C’était presque indécent, cette façon dont il avait constamment envie de le voir alors qu’il n’était qu’un souvenir il y a quelques mois encore. Tout était en train d’aller trop vite et c’était probablement cette sensation d’être entraîné dans un tourbillon qui forçait Diego à ne plus réfléchir et à tenter de suivre les conseils de Mateo. Il ne pouvait pas y renoncer, parce que plus ils passaient du temps ensemble, moins le fardeau qu’était devenue sa profession semblait peser sur ses épaules au point de lui donner l’impression de se noyer. Il lui faisait du bien, et cela se démontrait encore alors qu’il ouvrait la porte sur le sourire si caractéristique du garçon. C’était la seconde fois qu’il lui ouvrait la porte depuis qu’ils s’étaient revus, et la façon dont Mateo avait approché son visage du sien l’avait pris au dépourvu et l’avait obligé à avoir un mouvement de recul. Le malaise était palpable, parce qu’il avait très vite compris qu’il souhaitait simplement le saluer comme ils le faisaient tous, Diego ayant adopté les coutumes provenant des origines européennes de leur groupe d’amis. Tentant de fuir cette impasse, il s’était dirigé vers le milieu de l’appartement en le laissant rentrer et en cherchant quoi dire, quoi faire, pour ne pas qu’il le questionne sur son comportement. Si le mexicain devait agir en oubliant toutes ses interrogations, Mateo, lui, n’avait aucune obligation de le faire mais il espérait que le flot de ses paroles l’en empêcherait. « Je sais pas trop ce que t’as l’habitude de boire du coup j’ai mis des bières au frigo et je dois avoir du rhum mexicain quelque part. C’est des cadeaux, c’est pour ça que j’ai ça, vaut mieux que ce soit bu. » avait-il terminé pour reprendre son souffle en haussant les épaules. « Je te sers quoi ? » Il avait enfin réussi à retrouver le regard de Mateo et il était évident qu’il pouvait ressentir la panique dans laquelle s’était enfermée Diego sans réelle raison. Et de le voir là, debout avec son sourire en coin, avait réussi à le faire rire en prenant conscience qu’il était encore en train de faire une montagne d’un détail. « Vas-y, moque toi. » Parce que malgré toutes les erreurs de parcours, Diego se sentait finalement de plus en plus à l’aise à ses côtés, sa présence étant un réconfort assez important pour qu’ils se retrouvent à nouveau, juste comme ça. « Je crois que c’est la première fois qu’on se voit sans excuse. » Une affirmation qu’il n’avait pas pu se retenir d’énoncer tout haut. Il énumérait ce qui représentait des efforts pour lui, comme s’il suivait assidûment l’avancée de tout cela. Mais parce qu’un défi lui avait été proposé et qu’il n’avait aucune envie de faire autre chose ce soir que de profiter de sa présence, il avait poursuivi. « Je me demande si Tulum commence pas à te préférer à moi. » Une remarque qui sous-entendait à quel point ils pourraient s’habituer à sa présence régulière ici.

Plusieurs promesses avaient été lancées depuis que Diego et Mateo se connaissaient et ce dernier ne cachait pas son impatience de voir les résultats qu'elles allaient avoir sur eux. Il avait quitté ses colocataires joyeux, et même s'il n'avait rien dit que la personne qu'il allait retrouver ce soir, elles avaient très certainement pu deviner qu'il s'agissait de quelqu'un qu'il portait dans son cœur. C'est avec cette même joie non dissimulée et son air taquin habituel qu'il avait croisé le regard de Diego alors qu'il venait de lui ouvrir la porte ; cette porte dont il commençait à connaître par cœur les petits défauts dans la peinture, ses visites se faisant de plus en plus nombreuses. Il s'était avancé en voulant saluer Diego sans pour autant parvenir à ses fins puisque ce dernier semblait décidé à l'éviter. Déjà, Mateo était inquiet d'être venu retrouver le Diego bougon et râleur plutôt que celui qu'il appréciait tant, mais la façon dont il s'agitait et dont il avait commencé à se comporter prouvait qu'il était simplement un peu nerveux par la situation. Une nervosité plutôt attendrissante. « Je sais pas trop ce que t’as l’habitude de boire du coup j’ai mis des bières au frigo et je dois avoir du rhum mexicain quelque part. C’est des cadeaux, c’est pour ça que j’ai ça, vaut mieux que ce soit bu. » Mateo s'était avancé dans l'appartement après avoir refermé la porte derrière lui et salué Tulum d'une caresse. « Je te sers quoi ? » « Une bière c'est parfait. » Il avait répondu en baissant les yeux et en riant discrètement. « Vas-y, moque toi. » Son regard retrouvait celui de Diego et il lui lançait, en