(l'automne de l'égalité) Un événement en ville est aussitôt devenu pour lui la parfaite excuse pour proposer une sortie à Greta et ainsi rattraper le temps perdu. Depuis l’épisode Ginny et ce soir où il lui a confié sa fille sur le pied levé, les discussions ont été plutôt rares, notamment empêchées par la tension nouvelle entre Arthur et Swann. Il ne s’attendait pas à le voir dans l’appartement ce matin-là, de toute évidence, et tout ce qui en a découlé est arrivé sans que le blond n’arrive à savoir pourquoi, ni même comment. Tout ce qu’il sait, c’est qu’il regrette la façon dont tout a évolué et surtout dont tout est rapidement devenu impossible à gérer. Greta est devenue une spectatrice de ce spectacle, malgré elle et malgré Swann aussi. « Je t’ai ramené des souvenirs de New York. » Il annonce après quelques minutes, toujours soucieux de la remercier de l’immense service qu’il lui a rendu en gardant Robin ce soir-là. Ce ne sont que des babioles amusantes qui repartent dans les valises de tous les touristes, évidemment, mais il a profité de rendre visite à Rory pendant sa tournée promotionnelle pour ramener quelques souvenirs du genre à ses proches. « Et promis, je t’ai pas inscrite aux Olympiades. » Ce n’est pas une façon de l’amadouer pour faire passer la pilule, il le promet. Il a sûrement déjà bien assez imposé de zèle entre Arthur et elle pour vouloir en causer davantage - non que le premier était prévu d’une quelconque manière, de toute façon. « Mais si jamais tu sais pas quoi faire… » Les mots planent, son sourire s’agrandit. Il n’a rien imposé, mais il n’est certainement pas fermé à l’idée que cela puisse exister ; la nuance est importante, tout de même.

« T’as continué à parler à Arthur, récemment ? » Il est le prénom qui n’a de cesse de revenir entre eux, sans que ce soit rarement pour valoriser les qualités de leur ami en commun. Ils s’en font toujours pour lui, pour une raison ou pour une autre. Swann s’en fait davantage encore lorsqu’il n’a que peu de ses nouvelles, ce qui est devenu le cas récemment alors que le lien a été rompu entre les deux amis et que Swann a sans aucun doute contribué à accentuer des problèmes qui jusque là avaient au moins le mérite d’être restés sous-jacents. Avant toutes choses, il veut savoir ce que Greta sait ou non et, de là, il jongler à son tour entre ce qu’il peut et doit lui dire. Le but n’est pas de trahir Arthur dans les confessions qu’il lui a faites, mais le but n’est pas non plus de l’observer dépérir alors qu’il pourrait au moins aider. A son niveau. Sans savoir exactement comment, ni dans quelle mesure. Il aidera, comme il le fait toujours, et comme Arthur finit toujours par le lui reprocher parce qu’il préfère toujours sombrer seul. Déjà, le sourire de Swann est un peu moins éclatant, un peu plus préoccupé.

La spontanéité de Swann ne cessait de la surprendre mais peu importe l’occasion, Greta était toujours ravie de le voir réussir à libérer un peu de son temps pour elle. Un rapide coup d’œil à ce que proposait l’événement avait terminé de la convaincre alors qu’elle était la cible toute trouvée pour l’automne de l’égalité et il était probable que son ami ait utilisé ce dernier argument si elle avait été plus réticente. « Je t’ai ramené des souvenirs de New York. » « Du genre des explications ?  » Son sourcil s’était arqué alors qu’elle tournait la tête vers lui mais, très vite, un léger sourire en coin était venu apaiser le moment. Elle était forcément curieuse mais elle ne pouvait pas en vouloir à l’anglais d’avoir un jardin secret. De ne plus se comporter comme lorsqu’ils étaient à Londres. Et à en juger par la façon dont il avait agi, Greta s’imaginait à quel point la situation devait être trop compliquée pour être expliquée au travers de quelques messages qui n’étaient de toute façon pas la spécialité de son ami. « Et promis, je t’ai pas inscrite aux Olympiades. » La blonde avait laissé s’échapper un rire, les sneakers qu’elle portait venant trahir ses intentions. « Mais si jamais tu sais pas quoi faire… » Swann avait ce visage d’enfant coupable et le rire de Greta s’était prolongé, il était évident qu’il ne l’avait pas traîné ici pour qu’ils soient de simples spectateurs. « Pour une fois que je peux participer à une bonne cause sans y être obligée par mes parents… Tu peux déjà t’échauffer. » Son regard avait balayé les alentours alors qu’elle s’était enfin souciée de l’activité dans laquelle ils allaient devoir se lancer et en reposant son regard sur Swann, elle lui avait accordé une grimace inquiète, elle n’était pas la plus sportive ni la plus aventurière.

