i can do it with a broken heart
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Inutile de le connaître intimement pour savoir que Kennedy désapprouvait l’idée qu’Evelyn lui avait soumise en arrivant au bureau ce matin. Le fait était qu’il n’était que son assistant, et qu’il n’avait pas grand-chose à dire sur les décisions qu’elle ne partageait avec lui que parce que c’était son boulot d’être le gardien des idées qui lui traversaient l’esprit, et qu’elle avait besoin de consigner soigneusement dans un fichier dont il avait la garde exclusive "Et tu n’as pas peur qu’on l’accuse de profiter d’une promotion canapé ?" l’entendit-elle lui dire avec l’insolence qui le caractérisait, la nonchalance dans son regard lui donnant l’air constamment endormi alors qu’elle savait très bien que, de tous ceux qui travaillaient ici, le jeune homme était celui qui avait l’esprit le plus vif, au contraire. N’ignorant pas qu’il avait été assez proche de son prédécesseur, cette anecdote le plaçait sur sa liste personnelle de ceux dont elle se méfiait par principe, même si elle tenait tout de même à leur laisser le bénéfice du doute ; le prouvait l’idée qu’elle ne l’avait pas congédié, convaincue qu’il pourrait lui être utile. Elle le fixa, les sourcils haussés "Je tiens à te rappeler que moi, c’est Evelyn Pearson, pas Saül Williams. Les récompenses à base de faveurs sexuelles, ça n’a jamais été dans mon éthique de travail. Crois-le ou non, je suis certaine qu’en dehors de toi, tout le monde ici n’en doute pas une seule seconde." Elle avait appris qu’il fallait le bousculer un peu, Kennedy, et lui rappeler sa place. Elle le faisait plus souvent qu’à son tour, Evie, et si ça lui laissait toujours le sentiment d’être dure et sans pitié, ici, elle était prête à défendre son point de vue face aux décideurs de l’entreprise contre qui elle devrait certainement se battre incessamment sous peu pour qu’ils adhèrent à son projet. Quelques secondes encore, elle échangea avec son assistant un regard sans équivoque, aussi fixe qu’il était sûr, et puis elle tourna les talons en lui disant "Je compte sur toi pour n’en parler à personne jusqu’à la prochaine réunion." La mise en garde était claire, bien que prononcée sur son ton usuel : si elle se rendait compte que qui que ce soit était au courant de ce qui s’était dit dans ce bureau, elle saurait de qui viendrait la fuite et elle agirait en conséquence.

Rapidement après l’avoir quitté pour rejoindre son propre bureau, elle saisit son téléphone portable pour inviter Rhett à la rejoindre ici en fin de matinée pour qu’ils déjeunent ensemble ; surtout pour préparer le terrain de cette idée qu’elle venait d’avoir, et dont il était l’élément principal. Elle n’ignorait pas que le succès de l’adaptation de Nine était mitigé, et que sa déception à ce sujet le rendait amer, surtout que s’ajoutait à ça le temps que ça mettait pour qu’elle tombe enceinte. Elle pouvait lui offrir une distraction, et plus encore, un ego boost avec lequel il se ragaillardirait, n’étant pas le dernier à éprouver le besoin de constant de briller. Elle voulait qu’il le fasse, elle voulait qu’il prouve qu’il ne se laissait pas abattre par un demi-échec et que ça ne l’atteignait pas suffisamment pour qu'il se terre et enterre son envie de reprendre son destin en mains. Satisfaite de son idée, elle la trouvait parfaite, et elle était prête à lui en faire part le plus rapidement possible. Excitée comme une puce à cette idée, elle ne se laissa pas perturber pour autant, et s’appliqua à bien travailler tout au long des heures qui la séparait de l’arrivée du jeune homme dans les bureaux de de la MHI — ce qui arriva plutôt vite étant donné la charge de travail qu’elle avait, et qui la laissa un temps hors de ses pensées, lesquelles se recentrèrent lorsqu’elle leva la tête vers l’immense verrière qui constituait les murs de son bureau, et vit arriver le jeune homme qu’elle accueillit avec un immense sourire "Tu me sauves d’un burn-out imminent." lui fit-elle en se levant de sa chaise pour aller l’embrasser. Elle le fit sans se soucier qu’on les voit au travers de la verrière, restant même un instant à proximité de lui et de son beau visage pour l’observer, et faire le point sur ce qu’elle avait en tête. Rhett, il était assez beau pour devenir une égérie, c’était une certitude dont elle n’avait pas besoin de se convaincre tant l’évidence était nette : il suffisait de le regarder. Convaincue de ce qu’elle mûrissait, ça fit rire doucement Evie qui lui donna un nouveau baiser avant de se reculer de lui en lui disant, n’y tenant plus "Tu as du temps devant toi pour empiéter un peu sur l'heure du déjeuner, ou il nous est compté ?" Elle préférait s'en assurer avant tout, ajoutant dans la foulée tandis qu’elle allait appuyer le bas de ses reins contre la rambarde devant la fenêtre la plus large de son bureau "Je dois te parler de quelque chose."

