(oates park) Rien ne va mieux avec Arthur et sans doute tout au contraire, mais Swann ne sait plus se contenter de faire tourner son monde autour de son meilleur ami. Du moins, il n’a plus la capacité de le faire, pas alors qu’il doit aussi penser à sa famille, à ses autres amis, à son travail et, tout de même, à lui-même. Il n’abandonne pas Arthur, il le lui a promis, mais il a aussi besoin de se préserver et ainsi être capable de penser à autre chose qu’aux éternels problèmes de son ami de toujours. « Elle a disparu un peu avant la mort de Matt. » Assis sur un coin d’herbe, faisant mentir l’Australie toute entière sur leurs pseudo-hivers, Swann profite d’un jour particulièrement ensoleillé selon ses attentes londoniennes. Parler de Ginny est encore difficile pour lui, malgré tout l’amour qu’il porte à sa sœur et dont il ne s’est jamais caché. Il aime sa famille, qu’elle porte son sang ou non ; il a aimé chaque McGrath pour qui ils sont, pour la façon dont ils ont tous fini par l’accueillir aussi, même Jillian et son caractère de feu. « Et je crois que j’ai toujours du mal à lui pardonner de pas avoir été là pour moi à ce moment. Avec moi, je veux dire. » Il ne remet pas en question l’idée qu’elle ait pu en souffrir tout autant que lui, et peut-être même davantage, mais il aurait simplement aimé qu’ils puissent traverser cette épreuve ensemble. « Y’avait tellement de choses à ce moment-là que j’ai dissocié. » Il disait que Matt était sûrement en vacances quelque part à faire du surf, il souriait quand on mentionnait son frère - et personne ne le faisait, parce que tout autour de lui, ils savaient tous qu’il ne reviendrait jamais. Il a eu besoin de quelques semaines avant d’être dans un état mental assez stable pour accepter la nouvelle, et c’est inévitablement dans les bras de Rory qu’il a fini par pleurer en se rendant compte qu’il n’y avait plus aucun membre de sa famille auprès de lui. Encore.

« Et elle est revenue comme si de rien n’était. » Il finit par souffler, son regard perdu sur une touffe d’herbe, occupé à se repasser la scène à l’esprit. « J’ai juste reçu un appel de sa part me demandant d’aller la chercher à Sydney. Qu’elle voulait rentrer à la maison. » Et bien sûr qu’il voulait qu’elle rentre à la maison aussi, bien sûr qu’il n’aurait jamais pris le risque qu’elle disparaisse dans la nature une seconde fois déjà. Il inspire un instant, souffle le suivant. « Rory était à New York et je voulais pas que Robin soit avec moi alors que je savais même pas à quoi m’attendre. » Il restera toujours un frère pour Ginny, mais il est plus que tout un père pour Robin. Il pense à elle avant tout le reste, à son bonheur autant qu’à sa sécurité, et rien dans ce voyage jusqu’à Sydney ne pouvait l’assurer qu’elle aurait les deux. Auprès de Greta, cependant, il était bien plus assuré de cette double idée. Ce qu’il n’avait pas anticipé, cependant, était la présence d’Arthur dans cette maison ce jour-là. « J’ai réagi en étant à cran, je sais qu’Arthur méritait pas ça. » A ainsi être traité comme une menace. Il n’est pas capable de confier Robin aux bons soins d’Arthur et il ne le sera sans doute pas avant bien longtemps, mais la confiance qu’il porte à Greta sur ce sujet aurait dû s’étendre jusqu’à Arthur. « Je suis désolé si ça a causé des problèmes entre vous. » Encore plus, parce qu’il est certain qu’ils sont bien assez doués tous les deux pour trouver matière à se disputer à tout va.

Ils avaient parlé, mais seulement à demi-mots, parce qu’ensemble, ils semblaient faire ressortir la pudeur qui était la leur au point de taire certaines choses. Swann n’avait pas voulu évoquer son départ précipité pour Sydney et si Greta s’était inquiétée, elle devait admettre l’avoir été encore davantage pour Arthur ce qui lui avait fait accepter de ne pas connaître la vérité directement. Swann savait se gérer alors il était plus facile de lui faire confiance mais malgré tout, son attachement pour son ami n’avait pas tardé à éveiller sa curiosité et fort heureusement, il avait pris les devants. Le coin était paisible et le soleil rendait tout un peu moins morose, et c’était peut-être la raison pour laquelle ils se rendaient si peu souvent dans leur pays natal. Après quelques hésitations cachées derrière des banalités, Swann avait commencé à parler comme il lui avait promis de le faire depuis quelques jours déjà. « Elle a disparu un peu avant la mort de Matt. » C’était difficile de l’entendre prononcer son prénom même après plusieurs années tant elle savait la déchirure que sa disparition avait provoqué chez lui. Qu’il commence son discours de cette façon l’étonnait. « Et je crois que j’ai toujours du mal à lui pardonner de pas avoir été là pour moi à ce moment. Avec moi, je veux dire. » Greta avait tourné le visage vers lui, l’écoutant parler de cette partie de sa vie avec intérêt parce qu’elle savait l’effort que cela lui demandait. Le trio londonien semblait avoir finalement retrouvé le chemin de ce qui avait existé un jour, des liens assez solides pour oser tout se dire. « Y’avait tellement de choses à ce moment-là que j’ai dissocié. » Elle réalisait à quel point ce qu’il avait vécu était une vraie tragédie, quelque chose à laquelle elle n’avait jamais été confrontée et dont elle mesurait assez l’ampleur pour comprendre son point de vue. Swann n’était plus lui-même, durant une longue période, et c’était la raison qui la poussait à accorder une telle bienveillance à Rory : il l’avait probablement sauvé. Et elle espérait que le schéma se répéterait pour elle et Arthur, à une bien moindre échelle.