« T’as continué à parler à Arthur, récemment ? » Le sujet Arthur était arrivé dans la discussion bien plus rapidement qu’elle ne l’aurait imaginé. Il était évident qu’il ressortirait, la blonde avait juste pour habitude de voir Swann - et elle-même - tourner autour du pot jusqu’à oser en parler. Et l’idée qu’il ne soit plus un sujet tabou avait quelque chose de rassurant, un sentiment qu’elle ne retrouvait pas dans le regard inquiet de son ami. « Je suis au courant. » Ce n’était pas la question qu’il avait posée et c’était pourtant la réponse que Swann attendait, elle le savait mieux que quiconque. Ce n’était pas trahir Arthur que de dire quoique ce soit à Swann parce qu’ils s’étaient toujours - pratiquement - tout dit jusqu’à ce que la situation devienne trop compliquée pour être explicitement racontée. « Il est venu chez moi au nouvel an et j’ai compris. » Était-il trop tôt pour lui avouer que l’idée d’avoir assez mal agi pour le perdre l’avait contrariée plus que de raison ? Swann n’avait pas connu cette césure dans son amitié avec Arthur comme cela avait été le cas pour Greta qui avait repris les choses presque là où elle les avait laissées. Lui était fatigué, cela se lisait dans son regard, elle avait pu réunir toutes les armes pour poursuivre ce qu’il n’était peut-être plus capable de faire. « Tu sais qu’il a besoin de toi. » avait-elle ajouté au risque de faire peser sur Swann une culpabilité qu’il n’avait pourtant aucune raison de ressentir. Elle restait encore étonnée de la manière dont il avait agi avec Robin mais elle était également consciente qu’elle ne pouvait pas se permettre de juger Swann. Pas quand seulement quelques mois auparavant, Greta aurait eu un comportement bien pire que le sien à l’égard de l’anglais. Un soupir s’était échappé de ses lèvres et elle était venue placer ses mains sur ses hanches en regardant autour d’elle. « Mais je sais aussi que t’en as probablement déjà assez fait et que c’est facile à dire pour moi qui viens tout juste de revenir dans sa vie. » Une sensation étrange s’était emparée d’elle alors qu’elle prononçait les derniers mots dont elle n’avait pas mesuré l’ampleur. Elle avait su être honnête avec Arthur, l’exercice semblait bien plus délicat lorsqu’il s’agissait du monde extérieur.

De toute évidence, quand il parlait de New York, il parlait réellement de New York. Il n’aime pas parler avec des images, des métaphores ou des insinuations, et il aime encore moins être pris de court au sujet d’une conversation qu’il tentait sincèrement de laisser sur le terrain de l’insouciance. « Du genre des explications ? » Malgré tout, il est bien au fait qu’elle est dans le vrai. Il ne cautionne pas vraiment la façon dont elle le fait, mais il est conscient qu’il lui doit des explications, surtout alors qu’autant de temps s’est écoulé depuis l’incident. « On y viendra. » Il le promet. Il a simplement besoin d’un peu de temps, mais il trouvera le temps autant que le bon moment pour aborder le sujet avec elle, puisqu’il n’imagine pas laisser uniquement le temps faire son œuvre pour que tout le monde oublie ce qui s’est dit. « Pour une fois que je peux participer à une bonne cause sans y être obligée par mes parents… Tu peux déjà t’échauffer. » Sa répartie fait rire l’anglais, qui est prêt à la prendre au pied de la lettre et piocher un sport au hasard parmi la liste. Son regard reste longuement posé sur celui de son amie sans que son sourire n’en dépérisse.