essayant de rester le plus sérieux du monde : « Non non, j'oserai jamais. » Et même si son expression était contradictoire avec ses mots, il était sincère : il n'avait pas envie de se moquer de ses efforts. « Je crois que c’est la première fois qu’on se voit sans excuse. » Mateo s'était mis à réfléchir. « Pas sûr, parce qu'on peut toujours se dire que c'est un espèce de cours d'espagnol. » Il avait haussé les épaules, mais lui comme Diego savaient bien que ça allait au delà de ça. « Je me demande si Tulum commence pas à te préférer à moi. » Naturellement ses yeux étaient venus de poser sur le chien, et alors qu'il s'était approché de lui Mateo s'était accroupi pour le caresser plus longuement qu'auparavant. « Je crois surtout qu'il essaie de me charmer parce qu'il sent que tu pourrais bien me préférer à lui bientôt. Il doit avoir peur que tu finisses par l'oublier à cause de moi, hein ? » Il avait parlé tout en caressant Tulum et en s'adressant à moitié à lui, puis s'était relevé pour faire presque face à Diego. « Surtout maintenant qu'on peut se voir sans avoir besoin d'une excuse. Si j'étais du genre à aimer les étiquettes, j'aurais même pu appeler ça un date. » A vrai dire, il aurait réellement apprécié pouvoir nommer leur rendez vous de cette manière, mais il avait trop de mal à savoir dans quel état d'esprit se trouvait son hôte pour l'assumer franchement. Mateo avait presque du mal à se reconnaître à chaque fois qu'une pointe d'impatience concernant leur relation se faisait ressentir, lui qui d'habitude n'était pas du genre à aimer s'embourber dans des histoires trop intenses. Il sentait que les choses étaient différentes avec Diego et il n'avait pas encore décidé s'il s'agissait d'une bonne chose ou pas. Mais tout ça, il le gardait pour lui, refusant de risquer de voir le mexicain rebâtir en une seconde le mur qu'il était en train de laisser s'effondrer. « En tout cas ce coup ci t'en fais pas, c'est pas une soirée pyjama. J'ai bien prévu de retrouver mon lit à un moment donné. » Il le précisait en riant pour faire écho à la façon dont leurs dernières retrouvailles avaient fini, mais aussi et surtout pour que Diego ne s'imagine pas que Mateo attendait quoi que ce soit de cette soirée à deux.

Le moment de malaise n’avait pas été relevé, et si Diego aurait pu s’en sortir encore mieux en agissant de manière calme et posée, il s’était mis à trop parler et à s’agiter dans l’appartement. « Une bière c'est parfait. » Comme à son habitude, Mateo, lui, était parfaitement à l’aise et il espérait voir un jour un peu de sa personnalité déteindre sur lui. Attrapant deux bières dans le frigo, il avait également attrapé un décapsuleur et deux verres pour les amener sur la table basse - le mexicain était surtout équipé pour recevoir. « Je t'accompagne au moins pour la première. » Il avait au moins besoin de cela pour se détendre, et n’était de toute façon pas complètement fermé à l’idée de boire un verre, un seul, s’évertuant toujours à ne pas entrer dans les excès. Une fois qu’il avait relevé les yeux sur Mateo, il avait pu voir son sourire en coin qui avait eu un effet presque immédiat sur lui. « Non non, j'oserai jamais. » Diego s’était contenté de lever les yeux au ciel de manière exagérée pour répondre avant de réaliser qu’ils étaient là, chez lui, s’apprêtant à boire un verre et à simplement profiter du moment. « Pas sûr, parce qu'on peut toujours se dire que c'est un espèce de cours d'espagnol. » « Vale. » avait-il répondu dans un rire avant de s’installer sur le canapé et d’ouvrir les bières. Mateo, lui, avait pris le temps de saluer Tulum qui semblait apprécier la présence de l’espagnol. « Je crois surtout qu'il essaie de me charmer parce qu'il sent que tu pourrais bien me préférer à lui bientôt. Il doit avoir peur que tu finisses par l'oublier à cause de moi, hein ? » « Ça risque pas, je me suis trop attaché à cette bête. Tu sais que c’est Cesar qui me l’a ramené blessé un soir ? Ca va faire un an et je t’avoue que je sais pas comment je faisais sans lui, avant. » Un sentiment qu’il aurait pu transférer à une autre personne présente aujourd’hui, mais il ne le ferait évidemment pas. Tulum avait mis quelque temps à s’adapter à son rythme de vie et à mettre en application ce qu’il apprenait chez le dresseur mais après une année entière, le résultat était plus que positif. Dans tous les cas, Diego pouvait le remercier de l’aider à s’apaiser et à éviter une solitude qui l’amenait parfois à trop penser lorsqu’il était chez lui. S’il était vrai que Mateo comblait maintenant régulièrement cette place, il devrait la partager avec lui. « Surtout maintenant qu'on peut se voir sans avoir besoin d'une excuse. Si j'étais du genre à aimer les étiquettes, j'aurais même pu appeler ça un date. » Il était presque étonné de ne pas le voir rejeter la faute sur lui, probablement conscient de la façon dont il ne se complaisait pas à sans cesse le rejeter. Et justement, il avait pris quelques secondes pour chercher une réponse qui ne confirmait rien mais qui ne lui laisserait pas non plus le sentiment qu’il se dérobait à nouveau.  « Appelle ça comme tu veux. » avait-il répondu en lui adressant un sourire avant de tendre sa bière en sa direction pour lui indiquer de venir trinquer. « En tout cas ce coup ci t'en fais pas, c'est pas une soirée pyjama. J'ai bien prévu de retrouver mon lit à un moment donné. »  Diego avait laissé s’échapper un rire avant de boire une gorgée, la pensée ayant traversé son esprit ramenant un peu de cette nervosité qui s’intensifiait également depuis qu’il était assis à côté de lui. « Arrête, je pouvais bien t’aider. Par contre je comprends l’envie de rentrer retrouver ton lit, t’as pas dû super bien dormir là-dessus. » Il avait grimacé en rebondissant doucement sur son canapé.  « T’es à peine arrivé que tu penses déjà à partir ? Je pourrais presque me vexer. » Il l’avait regardé avec un sourcil arqué avant de rire à nouveau. « J’avais au moins prévu qu’on mange ensemble, je crois que j’ai des réductions à utiliser sur uber eats. » Il plaisantait parce que c’était le meilleur moyen qu’il avait trouvé pour réussir à apprécier les moments avec lui sans que cela ne soulève - trop - de questions. « Je t’ai dit que j’étais fatigué en ce moment donc j’ai rien cuisiné. Je veux pas que tu aies de trop grandes attentes après, tu comprends. » avait-il continué en haussant les épaules. Et si Mateo avait parlé de date, lui continuait dans cette direction sans réellement le vouloir, seulement certain que tout cela ne pourrait plus s’arrêter.

Mateo était surpris d'avoir vu Diego sortir deux bières de son réfrigérateur mais il n'avait fait aucune remarque à ce sujet pour une fois. « Je t'accompagne au moins pour la première. » Les taquineries y étaient allées de bon train et l'air détendu qu'il avait en arrivant s'était installé pour de bon sur le visage de Mateo. « Vale. » « Je suis jaloux de ton accent. » Si Mateo avait un semblant d'accent espagnol lorsqu'il parlait, il était plus une fraude qu'autre chose en comparaison de Diego. Tulum avait fait son entrée dans leur échange à son tour, alors que Diego était encore en train de trop parler pour combler les vides qu'il s'imaginait lui même. « Ça risque pas, je me suis trop attaché à cette bête. Tu sais que c’est Cesar qui me l’a ramené blessé un soir ? Ca va faire un an et je t’avoue que je sais pas comment je faisais sans lui, avant. » Ils avaient agit en héro pour cet animal, en quelque sorte. « J'en savais rien. Vous l'avez sauvé, c'est dingue. » Qu'il avait commenté avant de relancer la conversation avec une pointe d'audace, exprimant que leur soirée pouvait s'apparenter à un vrai premier rendez vous maintenant qu'ils étaient d'accord sur le fait qu'il y avait quelque chose de spécial entre eux. « Appelle ça comme tu veux. » Il n'était visiblement pas prêt à l'admettre à voix haute mais le fait qu'il ne le contredise pas était suffisamment significatif pour que Mateo arbore un sourire satisfait alors que leurs verres tintaient pour trinquer. Ce qui était certain c'est qu'il s'était assuré de pouvoir rentrer dormir chez lui cette nuit, et il l'avait dit à Diego comme s'il s'était voulu rassurant. « Arrête, je pouvais bien t’aider. Par contre je comprends l’envie de rentrer retrouver ton lit, t’as pas dû super bien dormir là-dessus. » Ils avaient ri ensemble alors que Diego venait de faire rebondir sur le canapé. « Franchement ça allait. J'étais tellement ko que je me suis endormi en deux secondes. C'est plutôt le réveil qui était un peu trop brutal, si tu veux mon avis. » Oui, il comptait bien lui faire encore la remarque une ou deux fois à l'avenir, ne s'étant que difficilement remis du manque d'heures de sommeil de cette nuit là. « T’es à peine arrivé que tu penses déjà à partir ? Je pourrais presque me vexer. » Il secouait la tête vivement. « Tu rêves, c'est moi qui vais finir vexé quand t'en auras marre de moi et que tu vas me demander de partir. » S'ils en étaient à lancer le concours de celui qui en aurait assez de l'autre en premier, il y avait