i don't like that falling feels like flying 'til the bone crush
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Elle n’avait éprouvé ni l’envie ni le besoin de quitter le lit tout de suite. Pourtant, elle voyait bien darder la lumière du jour de l’autre côté du rideau épais qui offrait à la chambre l’opacité nécessaire pour trouver le sommeil et préserver l’intimité de ses occupants. Simplement, elle se disait que c’était dimanche et que rien ne la forçait à se précipiter ce matin, en somme la justification classique de ceux qui repoussent quelque chose sans savoir quoi exactement et qui se complaisent dans l’idée que plus tard ou maintenant, ça ne changerait pas grand-chose, et que ça serait toujours là. Quoi que ce ça voulait dire d’ailleurs, l’impression étant tout aussi étrange que nouvelle, son instinct refusant de croire que c’était bel et bien possible. Elle voulait que ça le soit dans une certaine mesure, ils avaient oeuvré fort et avec enthousiasme avec Rhett depuis qu’ils avaient décidé que c’était le moment pour eux de s’engager sur le chemin de la parentalité, mais ça restait tellement abstrait pour Evelyn qui n’avait jamais couvé ce genre d’envie. Elle se retrouvait désormais à y songer tout au long de la journée, à surveiller ses cycles de près, et à s’abreuver des remèdes de grand-mère pour que ça prenne plus vite ; tout en trouvant ça idiot et en se demandant si c’était vraiment fait pour elle au fond, mais aussi en redoutant que se lancer là-dedans ne soit qu’une manoeuvre comme une autre de garder Rhett avec elle. C’était lui qui avait été le premier à soulever son désir d’être père, après tout. Elle n’avait pas besoin de plier à toutes ses requêtes pour le garder près d’elle, elle le savait très bien, et ce qui appuyait sur son intime certitude qu’elle en avait envie, elle aussi, et qu’à défaut de penser qu’elle serait une bonne maman, elle pourrait apprendre. En somme, ça faisait beaucoup de choses, même pour elle qui avait tendance à en gérer toujours plus, mais ça s’apaiserait quand leurs tentatives deviendraient fructueuses, non ? C’était possiblement le cas, d’où ce ralenti dans son rythme habituel, et la sensation étrange qu’elle portait avec elle depuis quelques jours. Elle ne dirait pas qu’elle se sentait nauséeuse ni plus fatiguée que d’ordinaire, mais elle avait le sentiment qu’il se passait quelque chose dans son corps sans savoir si ce n’était que des manifestations liées au début d’une grossesse potentielle, ou simplement à l’accumulation d’un stress relatif à cette charge qu’elle portait sur les épaules depuis quelques temps maintenant. Elle était décidée à s’ôter ce doute de l’esprit, ne serait-ce que pour être fixée et ne pas camper sur une possibilité, habituée au concret.

"Je t’ai réveillé ?" Le dos appuyé contre la tête de lit, elle sentit Rhett remuer à ses côtés. Elle n’avait pas fait de bruit, aussi calme que lui permettait sa rationalité de le rester, mais ce n’était pas commun, qu’elle reste aussi longtemps au lit alors qu’il était déjà réveillée, et qu’il était cette heure-ci. Elle lui adressa un sourire tout en se muant sous la couverture pour se positionner sur le côté qui lui permettait de s’approcher de Rhett à qui elle laissa le temps d’au moins ouvrir les yeux, et glissa un genou entre les siens en se coulant tout près de lui, son visage effleurant le sien, et son nez suivant les contours de sa mâchoire "J’ai essayé de ne pas faire de bruit pourtant." Mais peut-être que ses pensées étaient plus bruyantes qu’elle ne l’imaginait. Elle tenta de les faire taire en lui volant un baiser léger, sa main explorant sa peau sous la couverture, et s’arrêtant sur la base de son cou pendant qu’elle cherchait une façon délicate de lui dire ce qui se tramait. Il n’y avait pas d’hésitation à avoir, mais Rhett était l’inspirateur de tout ça, et son excitation était à la hauteur du désir qui était le sien de voir son souhait se réaliser. C’était sans aucun doute idiot, mais ça rendait Evelyn nerveuse de le décevoir, alors elle y allait avec précaution, prenant le temps de lambiner avant toute chose, la chaleur du lit et celle de Rhett étant une protection adéquate pour chasser le froid qui tomberait entre eux si jamais ce qu’elle ressentait là, dans son corps, s’avérait n’être qu’un faux signal. Elle voulait en avoir le coeur net toutefois, aussi s’efforça-t-elle à laisser sa fébrilité de côté pour dire à Rhett dans un murmure, ses yeux sondant les siens par anticipation "Je crois que je devrais faire un test."

"Je t’ai réveillé ?" Il ne se qualifiait pas lui même de réveillé et la possibilité de regarder l’heure pour ensuite mieux se souvenir qu’il est sans emploi et donc sans aucune deadline à respecter l’aurait poussé à dormir quelques minutes de plus encore, simplement parce qu’il en a le droit. Et même si son droit est immuable, Evelyn venant se lover près de lui lui fait oublier toute idée de retourner dormir alors qu’il abandonne son sommeil contre un sourire sincère et une main qu’il ramène près de la joue de la jeune femme. "J’ai essayé de ne pas faire de bruit pourtant." Sa première blague est réduite au silence par le baiser qu’elle initie, mais la deuxième prend forme alors qu’elle gagne du terrain contre sa peau. « C’est pas grave, on trouvera bien un moyen de te faire pardonner. » Le souci d’Evelyn ne transparaît pas jusqu’à lui, de toute évidence. Il est simplement heureux d’être là, conscient que leur vie n’était peut-être pas vouée à connaître une telle stabilité. "Je crois que je devrais faire un test." Mais de toutes les façon dont elle aurait pu se faire pardonner et dont il avait commencé à dresser une liste mentale, celle-ci n’en faisait pas partie. Le projet est en route depuis quelques mois déjà, ils ont posé les mots et ils se sont mis d’accord sur leur envie commune de fonder une famille, mais rien n’avait été jusque là pour le moment. Définitivement, il n’a plus une seule once de fatigue dans son corps alors que ses yeux s’ouvrent totalement, passant de l’un à l’autre de ceux d’Evie. « Tu penses… » Un regard vers son oeil droit, un regard vers son œil gauche. « Enfin y’a quelque chose qui te fait dire que… » Est-ce qu’ils y sont ? Est-ce qu’elle pense être enceinte et est-ce qu’ils vivent leurs derniers mois de quiétude de couple sans enfant ? Non que l’idée d’avoir un enfant est déjà regrettée par Rhett, mais il se raccroche déjà à son quotidien face à l’immensité de tout ce qui s’apprête (peut-être) à changer.

« Tu en as ? On en a ? Tu veux que je passe à la pharmacie ? » Est-ce qu’il s’est tenu informé de la présence ou non de tests de grossesse dans la salle de bain ? Non, bien sûr que non. Il n’aurait sans doute jamais émis le moindre doute quant à sa grossesse avant qu’elle ait pris plusieurs kilos, à dire vrai ; et là encore, il aurait sûrement eu peur d’aborder le sujet, au cas où ce poids supplémentaire ne soit pas dû à la présence grandissante d’un enfant en son sein. Plus vif d’esprit et de mots, il se redresse contre la tête de lit. « C’est pour ça que tu es réveillée ? » Elle a sûrement retourné le problème dans tous les sens depuis qu’elle a ouvert les yeux et il regrette de ne pas l’avoir senti plus tôt, parce que ce projet est fait à deux et s’il ne pourra évidemment jamais porter l’enfant, il s’est au moins promis d’être aussi présent que possible pour Evie. Il ne veut pas reproduire le schéma du père absent, surtout qu’il n’a jamais rien connu de tel lui-même. « Je peux faire quelque chose ? » Elle n’a pas besoin de lui pour faire le test, certes, mais du reste il peut tout de même aider à son niveau. Il l’espère, du moins.