Bien que l’idée de participer à l’activité le tente, lui qui a toujours autant adoré le sport, il reconnaît néanmoins ses priorités et sait que cela n’en fait pas partie. D’autres sujets importent bien plus et ne peuvent pas être réglés entre deux coups de rames ou de pédales, ou Dieu sait encore quelles autres activités pouvant composer les épreuves. Ils doivent en parler à tête reposée, malgré le contexte paradoxal tout autour d’eux. Il n’est qu’une excuse pour amener la discussion. « Je suis au courant. » Il ne l’interroge pas sur le quoi. Ils connaissent aussi bien Arthur l’un que l’autre pour savoir ce dont il en retourne avec lui. Il a la certaine particularité de se faire remarquer pour des sujets redondants, ce qui n’enlève rien à l’amitié que Swann lui porte malgré tout. En silence, l’air bien plus grave, il hoche la tête. « Il est venu chez moi au nouvel an et j’ai compris. » - « Qu’est-ce qui l’a trahi ? » Il ne le demande pas par curiosité mal placée mais bien par besoin de comprendre la personne complexe qu’est Arthur. Malgré toutes les années passées à ses côtés, il ne pourrait toujours pas se vanter de le connaître réellement. Il sait beaucoup de choses à son sujet, il pense avoir compris ses rouages, et pourtant le tableau connaît bien trop de zones d’ombres. « Tu sais qu’il a besoin de toi. » Sa mâchoire se contracte avec vigueur ; assez pour que le mouvement de ses muscles se devine aisément sous ses joues. Il sait qu’Arthur a besoin de lui, ça oui, mais il craint qu’il ait aussi besoin de beaucoup d’autres choses et personnes. « Mais je sais aussi que t’en as probablement déjà assez fait et que c’est facile à dire pour moi qui viens tout juste de revenir dans sa vie. » Le sujet peut être résumé de cette façon, sans doute, mais ce n’est pas à Greta qu’il compte reprocher l’attitude générale d’Arthur. De son côté, elle n’a rien à se reprocher, surtout pas alors qu’elle fait partie de ceux qui font leur possible pour se montrer présents. « J’ai toujours été là pour lui. » Il commence d’abord, sur un ton bas, presque confessionnel. Il lui a sauvé la mise un nombre incalculable de fois, à des moments importants et d’autres qui l’étaient bien moins. Il a toujours été là, sans que l’inverse soit tout aussi vrai. « Et je le suis encore aujourd’hui. » Ce n’était pas une excuse, simplement un rappel temporel, et Swann ne l’a pas épaulé durant tout ce temps pour finalement le laisser tomber aujourd’hui. « Mais maintenant je pense à ma famille avant tout le reste, et Arthur… Les conséquences de ses actes peuvent aller loin, parfois. » Notamment parce qu’il consomme de la drogue et que cela implique des comportements particulièrement imprévisibles et dangereux, ce qui sont deux termes qu’il ne peut pas associer à une personne proche de sa famille. Et s’il est proche de lui, il l’est aussitôt de Rory et de Robin aussi. « Je l’aime comme un frère, mais j’ai l’impression d’avoir tout essayé. Et regarde où on en est aujourd’hui. » Un endroit particulièrement similaire au point de départ, malheureusement. « J’abandonne pas, mais je peux plus mettre ma vie en pause dès qu’il en a besoin. » Sa famille restera toujours sa priorité, quel que soit le sujet.

Si Greta était consciente que la façon dont elle avait abordé un sujet que Swann passait volontairement sous silence pourrait le déranger, elle ne s’était pas empêchée de le faire. Peut être qu’il s’agissait là d’une façon pour elle de s’affirmer quand elle ne pouvait plus le faire avec le troisième membre de de ce trio qu’ils formaient encore à Londres. Mais, surtout, elle savait que son ami ne lui en voudrait jamais de tenter de comprendre ce à quoi il pouvait être confronté et l’idée qu’il soit aussi discret à ce sujet ne la rassurait pas. « On y viendra. » Son menton s’était levé vers lui pour acquiescer alors que son regard continuait de le questionner silencieusement. « Rappelle-moi de te demander conseil si j’ai besoin d’entretenir le suspens dans un prochain livre, Swann. » Pas de reproche ni d’insistance dans sa voix, juste sa façon à elle de fermer la parenthèse en associant un sourire compatissant à ses mots. Mais si elle avait pensé qu’ils se tourneraient finalement vers les activités proposées aujourd’hui, le regard que Swann posait sur elle était suffisant pour qu’elle comprenne qu’il avait quelque chose d’autre en tête.