L’invitation n’est pas particulièrement commune dans leur couple, du moins pas à manger ensemble dans les locaux des bureaux d’Evelyn, mais elle n’a rien de particulièrement unique pour laisser Rhett vaquer à des pensées inquiètes. Il n’est de toute façon pas le genre d’homme à sur-interpréter quoi que ce soit, lui qui se contente de voir les choses au jour le jour et de se demander seulement ensuite comment il devrait faire pour agir au mieux - et bien souvent, la réflexion arrive trop tard. En ce qui concerne un simple moment passé avec Evelyn, il se contente de penser qu’elle a finalement un peu plus de temps libre qu’elle le croyait et qu’elle souhaite en profiter pour qu’ils passent un peu de temps ensemble. Après tout, si les rôles avaient été inversés il en aurait fait de même à son tour. "Tu me sauves d’un burn-out imminent." La matinée est passée plus rapidement que prévue et est venu le moment où un taxi l’a déposé à l’entrée des locaux, où il n’a su faire autrement que jouer de son sourire de Colgate à tout va avant d’arriver à l’étage où se trouve Evelyn. Il ne travaille pas ici mais il connaît au moins les employés, ce qui est sans doute dû au fait qu’il ne veut pas donner l’impression d’être l’éternel invité des lieux. Ça devient un peu aussi chez lui, maintenant, même s’il ne contribue en rien à l’essor de l’entreprise. Face à Evelyn, c’est un sourire particulier qu’il esquisse ; contrairement aux autres employés qu’il apprécie sans en penser davantage, ses sentiments pour la brune sont évidemment bien différents. Ainsi, il répond simplement à son baiser sans poser de questions, sans même lui demander si elle est certaine que ce genre d’épanchement dans l’entreprise ne la mettrait pas dans une situation difficile. Après tout, elle est la seule à dicter les règles. Elle est leur capitaine. « Est-ce que j’ai le droit de dire que je suis ton sauveur, ni plus ni moins ? » Il rétorque avec le sourire d’un adolescent éternellement en train de jouer la surenchère. Un adolescent qui ne va pas plus loin dans ses propos, déjà occupé à laisser son pouce caresser l’arrête de sa mâchoire lorsqu’elle entreprend un second baiser. Au moins, il est déjà assuré de ne pas avoir été convoqué dans son bureau pour se faire disputer.

"Tu as du temps devant toi pour empièter un peu sur l'heure du déjeuner, ou il nous est compté ?"
« J’ai tout mon temps. »

Il a tout son temps de façon générale, mais il l’a encore plus dès qu’il s’agit d’Evelyn. "Je dois te parler de quelque chose." Par réflexe, il dépose son regard sur son ventre, comme si toutes les discussions qu’ils allaient pouvoir à partir d’aujourd’hui se résumeraient à ce petit-être dont ils attendent l’arrivée sans jamais la connaître. Parce qu’il sait que la dernière déception en date est trop récente et surtout trop vive, il n’en dit pourtant rien. Il a beau ne pas s’y connaître parfaitement sur la question des tests de grossesse, il pense surtout que trop peu de temps s’est écoulé pour qu’elle ait pu en faire un autre revenu positif. « Ça va ? » Il se contente alors de rétorquer à son tour, sincèrement soucieux. Il prend un peu de recul sur elle et sur son visage qu’il observe un peu mieux dans son ensemble, à la recherche d’une réponse comme si elle pouvait s’y trouver là, écrite noir sur blanc. Il fait le lien avec le burn out dont elle parlait, une idée qu’il n’a fait pourtant qu’associer à une simple blague. Puisqu’ils sont tous les deux à cran au sujet du bébé, pourtant, il n’aurait pas de mal à imaginer que cela se répercute sur son travail à son tour. « Tu veux que je ferme les rideaux ? » Si jamais elle doit lui parler d’un sujet qui ne concerne qu’eux, elle préférerait sans doute autant que cela se fasse sans qu’ils ne puissent être vus - qu’ils ne puissent pas être entendus étant une évidence en soi. « Bonne ou mauvaise nouvelle ? » Il finit par demander, véritable enfant impatient qui a besoin qu’on lui dicte sa réaction pour ne pas devenir fou à les envisager toutes.

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Elle laissa un léger rire lui échapper, heureuse que Rhett se soit montré à l’heure du rendez-vous qu’elle lui avait fixé, heureuse aussi qu’ils en soient à un stade où se voir pour deux heures seulement était le pic de leur journée, même s’ils la passaient séparément — ils vivaient ensemble, ils s’étaient vus ce matin, mais ce n’était qu’un détail "Tu as même le droit de dire que tu es mon héros. Vraiment, ce serait à peine exagéré." Ce serait totalement exagéré, puisqu’ils n’étaient que tous les deux, personne ne ferait de remarque désobligeante au sujet de l’évidence, à savoir qu’elle polissait gracieusement l’égo de son compagnon sous le seul prétexte qu’elle pouvait le faire, que ça lui faisait plaisir, et que c’était tout ce qui comptait. Après un second baiser, elle lui laissa de l’espace, rentrant presque immédiatement dans le vif. Il avait le temps, ils avaient le temps, et c’était une bonne chose qui lui permettrait de lui expliquer les tenants et les aboutissants de cette idée qu’elle voulait à lui soumettre et qui n’était en rien en rapport avec ce qui semblait être devenu le centre de leur univers.

