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@LEWIS SIEDE & SHILOH

lieu: logements, bayside

Chaque recoin de cette maison renfermait un souvenir plus ancien encore que le précédent. Des éclats de rire à concocter une fournée, douteuse, de cookies au beau milieu de la nuit. Shiloh qui fermait fort ses yeux, alors que les garçons s'étaient décidés à lui faire regarder tous les films d’horreur de la création. Des parties d'échecs qui finissaient toujours avec le même gagnant. Des heures de révisions où elle se trouvait à réclamer de l’aide pour les mathématiques et grattait leur brouillon de rédaction à leur place. Des souvenirs qui étaient venus l’assaillir à l’instant même où elle avait franchi le seuil de cette maison d’enfance. Tout paraissait différent et pourtant si familier à la fois. Elle n’avait aucune idée de ce qui l’avait pris, à suivre le cortège, à s’incruster parmi cette foule dont elle ne connaît aucun visage, ni prénom. Elle était venue pour Ken, s’il en avait besoin. Elle avait suivi pour réconforter Mme Harding qui l’avait si chaleureusement remercié d'être venue. Elle agissait comme sur pilote automatique, offrant son aide dans la cuisine, quand bien même un service de personnel semblait avoir été engagé pour l’occasion. Shiloh voulait se rendre utile pour ne pas laisser les souvenirs la submerger, pour ne pas penser à tout ce qu’elle avait manqué. Si elle s’autorisait à fermer les yeux, elle retrouverait trop facilement les éclats de rire, les musiques écoutées à tue-tête et les heures de discussion sans fin. Elle s’accrochait à la douceur des moments passés dans cet endroit sans pleinement réaliser que le maître des lieux venait de disparaître.

Enrôlée dans une conversation auprès d’un membre de la famille Harding, elle pensait à se retirer. Les heures avaient tourné, certains étaient déjà partis, Ken était absent du paysage depuis si longtemps. Rien ne la retenait en ces lieux. Jusqu’à ce que son regard émerge au-delà des petits groupes, au travers de la baie vitrée qui donnait dans l’immense jardin. Cette silhouette assise sur les marches donnant accès à la piscine. Elle n’avait pas besoin qu’il se tourne pour connaître le visage qui se dessinait au-delà de cette posture. Elle n’avait fait que le croiser, sans jamais échanger un regard, chacun veillant à jouer son rôle, à présenter des condoléances sans jamais se heurter. Mais il était là et Shiloh ne pouvait continuer à prétendre. « Veuillez m’excuser. » Elle adressa un faible sourire à ses interlocutrices avant de s’extirper du groupe, se dirigeant vers la baie vitrée entrouverte. Il était seul, le regard fixé sur l’horizon au soleil couchant. Elle marque une hésitation, juste une, avant de fouler la pelouse à sa rencontre.

Shiloh n’avait aucune idée de ce qu’elle pourrait bien lui dire. Ils ne s'étaient plus vus depuis si longtemps. Mais c'était comme retrouver Ken après tout. Ce ne pouvait être qu’aussi facile, pas vrai ? Le trio qui se retrouve dans le malheur. Les circonstances se voulaient morbides, mais quelque chose réchauffait son cœur à l’idée de voir qu’il était également venu soutenir leur ami. Tout n'était peut-être pas perdu après tout. Malgré les années, malgré ses erreurs. S’il ne l'avait pas entendu, il avait au moins deviné une présence, elle pouvait le lire dans la tension qui s’installa sur ses épaules. Tirant sur les pans de sa robe, elle vint s’installer à ses côtés, sur la pierre fraîche et presque humide de cette fin de journée. Elle se sentait nerveuse. Incapable de tourner le regard dans sa direction, de capter ses prunelles bleutés, hanté par des souvenirs vieux d’un millénaire ou plus. Alors, sans un mot, le regard fixé sur l’horizon, elle laissa son épaule effleurer la sienne. Un salut silencieux. Tout ce qu’elle ne saurait lui dire pour l’instant. Un effleurement, puis sa tête qui vint se poser contre son épaule, souvenir de leur étreinte perdue, à l'époque où tout était simple, où tout se passait de longs discours. Et si son cœur semblait suivre un rythme effréné, quelque chose parut s’apaiser en elle, pour la première fois de la journée. Tout paraissait un peu plus juste à ses côtés.

Lewis s’était installé aux derniers rangs pour assister à la cérémonie le plus discrètement possible. Il n’avait aucune envie de se mettre en avant, n’était présent pour Kendall que parce qu’il en avait réellement envie et non pour redonner une impulsion à leur amitié ou quoique ce soit du genre. Le moment était tragique, les mines dévastées de chacun représentaient déjà une épreuve pour lui qui peinait à se raccrocher à des visages familiers. Le temps les avait éloignés et pourtant, lorsqu’il avait enfin aperçu son ami de longue date les traits rongés par le chagrin, Lewis avait ressenti quelque chose de similaire à ce moment où il avait appris l’accident de son frère. Son visage était baissé, il préférait de loin réfugier son regard sur le sol plutôt que sur le spectacle navrant qui se déroulait autour de lui. Le moment était compliqué, il devait l’être encore plus pour Kendall et l’empathie qu’il ressentait à ce moment précis n’était aucunement entachée par quelques années sans nouvelle. Le moment s’était déroulé de la même façon que l’aurait fait un film que l’on mettait en fond sonore sans réellement y prêter attention. Lewis s’était déconnecté, pour son bien, pour échapper à ses propres émotions et réussir à être présent pour son ami si celui-ci venait à le solliciter. Il avait suivi le cortège, silencieusement, avant de saluer poliment ceux qu’il avait déjà croisés par le passé tout en continuant à se sentir désespérément seul. Il avait même hésité à se rendre à la veillée qui suivait mais un bien triste sourire de Madame Harding l’avait convaincu. Le moment idéal pour accorder une accolade à Kendall, un geste qu’ils ne s’autorisaient que dans les pires moments et celui-ci était probablement le pire qu’ils avaient eu à affronter ensemble. Les questions sur ces deux années de pause entre eux s’étaient échappées, l’amitié était restée et cette épreuve le prouvait d’une bien triste manière. Son ami s’était replongé dans la foule et Lewis était sorti prendre l’air - il s’en voulait de cette impression de subir le moment alors que la vraie tragédie était pour Kendall.

Seul avec ses pensées, Lewis pensait à une seule et unique personne dont il avait aperçu le profil ici et là durant la journée sans jamais oser aller la déranger. C’était idiot, ils auraient pu vivre cela ensemble, être ce binôme qui avait toujours soutenu Kendall, mais quelque chose l’en avait empêché. Mais comme si elle avait pu lire dans ses pensées, Shiloh s’était approchée et sans même tourner le visage Lewis avait su qu’il s’agissait d’elle. Elle s’était installée à côté de lui et il continuait à fixer l’horizon, agissant avec toute cette timidité qu’il ne réussissait pas à comprendre. Sa tête s’était posée contre son épaule et il avait immédiatement pu sentir l’effluve de son parfum mélangé à l’odeur de son shampoing. Un sourire s’était dessiné sur son visage en un réflexe, elle avait toujours ce petit effet sur lui. Elle le rassurait, sans rien dire, par sa simple présence et il avait pris une longue inspiration après quelques minutes à rester là en silence. Shiloh n’avait pas changé, son comportement était le même, alors il avait tenté de réunir tout son courage pour, lui aussi, retrouver les vieux réflexes qui étaient les leurs. Dans un mouvement timide, son bras avait entouré son amie à qui il avait accordé un baiser sur les cheveux. Leur amitié était plus forte que la distance et les années et Lewis pouvait encore deviner lorsqu’elle avait besoin d’un peu de réconfort : dans cette situation, c’était de toute façon le cas de tout le monde. « Tu m’as manqué. Vous m’avez manqué, tous les deux. » avait-il presque chuchoté, venant rapidement corriger sa première affirmation. « J’aurais préféré vous revoir dans d’autres circonstances, mais maintenant vous êtes là. J’espère que Ken va tenir le coup. » Son visage s’était tourné pour jeter un œil à l’assemblée par-dessus son épaule et espérer le voir ou plutôt échapper au regard triste de Shiloh.

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Fut un temps, elle n’aurait jamais hésité à le rejoindre. Fut un temps, elle ne l’aurait même jamais autant évité tout au long de l’après-midi. Ce n’est pas que Shiloh cherchait à ne pas croiser Lewis. Ce n’était pas son intention première, en tout cas. Le cimetière était le dernier lieu qu’elle voulait accrocher à un souvenir de retrouvaille. Ce n’était pas l’endroit pour se présenter des excuses et prendre des nouvelles. Une veillée n’était pas le lieu idéal non plus, mais comme s’il avait voulu lui faire passer un message, Lewis avait décidé de s'éloigner de la fouille, de s’isoler. Il s'était rendu disponible sans même le signaler et si elle aurait pu l’ignorer, Shiloh ne se voyait pas repartir sans lui adresser la parole. Elle avait plus de mal à renouer avec lui quand il avait toujours tenu une place particulière dans sa vie. Il n'était pas question de faire des différences avec Kendall, ils étaient un groupe d’amis avant tout, mais avec Lewis le lien avait toujours été d’une autre dimension. Megan aurait appelé cela une certaine attirance, Shiloh réfutait encore l’idée parfois. Lewis était tout simplement Lewis. L’un de ces meilleurs amis, une des personnes avec qui elle pouvait parler de tout, mais l’un de ceux duquel Lawrence avait rapidement pris soin de la couper. Elle avait cessé de répondre à ses messages quand son ex avait pris la main mise sur son téléphone et lorsqu’elle était revenue en ville, Shiloh n’était pas prête à affronter son passé. Parfois, elle ne l’était toujours pas réellement. Et s’approcher de Lewis, envisager de lui parler, rendait ses mains moites et les battements de son cœur un peu plus erratiques.