La maigre culpabilité qu’elle aurait pu ressentir s’était rapidement dissipée alors que son ami n’avait pas hésité à s’échapper d’une conversation qui le concernait pour en entamer une tout aussi compliquée pour Greta. La différence était que, cette fois, le sujet les concernait tous les deux. « Qu’est-ce qui l’a trahi ? » Elle regrettait presque d’avoir été aussi spontanée dans sa réponse maintenant que les mots lui manquaient pour répondre à Swann. En dire assez pour qu’il sache et ne pas trop en dire pour ne pas trahir la confiance - toute relative - que pouvait lui accorder Arthur. « Son euphorie, ses yeux, ses mouvements, tu choisis. » avait-elle répondu dans un rire nerveux. Greta avait touché au poison avec lequel Arthur se détruisait et cela l’avait forcément aidé à comprendre mais, même sans cela, le Arthur qui s’était présenté chez elle n’était pas celui qu’elle connaissait. « C’est pas difficile de comprendre quand il est pas lui même. » Swann le savait mieux que quiconque depuis toutes ces années et même si elle se sentait proche des deux garçons, leur lien à eux était trop important pour que Greta ne le souligne pas. « J’ai toujours été là pour lui. » Le visage de la blonde s’était tourné vers lui pour lui adresser un sourire exprimant ce qui ressemblait à de la gratitude. Bien sûr, elle n’aurait jamais pu s’imaginer qu’il reviendrait dans sa vie et qu’elle souhaiterait à nouveau le voir heureux mais malgré tout, elle était reconnaissante de savoir qu’il n’avait pas été seul.  « Et je le suis encore aujourd’hui. » Elle le fixait, attendant le mais. « Mais maintenant je pense à ma famille avant tout le reste, et Arthur… Les conséquences de ses actes peuvent aller loin, parfois. » Le sujet était sérieux et la vie de Swann n’était plus la même, tous ses arguments étaient recevables et elle le savait. « Je m’abstiendrais de demander des détails là-dessus. » Parce qu’elle osait espérer qu’Arthur lui dirait un jour ce que la drogue avait pu l’amener à faire alors qu’elle n’était plus présente et qu’elle avait déjà assez sollicité Swann à son sujet. « Je l’aime comme un frère, mais j’ai l’impression d’avoir tout essayé. Et regarde où on en est aujourd’hui. » A discuter des problèmes de leur ami commun plutôt que de parler de tout et de rien, de leurs vies respectives. La prise de conscience était là. « J’abandonne pas, mais je peux plus mettre ma vie en pause dès qu’il en a besoin. » Elle comprenait et elle l’encouragerait même à privilégier sa famille, cela allait de soi. « Je te demandais pas de te justifier, je te reproche rien, au contraire, je suis contente qu’il ait pu compter sur toi tout ce temps. » avait-elle commencé. « Et maintenant que je le déteste plus… » Ses yeux bleus s’étaient relevés vers ceux de son ami et elle avait eu un sourire en coin dont seul Swann était en mesure de comprendre les sous-entendus à ce moment précis. L’euphémisme qu’elle avait employé était une façon de se protéger alors que l’importance qu’avait cette conversation à ses yeux trahissait ce qu’elle ressentait réellement. « Je veux bien prendre un peu le relai mais pour tout te dire je suis pas sûre de savoir gérer comme t’as pu le faire. La preuve, ce soir-là, j’ai tellement été prise au dépourvu que je l’ai mis dehors. » Greta avait grimacé, il lui avait menti et sa réaction était probablement légitime. Mais si l’erreur avait été réparée mais le doute continuait de planer sur sa capacité à le tirer vers le haut. « Je déteste me sentir impuissante comme ça. » Face à l’addiction d’Arthur et face à ses propres sentiments.  

Parfois, il se dit qu’il aimerait avoir la possibilité d’avoir des discussions avec Greta qui ne tournent pas autour d’Arthur mais plus le temps avance et plus il doute que cela puisse simplement être possible. Ils ont toujours une raison ou une autre pour parler de leur ami en commun, et les raisons en question sont bien souvent le fruit de nouvelles craintes, ou le renouvellement d’anciennes. Il est comme un nourrisson dont ils doivent éternellement prendre soin ; un nourrisson qui ne semble pas avoir vocation à un jour devenir un adulte accompli, ou même simplement un adulte tout court. « Son euphorie, ses yeux, ses mouvements, tu choisis. » Évidemment, il n’a jamais été bien doué pour cacher être retombé dans la drogue. Quand ces moments-là arrivent (et ils finissent toujours par arriver), il a surtout d’autres choses à penser que rester caché. Et même s’il le veut, il en est souvent incapable. « C’est pas difficile de comprendre quand il est pas lui même. » - « Je sais, oui. » Il souffle bien malgré lui. Ce n’est pas l’envie de donner un discours différent qui lui manque mais ce n’est pas comme s’il avait réellement le choix, à aucun niveau. Il se contente de subir les choix de vie d’Arthur, comme Greta face à lui est forcée d’en faire de même.