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Elle aurait pu attendre avant de jeter un pavé dans la mare, profiter de l’instant de douceur qui se profilait en même temps que le soleil à l’extérieur, et se repaître du bien-être d’un moment aussi spontané qu'il était délicat dans la pénombre relative de cette chambre qui n’était plus seulement la sienne, mais définitivement la leur. C’était le genre de moment auquel elle ne voulait plus renoncer aujourd’hui, devenant ce cliché de la femme qui trouve le sommeil uniquement que quand son compagnon est à ses côtés. En fin de compte, c’était une raison de plus qui ne lui faisait pas regretter de lui avoir à nouveau proposé de venir s’installer tandis que sous la couverture, elle sentait son corps réclamer celui de Rhett dont l’humour était vif, même de bon matin "Je t’ai réveillé donc, si j’ai besoin de me faire pardonner." décida-t-elle de comprendre, le bout de son nez creusant tout de même contre sa joue, la sienne venant rogner un peu d’espace pour se retrouver sur le même oreiller que le jeune homme qu’elle regarda un instant alors que, sans délai, elle lui fit cette annonce qu’elle aurait donc pu faire un peu plus tard dans la matinée.

Mais c’était au bord de ses lèvres, et elle n’avait pas pu la retenir. Elle ne savait pas tout à fait ce que ça provoquait chez elle à part cette urgence étrange qui la rendait plus angoissée qu’elle ne l’avait jamais été, mais c’était tout de même là, à grouiller quelque part entre ses craintes et ses espoirs, lesquels n’étaient pas bien différents de ceux de Rhett au contraire des premières. Il paraissait plus serein qu’elle sur la question, même si sur l’instant, elle décela une sorte d’état d’alerte quand il réalisa ce que ça voulait dire, et qu’il ouvrit enfin les yeux pour confronter les siens dans un duel de nuances contraires qui, pourtant, s’associaient si bien. Elle voulait rester là, près de lui, à partager cet oreiller étroit, à lui donner un peu froid avec ses orteils glacés contre ses mollets. Seulement, la conversation était sérieuse, de ce fait elle se redressa — presque péniblement, son dos retrouvant la tête de lit en même temps que Rhett s’interrogeait à voix haute, et que sans attendre un instant, même si elle le fit avec délicatesse, elle mit en avant le somme de ses doutes, peut-être pour qu'il la rassure sur l’idée que non, elle ne se faisait pas d’idées "J’ai un peu de retard." avoua-t-elle, hochant la tête en même temps parce qu’au fond, le meilleur signal à propos de tout ça, c’était encore celui-ci "Ça peut être à cause de n’importe quoi, je suis un peu stressée en ce moment." Un nouvel aveu qui prenait sa source dans tout un tas de choses, dont celle pour laquelle ils s’inquiétaient maintenant, sauf que ça n’avait pas vocation à être discuté au contraire du reste "Mais ça peut aussi être ça. J’ai…" Elle marqua une pause qui se mua en un profond soupir, l’arrière de son crâne enfoncé dans la tête de lit, la sienne se tournant vers Rhett "J’ai juste besoin d’être sûre, résultat positif ou pas." Elle l’avait dit elle-même à Rhett un nombre indécent de fois, que ça prendrait du temps, alors qu’importe le résultat au fond, c’était du doute dont elle voulait se défaire, tout simplement.

"J’ai des soupçons depuis quelques jours déjà, j’en ai acheté plusieurs de marques différentes. Ils sont dans le troisième tiroir de notre salle de bain." Une confession qu’elle lui fit sur le ton du sourire contenu, comme si c’était utile de tester toutes les gammes sur le marché, quand ça prouvait juste au fond qu’elle pouvait se permettre tout et n’importe quoi et que son argent profiterait autant à sa grossesse qu’à la vie qu’elle menait jusqu’ici. Elle pinça les lèvres, laissa ses deux bras retomber au-dessus de la couverture en hochant la tête à la question suivante de Rhett qu’encore une fois, elle regarda avec l’arrière de la tête enfoncé dans la tête de lit "Je crois que ça me fait un peur de connaître la réponse, même si j’ai très envie de la connaître." Quand un projet en était à ce stade, c’était la partie la moins effrayante, mais quand le tout prenait des allures de concrétisation, ça mettait en perspective des avancées qu’on ne contrôlait pas toujours, et ce n’était pas un secret : perdre le contrôle, c’était ce dont Evelyn avait le plus peur "Attendre avec moi une fois que ce sera fait, tu penses que tu pourrais ?

Elle veut faire un test, donc. Et puisque Evelyn ne laisse jamais rien incomber au hasard, il pense déjà qu’elle a toutes les raisons de croire qu’elle est enceinte, ce qui ne lui servirait qu’à avoir une confirmation scientifique d’une chose dont elle est intimement persuadée. Pourtant, il n’est pas elle, il n’est pas à sa place et, surtout, il ne sait pas ce qu’elle ressent, et ce sont autant d’indices cumulés qui le font l’interroger sur les raisons qui l’amènent à penser que leur vie est prête à changer du tout au tout. "J’ai un peu de retard." Elle hoche la tête et il en fait de même sans même s’en rendre compte ; sans doute parce qu’il s’était préparé à entendre cet argument, notamment. Il est connu de tous, évident. Il est aussi difficilement interprétable de la mauvaise manière, selon lui. "Ça peut être à cause de n’importe quoi, je suis un peu stressée en ce moment." Ce sont sûrement des mots que toutes les femmes enceintes du monde ont eus, non ? Toutes celles pour qui la grossesse n’était pas forcément une bonne chose au moment présent, et qui ont voulu se rassurer de toutes les manières possibles. Pour Evie, c’est surtout une tentative pour garder les pieds sur Terre, il en convient. Il n’est pas question que la nouvelle les prenne de court alors qu’elle est en discussion depuis des mois. "Mais ça peut aussi être ça. J’ai… J’ai juste besoin d’être sûre, résultat positif ou pas." Tout en comprenant plus ou moins l’état d’esprit dans lequel elle se trouve, il hoche la tête tout en la prenant doucement dans les bras, leurs positions initiales rendant l’étreinte un brin maladroite. « On va le faire, et on va en être sûrs comme ça. » Elle va surtout le faire, mais peut-être que donner l’illusion d’un travail collectif pourrait lui retirer un brin de pression en cet instant - il n’en sait rien, merde, il n’a jamais été aussi proche d’être père.

Rhett, lui, il a des questions pratiques. Il veut savoir si elle a tout prévu ou s’il va troquer ses affaires pour d’autres et filer en quatrième vitesse dans la pharmacie la plus proche, une casquette vissée sur le crâne au cas où. Pourtant, la réponse ne l’étonne pas le moins du monde: bien sûr qu’elle a tout prévu. C’est Evie, après tout. "J’ai des soupçons depuis quelques jours déjà, j’en ai acheté plusieurs de marques différentes. Ils sont dans le troisième tiroir de notre salle de bain." Le tiroir qu’il n’ouvre jamais, pour sa défense. Comme beaucoup d’autres, en réalité. La salle de bain n’est pas son terrain de jeu favori, et elle savait qu’elle ne lui ferait pas de faux espoirs en achetant des tests avant même de s’en servir: Rhett n’a rien vu. « Tu peux en faire autant que tu veux pour en avoir le cœur net. » Positif ou pas, il veut à son tour savoir dans quoi ils s’embarquent, et justement s’ils s’embarquent dans quelque chose. Elle a bien fait de jouer la sûreté. "Je crois que ça me fait un peur de connaître la réponse, même si j’ai très envie de la connaître." - « Je suis là. » Peu importe ce dont elle a peur, il est là. Il est là et il jure qu’il le restera et qu’il s’occupera d’elle avec plus d’attention que jamais, laquelle sera la même à la naissance de leur enfant et laquelle ne flanchira pas du côté d’Evie à ce moment-là non plus. Elle est son premier amour dans l’histoire, et même son mini-elle ne saurait le lui retirer. "Attendre avec moi une fois que ce sera fait, tu penses que tu pourrais ? Il sourit tendrement. Si c’est le plus haut sacrifice qu’elle peut lui demander, alors il s’en sort bien. « Tu veux que je te prépare un truc en attendant ? Au moins à boire ? » Il anticipe peut-être déjà qu’elle puisse lui dire ne rien avoir envie de manger, alors il change déjà son fusil d’épaule en troquant l’offre contre un thé ou Dieu sait quelle autre boisson digne des plus grandes enseignes - pas de café pour les femmes enceintes, il sait. « Te mets pas la pression, d’accord ? Positif ou pas, c’est ok. » Cela ne changera rien pour eux, il veut le lui promettre. Peu importe le résultat affiché, il l’aimera de la même manière et il sera toujours aussi heureux de se réveiller à ses côtés dès le lendemain. « J’ai rien de prévu aujourd’hui. » Elle si, mais si jamais elle éprouve le besoin de rester entre eux, chez eux, alors elle sait au moins qu’elle y trouvera Rhett. Et Ruben - celui qu’elle aime bien.