Greta n’intervenait pas et ne le ferait pas jusqu’à ce qu’elle ait la certitude que Swann avait terminé de lui raconter les faits comme il le souhaitait. « Et elle est revenue comme si de rien n’était. » avait-il poursuivi et s’il s’était laissé le temps de digérer tout cela, quelque chose dans son attitude et l’intonation de sa voix ne laissait que peu de place au doute. Il était encore extrêmement perturbé. « J’ai juste reçu un appel de sa part me demandant d’aller la chercher à Sydney. Qu’elle voulait rentrer à la maison. » Et la suite de l’histoire, l’écrivaine la connaissait, il était parti précipitamment en ne se posant aucune question si ce n’est d’à qui confier Robin. Et l’idée qu’elle ait pu être la première personne lui étant venue à l’esprit était un point non négligeable des événements. « Rory était à New York et je voulais pas que Robin soit avec moi alors que je savais même pas à quoi m’attendre. » Greta se contentait d'acquiescer, parce qu’elle comprenait chacune de ses décisions. « Je suis désolé si ça a causé des problèmes entre vous. » Cette fois-ci, elle avait secoué la tête, tant le discours qui avait précédé justifiait l’ensemble de ses réactions et le dispensait de quelconques excuses. Surtout pas à elle, à qui il n’avait fait que prouver sa confiance. « T’excuses pas, Swann. Je m’inquiétais juste pour toi mais je suis contente que t’aies pensé à moi, tu sais que je serai toujours là pour t’aider. » Peu importe avec qui elle se trouvait à ce moment-là ou ce qu’elle faisait, les urgences de ses amis devenaient les siennes parce qu’elle les connaissait assez pour savoir qu’ils ne dépasseraient jamais les limites sans une bonne raison. « Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » Ses questions semblaient bien trop banales, alors qu’elle luttait contre ce sentiment d’inquiétude qui était peut-être encore plus justifié qu’elle ne se l’était imaginé. « Vous avez pu discuter de tout ça ? Je veux dire … tu lui as dit tout ce que tu viens de me dire ? » Parce que malgré la volonté de Greta d’être présente, Ginny restait la figure la plus à-même d’apporter le soutien dont il avait tant manqué à Swann.

Énoncer les faits est toujours difficile. Même alors que du temps s’est écoulé depuis le retour de Ginny dans sa vie et encore plus depuis la mort de Matt, il n’en reste pas moins touché par tout ce qui a pu se passer dans sa vie à cette période. « T’excuses pas, Swann. Je m’inquiétais juste pour toi mais je suis contente que t’aies pensé à moi, tu sais que je serai toujours là pour t’aider. » Il esquisse un sourire un brin rassuré, même s’il sait que cela ne peut pas suffire à régler tous les problèmes autour d’eux. Greta est une amie chère à son cœur et l’entendre prononcer de tels mots le rassure malgré tout, notamment parce qu’il sait que tous les amis ne pourraient pas garder l’enfant de l’un l’autre au pied levé et se montrer aussi compréhensif. Il lui en sera longtemps redevable. « Je sais, oui, merci. » Il souffle avec reconnaissance, plus que jamais heureux qu’elle ait à son tour décidé de parcourir autant de kilomètres pour faire sa vie à Brisbane.