Sans doute pour la première fois de son existence, Swann fait part de ses craintes au sujet de leur ami en commun et surtout de la possibilité qu’aurait ce dernier à imposer ses troubles à sa famille. Si Swann a signé pour cette amitié, dans les bons comme dans les mauvais côtés, cela n’a cependant jamais été le cas de sa famille. C’est eux qu’il pense plus que tout à protéger, aujourd’hui. Eux qu’il aime plus que tout, aussi et surtout. « Je te demandais pas de te justifier, je te reproche rien, au contraire, je suis contente qu’il ait pu compter sur toi tout ce temps. » Il continue de souffler sans un bruit, sa tête se mouvant naturellement de droite à gauche. Il aimerait trouver une solution pérenne qui convienne à tout le monde, mais rien ne lui vient. Laisser tout le poids reposer sur les seules épaules de Greta n’est pas une option envisageable. « Et maintenant que je le déteste plus… » Elle n’en dira pas plus, il le sait, mais cela ne l’empêche pas de reposer un regard compatissant dans le sien. Un regard heureux malgré tout, parce que les sentiments qu’ils nourrissent l’un pour l’autre n’ont jamais réellement été associés au moindre doute - pour quiconque n’étant pas les deux premiers intéressés, du moins. « Je veux bien prendre un peu le relai mais pour tout te dire je suis pas sûre de savoir gérer comme t’as pu le faire. La preuve, ce soir-là, j’ai tellement été prise au dépourvu que je l’ai mis dehors. » - « J’ai jamais été parfait non plus, tu sais. » Il a tout fait pour l’être, ça oui, mais il y a eu des moments où il a perdu patience, espoir et tout ce qui s’ensuit. Il y a eu des moments où il n’était pas capable de gérer les problèmes d’Arthur en plus des siens propres, notamment. « Je déteste me sentir impuissante comme ça. » Il sait, oui. Il sait, parce qu’il ressent exactement la même chose à son tour et que malgré les nombreuses années écoulées, il n’a toujours pas trouvé la solution à tout ceci. « J’ai pas vraiment d’astuce ni de secret. » Le blond comprend bien que c’est ce qu’elle attend de lui, si bien qu’il désamorce rapidement l’idée: il n’existe aucun miracle. Aucun dont il ait eu connaissance, du moins. « Je lui ai montré comment s’injecter sans risques. » Il l’avoue sans aucune fierté, parce qu’il aurait avant toute chose aimé trouver comment arrêter toute sorte de consommation. A défaut que cela semble possible, il a au moins tenté de s’assurer qu’il le ferait de façon aussi sécuritaire que possible. « Y’a des programmes, tu sais. Où on peut envoyer les gens, mais… » Mais c’est d’Arthur dont il est question. « Mais je suis pas certain qu’il y serait mieux. » Sans ses proches avec lui, il n’aurait plus aucune raison de se battre, surtout s’il en vient à penser que Greta et Swann se sont ligués contre lui. « J’avais l’impression qu’il allait vraiment dans la bonne direction, je sais même pas quand il a repris. J’ai pas vu. » Il ne sait pas ce qui l’a fait flancher et c’est ce qui lui donne à son tour l’impression d’être un ami pitoyable qui l’aurait abandonné au profit de son simple et propre bonheur. « Je t’abandonnerai pas, G. Mais j’ai juste besoin d’un peu de recul aujourd’hui. » Il sera là pour elle en tant que personne et il sera là pour elle si elle veut à son tour aider Arthur, mais il a davantage besoin de comprendre les possibles répercussions de chaque geste, aujourd’hui. Ceci dit, rien dans cette discussion ne se rapproche de près ou de loin d’une possible solution, et c’est ce qui commence à faire peur à l’anglais: peut-être qu’il n’existe justement pas de solution.