fort à parier que Diego serait le gagnant. « J’avais au moins prévu qu’on mange ensemble, je crois que j’ai des réductions à utiliser sur uber eats. » « Oh bah si t'as des réductions à utiliser, allons y... » Avait-il répondu en exagérant quelque peu. Non pas qu'il était contre l'idée de commander de quoi manger, mais imaginer quelqu'un dire ça dans un contexte de séduction était vraiment drôle. Heureusement, Mateo n'était pas du genre à accorder de l'importance à ce genre de détails. « Je t’ai dit que j’étais fatigué en ce moment donc j’ai rien cuisiné. Je veux pas que tu aies de trop grandes attentes après, tu comprends. » « T'as raison de pas mettre la barre trop haut, après tu vas plus pouvoir te débarrasser de moi, ça va être chiant. Surtout si tu cuisines bien, parce que je peux te dire qu'à ce niveau là il me faudrait des cours aussi. » Ils n'en étaient plus au stade de devoir se trouver des excuses pour se retrouver, mais Mateo ne pouvait s'empêcher de rajouter des raisons à celles qu'ils avaient déjà pour se revoir, juste par crainte que Diego finisse par regretter de s'être lancé dans cette histoire. « Par contre je suis désolé de te dire que des attentes pour ce soir, j'en ai. » Il avait lancé cette remarque d'un air des plus sérieux et à voir le visage de Diego changer d'expression en une seconde, il avait reprit : « Non non non flippe pas, c'est pas la peine t'inquiète. » Il n'avait que trop conscience que la moitié de ce qu'il disait pouvait prêter à confusion et porter un double sens, mais il n'avait pas très envie que son hôte s'imagine qu'il puisse avoir certaines attentes physiques pour leur soirée. « Je parle des trucs que t'avais promis de me raconter quand on se verrait. T'es pas obligé de commencer tout de suite, mais j'te le dis je partirais pas d'ici sans que tu m'aies tout raconté. » Il lui devait le récit complet de la fameuse soirée de leur rencontre, celle dont Mateo avait eu tant de mal à se rappeler au départ, mais à laquelle il avait souvent repensé depuis. Diego lui avait aussi dit à l'occasion qu'il prendrait le temps de lui recontextualiser son histoire familiale, parce que si Mateo avait pu en avoir déjà quelques bribes, certains éléments clés pour les comprendre convenablement semblaient lui échapper. Il s'intéressait énormément à lui et tenait à comprendre sa personne, mais il espérait aussi et surtout pouvoir retarder encore le moment où Diego s'intéresserait encore plus à lui en retour.

« Je suis jaloux de ton accent. » Il n’avait pourtant prononcé qu’un mot alors sa remarque l’avait fait sourire. Il lui avait laissé le temps d’entrer pendant qu’il préparait les boissons, et Mateo en avait profité pour saluer Tulum qui semblait bien plus à l’aise pour témoigner la joie qu’il ressentait de le savoir ici. « J'en savais rien. Vous l'avez sauvé, c'est dingue. » C’était une histoire qui valait la peine d’être racontée mais dont Diego s’était servie pour taire sa nervosité et continuer d’éviter à tout prix que le silence ne s’installe entre eux. « Cesar et les vétérinaires l’ont sauvé, ouais, moi je suis que famille d’accueil là. Si tu sais pas quoi faire les soirs et le week-end et que le job de pet-sitter t'intéresse… » Il plaisantait alors qu’il avait fini par aimer ce chien plus que de raison, l’autorisant même parfois à venir sur le canapé ou dans son lit alors que cela lui avait toujours semblé inconcevable - probablement à force de côtoyer sa mère qui n’était pas une grande amatrice des animaux de compagnie. « Franchement ça allait. J'étais tellement ko que je me suis endormi en deux secondes. C'est plutôt le réveil qui était un peu trop brutal, si tu veux mon avis. » Le fait qu’il revienne sur ce point qui n’était qu’un détail pour le médecin l’amusait.  « Il faut vraiment que tu me briefes sur tes habitudes, je vois bien que je t’ai fâché. » Il se moquait gentiment de son attitude, mais la demande était réelle : s’ils devaient continuer à se voir régulièrement, Diego préférait connaître ses habitudes et préférences. Juste au cas où. « Tu rêves, c'est moi qui vais finir vexé quand t'en auras marre de moi et que tu vas me demander de partir. » La discussion était devenue fluide, assez pour que Diego ne ressente plus le besoin de trop parler et se laisse simplement porter par l’échange.  « Tu déranges personne ici. » avait-il répondu en appuyant son menton sur son avant bras pour regarder Tulum par-dessus le dossier du canapé. Il était son allié le plus précieux pour réussir à dire ce qu’il pensait réellement.

