais assez bien pour personne ? Même aux yeux de ceux qui affirment l’aimer ? Pour la première fois depuis des années, l’adulte qu’il est à les mêmes sensations que lorsqu’il était plus jeune, et qu’il subissait l’affront du rejet, de la solitude et de la douleur. Ce sont des spectres qu’il ne connaît que trop bien, et qui reviennent, ce soir, le hanter. « Je vais rentrer. » (seul) prévient-il après avoir raclé sa gorge pour se donner un peu de contenance, avant de glisser une main dans ses cheveux ébènes qui flottent au-dessus de ses épaules finement musclées, revenant ainsi en direction de celui dont son coeur craint à présent les affronts. Il évite soigneusement de rencontrer sa peau et de croiser son regard, lorsqu’il passe à côté de lui pour récupérer les babioles abandonnées sur le meuble devant eux, afin de les ranger dans le placard dans lequel ils doivent loger, sans rien dire de plus. Et que pourrait-il dire ? Qu’il n’a pas envie que le temps fane leurs souvenirs, qu’il n’a pas envie d’oublier le goût de ses lèvres, le son de sa voix, l’éclat de son rire, sa peau si douce, son odeur si délicieusement particulière, ses cheveux de miel… Il n’a pas envie de tout ça. Mais il sait qu’il n’a pas la force de mener cette guerre. La paix reviendra.
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| | | | (#)Mar 20 Fév 2024 - 22:02 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018
« Laisse tomber. » L'inquiétude laissa place à la consternation. Choqué qu'on lui coupe ainsi l'herbe sous le pied, C. observa Eden se pincer l'arrête du nez après que son rire sans joie se fut chargé d'électriser l'ambiance. Mauvais courant. Vilaine survolte. La tension ainsi instaurée lui contracta les trapèzes comme l’aurait fait un frisson, mais de manière beaucoup moins agréable. En plein été, Carminé avait soudainement froid. Sa volonté d'arranger la situation se heurtait à une expression qu'il ne fut tout d'abord pas capable d'identifier. Celle là aussi était nouvelle : l'indifférence. Elle stoppa net l'avancée du mannequin dans son entreprise de se rapprocher d'Eden. Il ne reconnaissait pas son amant derrière cette expression fermée, cette attitude distante. Du premier jour qu'ils s'étaient rencontrés, dans ce même tattoo shop, un an auparavant, Wilcox n'avait eu de cesse de le dévorer du regard, de le caresser des yeux. Se faire fusiller par les meurtières de ses iris désormais réfractaires désaxait les repères du britannique. Carmine sentait le bâteau de son existence tanguer dangereusement. Les certitudes engrangées au cours de la dernière année roulaient dans la cale et se heurtaient les unes aux autres dans un bruit de désillusion déplaisant. Peu à peu, l'incompréhension se transformait en peine sur ses traits délicats. L'évidence s'imposait dans le silence dont la présence invisible comprimait les atomes d'oxygêne. Apnée. Quelque part au niveau des tympans, la pulsation affolée d'un palpitant en déroute. Comme un coup de frein dans le brouillard ... Et puis la colision :
« Je vais rentrer » « Quoi ? » Murmura-t-il, dépité. Bras balants, Cavendish ressemblait à un labrador que l'on abandonne sur le bord de la route, un soir de départ en vacances. Il observa Eden ranger ses affaires avec de grands yeux humides, submergé par des émotions que son flegme à toute épreuve parvenait tout juste à contenir. « Sans même me dire au revoir ? » Sa voix était une complainte déchirante, mélange de désespoir et de résilience forcée. Qu'y avait-il à reprocher à Eden, si ce n'était de lui parler de tout ça beaucoup trop tard ? Carmine ne pouvait se résoudre à regretter le bon temps passé ensemble, tout comme l'idée de nier les besoins de l'Australien ne lui venait pas à l'esprit. C. l'aimait trop pour prétendre ne pas comprendre. « S'il te plait ... » Qu'il lui accorde au moins un regard. Qu'il le touche une dernière fois. Qu'il ne disparaisse pas de sa vie de la même manière qu'il y était entré : spontanément, comme une évidence.
Dernière édition par Carmine Cavendish le Ven 23 Fév 2024 - 20:13, édité 1 fois |
| | | | (#)Mer 21 Fév 2024 - 14:24 | |
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Under my skin (no) happy ending
Janvier 2018
« Quoi ? » Le silence, résigné, immuable et glacé, comme un voile opaque qui ne laisse plus filtrer la lumière réconfortante, fait écho à cette première question qui ne reçoit aucune réponse. Il se tait en effectuant ses gestes mécaniques puisque, de toute façon, il est devenu aussi bien aveugle que sourd, non pas sous la cruelle volonté d’apposer davantage de souffrance à l’être quitté mais, plutôt, parce que réitérer la formule lui apparaît comme bien trop douloureux, et qu’il est donc plus facile de se cacher à l’intérieur de lui-même que d’affronter la peine de l’autre. « Sans même me dire au revoir ? » N’est-ce pas ce qu’il vient de faire ? Si les mots glissent sur sa peau telle la pluie qui ruisselle, le ton employé vient lui comprimer le coeur, aussi brutalement que si deux mains invisibles se disputaient sa possession. Les syllabes ricochent sur son palpitant avec un goût d’amertume, sans y délaisser la moindre caresse amoureuse ; il a suffisamment de lucidité sur leur situation pour savoir que des adieux, en bonnes et dues formes, ne changeront rien à l’issue de cette soirée, ni au chagrin qu’ils vont devoir endurer. La coupure sentimentale, à ses yeux, doit être aussi nette que tranchante : il faut à tout prix, avec une vitesse furieuse, se désaccoutumer de la présence de l’autre, se déshabituer de cette silhouette devenue la plus belle constellation de la voute céleste de son monde, et accepter que la rotation des planètes engendre ce détachement existentiel.