« Je sais, oui. » La lassitude martelait les mots d’un Swann qui cachait tout aussi difficilement son ressenti face à tout cela qu’Arthur les signes d’une prise de cocaïne. Greta réalisait à quel point le problème était présent, devenue une constante dans la vie d’Arthur et par extension dans celle de leur ami commun. Si elle n’avait été confrontée jusqu’alors qu’à l’anglais et les défauts qui lui étaient propres ainsi qu’à sa propre rancune envers lui, ce n’était là que le début des ennuis. La blonde n’était pas naïve et pourtant, elle avait réussi à croire les mots entendus au mariage et qui semblaient maintenant bien éloignés de la vérité. Elle refusait que Swann choisisse de se blâmer alors que peu de personne aurait eu la patience dont il avait fait preuve. Arthur lui en voulait, sur le moment, de protéger autant Robin et de se comporter comme il l’avait fait avec lui mais même lui, avec un peu plkus de recul, serait un jour à même de comprendre ses réactions. Swann était différent depuis que la petite était entrée dans sa vie et pour cause, elle avait été ce qu’il avait probablement attendu toute sa vie et aucun de ses deux amis ne serait en mesure de comprendre avant de vivre la même chose. « J’ai jamais été parfait non plus, tu sais. » L’humilité de Swann ne le quittait jamais et il minimisait sa simple présence qui justifiait pourtant probablement de l’état de santé acceptable d’Arthur au mariage. Avant qu'il ne replonge. « C’était pas le but d’être parfait, il suffisait d’être là et tu l’as été. » Bien sûr qu’il ne suffisait pas d’être là, que cela n’était pas la solution au problème, mais c’était tout ce que pouvait faire l’anglais à son niveau pour aider Arthur et il l’avait fait. Sans jamais plier jusqu’à maintenant. « J’ai pas vraiment d’astuce ni de secret. » avait-il répondu comme si Greta lui demandait de l’aide. Ce n’était pas le cas, et pourtant, l’aveu qu’elle avait prononcé à demi-mots était une raison valable pour qu’il ressente le besoin de lui montrer la voie. « Je lui ai montré comment s’injecter sans risques. » Greta avait grimacé à l’idée, même si elle comprenait parfaitement l’initiative de Swann. « J’ai pas mesuré l’ampleur du problème. » Peut-être était-elle inquiète des engagements qu’elle avait pris mais elle ne le serait jamais assez pour l’abandonner. Comme si quelque chose lui indiquait que le hasard les avait remis sur le même chemin pour une raison précise. « Y’a des programmes, tu sais. Où on peut envoyer les gens, mais… » Son visage s’était tourné vers lui. « Mais je suis pas certain qu’il y serait mieux. » « Il refusera. » Elle-même surprise par la fermeté de sa réponse, elle s’était pincée l’arête du nez avant de soupirer face au constat désolant qu’ils établissaient. « J’avais l’impression qu’il allait vraiment dans la bonne direction, je sais même pas quand il a repris. J’ai pas vu. » Cela la rassurait au moins sur un point : elle n’avait pas été la seule à avoir été dupée. Mais tout dans les mots de Swann laissait peu de doute quant au nombre de fois où cela était arrivé et la blonde savait qu’elle s’engageait sur un terrain glissant, semé d’embuches qu’il serait presque impossible de contourner. « Je t’abandonnerai pas, G. Mais j’ai juste besoin d’un peu de recul aujourd’hui. » Son bras était venu entourer ses épaules, sa tête se poser contre, dans une étreinte sincère. Son aide serait la bienvenue, mais la manoeuvre serait aussi risquée car Arthur avait la facheuse tendance à s’imaginer le monde se liguer contre lui, bien incapable d’imaginer que ses amis souhaitent plutôt s’allier pour son propre bien. « Je refuse que tu t’en veuilles de faire passer ta famille en premier, Swann. » Greta avait relevé la tête et avait replacé les mèches de ses cheveux blonds derrière ses oreilles. « Je me dis que ce sera pas simple mais ça l’est probablement encore moins pour lui. » Elle avait haussé les épaules, sachant pertinemment qu'il était risqué de prendre sa défense quand son ami semblait si proche du point de non-retour. « Sans aucune bonne volonté de sa part, on s’en sortira jamais. Et je me sens idiote de penser ça, mais je suis sûre qu’au fond il veut s’en sortir.  » Ou peut-être n’était-ce que son propre désir, elle ne savait plus vraiment. Elle le connaissait assez pour savoir lorsqu’il était sincère, et les discussions qu’ils avaient eu à ce propos l’avaient toutes été. Mais malgré toute la bonne volonté dont ferait preuve Arthur, le combat était difficile à remporter lorsque l’ennemi était sa propre personne. Poussant un soupir, Greta avait désigné les activités du menton. « On l’aidera jamais mieux que si on va bien nous-même, alors, course en sac ou limbo ? » Les moments à deux devenaient rares, et s’ils portaient déjà sur leurs épaules une partie du fardeau d’Arthur, ils devaient s’accorder tous les moments de pause dont ils pouvaient bénéficier.