Si le fait qu’ils soient assis l’un à côté de l’autre dans le canapé semblait aujourd’hui banal, il y a quelques temps encore, cette simple idée aurait été inconcevable pour Diego. Alors il appréciait de le savoir ici, face à lui plutôt que simplement en train de hanter son esprit.« Oh bah si t'as des réductions à utiliser, allons y... » Il avait bien conscience qu’il aurait pu faire des efforts, mais leurs moments ensemble n’étaient presque plus anticipés, se prévoyant au dernier moment, après une journée de travail, et empêchant Diego de prévoir quoi que ce soit. Et de trop réfléchir. « T'as raison de pas mettre la barre trop haut, après tu vas plus pouvoir te débarrasser de moi, ça va être chiant. Surtout si tu cuisines bien, parce que je peux te dire qu'à ce niveau là il me faudrait des cours aussi. » Sa main était venue effectuer un mouvement de gauche à droite pour nuancer son propos, il cuisinait, point final. « Faut vraiment tout t’apprendre. Tu cuisines jamais pour tes colocs ? » Il était curieux de savoir la relation qu’il entretenait avec celles dont il partageait le foyer. « Et arrête de penser que je veux me débarrasser de toi. » Son ton s’était fait un peu plus bas, il avait presque chuchoté, les yeux rivés sur son jean. S’il n’avait pas pu se retenir de faire cette remarque après plusieurs phrases lui ayant laissé penser que Mateo ne se sentait pas totalement légitime ici, les mots restaient difficiles à prononcer. « Par contre je suis désolé de te dire que des attentes pour ce soir, j'en ai. » Son coeur avait raté un battement, il avait pris conscience de son pouls en train de s’accélérer dangereusement et il faisait de son mieux pour ne rien rétorquer ou même ne pas fuir dans son propre appartement. « Non non non flippe pas, c'est pas la peine t'inquiète. » Mateo avait visiblement pris conscience de la façon dont l’expression sur le visage de Diego avait changé et l’avait immédiatement apaisé. « Je parle des trucs que t'avais promis de me raconter quand on se verrait. T'es pas obligé de commencer tout de suite, mais j'te le dis je partirais pas d'ici sans que tu m'aies tout raconté. »  « Oh, ça. » Il avait répondu dans un rire nerveux, finalement presque déçu de ne pas le voir prendre le chemin qu’il pensait qu’il prendrait parce que cela l’aurait forcé à laisser tomber les dernières barrières qu’il s’imposait. C’était trop précipité pour lui, il en avait conscience, et il savait que peu importe s’il se laissait aller à ses pensées les plus profondes pour s’accorder le plaisir qu’il savait qu’elles lui procureraient, cela ne resterait qu’un secret sans aucune option de quelque chose qui existerait vraiment. S’il ne pouvait rien lui donner, il pouvait au moins lui parler, et il faisait de son mieux pour lui indiquer à quel point il se sentait bien en sa présence. « Si j’ai pas envie que tu partes il suffit que je te raconte rien, alors ? » Ce n’était plus quelque chose qu’il cachait, il aimait passer du temps avec lui et l’avait déjà laissé sous-entendre plusieurs fois depuis qu’ils s’étaient revus. Alors Diego préférait largement utiliser cet argument là plutôt que de commencer un long monologue sur sa vie, ou d’entamer une discussion qui soulèverait des questions que Mateo lui avait demandé de ne plus se poser. « Ouais j’ai si peu envie de parler de tout ça que je me prends à ton propre jeu. » avait-il continué en lui accordant un sourire, jouant avec le dernier bouton de sa chemise non pas parce qu’il était nerveux mais parce qu’il réfléchissait. Par message, tout était bien plus simple, et si ce jour-là il était assez affaibli pour ressentir le besoin de se confier sur les drames familiaux, les faire ressurgir ce soir semblait bien plus compliqué. « Honnêtement je saurais pas par où commencer. Le Diego qui s’est beaucoup trop confié à toi sort pas souvent, au risque de te décevoir. On s’est juste rencontrés un soir particulier, dans un contexte particulier. » Tout avait continué d’être particulier avec lui depuis et Diego l’avait fixé, comme s’il était maintenant une énigme qu’il se devait de résoudre.