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Elle n’était jamais passée par là, aussi étrange que ça pouvait sembler pour une femme de son âge. Soit c’était la prudence dont elle avait fait preuve toute sa vie qui l’avait exemptée de craindre la grossesse non-désirée, soit c’était autre chose sur quoi elle ne s’était jamais penchée parce qu’au fond, ça arrangeait bien ses affaires de n’avoir jamais eu besoin de faire un test de grossesse, rebutée par l’idée même d’enfanter. Alors ce serait sa première fois, et comme toutes les premières fois, c’était effrayant. Le geste en lui-même était d’une banalité enfantine, ce n’était évidemment pas ce qu’elle redoutait, même si ça avait quelque chose de profondément humiliant. C’était la pression autour de ce petit bâtonnet en plastique qui rendait la chose aussi tétanisante. Les espoirs de Rhett existaient, ils étaient en accord avec les siens, et ça lui allait — elle n’avait pas accepté d’avoir un enfant avec lui pour le forcer à rester à ses côtés, elle avait envie de construire quelque chose de vrai, de durable, et parce qu’ils avaient pris leur temps jusqu’ici, l’impression que soudainement tout avançait en accéléré était aussi tétanisante que le reste. Et s’ils n’y arrivaient pas, qu’est-ce qui se passerait ? C’était ça qui grouillait en elle à ce moment-là, ces interrogations précises qui tournaient en boucle dans sa tête depuis qu’elle avait ouvert les yeux et qu’elle s’était dit que c’était le moment, qu’il fallait vérifier. Il y avait une infime chance pour que finalement, cette décision qu’ils avaient prise tous les deux en connaissance de cause creuse à nouveau quelque chose de difficile à combler si par malheur les astres n’étaient pas de leur côté, et elle ne voulait pas faire de pas en arrière, pas quand tout allait définitivement mieux entre eux et qu’elle se sentait bien. Nichée dans les bras de Rhett, elle se somma d’arrêter de penser et hocha la tête, confrontée à la manière dont il gérait la situation maintenant, la rassurant comme il ne l’avait jamais fait jusqu’alors, et la rassérénant rien qu’un peu sur la suite des évènements. Ils allaient le faire, et ils en seraient sûrs ; ils aviseraient selon le résultat, positif ou pas.

"C’est plutôt fiable maintenant, je n’aurais sans doute pas besoin d’en faire plusieurs." Elle pinça les lèvres, cherchant à rationaliser le tout, et même à faire un peu d’humour, ses yeux cherchant ceux de Rhett quand elle leva les siens avec un léger sourire au coin des lèvres "J’ai même pris ceux dernier cri, avec un écran digital qui donne le résultat en moins de temps qu’il faut pour reprendre sa respiration." Elle ne ferait pas celui-ci, elle en ferait un autre, foncièrement autant effrayée de recevoir une réponse positive que négative à ce fameux test, alors il lui fallait le temps de voir arriver la réponse. Elle prit une profonde inspiration, se mouvant au fond de leur lit sans lâcher Rhett tout de suite, heureuse qu’il soit auprès d’elle comme il le lui dit, heureuse aussi qu’il ne la presse pas et se cale sur son rythme, lequel était induit par ses angoisses "Allez, je vais le faire tout de suite." finit-elle par dire, le décidant sans prendre le temps d'y réfléchir davantage, et sortant enfin ses jambes du lit en répondant à Rhett "Je ne sais pas si je vais être capable d’avaler quoi que ce soit ce matin." Même un thé. Elle se sentait nauséeuse, et peut-être qu’au fond, c’était une autre preuve à apporter à ses soupçons "Je te rejoins dans la cuisine." lui dit-elle en rassemblant ses cheveux sur tout un côté, acquiesçant à la manière dont il tacha de la rassurer encore, venant déposer un, puis deux, puis trois baisers sur ses lèvres, repoussant presque le moment où elle devrait s’isoler pour faire ce qu’elle avait à faire et remettre leur destin entre les mains de faits scientifiques incontestables.

***

Elle revint vers lui quelques longues minutes après, après effectivement s’être retrouvée face à un geste enfantin, mais un peu humiliant. Elle avait laissé le test de grossesse dans la salle de bain, sur le comptoir, entre les deux vasques, comme si le laisser hors de leur vue le temps que la magie opère rendrait le tout moins déterminant pour eux. Presque sur la pointe des pieds, elle entra dans la cuisine, et se glissa près de Rhett pour, le jeune homme lui faisant dos, couler ses bras le long de ce dernier et les nouer autour de sa taille, son nez creusant entre ses omoplates après lui avoir murmuré "Ça prendra quelques minutes." Il n’avait pas besoin d’elle pour le savoir, mais elle le lui dit quand même, suivant le mouvement qu’il fit pour se retourner, ses yeux se plissant quand, avec un léger sourire, elle lui fit remarquer "Je réfléchissais, et je me suis rendue compte qu’on n’a pas encore vraiment parler de quoi que ce soit concernant le bébé." Elle explicita, se rapprochant à nouveau de lui pour l’étreindre "De liste de prénoms, de couleur pour sa chambre, ce genre de choses." Elle ne savait pas Rhett superstitieux, et elle ne l’était pas non plus, alors ce n’était pas pour laisser de la marge à la fatalité d’organiser les choses selon son bon-vouloir. Elle ajouta, ses épaules se levant en même temps "J’imagine que ça a plus de sens de le faire quand ça devient plus qu’un projet, mais tu sais, je crois que j’aimerais bien qu’on s’accorde à propos de tout ça." Presque précipitamment, ses bras se resserrant autour du cou de Rhett, elle compléta sans délai "Même si ce test est négatif, j’aimerais bien qu’on y réfléchisse." Et puis pour alléger un peu l’atmosphère, elle lui demanda sur le ton de la curiosité, ses traits changeant pour se teinter d’une lueur de malice "Tu préfèrerais avoir un garçon ou une fille ?"

Il boit ses paroles quand elle parle de test de dernière génération et il acquiesce quand elle refuse la proposition d’un petit déjeuner, comprenant ce qu’elle peut ressentir sans pour autant être capable de savoir ce qu’elle ressent. Qu’elle soit enceinte ou non, rien ne changera pour lui avant de nombreux mois. Pour elle, il le sait bien, la donne est complètement différente et pour cette raison comme pour tant d’autres, il admire le courage dont elle a toujours fait preuve. Il l’embrasse une dernière fois avant qu’elle quitte le lit, bien conscient qu’elle n’a sûrement pas envie qu’il soit dans les environs durant les minutes à venir et, lorsqu’elle quitte la chambre, il en fait de même pour rejoindre la cuisine et mimer d’y être utile. A vrai dire, il n’a pas non plus envie d’avaler quoi que ce soit pour le moment, trop occupé à ronger l’intérieur de ses lèvres en attendant une réponse. Elle pourrait chambouler leur existence autant qu’elle pourrait faire de cette journée une comme beaucoup d’autres ; et quand bien même la réponse se résumerait à un “non”, ou à un “pas de suite”, le “try again” étant sous-entendu suffirait à changer leur quotidien. Rhett n’a jamais fait face à de véritables obstacles dans sa vie ; du moins jamais qu’il ne pouvait pas surmonter avec un peu d’entraînement et de volonté. Dans ce cas précis, ni entraînement ni volonté ne sauraient y changer quoi que ce soit. Les règles d’un jeu stupide sont remplacées par un bâton auquel il raccroche toute son attention.