Elle intercepta son regard quand elle lui dit avoir quelque chose à lui dire, et  immédiatement, elle se sentit un peu idiote de ne pas avoir anticipé qu’il pourrait penser à une annonce de grossesse. Elle avait pourtant la prétention de penser que Rhett la connaissait assez pour ne pas faire les choses de cette façon-là, aussi grossièrement qu’en l’invitant à déjeuner entre deux décisions à prendre pour le travail, mais elle comprenait évidemment que ses pensées le mènent à ça en premier. Chez elle aussi,  ça avait tendance à être obsessionnel, bien qu’elle essayait de prendre un peu de recul, de se mettre un peu moins la pression, et de se dire que ça viendrait quand ça viendrait, voilà tout. Par réflexe inconscient, elle posa sa paume sur le renflement absent de son abdomen, initiant un léger sourire quand, presque sur le ton de la conversation, elle le rassura d’emblée "Ça n’a rien à voir avec ça." Ça. Comme si, depuis qu’ils avaient eu de gros soupçons récemment, elle se refusait à aborder le sujet autrement quand dématérialisant les choses, la chose, et en choisissant de ne plus parler de bébé, mais de tout un tas d’adjectifs divers et variés qui la rendaient moins coupable de s’attacher à quelque chose qui n’existait pas, pas encore en tout cas.

Ce serait bientôt le cas, il ne fallait pas qu’ils se fassent de soucis pour ça. Ils ne s’en feraient pas là, elle se le jura, la paume toujours contre son ventre. L’enlevant enfin pour la passer dans ses longs cheveux, elle eut un rire en l’entendant lui demander si ça allait "Très bien, je t’assure." Les reins posés contre la rambarde installée devant la fenêtre la plus large de son bureau, elle se dit qu’elle aurait davantage dû préparer son entrée en matière. Pour autant, elle se faisait confiance pour lui présenter les choses et alléger l’atmosphère. La perche qu’il lui tendait l’y aida sans délai, refoulant avec malice son idée de fermer le rideau devant la grande baie vitrée de son bureau "Sauf si tu as une idée derrière la tête, mais je crois que ça ne sera pas nécessaire si tu te contentes d’écouter ce que j’ai à te proposer." À te proposer, il s’agissait donc d’une proposition, pas d’une véritable annonce. Il pouvait respirer, elle pouvait s’exempter de lui répondre qu'il s’agissait là d’une bonne nouvelle, bien sûr que c’en était une "J’ai fait un travail de recherches te concernant." lui annonça-t-elle, sérieuse, malgré la petite lueur d’espièglerie qui vint éclairer ses yeux quand, plissant les paupières, elle alterna la position de ses chevilles pour les croiser, toujours appuyée contre la rambarde qu'elle n’avait pas quitté "Et je me suis rendue compte que, depuis la fin de ta carrière de sportif, tu n’as plus vraiment été positionné pour des campagnes publicitaires dignes de ce nom." Ce n’était pas un moyen de pointer du doigt une quelconque défaillance, c’était un constat qui l’étonnait étant donné que Rhett était un champion certes, il avait aussi l’avantage d’avoir la belle gueule qui allait avec — peut-être que ses déboires rendaient frileux les grandes marques, mais de ça, elle en ferait son affaire plus tard. Elle continua "C’est une stratégie de ton agent, ou c’est une volonté qui vient de toi ?" Levant les mains devant elle, elle ne lui laissa pas le temps de répondre, et se décolla de son petit coin pour s’avancer vers son bureau "Ce n’est pas une question piège. Je suis juste curieuse, et avant que tu me poses la question, oui, c’est important pour la suite de notre conversation."

Il aime la version dans laquelle il n’est rien d’autre que son héros, évidemment. Pourtant, il sait aussi parfois être un adulte, raison pour laquelle il n’éprouve pas davantage le besoin de polir son ego - même si tout de même, oui, il trouve ça plutôt bienvenue de le qualifier de héros et d’ainsi souligner à quel point il est une bonne personne. Mais selon l’avis de Rhett, évidemment pas biaisé le moins du monde, cela se rapproche d’une certaine évidence. "Ça n’a rien à voir avec ça." Et il hoche la tête. Dans cette discussion, même lui n’éprouve pas le besoin qu’elle précise le “ça” dont il est question, là où il aurait normalement ressenti le besoin qu’elle pose des mots véritables sur la situation pour ne pas être certain de faire fausse route. Il sait déjà qu’il n’est pas en train de faire fausse route tant tout autour d’eux est particulièrement évident: elle n’est pas enceinte. "Très bien, je t’assure." Sans même le savoir, il est surtout en train de le rassurer, raison pour laquelle il hoche déjà la tête pour la seconde fois. Ils ne vont pas être parents, certes, mais au moins elle va bien, et c’est déjà une bonne chose sur laquelle il peut se reposer.