« Qu’est-ce qu’elle t’a dit ? » La grande question ; la question qu’il continue lui-même de se poser d’une certaine façon tant il a à cœur d’enfin comprendre ce qui a pu arriver à sa sœur pour qu’elle disparaisse du jour au lendemain et que les lendemains se transforment en années. « Pas grand chose. Elle m’a parlé d’un genre de groupe où elle est restée tout ce temps. » Et il sait, il sait que ça sonne particulièrement louche. Il a été le premier à le penser, quand ils ont passé dix heures de voiture à se regarder dans le blanc des yeux après qu’elle ait tenté de lui expliquer la situation une première fois, à la gare de Sydney où il l’a retrouvé. « Et entre nous, si tu penses à une secte, sache que c’est le mot que je garde à l’esprit. » Il n’a jamais osé le dire face à Ginny d’une telle manière mais il n’en pense pas moins, parce que son histoire semble cocher toutes les cases d’un genre de déficience dont il est pourtant loin d’être un expert. « Vous avez pu discuter de tout ça ? Je veux dire … tu lui as dit tout ce que tu viens de me dire ? » Son visage se transforme en une moue désolée. Parler de ce qu’il a ressenti et de ce qu’il a vécu durant tout ce temps n’a pas été dans ses priorités, à aucun moment. « J’en ai pas eu l’occasion. » Il le fera un jour, il le promet. Il soulignera ce qu’il pense, il dira ce qu’il ressent. Pour l’heure, cela a éternellement été relégué au second plan de ses priorités. Il avait à penser à sa famille, il avait à penser à une sœur dont il craignait qu’elle puisse s’enfuir à nouveau du jour au lendemain - et il ne voulait pas lui donner la moindre raison de le faire. « Elle s’en voudra quand je lui en parlerai et j’ai pas envie de faire ça pour le moment. »  En d’autres termes, il n’en a ni la force ni le courage pour le moment. « C’est juste… compliqué. Je marche sur des œufs, tu vois le genre ? » Et il sait qu’elle voit le genre, il le sait parfaitement parce que c’est aussi la façon dont ils doivent bien souvent parler à Arthur dès qu’il recommence à être sur la pente descendante. « J’ai toujours pu parler franchement avec elle, peu importe le sujet, mais maintenant je pense à Rory et à Robin avant le reste. Et parce que je sais pas ce qu’il s’est passé pour elle pendant tout ce temps, je suis pas sûr qu’elle soit encore la personne que j’ai connu. » En d’autres termes, il agit avec crainte et retenue et il est le premier à détester l’idée d’imposer de telles barrières à la dernière sœur qu’il lui reste. Malgré tout, il nourrit aussi l’impression qu’il n’a pas vraiment le choix. « Je voulais pas en parler devant Arthur non plus, je pense pas que ça aurait aidé. »  Il y aurait sûrement vu le parallèle avec sa propre personne et Swann n’a pas besoin d’un problème supplémentaire à gérer au quotidien, de toute évidence.

