a diamond's gotta shine
@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Jo préférait New York à Los Angeles, mais ce soir, elle serait prête à changer d’avis. Ça ne pouvait qu’être à cause de l’effervescence autour d’elle, aux quelques coupes de champagne qu’elle s’était laissée servir aussi et qui avaient donné des couleurs à son visage éclairé par les sourires sincères qu’elle offrait à qui venait lui dire bravo. Elle avait discuté avec Beyoncé lors de la pause commerciale des Grammys, elle lui avait pris la main et regardé droit dans son âme en lui affirmant être heureuse de la rencontrer ; à partir de ce moment-là, elle avait su qu’elle avait basculé dans un tout autre monde, celui qu’elle avait rêvé de rejoindre lorsqu’elle n’était encore qu’une toute petite fille. Elle qui n’était pourtant pas du genre à boire, elle estimait cependant que l’occasion valait bien qu’elle fasse comme tout le monde et qu’elle offre à son impression de flotter au-dessus du sol l’opportunité de flotter un peu plus haut encore, la sensation qu’elle ressentait depuis quelques heures seulement d’être à la portée d’absolument tout ce qui se présentait à elle, opportunités, projets, la rendant davantage audacieuse que d’ordinaire, elle qui ne manquait jamais de revendiquer le culot qui faisait sa réputation. Elle était au milieu d’une liesse portée par la soirée la plus importante de ce début d’année pour l’industrie musicale, à voir des grands noms se déhancher au milieu d’une piste de danse surplombée de boules à facettes dont l’effet stroboscopique se reflétait dans les tenues hors de prix, dans ce château qui n’avait de noble que le nom d’après sa légende aussi scandaleuse que chic, la piscine investie par ceux qui tenaient encore moins bien l’alcool qu’elle. Jo était là, à recevoir une attention décuplée à cause du trophée qu’elle n’avait pas lâché depuis qu’elle l’avait récupéré, persuadée que si elle le laissait au bon soin de quelqu’un de son équipe, une malédiction viendrait la frapper et la ramener à une réalité différente de celle qu’elle vivait. Maintenant qu’elle avait goûté à ce genre de choses, elle savait qu’en être privée la détruirait, alors elle savait très bien ce qui lui restait à faire.

Elle avait manifesté son destin durant des années Jo, mais entre fantasme et réalité, il y avait la vie qui s’était rappelée à elle à de trop nombreuses reprises pour que, avec une lâcheté qui lui faisait honte à des moments donnés, elle finisse par abandonner la lutte pour se terrer là où on avait dû venir la chercher pour lui faire entendre qu’un échec, ce n’était pas la fin du monde. Si Midas n’avait pas insisté, elle n’en serait pas là ce soir. Elle lui devait beaucoup de choses au jeune homme dont elle avait fini par accorder un temps de répit pour qu’il puisse lui aussi recevoir les félicitations qu’il méritait sans être accroché à son bras, mais la vérité c’était que même au milieu de tout ça, à accepter les discussions et les invitations à danser de ceux dont elle avait écouté les chansons durant des années, elle ne voulait qu’une seule chose, et c’était être avec lui pour célébrer leur victoire commune, mais aussi celle de Midas, ensemble comme ils auraient dû fêter leurs victoires passées si tout s’était passé aussi bien que ce soir. Elle inclina la tête en arrière pour terminer sa énième coupe de champagne qu’elle posa en s’extirpant d’un groupe composé d’homologues australiens qui avaient en tête le chemin qu’elle avait parcouru avant d’arriver jusqu’ici et qui s’émerveillaient de son ascension fulgurante depuis le mois de mars dernier, et serra son gramophone contre elle pour descendre les petites marches qui séparaient les célébrations des différents salons confortablement désuets du Château Marmont qu’elle traversa jusqu’à l’arrière dans l’espoir de vite retrouver Midas. Elle fût ébloui par l’éclat turquoise de la piscine de l’hôtel, et ça lui fit plisser les yeux, mais aussi perdre un court instant le sens de l’équilibre lorsque, basculant très légèrement en arrière, son petit corps moulé dans une tenue différente de celle qu’elle avait porté durant la cérémonie entra en contact avec un autre corps qu’elle sentait plus élancé que le sien, même si elle-même portait des talons ; ça lui fit lever les yeux, à peine se redresser, quand elle se rendit compte contre qui elle avait buté "Scarlett." fit-elle seulement, l’exclamation dans sa voix étant plutôt mesurée d’abord, mais soudainement plus forte quand l’information monta jusqu’à son cerveau, et qu’elle répéta en se redressant pour de bon cette fois, pivotant sur ses pieds tout à la fois, ses grands yeux bruns soulignés de strass s’écarquillant à la vue de la jeune femme qu’elle avait rencontré à peine quelques jours avant ce soir "Scarlett !" Elle n’était pas pour le contact Jo, pas dans ce cas de figure en tout cas. Elle aimait toucher les gens qu’elle aimait de tout son coeur — pas grand monde, ça se comptait à peine sur les doigts d’une seule main— pas ceux susceptibles de lui refiler des saloperies parce que l’être humain est un porc de premier ordre. Et pourtant là, faisant changer de main à sa récompense qu’elle était déterminée à ne pas lâcher, ayant trouvé son nouveau grigri pour les prochains mois, elle s’accrocha au cou de la jeune femme pour lui adresser une accolade aussi chaleureuse que le souffle de son haleine chargé de champagne contre sa joue qu’elle gratifia d’un baiser pailleté qu’elle accompagna dans mwah de dessin-animé "J’était sûre que tu serais là. Mais y a tellement de monde, je savais pas si t’étais déjà arrivée. Hé, t’as vu ?" Se décollant d’elle après avoir pris soin de frotter la marque de gloss qu’elle lui avait laissé sur la joue du bout des doigts, Jo posa le socle de son Grammy sur la paume de sa main, et le dressa dans l’espace qui la séparait de Scarlett pour le lui montrer avec une fierté presque enfantine, ses fossettes rarement visibles se creusant dans ses joues qui avaient cuit sous l’excitation et son excès de champagne.

Scarlett est rarement impressionnée par les gens qu'elle rencontre. À l'inverse de beaucoup de ses autres concurrents, elle ne s'est pas lancée dans le pr pour toucher du bout des doigts le monde des stars, pour espérer devenir meilleure amie avec ses idoles. Non, c'est tout autre chose qui l'intéresse - le jeu des apparences, les stratégies et les ruses telles des parties d'échecs, l'argent. Elle a toujours été forte pour se réinventer, se raconter ; personne aujourd'hui n'imagine d'où elle vient et ce qu'elle a connu.  L'idée qu'elle puisse faire du contrôle qu'elle exerce sur sa propre vie un métier en soi lui est apparu comme une évidence.

Mais malgré ce rapport désintéressée à la célébrité, elle ne peut pas s'empêcher de devoir contrôler les battements de son cœur pendant tout l'échange avec la grande rousse au tailleur blanc. Elle se sent stupide lorsque celle-ci la reconnaît, et qu'elle pense immédiatement : oh mon dieu elle sait qui je suis. Elle est exactement comme une adolescente devant Harry Styles. Seulement, ce n'est pas devant Harry Styles qu'elle se trouve. C'est devant Tree Paine.