"Sauf si tu as une idée derrière la tête, mais je crois que ça ne sera pas nécessaire si tu te contentes d’écouter ce que j’ai à te proposer." L’humour qu’elle ajoute à la conversation finit de le rassurer, et il mentirait s’il disait ne pas être un brin intéressé par l’idée qu’elle avance. Pour autant, la curiosité prime pour le moment face à ce qu’elle a à lui proposer. Elle distille les informations au compte goute au sujet de cette discussion et ce n’est pas dans ses habitudes que d’attendre patiemment qu’elles viennent à lui. "J’ai fait un travail de recherches te concernant." Si elle ne semblait pas d’aussi bonne humeur, il aurait pu se questionner pendant un instant ce qu’elle aurait pu vouloir chercher à son sujet au point d’en faire des recherches. Il a peut-être parfois tardé à lui avouer ses erreurs, certes, mais il l’a tout de même toujours fait. « Rien que tu aurais pu me demander ? » Il demande à son tour avec humour, plus que jamais curieux de savoir ce qu’elle a pu faire comme “recherches”, et surtout pourquoi elle ne lui en parle qu’après coup. "Et je me suis rendue compte que, depuis la fin de ta carrière de sportif, tu n’as plus vraiment été positionné pour des campagnes publicitaires dignes de ce nom." Sur ce point, c’est la bonne humeur de Rhett qui en vient à vaciller. Il a beau savoir que l’objectif d’Evelyn n’est pas de l’humilier ou même de le pointer du doigt, mais il ne sait pas non plus ce qu’elle est en train de chercher avec de tels mots. Elle n’a pas besoin de lui pour lui confirmer qu’elle a raison: quand elle fait des recherches, elle les fait évidemment avec minutie. "C’est une stratégie de ton agent, ou c’est une volonté qui vient de toi ?" Evie précise que la question n’est pas piégeuse et il ne remet pas ses mots en question. Il trouve la situation étrange, mais il ne laisse aucune faute reposer sur la brune, raison pour laquelle il répond sans attendre davantage - cela n’aidera pas à rendre le constat un peu moins douloureux. « Ce n’est pas une stratégie de qui que ce soit, non. » Il n’a refusé aucune campagne publicitaire, et son agent n’en a refusé aucune non plus. Après sa déchéance sportive, et sans doute aussi à cause des scandales et de l’âge peu à peu gagné, personne n’a pensé à lui pour mener des campagnes souvent coûteuses. Ils avaient besoin de quelqu’un de plus impactant, quelqu’un qu’ils ne craignent pas de voir leur filer entre les doigts. « Mais j’ai du mal à comprendre la suite. » Et pourquoi c’est une discussions qu’ils ont au sein même des locaux de la Michael Hills plutôt qu’entre deux pièces de la maison qu’ils partagent désormais. En d’autres termes, il ne comprend pas pourquoi ce n’est pas une discussion purement domestique, ni même comment sa carrière pourrait avoir le moindre rapport avec l’entreprise qu’elle dirige désormais. « J’ai pas reçu d’offre récemment, si c’est ce que tu veux savoir. » Il pense qu’elle ne comptait pas le lui demander non plus, mais il le précise tout de même, son regard retrouvant celui d’Evelyn avec l’espoir un peu fou d’arriver à lire dans ses pensées. Il ne veut pas avoir de nouveau à marcher sur des oeufs à ses côtés.

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"Surement que si, mais j’avais envie de me compliquer la tache." Et de remettre le nez dans le récit de la carrière d’un Rhett qu’elle ne connaissait pas à l’époque de son ascension fulgurante. Elle s’installa enfin derrière son bureau, se posant résolument sur sa chaise et la faisant rouler pour remettre ses roues droites et ranger ses jambes sous la table en verre, joignant ses mains sur le dessus dans une position aussi sérieuse qu’elle tranchait avec le doux sourire qu’elle offrait à Rhett, de l’autre côté. Inutile de préciser que ses questions n’avaient pas vocation à réveiller les blessures d’ego du jeune homme, bien qu’effectivement, son approche aurait pu être différente et qu’elle aurait pu tout de suite entrer dans le vif du sujet sans passer par quelques pirouettes qui l’amusaient, au demeurant, de bonne humeur, et surtout certaine tout au fond d’elle que sitôt qu’elle aurait exposé son plan au jeune homme, il y adhérerait avec enthousiasme. L’observant la tête penchée, elle opina doucement en recueillant la réponse qu’il apporta à ses questions "Je vois." fit-elle, comprenant que si ça n’avait été le choix de personne de rester sous le radar des marques, c’était surtout parce que les options ne se bousculaient pas au portillon, et au travers de ça, elle n’ignorait pas pourquoi. Comme elle le pensait depuis qu’elle s’était lancée là-dedans, les grandes marques restaient frileuses de nos jours à mettre les personnalités controversées sur un piédestal, et ces dernières années, Rhett faisait partie de la liste. C’était compréhensible selon le point de vue de la cheffe d’entreprise qu’elle était, ça l’était moins selon le point de vue de l’amoureuse qui avait à coeur de redorer l’image de celui avec qui elle partageait sa vie en l’aidant à accomplir une remontada spectaculaire dans le coeur de ceux qui faisaient et défaisaient des carrières. Avec Nine, le livre, il avait réussi à démontrer qu’il savait être autre chose que ce que la presse voulait bien dire de lui, et ça avait aidé l’opinion publique à le considérer de nouveau ; avec Nine, le film, il avait réussi à se montrer ouvert d’esprit, quand bien même les choix de l’équipe du film ne lui plaisaient pas, il avait joué le jeu, et ça avait joué en sa faveur — c’était cynique de le présenter de cette manière, et elle ne le ferait pas à voix haute, mais il fallait capitaliser sur ces deux faits désormais, et assurer les arrières du jeune homme qu’elle était en train de regarder.