« Je sais, oui, merci. » C’était une phrase banale et qui faisait pourtant énormément de bien à entendre. Un préambule appréciable à la discussion qu’ils s’apprêtaient à avoir. « Pas grand chose. Elle m’a parlé d’un genre de groupe où elle est restée tout ce temps. » Ginny avait-elle souhaité traverser cette épreuve avec d’autres personnes que sa famille? L’idée ne faisait aucun sens pour la blonde, mais elle imaginait que les groupes de soutien devaient exister. « Et entre nous, si tu penses à une secte, sache que c’est le mot que je garde à l’esprit. » « J’aurais naïvement pensé à un groupe d’entraide mais maintenant que tu le dis. » Elle n’était pas convaincue qu’il s’agissait là de sa naïveté qui s’exprimait, mais bel et bien son incapacité à anticiper un dénouement aussi sombre pour Ginny. Il y avait tout un tas de façons de surmonter un deuil, fuir étant l’une d’entre elles, mais l’idée qu’elle ait pu se retrouver sous l’emprise d’une secte lui faisait froid dans le dos. Le genre de choses qui n'arrivaient qu'aux autres. « Elle se serait échappée ? » Ses mots sonnaient encore plus faux que ses pensées maintenant qu’ils étaient prononcés tout haut mais la question lui brûlait les lèvres : si ce qu’il craignait avoir été le passé de sa soeur était vrai, comment aurait-elle réussi à trouver le courage de s’en éloigner ? Le sujet était compliqué, presque brutal, et il aurait déjà fallu que le frère et la soeur réussissent à parler de choses bien plus évidentes encore pour pouvoir s’autoriser à évoquer le pire. « J’en ai pas eu l’occasion. » Greta plissait le front au fur et à mesure de la discussion, cette affirmation étant probablement aussi étrange que la précédente: ils avaient eu un long trajet en voiture, notamment, pour discuter. « Elle s’en voudra quand je lui en parlerai et j’ai pas envie de faire ça pour le moment. » Elle avait finalement réalisé que si de son point de vue, elle aurait choisi de crever l’abcès immédiatement avec son frère le cas échéant, Swann était bien différent d’elle. Plus calme et posé, bien moins spontané. « C’est juste… compliqué. Je marche sur des œufs, tu vois le genre ? » Si l’écrivaine avait hoché la tête, elle avait malgré tout partagé son point de vue. « Je comprends mais il s’agit de ta soeur et vous réussirez jamais à aller de l’avant si vous êtes pas honnêtes l’un envers l’autre. Si elle est revenue après tout ce temps, tu crois vraiment qu’elle pourrait repartir à la seconde ou t’oserais lui indiquer que t’as souffert de son absence ? » Il devait la protéger, l’épargner un temps surtout si son intuition s’avérait être la bonne, mais cela ne devait pas durer éternellement. Swann ne pouvait pas sans cesse privilégier les autres au détriment de sa propre personne. « Et entre toi et moi, elle aurait déjà dû réaliser ça toute seule, c’est évident.  » Quiconque fonctionnait normalement pouvait réaliser qu'abandonner un frère après en avoir perdu un autre était suffisant pour le faire souffrir. Il ne s’agirait donc que d'une mise au point, de dire les choses pour mieux réussir à les pardonner. « J’ai toujours pu parler franchement avec elle, peu importe le sujet, mais maintenant je pense à Rory et à Robin avant le reste. Et parce que je sais pas ce qu’il s’est passé pour elle pendant tout ce temps, je suis pas sûr qu’elle soit encore la personne que j’ai connu. » Elle levait le menton, le regard toujours tourné vers lui alors que ce point là justifiait à lui seul toute cette pudeur dont il faisait preuve. « Laissez-vous du temps, alors. » Elle l’avait déjà assez brusqué pour ne pas insister davantage. « Je voulais pas en parler devant Arthur non plus, je pense pas que ça aurait aidé. » Elle n’était pas convaincue que l’anglais ait été le seul frein, mais elle avait gardé cette pensée sur elle. « Je pense que malgré tout il pourrait te surprendre, vous êtes amis depuis toujours, il aurait trouvé les mots justes.  »  Ceux qu’elle avait tant de mal à trouver. « Et tu sais bien que je dis pas ça pour t’obliger à quoique ce soit, que je donne juste mon point de vue. Mais c’est en l’incluant à nouveau comme avant, en oubliant un peu tout ça… » Ses mains effectuaient de grands gestes, ne laissant que peu de doute sur combien il lui était difficile d’articuler sa pensée sur un sujet aussi épineux que celui-là. Sur tout ça. Elle s’était arrêtée au milieu de sa phrase pour venir résumer le tout et s’éviter des explications qui ne seraient pas utiles pour Swann. « C’est la meilleure façon qu’il s’en sorte. » Ne pas ignorer le problème, encore moins le minimiser mais accepter de faire avec sans jamais oublier la personne qu’il était à côté de tout ça.

« J’aurais naïvement pensé à un groupe d’entraide mais maintenant que tu le dis. » Il tente de profiter autant que possible de la légèreté qui ressort de ces mots. Lui aussi, en temps normal, aurait sans doute simplement pensé à un groupe d’entraide sans y voir quoi que ce soit de plus. Dans le contexte actuel des choses, pourtant, il ne sait s’arrêter à une pensée aussi naïve et surtout optimiste de la situation. Il aimera toujours sa sœur, no matter what, mais il ne peut plus se permettre d’être aussi candide à ses côtés. Ils ont tous les deux vécu beaucoup d’épreuves et personne n’a su en sortir indemne. Ils y ont survécu, et c’est sans doute déjà un bon début. « Elle se serait échappée ? » - « Ou peut-être qu’elle est juste simplement partie. Je sais pas, honnêtement. » Il manque trop d’informations au sujet de cet endroit pour être capable d’en parler correctement, ou même d’énoncer des hypothèses qui peuvent tenir la route.