« J’ai pas mesuré l’ampleur du problème. » Peut-être qu’il devrait en venir à la même conclusion lui-même. Il sait qu’Arthur a un problème, oui, mais il n’a jamais su accepter l’idée que le problème pouvait aller jusqu’à de telles mesures. Il connaît les malheurs de la drogue chez les personnes, mais il n’y a personne d’autre dans son entourage qui a quelque chose de semblable à Arthur, son ami de toujours. « J’ai toujours eu espoir que ça finisse par s’arranger un jour. » Préférablement par lui-même, à force de s’être battu pour son propre avenir autant que contre son addiction. En réalité, Arthur n’en a jamais réellement eu envie, ou tout du moins c’est ce que l’anglais a fini par penser au sujet de son ami. S’il voulait s’en sortir, il y serait sûrement arrivé depuis le temps. « Il refusera. » Swann souffle doucement. Il sait, oui. Il sait aussi qu’envoyer Arthur dans un de ces centres serait comme l’envoyer à la mort ; et le connaissant, justement, il y a des chances pour que cela ne soit pas seulement une image. Il pourrait en finir de bien trop de façons différentes pour que Swann ne soit pas inquiet face à une telle idée.

Quand Greta initie une étreinte, il ne se recule pas un seul instant et, au lieu de ça, pose à son tour sa main contre son épaule. Ils sont dans la même équipe et un jour ils comprendront à quel point tous leurs efforts en ont valu la peine. « Je refuse que tu t’en veuilles de faire passer ta famille en premier, Swann. » Il ne s’en veut pas réellement, mais il est surtout particulièrement désolé d’avoir à choisir entre son ami de toujours et sa famille parce qu’il ne devrait pas exister un monde où les deux ne peuvent pas paisiblement cohabiter. « Je me dis que ce sera pas simple mais ça l’est probablement encore moins pour lui. » - « Je sais, je sais. » C’est ce qu’il se répète à chaque fois qu’il se retrouve à reprocher à Arthur son attitude. Il se souvient que lui aussi, à son tour, se contente bien plus de subir son addiction plutôt que de la choisir. Leur étreinte prend déjà fin et il retrouve un dos droit en même temps qu’il laisse Greta s’éloigner doucement. « Sans aucune bonne volonté de sa part, on s’en sortira jamais. Et je me sens idiote de penser ça, mais je suis sûre qu’au fond il veut s’en sortir. » - « Je l’ai toujours cru, mais maintenant je suis plus aussi certain de ça. » Parce qu’à avoir toujours pensé et réagit selon cette base, et face au peu de résultats que cela a amené, est-ce qu’il ne serait pas temps de simplement revoir leur stratégie ?

« On l’aidera jamais mieux que si on va bien nous-même, alors, course en sac ou limbo ? » Il voit bien ce qu’elle essaye de faire, à ainsi changer de sujet et tenter de leur faire penser à autre chose. Et ça fonctionne parfaitement, puisqu’elle arrive au moins à tirer un sourire à Swann, même s’il est un brin forcé. « Course en sac. Ma profession m’interdit le limbo. » Il ajoute un sourire bien moins forcé cette fois, bien incapable de s’imaginer se contorsionner dans tous les sens à son âge. Et puis, il faut bien qu’il s’entraîne un peu pour le jour où devra faire la course contre Robin. « Le perdant paie un coup à boire. » Et vue son grand âge, une fois de plus, cela sera une boisson sans alcool qui, au mieux, sera pétillante. Il chasse sa tristesse une bonne fois pour toutes en rejoignant la ligne d’arrivée, un sac de fortune dans la main et prêt à rentrer dedans comme s’il n’y avait rien de mieux à faire de ses week-ends d’adulte. « Dis moi, t’es venue de ton plein gré ou on t’a forcée ? » Il finit par lui demander, bien conscient que l’invitation aux Olympiades vient de sa propre personne mais qu’elle avait sûrement un bon millier de plans alternatives possibles, lesquels ne mettaient pas en jeu une quelconque course en sac.

La discussion n’était absolument pas adaptée à l’ambiance de l’endroit. Les visages fermés de Greta et Swann ne donnaient pas l’impression que tout autour d’eux, les éclats de rire et la bonne humeur primaient. Mais c’était devenu une constante pour eux, d’évoquer Arthur avant de pouvoir entamer une journée ensemble. « J’ai toujours eu espoir que ça finisse par s’arranger un jour. » Cette affirmation en cachait une autre qui avait eu pour effet de laisser Greta sentir son estomac se nouer. Swann semblait avoir perdu tout espoir, et l’écrivaine avait l’impression de commencer un film en cours de route, sans jamais avoir pris connaissance des premières images. Les deux amis avaient vécu la chose différemment, le problème s’était éloigné de Greta tandis que Swann était celui qui souhaitait mettre de la distance avec lui. L’anglais avait toutes les raisons du monde de tenter de tourner la page et de ne plus se soucier des problèmes liés à la drogue, il devait maintenant élever une petite fille et c’était en toute logique que tout cela n’avait plus sa place dans sa vie. Greta voulait le rassurer, sans même qu’il ne parle lui-même de ses inquiétudes. Une façon de le mettre en valeur avant de donner des circonstances atténuantes à Arthur qui lui, n’en avait pas d’aussi évidentes que son ami. « Je sais, je sais. » Bien sûr, qu’il le savait, parce qu’Arthur était son ami et que la loyauté de Swann n’était plus à prouver. Et cette loyauté n’était aucunement remise en question par la lassitude qu’il commençait à ressentir, et par la priorité qu’il souhaitait donner à sa vie. « Je l’ai toujours cru, mais maintenant je suis plus aussi certain de ça. » « Je peux comprendre. » avait-elle commencé. « Et le pire dans tout ça, c’est qu’il détesterait penser qu’on l’abandonne mais qu’il détesterait tout autant qu’on parle de lui comme on le fait. » Et c’était là tout le paradoxe que représentait Arthur : il clamait haut et fort ne pas avoir besoin d’aide lorsque sa fierté prenait le dessus mais ne supporterait pas de les perdre. Peu importe les doutes et les craintes qu’ils s’autorisaient à partager l’un avec l’autre, le fait que le sujet prenne encore autant de place ne laissait que peu de place au doute quant à la façon dont tout cela leur tenait à coeur.

Greta avait pris conscience qu’ils ne pouvaient pas tourner le problème dans tous les sens et le laisser devenir le point d’ancrage de leur amitié, alors, elle avait relancé les hostilités. « Course en sac. Ma profession m’interdit le limbo. » « Ouais, ta profession, ou ta souplesse. » avait-elle répondu avec un sourire moqueur alors qu’ils se relevaient pour se diriger vers l’activité choisie par Swann. C’était enfantin, ils n’avaient rien à faire ici, et pourtant, tout prenait un sens maintenant qu’ils avaient évoqué des sujets bien trop noirs. Cela ne les représentait pas. « Le perdant paie un coup à boire. » Greta avait hoché la tête, un air déterminé sur le visage, si elle était plutôt du genre à déambuler en talons, la course en sac devenait un jeu auquel elle se pliait s’il y avait quelque chose à la clé, son esprit de compétition prenant le dessus sur le reste. « Dis moi, t’es venue de ton plein gré ou on t’a forcée ? » Levant les yeux au ciel à l’entente de cette question prononcée par celui qui l’avait invitée, Greta avait mis ses deux pieds dans le sac. « Nan je trouve qu’on prend jamais assez le temps de faire des courses en sac… Sérieusement Swann, t’aurais au moins pu ramener Robin qu’on ait l’air d’avoir une raison d’être là ! » avait-elle lancé avant d’éclater de rire, se laissant elle-même surprendre par la façon dont leur humeur avait changé. Robin aurait été la personne parfaite pour l’endroit, et elle aurait adoré la voir s’adonner à une partie de pêche aux canards. « Prêt ? Un, deux… trois ! » Évidemment, la blonde s’était élancée sur le deux, décidée à passer le reste de la journée à retomber en enfance.