J’y viens semblait dire son sourire quand il commença à s’impatienter. Il lui tendit la perche qu’elle attendait juste après, son regard trouvant le sien sans effort tandis que son sourire s’élargit lorsqu’elle lui répondit, malicieuse "C’est sur le point de changer. Écoute —" commença-t-elle, prenant une petite inspiration en dénouant ses mains pour s’aider à enchaîner sur ce qu’elle avait à lui proposer " — tu te souviens ce projet dont je te parle depuis quelques semaines, la première collection dans laquelle je suis entièrement impliquée, de A à Z ?" Evelyn n’était pas une créatrice de bijoux, mais elle avait travaillé avec les meilleurs pour acquérir des notions certaines en la matière et aiguiser son oeil pour être capable de déceler la beauté d’une ligne en or rose, ou la pureté d’une pierre de naissance véritable. Elle évoluait dans le luxe depuis son jeune âge, elle reconnaissait les belles choses, et son cursus en Arts Graphiques lui permettaient d’être créative au point de savoir reconnaître une bonne idée d’une mauvaise, d’anticiper une nouveauté et de rejeter un modèle trop écoulé, daté : son rôle, à la base, n’était pas de s’impliquer autant dans la gestion des nouvelles collections, c’était avant tout de donner le feu vert et les fonds pour qu’elles soient promus à la hauteur de l’ambition de l’entreprise de rester la leader sur le marché de la joaillerie de luxe au même titre que d’autres dont les noms faisaient briller les yeux de ceux qui connaissaient la vraie valeur du raffinement. Néanmoins, elle s’impliquait jusqu’à l’épuisement, et ça payait : le monde s’impatientait depuis l’annonce de la nouvelle collection, et ça la ravissait. Elle continua "La collection est mixte, plutôt sobre pour correspondre à la ligne éditoriale de la campagne qu’on souhaite mettre en place avec l’équipe, et qui sera la première vraie nouveauté depuis que je suis à la tête de l’entreprise. Elle comportera des pièces assez simples, mais raffinées ; des montres en particulier. Elles sont sublimes, je les adore." commenta-t-elle avec un léger sourire cette fois, son obsession du temps l’ayant sans doute aidée à faire de ces pièces-ci en particulier une valeur sûre de cette collection en laquelle elle croyait dur, déterminée à asseoir la volonté de tout le monde ici d’avancer et de chasser le fantôme de Saül Williams "J’ai pensé à toi pour la campagne publicitaire." Enfin, elle lui faisait sa proposition, sûre d’elle "Kennedy est le seul à qui j’en ai parlé, je voulais pouvoir en discuter avec toi avant toute chose, surtout avant de le proposer et d’en débattre avec l’équipe marketing. Mais j’y crois Rhett, c’est une excellente idée." Loin d’elle l’idée de s’auto-congratuler, mais elle le pensait : mettre à la tête d’une campagne pour une nouvelle collection, renouveau bienvenue dans un cocon de terreur et de malaise, d’une marque décriée à cause des agissements de son ancien dirigeant en choisissant une égérie qui avait su remonter la tête de l’eau et prouver qu'il n’était pas fini, c’était presque l’évidence apportée sur un plateau serti de diamants.

"C’est sur le point de changer. Écoute —" Tel le parfait élève qu’il n’a jamais été, Rhett se met à écouter ce qu’elle a à lui dire. Il est curieux, il est avide de réponse. Il ne sait pas quel genre de réponse elle pourrait lui donner, si bien qu’il pose à son tour une main contre son bureau pour se concentrer encore un peu plus sur Evelyn et ses mots. " — tu te souviens ce projet dont je te parle depuis quelques semaines, la première collection dans laquelle je suis entièrement impliquée, de A à Z ?" - « Bien sûr, oui. » Il s’y est intéressé parce que c’est important pour elle bien plus que parce qu’une quelconque campagne de la MHI pourrait l’intéresser. Ce n’est pas son monde, mais ça brille et ça l’intéresse malgré tout. Ca l’intéresse d’autant plus alors qu’il comprend bien toute l’importance que ça a pour Evelyn, et par extension pour lui. Ainsi, quand elle précise l’étendue de la collection et la forme qu’elle prendra, il l’écoute tout le temps durant sans davantage s’étonner d’avoir été convoqué jusque dans ses bureaux pour écouter ce qui aurait pu lui être résumé le soir-même, chez eux. Il risque de bientôt demander une médaille pour ainsi être un petit-ami aussi merveilleux, lui qui ressent éternellement le besoin de se faire récompenser par quelque chose qui brille.

"J’ai pensé à toi pour la campagne publicitaire."
« Oh. »

La surprise se lit sur son visage et plus particulièrement sur ses lèvres formant à leur tour un cercle marquant le simple fait qu’il n’avait rien anticipé. Elle y croit et il y croit aussi, maintenant, se remettant en esprit le discours qu’elle vient de lui débiter sur la campagne qu’elle s’apprête à mener et surtout ce qu’elle s’apprête à vendre. « Oui, bien sûr, oui. » Il ne sait pas exactement si elle lui a réellement posé une quelconque question dans tout le processus, mais il marque tout de même son accord. Si elle veut de lui, il est évidemment partant pour se lancer dans l’aventure. « Kennedy était moins enjoué que toi de l’idée, je me trompe ? » Il fait des efforts, Rhett. Il tente de ne pas penser à sa seule personne dans cette histoire mais il anticipe aussi pour Evie, pour son travail, pour la vision que ses collègues mais surtout sous-fifres auront d’elle quand ils apprendront à leur tour la nouvelle. « T’y as pensé à quel moment ? De me le proposer ? » S’il n’avait pas peur d’entendre une réponse qui ne lui plaît pas totalement, il aurait déjà demandé d’emblée si elle a pensé toute cette collection en pensant à lui. Il faut après tout avouer que tout de même, ça aurait de la gueule, et surtout cela serait terriblement romantique. « On va travailler ensemble, alors ? Je vais devoir t’appeler “patron” ? » Et malgré son sourire, il espère qu’elle n’attend pas de lui qu’il s’adresse à elle de la même manière que ses employés le font, parce qu’il aurait bien du mal à l’idée de ployer le genou face à une personne qui est son égale le reste du temps. Et ce même si elle lui offre sur un plateau d’argent l’offre qui pourrait finalement sauver sa carrière et son nom une bonne fois pour toutes.

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Une chose était certaine, Evie ne parlait pas dans le vide quand, enthousiaste, elle exposait ses idées à Rhett une fois qu’elle était rentrée à la maison. Elle n’avait donc pas besoin de refaire le tour du projet sur lequel elle travaillait depuis des mois maintenant pour mieux lui soumettre celui qui avait germé dans son esprit au fil du temps, désireuse de faire les choses de la bonne façon et de maximiser plusieurs chances à la fois. Elle voyait la surprise s’étendre sur les traits de son visage, elle ne discernait cependant aucune once d’hésitation lorsqu’il prit sens de ce qu’elle était réellement en train de lui proposer. Elle ne lui avait pas encore réellement posé la question fatidique, elle n’avait fait qu’exposer son idée en la lui donnant sans faire davantage de suspens, pourtant il était déjà partant pour accepter la tache qu’elle tenait tant à lui confier. Elle, ça ne la surprenait pas tant que ça. Tout sourire, elle lui lança, le nez subrepticement plissé "Je n’ai pas douté un seul instant que tu refuses." lui confia-t-elle, restant à sa place pour l’instant. Toujours assise derrière son bureau, le couvant d'un regard aussi tendre que, entre les murs translucides de son bureau, il se devait toutefois de rester décent, c’est Rhett qui la ramena à cette réalité en mentionnant de nouveau Kennedy. Elle soupira, fort et longtemps, se laissant basculer en arrière pour que son dos se courbe en même temps que le dossier de son fauteuil "Sans vouloir mépriser le rôle de Kennedy à mes côtés, son statut officiel sur le contrat que j’ai moi-même consenti à renouveler malgré les horreurs qu'on raconte toujours à son sujet —" Une précision faite uniquement pour souligner grossièrement que finalement, le jeune homme lui devait une sacrée fière chandelle "— c’est assistant, pas conseil." Et de fait, ce qu’il pensait, ça lui était utile de temps à autre, mais à ce sujet, elle préférait encore qu’il se contente de se pincer le nez que de juger qu’il avait le droit d’émettre son avis sur les décisions de sa patronne. Elle dit tout de même à Rhett, laissant une légère grimace lui échapper, se redressant pour mieux s’installer devant son bureau sur lequel elle reposa ses deux mains jointes "Il craint qu’on t’accuse de profiter de notre relation au travers de cette campagne publicitaire." Elle n’était pas folle Evie, elle savait très bien quel genre de rumeurs découleraient de l’annonce imminente autour du contrat d’égérie de Rhett. Ils n’en seraient pas leur première rumeur, n’est-ce pas ? C’était encore la moins insultante. A la MHI, depuis Saül Williams, on gérait les relations publiques comme personne, et à ce propos Evelyn ne faisait pas de souci : il suffisait de feuilleter un magazine datant des six derniers mois pour constater à quel point cette décision de mettre Rhett en lumières était pertinente.