Ainsi, lorsque Evelyn revient à ses côtés sans rien entre ses doigts, il a tout de même le réflexe de légèrement pencher la tête à la recherche du test de grossesse. Pour ne pas lui donner l’impression qu’il guette ses gestes, ou simplement pour ne pas risquer de la mettre mal à l’aise, il se retourne pour donner à nouveau son attention à la machine à café faisant couler une tasse qu’il doute avoir le courage de boire. Quand elle noue ses bras autour de lui, il est le premier à s’étonner du long soupir qu’il amorce, ne s’étant pas même rendu compte qu’il avait jusque-là retenu sa respiration. "Ça prendra quelques minutes." Sa tête se retrouve à hocher dans le vide, même si elle ne lui apprend rien. Si une de ses mains reste sur le plan de travail, une autre trouve à se reposer contre l’arrière de la cuisse d’Evie, simplement pour lui faire comprendre qu’il est attentif et qu’il écoute, même sans contact visuel avec elle. "Je réfléchissais, et je me suis rendue compte qu’on n’a pas encore vraiment parler de quoi que ce soit concernant le bébé." Mais puisque le sujet est sérieux, il juge finalement nécessaire de se retourner pour avoir cette discussion en face à face, raison pour laquelle il échange un geste contre un autre lorsqu’il dégage sa clavicule d’une large mèche rebelle. Elle a raison, Evie. Bien sûr qu’elle a raison. Trop occupé à attendre que l’enfant tant attendu fasse son arrivée, ils n’ont jamais discuté d’autre chose. "De liste de prénoms, de couleur pour sa chambre, ce genre de choses." Il se doutait qu’elle parlait de ces sujets, mais elle a sûrement ressenti le besoin de le préciser face au silence du rugbyman. « Tu veux qu’on le fasse maintenant ? » Il a presque la voix d’un enfant lorsqu’il le demande, prêt à lui demander à son tour si elle sait déjà quelque chose qu’il ignore (est-ce que les lignes se sont affichées rapidement, là-bas, dans la salle de bain ?). "J’imagine que ça a plus de sens de le faire quand ça devient plus qu’un projet, mais tu sais, je crois que j’aimerais bien qu’on s’accorde à propos de tout ça. Même si ce test est négatif, j’aimerais bien qu’on y réfléchisse." Elle n’a aucune avance sur lui, alors. Il en est désolé. Il en est profondément triste, aussi, même si ce n’est pas un sentiment qu’il a pour habitude de partager, ou simplement de ressentir. "Tu préfèrerais avoir un garçon ou une fille ?" Derrière lui, la machine à café hurle qu’on s’occupe d’elle. « J’ai pensé à Joanne si c’est une fille. Jack si c’est un garçon. Une chambre bleue, peu importe le sexe. Avec des dessins de poissons, d’orques et toutes ces conneries, tu vois ? On ferait venir un vrai peintre. » Il a regardé des modèles de poussette, aussi, mais il est à peu près certain qu’elle n’a pas envie de parler chiffres et lettres de modèles avec lui pour le moment. Tout ce qu’il veut dire, c’est qu’il a fait ses recherches et qu’il y a réfléchi, peu importe à quel point la décision dans son ensemble a justement l’air de ne pas avoir été réfléchie. « Pas forcément en premier prénom. Joanne ou Jack. Deuxième, ça me va aussi. » Parce qu’il comprend que certains puissent être mal à l’aise à l’idée de nommer leur enfant en hommage à des personnes décédées et puisqu’ils n’ont tout simplement jamais abordé le sujet entre eux, il ne connaît pas la position d’Evie sur ce point. « J’ai pensé à Hassan comme parrain. » Mais ça aussi, ce n’est pas écrit dans le marbre. Ce sont de longues heures passées à somnoler qui parlent, autant que vingt ans d’amitié et une confiance absolue malgré leur mésentente qui tend à se prolonger dans le temps. « Qu’est-ce que t’as envie, toi ? » Un garçon, une fille ? Une chambre dans des tons différents ? Est-ce que leur enfant aura le droit à une tétine, est-ce qu’ils l’inscriront dans une école publique ou privée ? Il en a des tonnes, des questions, et il déteste l’idée qu’elles se basent toutes sur le résultat d’un seul et unique test. Il love une main contre son cou quand il l’embrasse sur la tempe, même geste qu’il pourrait reproduire avec son enfant, avant qu’il devienne trop grand et le déteste pour montrer une telle marque d’affection. « On pourrait passer Noël à trois. » A une seule condition, ils passeront Noël à trois, et cela suffit à le rendre assez émotif, même pour un homme qui n’a pas de réel affect pour les fêtes de fin d’année. L’idée de passer n’importe quel moment à trois suffit à faire de lui une personne particulièrement heureuse. « Je t’aime, hm ? » Assez pour qu’elle soit la première avec qui il nourrit l’idée de fonder une famille et assez, aussi, pour que cette envie ne soit pas la seule raison de l’amour qu’il lui porte. Il n’est conditionné à rien d’autre qu’elle et seulement elle.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Il n’y avait pas de pression à ressentir, pourtant elle dormait là, quelque part dans son corps qu’elle rapprocha de celui de Rhett dans un geste de réconfort, autant que dans un geste de désir profond. Ils se donnaient l’opportunité de réfléchir à des choses qui avaient flotté dans l’air durant des semaines, mais dont ils ne parlaient pas sans que ce ne soit véritablement justifié, même si une part d’Evie n’ignorait pas que c’était parce qu’elle, elle redoutait un peu le moment où elle devrait enregistrer que ça y était, que la machine était en route, et que dans quelques mois, ils ne seraient plus deux dans cette grande maison, mais bel et bien trois — quatre, s’ils comptaient Ruben, et elle voulait le compter, s’y étant attachée autant qu’à tout ce qui constituait l’univers de Rhett. Elle hocha la tête quand il lui demanda si elle voulait parler de tout ça maintenant, et ce tout en n’étant pas tout à fait certaine. Ça mettrait en avant le fait un peu honteux qu’elle, elle n’avait en vérité réfléchi à pas grand-chose à propos de tout ça, et c’était étonnant de sa part, elle qui avait à coeur d’organiser la moindre chose dans son quotidien, que de n’avoir aucune idée de la suite des évènements. Elle se retrouvait pourtant confrontée à des inconnues que Rhett, lui, semblait avoir résout en un claquement de doigts. Ça la fit sourire d’abord, rire légèrement ensuite, et puis enfin lui donner un baiser sur les lèvres après lui avoir fait remarquer, taquine "Hm, finalement je suis peut-être bien la seule à ne pas avoir réfléchi à tout ça." lui avoua-t-elle, et ça creusa un petit sentiment de gêne supplémentaire en elle, consciente que ça pouvait donner le mauvais signal. Elle avait juste peur, et c’était normal, n’est-ce pas ? Elle ne tenait pas tant que ça à avoir une réponse à cette question-là, buvant les paroles de Rhett qui, sûr de ses choix, se montraient efficaces et concis dans sa façon d’exposer ses songes au sujet de leur bébé à venir — maintenant ou plus tard, le tic-tac de l’horloge de la cuisine lui rappelant que dans quelques minutes, ils seraient fixés dans tous les cas "On part donc sur un prénom qui commence par la lettre J." Ça n’avait aucune espèce d’importance, elle relevait juste la coïncidence. Elle réajusta ses bras sur les épaules de Rhett, prit un peu de recul pour regarder son visage et constater que ça comptait pour lui, puisque ça rendait hommage à des gens qui avaient compté à ses yeux. Le fardeau état lourd à porter pour un nouveau né, mais dans l’absolu, Evelyn ne voyait aucun inconvénient à choisir d’honorer la mémoire de ceux qui avaient laissé une marque dans le coeur des futurs parents au point de vouloir que leur enfant jouisse de leur aura en portant leur prénom. Qui plus est, elle connaissait Joanne, elle n’avait aucun mal à envisager que sa propre fille porte son prénom, quant à Jackson, si elle n’avait pas si souvent entendu parler de ça que lui, Rhett restant trop pudique, trop marqué aussi, au sujet de la mort de son frère, chaque fois qu’elle avait eu le droit à des récits le concernant, elle avait eu la certitude qu’ils se seraient appréciés et qu’il était un homme bien "Ce sont de trop beaux prénoms pour terminer en seconde position. Je les adore." Sincèrement, ce n’était même pas pour adhérer à sa requête sans réflexion ; elle les imaginait parfaitement s’accoler à leur nom de famille respectif "Une chambre bleue avec des dessins de poissons, d’orques et toutes ses conneries, je vois." L’appréciation dans son regard était réelle, elle brillait, et sans que là encore, elle ne trouva pas grand-chose à ajouter, si ce n’est "J’aimerais bien m’en occuper. Je suis diplômée en arts graphiques, j’ai des talents cachés tu sais." Pas si cachés que ça en l’occurence ; elle avait toujours rêvé d’illustrer des livres pour enfants après tout, autant que ses aspirations d’antan trouvent enfin une utilité dans cette vie qu’elle s’était construite, c’était le moment "Ça fait sens. Tu penses qu’il sera d’accord ?" Hassan n’était pas le plus grand fan d’Evie, elle n’avait aucun problème avec ça. Elle espérait néanmoins qu’il saurait faire la part des choses en prenant cette proposition comme une main tendue dans sa direction, autant de la part de Rhett que de la sienne, confiante quant à l’idée qu’il saurait s’occuper de cet enfant, le choyer et l’aimer, comme s'il s’agissait de l’un de ses neveux — elle ne regrettait pas que Rhett ne propose pas son propre frère, soulagée au contraire qu’il lui préfère son meilleur ami.

