(wynnum mangrove boardwalk) Il n’a pas été forcé par qui que ce soit à faire cette sortie en famille avec sa soeur mais ce serait mentir que de dire qu’il n’y va pas un minimum à reculons. Il garde en travers leur dernier véritable échange datant de Noël, et il garde en tête la façon dont elle a aussitôt été protégée par Ruben, telle la petite chose fragile qu’elle continue de représenter aux yeux de tous. Ce qu’il ne comprend pas, surtout, c’est qu’elle soit la première à nourrir cette idée alors qu’elle a toutes les cartes en main pour prouver qu’elle est capable d’autre chose et, surtout, qu’elle est capable de mieux. Alors, le paysage de la mangrove défile sous leurs yeux dans un silence relatif, avant que Rhett n’enchaîne dans la discussion avec ses propres arguments. « C’est juste que je comprends pas comment un adulte peut me dire ça sans aucune forme de nuance après toutes ces années. » Ca étant qu’elle soit anorexique. Elle le lui a dit de la pire manière qui soit et bien qu’il puisse comprendre qu’elle a sûrement gardé pour elle ces mots pendant des mois ou peut-être même des années, il pense toujours qu’elle est celle ayant été égoïste à lui parler de cette manière, comme si ses problèmes ne dérivaient finalement que de Rhett - que ce soit de ses agissements ou de ses non-agissements, par ailleurs. L’empathie qu’il ressent pour elle n’empêche pas une certaine colère d’exister.

« Et que t’oses me faire croire que je suis celui qu’a un foutu problème. » A ne pas la comprendre et à ne pas parler la même langue qu’elle. Il la comprend, il visualise bien de quel genre de problème il s’agit. Mais quoi ? Est-ce qu’il a le pouvoir de tout régler en claquant des doigts ? Non. Est-ce qu’elle est la seule à pouvoir se reprendre en main ? Oui, absolument. Et si elle a besoin d’aide alors il se montrera présent ; si elle arrive à poser les mots comme une adulte et non comme une enfant capricieuse et désireuse d’attention, ce qui résume plus ou moins leur repas de Noël. « T’avais qu’à trouver une excuse pour pas être là si le sujet te met autant en colère. » Il passe sans doute un peu trop facilement outre l’importance des fêtes de fin d’année et surtout du fait de les passer en famille mais soit ; là n’est pas le sujet, qu’il aurait tendance à dire dès que ça l’arrange. « Je comprends pas comment tu fais d’un rien un problème. » Il minimise, il hausse les épaules. Elle voulait en parler ? Alors ainsi soit-il. De son côté, il n’a pas promis d’excuses à outrance ni même quoi que ce soit du genre. Ce qu’il a dit, il continue de le penser. Peut-être pas dans la forme, mais au moins dans le fond. En partie.

Tu n’avais pas revu Rhett depuis Noël. Ce repas de la veille de Noël, pour être plus exact, avait été désastreux entre toi et ton aîné et il était maintenant le temps de régler votre différend. Tu avais décidé d’être complètement transparente avec lui, de lui parler à coeur ouvert et de ne pas avoir d’attente envers sa réaction. Rhett n’était pas Ruben. Il n’était pas aussi bienveillant avec toi que votre cadet l’était, mais en même temps, peut-être que c’était ce que tu avais besoin de te faire brasser un peu ? « C’est juste que je comprends pas comment un adulte peut me dire ça sans aucune forme de nuance après toutes ces années. » Alors il te reprochait de ne pas lui avoir parlé de ta maladie sans détour, de ne pas avoir été douce avec lui ? Tu étais tout de même surprise que la discussion se dirige vers comment lui se sentait alors qu’on parlait tout de même de ta maladie. « Je n’avais pas prévu d'annoncer quoi que ce soit le soir de Noël tu sais. » Et pour être complètement honnête, tu n’avais pas décidé d’annoncer un jour ta maladie à votre aîné, ayant beaucoup trop peur de son jugement et de sa réaction pour le faire un jour, malgré qu’Evelyn t’avais dis le contraire. Tu laissais ton regard vagabonder autour de toi, ne te sentant pas prête à affronter celui de Rhett. Tu te sentais comme une petite fille qui se faisait chicaner par son père. « Et que t’oses me faire croire que je suis celui qu’a un foutu problème. » Tu ne comprenais