Elle choisit ce moment pour se lever de son fauteuil, la tête légèrement penchée sur le côté à l’entente de la question de Rhett à laquelle elle savait quoi répondre dans les faits. Seulement, elle trouvait ça délicat de le faire sans trafiquer un peu la vérité. Quand avait-elle pensé à lui pour cette campagne ? Pour une fois, elle lui mentit "Peu de temps après ta première lecture du script de Nine." Pour le convaincre de ça, elle hocha la tête "J’ai trouvé l’idée du gender swap plutôt brillante, ça m’a inspirée celle de sortir une collection interchangeable." Sauf qu’elle n’y avait pensé que très récemment, en vérité ; lorsqu’elle s’était aperçu de l’impact de son premier test de grossesse négatif sur leur moral, et qu’elle avait voulu donner à Rhett une bonne raison de se lever le matin que de ruminer la possibilité qu’il ne deviendrait pas père tout de suite. Elle ne pouvait pas lui dire de cette façon, elle en était aussi consciente qu’au fond, elle culpabilisait un peu de détourner son attention de cette déconvenue avec quelque chose d’aussi énorme, connaissant bien assez son ego pour vouloir le dorloter le temps que la nature décide de les gracier de ce qu’ils voulaient. Se glissant du côté du bureau devant lequel Rhett était installé, elle posa à peine les fesses au bord pendant qu’elle riait à ce qu’il lui disait "On va travailler ensemble, oui." Ce ne serait pas vraiment la première fois, ils avaient déjà étroitement collaboré lors du match caritatif pensé par le jeune homme, il y avait quelques mois de ça. Elle s’arrêta de rire, mais son sourire perdura un court instant, et puis redevenant au fur et à mesure sérieuse en écoutant ce qu’il ajoutait, elle posa ses mains sur le bord de son bureau tout en jetant un bref regard au travers de la verrière qui entourait la pièce. Elle se demanda un court instant si le moment idéal pour tirer les stores, ce n’était pas maintenant ; elle garda cette idée pour elle, et préféra lui chuchoter à la place, délicatement piquante "Tu feras comme tu voudras. Mais généralement, c’est plutôt madame, qu’on m’appelle, ici."

Même ceux qui ne connaissent pas beaucoup Rhett n’auraient pas osé émettre un doute quant à son acceptation, raison pour laquelle il ne se vexe pas un seul instant qu’Evelyn ne l’ait pas fait non plus. Il est plutôt honnête à son propre propos sur ce point du moins, et il sait qu’il aime l’attention de la sorte - tous ses proches le savent aussi. S’il prend le temps de parler de ses craintes, ce n’est que parce que face à lui se trouve la personne qu’il aime et qu’il ne veut pas que son ascension se fasse au prix de trop de problèmes de son côté. Néanmoins, il hoche la tête lorsqu’elle ramène Kennedy à la place qui est la sienne: assistant, simplement assistant. Tout est de toute façon bien plus simple ainsi, dans un monde où il n’a pas mot à dire sur une telle idée. "Il craint qu’on t’accuse de profiter de notre relation au travers de cette campagne publicitaire." A ça, il n’a rien à répondre, notamment parce qu’il est le premier à penser que sa relation avec Evelyn est la raison pour laquelle il se retrouve désormais face à cette proposition. Il n’est pas tombé amoureux par stratégie, il n’a jamais rien anticipé de la sorte au moment de leur rencontre, mais aujourd’hui il serait le premier à comprendre que des personnes extérieures à leur couple puissent le penser sans être pleinement dans le tort. « Il sera pas le seul à le penser. » Et peut-être qu’au fond, ça remue quelque chose qu’il n’apprécie guère, cette idée d’être celui qui dépend de sa petite-amie pour exister à travers les médias. Il tente pourtant de chasser cette idée, il tente très fort: elle est son égale, elle le sera toujours. Et s’il le répète assez, il finira par l’accepter et ne plus penser éternellement en fonction de la hiérarchie de chaque chose.

Il hoche la tête lorsqu’elle remonte l’historique de leur histoire pour lui conter le moment où elle a pensé à cette collection et celui où elle a pensé à lui pour la représenter. Les faits font du sens, il ne pense pas un seul instant à les creuser. "Tu feras comme tu voudras. Mais généralement, c’est plutôt madame, qu’on m’appelle, ici." Elle répond à sa pique par une autre et cela ne fait qu’amuser l’éternel enfant en lui. Même si l’histoire n’est pas aussi simple et limpide qu’il l’aimerait, mais il n’en reste pas moins particulièrement enjoué à l’idée de travailler avec Evelyn, pour ce que ça implique pour lui en tant que personne comme pour eux en tant que couple: ils noueront un peu plus de lien encore. Non que le lien manque, mais ils doivent bien avouer que les dernières semaines n’ont pas été les plus simples de leur histoire et qu’un petit coup de pouce pour voir le bon côté des choses ne leur fait pas de mal. « Madame, c’est noté. » Pendant une seconde - une seule, il le jure -, il se dit que Madame Hartfield, ça pourrait particulièrement bien lui aller au teint. Mais s’il n’est même pas capable de faire en sorte qu’elle s’appelle maman, il ne veut pas envisager un autre objectif, qu’il soit en supplément du premier ou bien en remplacement. « Je me fais pas de souci pour que les différents rendez-vous trouvent leur place dans mon emploi du temps, j’imagine ? » Elle sait déjà quand il est disponible et quand il ne l’est pas, et ce n’est qu’un des nombreux avantages à ce que leur relation de couple devienne temporaire une relation de travail aussi. Il connaît la routine, il sait que tout ne se fera pas en un simple claquement de doigts, et peut-être bien que l’idée que cela s’étale dans le temps a tout pour lui plaire. « Le déjeuner peut se faire dans un restaurant pour sceller notre contrat, madame ? » Certes, l’idée initiale comprenait déjà un restaurant et non un quelconque repas sur le pouce, mais le préciser de cette façon est bien plus amusant que n’importe quoi d’autre. Ils vont travailler ensemble. Il y aura des affiches avec son visage un peu partout, comme avant.