Lentement, elle roula ses lèvres l’une sur l’autre quand il s’intéressa à ce qu’elle voulait, son regard trouvant un instant le plafond tandis qu’elle réfléchissait en temps réel à ce qui lui tenait à coeur "Kai, c’est un prénom mixte qui fonctionnerait plutôt bien avec Joanne et Jack." Il ne serait pas surpris face à cette première pensée qui rendait hommage à son propre père. Ça lui serra le coeur le temps de quelques secondes, mais elle constata aussi que ça lui ferait plaisir de pouvoir insuffler à leur bébé un peu de la force de leur grand-père qu’il ne connaitrait forcément jamais. Elle préféra ne pas s’arrêter sur cette fatalité, passant rapidement sur le sujet de la chambre qui avait déjà été statué, et sur lequel elle n’avait franchement pas grand-chose à dire, déterminée à offrir à leur enfant leur version de l’océan, et se concentra sur celui du parrain et de la marraine — de la marraine en l’occurence "Si tu ne veux pas proposer à ta soeur d’être marraine, j’aimerais bien le proposer à la mienne — à l’une des miennes, la dernière." Avec qui elle s’entendait le mieux, qui était le source de son retour en Australie et qui, comme par hasard, s’appelait aussi Ethel, comme quoi tout devait être écrit quelque part "Je ne le demanderais pas à Lara. Je crois qu’elle prendrait ça comme une offense de vouloir lui coller un enfant dans les bras à son âge." Elle marqua une courte pause, pas très sûre d’elle "Ou alors, on pourrait créer nos propres règles et prendre un second parrain au lieu d’une marraine ?" Elle pensait à Chad pour le coup. Ses traits se froncèrent doucement "Je ne sais pas. J’ai besoin de réfléchir un peu à ça, je ne veux contraindre personne… et on est d’accord que tout ça, ça reste dans un cadre laïque ? On ne lui impose pas de croyance d’entrée de jeu ?" Comme ça avait été le cas pour elle, et on a vu bien où ça l’avait menée "On pourrait passer Noël et toutes les fêtes à trois, rien qu’à trois." Elle voyait à quel point ça avait de l’importance pour Rhett dont elle vint frôler le nez avec le sien dans un sourire sincère, teinté d’une pointe d’euphorie puisée quelque part en elle où la peur ne s’était pas encore infiltrée "Je t’aime." lui répondit-elle en retour, ses yeux s’écarquillant légèrement quand elle réalisa quelque chose dans la foulée "T’imagines un peu, on aura plus besoin de trouver aucune excuse pour échapper aux interminables galas de La Fondation. On pourra juste dire qu’on préfère rester avec le bébé, et personne ne nous le reprochera. On aurait dû y penser plus tôt." termina-t-elle avant d’en rire légèrement, et de balayer les cheveux que Rhett avait sur le visage avec ses deux mains pour le lui dégager et s’attarder longuement sur ses yeux qu’elle voulait mieux observer. C’est ce qu’elle fit en se hissant sur la pointe des pieds tout en disant, presque en chuchotant "J’ai hâte de voir à qui de nous deux il ressemblera le plus. J’espère vraiment qu’il aura tes yeux."

"Hm, finalement je suis peut-être bien la seule à ne pas avoir réfléchi à tout ça." Et puisqu’il sent la pointe de culpabilité dans sa voix, il replace sa main contre la joue d’Evie et lui offre surtout un sourire complice, pour lui faire comprendre qu’il n’y a pas de mal à ça. Il y a trop réfléchi de son côté, il le sait, alors peut-être qu’avoir un juste milieu dans leur couple n’est pas si pire, et au contraire. "On part donc sur un prénom qui commence par la lettre J." Il ajoute un rire à cette remarque plutôt perspicace. « Condition sine qua non. » Qu’il reprend, sans la moindre once de sérieux dans la voix. Bien sûr que le prénom est négociable, bien sûr qu’il peut entendre d’autres propositions que celles appartenant à ses proches disparus. Il veut entendre les idées d’Evie, il veut qu’ils puissent en discuter pendant de longues heures ; et pourtant, si elle dit qu’elle les adore, alors il ne se bat pas davantage. Ça tombe bien, puisqu’il les adore lui aussi. "J’aimerais bien m’en occuper. Je suis diplômée en arts graphiques, j’ai des talents cachés tu sais." Sa tête se hoche doucement. « Bien sûr. » Il serait heureux qu’elle s’en occupe, sûrement autant qu’elle serait elle-même heureuse de le faire. Que la chambre de leur enfant soit décorée par Evie aurait une signification toute particulière. Et après s’être promis de ne pas trop s’avancer, il va jusqu’à parler de ses idées de parrain (mais promis, promis, il ne s’avance pas). "Ça fait sens. Tu penses qu’il sera d’accord ?" Une grande inspiration et un sourire triste plus tard, il reprend. « Je sais pas. » Il aurait aimé répondre autrement, évidemment. Il aurait préféré lui dire que oui, évidemment, Hassan en aurait été ravi ; mais la vérité, c’est qu’il n’en sait rien. Il voudrait croire que oui, mais il n’en a aucune certitude, et il est bien trop fier pour oser en tenir la proposition à son meilleur ami en connaissant le risque qu’il refuse. Ca sonnerait définitivement le gong final de leur amitié, et il préfère continuer à travers un certain brouillard plutôt que tout risquer dans un quitte ou double. « Je veux pas savoir. » Il précise ensuite pour qu’elle comprenne le fond de sa pensée. Pour l’instant, il n’en a tout simplement pas le courage, voilà tout.