Les animaux, il n'en avait jamais plus côtoyé que ça dans son enfance, aussi Mateo n'était pas le plus à l'aise à devoir s'occuper d'un chien ou à essayer de deviner les intentions d'un chat. Il n'en avait pas pour autant peur, simplement il n'avait jamais songé à partager son quotidien avec une boule de poils, d'autant qu'avoir littéralement la vie d'une bête sur les épaules lui aurait donné la sensation d'avoir trop de responsabilités. Il respectait immensément les personnes qui savaient prendre soin de leur compagnon, encore plus lorsqu'il s'agissait d'avoir sauvé cette bête d'une vie de misère. « Cesar et les vétérinaires l’ont sauvé, ouais, moi je suis que famille d’accueil là. Si tu sais pas quoi faire les soirs et le week-end et que le job de pet-sitter t'intéresse… » « Ça dépend, ça paye bien ? » Qu'il avait lancé en riant et en tapant amicalement son épaule contre celle de Diego. Non pas qu'il était à la recherche d'un second job pour compléter ses fins de mois, il s'en sortait plutôt bien dans sa situation actuelle. Mais peut-être qu'il finirait par y songer, s'il se surprenait à avoir besoin de voir Diego encore plus régulièrement à l'avenir. La remarque que Mateo avait faite à propos de la trop courte nuit qu'il avait passé sur ce même canapé où ils étaient installés avait fait largement réagir le mexicain. « Il faut vraiment que tu me briefes sur tes habitudes, je vois bien que je t’ai fâché. » Une explication un peu plus claire de ce qu'il s'était passé semblait nécessaire. « Pas fâché non. C'est con, mais c'est juste que j'ai vachement de mal à dormir d'habitude, alors quand j'y arrive c'est toujours assez frustrant de se faire réveiller. Mais t'y peux rien. » Surtout après une telle soirée où leur nuit n'avait commencée que bien trop tard. Ils s'étaient taquiné à ce sujet et, comme d'habitude, Diego avait fini par conclure avec une phrase qui avait eu le don de faire sourire bêtement Mateo. « Tu déranges personne ici. »

« Faut vraiment tout t’apprendre. Tu cuisines jamais pour tes colocs ? » Il balançait vivement la tête de gauche à droite en réponse. « Si ça peut arriver, mais elles préfèrent largement quand je leur ramène du fast food que quand je me met aux fourneaux. » Dans la coloc, ils ne comptaient plus les plats brûlés et le nombre de fois où Mateo avait fait s'activer le détecteur de fumée.  « Et arrête de penser que je veux me débarrasser de toi. » Il ne savait que trop bien que ce n'était pas le cas, pourtant Mateo aimait le sous entendre et jouer sur ce point. Alors quand il en avait eu l'occasion, il avait exprimé avoir des intentions spécifiques pour cette soirée avant de préciser ce qu'il entendait par là, craignant que Diego ne finisse par faire une syncope. « Oh, ça. » Diego semblait déçu qu'il ne s'agisse que de ça et à vrai dire, Mateo était plus que ravie de cette réaction. C'était celle qu'il attendait et il était satisfait de ressentir qu'il lui faisait de l'effet. « Si j’ai pas envie que tu partes il suffit que je te raconte rien, alors ? » « Euh, ouais ? » Avait-il lancé, pas sûr de lui sur ce coup. « Ouais j’ai si peu envie de parler de tout ça que je me prends à ton propre jeu. » Il était compréhensible que Diego n'ait pas envie d'entrer dans de si lourds sujets surtout en ce début de soirée. « Tu sais que c'est risqué de jouer avec moi ? » Qu'il avait lancé, un air de défi dans la voix. « Non parce que quand même j'ai pas pris d'affaires et j'ai pas prévu d'emménager ce soir, donc ça m'arrangerait si tu décidais de parler à un moment donné. Mais si tu veux tester ma patience, allons y. » Mateo était certain que Diego ne tiendrait pas toute la nuit sans craquer et parler de sa famille, mais tester ses limites était plutôt tentant. « Honnêtement je saurais pas par où commencer. Le Diego qui s’est beaucoup trop confié à toi sort pas souvent, au risque de te décevoir. On s’est juste rencontrés un soir particulier, dans un contexte particulier. » Particulier, c'était le mot. Parce que ça l'était sans aucun doute pour Diego, qui était en train d'apprivoiser une facette de sa personnalité qu'il venait à peine de découvrir et avec laquelle il devait encore lutter. Mais ça l'était aussi pour Mateo, qui apportait une grande importance à cette relation qu'il aurait pourtant dû fuir, s'il avait suivi son fonctionnement habituel. Il était bien