Bien qu’il sait pouvoir se confier sans mal à Greta, il sait aussi qu’elle n’a pas sa langue dans sa poche et que ses confessions sont confrontées au franc parler de la jeune femme ; ce qu’il ne craint pas, mais ce qu’il sait aussi parfois être un brin abrupte. « Je comprends mais il s’agit de ta sœur et vous réussirez jamais à aller de l’avant si vous êtes pas honnêtes l’un envers l’autre. Si elle est revenue après tout ce temps, tu crois vraiment qu’elle pourrait repartir à la seconde où t’oserais lui indiquer que t’as souffert de son absence ? » Il n’aurait par exemple jamais osé imaginer qu’ils ne puissent jamais aller de l’avant parce qu’il n’envisage pas de voir sa sœur s’éloigner de son existence une seconde fois. Elle est revenue et c’est déjà bien assez miraculeux en soi pour qu’il ne veuille prendre aucun risque au sujet d’un possible nouveau départ. « J’ai pas dit que je le ferai jamais, mais je crois qu’on a besoin d’un peu de temps. Pour que les choses retrouvent un peu leur cours normal. » Pour que Ginny arrive à retrouver ses marques à Brisbane et pour qu’il en soit de même pour son côté, son quotidien se voulant largement occupé par ses préoccupations au sujet d’Arthur et les départs prolongés de Rory pour le travail. Il est de bonne volonté, Swann, mais il est aussi du genre à reculer pour mieux sauter, surtout lorsqu’il s’agit de ses proches et des discussions difficiles qu’il repousse de crainte de briser quelque chose. « Et entre toi et moi, elle aurait déjà dû réaliser ça toute seule, c’est évident. » Il n’en pense pas moins, bien malgré lui. « Elle a toujours été là pour moi, depuis que je suis arrivé à Brisbane. C’est juste maintenant que… c’est différent. » Il ne veut pas laisser Greta penser que Ginny n’est pas une présence positive dans sa vie, ou même la laisser dire qu’il est finalement mieux sans elle. Ce n’est pas le cas et c’est même loin de l’être. « J’ai juste l’impression qu’on doit réapprendre à se connaître après avoir passé autant de temps sans se parler. Et surtout parce que beaucoup de choses ont changées. Tu vois le genre ? » Il se dit qu’elle pourrait peut-être le comprendre parce qu’elle a dû vivre une expérience plutôt similaire lorsqu’elle est arrivée à Brisbane et qu’eux deux ne s’étaient pas parlés depuis un moment ; mais il pense surtout au moment où Arthur est revenu dans sa vie. Arthur qui a toujours compté pour elle à un niveau particulièrement différent.

Comme meilleure preuve que son esprit est affecté par de nombreux sujets, c’est vers Arthur que la conversation dérive justement. Après tout, il ne connaît pas meilleure personne pour en parler que Greta. « Je pense que malgré tout il pourrait te surprendre, vous êtes amis depuis toujours, il aurait trouvé les mots justes. » Swann serre un instant les dents, bien conscient d’avoir trouvé souffert de ses nombreux espoirs infondés. « Je serais pas toujours ami avec lui si je l’aimais pas sincèrement, mais… y’a des sujets sur lesquels j’ai appris à tempérer mes espoirs. » Et il ne pourrait pas en vouloir à Greta si elle n’en pensait pas de même. De son côté, pourtant, il est fatigué d’être perpétuellement blessé par les mots et agissements de celui qu’il considère malgré tout comme son meilleur ami. « Tu sais aussi que ton avis est un peu biaisé, pas vrai ? » Il rétorque alors qu’elle argumente un brin autour de la défense d’Arthur. Elle l’aime et cela devient un peu plus évident chaque jour, et ce simple sentiment suffit à fausser l’avis qu’elle pourrait avoir sur lui ; comme Swann, en retour, n’oserait jamais dire qu’il a la moindre once d’objectivé en lui en ce qui concerne Rory. « Pas qu’il mérite pas de pas être mis dans la confidence, je dis pas que je veux couper les ponts avec. Mais faut peut-être un juste milieu entre toi et moi, aujourd’hui. » Elle fonce à nouveau tête baissé dans Dieu sait quoi avec Arthur et peut-être bien qu’elle ferait bien de se protéger à son tour, parce qu’elle n’est pas en reste en ce qui concerne l’idée d’avoir été blessée à de nombreuses reprises.

C’était toujours déroutant d’obtenir une explication longtemps attendue pour réaliser à quel point il aurait finalement été plus facile de vivre dans l’ignorance. Le point de vue extérieur de Greta manquait cruellement de détails, mais il suffisait de lire l’expression sur le visage de Swann pour comprendre que lui aussi nageait encore en eaux troubles.« Ou peut-être qu’elle est juste simplement partie. Je sais pas, honnêtement. » Elle s’était contentée d'acquiescer, à court de mots sur des spéculations qui dépassaient tout ce qu’elle aurait pu imaginer. Ne leur restait que le concret, et sur ce point Greta s’était permise d’appuyer parce qu’elle ne trouvait que peu d’intérêt aux amitiés qui préféraient un mensonge rassurant à une vérité pouvant déranger. « J’ai pas dit que je le ferai jamais, mais je crois qu’on a besoin d’un peu de temps. Pour que les choses retrouvent un peu leur cours normal. » Il était évident qu’il ne pouvait pas la brusquer sans même savoir ce qu’elle avait vécu, mais elle restait persuadée qu’il ne pouvait pas garder son ressenti sur son départ précipité - et son retour qui l’était tout autant - pour lui. « Elle a toujours été là pour moi, depuis que je suis arrivé à Brisbane. C’est juste maintenant que… c’est différent. » Greta s’était redressée, entourant ses genoux de ses bras tout en l’écoutant. Il lui était impossible de ne pas penser aux regrets qu’il ne l’ait pas laissé être là pour lui à ce moment-là quand il avait lui-même été une épaule sur laquelle elle avait pu se reposer. Il avait été présent dans son moment difficile à elle, alors même que cela n’avait rien de comparable avec ce que Swann avait vécu. Il n’y aurait jamais aucune rancoeur de son côté, elle le savait, mais elle n’avait que le loisir de laisser ses pensées divaguer en tentant de formuler sa future réponse. « J’ai juste l’impression qu’on doit réapprendre à se connaître après avoir passé autant de temps sans se parler. Et surtout parce que beaucoup de choses ont changées. Tu vois le genre ? » Son visage lui avait indiqué que, oui, elle voyait parfaitement. « Oui, oui, bien sûr. Et tu sais je suis pas en train de l’accuser de quoique ce soit, on sait tous les deux qu’elle devait gérer les choses à sa façon. » Si elle avait tendance à le protéger plus que de raison, elle ne se permettrait pas de juger Ginny pour autant. « Et je sais aussi qombien ça doit compter pour toi, son retour. Elle a rencontré Robin ? » C’était un peu la clé de tout, Robin. La preuve ultime de confiance.