Pendant un instant, il en oublie qu’un test de grossesse les attend à quelques pas de là, simplement occupé à refaire le monde auprès d’Evie. "Kai, c’est un prénom mixte qui fonctionnerait plutôt bien avec Joanne et Jack." Il hoche la tête, attendri. « Kai, ça serait parfait. » Il comprend toutes les raisons de cette idée et ne revient pas dessus, comme de son côté elle n’a pas cherché à revenir non plus sur ses propositions. Ils savent tous les deux ce qu’il en est. "Si tu ne veux pas proposer à ta soeur d’être marraine, j’aimerais bien le proposer à la mienne — à l’une des miennes, la dernière." Il ne le proposera pas à sa sœur, non. Leur entente ne va pas aussi loin et, surtout, il ne pense pas qu’elle serait la personne toute désignée pour s’occuper de leur enfant s’ils devenaient finalement incapables de le faire. Il l’aime, oui, mais pas à ce niveau-là. Pas pour ce contexte bien précis. « Ça serait parfait, oui. » Et tant mieux si elle ne veut pas le proposer à Lara, puisqu’il la place plus ou moins dans la même case que sa propre sœur, bien que ce soit pour des raisons différentes. L’une comme l’autre ont déjà bien assez à gérer avec leurs propres vies, voilà tout. Sa réponse est rapidement reprise par Evelyn, dont les idées ne semblent pas manquer - surtout pour quelqu’un qui dit ne pas y avoir beaucoup réfléchi. "Ou alors, on pourrait créer nos propres règles et prendre un second parrain au lieu d’une marraine ?" - « Tu penses à qui ? » Rhett questionne d’abord, par simple curiosité et surtout en comprenant qu’elle doit bien avoir un prénom à l’esprit. « Je l’associe pas aux croyances, alors oui, deux parrains ça me va, moi. » Il est le parfait petit athée du quartier, alors il ne sera pas celui à crier au blasphème s’ils associent deux parrains à leur enfant. Ce n’est pas religieux, à ses yeux ; c’est une véritable marque de confiance et d’amitié avant toutes choses.

Ils passeront Noël à trois, ils auront une éternelle excuse pour éviter des rendez-vous qu’ils ne veulent pas. Et ils seront heureux, simplement heureux. Fatigués, aussi, mais peu importe. "J’ai hâte de voir à qui de nous deux il ressemblera le plus. J’espère vraiment qu’il aura tes yeux." Elle se place comme si elle avait besoin d’être juste devant lui pour découvrir la couleur de ses prunelles. « Je vais pas te mentir, je l’espère aussi. » Il rétorque dans un sourire. Evidemment que des yeux aussi clairs que bleus gagnent la compétition. « Mais pour le reste, je pense qu’on peut faire 50/50, ça me semble être une bonne idée. » Il rapproche son visage du sien jusqu’à faire toucher leurs nez, toujours aussi amusé mais non moins sincère. De tout ce à quoi il a pu réfléchir, l’apparence qu’aura leur enfant n’est pas un point sur lequel il reconnaît la moindre inquiétude. « Tu veux que j’aille voir ? » A un moment donné, ils devront vérifier le nombre de barres sur le test et peu importe à quel point il se complaît dans le moment présent, il reconnaît aussi l’existence d’une boule de stress dans son ventre.

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C’était trop facile. C’est ce qu’elle se disait Evelyn pendant qu’ils s’accordaient sur ce qui n’étaient pas des détails, mais bel et bien des décisions à prendre presque au plus vite pour que leur esprit se focalise que sur une seule et unique chose, et c’était la possibilité éminente qu’ils deviennent enfin parents. Elle ne débattit pas davantage au sujet des prénoms, tout comme Rhett ne lui reprocha pas d’adhérer à ceux auxquels il pensait sans broncher parce qu’ils étaient parfaits, bien sûr qu’ils l’étaient. C’était à mille lieues de sa perception du futur, de s’imaginer appeler un enfant pour le faire venir, ou bien lors d’une partie de cache-cache histoire de faire monter la tension avant le moment de la grande révélation de la cachette du siècle, mais ça s’insinua dans sa tête de le faire en appelant ces prénoms-là, faisant gonfler son coeur plus qu’il ne l’était déjà à ce moment-là. C’était drôle comment les choses évoluaient, et comment le bonheur de quelqu’un qu’on aime peut faire permuter des convictions pour le meilleur. Rhett voulait être père, elle pouvait le lui offrir, à partir de ce moment-là, toutes ces fois où ils s’étaient chamaillés à ce sujet lui paraissaient complètement absurdes aujourd’hui, même si sur le moment, elle croyait vraiment à ce qu’elle disait quand elle estimait ne pas être faite pour ce genre de choses. Elle composerait, elle n’avait plus tellement le choix maintenant, et là encore, ce n’était pas une mauvaise chose. C’était un challenge qu’elle se savait assez obstinée pour relever, voilà tout. Ses bras posés sur les épaules de Rhett, elle fronça doucement les sourcils, confrontée à son incertitude au sujet de Hassan et de cette proposition de devenir parrain de leur enfant qu’il avait partagé avec elle. Si elle ne savait pas que ce serait dépasser une limite, elle se permettrait de rentrer en contact avec lui pour lui dire à quel point c’était important pour Rhett qu’il accepte. Elle ne voulait cependant pas intervenir là où elle n’avait pas grand-chose à faire, bien que cinquante pour cent de la décision lui revenait tout de même. Elle se contenta juste pour l’heure de caresser le bas de sa nuque pour qu’il ne se laisse pas trop miner par l’éventualité d’un refus de la part de son plus vieil ami.

"A Chad." répondit-elle avec un léger sourire, sachant qu’il y avait peu de chance pour que Rhett trouve quelque chose à redire au sujet de cette proposition — à moins qu’elle se soit racontée des histoires au sujet des rapports qu’ils entretenaient, les siens ayant toujours été doux et bénéfiques à Evelyn qui considérait le jeune homme comme quelqu’un d’important pour elle. Comme ça resterait dans un cadre strictement laïque qui plus est, comme Rhett le lui affirma, personne ne s’offusquerait de voir deux hommes proclamés gardiens du bien et de l’avenir d’un nouveau-né. De son côté, ça ne représentait aucune espèce de scandale dans tous les cas, ils étaient libres de créer leurs propres règles "Je ne veux pas m’avancer, mais je suis certaine qu’il ne refusera pas." Avait-elle trop confiance à ce sujet, ou c’était l’évidence qui la faisait parler ? Elle l’ignorait, mais ça lui faisait du bien d’être sûre de quelque chose là, pendant qu’il planait une incertitude pesante au-dessus de leur tête.

Ses yeux dans les siens, à chercher la nuance spécifique de bleu qu’elle voudrait retrouver dans les yeux de leur enfant, elle sourit à ce qu’il lui répondit. Elle n’était pas vexée que ses propres yeux, aussi sombres que la couleur de ses cheveux, ne fassent pas l’unanimité, la partie d’elle qui était tombée amoureuse des yeux de Rhett beaucoup trop rapidement étant consciente qu’il s’agissait d’un véritable atout. Ce n’était pas si important en définitive, ça ne rentrerait pas en ligne de compte quand ils découvriraient son visage pour la première fois et qu’ils en tomberaient raides dingues sans aucune forme d’objectivité, juste parce qu’il serait leur enfant et que ça impliquait tellement de choses que ça les transporterait ; il fallait qu’ils s’assurent qu’ils n’étaient pas en train de s’emballer, de se projeter beaucoup trop fort, beaucoup trop loin, et c’est Rhett qui le lui rappela en lui demandant si elle voulait qu'il aille voir où en était le test. Elle prit une profonde inspiration, se grandissant à nouveau tout contre lui pour lui donner un long baiser d’abord, et lui répondre ensuite en secouant la tête de droite à gauche "Ce serait mieux qu’on aille voir ensemble, non ?" Elle lui posait la question pour retarder un peu le moment. Seulement, Evie n’était pas une femme indécise, qui campait sur des craintes, alors elle n’attendit pas sa réponse finalement "Ça doit être affiché maintenant de toute façon. Viens, je veux qu’on regarde ensemble." Lui attrapant la main en se reculant de lui, elle s’arrêta pourtant au seuil de la cuisine en l’arrêtant en même temps dans sa marche, une main posée à plat sur le torse de Rhett "Ce sera pas grave d’accord ? si c’est pas bon cette fois-ci." Ils avaient déjà statué qu’ils réessaieraient, mais elle voulait le répéter encore et encore, peut-être pour anticiper et atténuer sa propre déception.

"A Chad." Il calque effectivement son sourire sur celui d’Evelyn, Chad représentant une connaissance commune à qui il n’a absolument rien à reprocher et bien au contraire. Rhett apprécie sincèrement sa présence et il reconnait la valeur de leur amitié, ce qui le pousse à se demander comment serait la vie s’il avait davantage de place autour de leur table et dans leur quotidien, à se soucier de leur enfant et à passer plus souvent à la maison pour l’observer grandir - et en faire une excuse pour simplement se voir entre adultes qui n’ont plus que ça à faire de leurs week-end. "Je ne veux pas m’avancer, mais je suis certaine qu’il ne refusera pas." Ses liens avec lui sont sans doute bien moins houleux que sont ceux de Rhett et Hassan, notamment parce que ce ne serait pas dans le caractère d’Evelyn ou bien de Chad que de se prendre la tête sur une telle période de temps. Les deux joueurs de rugby, eux, sont bien plus coriaces sans que cela n’ait rien d’un compliment. « Ça me ferait très plaisir. » De partager quelque chose de plus avec Chad, au-delà d’une vieille amitié qui n’a jamais été particulièrement forte, ça lui ferait très plaisir.

Ils jouent aux insouciants quelques minutes de plus lorsqu’ils parlent couleur d’yeux comme s’il allaient pouvoir avoir le moindre droit de regard sur ce à quoi ressemblera leur enfant. Non, bien sûr que non. lls se contentent de rêver autant qu’ils gagnent du temps, avant que Rhett ne les ramène à la réalité un peu malgré lui. L’envie d’avoir une réponse l’anime à peine plus que le besoin de continuer à rêver, pourtant. "Ce serait mieux qu’on aille voir ensemble, non ?" Il pourrait dire que peu importe la personne qui ira voir, ça ne changera pas le résultat final mais puisqu’il comprend que c’est important pour elle, il hoche la tête. Ils peuvent aller voir ensemble, comme ils iront ensemble vérifier si l’armoire à vêtements ou le dessous du lit de leur enfant n’est pas habité par le moindre monstre terrifiant. "Ça doit être affiché maintenant de toute façon. Viens, je veux qu’on regarde ensemble." - « Je viens, je viens. » Il souffle, puisqu’elle laisse l’impression qu’elle a peur qu’il se dérobe à tout instant. Son esprit est trop focalisé sur le résultat pour penser à quoi que ce soit d’autre et, dans le fond, il est soulagé de ne pas avoir à regarder le résultat seul. "Ce sera pas grave d’accord ? si c’est pas bon cette fois-ci." - « T’en fais pas. » Elle avait arrêté sa course mais il la reprend presque aussitôt du même pas lent, cette fois-ci aidé par un sourire sûr de lui: il est persuadé que penser au pire n’est pas nécessaire puisque seules de belles choses peuvent les attendre de l’autre côté de cette porte. Elle n’a pas besoin de se montrer protectrice, il veut le lui prouver et il veut qu’elle ait confiance en toutes choses autant qu’il peut en être de même pour lui, bien souvent.

Il le veut, et pourtant la vue d’un seul trait sur le test de grossesse lui fait comprendre qu’il a encore une vision parfaite malgré les années s’accumulant doucement mais sûrement. Et à son tour, d’incompréhension autant que d’une pointe de colère, il fronce les sourcils. « T’as gardé la notice ? Ils affichent pas tous le résultat de la même manière alors peut-être que… » Peut-être qu’il n’y avait aucun trait avant, peut-être que ce trait en question est le seul dont ils ont besoin pour accéder à leur rêve de paternité ? Un trait, c’est déjà bien et un trait, c’est même suffisant. Ils n’ont pas besoin de rêves de grandeurs, pas vrai ? « Peut-être que c’est une bonne nouvelle. » Et il ne sait déjà plus s’il est question du résultat positif (dans son esprit seulement) ou bien du fait, bien réel, qu’il ne l’est pas.

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Aucun affrontement, aucun débat non plus sur le choix du second parrain de cet enfant qui deviendrait sans doute moins hypothétique dans quelques minutes à peine. Elle avait un pressentiment depuis des jours, et son instinct n’était pas mauvais d’habitude. De toute façon, elle redoutait les deux réponses par défaut qu’ils allaient recevoir incessamment sous peu, l’une étant plus effrayante que l’autre, et ce sans savoir pourtant comment elle gérerait cette dernière parce qu’elle n’avait jamais évolué dans l’expectative d’un projet comme celui-là. Jusqu’à récemment, elle ne voulait pas devenir maman, jamais, alors pourquoi elle craignait tant de ne pas réussir à le devenir maintenant ? Elle avait peur de ne pas supporter la déception de Rhett, elle avait peur aussi de devoir se rendre à l’évidence, même si ce n’était qu’un premier test. Il y en aurait des tas d’autres au cours des prochaines semaines, et chaque fois elle essaierait de se rassurer en se basant sur ce qu’elle avait dit à Rhett lorsqu’ils avaient pris la décision de se lancer dans cette nouvelle aventure ensemble : ça prendrait peut-être du temps, beaucoup, ça ne voulait pas forcément dire que c’était sans espoir, et elle s’y accrocherait.

Comme elle s’accrochait maintenant à cette manie qu’elle avait de vouloir  constamment rassurer Rhett dont l’impatience était compréhensible tout autant que le peur d’Evelyn. Elle se laissa finalement conduire jusqu’à la salle de bain où elle avait laissé le fameux test duquel ils s’approchèrent ensemble, comme convenu. Il n’y avait pas de mise en scène particulière, juste deux adultes, deux potentiels futurs parents, suspendus au bon-vouloir de la fatalité. L’instinct d’Evie était peut-être rouillé, ou son corps lui envoyait des signaux contradictoires simplement parce que sa tête était focalisée sur une seule et unique chose ces derniers temps, et c’était que ça fonctionne, vite et bien. Ne quittant pas Rhett d’une semelle, se posant à ses côtés, face au miroir qui leur renvoyait leur reflet, la silhouette de la jeune femme proche de celle de Rhett contre lequel elle était doucement appuyée, sa joue contre son bras, elle déglutit en inclinant la tête vers le test qui resta là, entre les deux vasques de la salle de bain et sur lequel ils avaient tous les deux les yeux rivés sans pouvoir les détourner. Les paroles de Rhett étaient rationnelles, et elle lui serrèrent la gorge sans qu’elle n’envisage sérieusement de ne ressentir autre chose qu’un peu de culpabilité face à l’optimise qui l’animait pendant qu’elle, elle restait silencieuse à chercher le meilleur moyen de lui dire qu’elle n’avait pas besoin de notice, et que ce n’était pas une bonne nouvelle, non.

Elle se mordit la lèvre inférieure, prit une légère inspiration en relevant la tête vers lui, laquelle était toujours délicatement posée contre son bras avant ça, sa joue pressée dessus pour avoir une vue d’ensemble du résultat, et lui sourit en hochant négativement la tête avant de retrouver sa voix "Ça ne l’est pas, il est négatif." Elle était donc officiellement seulement stressée, c’était la seule raison valable à ce qu’elle ressentait au fond d’elle. Elle ne voulait pas s’y attarder, se redressant juste un peu pour ajouter dans la foulée "C’est qu’une première fois, et il faut voir le bon côté des choses ; ça nous laissera le temps de réfléchir davantage à tout ce dont on a parlé tout à l’heure." Elle fronça très subtilement les sourcils "Bleu, c’est plutôt générique comme couleur, il y en a des tas de nuances…" Elle chipotait, elle s’en rendait bien compte. Mais le moment était un peu compliqué, même si elle avait assuré à Rhett avant de rentrer dans la salle de bain que ça ne serait pas grave si ça n’était pas encore le moment. Elle se perdit dans ses pensées, regardant le jeune homme sans vraiment le voir ; est-ce que commencer à potasser sur les dessins de la chambre d’un enfant hypothétique, c’était un mauvais présage, ou est-ce que ça le ferait venir ? Elle ne posa pas la question plus longtemps, et elle se recula du bras de Rhett pour accuser le coup en souriant plus fort, sa main remontant entre ses omoplates, sous son t-shirt, pour qu’il sente qu’elle était là malgré tout, et qu’elle pensait ce qu’elle disait quand elle avançait que ce n’était qu’une première fois "On réessayera, hm ?" C’était encore ce qu’il y avait de moins désagréable dans tout ça, mais elle n’eut pas le coeur d’en faire une blague sur laquelle Rhett serait tenté de rebondir. A la place, elle cessa de le caresser seulement pour le prendra dans ses bras — autant pour que son regard ne se confronte pas trop longtemps au dépit qu’il y avait forcément dans ses yeux, que pour qu’il ne se rende pas compte que des larmes commençaient à gonfler au raz des siens.