« S'il te plait ... » Irrémédiablement, traître sentimental aux faiblesses amoureuses, son palpitant rate un battement ; lui tournant encore le dos, il sent que son corps se tend sous la culpabilité qui commence à l’envahir, si bien qu’il est obligé de fermer les yeux quelques secondes pour tenter de conserver ce masque de fer. En regardant vers l’intérieur, il se rend compte qu’il est plein de chagrin ; il ne doit pas trop s’épancher sinon, il risque de déborder. « Arrête… » Murmure-t-il dans un souffle éteint, sans réellement avoir envie de le repousser, ni même de voir son corps s’éloigner du sien, mais a-t-il le choix ? Il lui faut rassembler toute sa conscience pour se retourner vers lui, appuyant le bas de son dos contre le meuble, en sentant que le séisme amoureux, mêlé au tsunami du désespoir, vient de nouveau fracturer son coeur. « Je suis désolé… Je ne veux pas te faire de la peine, tu sais. » Pense-t-il devoir énoncer, tandis que ses yeux abattus délaissent son visage pour effleurer la rose soigneusement emballée qui, par sa simple présence, lui donne l’impression d’être aspiré dans une véritable tornade de sentiments déployés, qui ricochent à l’intérieur de son corps en y semant des fêlures que personne ne peut constater. Et qu’est-ce qu’on fait, de toutes ces plaies invisibles ? Il ne le sait pas, lui, alors il baisse simplement le menton en joignant ses mains tremblantes dans son dos, partagé entre l’attirance, presque magnétique, de ce corps qu’il a tant aimé, et le besoin irrépressible de se retrouver seul. Mais avec tous ces morceaux de peine éparpillés, il ne le sera pas vraiment.
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| | | | (#)Ven 23 Fév 2024 - 21:17 | |
| Under my skin Eden ❦ Carmine
Janvier 2018« Arrête… » Les sourcils de Carmine se rapprochèrent l'un de l'autre dans une expression souffreteuse que l'Australien au dos tourné n'eut pas le loisir de percevoir. Inconsciemment, le mannequin vint poser une main entre ses pectoraux. Cette sensation d'oppression dans la poitrine l'incommodait, il sentait son souffle se raréfier et n'identifiait pas encore la perte d'ataraxie de ce cœur amputé d'un morceau par l'annonce de la rupture. La scène lui semblait irréelle. La violence de cette séparation le mettait en état de choc. Le corps réagissait avant l'esprit. « Ça ne peut pas se terminer comme ça. » Bredouilla-t-il lorsque Eden accepta enfin de se retourner. Une prière plus qu'une interdiction. Sa Majesté n'ordonnait pas : il niait dans l'espoir de réduire la douleur. Des courants d'air se faufilaient dans tous les interstices. Le froid mordant passait sous les portes, glissait entre les battants des fenêtres de ce for intérieur dont Wilcox jetait la clé sans autre forme de préavis. Déménagement surprise. Abandon des lieux. Capitulation. « Je suis désolé… Je ne veux pas te faire de la peine, tu sais. » Trop tard. Les larmes jusqu'alors retenues par les battements de cils frénétiques de Cavendish échappèrent au contrôle de leur propriétaire. Elles roulèrent sur ses joues en silence tandis qu'il s'efforçait de contenir le sentiment de trahison fissurant tout sur son passage : ses certitudes, son innocence, ses espoirs naïfs. À défaut de garder contenance, C. s'efforçait de rester digne. Face au regard baissé de son bourreau, il engloba la pièce d'un coup d'œil hébété. C'était ici que tout avait commencé, c'était ici que tout se terminait. La rose sur laquelle ses iris s'accrochèrent le piqua plus sévèrement que tout le reste en insinuant dans son esprit vif et sensible une vérité dévastatrice : Eden s'était attendu à une autre réponse que celle fournie. C'était un autre pieu au cœur. Une offre spéciale - deux pour le prix d'un - dont le mannequin se serait bien passé. Là, dans le silence de mort laissé par leur échange, Carmine réalisait à quel point il avait raté sa chance de sauver quoique ce soit ; à quel point mentir aurait pu leur éviter ce drame. Mais l'ironie voulait que leur histoire ne fût faite que de vérités brutes. Les mensonges et les faux semblants, ils ne les réservaient qu'au monde extérieur, aux regards des autres qu'ils leurraient depuis de nombreux mois. « Moi aussi. » Désolé du gâchis. Dans un réflexe de conservation tardif, Cavendish se passa une main sur le visage. Il cherchait à s'éclaircir les idées, mais n'y parvenait pas. Des farandoles d'hypothèses toutes plus mesquines les unes que les autres se bousculaient d'ores et déjà au portillon de son imagination fertile. La valse des " et si " commençait au chant des regrets. Et s'il avait su avant que ça ne soit trop tard ? Et si Eden lui avait manifesté ses réticences dès la première irritation ? Et s'il n'avait pas été un nom célèbre ? Et si Connor ne s'était jamais fait tatouer ? La nausée lui rappela qu'il n'avait rien mangé depuis le repas du midi partagé avec son cousin. Il n'en fallut pas plus à Carmine pour tourner les talons dans l'optique de retrouver Connor. Sa Majesté avait besoin qu'on lui change les idées, car affronter le vide laissé par l'absence d'Eden lui paraissait insurmontable. Il hésita toutefois lorsqu'il fut sur le pas de la porte et que cette maudite clochette - chant céleste ayant accompagné le moment où son regard s'était posé pour la première fois sur le propriétaire des lieux - se mit à tinter. « I wish you the best. » Puis il disparut dans la circulation. Fin des vacances. |
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