Celle qu’il avait tant de mal à redonner à Arthur, au point de réfuter chacun des arguments que lui proposerait Greta à son sujet. Elle avait le sentiment d’être un arbitre, et ce n’était pas un rôle dans lequel elle s’épanouissait car elle ne l’avait jamais choisi. « Je serais pas toujours ami avec lui si je l’aimais pas sincèrement, mais… y’a des sujets sur lesquels j’ai appris à tempérer mes espoirs. » La façon dont il gérait une amitié aussi entachée par les erreurs d’Arthur était à son entière discrétion, mais une partie d’elle ne pouvait s’empêcher de tenter de dédiaboliser l’anglais. « Tu sais aussi que ton avis est un peu biaisé, pas vrai ? » « Non, je vois pas de quoi tu parles. » La petite pointe d’humour était une pause dans des confidences bien trop pesantes pour leurs deux esprits. Bien sûr, que son avis était biaisé, mais elle ne pouvait pas faire autrement qu’essayer de les rapprocher et leur éviter de rompre un lien sur lequel ils comptaient tous les deux. « Tu sais que je fais de mon mieux pour mettre tout ce que je ressens pour lui de côté quand je te parle, j’ai pas envie de tout mélanger. Je pense vraiment ce que je te dis. » Elle avait haussé les épaules, sa naïveté n’était plus un secret pour personne et surtout pas pour Swann.« Pas qu’il mérite pas de pas être mis dans la confidence, je dis pas que je veux couper les ponts avec. Mais faut peut-être un juste milieu entre toi et moi, aujourd’hui. » « Qu’est-ce que t’entends par juste milieu ? » avait-elle demandé, comme s’il n’était pas évident que leurs comportements avec Arthur étaient diamétralement opposés. « Il y a que toi pour savoir comment tu veux gérer tout ça, moi je veux simplement essayer de préserver votre amitié. » Un sourire triste avait habillé son visage, en prenant conscience de l’épée de Damoclès qui semblait planer sur Arthur malgré la façon dont Swann réitérait sans cesse leur amitié. Cela semblait presque être une façon de se prouver à lui-même qu’ils l’étaient encore, une promesse qu’il se répétait encore et encore pour ne pas la trahir et Greta s’en inquiétait forcément. « C’est si flagrant, alors ? » Son sourire s’était fait un peu plus sincère, alors qu’elle tentait de parler d’Arthur de manière plus positive, pour les sortir de cette habitude de toujours revenir sur le même sujet. Parce que malgré les montagnes de problèmes que cela soulevait et la façon dont elle était consciente des risques qu’elle prenait, ses sentiments étaient sincères et la rendaient heureuse et Swann était le seul capable de les accepter sans la juger.

« Et je sais aussi combien ça doit compter pour toi, son retour. Elle a rencontré Robin ? » Il hoche la tête sans en faire des tonnes, et pour cause : la seule raison pour laquelle elle a rencontré Robin, c’est parce qu’elle a été hébergée quelques jours sous leur toit et que c’était une issue inévitable. Sinon, il ne sait pas s’il aurait franchi le pas, pour être honnête. Arthur lui-même a fait les frais de l’instinct paternel de Swann. « Elle est restée quelques jours à la maison, au début. Je lui ai présenté Robin le soir de son arrivée. » Il énonce simplement, sans ajouter la moindre émotion à ses mots. « Mais on les a jamais laissé seules. » Parce qu’il aurait été rongé par la crainte que non seulement Ginny disparaisse à nouveau, mais surtout qu’elle disparaisse avec leur fille. Une faute qu’il n’aurait non seulement jamais pardonné à sa sœur, mais qu’il ne se serait jamais pardonné à lui non plus. Rory aussi aurait été dans son droit le plus primaire que de lui en vouloir : elle est la prunelle de leurs yeux, à l’un autant qu’à l’autre.