pas trop ce qu’il voulait dire par là. Tu n’avais pas cherché à lui mettre ton problème sur le dos ? Et à vrai dire, tu ne comprenais pas pourquoi il semblait être en colère. Il t’avait blessé par ses paroles. Ce n’était pas plutôt toi qui devrait l’être ? « Hein ? Je ne comprends pas. Tout ce que j’ai dis c’est que tu n’étais pas obligé de te soucier de moi si tu voulais pas en entendre parler de mes problèmes, que je le respecterais. Je ne t’ai rien mis sur le dos. » Tu avais l’impression d’être loin de ton frère, de devoir le rassurer alors que tu aurais aimé qu’il prenne le temps de te demander ce qui se passait avec toi, s’il pouvait t’aider. Tu devais toutefois te rappeler que Rhett n’était pas Ruben. Ce genre de comportement, c’était votre cadet qui l’avait avec toi. « T’avais qu’à trouver une excuse pour pas être là si le sujet te met autant en colère. » Tu commençais à bouillir tranquillement. Tu faisais tout pour essayer de rester calme, de lui expliquer doucement ton comportement, d’être une adulte et d’être dans la conversation plutôt que la confrontation, mais tu ne pourrais pas supporter longtemps de te faire mettre sur le nez que c’était toi le problème dans tout ça. « Parce que j’aurais dû prévoir que tout d’un coup, tu porterais des jugements sur ce que je mange ou non ? Ou des petits commentaires pas subtiles sur mon physique ? Désolé d’avoir voulu passer Noël en famille. » Tu tiras sur ton chandail, essayant de camoufler un peu tes clavicules, trop creuses, de dissimuler le haut de ton corps à l’intérieur de ce morceau de vêtement que tu avais choisi trop ample. « Et au final passer les fêtes seule dans mon appart pourri ? C’est vrai que ça aurait probablement été mieux pour moi. » Tu étais bien sûre sarcastique. Au final, tu avais vraiment essayer de manger ce que tu avais cuisiné avec ta mère. Tu avais essayé de faire de votre veille de Noël une soirée réjouissante même si ça avait été un échec. « Je comprends pas comment tu fais d’un rien un problème. » Il fallait que tu te rendes à l’évidence qu’il ne comprenait pas ce que tu traversais. En même temps, est-ce qu’il cherchait à vouloir comprendre ou bien il voulait juste te mettre sur le nez que tu n’avais pas été la personne qu’il est habitué que tu sois ? « Tu peux me préciser ce que tu qualifies comme un rien ? »

« Je n’avais pas prévu d'annoncer quoi que ce soit le soir de Noël tu sais. » Non, effectivement, il aurait pu s’en douter simplement à juger la façon dont tout a tourné. Elle a réagit comme une enfant vexée qui décide d’être celle hurlant la plus fort en guise de seul axe de réponse possible et Rhett peine à lui pardonner la façon dont elle a décidé d’appréhender les choses. Ils ont tous leurs problèmes, mais même Ruben n’aurait pas annoncé les choses de cette façon, et lui en attendait plus de la part d’Ethel. Il attendait mieux, tout simplement. « Hein ? Je ne comprends pas. Tout ce que j’ai dis c’est que tu n’étais pas obligé de te soucier de moi si tu voulais pas en entendre parler de mes problèmes, que je le respecterais. Je ne t’ai rien mis sur le dos. » Rhett ajoute un rire nerveux en guise de réponse. Tout ce qu’elle a fait, c’est gâcher Noël et forcer l’intérêt autour de sa personne pour des choses qui n’ont rien de positives ni remarquables - et s’il était à un cran dessus de la colère, il ajouterait que c’est sûrement parce qu’elle ne fait rien de positif et surtout rien de remarquable. Ethel va là où le vent la mène mais elle ne dirige ni la force, ni la direction de ce dernier. « Mêle plus Jackson à ce genre de choses. » Le sujet de leur aîné disparu n’est pas tabou, du moins pas totalement, mais Rhett refuse qu’il s’ajoute aux conversations en guise d’argument de dernier recours et qu’ils le fassent discuter et agir comme s’il y avait la moindre chance qu’il réaparaisse. Il est mort et le restera, les Jackson aurait… n’ont pas leur place entre eux. Ils ont encore moins leur place entre eux alors qu’elle l’a utilisé pour défendre sa propre cause, laquelle n’a aucune sorte d’importance en comparaison du deuil qu’ils continuent tous de porter.

« Parce que j’aurais dû prévoir que tout d’un coup, tu porterais des jugements sur ce que je mange ou non ? Ou des petits commentaires pas subtiles sur mon physique ? Désolé d’avoir voulu passer Noël en famille. » Plus le temps avance et plus il pense qu’elle devrait effectivement être désolée. Elle est une adulte qui ne sait pas faire face aux choses de la vie et dès qu’une contrariété survient, elle explose. Personne ne retourne jamais rien contre elle parce qu’elle est transparente mais Rhett a dérogé à la règle et voilà maintenant qu’ils en payent tous les deux le prix à devoir faire une foutue retraite spirituelle en bordure de la ville. Il perd son temps, et elle aussi. « Et au final passer les fêtes seule dans mon appart pourri ? C’est vrai que ça aurait probablement été mieux pour moi. » - « Ça aurait peut-être été mieux, ouais. » Il rétorque froidement, bien qu’ayant compris toute l’ironie des mots de sa sœur. Si elle avait opté pour cette solution, ils n’en seraient pas encore au point de parler de Noël alors que la fête est passée depuis des semaines. Il souffle un instant et se reprend. « Si t’es pas en état de faire face aux contrariétés, je vois pas l’intérêt. » Elle pourrait en dire de même pour la relation de Ruben et Rhett, sûrement, mais c’est aussi la seule manière dont les deux frères se montrent leur amour - et puis ils ne peuvent pas se permettre de rayer les trois derniers membres de la fratrie des invitations à Noël, sinon plus rien n’aurait de sens. « Tu peux me préciser ce que tu qualifies comme un rien ? » Il voit très bien où elle va et il voit surtout qu’elle cherche la petite bête. Elle sait que Rhett a appris à ne jamais reculer ni abandonner, ce qui était initialement un concept pour le rugby mais qu’il applique depuis tout aussi longtemps dans sa vie de tous les jours, pour le meilleur et pour le bien moins meilleur. « On s’en moque de ce que tu manges ou non, c’est assez clair comme ça ? » Lui, tout ce qu’il pense, c’est qu’ils vivent à une époque où tout le monde met des mots bien trop dramatiques sur des faits du quotidien qui le sont bien moins - comme ce médecin qui avait osé lui demander s’il s’agissait d’une tentative de suicide, à l’époque. « C’est des problèmes d’adolescentes Ethel sérieux, grandis un peu. Fais quelque chose de ta vie. » Elle devrait se concentrer sur ce qui importe vraiment plutôt que de ponctuer les repas de famille avec ce qui se trouve ou non dans son assiette. Ce n’est pas comme ça que les parents pourraient arriver à être fiers d’elle pour de véritables raisons autre que le simple fait qu’elle soit leur fille.

« Mêle plus Jackson à ce genre de choses. » Tu devais avouer que tu avais été maladroite en parlant de votre aîné ce soir-là. Tu avais voulu qu’il soit présent à votre soirée de Noël en mettant des photos de lui dans ton montage que tu voulais projeter sur la télévision pendant que vous développiez vos cadeaux et au final, tu en avais parlé pendant un conflit. Et vous n’aviez pas regarder les photos. Malgré que la soirée avait finit dans un semblant de douceur, tu devais admettre que ça avait été tout un flop même si à la base, tu avais essayé de faire en sorte que tout se passe parfaitement. Il était peut-être là le problème, tu avais mis trop d’espoir alors que votre famille n’était pas la famille parfaite des téléséries américaines à l’eau de rose. « Je te l’accorde, c’était maladroit de ma part et je m’en excuse. » Même si Rhett pouvait te reprocher mille choses, il ne pouvait tout de même pas te reprocher d’être bornée et de ne pas savoir reconnaître tes torts. Après tout, tu étais probablement la seule à être capable de le faire de vous trois. Tu pouvais comprendre que ça avait blessé ton aîné d’avoir osé prononcé le nom de votre aîné alors que tu savais très bien que ton deuil n’était pas encore fait, mais que celui de tes frères ne l’était probablement pas fait non plus. Tu espérais également que le fait de t’excuser de l’avoir fait détendrait un peu Rhett et qu’il accepterait d’être un peu plus attentif à ce que tu avais à dire et à être un minimum plus ouvert à la discussion.
« Ça aurait peut-être été mieux, ouais. » La froideur de ses paroles te fit la sensation d’un poignard planté directement dans ton coeur. Après toutes ces années, son indifférence te surprenait encore et te faisait tout aussi mal. Tu te rappelais les paroles que tu avais dites à Ruben et compris encore mieux l’importance que tu devais accorder à te détacher de tes frères un peu plus et de leurs opinions sur toi. « Si t’es pas en état de faire face aux contrariétés, je vois pas l’intérêt. » Tu attrapas ton paquet de cigarette, en coinça une entre tes lèvres et l’alluma. Tu savais que la nicotine t’aiderait à garder ton calme, à faire face à ces dites contrariétés. « Je pensais seulement qu’on était tous capables d’y mettre de notre, de faire une trêve le soir de Noël et faire plaisir à maman et papa, non pas qu’on se gueulerait tous dessus comme si on avait encore dix ans. » Tu tiras une bouffée sur ta cigarette. « Et mets pas tout sur mon dos. Je suis prête à prendre mes tords, mais ce n’est pas que de ma faute si tout à dégénéré. » Tu étais peut-être la plus faible de vous trois, celle qui avait le plus de difficulté à surfer sur la vague, mais tu n’étais pas prête à prendre tous les blâmes. Tu avais toutefois l'impression que Rhett tentait de le faire. Tu étais capable d’introspection, tu t’attendais à ce qu’il essaie un peu de faire la même chose.
« On s’en moque de ce que tu manges ou non, c’est assez clair comme ça ? » Il était tellement prévisible. Si tu avais caché ton trouble alimentaire depuis toutes ses années, c’était parce que tu savais qu’il ne comprendrait pas. Tu ne t’étais toutefois pas attendu à autant de méchanceté. « Clair oui, mais tes pas obligé d’être méchant. » Tu détournas le regard, essayant de cacher les larmes qui commençaient à monter tranquillement. Parce qu’on delà de dire qu’il se foutait bien de ce que tu mangeais, c’était aussi d’avouer qu’il se foutait de toi au final. « C’est des problèmes d’adolescentes Ethel sérieux, grandis un peu. Fais quelque chose de ta vie. » Il allait encore plus loin, attaquant ce que tu faisais de ta vie directement. Il ne savait pas à quel point tu étais angoissée, que tu savais que tu déçevais tout le monde et que tu trouvais ça difficile de ne pas avoir été reconnu pour rien alors que tu te retrouvais entre un sportif reconnu mondialement et un neurochirurgien qui avait un avenir plus que prometteur. « C’est vraiment génial de savoir ce que tu penses réellement de moi. » En allant à cette rencontre avec lui, tu savais que tu ne risquais pas de repartir avec un câlin et de beaux mots pour ta personne, mais tu ne te doutais pas qu’il serait aussi condescendant. « J’m’attendais pas à ce que tu comprennes, mais j’avais le goût de croire la personne qui m’a dit de te parler de mes difficultés, que tu voudrais être présent comme j’ai été présente pour toi après ton retour, mais au final, j’aurais dû me fier à mon instinct. » Tu pensais qu’Evelyn le connaissait assez bien pour avoir raison, mais non, tu comprennais assez brutalement que tu avais eût raison encore une fois. « C’est pas parce que j’ai pas mon nom affiché partout et que je ne sauve pas de vie que je ne suis pas quelqu’un de bien. » Tu essuya d’un geste rageur les larmes qui avaient commencé à couler doucement sur tes joues. Tu étais en colère de ne pas réussir à les retenir devant Rhett. Tu doutais bien que ça ne ferait que l’exaspérer que tu réagisse de cette manière.

« Je pensais seulement qu’on était tous capables d’y mettre de notre, de faire une trêve le soir de Noël et faire plaisir à maman et papa, non pas qu’on se gueulerait tous dessus comme si on avait encore dix ans. » - « T’es plus une enfant, comprends enfin que c’est un jour comme tous les autres. » Et que le monde des adultes n’est pas celui des bisounours, parce qu’avoir une opinion différente sur bien des sujets ne l’empêche pas d’aimer son frère. Qu’il le dise à travers les reproches n’est qu’une façon pour l’un l’autre de se pousser vers quelque chose de meilleur. Ce qu’il pense, surtout, c’est que cela ne regarde en rien Ethel ; et si elle a cette fois-ci été mêlé à la discussion, c’est parce qu’elle n’a pas su être une personne normale qui profite d’être autour d’un bon repas pour justement le manger. « Et mets pas tout sur mon dos. Je suis prête à prendre mes tords, mais ce n’est pas que de ma faute si tout à dégénéré. » Il hausse les épaules. De son point de vue, tout n’a pas dégénéré: elle s’est emportée et ce n’est pas une chose dont ils ont l’habitude, mais c’est tout ce qu’il pourrait réellement noter de leur échange. Lui et Ruben ont eu leurs différends, comme d’habitude. Du reste, ça n’a pas grande importance, et il ne comprend pas pourquoi ils en sont encore à reparler de la même chose, des mois plus tard. « Tu exagères. » Sur le fait que tout puisse avoir dégénéré, non sur son implication. Il ne la tient pas coupable, mais il est au moins capable de continuer à penser qu’elle exagère très largement tout ce qui s’est passé.

« Clair oui, mais tes pas obligé d’être méchant. » Une fois de plus, il se retient de rouler des yeux en même temps qu’il se retient de souffler, autant d’efforts qu’ils n’auraient pas fait s’il avait été question de qui que ce soit d’autre que sa petite sœur. Il a pourtant l’impression d’avoir à faire à une enfant encore en âge de parler du monde qui l’entoure en tant que gentil ou méchant. Elle devrait avoir dépassé tout ça, non ? Rhett ne lui recommandera pas une seconde fois de “grandir un peu”, mais force est de constater qu’il n’en pense pas moins. « C’est vraiment génial de savoir ce que tu penses réellement de moi. » Il l’entend renifler et tenter de contenir ses larmes mais il garde ses mains au fond de ses poches, notamment parce qu’il ne saurait pas quoi faire de plus et qu’à en juger par la teneur de leur discussion, la prendre dans ses bras serait contre-productif. « J’m’attendais pas à ce que tu comprennes, mais j’avais le goût de croire la personne qui m’a dit de te parler de mes difficultés, que tu voudrais être présent comme j’ai été présente pour toi après ton retour, mais au final, j’aurais dû me fier à mon instinct. » - « Je t’ai jamais rien demandé. » Il rétorque rapidement avec le tranchant honnête que tout le monde lui connaît, lequel l’est toujours davantage alors qu’il est question de lui-même et de ses faiblesses: il est hors de question que cette discussion dérive sur tout ce qui a rapport à son addiction, à sa cure, à Evelyn, ou à Dieu sait quoi encore le concernant. Il a des putains de problèmes, mais aucun qui ne concerne Ethel, pas même celui pour lequel elle a jugé nécessaire de vivre chez lui pour le chaperonner alors qu’il préférait encore la mauvaise influence de Mickey et ses yeux doux sur son canapé. « C’est pas parce que j’ai pas mon nom affiché partout et que je ne sauve pas de vie que je ne suis pas quelqu’un de bien. » Son regard las se reporte sur l’horizon, laissant ainsi sa petite soeur se débattre avec ses émotions. « Je m’en fous de ça. » Pour lui, à titre purement personnel, c’est effectivement important. Mais pour sa sœur, il sait très bien que cela ne l’attire pas, et il ne sera pas celui lui inventant des objectifs impossibles. « Mais occupe toi un peu de ta vie plutôt que de vouloir réparer les nôtres. On s’en sort bien. » Il s’en sort pas vraiment bien, mais au moins il s’en sort, et le même constat s’applique à leur infidèle de benjamin. « Si t’avais d’autres choses à penser dans la vie, t’accorderais pas autant d’importance au moindre mot que je te dis. » Et ça, ça lui ferait quand même une belle jambe, parce qu’il en a marre que chaque réunion de famille traîne ensuite pendant des semaines, le temps d’essuyer les reproches à tout va. Pas étonnant qu’il ait changé d’avis et veuille désormais construire sa propre famille. « T’es en train de pleurer pour des trucs que je t’ai dit y’a deux mois, et tu vois pas le problème ? » L’éternelle demande revient à la charge: grandis, Ethel.

« T’es plus une enfant, comprends enfin que c’est un jour comme tous les autres. » Toi qui adorait les décorations, les cadeaux, les repas en famille jusqu’à tard dans la nuit, les chansons typique du temps des fêtes et tout ce qui se rapportait à Noël, tu avais de la difficulté à comprendre pourquoi Rhett voulait à tout prix que tu laisses tout ça de côté. Il y avait une journée dans l’année que tu tenais à passer en famille, pas cinquante-deux. Tu décida de ne pas passer de commentaire. Tu sais que ça ne changerait rien et tu n’avais pas envie de mener cette bataille alors qu’il y avait autre chose qui te tenait plus à coeur. « Tu exagères. » Tu ne pu retenir un soupir. À l’entendre parler, tu étais le problème dans cette discussion, dans cette famille en fait. Le différent qu’il y avait entre toi et lui était causé par ton comportement et il n’en tenait qu’à toi de changer et de t’excuser. Tu refusais toutefois de le faire, même si ça faciliterait la chose… Tu décida de tirer sur ta cigarette à la place, de retenir ta respiration pour essayer de remettre tes idées en place en même temps et laisser tranquillement ressortir la fumée de tes poumons. La discussion se dirigea sur ce qu’Evelyn lui avait dit sur le fait qu’il voudrait sûrement te donner un coup de main, savoir ce qui se passait avec toi pour être capable de t’accompagner. « Je t’ai jamais rien demandé. » Par chance que tu ne t’attendais pas à un merci puisque tu savais pertinemment que ça ne viendrait jamais. Il préférait encore admettre qu’il l’avait fait pour te sortir de ton appartement pourri que parce qu’il avait besoin d’une présence. Tu te retourna vivement vers lui, planta tes yeux dans les siens. « Et si moi je te le demande ? J’y arrive plus Rhett. J’suis plus capable de me garder la tête hors de l’eau. » La sincérité dont tu faisais preuve te prenait au dépourvu. Tu n’étais pas habituée d’être aussi directe avec ton aîné, préférant le tenir loin de tes problèmes et de tes difficultés pour ne pas terminer plus blessé qu’avant lui avoir parler. Tu retourna ton regard vers la mangrove, ayant peur soudainement de sa réponse, mais tu ne pouvais pas reculer et rattraper tes paroles. Tu saurais toutefois à quoi t’en tenir par la suite. Il ne suffisait toutefois qu’à te regarder pour savoir qu’effectivement, tu ne t’en sortais pas toute seule. Ton teint terne, tes cernes, tes joues creusées et tes clavicules saillantes malgré ton chandail trop grand trahissaient ton état d’esprit. « Je m’en fous de ça. Mais occupe toi un peu de ta vie plutôt que de vouloir réparer les nôtres. On s’en sort bien. » Tu essayas de te convaincre que ses paroles se voulaient légèrement rassurantes et non comme des reproches alors que tu avais de la difficulté à y lire autre chose que le fait qu’il te trouvait étouffante. Tout ce que tu faisais pour eux était pour les aider, pour te rassurer par le fait même lorsque tu constatais qu’ils allaient effectivement bien. « Si t’avais d’autres choses à penser dans la vie, t’accorderais pas autant d’importance au moindre mot que je te dis. T’es en train de pleurer pour des trucs que je t’ai dit y’a deux mois, et tu vois pas le problème ? » Tu sortis ton cendrier portatif de ta poche pour écraser ton mégot de cigarette à l’intérieur de celui-ci. « Je t’ai vraiment cru tu sais quand tu m’as dit que l’on en reparlerait… Et tes paroles à Noël ne sont même pas blessantes à comparer des reproches que tu me fais aujourd’hui… » Tu essuyas encore une fois les larmes que tu n’étaient pas capable de retenir d’un geste rageux, honteuse de ne pas être capable de les retenir. « Mon plus gros problème, c’est que je passe mon temps à essayer que vous n’ayez pas honte d’être mes frères. Même pas fier. Juste… Ne pas être un échec. Et j’y arrive pas. J’vous arrive pas à la cheville. Et je le sais. Et oui, vos paroles m’affectent beaucoup plus que ça ne devrais, mais j’arrive pas à faire autrement. Vous avez de grosses carrières, vous êtes des hommes plus que respectables et oui, votre opinion à toi et Ruben comptent plus pour moi que probablement tout au monde. » La gorge nouée, tu avais peur de la réaction à Rhett, mais il ne pouvait pas te reprocher de ne pas être honnête… Tu rajoutas dans un souffle, un peu plus pour toi que pour lui : « Désolé de ne pas être la soeur forte et indépendante que tu aurais probablement préférée avoir... »

« Et si moi je te le demande ? J’y arrive plus Rhett. J’suis plus capable de me garder la tête hors de l’eau. » Et il se demande ce qu’elle attend de lui, en réalité. Elle a ses problèmes, il a les siens, et à aucun moment il n’a attendu d’elle qu’elle les résolve. Elle attend le contraire de lui, sans qu’il ait jamais voulu lui proposer son aide, bien au fait qu’il ne pourrait justement pas aider sur ce point. Être son frère devrait lui suffire, ne pas pouvoir un jour la virer de son existence devrait être une base suffisante sur laquelle s’appuyer. Peu importe ce qu’elle dit ou fait, il sera toujours là pour elle et ce devrait tout de même être suffisant, non ? « Qu’est ce que tu veux, en fait ? » Il ne comprend pas de quoi elle se plaint et, surtout, il ne comprend pas ce qu’elle attend de lui au-delà de tout ça. Il n’a jamais été celui capable de l’aider et la faute ne se résume pas uniquement aux milliers de kilomètres qu’il a longtemps mis entre eux ; rien ne saurait subitement changer aujourd’hui après un Noël catastrophique. Rhett est de ceux qui vont droit au but: comme sur le terrain, les apitoiements et les larmoiements lui semblent parfaitement artificiels. « Je t’ai vraiment cru tu sais quand tu m’as dit que l’on en reparlerait… Et tes paroles à Noël ne sont même pas blessantes à comparer des reproches que tu me fais aujourd’hui… » Elle pleure une fois de plus et il se demande combien de temps cette balade peut encore durer. « Et on fait quoi là à ton avis ? » Ce n’est pas parce que la discussion ne va pas dans le sens qu’elle le désire qu’ils ne sont pas en train de discuter, là. Il n’a jamais été du genre à retenir ses paroles, cela n’a rien de nouveau et il ne comprend pas à son tour comment Ethel peut oser jouer l’étonnée à un tel point. Il est difficile avec elle uniquement parce qu’ils ne sont plus que tous les deux et qu’il n’y a pas Ruben pour accaparer de son attention et de son exaspération.

« Mon plus gros problème, c’est que je passe mon temps à essayer que vous n’ayez pas honte d’être mes frères. Même pas fier. Juste… Ne pas être un échec. (…) » Il passe une main contre son front, ses doigts massant ses tempes douloureuses tant il est fatigué d’entendre son discours, encore et encore. Tout n’est pas dû au simple fait que Ruben et lui aient réussi dans la vie et que ce n’est pas son cas à elle: cela ne peut pas tout expliquer et bien loin de là. « J’y peux rien à ça, Ethel. » En d’autres termes, qu’elle arrête de se plaindre et qu’elle tente plutôt de mettre les choses en place et sa vie en ordre pour arriver à réussir ses objectifs de vie, quels qu’ils soient. Aussi bas puissent-ils être. « On a pas honte de toi, alors arrête de te tourner en ridicule. » Elle invente des problèmes qui n’existent pas et elle en fait justement un problème avec leurs propres parents qui, eux, n’ont rien demandé. « Désolé de ne pas être la soeur forte et indépendante que tu aurais probablement préférée avoir... » - « Merde Ethel, tu sais faire autre chose que te plaindre ? » Et peut être que oui, il est déjà au bout de sa patience. « Si tu comptes pas changer de discours, autant arrêter là, ça sera plus rapide. »

« Qu’est ce que tu veux, en fait ? » Tu passas ta main dans tes cheveux, prenant un moment pour penser à sa question. Tu ne savais pas vraiment en fait ce que tu attendais de lui. Peut-être qu’il soit un grand frère protecteur, qu’il te prenne dans ses bras, qu’il te dise que tout irait bien un jour. C’était utopique comme pensée et tu ne pouvais pas lui demander tout ça, tu le savais bien. C’était Jackson qui était bon pour te rassurer, mais il était parti depuis bien longtemps et ton cadet prenait la relève sans que ça ait l’air d’être une corvée pour lui. Il allait bien falloir que tu apprennes à te contenter de ça. Rhett serait présent pour s’amuser ou bien lorsque tu aurais réalisé quelque chose de bien. Et encore. Il fallait voir comment il réagissait lorsque Ruben racontait une opération qu’il avait faite… Il avait de la difficulté également à se réjouir pour ses frères et soeurs. Plus tu poussais ta réflexion, plus tu avais l’impression qu’au final, vous n’étiez qu’une épine désagréable dans son pied. « Juste sentir une fois de temps en temps que si je disparaissais tu t’en apercevrais au moins… » Tu essuya une fois pour toute les larmes sur tes joues, ayant réussi à les arrêter, et soupira. Tu savais pertinemment que ton frère allait encore une fois de plus être agacé par ta demande et que tu pouvais t’attendre à ce qu’il mette fin à votre sortie entre frère et soeur. Tu avais l’impression qu’il n’y aurait pas de fin heureuse à cette conversation et que tu ne le reverrais pas de sitôt. En même temps, un peu de distance te ferais probablement du bien et serait probablement positif pour ta guérison même si tu ne voulais pas en venir là. Lorsque tu mentionna à Rhett que tu aurais aimé sentir qu’ils ne pensent pas que tu étais un échec sur deux pattes, sa réponse te fit l’effet d’une douche froide. « J’y peux rien à ça, Ethel. » Étonnamment, tu aurais aimé qu’il tente pour une fois de te rassurer, mais encore une fois, il enfonçait le clou. Tu ne pouvais pas lui reprocher d’être honnête toutefois. « On a pas honte de toi, alors arrête de te tourner en ridicule. » Ses paroles te surprirent. C’était la première tentative de parole gentille qu’il avait envers toi. Tu avais l’impression que c’était les seules que tu aurais, surtout qu’elles étaient doublées d’un jugement. Tu préféra faire comme si tu n’avais pas entendu la dernière partie de sa phrase. « Merde Ethel, tu sais faire autre chose que te plaindre ? Si tu comptes pas changer de discours, autant arrêter là, ça sera plus rapide. » Tu tirais et tortillais le bas de ton chandail avec tes doigts si fort que tu avais l’impression que ce dernier serait déformé pour de bon sans possibilité de lui rendre sa forme originale au lavage. « J’me plains pas. J’voulais juste pour une fois te dire comment j’me sens. Mais j’ai compris, je vais te laisser tranquille. J’t’en reparlerai pas et t’inquiète, j’t’en veux pas. » Ça ne se voulait même pas dramatique comme conclusion. C’était seulement une constatation. Tu ne voulais pas ruiner la relation que tu avais avec lui. Faire semblant que tout allait bien lorsque tu voulais c’était tout de même mieux que ne plus avoir de ses nouvelles du tout parce que tu lui tombait sur les nerfs. De toute manière, tu avais toujours simulé avec lui que tout allait bien, ça ne ferait pas changement.