Scarlett réussit à garder son calme et son professionnalisme, s'autorise à discuter avec elle avec sympathie, mais sans abuser de son temps qu'elle sait être précieux. Mais l'ambiance de la soirée pousse à la détente - du moins, autant que Scarlett soit capable d'une telle activité. Elle rigole plusieurs fois, se laisse aller, et quand finalement, elle repart vers le bar, elle sent que ses doigts sont un peu trop crispés autour de son verre de tonic et qu'elle sourit un peu trop. La semaine a été fatiguante, un enchaînement de soirées et de rendez-vous, mais ce n'est pas encore terminé. Scarlett ne s'autorise pas encore à célébrer complètement. Il y a plusieurs personnes importantes à qui elle souhaiterait parler ce soir, simplement pour apparaître dans leur viseur, une façon de réseauter informelle qu'elle maîtrise très bien. Un peu plus loin, son assistante Julia est occupée à discuter avec Reneé Rapp et deux autres blondes, et Scarlett remarque qu'elles ont toutes l'air légèrement ivres. Scarlett pince les lèvres, mais décide que Julia a bien mérité un instant de répit. Et puis, qui sait, elle pourra toucher quelques mots sur le pr à Reneé Rapp, qui en auraient bien besoin, malgré tout le charme de trainwreck lesbian qu'elle dégage.

En remontant l'aller près de la piscine, Scarlett aperçoit Jo Carter qui vient vers elle, et avant même qu'elle puisse lui faire un signe de la main, cette dernière lui rentre à moitié dedans. "Scarlett." « Jo. » "Scarlett !"  « Jo ? »  Si cela fait une semaine que Scarlett est forcée aux bises et étreintes américaines, toujours trop expansive à son goût, elle est tout de même surprise quand Jo lui tombe dans les bras, dans un nuage de parfum, de champagne et de paillettes. Ses lèvres sont collantes de gloss que Jo essuie du bout des doigts, et Scarlett contient un mouvement de recul. Elle n'a jamais aimé qu'on la touche - trop pudique et trop anglaise pour les effusions physiques. Elle lance un regard amusé à Jo, qui lui a assuré la semaine dernière ne pas avoir besoin d'être affectueuse avec les gens avec qui elle travaille, et qui a présent pétille comme un feu d'artifice, tout sourire. "J’était sûre que tu serais là. Mais y a tellement de monde, je savais pas si t’étais déjà arrivée. Hé, t’as vu ?" Scarlett songe à lui demander d'un ton piquant si Jo la cherchait, mais l'humeur n'a pas l'air à la guerre d'égo. Non, Jo a les joues rougies creusées par ses fossettes, et elle lui présente son trophée doré qu'elle ne semble pas décider à lâcher. Scarlett hoche la tête d'un air très sérieux, comme si on lui présentait un petit nourrisson. « Félicitations », elle commence, polie, avant de rajouter : « Est-ce que j'ai le droit de te dire qu'il est amplement mérité, ou tu vas me dire que tu le sais déjà ? » Elle sourit, pour montrer qu'il ne s'agit que d'une plaisanterie. Scarlett ne prend pas mal que Jo se la joue difficile d'accès, et que leur premier rendez-vous se soit terminé sur une note en demi-teinte. « Est-ce que c'est aussi incroyable que tu l'avais imaginé ? »

@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Elle nierait absolument tout de son excitation manifeste si, par mégarde, qui que ce soit la relevait en décomptant les signaux, plutôt évidents pourtant, mettant en avant que ce soir, Jo Carter était davantage une petite fille ayant rêvé toute sa vie d’être ici qu’une sommité à en devenir. Ce n’était pas une honte d’être heureux d’enfin tenir entre ses mains ce dont on s’est languis des années durant, mais le fonds de commerce de la chanteuse, ce n’était pas d’être pétillante et survoltée par l’idée qu’à la seconde même, son nom était sur toutes les lèvres au même titre que celui de Taylor, Miley et Billie. Dans le monde imaginaire de Jo, c’était déjà le cas de toute façon, il ne pouvait en être autrement, mais la vérité était bien loin de ce songe avec lequel elle se rassurait d’ordinaire, expliquant ses échecs par le manque de jugement de ceux qui lui refusaient l’accès à ce pourquoi elle était faite, quand elle pensait du plus profond de son être que ça les rendait coupable d’une erreur monumentale. À cet instant précis, il n’y avait plus aucun doute ni chimère à esquisser pour excuser la distance qu’on lui imposait jusqu’alors avec ce monde qu’elle convoitait depuis qu’elle était gamine. Elle avait enfin dépassé le stade où le rêve la poussait à donner le meilleur d’elle-même pour prouver de quel bois elle se chauffait : elle était là, au milieu d’un parterre de grands, à pouvoir se revendiquer détentrice d’un trophée qui était certes le sien que de moitié, qui restait entièrement mérité tant avec Midas ils avaient travaillé pour faire de ce duo ce qu'il était devenu. Obtenir leur dû, le tenir littéralement dans le creux de sa main, ça faisait dégringoler la pression perpétuelle qu’elle se mettait pour exceller, lui laissant le sentiment de pouvoir enfin se remettre à respirer depuis mars dernier, consciente que ce qu’on lui avait offert avait le goût amer du cadeau empoissonné. Dans quelques heures, lorsqu’elle se rendrait compte que cette récompense était au contraire une pression supplémentaire à faire peser sur la sortie imminente de son premier album, elle repartirait pour un tour en se jurant de ne jamais laisser personne remettre en doute ce qu’elle avait — ce qu’ils avaient — remporté ce soir, en visant d’autres pour prouver encore et toujours. Mais pour le moment, elle pouvait se cacher derrière sa consommation de champagne pour expliquer son euphorie, quand en vérité ce n’était qu’un prétexte pour ne pas avouer que comme tout le monde, elle avait parfois des doutes sur sa valeur et son mérite. Ce soir on lui hurlait qu’elle avait tort, et cette sensation, réelle, intense, pas inventée de toutes pièces par sa fierté meurtrie, elle voulait la couver toute sa vie.

"Tu veux le toucher ?" Dans d’autres circonstances, certainement que sa proposition aurait paru un peu tendancieuse, mais qu’est-ce qui ne l’était pas avec Jo ? Surtout quand elle jouait des sourcils comme elle le faisait maintenant, ses yeux brillants de strass, d’ivresse et d’émotion posés sur une Scarlett qui elle restait fidèle à elle-même et à qui elle présenta son trophée posé, socle contre sa paume, exactement comme une pierre précieuse dont elle était la seule à pouvoir décider de qui était assez digne pour l’effleurer du bout des doigts "Y a une rumeur qui dit que c’est comme la lampe d’Aladdin : tu la frottes trois fois en pensant fort à ce que tu désires le plus au monde, et Will Smith surgit pour t’en coller une et te rappeler que les voeux, c’est pour les enfants." Jo n’était pas d’accord avec ça au demeurant, elle continuait à faire des voeux, sous sa carapace dure et son expression éternellement revêche qui s’était craquelée ce soir pour démontrer que l’image de bad bitch qu’elle cultivait depuis des années n’était qu’un masque qui lui donnait la possibilité de contrôler tout et son contraire. Elle rit doucement, pas sûre que cette légende soit sérieuse de toute façon, et baissa tout aussi doucement son trophée pour le faire disparaître de l’espace qui la séparait de Scarlett. Elle leva une épaule avec nonchalance en lui répondant dans la foulée "C’est toujours chouette à attendre, mais une toute petite partie de moi pourra pas s’empêcher de répondre que ouais, bien sûr que je le sais." Et peut-être que ce soir, la façon dont elle défendait sa valeur paraissait moins surentraînée, son émotion adoucissant son audace, mais pas sa volonté d’attirer la convoitise de ses pairs. Elle passa le bout de sa langue sur ses lèvres enduites de gloss, le goût du champagne se rappelant à elle en même temps que Scarlett la questionnait de nouveau, et qu’elle lui répondit du tac-au-tac, son regard se perdant par-dessus sa propre épaule lorsqu’elle tourna la tête pour jeter un oeil vers la piscine occupée par des convives plus avinés qu’elle "Ça le sera quand je trouverai Midas. C’est aussi sa victoire." Puisqu’elle était prompte à se faire mousser, elle tenait à remettre les choses à leur place et à ne pousser personne à croire qu’elle s’attribuait cette victoire à elle toute seule. Sans doute que s’il s’agissait de quelqu’un d’autre, elle l’aurait fait sans se sentir honteuse de tirer la couverture sur elle, mais ce n’était pas le premier venu avec qui elle partageait ce duo, cette victoire, et elle savait ce que la jalousie et la méchanceté des autres pouvait provoquer comme rumeur. Celle-ci elle voulait l’éviter à tout prix ; elle ne voulait pas qu’on la traite d’opportuniste, alors c’était important pour elle que chacun entende qu’elle partageait tout ça avec lui sans chercher à rogner ce qu’il avait apporté à ce projet dont il était l’initiateur en vérité. Elle retourna la tête vers Scarlett, laissant un léger soupir de bien-être lui échapper en même temps qu’un sourire quand, la toisant brièvement, elle finit par lui demander avec malice "Tu me cherchais, ou c’est du vrai hasard ?" Chassez le naturel. Jo plissa ses paupières avec suspicion, ne quittant pas la jeune femme des yeux lorsque, la contournant pour reprendre son chemin vers le bar en prenant garde de ne pas perdre l’équilibre à nouveau, elle l’invita du menton à la suivre pour poursuivre leur conversation.

Les soirées ainsi, où le professionnel et le personnel se brouillent, sont toujours à double tranchant pour Scarlett. Elle aime quand les gens baissent leurs gardes après quelques coupes, que les discussions glissent, deviennent plus informelles ; Scarlett, elle, ne perd jamais de vue ses objectifs, et c’est dans ces moments qu’elle peut jouer de la façon la plus fûtée. Mais elle est obligée aussi d’y mettre un peu du sien, d’avoir l’air plus amicale, accessible, et composer avec sa fôrteresse de pudeur. Parfois, elle se dit qu’elle préfère le cadre strict du travail, les réunions dans les bureaux et les langages codés du monde professionnel.

"Tu veux le toucher ?" Scarlett étouffe un petit rire. Les yeux de Jo pétille, on pourrait vraiment croire qu’il s’agit d’une autre proposition - et si leur relation ne prenait pas ce tournant professionnel, Scarlett aurait pû rentrer dans un jeu de flirt avec Jo. Elle est belle, évidemment, mais elle a surtout un aura et une confiance en elle qui attire, et que Scarlett recherche chez les gens avec qui elle passe des soirées sans attaches. Mais Scarlett a d'autres plans en tête pour sa relation avec Jo Carter. Par politesse, elle glissa le bout du doigt sur le petit trophée à la surface lisse et brillante, et hocha la tête d’un air entendu. Pour Scarlett, il ne représentait pas grand chose d'autre que la perspective d’avoir une cliente qui a réussi.  "Y a une rumeur qui dit que c’est comme la lampe d’Aladdin : tu la frottes trois fois en pensant fort à ce que tu désires le plus au monde, et Will Smith surgit pour t’en coller une et te rappeler que les voeux, c’est pour les enfants." Une nouvelle fois, Scarlett a un petit rire. La répartie légendaire de Jo est de la partie, ivresse et grammy ou non. « J’aurais tendance à être d’accord avec lui. Je ne crois pas vraiment aux voeux, plutôt aux efforts. Au risque de parler comme un Ted Talk », elle plaisante avec un sourire en coin.

Jo affirme s’être attendue à cette récompense, et Scarlett se demande si cela est sincère ou si c’est ce que les artistes se racontent pour tenir, se raconter un storytelling. Elle a l’impression que Jo aurait assez d’égo pour le croire honnêtement, ce que Scarlett respecte, elle qui n’a jamais aimé la fausse modestie. Mais elle sait aussi que la carrière de Jo n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. "Ça le sera quand je trouverai Midas. C’est aussi sa victoire." Scarlett hoche légèrement la tête. « Une gagnante bonne joueuse, alors », elle relève. Décidément, Midas semble bien être le talon d’Achilles de Jo. Et Scarlett en prend bien note, si elle doit un jour travailler avec Jo, ou contre elle.

"Tu me cherchais, ou c’est du vrai hasard ?" Lui demande Jo en lui faisant un signe du menton pour que Scarlett la suive. « Du vrai hasard. Que j’aurais un peu forcé si je ne t’avais pas croisée de la soirée », elle réplique, sincère. « Mais simplement parce que je tenais à te féliciter. Ce n’est pas mon genre de pousser quelqu’un quand je lui ai laissé la balle dans son camp », elle ajoute, parce que Scarlett a une réputation assez béton pour ne pas avoir à se mettre à genoux et se couper en quatre pour espérer représenter quelqu’un. Elle laisse les cartes dans les mains de l’autre, une fois qu’elle a abattu les siennes, et les laisse réaliser qu’il s’agit du meilleur deal. « Surtout que je suppose que tout le monde commence déjà à papillonner autour de toi ce soir, non ? Tu as rencontré du beau monde ? » Lui demande Scarlett, curieuse.


@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"Quoi, la petite Scarlett a pas fait de voeux devant ses bougies d’anniversaire quand elle était gamine ?" Jo en avait fait elle, des tas. On lui en laissait l’opportunité à l’époque, comme quoi son enfance n’avait pas été si mauvaise. D’aucun dirait même qu’elle avait eu de la chance étant donné qu’à défaut de pouvoir vraiment être une enfant, elle avait été choyée durant quelques années, avant de revêtir la panoplie de la mauvaise graine qui se rend compte de beaucoup trop de choses pour être capable de les accepter, et qui paye par intermittence son mauvais caractère et sa volonté de se tirer de ce bourbier qu’était l’emprise de son propre père. Elle avait néanmoins toujours eu droit à des fêtes d’anniversaires, à des gâteaux, à des cadeaux, et au moment fatidique de souffler ses bougies sous le regard tendre de parents qui à ce moment-là, semblaient l’aimer pour de vrai, et pas seulement parce qu’elle apportait la perspective d'un quelque chose de plus grand que tout ce qu'ils avaient jamais imaginé pour eux et pour leurs enfants. Elle était moins portée sur les anniversaires aujourd’hui, elle était devenue un peu plus cynique sur le sujet, préférant fêter celui des autres que le sien, mais le concept des voeux faisait partie de ce qui lui avait permis de rester en vie un nombre incalculable d’années, trop têtue, trop fière pour ne pas chercher à réaliser ce pourquoi elle avait fermé très fort les yeux, compté jusqu’à trois, et soufflé en attendant un signe que ça existait, ces choses-là.

Elle avait eu son signe ce soir, elle le tenait entre ses mains pendant que du regard, elle cherchait Midas "Une gagnante reconnaissante surtout. J’ai pas menti dans mon discours, c’est lui qui est à l’origine de tout ça." Elle le répéterait encore et encore, elle n’avait pas de problème à rendre à César ce qui lui appartenait. En l’occurence, la genèse de leur duo, si elle prenait racine un million d'années avant ce soir, elle était le fruit de la persistance du jeune homme qui aurait pu se lasser du chaud et du froid qu’elle soufflait dans sa direction lorsqu’elle lui en voulait encore assez pour le faire tourner en bourrique sans savoir elle-même ce qu’elle attendait de lui. Elle doutait néanmoins que ça intéressait vraiment Scarlett de l’entendre palabrer de longue minute à ce sujet, et même sous son euphorie presque adorable, Jo savait se tenir. Elle réservait sa gratitude à l’égard Midas à ce dernier, et ce plus tard, quand ils rentreraient dans leur bulle qu’ils ne quitteraient que par obligation.

Son chemin engagé vers le bar la fit renouer avec sa malice tandis qu’elle invitait Scarlett à la suivre pour continuer à papoter. De quoi, elle ne savait pas exactement, elle n’avait pas le coeur à négocier quoi que ce soit maintenant, mais c’était exaltant de se sentir courtisée après avoir prouvé qu’elle valait l’attention qu’on lui donnait maintenant. Elle vivait pour ça Jo, pour le sentiment d’être désirée par tous sans intention réelle d’aller jusqu’au bout des choses. Dans le monde du show-business, c’était un pré-requis pour durer, alors elle était dans son élément — sans papillonner, restant aussi inaccessible qu’elle faisait en sorte d’avoir toujours un coup d’avance pour qu’on ne la prenne pas à son propre jeu, et qu’on revienne à chaque fois quémander qu’elle daigne se montrer coopérative "Hm, t’as eu de la chance de tomber sur moi maintenant." C’était plutôt le contraire qui s’appliquait, mais peu importe "J’avais pas vraiment l’intention de m’attarder." lui confia-t-elle en fronçant le haut de son nez, pensant brièvement aux projets qu’elle avait pour après, tout en remontant la piscine pour s’avancer jusqu’au bar, sa tête se tournant vers Scarlett en même temps "Je me disais bien que t’étais pas du genre à insister. Même si l’argument des félicitations ressemble à une excuse, je suis de bonne humeur, et je te laisse le bénéfice du doute — je tourne à rien d’autre qu’au champagne ce soir, merci." lança-t-elle au serveur derrière le bar qui se figura d’un signe de tête de sa requête pendant qu’elle se hissait sur un tabouret haut, prenant grand soin de ne pas poser son Grammy n’importe où, le gardant à bonne distance d’elle pour que personne ne le touche sans son autorisation — c’était le  sien de moitié, il lui appartenait "Tu supposes bien. C’était déjà le cas avant ce soir, mais j’ai rencontré pas mal de monde encore." C’était un euphémisme, son clutch débordait de cartes professionnelles à l’heure actuelle, et ça ne constituait rien d’autre que la norme pour elle qui se gargarisait de ça, ayant attendu trop longtemps d’être sollicitée pour jouer à la modeste. Elle reprit "Ils sont tellement élogieux à propos de mon avenir, ça donne envie." Elle pinça les lèvres, l’un de ses sourcils s’arquant dans la foulée "Ça me forcerait presque à croire les salades qu’ils ont voulu me faire gober pour que j’adhère aux conditions de contrats qu’ils ont tenté de me glisser l’air de rien en me disant que j’étais magnifique, que je le serais encore plus si je travaillais avec eux. Enfin, je vais pas t’apprendre les rouages de ton métier, tu sais comment ça marche." Elle laissa filer un sourire étourdi, sa consommation de champagne rendant moins énigmatique l'air qu’elle voulait se donner, mais elle persista en se mettant à murmurer à l’adresse de la jeune femme, ses lèvres enduites de gloss se mouvant exagérément pour bien se faire comprendre "C’est pas le moment pour que je te donne ma réponse à propos de notre entrevue de l’autre fois. Je suis soule —" Elle l’admettait avec la l’espièglerie d’une enfant prise la main dans le pot de configure et qui défoncée au sucre, ne le regrettait pas le moins du monde, un index surplombé d’une manucure sobre se pointant à distance sur la poitrine de Scarlett "— et je suis peut-être une petite nouvelle dans la game, j’ai quand même retenu une chose : jamais donner son feu vert pour quoi que ce soit quand on a picolé, ou pris de la coke." Habituellement elle ne faisait pas l’un, quand à l’autre, ce n’était même pas la peine d’y penser, bien qu’elle ne s’en offusquait pas, sinon elle ne serait même pas là.

"Quoi, la petite Scarlett a pas fait de voeux devant ses bougies d’anniversaire quand elle était gamine ?" Scarlett se contente de secouer la tête avec un sourire. Si elle avait bu, elle avouerait probablement à Jo qu’elle n’avait pas de bougies d’anniversaire, petite, que sa mère oubliait la date ou était trop occupée à dépenser son argent dans un énième rail de cocaïne plutôt qu’un gateau - et c’est probablement aussi l’une des raisons pour laquelle Scarlett ne boit pas, pour ne jamais avoir la langue qui fourche sur sa vie. Elle sait que son anecdote aurait l’air triste et dramatique, bien plus qu’elle ne l’était en réalité. Ne pas fêter son anniversaire  n’avait rien d’affreux pour l’enfant qu’a été Scarlett, il s’agissait de sa normalité.

"Une gagnante reconnaissante surtout. J’ai pas menti dans mon discours, c’est lui qui est à l’origine de tout ça." Bonne joueuse, ou bonne amoureuse, peut-être, Jo accepte donc volontiers de partager les louanges. Ce n’est pas le cas de tous les artistes que côtoient Scarlett ; ils sont nombreux à aimer réécrire l’histoire pour en être les héros perpétuels et se flatter leurs égos. « Vous êtes un duo qui s’est bien trouvé », commente Scarlett avec un sourire, un petit compliment pour brosser Jo dans le sens du poil sans en faire trop. Elle a bien compris qu’être mielleuse ne servirait à rien avec la chanteuse.

Ni de lui forcer la main. Leur rencontre est sincèrement fortuite, et Scarlett se dit qu’il n’y a pas de mal à en profiter pour faire bonne impression, sans pour autant rentrer dans le vif du pro. Elle sait qu’elle joue le long game avec Carter. "Hm, t’as eu de la chance de tomber sur moi maintenant." Scarlett a un petit rire. « De la chance que tu me tombes dessus, plutôt », elle souligne avec un air mutin. Jo lui est littéralement quasiment rentrée dedans."J’avais pas vraiment l’intention de m’attarder." Scarlett lève un sourcil, curieuse. « Ah ? Tu n’as pas envie de célébrer ta victoire toute la soirée ? » Elle demande. Elle s’imaginait que Jo serait du genre à vouloir profiter des pailettes et de l’attention. Et du champagne, visiblement.

"Je me disais bien que t’étais pas du genre à insister. Même si l’argument des félicitations ressemble à une excuse, je suis de bonne humeur, et je te laisse le bénéfice du doute — je tourne à rien d’autre qu’au champagne ce soir, merci." Elles s’installent au bar, et Scarlett fait un petit signe de la main vers le serveur pour indiquer qu’elle n’a besoin de rien. Elle n’a pas encore terminé son verre de tonic - l’un des avantages de ne pas boire d’alcool et qu’elle ne ressent pas le besoin d’enchaîner les verres comme un petit animal assoiffé et désinhibé. Elle boit une gorgée, et préfère se concentrer sur Jo, la star de la soirée autour de laquelle tout le monde papillonne. "Tu supposes bien. C’était déjà le cas avant ce soir, mais j’ai rencontré pas mal de monde encore. Ils sont tellement élogieux à propos de mon avenir, ça donne envie." Scarlett hoche la tête. « Ils veulent parier sur le cheval déjà gagnant pendant qu’il est encore tant », elle analyse, sans jugement. Elle aussi tentait son coup auprès de Jo, il y a quelques jours de cela. "Ça me forcerait presque à croire les salades qu’ils ont voulu me faire gober pour que j’adhère aux conditions de contrats qu’ils ont tenté de me glisser l’air de rien en me disant que j’étais magnifique, que je le serais encore plus si je travaillais avec eux. Enfin, je vais pas t’apprendre les rouages de ton métier, tu sais comment ça marche." Scarlett a un petit rire, imaginant parfaitement la scène. « Certains ont des stratégies plus ou moins subtiles ou agressives », elle remarque. De son côté, elle sait séduire, mais se positionne plutôt comme quelqu’un de franc jeu - du moins autant franc jeu qu’on peut l’être dans ces milieux-là.

"C’est pas le moment pour que je te donne ma réponse à propos de notre entrevue de l’autre fois. Je suis soule —" Scarlett lève un sourire, ne confirme pas les dires de Jo qui sont pourtant en effet évidents. "— et je suis peut-être une petite nouvelle dans la game, j’ai quand même retenu une chose : jamais donner son feu vert pour quoi que ce soit quand on a picolé, ou pris de la coke." Scarlett plisse les yeux et fait mine d’être impressionnée, dans une rictus exagéré et un brin taquin. « Tu connais la règle d’or, tu n’as peut-être pas besoin de pr après tout », elle plaisante. « Même si la règle d’or devrait plutôt de ne pas prendre de la coke, mais c’est peine perdue d’imposer ça aux gens de ce milieu », elle relève, consciente que la moitié des invités ce soir ont déjà du prendre un rail. « Et je dois avouer que certaines personnes sont plus faciles à supporter et gérer quand elles ont un rail dans le nez. » Appelons ça de l’abus de faiblesse, peut-être, mais Scarlett sait en profiter. Les gens font des choix, elle fait les siens. « Mais tu ne me donnes pas l’impression d’être une starlette qui carbure à la poudre, je me trompe ? » Elle demande, avant de rajouter : « Et avant que tu le relèves, je sais, tu n’es pas une starlette tout court. » Elle ne peut s’empêcher de rire, et de reformuler. « Tu ne me donnes pas l’impression d’être une gagnante d’un grammy qui tourne à la poudre. »


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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"T’es pas la première à le dire." Au sujet du duo qu’elle formait avec Midas. Le clin d’oeil qu’elle lui adressa voulait tout et rien dire, déjà sur le départ pour rejoindre le bar histoire de poursuivre plus ou moins calmement sa conversation avec une Scarlett moins euphorique qu’elle ne l’était. Elle le comprenait dans une certaine mesure Jo, consciente qu’elle devait être ici pour mettre le grappin sur des clients potentiels et faire prospérer son affaire qui semblait bien se porter. Chacun était ici pour des intérêts différents, et Jo ne jugeait personne de vouloir se faire sa place au soleil. Elle réussissait même à comprendre les piques-assiettes, c’est dire à quel point sa clémence était démultipliée ce soir, les paillettes sous ses yeux accentuant l’éclat vivace qui la rendait surement plus accessible pour quelques heures encore. Il était plus de minuit, le délai imparti à son exaltation n’ayant pas été donné, son carrosse l’attendant sagement dans le parking attenant à la propriété, elle se permettrait d’être heureuse au moins jusqu’à demain matin, et elle n’autorisait personne à la juger "T’as vraiment pas envie que je te raconte comment je compte célébrer ma victoire, Scarlett." lui fit-elle sans en dire davantage, ne cherchant pas Midas pour la gloire, mais bel et bien pour rentrer dans leur suite et se défaire des regards pour s’adonner à une afterparty plus engageante encore que celle dans laquelle tous s’étaient rejoints ici. Elle avait envie de célébrer ce triomphe, c’était une évidence que sa consommation de champagne ne pourrait pas démentir, mais elle avait surtout envie de le célébrer avec Midas, et Midas uniquement — avec leurs équipes  aussi évidemment, pourtant ce qui restait plus urgent à ses yeux pour l’heure, c’était de récolter le droit d’enfin pouvoir célébrer un événement pareil ensemble, chacune de leur victoire ayant été jusqu’alors source de désenchantement et d’amertume.

Ce n’était pas le cas ce soir, et la hâte de pouvoir enfin rattraper ce qui leur avait été dérobé dans le passé la rendait plus extatique encore. S’installant au bar, elle n’en perdit pas son orgueil, les propos qu’elle échangeait avec Scarlett dont le choix de vocabulaire la fit tiquer et rire à la fois la poussa aussi à lui dire dans la foulée "Encore une fois, c’est une chance que je sois de bonne humeur, sinon t’aurais jamais osé me comparer à un cheval." Elle sortait de longues semaines de convalescence après avoir physiquement fait regretter à quelqu’un des propos malhonnêtes, et si elle n’était pas prête à recommencer, gardant une certaine honte à ce sujet, son impulsivité n’était pas assez contrôlable pour qu’elle puisse jurer que jamais plus ses doigts n’auraient à en souffrir. Elle remercia le serveur qui lui apporta sa flute de champagne dont elle but une gorgée en arrêtant de rire, songeant qu’au fond, c’était encore le qualificatif le moins insultant qu’elle pouvait essuyer en tant qu’espoir de la pop internationale. Elle était loin d’être naïve Jo, elle savait comment on parlait d’elle. Ça ne la chagrinait pas parce qu’elle avait une politique qui partait de l’idée que tant qu’on parlait d’elle, c’était ce qui comptait ; mais elle était bien déterminée à ce que jamais plus personne ne la sous-estime au point de la comparer à un putain d’animal, quand bien même il s’agissait du plus noble. Savourant son champagne, elle balaya sa rangée de dents du haut d’un coup de langue, et haussa un sourcil à ce que Scarlett ajoutait "La tienne, c’est d’aller droit au but en donnant l’impression à tes cibles que tu les traites différemment des autres, c’est ça ?" Le sempiternel refrain du je suis pas comme les autres, tu sais. A d’autres, Jo en avait connu des beaux-parleurs — hommes ou femmes, dans le milieu professionnel ou pas : c’était du pareil au même "Ça reste du business, tout ça. C’est jamais vraiment toi qui te fais baiser à la fin dans tous les cas, hm ?" Ricanant sans regretter son langage, elle leva sa flûte de champagne devant son propre nez pour porter un toast silencieux à l’adresse de la jeune femme.

Elle posa l’un de ses talons démesurés sur le barreau du tabouret, l’autre pendant au-dessus du sol tandis qu’elle avait croisé les jambes sous le jupon vaporeux de sa troisième tenue de la soirée, la tête inclinée sur le côté "Ça fait partie des relations publiques de faire de la prévention contre les dangers de la drogue ? T’as des histoires à me raconter ? Juré, je suis une tombe." Elle fit mine de sceller ses lèvres avec une clef invisible, la jeta par-dessus son épaule en secouant la tête de droite à gauche, ses yeux se posant brièvement sur son Grammy avant de le délaisser un instant — mais un instant seulement — pour s’intéresser de nouveau à Scarlett "Ouais, ça devait être aussi ce que ce gros porc d’Harvey se disait quand il servait de quoi boire à ses actrices pour les forcer à accepter ses massages. Attention Scar, on est moins indulgents en 2024 avec toutes ces conneries." Elle siffla les dernières gouttes de son champagne en basculant sa tête en arrière, posa son verre sur le bar en se disant que ça y était, elle avait sa dose, et pour cause "Je bois même pas d’habitude. J’aime pas dépendre de saloperies qui annulent la notion de contrôle, même si j’en ai pas beaucoup." Quiconque la connaissait rien qu’un peu le savait, ce serait faire offense à qui que ce soit que prétendre que Josephine Carter était un modèle de maîtrise d’elle-même. Aussi elle préféra taire sa période Xanax ; elle n’avait pas duré, c’était ce qu’il fallait en retenir "Si on travaille ensemble, t’auras pas de soucis à te faire de ce côté-là. En fait, j’aime pas autant que ça les soirées mondaines, et j’ai qu’un seul vice." Là encore, inutile de rentrer dans les détails, le clin d’oeil qu’elle adressa à la jeune femme étant assez équivoque pour qu’elle s’y risque "Tu restes longtemps à L.A. ?" finit-elle par lui demander, l’air de ne pas y toucher.

"T’as vraiment pas envie que je te raconte comment je compte célébrer ma victoire, Scarlett." Le sous-entendu est sans appel, et Scarlett comprend mieux pourquoi Jo cherche avec autant d’intérêt Midas. La grande brune se contente d’hocher la tête avec un sourire mutin ; elle imagine très bien qu’être un couple au sommet de son art doit donner envie de fêter ça ensemble loin des regards et des habits. Scarlett n’aime pas avoir à partager ses victoires avec qui que ce soit, encore moins un homme, mais elle suppose qu’il doit y avoir une certaine connivence lorsque l’on partage un tel moment, où les émotions sont décuplées et à vif.

"Encore une fois, c’est une chance que je sois de bonne humeur, sinon t’aurais jamais osé me comparer à un cheval." Scarlett éclate de rire. « Tu ne laisses vraiment jamais rien passer, hein ? » Elle réplique, le sourcil arqué. Ce n’est pas un reproche, et Scarlett s’amuse même de prononcer cette phrase qu’on lui a adressé tant de fois aussi. Elle est exigeante et son égo précieux, elle ne laisse personne le piétiner, et il semble en aller de même pour Jo. C’est aussi peut-être pour cela que Scarlett supporte de travailler auprès de célébrités, et si elle aime s’en plaindre, une part d’elle comprend leurs orgueils.

Accoudées au bar, Jo commande, et Scarlett l’observe du coin de l'œil. Le corps de la chanteuse est plus détendue, mais elle contrôle toujours parfaitement ses manières, ses battements de cil. Jo Carter semble être inconsciemment toujours prêtre pour séduire. Mais ce soir, c’est les autres qui cherchent à lui plaîre, papillonnant autour de la nouvelle gagnante, la pop star australienne du moment. "La tienne, c’est d’aller droit au but en donnant l’impression à tes cibles que tu les traites différemment des autres, c’est ça ?" Scarlett pince les lèvres, hausse les épaules. « Personne ne veut avoir l’impression qu’on le traite comme les autres, mais personne n’est complètement unique », elle relève, franche. « Mais si tu veux, je peux te donner l’impression que tu es commune, une cible parmi les autres. Pas sûre que ça te plaise », note-t-elle cependant. Elle ne ferait pas l’impression à Jo de lui dire que celle-ci n’est ni la première ni la dernière chanteuse à fort caractère que Scarlett côtoie, même si elle doit avouer que Jo à un je-ne-sais-quoi assez rafraîchissant, comme lorsqu’elle réplique : "Ça reste du business, tout ça. C’est jamais vraiment toi qui te fais baiser à la fin dans tous les cas, hm ?" Scarlett n’est pas gênée de l’admettre et lui répond sans ciller : « Ce n’est pas mon but, non. Je ne fais pas de bénévolat ou de charité. »,

Et elle supporterait probablement beaucoup moins certains clients s’ils ne la payaient pas aussi gracieusement. "Ça fait partie des relations publiques de faire de la prévention contre les dangers de la drogue ? T’as des histoires à me raconter ? Juré, je suis une tombe." Scarlett sourit devant le geste de Jo qui jette une clef invisible derrière son épaule. Mais il lui en faudrait - beaucoup - plus pour trahir qui que ce soit. « Ah, Jo, j’ai bien peur qu’on me paie très cher pour tenir ma langue », répond-elle poliement, au risque de décevoir l’australienne. Mais au moins, cette dernière  peut constater que le professionnalisme de Scarlett reste intact même devant la tentation d’une petite session de gossip.

L’humeur est légère, la conversation dérive. "Ouais, ça devait être aussi ce que ce gros porc d’Harvey se disait quand il servait de quoi boire à ses actrices pour les forcer à accepter ses massages. Attention Scar, on est moins indulgents en 2024 avec toutes ces conneries." C’est une plaisanterie, évidemment, mais Scarlett se raidit. L'ombre de son adolescence plane, et elle la ravale dans un coin de la gorge. « Tu te souviens quand tu m’as dit que tu n’avais aucun tabou mais que remettre en doute ta relation avec Midas, c’était ta limite ? » Elle questionne, rhétorique, avant d’enchaîner : « Pour ma part, ma seule limite que je te demande de respecter, c’est de partir du principe que je ne plaisante jamais avec ces sujets-là. » Et si elle a représenté les pires ordures, elle n’a jamais défendu aucun agresseur - du moins aucun dont elle avait connaissance, car elle n’est pas assez naïve pour croire que tous ces clients sont des oies blanches une fois les chambres d’hôtel fermées.

Scarlett a posé sa limite fermement, et elle peut à nouveau sourire poliment à Jo, et siroter son tonic. "Je bois même pas d’habitude. J’aime pas dépendre de saloperies qui annulent la notion de contrôle, même si j’en ai pas beaucoup." Scarlett plisse les lèvres, plutôt plaisamment surprise. « Tu vois qu’on a un point commun, finalement », elle souligne d’un mouvement de tête.  "Si on travaille ensemble, t’auras pas de soucis à te faire de ce côté-là. En fait, j’aime pas autant que ça les soirées mondaines, et j’ai qu’un seul vice." Scarlett est trop pudique pour détailler, mais elle répond tout de même, amusée, « Deux points communs. » Et elle adresse elle aussi un clin d'œil à Jo, décidant de se caler à sa fréquence.

"Tu restes longtemps à L.A. ?" La questionne Jo, prétendant faire la conversation. « Probablement encore quelques jours, mais je suis attendue à Brisbane. Je ne voudrais pas donner l’impression aux gens que je représente qu’ils valent moins que les pailettes et le glamour de L.A. », elle explique. « Et toi, alors ? Tu vas profiter d’être là pour une petite tournée médiatique, ou l’Australie te manque déjà ? »



@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Non, Jo ne laissait vraiment rien passer. Elle n’était pas une élève brillante, elle n’était pas taillée pour le parcours académique, elle n’était pour autant pas idiote au point de laisser filer des occasions de prouver qu’elle était intelligente et que même sans éducation, elle était capable de faire de l’esprit. Elle n’en ferait surement pas beaucoup ce soir, avinée et extatique, mais elle n’autoriserait personne à l’insulter sans riposter. Elle comprenait néanmoins ce que Scarlett avait voulu dire et elle n’était pas en désaccord avec elle. Battre le fer tant qu’il était encore chaud, profiter d’une brèche pour s’insérer aux côtés de quelqu’un qui finirait le jour d’après dans les listes des espoirs à surveiller, profiter de son éclat pour briller soi-même — elle faisait cet effet-là Jo, elle avait l’habitude d’attirer l’opportunisme, elle savait le reconnaître. Celui de Scarlett restait encore le plus honnête, c’était assez rafraîchissant pour solliciter l'attention d’une Jo qui ne pensait qu’à une seule chose à cet instant-là et c’était de retrouver Midas, d’enlever cette robe, et de s’enfermer dans leur bulle jusqu’à ce qu’on leur rappelle que la gloire venait avec des engagements.

"Me donner l’impression que je suis commune ? T’es peut-être bonne actrice pour ce que j’en sais, mais on sait toi et moi que je suis pas ici parce que je suis commune." Ça la fit rire qu’on puisse tenter de lui faire croire le contraire "Je suis pas assez humble pour croire à ce genre de conneries." Elle avait des tas de choses à apprendre en la matière. Elle entendait ses confrères artistes se cacher derrière leur humilité quand ils passaient leur temps à rouler en grosse voiture et à traîner des diamants à chacun de leur doigt comme si ça n’avait rien à voir, comme si leur richesse n’était pas ostentatoire au point que ça leur faisait perdre toute crédibilité quand ils tentaient d’agir comme des gens normaux. Même Midas, qui était lui réellement humble, savait à quel point c’était hypocrite de le prétendre quand il vivait dans la maison dans laquelle il vivait, quand il prenait l’avion comme s’il s’agissait du premier taxi hélé dans la rue, quand il offrait des cadeaux inestimables à sa fille ou à ses proches ; Jo elle n’était pas intéressée par l’argent, elle était intéressée par le feu des projecteurs, elle n’avait pas le temps de faire semblant d’être simple quand toute sa vie on lui avait répété qu’elle était faite pour briller. Elle le revendiquait aujourd’hui, elle n’en avait pas honte, ne se souciant pas du malaise de ceux qui ne supportaient pas la confiance de quelqu’un qui savait ce qu’il valait — elle savait ce qu’elle valait. Ayant commencé à boire son champagne à petites gorgées, elle délaissa son verre un instant pour s’attarder sur le visage anguleux de Scarlett, et la pointa brièvement du doigt pour lui avouer "J’apprécie ta franchise. T’excites pas, ça veut pas dire grand-chose, c’est juste que j’ai pas l’habitude d’être entourée de gens qui la jouent franc-jeu." Alors elle le dénotait à voix haute, rassurée au fond que dans ce milieu, il y en avait quelques-uns qui n’avaient pas peur qu’on les craigne.

À une époque, elle aurait payé cher pour connaître les petits secrets que cachaient Scarlett sur ses clients, mais aujourd’hui, elle ne se battit pas pour en savoir davantage, balayant la réponse de la jeune femme à ce propos d’un roulement d’yeux plus qu’ostentatoire. Ballant le reste de son verre en inclinant la tête en arrière, elle reposa ses yeux sur Scarlett qui lui fit une mise en garde à laquelle Jo répondit, interpellée au point de la fixer une poignée de secondes de trop sans doute "Ça doit pas être simple d’avoir cette limite dans un monde où on apprend tous les jours que untel est un agresseur." Elle était certaine qu’elle avait entraîné des types avec des casseroles de ce genre aux fesses. Par les temps qui couraient, ce serait un véritable exploit qu’elle ne l’ai pas fait, consciemment ou pas. Elle haussa les épaules, rompant le contact visuel pour lisser le rideau de ses longs cheveux entre ses omoplates, sa tête se secouant pour qu’ils se replacent d’un seul mouvement "Mais d’accord, on va laisser l’humour potache de côté le temps de finir cette conversation." Le champagne la rendait plus docile, ou elle avait elle aussi sa limite dans le genre, qui savait vraiment.

"C’est pas pour autant qu’on va se faire des pyjama party et se tresser les cheveux." Elles avaient peut-être des points communs, ce n’était pas gage de quoi que ce soit du côté de Jo qui décroisa les jambes pour poser ses deux talons sur le barreau de son tabouret sur lequel elle se redressa, élégante malgré son ébriété. L’éclat de son Grammy attira de nouveau son regard, et elle le rapprocha d’elle pour pouvoir le toucher du bout des doigts, en suivant la courbe avec la pulpe de son index avec une délicatesse qu’elle ne réservait qu’à des moments d’intimité plus brûlants que celui-là. Elle ne s’en remettrait pas de cette victoire — et si ça devait être la seule de sa carrière, elle savait qu’elle en parlerait même sur son lit de mort, peut-être en grossissant un peu le trait pour provoquer la convoitise. Elle n’y était pas encore, et inutile de dire qu’elle n’estimait pas ça honnête de prétendre que ce serait la seule de sa carrière, elle comptait bien réitérer. Se concentrant à nouveau sur Scarlett, elle lui demanda "Tu veux pas leur donner cette impression parce que c’est vrai, ou parce que c’est ton boulot de le leur faire croire ?" La nuance toujours. Jo n’était pas très subtile, mais elle saisissait les nuances et savaient les étudier avec une finesse que personne ne devait lui soupçonner. Elle pinça les lèvres, reprenant à la suite pour répondre à la question de la jeune femme "Je vais rester quelques jours encore, mais j’ai des engagements de prévus à Sydney pour la semaine prochaine. Mon prochain titre sort à la fin de la semaine." Et à nouveau, elle la pointa du doigt en lui disant "T’as droit à une exclu, fais en sorte de pas la divulguer avant que je le fasse sur mes réseaux." Même si après les Grammys, toute publicité ne ferait qu’étendre la popularité qu’elle venait de gagner en même temps que ce trophée. Elle ajouta après un temps de silence, ses paupières se plissant en même temps "On aura sans doute l’occasion de se revoir une fois que tout ça sera redescendu." Lui donnait-elle un nouveau rendez-vous ?

"Me donner l’impression que je suis commune ? T’es peut-être bonne actrice pour ce que j’en sais, mais on sait toi et moi que je suis pas ici parce que je suis commune. Je suis pas assez humble pour croire à ce genre de conneries." Scarlett offre à Jo un sourire poli. L’australienne n’a pas tout à fait tort - il n’y a rien de commun à gagner un grammy et sa personnalité détonne et force à prêter attention. Mais elle se gardera bien de dire à Jo le fond de sa pensée : que personne n’est unique, et qu’à force de fréquenter des gens de ces sphères, ils sont devenus son quotidien, quelque chose de commun pour elle. Malgré le métier de Scarlett qui vise à rendre chaque client exceptionnel, il lui est difficile d’accorder ce statut aux autres. Elle est trop dure de ce côté-là. « Je préfère cette attitude à la fausse modestie de certains », lui accorde néanmoins l’anglaise avec un signe de tête entendu. Le numéro de “je suis une célébrité mais je suis comme tout le monde” l’agace au plus haut point.

"J’apprécie ta franchise. T’excites pas, ça veut pas dire grand-chose, c’est juste que j’ai pas l’habitude d’être entourée de gens qui la jouent franc-jeu." Scarlett penche légèrement la tête, accepte le compliment, et comprend bien que les compliments de Jo sont à prendre avec des pincettes et n’engagent à rien. « Et j’apprécie la tienne aussi. » Deux petits compliments, un accord tacite entre les deux brunes, et la soirée peut continuer son cours.

C’est la franchise de Scarlett qui la pousse à poser très vite ses limites, ce que Jo semble comprendre. "Ça doit pas être simple d’avoir cette limite dans un monde où on apprend tous les jours que untel est un agresseur." « Il y a des agresseurs partout », relève Scarlett, son ton soulignant l’évidence, « mais oui, ce n’est pas toujours évident. Mais je suis très claire avec mes clients et ils savent que je ne les représenterais pas s’ils se retrouvent dans ce genre d’affaires. D’autres agences le feront. » Mais pas la sienne. « Cela me fait un tri dans mes clients, généralement. Mais je ne me suis pas faite que des amis avec cette limite », elle note, sa façon à elle de montrer à Jo qu’elle n’a aussi pas peur de se mettre des gens à dos. A l’inverse, elle a aussi eu des clientes qui se sont tournées vers elle car elles apprécient cette prise de position.

L’ambiance est plus détendue, Scarlett relève que les deux jeunes femmes ont peut-être bien finalement des points en commun. "C’est pas pour autant qu’on va se faire des pyjama party et se tresser les cheveux." Scarlett a un petit rire. « Je te rassure, je ne suis pas très pyjama party. » Tout comme les anniversaires, cela n’a jamais fait partie de l’enfance ou même l’adolescence de Scarlett. Tout au plus, elle fuyait chez elle pour se réfugier chez quelques connaissances, mais on était loin de l’image de la pyjama party avec des cadeaux et des friendship bracelets.

La conversation dérive sur le retour en Australie de Scarlett. "Tu veux pas leur donner cette impression parce que c’est vrai, ou parce que c’est ton boulot de le leur faire croire ?" Scarlett plisse les yeux, réfléchissant. « C’est mon boulot, certes, mais je ne me laisse pas non plus aveugler par LA. C’est très stimulant comme environnement, mais il n’a pas que des avantages. Sinon, nous nous serions déjà installés ici, non ? » Elle fait remarquer à Jo.

Or, Jo a sa vie à Brisbane, apparemment. "Je vais rester quelques jours encore, mais j’ai des engagements de prévus à Sydney pour la semaine prochaine. Mon prochain titre sort à la fin de la semaine." Scarlett lève un sourcil. Cela n’a pas encore été annoncé - elle le sait, puisqu’elle suit évidemment toutes les actualités de Jo, prête à se mettre sur le dossier s’il le faut. "T’as droit à une exclu, fais en sorte de pas la divulguer avant que je le fasse sur mes réseaux." Scarlett imite le même geste qu’a fait Jo plus tôt : une clef qui ferme ses lèvres et qu’elle jette par dessus son épaule. « Battre le fer pendant qu’il est chaud, excellente tactique », elle note néanmoins. « Les fans seront ravis. » Et ils sont nombreux et très investis.

"On aura sans doute l’occasion de se revoir une fois que tout ça sera redescendu." Scarlett ne réagit pas, d’abord, à cette annonce, ne souhaitant pas se donner un air victorieux - elle sent que Jo pourrait être le genre de personnes à reculer si on avance trop, dans une sorte de psychologie inversée. « Je l’espère », répond-t-elle simplement avec un sourire. « Tu sais où me trouver, mais je pourrais aussi me manifester, si tu préfères être courtisée. La balle est toujours dans ton camp. »

@Jo Carter  

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@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

Jo ne s’encombrerait jamais de fausse modestie, Scarlett pouvait s’en assurer, et en être rassurée même, si ça lui chantait. Elle apprendrait peut-être à être plus nuancée sur la question, à moins donner l’impression de faire des qualités qu’elle se trouvait une vérité universelle — encore qu’elle faisait la même chose pour ses défauts sans se dire un seul instant que ce serait davantage une bonne chose de les gommer pour qu’ils prennent moins de place que de les revendiquer comme une fierté, en faisant sa marque de fabrique avec, sur les lèvres, un sourire en biais. Elle s’en foutait, particulièrement ce soir où personne ne lui demandait d’être modeste, au sommet de quelque chose qu’elle s’appliquerait à ne jamais plus dégringoler, trop à l’aise dans cette posture pour vouloir retrouver sa pseudo-normalité — pseudo-normalité infestée de prédateurs en tout genre, comme le soulignait la bifurcation inattendue de sa conversation avec Scarlett. Elle devenait sérieuse, et ce n’était pas le mood du soir. Jo n’avait pas envie de palabrer sur les malades du milieu, ceux qui avaient sué sang et eau pour gagner du pouvoir et qui désormais s’en servaient pour semer la détresse. Elle comprenait les valeurs de Scarlett, elle n’était pour autant pas encline à débattre ce soir ; ainsi elle ne lui fit pas remarquer que ce n’était pas difficile de mentir quand on avait des casseroles, et que son agence n’était rien qu’une passerelle entre les coulisses et les médias, pas un cabinet d’avocats. Grand bien lui faisait si elle croyait que tous ses clients étaient des blanches colombes, Jo savait que la dualité était plus facile à mettre en place qu’on se l’imaginait, surtout quand on a la liasse de billets qui va avec. Elle ne dit rien donc, se contenant de la regarder en hochant la tête avant de terminer son champagne et de revenir au moment présent.

"Je préfère New York de toute façon." avoua-t-elle à la jeune femme qui démantelait la légende autour de L.A. pour appuyer sur la manière dont elle gérait ses relations avec ses clients ; en ne les prenant pas pour des idiots, ne se laissant pas aveugler par l’aura de la cité des anges. Là encore, grand bien lui faisait si elle parvenait à rester hermétique à ce qu’apportait l’effervescence de soirée comme celle-ci — ça démontrait peut-être une certaine lassitude de la part de la jeune femme, ce qui n’était pas une bonne chose de l’avis de Jo finalement, ça voulait sans doute dire qu’elle était trop blasée pour continuer à accompagner ses clients, ceux qui avaient de la bouteille comme ceux qui débutaient. Les paupières plissées, elle l’observa le menton incliné sur le côté, mais la tête embrouillée par les bulles de champagne et par ses projets imminents pour terminer la soirée, elle ne réussit pas à mettre le doigt sur ce qui pouvait rendre Scarlett aussi stoïque. En fin de compte, de ça aussi elle se foutait, et tandis qu’à nouveau, elle acquiesça à ce qu’elle disait sur la joie de ses fans d’avoir quelque chose à se mettre sous la dent pour patienter jusqu’à son album, l’équipe de Jo profitant du battage autour des Grammys pour faire-valoir sa réputation grandissante, elle jugea bon écourter, son esprit divaguant à d’autres choses qui n’impliquaient en rien la discussion "Pour ce genre de choses, je préfère faire les choses à ma manière. Tu me verras arriver." lui répondit-elle seulement lorsqu’elles parlèrent de leur prochaine rencontre, laquelle dépendrait de Jo et de sa décision. Elle se leva de son tabouret sans en dire plus à la jeune femme et empoigna son trophée avec la délicatesse d’une mère avec son enfant, le tenant contre elle pour mieux pointer son doigt vers la jeune femme qu’elle gratifia d’une mise en garde informelle "Prends pas de lignes dans les toilettes, vu ? On est au château Marmont, ça aura rien d’original." Pas besoin de baser sa parole sur une histoire en particulier, il suffisait de lire n’importe quelle biographie d’une légende de la musique pour savoir qu’en effet, ça n’aurait rien d’original. Tout comme autre chose qu’elle ne mit pas longtemps à mette en avant, son doigt toujours pointé sur Scarlett "Ni de faire une overdose le soir des Grammys. C’est cheap, tu vaux mieux que ça." En plus, je travaille pas avec les camés, se retint-elle d’ajouter, faisant disparaître sa mine sérieuse pour accorder à Scarlett un dernier clin d’oeil lorsqu’elle passa à ses côtés en tachant de garder son équilibre pour ne pas de nouveau la bousculer. Elles se verraient plus tard, elles discuteraient encore jusqu’à ce que Jo se sente assez désirée pour cesser ses tergiversations. Mais ce soir, elle avait autre chose en tête, et oublia presque tout de ce qui venait de se passer quand enfin, la jeune femme disparut de son champ de vision.

rp terminé.