Face au silence qu’elle lui impose, il connaît déjà la réponse qu’elle s’apprête à lui donner: s’aveugler d’optimisme ne changera jamais la donne. Les jeux sont déjà faits et si Evelyn n’était pas enceinte ce matin au moment du test, elle ne risque pas de l’être miraculeusement dans les minutes à venir non plus. Il a beau savoir qu’un test trop précoce ne saurait pas être décelé, il sait aussi qu’il y a peu de chances pour que leur malheur se situe uniquement à un problème de timing. "Ça ne l’est pas, il est négatif." - « C’est pas grave. » est la première réponse qu’il trouve à donner, celle qui lui semble aussi et surtout être la plus urgente à partager. Ce n’est pas si grave que ça, il le sait. Malgré la hauteur de sa déception, il sait qu’ils ont toujours le temps de réessayer et qu’un test négatif n’est pas annonciateur de tous les autres. "C’est qu’une première fois, et il faut voir le bon côté des choses ; ça nous laissera le temps de réfléchir davantage à tout ce dont on a parlé tout à l’heure." Il n’a pas besoin d’être rassuré aussi artificiellement mais il ne veut pas la blesser en osant de telles paroles, qu’il se contente donc pour l’heure de penser. Ils auraient de toute façon eu neuf mois devant eux pour parler de tout ça, ils n’avaient pas besoin d’un quelconque test revenu négatif pour les aider à se poser. "Bleu, c’est plutôt générique comme couleur, il y en a des tas de nuances…" - « Oui, oui. » Il coupe sans doute un peu abruptement que ce qu’il aurait voulu mais force est d’avouer qu’il n’a pas réellement le cœur à faire comme si de rien n’était alors que le problème réside justement dans le fait qu’il n’y a rien. Et qu’il n’y aura toujours rien dans un futur proche.

Il redescend d’un cran lorsqu’elle fait glisser sa main le long de son dos et qu’il se rend surtout compte qu’il sont dans ce même bateau ensemble ; et qu’à choisir, il est celui qui souffre moins qu’elle, parce que même s’il n’ira jamais à le penser, elle n’en reste pas moins celle qui ne tombe pas enceinte. Le schéma est trop imparfait, trop manichéen, mais à sa place il se sentirait coupable au-delà du mesurable. "On réessayera, hm ?" Ils continueront à essayer, oui. Leur rêve ne s’arrêtera pas à un seul obstacle ; s’il avait abandonné le rugby aussitôt, il ne serait jamais rien devenu. Et peut-être que la comparaison sportive n’est pas la plus à même alors qu’Evelyn pleure désormais silencieusement contre son épaule, mais cela n’en reste pas moins tout ce qu’il connaît. A son tour, il prend le temps de la rassurer alors que sa main remonte contre ses cheveux. « On va réessayer Evie. » Il souffle doucement, pas habitué à tenir le rôle de celui qui rassure l’autre. En cet instant, pourtant, elle en a plus que jamais besoin. « C’est pas de ta faute. » Elle ne l’a pas dit, mais il est à peu près certain qu’elle le pense, au moins à un certain niveau. Ce n’est pas de sa faute et ça ne le sera jamais, quoi qu’il puisse arriver de bon comme de mauvais dans son corps. « On aurait été vraiment trop bons si ça avait fonctionné du premier coup, t’imagines le nombre de jaloux que ça aurait fait ? » Il se défait doucement de leur étreinte pour prendre sa tête entre ses mains et simplement embrasser sa tempe. Malgré sa propre tristesse, il tente de donner le change. « Tu veux pas prendre ta journée ? » Il demande bien plus qu’il ne le propose, certain qu’elle ne gagnerait rien à être au travail pendant des heures et à se retourner l’esprit à penser à cette nouvelle problématique. Ils pourraient prendre un peu de temps pour eux ; à faire quoi il ne sait pas, mais cela ne serait sans doute pas pire qu’autre chose.

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@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

A un autre moment, Evie aurait bien répondu à Rhett que ça n’avait pas l’air de ne pas être grave. C’était exactement ce qui lui faisait peur, ce qu’elle entendit percer dans le ton du jeune homme qui la coupa abruptement alors qu’elle tentait de donner le change et de rendre moins critique cette nouvelle qu’ils venaient de recevoir.  Inspiré par sa déception, ce n’était pas moins violent pour elle sur l’instant, et ça lui fit du mal, bien plus que de rendre officiel le fait que son instinct s’était trompé et qu’il fallait maintenant composer avec. Elle le regarda fixement pendant quelques secondes, oscillant entre deux choix qui se présentaient à elle pour ne pas camper sur l’idée qu’il lui en voulait de quelque chose : partir et retourner à leur routine habituelle, ou rester pour accuser le coup ensemble. Elle avait envie de partir, elle ne se raconterait pas d’histoire à ce sujet, perturbée par cette déception qu’elle sentait émaner de Rhett. Sauf qu’elle resta, incapable, elle, de le tenir responsable de sa réaction quand ils étaient tous les deux à un niveau similaire en terme d’espoir tué dans l’oeuf.

Elle le prit dans ses bras. Sentant sa chaleur l’envelopper, elle entendit son ton se radoucir pendant qu’il essayait de la rassurer en appuyant sur ses mots pour les lui répéter. Seulement, le mal était fait, en somme, et elle ne put faire rien d’autre que se concentrer sur la manière dont il l’avait rabrouée alors qu’elle faisait ce qu’elle pouvait pour ne pas craquer. Elle ne craquait même pas là, ayant simplement les larmes aux yeux et le coeur gros face à quelque chose à quoi elle avait cru durant quelques instants. Si elle devait tirer quelque chose de positif de tout ça, c’était que ça lui faisait réaliser que, même si elle avait douté de le vouloir vraiment ce bébé, le fait qu’il ne soit pas juste là, sous l’épaisseur relative de ce qu’elle portait sur le dos, ça lui pesait. Malgré tout, elle serra encore un peu Rhett contre elle, et ne lui répondit rien à ce qui lui disait pour la faire se sentir mieux alors qu’au fond, il était atrocement maladroit en partant de l’idée qu’elle s’en voulait de quelque chose, que ce n’était pas sa faute. Elle n’avait jamais pensé que ça l’était jusqu’à ce qu’il essaye de l’en dissuader… mais finalement, si ça l’était ? Elle pressa ses propres lèvres l’une contre l’autre, se recula de lui après qu’il l’eut embrassée sur la tempe, et ravala la boule qu’elle avait tout au fond de la gorge, consciente qu’elle ne réussirait pas à ne pas à taire la blessure qu’il venait de lui infliger sans le vouloir en l’espace de quelques secondes. De fait, ce fût à son tour ne pas avoir le coeur à réagir à sa boutade, ainsi elle ne le fit pas, prenant juste une inspiration profonde en le contraignant très doucement à lui lâcher le visage en le tenant par les poignets tandis qu’il lui demandait de laisser sa journée de travail de côté. Le temps d’un instant, elle fût tentée de lui demander pourquoi faire, pas tentée par l’idée de le voir ruminer toute la sainte journée en la rembarrant chaque fois qu’elle essaierait de parler de quelque chose à propos de tout ça, et puis elle se rendit compte que de toute façon, elle ne réussirait peut-être pas à rester suffisamment concentrée pour être efficace au bureau aujourd’hui. Elle prit une courte inspiration,  se détacha pour de bon de lui en lui disant simplement "Je vais quand même répondre à quelques mails avant de passer au petit-déjeuner, d’accord ?" Elle ne mangerait rien, elle ne boirait rien, mais elle lui préparerait quelque chose s’il en avait envie. Et qui sait, peut-être que ça atténuerait l’impression qu’elle avait d’être désignée coupable par défaut de ce qui venait de se passer.