là pourtant, assis sur ce canapé à plonger son regard dans celui du mexicain. « Rien nous empêche de reproduire la scène pour le faire ressortir. » Sa voix était basse jusqu'à presque murmurer la fin de sa phrase alors que ses yeux s'étaient fixés sur les lèvres de Diego. Inutile de préciser ce qu'il venait de sous entendre, les choses étaient plus que claires et l'atmosphère devenait presque électrique. Ils étaient seuls, coupés du monde, dans cette bulle qu'ils parvenaient à recréer à chaque fois qu'ils étaient ensemble et qu'il chérissait tant. C'était comme si le monde autour d'eux avait cessé d'exister et Mateo avait plus qu'envie de céder à la tentation de refaire de ces lèvres les siennes pour l'espace d'un instant. Mais alors qu'il avait relevé les yeux pour croiser ceux qui lui faisaient face, il s'était soudainement reconnecté à la réalité. C'était trop tôt, c'était trop risqué. Et bien qu'il aimait les défis, bien qu'il avait le goût du risque, il refusait de sauter sur la première occasion de gâcher ce moment. « Je vais pas t'embrasser Diego. » Il détournait la tête comme pour s'empêcher de craquer, fuyant le regard du mexicain un instant. « Crois moi c'est pas l'envie qui manque mais pour une fois je réfléchis avant d'agir. Si j'le faisais, je suis pas sûr du Diego qui finirait par débarquer, et j'ai aucune envie que le paniqué de service refasse surface pour me mettre à la porte parce qu'on aura été trop vite. » Il n'y avait là ni critique ni reproche, simplement une vérité qu'il aurait eu du mal à assumer devant n'importe qui d'autre. Mateo craignait de voir Diego perdre le bénéfice de tous ses efforts s'ils décidaient d'aller plus vite que nécessaire. Il ne reculerait pas si ce dernier tentait quoi que ce soit au court de la soirée, mais il avait trop peur d'être l'instigateur d'un baiser qui aurait signé la fin de ce qui n'avait pas même commencé. « Tu sais déjà ce que tu voulais qu'on commande à manger ? » Avait-il demandé tout en se repositionnant sur l'assise, tentant de faire redescendre la pression.

A chaque fois que son regard se posait sur lui, il prenait conscience de la façon dont les choses avaient changé, du chemin qu’ils avaient parcouru mais aussi et surtout de combien l’image qu’il avait de lui avait évolué. S’il avait encore besoin de quelques instants pour être totalement naturel avec lui parce qu’il ne pouvait pas oublier la personne qu’il pensait avoir toujours été, l’effet qu’il avait sur lui reprenait rapidement le dessus. « Ça dépend, ça paye bien ? » Quand il s’était finalement relevé après avoir salué Tulum, Diego lui avait adressé un sourire, sans prendre le temps de répondre. Il lui avait simplement accordé durant quelques secondes un regard sans filtre qui traduisait tout ce à quoi il était en train de penser à ce moment précis, alors qu’il était à nouveau chez lui. « Pas fâché non. C'est con, mais c'est juste que j'ai vachement de mal à dormir d'habitude, alors quand j'y arrive c'est toujours assez frustrant de se faire réveiller. Mais t'y peux rien. » Il avait déjà essayé, de s’empêcher de le trouver attendrissant, mais il réalisait de plus en plus à quel point il en était incapable. Son sourire le trahissait, sans qu’il ne puisse le contrôler et tenter de l’effacer. Cacher l’évidence n’était plus aussi facile qu’au début parce que Diego ne réussissait plus à remplacer l’ensemble de ses sentiments par de la colère : il n’avait plus aucune raison d’en vouloir à Mateo, et au contraire. Il lui faisait oublier tant de choses, venant chasser toutes ses pensées négatives pour le faire rire et lui montrer à quel point il était simple de se comporter avec décontraction. « Je saurais la prochaine fois. » avait-il répondu en faisant rouler ses yeux de manière exagérée. Il avait enfin compris comment fonctionner de la meilleure des façons avec lui, et c’était finalement peut-être la meilleure version de lui-même qu’il réussissait à faire ressortir en sa présence. Un Diego rieur, presque joueur et qui proposait ce genre de répartie qui ne laissait aucun doute quant à leur complicité. « Si ça peut arriver, mais elles préfèrent largement quand je leur ramène du fast food que quand je me met aux fourneaux. » Diego imaginait assez bien la raison qui poussaient ses colocataires à refuser qu’il cuisine, alors il avait incliné le visage en riant.

Il ne s’était pas attendu à ce qu’il lui demande de poursuivre la discussion qu’ils avaient eu par messages aussi vite, et avait tenté de gagner du temps. « Euh, ouais ? » Devant son étonnement, Diego avait poursuivi. « Tu sais que c'est risqué de jouer avec moi ? » « Faut croire que ça ne me fait plus peur. » Sa bière était restée sur la table après la première gorgée. Diego avait pensé qu’il en aurait eu besoin pour être totalement lui-même mais l’idée de ne perdre rien qu’une fraction de ces moments à cause de l’alcool ne lui plaisait plus du tout. Il n’avait besoin de rien, à part d’un peu de temps, et c’était sans aucune aide qu’il plantait son regard sur lui en se prenant à ce jeu qui l’avait pourtant toujours effrayé. « Non parce que quand même j'ai pas pris d'affaires et j'ai pas prévu d'emménager ce soir, donc ça m'arrangerait si tu décidais de parler à un moment donné. Mais si tu veux tester ma patience, allons y. » Il redevenait le Diego qu’il était réellement, celui qu’il n’avait plus été depuis plusieurs mois à cause de ce deuil qui devenait de plus en plus difficile à gérer. Il ne surpassait pas seulement sa crainte de se sentir aussi bien avec un homme mais aussi les doutes concernant sa famille, sa profession, tout ce qui l’empêchait d’être heureux. Diego avait conscience que le regard qu’il lui portrait se faisait un peu plus intense et qu’il ne réussissait pas à effacer le sourire en coin de son visage en l’écoutant parler et en lui indiquant comment il voyait maintenant leur relation. « Rien nous empêche de reproduire la scène pour le faire ressortir. » Son visage ne bougeait pas mais ses pupilles enchaînaient les mouvements de droite à gauche, sur un rythme similaire aux battements de son cœur. « Je vais pas t'embrasser Diego. » Il aurait souhaité que son expiration ait été plus discrète, mais la sensation de descendre d’une montagne russe avait été trop intense pour qu’il contrôle sa réaction. Et s’il souhaitait encore se mentir, il nierait la déception qu’il avait ressentie.  « Je te l’ai pas demandé. »  Pas explicitement, pas tout haut, mais son regard l’avait trahi et il aurait été incapable de réagir autrement qu’en acceptant ce baiser. « Crois moi c'est pas l'envie qui manque mais pour une fois je réfléchis avant d'agir. Si j'le faisais, je suis pas sûr du Diego qui finirait par débarquer, et j'ai aucune envie que le paniqué de service refasse surface pour me mettre à la porte parce qu'on aura été trop vite. » Un ricanement nerveux s’était échappé de ses lèvres et Diego avait détourné le visage pour fixer la direction opposée à Mateo. « J’ai accepté d’essayer de moins me poser de questions mais si tu reprends mon rôle on va pas s’en sortir. Peut-être que ça se serait bien passé mais on le saura jamais si tu continues à m’en vouloir d’avoir joué les paniqués de service. » avait-il continué en mimant des guillemets, légèrement piqué par son propos. Le moment était juste, il avait partagé la même envie que lui, mais Diego avait été rattrapé par ses erreurs du passé et il ne pouvait pas blâmer Mateo pour sa réaction. « Tu sais déjà ce que tu voulais qu'on commande à manger ? » Il avait reporté son regard sur lui. « Sérieux ? » avait-il répondu dans un rire, ayant beaucoup plus de mal que lui à passer aussi vite de la tension qu’ils venaient de créer à la nourriture. Diego avait malgré tout trouvé ce changement de ton salvateur et il était venu attraper son téléphone pour penser à autre chose et se concentrer sur le dîner. « Je commande toujours au même endroit, un restaurant thaï juste à côté. Mais je te laisse choisir, avant de te mettre à la porte, c’est la moindre des choses. » Il avait arqué un sourcil, venant indiquer à Mateo qu’il ne comptait pas en rester là et accepter de le laisser dire tout et n’importe quoi. Il avait douté, mais il ne l’avait jamais mis à la porte.

« Je saurais la prochaine fois. » La remarque de Diego était aussi anodine sur le coup que pleine de sens lorsqu'on prenait une seconde pour y réfléchir. Oui, ils auraient de prochaines soirées ensemble. Oui, ils auraient des matinées partagées également. Il était en train de s'ouvrir et de s'imaginer qu'il pourrait vraiment y avoir quelque chose entre eux et ça, Mateo s'en délectait. Il était plus qu'impatient de voir Diego complètement à l'aise avec lui, de pouvoir profiter de lui sans que toutes ces questions et craintes ne viennent gâcher leurs instants.

« