"T’as quand même une façon bien particulière de traiter tes clients." Scarlett lève à peine le sourcil et répond d’une voix posée : « Et toi de traiter tes potentiels futurs collaborateurs. » Elle a un sourire en coin, parce qu’elle ne le dit pas comme un reproche, simplement une façon de rappeler à Jo que de ce côté-là, il faut deux personnes pour mener une telle danse. Scarlett s’ajuste au change qu’on lui donne.

Evidemment, à force d’être sur le fil constant, on finit par toucher la mauvaise corde. Scarlett finit par le comprendre, peut-être un peu trop tard, mais Midas est le talon d’Achilles de Jo. Ou peut-être l’inverse, une faiblesse qui en devient sa force, car son attitude se raidit instantanément et elle est prête à attaquer à nouveau. Elle énumère les victoires de Midas et Scarlett lève le menton, à peine dans la défiance, parce qu’elle entend ce que Jo lui dit, mais que cela ne change rien à sa pensée de fond ; on peut être un artiste vendeur et pourtant sortir d’un télécrochet. Même s’il est vrai que Midas a su se détacher de son image, mais faire un duo avec lui rappelle ses racines et celles de Jo au passage, ça aussi c’est un fait. Mais Scarlett sent qu’il n’est pas la peine d’exposer son argumentaire. La conversation s’est embrayée. "Tu veux travailler avec moi ? Le sous-estime pas, et c’est pas un conseil, c’est un ordre." Scarlett ne réagit pas, parce qu’elle sait se tenir même lorsqu’elle perd de sa patience légendaire, alors elle plisse simplement les sourcils, penche la tête, et répond calmement. « Et je suivrais tes ordres si nous travaillons ensemble, pas avant. » Mais parce qu’elle ne va pas crisper la conversation plus longtemps, elle rajoute, sincère. « Mais j’en prends note, et pour ce que ça vaut, qu’il soit ton petit-ami ou non, je suis d’accord qu’il a une carrière impressionnante. » Elle ne le sous-estime pas, loin de là.

"J’ai compris ça, c’est pas ce que je te demande. Ce que je veux savoir, c’est si tu sauras rester à ta place. Faire de la relation publique, c’est pas être assistant personnel ou agent de célébrité. J’ai pas besoin que t’interviennes dans ma vie privée, encore moins que tu te sentes pousser des ailes en me donnant ton avis ou en me donnant des conseils sur autre chose que sur ma communication dans les médias, c’est clair pour toi ?" Les besoins de Jo sont clairs et Scarlett apprécie que celle-ci pose ses limites. En réalité, nombreux sont ses clients qui font appel à elle en dehors de son rôle de base, ce qui a plutôt tendance à la fatiguer. « Je peux t’assurer que j’aurais autre chose à faire. Mais si tu me trouves trop envahissante, je te fais confiance pour me le signaler », note Scarlett.

"Je comprends l’idée d’anticipation, surtout si on prend en compte ma personnalité. Je comprends le besoin de connaître des choses à mon sujet pour mieux nous représenter, moi et mes intérêts. Mais j’ai jamais été un livre ouvert, c’est difficile pour moi." Un instant de sincérité dans la petite joute verbale à laquelle elles se livrent, Scarlett ne le relève pas, laissant à Jo la liberté de continuer dans ce sens ou de changer de sujet. "Je le deviendrai pas du jour au lendemain sous le prétexte que t’es du genre à pousser dans les retranchements pour obtenir ce dont t’as besoin pour faire du bon boulot. Je suis honnête, reste que j’ai pas envie d’exposer certaines choses à propos de moi." Scarlett hoche la tête, et cette fois-ci, répond d’une voix beaucoup plus calme et sincère : « Et je l’entends et c’est quelque chose que je peux respecter. Je pense qu’on peut trouver un juste milieu. » Malgré son image parfois tranchante, Scarlett sait tout à fait faire des compromis, sinon comment en serait-elle arrivée-là dans sa carrière ? Tout ça, c’est le nerf de la guerre, en réalité.

"Et donc, c’est quoi la différence entre ton boulot et celui d’un agent ? Parce que là, j’ai beau savoir que je suis pas demeurée, j’ai du mal à faire la distinction. J’ai l’impression que ce que tu me proposes là, c’est déjà ce que fait mon agent, et je saisis pas la nuance, alors explique-moi pour m’aider à prendre ma décision et envisager de te faire confiance." C’est une question qui revient souvent, et Scarlett fait attention d’y répondre sans prendre Jo de haut ou lui donner l’impression de lui faire une exposé comme si la chanteuse était stupide. « Ton agent gère tes contrats, tes finances, ton emploi du temps, ta carrière, tes opportunités professionnelles, facilite ta vie quotidienne. Le pr se concentre plus spécifiquement sur ton image, ton marketing, ta communication, l’opinion du public et des médias sur toi. Les deux vont de pair, peuvent parfois se recouper, mais je ne marcherais pas sur les plates bandes de ton agent. » C’est la façon la plus simple d’expliquer sans trop rentrer dans les détails. Mais elle sent bien que quelque chose n’a pas encore cliqué pour Jo - et que ça n’est peut-être pas simplement lié à son rôle professionnel.

"Je vais pas te mentir en te répondant que je suis pas intéressée par Zane Lowe." Scarlett fait un signe de la tête pour que Jo continue, car elle a bien vu que Jo n’a pas terminé sa phrase. "Mais je sais pas, j’ai un mauvais pressentiment avec toi." L’anglaise ne s’en offusque pas, même si elle sent une pointe d’agacement devant la sensation de revenir au point de départ. Elle croise ses jambes, s’appuie sur le dos du siège, dans un léger mouvement de recul. « Tu ne serais pas la première », elle répond d’abord, un aveu simple mais sincère. « Je sais que je n’ai pas toujours l’air commode. Je ne suis pas la tasse de thé de tout le monde. Mais je pense que mon travail parle de lui-même. » Son travail et sa réputation - même si souvent, on dit d’elle qu’elle est une connasse, mais une connasse qui travaille bien, et c’est bien ce que l’on déteste, de ne pas pouvoir la détester pleinement. « Aucun de mes contrats n'enchaîne mes clients à moi, tu seras libre d’y mettre fin si cela ne te convient plus. Je n’aime pas travailler avec des gens qui ne veulent plus travailler avec moi. Je n’ai pas ce temps à perdre. » C’est un risque assumé, mais très peu sont ceux qui ont fait demi-tour une fois qu’ils ont vu la qualité de son travail. « Je pense sincèrement que nous pourrions bien travailler ensemble, toutes les deux, je pense t'avoir suffisamment exposée mes motivations à ce sujet », commence Scarlett, tandis qu’elle décroise ses jambes et se redresse, prête à se lever, la conversation commençant à tourner en rond, « mais je ne peux pas te forcer, et je ne te supplierais pas non plus. La balle est dans ton camp, Jo. Je peux envoyer une proposition de contrat, et je serais ouverte à répondre à toutes les autres questions que tu pourrais avoir. »


@Jo Carter  

no explanation just reputation
@Scarlett Bridgers ☆ crédit/ssoveia

"La confiance, ça se gagne, Scarlett." Et celle de Jo, à défaut d’être unique selon les dires de son interlocutrice, était précieuse. Ce n’était pas trois rencontres qui l’inciteraient à se montrer plus ouverte avec la jeune femme qui enchaînait les contradictions plus vite encore que Jo n’enchaînait les questions, et ça ne lui disait rien de bon. Tout comme sa manière de ne pas hésiter un instant à remettre l’influence de Midas en doute, ce qui n’était pas pour plaire à Jo qui préférait être claire sur le sujet. Dans d’autres circonstances, ça l’aurait peut-être amusée de sentir une certaine forme d’animosité de la jeune femme à l’égard du chanteur, seulement elle avait déjà essuyé ce comportement de la part de ses proches, et une chose était plus que certaine, ça ne s’était pas bien terminé. Elle ne travaillerait pas avec des gens qui dénigreraient l’homme de qui elle partageait la vie, elle avait déjà expérimenté le contraire, et là encore, ça ne s’était pas bien terminé — Cassandra, encore une fois. Quand bien même il était son principal adversaire, elle n’avait pas besoin qu’on tente de la monter contre lui d’une manière ou d’une autre — ils avaient toujours été adversaires d’une certaine façon, ça n’avait rien empêché, si ce n’était l’éclosion rapide de leur histoire, mais ça, ça les regardait. Bien sûr, elle ne forçait personne à aimer Midas comme elle, elle l’aimait, mais elle ne supportait pas non plus qu’on se sente trop à l’aise avec elle au point de trouver ça judicieux de le critiquer et Scarlett devait l’entendre. Elle l’entendait plus ou moins, alors elle n’ajouta rien de plus, affirmant néanmoins son regard noir dans le sien pour confirmer qu’en effet, sa carrière était impressionnante. Il s’agirait donc de la respecter, ce qu’elle ne dit pas, mais qu’elle pensa assez fort pour que ça l’atteigne, et clôture le débat.