Pourtant, une fois assise à ses côtés, elle eut l’impression de ne l’avoir jamais quitté. C’est comme si dans une seconde Kendall allait taper un sprint depuis la maison pour mieux sauter dans la piscine et les éclabousser. Durant un court instant, elle attendit que le moment se produise, que leur ami débarque pour les embêter, mais seul le bruit des criquets au loin semblait vouloir animer le jardin. Pas de retour en arrière, mais un sentiment d’apaisement malgré tout, dès l’instant où le bras de Lewis vint s’enrouler autour de ses épaules. Elle se sentait en sécurité, de retour dans un cocon qui lui avait cruellement manqué, mais dont elle prenait seulement conscience du manque alors qu’elle venait tout juste de le retrouver. Elle aurait voulu pouvoir se cacher dans son étreinte et laisser le moment perdurer durant des heures, mais Lewis en décida autrement. « Tu m’as manqué. Vous m’avez manqué, tous les deux. » Fermant les yeux, elle inspira longuement, profitant de l’odeur de son parfum qui se voulait si familière et de ses mots qui vinrent la rassurer au-delà de ses hésitations. Mais les mots avaient du mal à sortir, elle ne savait quoi lui dire, comment exprimer tout ce qu’elle regrettait. « J’aurais préféré vous revoir dans d’autres circonstances, mais maintenant vous êtes là. J’espère que Ken va tenir le coup. » Elle suivit son regard, derrière eux, en direction de la maison. « Il va avoir besoin de nous. » C’était une évidence qu’ils ne pouvaient nier. Ils savaient l’un comme l’autre à quel point Ken se voulait proche de son père et même s’il semblait entouré par ce vieil ami d’enfance, elle était persuadée que cela ne serait pas suffisant. Mais Ken n'était pas avec eux, pas encore, le trio prendrait un peu de temps avant de se reformer pleinement. En attendant, Lewis était là, juste à côté d’elle. « Toi aussi tu m’as manqué. » Plus qu’elle ne pourrait réellement le formuler. Est-ce qu’il allait le comprendre dans ce murmure qu’elle venait de laisser s'échapper entre eux, tel un secret que personne ne se devait d’entendre ? Retrouvant sa place au creux de ses bras, Shiloh préféra fixer son regard sur l’horizon. Lewis était là, elle pouvait le sentir contre elle, c’est bien tout ce qui importait. « Je suis désolée, Lewis. » Désolée d’avoir disparu, désolée de ne plus rien savoir sur sa vie, désolée de l’avoir évité toute l’après-midi. Désolée pour mille et une raisons qui venaient former une boule dans le fond de sa gorge et qui rendait ses yeux un peu trop brillants. Shiloh se refusait à pleurer, elle n’en pouvait plus de se laisser autant happer par ses émotions. Mais il n'était pas n’importe qui et elle se devait de lui demander pardon, même dans un silence trop long.

Il ne savait pas réellement dire si seul le contexte rendait leurs comportements différents de d’habitude parce que, de son côté, de nombreux détails agissaient sur lui sans qu’il ne réussisse à réellement le contrôler. Bien sûr que de dire adieu à cette figure qu’était le père de Kendall et le voir, lui, devoir accepter de continuer sans le pilier qu’il était avait l’impact le plus évident sur la façon dont ils avaient décidé d’agir ce soir alors qu’ils se retrouvaient enfin à trois. Mais il y avait quelque chose de plus chez Lewis, quelque chose qui l’autorisait uniquement à jeter quelques coups d'œil indiscrets vers elle sans jamais oser soutenir son regard, encore moins l’approcher. Il aurait pu citer des centaines de raisons mais une seule résumait parfaitement la situation : il s’agissait de Shiloh. Et il se sentait presque égoïste de penser à elle au milieu de visages meurtris qui ne songeaient qu’à une seule et unique personne mais c’était une échappatoire tout à fait plaisante pour lui. Lewis faisait difficilement face à l’enterrement et à la cérémonie qui s’en suivait et tous les stratagèmes étaient bons pour ne pas craquer, pas lui, pas quand il n’était pas le principal concerné par tout cela. C’était une épreuve pour tous, sans comparaison, et pourtant, il désirait garder la tête haute et s’assurer d’être présent de la meilleure façon possible pour Kendall lorsque l’occasion se présenterait enfin de lui adresser quelques mots. Les phrases encourageantes qu’il se récitait mentalement avaient fonctionné un temps mais il avait suffi d’un échange avec Kendall pour que la tristesse de son regard soit si communicative que Lewis prenne la fuite. Pas totalement, juste quelques minutes à s’asseoir au bord de la piscine qu'il fixait, le bleu que les lumières de celle-ci faisait ressortir ayant un effet hypnotisant sur lui. Le regard perdu, seul avec ses pensées, jusqu’à ce qu’une main ne se pose sur son épaule.

A la seconde où elle s’était retrouvée à ses côtés, Lewis avait réalisé à quel point il avait été stupide de ne pas aller vers elle directement. Sa peine s’était légèrement dissipée pour laisser place à cette autre sensation extrêmement pesante qu’il ressentait depuis des mois maintenant. Un manque. Viscéral. « Il va avoir besoin de nous. » J’avais besoin de vous, moi aussi. Mais ce n’était pas comparable, il le savait très bien. Lewis se sentait égoïste une nouvelle fois, pourtant, ces pensées qu’il détestait avoir resteraient enfouies au plus profond de lui, il avait bien trop de respect pour ses deux amis pour oser les faire culpabiliser avec ce qu’il ressentait. « Et on sera là. » avait-il affirmé, peu sûr de ce qu’il convenait de répondre. C’était une évidence, parce que s’ils s’étaient perdus, il leur était impossible de ne pas prétendre que leur lien n’avait jamais été défait alors que se jouait un drame sous leurs yeux. « Toi aussi tu m’as manqué. » Dans d’autres circonstances, il l’aurait traitée de menteuse en lui adressant un léger coup de coude mais il avait trop attendu ces mots ou en avait trop besoin pour faire autre chose que rester silencieux. Les laissant prendre place dans son esprit, dansant tranquillement au milieu des autres pensées bien plus négatives qui l’envahissaient et lui permettant d’entrevoir un peu de lumière dans tout cela. « Je suis désolée, Lewis. » De ces mots aussi, il en avait besoin, sans jamais l'avouer, mais il avait répondu spontanément comme si l'idée même de la voir souffrir à cause de lui lui était insupportable. « T’excuses pas, on a pas le temps pour ça. C’est du passé. » Il avait haussé les épaules, le moment permettait de voir à quel point la fatalité planait au-dessus d’eux. L’accident de son frère, la mort d’un père, ils étaient trop jeunes pour se perdre dans des contrariétés qui n’avaient pas lieu d’être. Ils étaient amis, peu importe les circonstances. Et il savait à quel point Shiloh en possédait des atténuantes même s’il n’avait aucune envie d’évoquer le sujet. Il n’était pas convaincu de combien de temps ils pourraient avancer avec tous ces non-dits et ce mélange de sentiments qui avaient la capacité de les détruire, mais ce soir, les yeux humides de Shiloh l’empêchaient de ressentir cette pointe d’amertume pour une seconde supplémentaire. « Et puis j’aime pas te voir triste, c’est pas l’image que j’avais gardée de toi, Shy. » Ses lèvres s’étaient étirées en un maigre sourire, il était peut-être maladroit mais il essayait tant bien que mal de la sortir de cet état dans lequel ils étaient tous plongés. « C’est terrible de le voir comme ça. » Il n’avait pas pour habitude de voir Kendall anéanti non plus. « Et je trouve pas les mots qu’il faut, je crois. C’est compliqué ici, ça ira mieux dans quelques jours déjà… En attendant toi tu peux rester là toute la nuit si t’en as besoin. » Shiloh savait à quel point Kendall et Lewis tenaient à elle et la (sur)protégeaient, ce qu’elle ne savait pas, c’était que ce dernier ne se pardonnerait jamais de ne pas avoir réussi à le faire au moment où elle en avait le plus besoin. « Sur mon épaule, j’veux dire, parce qu’on peut pas passer la nuit ici on va se faire jeter. » La touche d’humour était forcée, mais nécessaire.

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Si elle fermait les yeux, juste une seconde, elle pourrait prétendre que rien n’avait changé. Les années ne s'étaient pas écoulées dans l’absence. Elle serait au courant des moindres détails de sa vie. Les axes auraient continué à tourner dans le bon sens et leur présence dans ce jardin n’aurait alors résulté qu'à la suite logique d’une vie qui s'écoule et des amis qui se soutiennent. Ce point là ne différait pas. Qu’importe le temps et la distance. L’un comme l’autre, ils s'étaient présentés au cimetière dans le seul but d’apporter un infime soutien à leur ami de toujours. N’est-ce pas les amitiés les plus solides qui peuvent continuer à s’alimenter loin des conventions qui demandent à ce que le lien soit entretenu par des sorties et des coups de fil à pas d’heure ? Le lien se voulait fragile, maintenu par des souvenirs d’antan, mais toute une familiarité résidait dans les gestes qu’ils s’accordaient après tant d’années sans se voir. Shiloh se voulait hésitante quand Lewis débordait de cette spontanéité qui lui était propre. Il ne cachait rien, avouait tout, sans détour. « Et on sera là. » Elle avait entendu ce qu’il ne dira jamais. Pas un reproche, mais un sentiment amer qui venait à rappeler leur absence. Ils s'étaient éloignés, l’avait laissé seul à Brisbane et il n’était même pas en train de leur faire payer. Il était plus intelligent que cela, Lewis, plus grand que ce genre de bassesse. À défaut de trouver les mots, sa main était venue se poser sur son genou, serrant le tissu de son pantalon entre ses doigts.