« Non, je vois pas de quoi tu parles. » Il apprécie qu’elle se rende elle-même compte que son avis sur Arthur est biaisé, raison pour laquelle il en tire un mince sourire. Ne pas avoir à se battre contre ses deux amis anglais en même temps est une chose qu’il apprécie sincèrement. « Tu sais que je fais de mon mieux pour mettre tout ce que je ressens pour lui de côté quand je te parle, j’ai pas envie de tout mélanger. Je pense vraiment ce que je te dis. » - « Je sais, je sais. » Ses mots n’avaient pas vocation à devenir des reproches à l’encontre de la jeune femme. Il sait qu’elle ne choisit pas de ressentir ces sentiments, et il sait aussi qu’elle gère particulièrement bien la situation pour qu’il ne soit pas dans son droit pour lui en vouloir au sujet de quoi que ce soit. « Qu’est-ce que t’entends par juste milieu ? Il y a que toi pour savoir comment tu veux gérer tout ça, moi je veux simplement essayer de préserver votre amitié. » La tête de Swann dodeline d’un côté puis d’un autre alors qu’il réfléchit à ce qu’il pourrait répondre à Greta. Lui-même ne sait pas ce qu’il entend par juste milieu, à dire vrai. Il pensait naïvement qu’évoquer l’idée suffirait à ce qu’elle prenne vie ensuite, et le voilà un brin déçu que ce ne soit pas suffisant, pas le cas non plus. « Je sais pas. Juste, faire des efforts ? Non, j’en sais rien G. » Il l’avoue simplement, ne voulant pas mentir à son amie, ni même lui faire penser qu’il est une autre personne que lui-même.

« C’est si flagrant, alors ? » Cette fois-ci, son sourire s’étend un peu plus largement. « Je te connais depuis longtemps. Ça l'est peut-être pas pour tout le monde. » Mais ça l’est au moins pour Swann, et il ne cherche pas à le cacher. « Et puis, je connais bien le regard que tout le monde pose sur Arthur et ses yeux bleus, je te rappelle. » Il rajoute dans un sourire, ayant passé toutes ses années universitaires à faire le pont entre Arthur et ses conquêtes, qu’elles soient réciproques ou non. Sur ce point, il ne tient aucun reproche à son ami. Aucun reproche à son amie non plus. « Je lui en ai jamais parlé, si jamais tu te poses la question. » Et si jamais ça peut devenir une source d’inquiétude pour Greta, il précise d’ors et déjà qu’il n’y a aucune raison à cela. « Mais tu l’as jamais fait non plus, hm ? Lui en parler ? » Pas dans le temps présent, du moins.

Il ne disait probablement pas tout, et il était normal de garder une partie de ce que vivait sa sœur pour lui. Difficile de dévoiler les détails d’une vie qui n’était pas la sienne, alors même que parler de lui semblait être une épreuve. Mais si Greta considérait Swann comme un ami, c’était parce qu’elle avait à coeur de ne pas être présente que pour les bons moments mais aussi pour ce genre de situation. Complexe, inexplicable et amenant tout un tas de questions. « Elle est restée quelques jours à la maison, au début. Je lui ai présenté Robin le soir de son arrivée. » Elle hochait la tête, parce que jusque là, tout semblait logique. « Mais on les a jamais laissé seules. » Le sourcil de la blonde s’était arqué par réflexe, Ginny était-elle devenue une inconnue au point de s’inquiéter de son comportement avec sa nièce ? « Pourquoi ça ? » Sa question aussi, était le résultat d’un réflexe, alors elle avait poursuivi. « T’es pas obligé de répondre. » Son maigre sourire était forcé mais proposait à Swann de s’arrêter à ces premières confidences, parce qu’elle avait saisi à quel point le sujet était complexe et potentiellement extrêmement douloureux.