i can do it with a broken heart
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

"Je te connais, Garett." L’utilisation du prénom dans son entièreté était volontaire, comme pour prouver son point en ne disant rien de plus que ça, le connaissant donc assez pour se permettre de l’appeler par son nom de naissance, ses yeux durablement plantés dans les siens. Elle se fichait de ces autres qui, mesquins comme Kennedy, remettraient en cause l’implication de Rhett dans cette campagne publicitaire. Grand bien leur faisait, Evelyn était sûre d’elle : elle était celle qui avait eu cette idée, elle était celle qui ferait des pieds et des mains pour la mettre en place, elle serait celle qui n’hésiterait pas un instant à justifier son choix si on lui demandait de le faire, que ce soit devant ses associés ou devant un parterre de journalistes, et ce avec la ferveur singulière qu’elle réservait à celui qu’elle aimait et qu’elle avait toujours défendu, quoi qui lui en coûtait. Déjà à l’époque de leur rencontre, elle n’avait jamais songé un instant que Rhett puisse l’utiliser pour quoi que ce soit malgré ce que sa propre famille avait pu en dire en lui rappelant que le destin ne pouvait pas être aussi bien fait, et que croiser la route d’un homme qui admirait son père, c’était tout de même trop suspect pour qu’elle fonce tête baissée. Elle l’avait tout de même fait sans se demander si l’idée était bonne ou pas, et malgré tout ce qu'ils avaient vécu ces derniers mois, il n’y avait pas le moindre regret, pas le moindre doute qui régentait ses décisions, et encore moins celle qu’elle prenait maintenant en voulant l’associer à ce qui constituait désormais son héritage. Ce qui était à elle était à lui aussi, un voeu qui ressemblait curieusement à des centaines d'autres qu’elle avait entendu lorsqu’elle organisait des mariages, et qui étaient assez évocateur pour qu’il ne soit rien de moins que sincère, mettant définitivement de côté les doutes des autres dont elle tenait à préserver son couple cette fois-ci.

"On peut en discuter tous les deux, ou je peux rentrer en contact avec ton agent le plus rapidement possible, c’est comme tu préfères." Pour consulter ses disponibilités ainsi que ses autres modalités. Elle s’amusait de la situation — inédite pour elle — de travailler étroitement avec celui dont elle partageait la vie et qui serait susceptible de se montrer plus arrangeant sur leur rendez-vous au travers de promesse faite sur l’oreiller. Mais elle était professionnelle, elle le resterait probablement tout du long du processus de négociation qui finirait bientôt par s’engager. Ça la rendait heureuse de considérer leur futur sous ce prisme, plus que de le considérer sous celui de la déception perpétuelle apportée par un bâtonnet manquant sur un test de grossesse. Ça les changerait de discuter d’autre chose, d’être en présence de l’un et de l’autre sans ressasser l’idée de faire quelque chose pour cette épée de Damoclès qui flottait au-dessus de leur tête, et malgré la culpabilité sournoise qui s’insinuait en elle à propos de la manière un peu vicieuse dont elle gérait la frustration de Rhett à ce sujet, elle se disait que ça leur ferait du bien, et qu’en pensant à autre chose, les astres consentiraient à être plus cléments avec eux. Elle l’espérait du plus profond de son coeur, son sourire s’élargissant en même temps qu’elle se reculait de son bureau pour se redresser, satisfaite d’elle et de ce qui ressortait de cette discussion "Je ne suis pas loin de m’habituer à t’entendre m’appeler de cette façon." Faux, même si ce n’était pas déplaisant. Elle fronça le nez, ajouta dans la foulée en l’invitant du regard à se lever et à s’approcher. Elle passa doucement ses bras autour de son cou pour lui voler un baiser qu’elle précéda de quelques mots sur le même ton "Le plus gros avantage de notre collaboration, c’est que je vais pouvoir prétendre que nos déjeuners sont des déjeuners d’affaire, et oublier le concept d’horaire à respect pendant quelques temps." Sérieuse sur l’instant, ses lèvres se fendirent d’un nouveau sourire qui se perdit contre la bouche de Rhett qu’elle gratifia d’un autre baiser en posant ses deux mains sur son visage, baiser un peu moins furtif cette fois, et qu’elle rompit tout simplement pour le remercier d’avoir accepté son offre et lui assurer que ce serait extraordinaire, elle en était persuadée.