La vérité s'écoulait entre des phrases murmurées avec pudeur. Un manque qui était complexe à définir, mais si réel. Un sentiment d’avoir gâché quelque chose tout en le retrouvant inchangé. « T’excuses pas, on a pas le temps pour ça. C’est du passé. » Lewis courait après la vie quand elle voudrait le retenir et le regarder dans les yeux. Pour tout lui dire. Pas pour se justifier, mais pour le déculpabiliser, lui assurer qu’il n'était responsable de rien, si ce n’est d’avoir toujours été le meilleur des amis possibles. « On prendra le temps. » Pas aujourd’hui, ce n’était ni le lieu, ni le moment, mais un jour. Ils prendront le temps de se retrouver autour d’une table, ou d’une accolade, pour discuter de tout ce qui ne s'était plus dit. « Et puis j’aime pas te voir triste, c’est pas l’image que j’avais gardée de toi, Shy. » Son sourire timide pouvait illuminer les pièces les plus sombres. Il venait atténuer toute la noirceur dans laquelle elle s'était retrouvée plongée malgré elle. Ce n’est pas l’image qu’il avait souhaité conserver, mais ce n’était plus la personne qu’elle pouvait être. Et les mots lui échappèrent avant qu'elle n'en possède le moindre contrôle. « J'ai longtemps été triste. » Le constat se voulait terrible, mais Shiloh ne voyait plus cela comme une condamnation. « Mais j'apprends à aller mieux. » Et elle serait ravie que Lewis fasse à nouveau partie du voyage. D'une manière différente, en épousant leurs deux personnalités d'adulte, sans jamais oublier tout ce qu'ils avaient pu être à une époque.

« C’est terrible de le voir comme ça. » Ce n’était pas Kendall. Pas vraiment. Plutôt le fantôme de leur ami qui n’était plus certain de pouvoir supporter la pression soudaine qui venait de tomber sur ses épaules. Il s’effaçait dans une foule, gardant le visage fermé et les yeux rivés sur le sol. Ce n’était pas celui qu’ils avaient connu, mais il restait l’essence même de leur petit groupe. « Et je trouve pas les mots qu’il faut, je crois. C’est compliqué ici, ça ira mieux dans quelques jours déjà… En attendant, toi, tu peux rester là toute la nuit si t’en as besoin. » Et tout se brisa en un instant. La magie d’un instant suspendu, la ramenant à une réalité qu’elle n’était pas certaine de savoir gérer. Shiloh se recula, créant à nouveau une distance entre eux. « Sur mon épaule, j’veux dire, parce qu’on peut pas passer la nuit ici on va se faire jeter. » Il plaisantait. Bien sûr, que tout cela n’était qu’une blague, une manière de lui demander de ne pas filer dès que le soleil aura terminé sa descente à l’horizon. Elle lui adressa un sourire timide, fixant à nouveau son regard sur la piscine. « Il y aura jamais les bons mots dans ce genre de situation. » Kendall ne voudra rien entendre de tout ce qu’ils pourraient lui dire. « Que tu sois là, c’est déjà important. » Il était venu, il avait pensé à son ami. Comme elle. Ils s'étaient déplacés sans savoir comment ils allaient pouvoir être reçus. Ce n’était presque rien, mais cela avait son importance. « J’ai pas vraiment envie de rester ici. » Elle ne voulait pas laisser Kendall, mais elle savait également qu’il ne serait jamais assez disponible pour accueillir ses anciens amis les bras ouverts. Il y avait ce brun qui le surveillait tel un pitbull enragé. Il était entouré.

Ils ne restaient qu’eux deux. A l’extérieur, loin de l’agitation qui s’atténuait vers l’intérieur. Et si elle avait eu un mouvement de recul sur une blague insouciante, Shiloh ne se voyait pas filer telle une voleuse. « T’aurais pas envie d’un milkshake ? » C’était leur truc d’avant. Se retrouver dans ce diner aux imitations américaines, souvent à pas d’heures, pour refaire le monde autour d’un verre glacé et de quelques pailles en plastique. C’est tout ce dont elle aurait besoin en cet instant et son regard empli d’espoir vint chercher celui de Lewis. Comme avant.

Peut-être n’avaient-ils pas assez profité des jours meilleurs, lorsque leurs seules préoccupations étaient de savoir si le cours de biologie de la première heure était réellement nécessaire. L’amitié se créait facilement durant ces périodes d’insouciance, celle-ci reposant sur de simples détails venant lier des personnes entre elles. Pour Lewis, pourtant, la période du lycée rimait déjà avec des inquiétudes bien plus intenses que celles de ses camarades et il s’était senti assez seul et à part pour voir en Shiloh et Kendall des épaules solides sur lesquelles se reposer déjà à l’époque. Les années qui étaient passées les avaient mis à l’épreuve, venant tester cette relation qui semblait si logique dans les couloirs du lycée et un moment comme aujourd’hui, dans toute sa tristesse, prouvait à quel point elle était solide. Ils n’avaient pas été à trois pour traverser toutes leurs épreuves, non pas par choix, mais parce que la vie en avait décidé ainsi et il refusait que Shiloh n’alourdisse un peu plus un fardeau déjà pesant. « J'ai longtemps été triste. » Il ne pouvait pas laisser cette information filer, laisser Shiloh prononcer ces mots et prétendre qu’ils ne résonnaient pas en lui plus que de raison. Ce n’était pas quelque chose qui était facile à entendre de la part de n'importe qui, mais parce qu’il s’agissait d’elle, Lewis avait immédiatement pu sentir son estomac se nouer. C’était une sensation similaire à celle qu’il avait ressentie lorsque son téléphone s’était retrouvé envahi de photos de son amie et que tout avait soudain fait sens dans son esprit. Lewis ne pouvait rien laisser paraître, pour ne pas entamer une discussion qui lui appartenait et pour ne pas raviver le souvenir de la façon dont son intimité avait été volée. Il refusait d’accorder de l’importance à ces actes pour ne pas en accorder à son auteur.  « Mais j'apprends à aller mieux. » C’était dans un réflexe dont il n’avait pas mesuré la portée que sa main avait attrapé la sienne pour y exercer une pression compatissante. Elle était là, criante de fragilité, la tête posée sur son épaule, et il demeurait incapable de comprendre comment quelqu’un avait pu oser lui faire du mal.  « Si je pouvais te débarrasser de tout ce qui te rends triste, tu sais que je le ferais, hin ? » Difficile de trouver les mots justes dans une pareille situation, alors qu’il avait déjà concentrés tous ses efforts sur Kendall et qu’il n’avait jamais été très doué pour s’exprimer tout court.

C'était presque comme si elle savait lire dans ses pensées, et pendant un temps, il était persuadé qu'elle en était capable. « Il y aura jamais les bons mots dans ce genre de situation. » Shiloh avait toujours été la plus posée de ce trio un peu particulier, où les personnalités étaient aussi différentes que la complicité était forte. La douceur avec laquelle elle parlait associée à l’intelligence de ses mots réussissaient bien souvent à apaiser Lewis, mais cette fois, pourtant, il s’était contenté de soupirer. Le sentiment d’impuissance était bien trop important pour être chassé aussi facilement. « Que tu sois là, c’est déjà important. » Il s’était juré de ne plus jamais rendre leur amitié ambiguë parce que l’idée de la gâcher lui était insupportable. Pourtant, même s’il savait pertinemment de quoi ils étaient en train de discuter, Lewis aurait voulu que cette annonce ait un lien avec la partie de la conversation qui avait précédé. Reprenant ses esprits, tentant de contrôler toutes ces émotions contraires qui le déstabilisaient, Lewis avait haussé les épaules. « On pouvait pas ne pas être là. » avait-il répondu et encore une fois, tout ce qu’il réussissait à dire semblait banal et surfait, bien loin de couvrir tout ce qu’il ressentait. Alors il avait utilisé ce qu’il maîtrisait bien mieux que ses émotions, une touche d’humour. « J’ai pas vraiment envie de rester ici. » Il avait jeté un œil par-dessus son épaule pour constater que si leur présence et leur soutien avaient été nécessaires, il était maintenant peut-être judicieux de quitter l’endroit. De laisser Kendall entamer le long chemin de deuil qu’ils avaient initié ensemble. Son regard s’était fixé sur lui, bien trop longtemps, au point de venir humidifier son regard sans qu’il ne le réalise réellement. « T’aurais pas envie d’un milkshake ? » Shiloh l’avait tiré de cette impasse et il avait reporté son attention sur son visage, la dualité du moment le rendant encore plus agréable que d’accoutumée. Laissant un sourire se dessiner sur son visage, il s’était levé, frottant l’arrière de son jean avant de lui faire face. « Tu me demandes ça ? A moi ? » Son index était venu pointer sa propre personne alors qu’il la fixait en haussant les sourcils dans un air bien trop dramatique.  « Allez, sauve toi, je récupère nos manteaux et je nous excuse auprès de Ken. » Ils fonctionnaient en trio à l’époque, la parole de l’un valant pour l’autre lorsque cela était nécessaire et Lewis pouvait voir sur le visage de Shiloh à quel point elle redoutait de faire face à ce qui se tramait à l’intérieur d’une maison qu’ils ne connaissaient que trop bien.