Elle ne croyait pas un instant que Scarlett battrait en retraite au sujet de sa vie privée. Pour autant, elle passa l’éponge sur ce qu’elle lui assura à ce sujet, consciente qu’elles avaient du pain sur la planche parce que Jo n’était pas évidente à cerner et qu’elle-même en avait conscience. Il lui fallait du temps pour s’ouvrir, et elle le lui avoua au travers de ce qu’elle lui disait, sans chercher à faire pleurer dans les chaumières, juste en passant pour qu’au-delà de l’image qu’elle reflétait, on ne croit pas que c’était tout à fait volontaire, cette façon qu’elle avait de se protéger. Elles trouveraient un compromis, c’est ce qu’elle retenait de ce que Scarlett lui dit à ce moment-là et sur quoi, encore une fois, elle ne rebondit pas, les mots faisant fi de pas grand-chose aux yeux de Jo qui préféraient la politique des actes, bien trop lucide d’à quel point il pouvait être facile d’envelopper des promesses dans du beau papier doré.

"T’en es certaine ?" lui demanda-t-elle quand elle précisa les différences entre agent de célébrité et celui de relations publiques  comme elle le lui avait demandé "Je remets pas tes compétences en doute, ça me semble assez clair que tu sais de quoi tu parles, mais j’ai besoin d’assurance." Elle avait davantage besoin d’être rassurée en vérité, et pour cause "On se mêle déjà bien assez de ma vie privée pour que je veuille en rajouter en permettant à quelqu’un dans ton genre de t’y immiscer." Elle n’était pas paranoïaque de nature Jo, elle qui se défendait de ne rien avoir à cacher. Ce n’était pourtant pas le cas de son entourage proche. Elle y avait réfléchi, à la manière dont elle devait mentir à son équipe pour éviter d’avoir la langue qui fourche au sujet de certaines choses et ça la dérangeait de plus en plus — c’était pourquoi qu’à l’exception de son attaché de presse, de son assistante et de son chauffeur, elle ne faisait confiance à personne d’autre. Ça devait être frustrant pour Scarlett de se rendre compte qu’elle était autant dure en affaires, mais la vie de Jo, ce n’était pas que celle qu’elle présentait à la face du monde, sublimée par le maquillage et les sequins : ce qui se passait dans son travail, ça se répercutait sur sa vie privée. On lui dirait que c’était de sa faute, qu’elle l’avait choisi, et qu’elle devrait peut-être envisager de se trouver quelqu’un d’autre à aimer si elle tenait tant à faire la distinction entre les deux, mais c’était trop tard, et le retour en arrière était aussi inenvisageable qu’il la détruirait : ce n’était pas elle qui devait s’adapter au reste du monde, elle l’avait assez fait. Désormais, c’était le reste du monde qui devait s’adapter à elle, et Scarlett n’était pas logé à meilleure enseigne "Je te reproche pas d’être comme tu es. Si c’est ce que tu penses, je t'arrête tout de suite." Elle enchaîna dans un très léger sourire "Je pense que je suis mal placée pour reprocher à qui que ce soit d’être comme il est." termina-t-elle au milieu de la tirade de la jeune femme "Mais je suis d’accord. Malgré mon pressentiment, ton travail parle pour lui, c’est une évidence." Une confirmation qu’elle lui donna en se levant du fauteuil dans lequel elle était restée assise un moment "J’ai besoin de faire décanter notre conversation." lui avoua-t-elle. Elle avait aussi besoin de demander à Thomas de faire un petit travail de recherches pour elle, histoire d’assurer ses arrières. Elle continua, regardant Scarlett se lever à son tour tandis qu’elle, elle s’asseyait à moitié sur le devant du bureau qu’elle rejoignit "J’attends pas de toi que tu me supplies." Elle haussa les épaules "Je te l’ai dit : la confiance, ça se gagne. J’ai déjà suffisamment été trahie pour ne pas vouloir donner la mienne à la première venue." Un peu vexant considérant les galons de la jeune femme, mais disons qu’après avoir sous-estimé Midas comme elle l’avait fait, elle pouvait se permettre cette pique qu’elle plaça juste là, un sourcil arqué.