Peut-être aurait-il voulu en parler avec un ami encore plus proche, mais Arthur semblait avoir creusé un fossé entre eux que Swann n’était plus toujours capable de franchir. « Je sais, je sais. » Elle n’était pas sûre qu’il la croyait réellement capable de faire la part des choses, et elle ne lui en aurait pas voulu ni de lui mentir ni de ne pas pouvoir la croire. « Je sais pas. Juste, faire des efforts ? Non, j’en sais rien G. » Ils s’étaient perdus dans les explications qu’ils tentaient de donner à toute cette situation qui les dépassait. Le visage tourné vers Swann, Greta s’était contenté de le regarder, sans pour autant que la solution à tous leurs problèmes ne lui vienne. Il n’était pas nécéssaire d’évoquer encore et encore l’impasse dans laquelle ils se trouvaient parce qu’ils avaient décidé d’y suivre Arthur. Swann avait décidé d’entreprendre un demi-tour pour préserver sa famille, Greta avait renoué un lien assez fort avec l’anglais pour tenter de lui faire réaliser qu’il y avait une issue. C’était encore naïf de sa part que d’imaginer qu’ils retrouveraient un jour un semblant de sérénité mais si elle se concentrait sur les sentiments qui avaient été ravivés récemment, elle était plus que capable de songer à un avenir plus doux. « Je te connais depuis longtemps. Ça l'est peut-être pas pour tout le monde. » Si cela l’était aux yeux des autres, il n’y avait qu’auprès de Swann que la décision de Greta n’apparaissait pas comme totalement idiote. Il serait le premier à en saisir l’ensemble des risques mais le dernier à émettre le moindre jugement et c’était ce qui lui permettait de croire encore à l’amitié qu’il portrait à son ami. « Et puis, je connais bien le regard que tout le monde pose sur Arthur et ses yeux bleus, je te rappelle. » Evidemment qu’elle avait accepté de rire en pensant à la façon dont il était aisé pour quiconque de tomber amoureux du physique d’Arthur, parce que le plus compliqué résidait dans la capacité à s’en détacher pour apprendre qui il était vraiment. Et en le découvrant, une seconde fois, le regard que Greta posait sur lui était sans aucun doute le reflet de tout ce qu’il représentait pour elle. « Je lui en ai jamais parlé, si jamais tu te poses la question. » Secouant doucement la tête, elle avait confirmé à quel point elle se doutait que ce n’était pas un sujet qu’il abordait avec lui. « Mais tu l’as jamais fait non plus, hm ? Lui en parler ? » « C’est pas vraiment le moment. » Et avec Arthur, ce n’était jamais le moment de parler de sentiments. « J’arrive pas encore à savoir si ça le tirerait vers le haut ou si ça finirait de le faire sombrer. » Elle avait soupiré, consciente que s’il avait besoin de se sentir apprécié, l’amour pouvait également compliquer les choses encore davantage. « Tout comme je sais pas si ça va m’aider à le sortir de là ou me rendre la tâche encore plus compliquée. » Arthur et Greta étaient un paradoxe, et si le sujet avait été trop souvent abordé lors des rencontres avec Swann qui se faisaient de plus en plus rares, il était le seul qui pouvait saisir toute l’ampleur de ce qu’elle exposait.

« Pourquoi ça ? T’es pas obligé de répondre. » Mais il en a envie. Du moins, il n’a aucune raison de garder cette pensée pour lui, parce que si leur discussion doit se faire à coeur ouvert alors Greta est en droit de savoir. Swann, de son côté, doit être capable de prononcer ces mots puisqu’il n’en pense pas moins. « Je suis pas certain qu’elle va pas juste partir à nouveau. » Il confesse des mots qui n’ont rien d’une surprise, et qui ne suffisent pas non plus à répondre à la question de Greta. Malgré tout, ils sont un début de réponse. « Et qu’il existe la moindre petite chance qu’elle parte avec Robin… » était tout simplement envisageable, voilà tout. Ca le rendrait malade, et ça le rendrait coupable auprès de Rory alors même que Ginny ne serait sûrement jamais partie avec leur fille - tout comme elle n’est jamais repartie, tout court. Elle aurait pu le faire chaque jour depuis son retour mais ce n’est jamais arrivé.

Et si aujourd’hui son talon d’achille inattendu n’est autre que sa propre soeur, celui de Greta a sans doute toujours été Arthur. « J’arrive pas encore à savoir si ça le tirerait vers le haut ou si ça finirait de le faire sombrer. » Swann a sa propre réponse à cette question, laquelle ne s’embête sans doute pas assez avec les nuances, mais il fait encore le choix de la garder pour lui : si quelque chose doit se passer entre eux, peu importe quoi, ils n’ont pas besoin de lui pour que ça arrive.. « Tout comme je sais pas si ça va m’aider à le sortir de là ou me rendre la tâche encore plus compliquée. » Et ça non plus, il n’a pas la réponse mais tuerait pour que ce soit le cas. « Pour ça, je peux aider. » Sur leur relation ou leur non-relation, il s’est juré de ne pas trop s’impliquer, mais quand il s’agit d’aider Arthur à sortir la tête hors de l’eau, il est simplement incapable de le regarder se noyer sans aider, ni même faire semblant. Il a hésité, il a perdu du temps, mais au fond de lui il a toujours su qu’il serait toujours là pour son meilleur ami, peu importe la personne qu’il est parfois, peu importe à quel point ça lui arrive souvent de trébucher et d’être faillible. Tout le monde l’est, à son niveau. « On trouvera une solution. » Tous les trois, ils y arriveront bien.