Quelques instants plus tard, ils s’étaient retrouvés dans un diner où ils passaient beaucoup trop de temps avant et ce retour en arrière avait eu un effet instantané sur l’humeur de Lewis. « Bah quoi, tu piques pas ma cerise aujourd’hui ? » avait-il demandé, évoquant avec plaisir leurs anciennes habitudes. Agitant la paille dans son milkshake à la vanille, Lewis avait relevé le regard vers elle pour constater qu’elle souriait et cela avait suffi à chasser toute la tristesse de ce jour. « On aurait dû faire ça avant, vraiment. Parle-moi un peu de toi, et me dis pas qu’il y’a rien à dire.  » Pas après tout ce temps. Pas alors qu’il ne désirait qu’une chose, la regarder se raconter en laissant l’ensemble des mouvements de ses mains et ses mimiques l’envoûter et lui faire tout oublier.

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Elle n’avait rien anticipé de la confession qui s'échappa d’entre ses lèvres. Shiloh n’a jamais été une bonne menteuse. Il lui était encore plus dur de cacher la vérité désormais. Il avait compté dans sa vie, il avait eu une place importante, si ce n’est la principale, fut un temps. Lewis méritait d’avoir une part de la vérité, que le masque se relève juste un instant, pour qu’il entende, qu’il comprenne que tout n’avait pas été simple pour elle. Shiloh s’en voulait, de l’avoir abandonné ainsi. De les avoir laissés derrière elle, hypnotisés par le charme d’un homme qui n’aura fait qu'abuser de sa bonté. Elle senti l'épaule de Lewis se raidir, mais il ne posa pas de questions. Elle l’en remercia silencieusement, pas encore apte à avoir cette conversation avec lui. « Si je pouvais te débarrasser de tout ce qui te rend triste, tu sais que je le ferais, hin ? » Il demanda malgré tout, elle ne pouvait l’en empêcher, lui qui avait toujours su veiller sur elle. « Je sais Lewis. » Elle savait mieux que personne, mais aussi doué qu’il pouvait être pour faire le pitre et lui provoquer un rire, cela ne serait sûrement pas suffisant. Avait-il au moins entendu, qu’elle s’en allait sur un chemin meilleur ? Il y avait tant de choses non dites dans leur silence qu’elle en eut presque le tournis. Tant de temps à rattraper sans réellement savoir par où commencer.

Au moins, ils étaient venus. Il n’était pas question de distance ou de rancœur pour se présenter aux côtés de celui qu’il avait toujours qualifié comme l’un de leurs meilleurs amis. « On pouvait pas ne pas être là. » Effectivement, l’autre option se voulait inconcevable. Et pourtant, Shiloh n’était pas passé loin de l’absence. « Je l’ai appris dans le journal. » Et tout ce que cette affirmation soulignait, c’est la honte qu’elle avait ressentie en lisant ces quelques lignes annonçant le décès de Monsieur Harding. Il avait été mentionné une longue maladie, elle n’était au courant de rien. « Tu savais ? » Qu’il était malade depuis longtemps ? Que Ken se préparait à cette éventualité sans doute depuis longtemps. Est-ce qu’il avait été présent avant elle ? Est-ce que l’un d’entre eux avait su faire les choses dans le bon ordre. Elle en doutait sincèrement. À la manière dont Lewis avait cherché à s’isoler de la foule, lui aussi paraissait rongé par un remords inavoué.

Ils auraient pu continuer à se terrer dans ce jardin durant des heures, mais Shiloh ne voulait manquer de respect à personne. Elle avait eu l’occasion de parler avec Ken au cimetière, elle lui avait donné son numéro et la possibilité de l’appeler à toute heure du jour et de la nuit. Maintenant, elle voudrait juste s'échapper par la porte de derrière et ne pas s’attendre à ce qu’on lui demande son lien d’affiliation avec le défunt. Shiloh n’avait jamais apprécié le monde et aujourd’hui elle appréciait encore moins que les regards s’arrêtent sur sa personne. L'échappatoire se voulait futile, mais elle savait que Lewis ne saurait lui refuser. « Tu me demandes ça ? À moi ? » Elle haussa les épaules et répondit du tac au tac. « Peut-être tu fais attention à ta ligne ?! » C’était la fille d’avant qui venait de sortir de sa coquille. Celle qu’il connaissait, mais avec qui elle n’était plus familière. Le rouge monta à ses joues à l’idée même d’avoir fait une réflexion sur le poids de son ami. Lawrence faisait pareil, jusqu’à ce qu’elle cache ses formes derrière des tee-shirts informes. « Pardon. » Les mots furent murmurés silencieux, à moitié couverts par la prochaine réplique de Lewis. « Allez, sauve toi, je récupère nos manteaux et je nous excuse auprès de Ken. » Elle se leva à son tour, tirant à nouveau sur sa robe pour qu’elle cache ses genoux. « Propose-lui. » Elle savait que leur ami dirait non, mais pas principe, en souvenir du bon vieux temps. « On sait jamais. »

Ken était resté chez lui, auprès de sa mère. Et pour la première fois depuis des années, Shiloh se retrouvait assise en face de Lewis. Il n’avait pas changé. Toujours le sourire aux lèvres, toujours l’envie de déconner, sans se soucier du monde. « Bah quoi, tu piques pas ma cerise aujourd’hui ? » Elle eut un ricanement amusé. « Je garde le meilleur pour la fin. » Lui ne ferait pas de remarque sur le fait qu’elle avait déjà bien plus entamé son verre. Il lui proposait la sucrerie simplement parce qu’il connaissait son amour pour le fruit rouge. Rien de plus. Elle n’était plus habituée, presque comme déséquilibrée face à une gentillesse si désintéressée. « On aurait dû faire ça avant, vraiment. Parle-moi un peu de toi, et me dis pas qu’il y’a rien à dire. » Elle fut tentée de quand même choisir la porte de la facilité. Mais cela ne prendrait pas. Il la regardait avec bien trop d’intérêt pour qu’elle se défile ainsi. De quoi pourrait-elle parler alors ? De son ex violent ? De son procès à peine gagné ? Non… Shiloh ne voulait plus se laisser définir par sa relation avec Lawrence. Alors, il ne restait qu’une seule chose. « Je suis devenue styliste pour la maison de haute couture Weatherton. » Il connaissait son amour pour la mode, il avait assez souvent joué les mannequins pour elle. Et le sourire qui étira les lèvres de Shiloh se voulut plus sincère que jamais. « T’imagines, je passe ma journée à dessiner des vêtements. » Son rêve ultime, qu’elle touchait enfin du bout des doigts. « Et toi alors ? T’es devenu un hackeur célèbre ? Ou t’as créé ce jeu vidéo dont vous parliez tout le temps avec Ken ? » Elle voulait retrouver cette innocence-là, celle de l’époque du lycée où ils ne se souciaient de rien, si ce n’est des potins de la journée. Ils avaient rêvé en grand tous les trois et même s’ils s'étaient perdus en chemin, elle espérait que les deux garçons aient pu accomplir ce dont ils avaient toujours eu envie. « Et ta famille ? Tout le monde va bien ? » Elle se souvenait de tout ce qu’il pouvait lui raconter sur les réunions familiales chez les Siede, les aventures de son frère aîné et les chamailleries de ses sœurs. Ils avaient tant de choses à rattraper.

Malgré les doutes qu’elle partageait probablement et qui les avaient obligés à attendre la fin de tout ça avant de se retrouver, les vieux réflexes n’avaient pas tardé à revenir. Les blagues pour détendre l’atmosphère, les regards qui remplaçaient les mots, tous ces petits détails qui rendaient leur amitié unique. Il y avait pourtant des automatismes que Lewis n’aurait pas voulu voir revenir aussi vite, le rattrapant sans même qu’il ne s’en rende compte. Le garçon la regardait toujours un peu trop intensément et le ton de sa voix n’était jamais aussi léger que lorsqu’il s’adressait à elle. Les années étaient passées mais son avis sur elle restait le même, et il se demandait parfois si Shiloh avait déjà remarqué quelque chose. C’était une des raisons qui le poussait à être aussi bienveillant mais ce qu’il savait l’aurait obligé à adapter son comportement avec n’importe qui. « Je sais Lewis. » Il savait qu’elle s’en sortait probablement seule, la fragilité qu’elle laissait paraître cachant une force l’ayant permis de surmonter tout ce qu’elle a vécu. Ce qu’il imaginait qu’elle avait enduré et qui l’amenait à lui adresser des sourires différents d’avant. Lewis connaissait Shiloh et s’il avait à cœur de la protéger depuis les tous premiers instants, il était également paradoxalement convaincu de sa faculté à tout surmonter. Même quelque chose que personne ne devrait avoir à vivre. S’il se sentait impuissant face au passé de Shiloh, le même sentiment le tiraillait aujourd’hui, sa simple présence semblant bien insuffisante face à la douleur de Kendall. « Je l’ai appris dans le journal. » Lewis avait levé le menton, sans réaliser qu’il s’agissait là de l’introduction à une question. « Tu savais ? » « Nan, nan, j’ai pas revu Ken depuis son départ, un ami commun m’a prévenu. » Personne n’avait pris les devants, il semblait qu’ils se retrouvaient tous aujourd’hui pour la première fois depuis longtemps.  « Visiblement on attendait de pouvoir être trois. » Il avait tourné son visage pour sourire à son amie, venant souligner la façon dont chacun d’entre eux était resté éloignés jusqu’à aujourd’hui. Même s’il était conscient qu’ils avaient raté plusieurs années, il ne pouvait s’empêcher de trouver cela beau.

S’il avait offert à Shiloh la possibilité de garder son épaule pour s’y réfugier - littéralement - celle-ci avait trouvé une autre échappatoire. « Peut-être tu fais attention à ta ligne ?! » Son éclat de rire avait rapidement été perturbé par une réaction inattendue qui ne ressemblait pas à la blonde. « Pardon. » Fronçant les sourcils, il avait adouci le son de sa voix. « C’est moi Shy, t’as pas à t’excuser pour une blague nulle. » Son attitude l’interrogeait, le regard qu’il portait sur elle devenant encore un peu plus protecteur. Il voulait savoir sa version, pas celle qu’il se créait par le biais des informations qu’il avait pu glaner en éliminant les photos à la racine. C’était encore trop tôt, alors il attendrait, préférant plutôt suivre le mouvement et les emmener tous les deux dans un endroit un peu plus gai. « Propose-lui. » Lewis avait grimacé, la demande sonnant hors de propos dans le contexte dans lequel évoluait Kendall. « On sait jamais. » Un haussement d’épaule et il avait disparu au milieu de la foule, laissant l’opportunité à son ami de les rejoindre lorsque les invités auraient eux aussi pris le chemin de la sortie. Son sourire triste semblait reconnaissant mais la réponse était claire. Lewis était évidemment déçu de ne pas pouvoir participer à un moment de répit pour lui mais il ne pouvait cacher son engouement quant à l’idée de se retrouver en tête à tête avec elle. Il était très vite redevenu lui-même, les rappelant à d’anciennes habitudes qu’ils avaient. « Je garde le meilleur pour la fin. » Lewis lui avait souri avant de redevenir un peu plus sérieux et la questionner sur les années qu’il avait perdues.  « Je suis devenue styliste pour la maison de haute couture Weatherton. » À cette annonce, ses mains avaient frappé la table dans un geste qu’il n’avait pas mesuré et qui l’avait fait sursauter. Peut-être un peu plus que de raison, mais il n’avait pas tiqué sur ce détail là, bien trop excité de l’entendre annoncer sa réussite. « Excuse moi mais putain Shy c’est énorme ! » Sa réaction n’était pas exagérée, Lewis était réellement heureux d’apprendre qu’elle avait réalisé l’un de ses rêves, malgré tout. « Dis moi que tu surveilles ma ligne parce que tu vas me faire un costume sur mesure. Steplé, steplé ? » L’avantage de se retrouver avec Shiloh était qu’il s’autorisait à nouveau à se comporter comme un gamin, ne se souciant absolument pas de s’il serait ridicule ou non. Cela faisait bien longtemps qu’ils avaient dépassé le stade du jugement et il avait toujours su être lui-même avec Shiloh, probablement parce que sa rencontre avec elle lui avait permis de comprendre qui il était vraiment. « T’imagines, je passe ma journée à dessiner des vêtements. » avait-elle ajouté et voir ses yeux briller et son sourire se faire un peu plus grand en parlant de sa passion agissait immédiatement sur son humeur, il mimait l’ensemble de ses expressions, son menton posé sur sa main alors qu’il l’écoutait s’enthousiasmer. « Et toi alors ? T’es devenu un hackeur célèbre ? Ou t’as créé ce jeu vidéo dont vous parliez tout le temps avec Ken ? » La première option l’avait fait rire, le fait qu’elle tente de s'intéresser à son métier alors qu’elle avait longtemps pesté de le savoir préféré son ordinateur à une sortie ciné également. « J’aurais adoré mais le truc le plus cool que je fais c’est gérer la sécurité d’une influenceuse. Mais je t’en dis pas plus, sinon je devrais t’éliminer. » Il avait murmuré les derniers mots en se penchant vers elle dans un effet faussement dramatique et ils s’étaient fixés quelques secondes, les yeux plissés. Et le tout s’était une nouvelle fois terminé dans un éclat de rire. « Plus sérieusement, je suis passé en freelance quand j’ai récupéré assez de contacts et j’ai pas mal de demandes de clients. Le nombre d’entreprises qui ont une passoire en guise de firewall, je te jure…  » Shiloh ne comprenait probablement pas un traître mot de ce qu’il disait, mais elle l’écoutait. Toujours. « Et ta famille ? Tout le monde va bien ? » Tout allait bien, tout allait pour le mieux jusqu’à ce que cette question vienne lui tordre l’estomac et lui faire instantanément penser à un seul et unique membre de sa famille.  « Ça va, ouais, on a toujours la fameuse réunion annuelle des Siede, tout ça. » La réponse était vague et le discours imprécis, il n’était pas prêt à aborder un sujet qui aurait soulevé ce sentiment de culpabilité qu’il refusait de les voir porter.  « En parlant de famille, Nate va être ravi quand tu lui diras que t’étais en tête à tête avec moi. » Il la provoquait pour détourner l’attention et parce que l’idée que son jumeau le détestait était devenu un running gag entre eux. « Tu diras bien que t’as insisté pour que Ken vienne, hin. Fallait le dire si tu voulais pas te retrouver qu’avec moi, je sais que t’as toujours eu une préférence de toute façon… » Combien de fois lui avait-elle dit qu’il était insupportable ? Sûrement pas assez pour qu’il ne cesse de l’être même juste le temps de ces retrouvailles. Il aimait bien trop voir se dessiner ce sourire en coin sur ses lèvres avant que, finalement, elle ne se décide à rire avant de le bousculer ou de lui lancer quelque chose à la figure. Comme tu m’as manqué, Shy.

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C’était comme si le Destin s'était chargé de tout lorsque la seule banquette de libre au sein de l'établissement s’avérait être celle qu’ils avaient clamée comme la leur. Le lieu était chargé de souvenirs, aussi différents et précieux les uns que les autres. Le point de rendez-vous d’un trio qui se pensait plus fort que la vie. Trois têtes blondes qui riaient aux éclats en échangeant les dernières rumeurs du lycée ou en se demandant qui serait la prochaine fille qui voudrait autant de Ken qu’elle aimerait se retrouver au bras de Lewis. Les souvenirs d’une époque révolue, mais qui ne pouvait dessiner qu’un tendre sourire sur les lèvres de Shiloh. Qu’importe la nervosité qui cherchait également à s’immiscer dans la moindre de ses pensées. Elle n’était pas venue en compagnie d’un inconnu, ce n’était pas un blind date. Lewis a longtemps fait partie de sa vie. Il était cet ami précieux, cette épaule sur laquelle elle avait si souvent pu se reposer, cette oreille attentive qui prenait toujours le temps de l'écouter. Il avait été quelqu’un de spécial dans son adolescence. Ce premier garçon qui change un peu les choses, celui qui fait naître quelques papillons dans le ventre. Il avait été tout cela à la fois et aujourd'hui, elle avait la sensation de retrouver le même garçon. Elle reconnaissait ses mimiques, se rassurait dans le sourire qu’il lui adressait alors qu’ils venaient de s’asseoir l’un en face de l’autre. D'apparence, il se voulait être le même, tandis qu’elle se sentait plus différente que jamais.

La preuve en était, l’ancienne Shiloh n’aurait pas sursauté aussi violemment au moindre mouvement brusque. Elle aurait éclaté de rire avant de lui demander de ne pas casser le matériel. Elle ne se serait jamais demandé si son prochain mouvement allait être de lui coller sa main dans le visage. L’ancienne Shiloh n’aurait jamais bronché. Aujourd’hui, elle devait se rappeler que Lewis était comme cela, qu’il aimait montrer son excitation, qu’il parlait fort et qu’il n’avait pas une once de méchanceté en lui. Mais son geste avait fait accélérer les battements de son cœur et elle sentait son regard se balader de gauche à droite. Des excuses se formaient déjà sur le bord de ses lèvres, alors qu’elle n’avait rien à se reprocher. « Excuse-moi, mais putain Shy c’est énorme ! » - « C’est rien… » Sa voix avait tremblé, mais elle chercha à lui adresser un sourire. Pas pour lui prouver quoi que ce soit, mais parce qu’il venait d’employer un surnom qu’elle n’avait pas entendu depuis si longtemps. « Dis-moi que tu surveilles ma ligne parce que tu vas me faire un costume sur mesure. Steplé, steplé ? » Et cette fois, elle ne put s’empêcher de rire face à son évidente excitation. Il paraissait comme un enfant à supplier ainsi et elle pourrait lui donner le monde pour conserver un air aussi joyeux sur ses traits, mais aussi pour l’entendre avoir un tel intérêt pour son métier. « Depuis quand tu portes des costumes, toi ? » Lewis qu’elle avait toujours vu vêtu d’un hoodie et de son éternel jean bleu. « Tu voudrais bien jouer les modèles pour moi ? » Elle n’avait pas besoin de mentionner le comme avant que sa phrase venait à sous-entendre. Il l’avait fait à tant de reprises, alors qu’elle n’en avait pas encore fait son métier et qu’elle aimait simplement inventer des collections. Aujourd'hui, tout se voulait si différent, elle ne créait plus uniquement pour elle, mais pour une véritable maison de couture. Si sur bien des points sa vie s’était écroulée autour d’elle, Shiloh avait su regagner sa passion. Elle s’y était accrochée comme à une bouée de sauvetage.

Et elle se demandait si Lewis s’était également lancé à corps perdu dans sa passion. Elle se souvenait du nombre de fois où il avait fallu le tirer hors de sa grotte pour l’emmener à l’extérieur, loin de l’écran de son ordinateur. « J’aurais adoré, mais le truc le plus cool que je fais, c’est gérer la sécurité d’une influenceuse. Mais je t’en dis pas plus, sinon je devrais t'éliminer. » Une fois encore, elle s’autorisa à rire face à sa clownerie. « Excuse-moi, monsieur fréquente des influenceuses. » Elle ne put s’empêcher de le taquiner, jouant la jeune femme impressionnée par l’information. « Mais du coup, ça consiste en quoi ? » Bien sûr qu’elle se voulait curieuse, elle l’avait toujours été, même si le monde codé de Lewis restait souvent une énigme pour elle. « Ou alors ça aussi, c’est classé secret défense ? » Et en prononçant ses mots, elle ne put s’empêcher d'ajouter amusée : « C’est Atlas qui t’a embauché, en fait ? » Elle se souvenait de son aîné, il avait dix ans de plus qu’eux, mais elle se souvenait de cet homme en uniforme qui ramenait dans ses paquetages le véritable sourire de Lewis. Shiloh n’avait rien oublié de toute la fratrie de Lewis. Sa famille nombreuse avec laquelle il partageait beaucoup de moments avant de raconter leur frasque familiale à ses amis. Elle se demandait ce qu’ils étaient devenus. La question se voulait naturelle, entre deux amis qui se retrouvent après autant de temps, mais Shiloh perçut le malaise qui s’empara de Lewis. Elle l’avait senti tiquer à l'évocation de son aîné, mais désormais, quelque chose paraissait sonner étrange. « Ça va, ouais, on a toujours la fameuse réunion annuelle des Siede, tout ça. » Et sa réponse se voulait bien trop générique pour entrer dans une quelconque normalité. Ne voulant le presser, comprenant qu’il n’avait pas envie de vider son sac à l’instant, Shiloh se contenta de faire glisser sa main sur la table, à la recherche d’un contact. Ses doigts effleurèrent le dos de la main de Lewis alors qu’elle lui adressa un doux sourire. Elle ne le presserait pas. Après tout, il y avait bien des choses qu’elle ne lui avait pas encore dites. Dans son geste se cachait simplement un message, elle avait compris, elle serait là s’il avait besoin. Rien de plus. Ils n’avaient jamais eu besoin d’en faire des tonnes de toute manière.

« En parlant de famille, Nate va être ravi quand tu lui diras que t’étais en tête à tête avec moi. » Il cherchait à détourner l’attention sans même réaliser qu’il venait, à son tour, de mettre les pieds dans le plat. « Tu diras bien que t’as insisté pour que Ken vienne, hin. Fallait le dire si tu voulais pas te retrouver qu’avec moi, je sais que t’as toujours eu une préférence de toute façon… » Elle eut un léger rire mi-amusé, mi-empli de nostalgie. Comment lui dire qu’elle n’avait plus les mêmes contacts avec son jumeau sans que cela ne réveille un millier de questions de sa part. « Je suis sûr que ça le dérangerait pas. » Nate n’avait plus son mot à dire, il n’avait même pas conscience que Shiloh c’était rendu à un enterrement aujourd’hui. Et à son tour, Shiloh tenta d’user d’un subterfuge. « Ça a toujours été toi, mon préféré Lewis. » Et si ses joues se tintèrent de rouge, ses mots ne pouvaient être plus sincères. Mais, une fois encore, Shiloh cherchait à se retirer dans sa carapace. « On se parle un peu moins avec Nate. » Néanmoins, si elle faisait le premier pas, peut-être que le naturel reviendrait au galop ? Est-ce qu’il allait vouloir l'écouter ? Est-ce qu’elle était prête à tout lui dire dès la première retrouvaille ? Shiloh n’était sûre de rien. Elle préférait encore plonger son regard dans le fond de son verre plutôt que de croiser les prunelles de Lewis, mais tout cela, elle ne l’avait jamais dit à personne et malgré les années, à ses yeux, il restait la personne à qui elle pouvait tout dire. Comme si rien n’avait réellement changé, comme s’ils n’avaient jamais été séparés. Elle avait désespérément besoin de retrouver cela, cette complicité si singulière et sa compagnie toujours emplie d’entrain et d’une légèreté qui lui manquait tant. À moi aussi, tu m’as manqué, Lewis.

La vérité sur ce que représentait réellement Shiloh pour lui avait refait surface après seulement quelques minutes de discussion. La façon dont le son de sa voix résonnait en lui avait quelque chose de différent et s’il n’était pas doué pour maintenir le regard de ses interlocuteurs, de Shiloh, il ne pouvait jamais réellement le défaire. C’était vivifiant et effrayant à la fois et cela le replaçait directement à cette position qui avait toujours été la sienne, le garçon timide qui masquait tout ce qu’il pouvait bien ressentir avec un trait d’humour. Pourtant, les choses étaient simples avec elle, et s’ils s’entendaient si bien, c’était probablement parce qu’ils savaient tous les deux s’enthousiasmer pour un rien. Et ce qu’elle venait de lui raconter était à l’opposé, c’était l’accomplissement de toute une vie et Lewis était sorti de sa coquille pour laisser exploser sa joie. « C’est rien… » Il pouvait le voir dans son regard, que ce n’était pas rien, et que sa fougue qui ne l’avait jamais quitté avait aujourd’hui été problématique. Il aurait pu rebondir, peut-être même qu’il aurait dû rebondir, mais elle paraissait si fragile que la moindre remarque aurait semblé déplacée. L’humour était donc revenu comme une rengaine apaiser une situation qui n’avait pourtant aucune vocation à être si tendue. « Depuis quand tu portes des costumes, toi ? » Lewis avait feinté une moue triste, alors qu’ils savaient tous les deux combien elle visait juste et ce malgré le costume noir qu’il avait choisi de porter aujourd’hui. Ils avaient tous les deux été assez intelligents pour user d’une pudeur quant à un sujet qu’il valait mieux maintenant reléguer au passé. « Tu voudrais bien jouer les modèles pour moi ? » Elle l’avait fait rire, à faire sa proposition avec une intonation timide, alors que cela était l’une de leurs habitudes les plus tenaces, celle qui leur permettait d’avoir ce petit truc en plus, rien qu’à deux. « Bah ouais, comme avant. J’arrive pas à croire que nos défilés bidons sur du Marvin Gaye t’aient menée jusque là. Je suis fier de toi, Shy. » Il n’avait jamais douté et ce même si son talent s’illustrait de la manière la plus naïve qui soit lorsqu’ils étaient encore loin du monde adulte. Le volume de la chaîne-hifi monté au maximum alors que Lewis se prêtait au jeu du mannequin essayant les derniers modèles proposés par Shiloh qui s’inspirait des plus grands créateurs. Ils s’amusaient, et maintenant qu’ils ne jouaient plus, Shiloh avait l’occasion de prouver à tous la force de sa volonté qui lui avait permis de réaliser un rêve. « Excuse-moi, monsieur fréquente des influenceuses. » avait-elle répondu et la voir retrouver le sourire le rassurait. « Mais du coup, ça consiste en quoi ? » Déjà, il grimaçait, sachant qu’il allait être compliqué de traduire son travail en mots compréhensibles pour tous et sans se perdre dans ses explications tant il aimait ce qu’il faisait. « Ou alors ça aussi, c’est classé secret défense ? » Il avait secoué la tête en riant avant de répondre. « Figure toi que j’étais ami avec elle avant qu’elle devienne célèbre, c’est un peu spécial pour moi, t’imagines bien. Et pour te la faire court je m’assure que tous ses réseaux et son site web sont sécurisés. Genre ultra sécurisés. »  Ses sourcils s’étaient haussés alors qu’il soulignait ce point, important pour tous ses clients car il s’agissait là de l’essence même de son métier mais encore plus pour Léna qui avait eu son lot de surprises.

« C’est Atlas qui t’a embauché, en fait ? » Il avait presque l’impression qu’elle pouvait lire dans ses pensées, à faire revenir ainsi le nom de son frère alors que le sujet restait difficile à aborder. Il s’était râclé la gorge, retrouvant le dossier de son siège. « Nan, Nan. J’adorerais bosser pour l’armée ou les services secrets, par contre. Mais je dois encore faire mes preuves avant ça. »  Il avait des projets plein la tête et les exposer à Shiloh les rendait plus réels, comme si tout était possible à ses côtés. Et l’idée qu’elle soit sa force alors qu’elle semblait cruellement désarmée était un paradoxe sur lequel il ne s’attarderait pas aujourd’hui. Tout comme sur le sujet des Siede, qu’il avait balayé à l’aide d’une phrase banale que Shiloh avait si bien interprétée que sa main était venue frôler la sienne. Son corps avait frissonné et son regard avait trouvé le sien un court instant avant qu’encore une fois, il ne se réfugie vers la première plaisanterie qui lui était passée par la tête. « J’ai toujours su que t’avais un faible pour mon grand frère, avoue » Et il lui avait lancé la boulette qu’était devenue sa serviette gentiment sur elle avant de s’attarder sur son frère à elle, la taquinant comme il l’avait toujours fait sur le côté protecteur de ce dernier. « Je suis sûr que ça le dérangerait pas. » Il n’en était plus sûr, ils avaient eux aussi perdu contact. « Ça a toujours été toi, mon préféré Lewis. » La sensation qui lui avait saisi la poitrine aurait été discrète, la façon dont ses joues étaient devenues rouges l’était beaucoup moins et il s’était passé une main dans les cheveux. « C’est ça, ouais… » Une phrase qui n’ajoutait rien à la discussion mais qui servait à donner l’impression que ces mots n’avaient eu aucun impact sur lui. « On se parle un peu moins avec Nate. » Il s’était immédiatement ressaisi, replantant son regard dans celui de Shiloh qui était devenu légèrement plus triste. « Oh. » S’il avait été capable d’en vouloir à Shiloh pour avoir emprunté un chemin compliqué pour lui, ils étaient maintenant quittes car il venait d’en faire de même. « Rien de grave ? J’ai du mal à vous imaginer séparés, vous deux. » Un léger sourire avait étiré ses lèvres alors qu’il repensait à ce duo inséparable que formait Shiloh avec son frère jumeau. Un sourire qui s’était effacé en repensant combien l’amitié qui le liait avec Nathan était devenue compliqué lorsqu’il avait compris ce que sa soeur n’avait, heureusement, jamais été en mesure de voir par elle-même. « On est pas obligés de parler de tout ça. Pas maintenant, je veux dire, on a mérité de passer un bon moment. » Il avait haussé les épaules avant de mettre la paille de son milkshake dans sa bouche pour en boire un peu, la boisson n’ayant pas descendu d’un trait depuis qu’ils l’avaient reçue tant ils parlaient. « On a le temps parce que j’ai pas prévu de te lâcher maintenant qu’on s’est retrouvés. » Et il aurait voulu passer chacune des prochaines secondes en sa présence, si cela avait été possible pour deux amis.

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« Bah ouais, comme avant. » Il paraissait toujours aussi attaché aux souvenirs du passé quand Shiloh avait tant de mal à se souvenir de la personne qu’elle avait pu être, avant. Cela lui revenait peu à peu, mais face aux yeux pleins d’espoirs de Lewis, elle avait peur de complètement le décevoir. « J’arrive pas à croire que nos défilés bidons sur du Marvin Gaye t’aient menée jusque-là. Je suis fier de toi, Shy. » Elle haussa des épaules, comme si tout cela se voulait normal, mais au fond, elle cherchait à dissimuler à quel point les mots de Lewis pouvaient la toucher. Il avait toujours cru en sa passion, l’avait toujours poussée à aller plus loin dans sa créativité et entendre dire qu’il était fier d’elle malgré tout, cela n’avait pas de prix. Elle l’avait laissé tomber, ne lui avait plus donné de nouvelles et pourtant Lewis l’accueillait les bras ouverts, sans le moindre reproche. Ce n’était pas son genre, il est vrai, mais elle aurait pu comprendre sa colère ou son désir de rester éloigné. Elle s’était tellement habituée aux reproches que c’était finalement le comportement si naturel de son ami qui lui paraissait un brin étrange. « Ce n’est pas grand-chose, j’ai eu de la chance. » De la chance que James souhaite la reprendre, de la chance encore lorsqu’il avait accepté de soumettre sa candidature pour le poste et probablement un miracle pour avoir été sélectionné parmi toutes les autres. Shiloh ne cherchait pas à ce dénigrer, elle pensait sincèrement que tout cela ne se résumait qu'à de la chance. Elle à qui on avait répété qu’elle ne ferait jamais carrière, elle souffrait désormais du syndrome de l’imposteur. Et il était tellement plus facile de rediriger la conversation sur Lewis. Lui qui acceptait tout avec le sourire, comme toujours. Il ne se démontait devant rien, enchaînant les blagues et les longs regards dans sa direction. Elle avait la sensation de redevenir une lycéenne, celle qui appréciait d'être le centre de son intérêt, celle qui avait eu des sentiments pour le garçon un peu timide, mais toujours si solaire. « Figure toi que j’étais ami avec elle avant qu’elle devienne célèbre, c’est un peu spécial pour moi, t’imagines bien. Et pour la faire court, je m’assure que tous ses réseaux et son site web sont sécurisés. Genre ultra sécurisées. » C’est probablement de lui dont elle aurait eu besoin lorsque les photos ont commencé à circuler sur Internet. La pensée fut furtive, mais eut le don de la déstabiliser. Avant qu’elle ne se rattrape avec un énième sourire empli de timidité. De celle qui n’avait pas lieu d’exister entre eux, normalement. « C’est chouette, Lewis. » Il faisait quelque chose qui semblait lui plaire, il avait l’air d’aller bien.

Elle avait manqué beaucoup de choses, elle pouvait le voir, le sentir, dans la manière qu’il avait de baisser les yeux parfois. À la façon dont il eut envie de s'éloigner dès l’instant où elle prononça le prénom de son frère aîné. Quelque chose avait changé, mais elle ne saurait dire quoi. Lewis cachait son jeu, tout comme elle. Ils marchaient sur la pointe des pieds, l’un en face de l’autre, sans vraiment savoir qui pourrait bien entamer le premier pas. Tout se voulait cruellement maladroit sans Ken pour jouer la carte de la distraction. « Nan, nan. J’adorerais bosser pour l’armée ou les services secrets, par contre. Mais, je dois encore faire mes preuves avant ça. » Il avait des ambitions de carrière, elle pouvait le comprendre. « Tu as encore le temps. » Pour faire ses preuves, pour trouver sa voix même. À quoi bon se précipiter ? Elle avait voulu tout faire, trop vite, et il fallait voir où cela l’avait mené.

Elle avait mis les pieds dans le plat, il sauvait la mise avec une blague et son sourire légendaire, sans jamais relever son geste. Pourtant, les doigts de Shiloh s’attardèrent contre son poignet. Qu’importe ce qu’elle avait manqué, elle voulait lui montrer tout son soutien. « J’ai toujours su que t’avais un faible pour mon grand frère, avoue. » Elle ne put s’empêcher de rire doucement. « C’est l'uniforme, ça. » Et si l’aveu de sa préférence aurait pu alléger l’ambiance, elle ne put que sentir son cœur se serrer face au dénigrement dont Lewis faisait preuve envers lui-même. « C’est ça, ouais… » Elle soupira, fronça les sourcils et murmura son prénom. « Lewis… » Il n’y avait jamais eu d’aveu particulier, jamais de grande déclaration. Elle n’avait jamais cherché à mettre des mots sur ce qu’il pouvait, parfois, lui faire ressentir, mais Lewis était l’un de ses meilleurs amis. Elle ne pouvait le nier, elle n’en avait aucunement envie. Et l’entendre se diminuer ainsi, n’avait rien d’amusant, qu’importe combien il essayait de blaguer à toutes les sauces. Elle n’insisterait pas sur le sujet de la famille, mais bien sûr que Lewis utilisa la même parade qu’elle. Un retour à l’envoyeur. Rien de méchant, juste deux personnes qui cherchent à reconnecter, sans jamais cesser de s’emmêler dans la complexité de leur présent. Ils n'étaient plus deux adolescents sans le souci, mais des adultes qui cherchaient à naviguer un quotidien parfois un peu trop dur. « Oh. » Il était surpris de son aveu. Comme si cela s’avérait impossible. « Rien de grave ? J’ai du mal à vous imaginer séparés, vous deux. » Il cachait, encore une fois, le tout derrière un sourire. Elle l’avait pensé, elle aussi. Qu’il était impossible de la séparer de Nate. Elle cherchait ses mots, ne voulait pas teinter l’instant de ses pensées moroses, mais Lewis cherchait des réponses et Shiloh ne voulait plus lui mentir. « On est pas obligé de parler de tout ça. Pas maintenant, je veux dire, on a mérité de passer un bon moment. » Il cherchait à sauvegarder le moment, comme si parler de ce qui les avait tous séparés viendrait à faire imploser leur bulle. Elle voulait lui sourire, mais son estomac ne cessait de se nouer face à l’idée de tout ce qu’elle ne lui avait pas encore dire. Tout ce qu’elle lui cachait sans trouver la force de lui dire. « On a le temps parce que j’ai pas prévu de te lâcher maintenant qu’on s’est retrouvés. » Shiloh senti ses yeux s'embuer de larmes qu’elle ne voulait laisser couler. Ses paroles si innocentes venaient de lui serrer le cœur. Il avait attendu, c’est ce qu’elle entendait au travers de tout cela. Lewis n’avait jamais perdu espoir, qu’un jour elle revienne. Il n’avait pas l’air d’avoir douté de leur amitié malgré tout ce qu’elle avait laissé derrière elle. Et Shiloh se sentait coupable. « Lewis… » Sa main qui était restée sur la table vint se cacher entre ses cuisses. « Tu es pas le seul avec qui j’ai coupé les ponts à un moment… » Comment le dire autrement ? Comment lui faire comprendre que ce n’était pas de sa volonté, mais qu’elle avait activement participé à tout cela. « Nate aussi... » Nate avait eu le droit au même traitement, aux appels laissés sans réponse, aux messages sans retour. Baissant le regard, elle soupira longuement, comme pour se donner du courage. « Je t’expliquerai tout. » Tout ce qu’elle serait capable de formuler sous son regard si intense. « Mais pas aujourd’hui… » Pas alors qu’elle venait tout juste de le retrouver et qu’elle se sentait comme enfin apaisée à ses côtés. Quelque chose sonnait juste à l’idée même de passer du temps avec Lewis. « Je veux juste que tu saches que tu m’as beaucoup manqué. » Encore une fois, les mots se voulaient faibles en comparaison de tout ce qu’elle avait pu ressentir. « Je… Je savais juste pas comment revenir. » Parce que durant une certaine période, Lawrence avait véritablement gagné. Il avait réussi à lui faire croire que ses amis n'étaient pas bons pour elle, il avait assez diabolisé Kendall et Lewis pour qu’elle n’ait aucune envie de leur parler à nouveau. Une fois le voile levé, il n'était resté que la honte d’avoir un jour pu penser ainsi. « Je suis désolé, Lewis. » C’est tout ce qu’elle avait encore la force de lui dire alors qu’elle pensait déjà à s'échapper, parce que son regard se voulait trop intense, parce que Lewis représentait trop de choses qu’elle l’avait laissé détruire en toute impunité.

Cette pause obligatoire dans leur relation permettait finalement de prendre encore plus conscience de la chance qu’il ressentait de la compter parmi ses amis. Il avait été difficile pour lui de tirer un trait sur ce lien, mais quelque chose au fond de lui l’avait toujours laissé imaginer que tout cela n’était que temporaire. La voir là, face à lui, venait confirmer cette théorie à laquelle personne n’aurait pu croire tant le contact avait été rompu et suffisait à lui donner le sourire dans un contexte pourtant douloureux. Ils avaient vécu le pire avec Kendall et continuaient à laisser planer des sous-entendus ici et là, les livrant à un moment chargé en émotion et pourtant, les lèvres de Lewis ne se décidaient pas à retomber. Il savait à quel point il était rare de trouver ces personnes dont la seule présence suffisait à se sentir bien, et Shiloh remplissait ce rôle à la perfection. Et si elle avait gagné cette place dans sa vie, c’était à force de moments passés ensemble où Lewis avait appris à lire en elle comme dans un livre ouvert et ce point fort de leur amitié se retournait aujourd’hui contre lui. Il constatait combien elle avait changé, combien ses éclats de rire avaient été remplacés par de timides sourires et la façon dont il réussissait à la surprendre avec un simple geste euphorique. « Ce n’est pas grand-chose, j’ai eu de la chance. » La façon dont elle minimisait sa réussite était cependant une caractéristique qui avait toujours correspondu à Shiloh.  « Du talent, tu veux dire. C’est pas la chance qui est à l’origine de tout ce que tu sais faire. » Peut-être qu’il n’était pas objectif lorsqu’il s’agissait d’elle, mais il refusait de l’entendre dénigrer cette opportunité qu’elle s’était elle-même créée. « C’est chouette, Lewis. » avait-elle répondu quand il avait évoqué sa propre carrière et il s’était contenté de sourire avant d’exposer ses plans. « Tu as encore le temps. » Il était ambitieux et s’entendre prononcer de tels souhaits tout haut le rassurait, comme s'il était encore capable de rêver après une période de doutes où il s’était senti trop seul pour miser sur son avenir.

Plus la discussion avançait, plus il devenait évident que les banalités et les plaisanteries tentaient de cacher la réalité des choses. S’ils se comprenaient encore comme avant, alors ils savaient tous deux qu’une grande partie de la personne qu’ils étaient devenus se cachait dans tout ce qu’ils ne disaient pas encore. Pas tout de suite. « C’est l'uniforme, ça. » Lewis avait simplement ri, appréciant de la voir se laisser aller à cet humour bas de gamme qui était si nécéssaire à ce moment précis. « Lewis… » Son regard s’était relevé vers elle pour constater l’air sérieux qu’elle avait pris, venant démontrer toute l’intensité qui se cachait dans cette échange de plaisanteries. Et en une fraction de seconde, la possibilité qu’elle voit en lui la même chose que ce qu’il avait toujours su voir chez elle semblait réelle. Il ne pouvait pas se laisser aller, pas maintenant alors qu’il aurait semblé profiter de son apparente faiblesse, pas quand elle semblait n’être plus que la moitié d’elle-même. Lewis avait été patient et continuerait de l’être. Pour le moment, il avait retourné la question concernant leurs familles respectives vers elle et s’il avait pu anticiper la réponse, il se serait probablement abstenu. « Lewis… » C’était la seconde fois qu’elle prononçait son prénom, mais elle était bien différente de la précédente. « Tu es pas le seul avec qui j’ai coupé les ponts à un moment… » Et il était là, le fond du problème, au bord de ses lèvres. « Nate aussi... » Son regard ne la quittait pas, comme s’il voulait s’assurer qu’elle comprenait qu’il était là peu importe ce qu’elle dirait ensuite. « Je t’expliquerai tout. » Ses yeux plongés dans les siens, Lewis aurait voulu lui indiquer qu’il connaissait une partie de la vérité, pour lui accorder cette honnêteté qu’ils s’étaient toujours promise. Mais il savait qu’il était impossible de respecter sa promesse sans risquer d’ouvrir une blessure qui semblait à peine refermée. « Mais pas aujourd’hui… » Ils étaient souvent sur la même longueur d’onde et choisissaient encore aujourd’hui de s’accorder sur cette envie de simplement profiter du moment. « Je veux juste que tu saches que tu m’as beaucoup manqué. »  « Toi aussi. » Et il lui répéterait une centaine de fois si cela suffisait à lui indiquer à quel point c’était vrai. « Je… Je savais juste pas comment revenir. » Il haïssait de lui mentir presque autant qu’il haïssait de la voir souffrir, même de manière infime comparée à avant. Shiloh avait traversé le plus difficile et comme elle l’avait dit elle-même, elle allait mieux. Mais ce n’était pas encore assez aux yeux de Lewis qui pouvait encore ressentir l’étendu des dégâts causés par son ex petit-ami. « Je suis désolé, Lewis. » Dans un scénario idéal, il se serait levé pour s’installer à côté d’elle, replacer ses cheveux derrière ses oreilles avant de la prendre dans ses bras. Mais pour différentes raisons, il n’oserait pas et s’était contenté de replacer son regard sur son milkshake. « Je suis sûr que t’avais une bonne raison. » Une bonne raison. Le choix de ses propres mots l’avait fait tiquer. « Et tout ce que je vois c’est que t’es là maintenant et tu me connais assez bien pour savoir que je gâcherai pas tout en t’accablant de reproches. Tu les mérites pas. » Pas après ce qu’elle avait vécu, et il n’osait imaginer ce à quoi ressemblait réellement la partie immergée de l’iceberg quand il n’avait eu qu’un aperçu avec les photos. « Tu m’expliqueras si t’en as envie mais t’as tout le temps avant de le faire. Faut juste que tu saches que je me suis beaucoup inquiété pour toi. » Et que jamais il n’avait eu de cesse de penser à elle.

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from when we were the children playing in this fairground

@LEWIS SIEDE & SHILOH

Dans le fond, c’est comme s’ils ne s'étaient jamais réellement quittés. Comme si quelqu’un avait mis le jeu sur pause. Le moindre geste se voulait emprunt d’un naturel déconcertant, leur sourire traduisant une nostalgie retrouvée. Il n’y avait rien d’anormal à ce qu’elle pique la chantilly de son verre ou qu’il lui jette un bout de serviette en papier au visage. Le temps avait altéré leur personnalité, faisant d’eux de jeunes adultes et non plus les adolescents qui avaient pour habitude de se retrouver dans ce restaurant à la déco sans âge. Rien ne semblait avoir changé et c’est pourtant à demi-mots qu’ils osaient s’avouer la réalité des choses. Lewis paraissait encore plus timide, comme un peu plus perdu dans sa carapace. Toujours avec le sourire. Son arme secrète, celle qu’il saurait dégainer dans son sommeil s’il le pouvait. Il ne changeait jamais de ton, Lewis. Il conservait sa joie de vivre et son éternelle envie de faire des blagues. Il fallait savoir lire entre lignes, prendre le temps d’analyser les soupires et la manière dont ses épaules paraissaient, parfois, porter un poids trop lourd pour lui. Et même au milieu de ce qu’il semblait avoir traversé de son côté, il restait cet homme attentif, celui qui vous prêtera toute son attention et qui restera à l'écoute. Celui qui ne la forçait à rien, mais qui prenait tout ce qu’elle avait à lui offrir. Des explications à demi-mots et surtout la promesse d’en parler, autrement, un autre jour, dans un contexte différent. Shiloh lui donnera des explications, mais en attendant, elle voulait s’assurer qu’il comprenait le manque qu’elle avait ressenti. Et surtout, le bonheur qu’elle avait de se retrouver à nouveau face à lui. « Je suis sûr que t’avais une bonne raison. » Elle n’était pas certaine que la raison se voulait bonne, mais l’excuse n’était pas vaine. Il allait falloir trouver les mots justes pour lui conter cette période de sa vie, mais Shiloh ne se sentait pas nerveuse. Elle savait que Lewis l'écoutera jusqu’au bout et sans jamais émettre le moindre jugement. Elle avait assez confiance en lui pour être certaine de cela. « Et tout ce que je vois, c’est que t’es là maintenant et tu me connais assez bien pour savoir que je gâcherai pas tout en t’accablant de reproches. Tu les mérites pas. » Elle lui adressa un énième sourire empli de timidité. Un sentiment qui n’avait pas lieu d'être, mais qui prédominait malgré tout. « Tu m’expliqueras si t’en as envie, mais t’as tout le temps avant de le faire. Faut juste que tu saches que je me suis beaucoup inquiété pour toi. » Et une fois encore, sa main vint la chercher, la sienne. « Tu n’as plus a t'inquiéter maintenant, je te promets. » Elle avait quitté cette situation toxique et elle s’autorisait enfin à relever la tête. Il allait comprendre, elle en était certaine, il lui fallait juste encore un peu de temps. « Et tu pourras toujours me dire ce qui est venu gâcher tes sourires. » Il devait entendre qu’elle avait vu, qu’elle n'était pas aveugle, mais qu’elle aussi, lui laissait tout le temps dont il avait besoin. « Je crois qu’il était temps que nos chemins se croisent à nouveau. » Comme si le destin avait attendu qu’ils soient sur la voix de la guérison pour les bousculer l’un vers l’autre à nouveau. La promesse d’un avenir plus doux pour renouer un duo pas vraiment comme les autres.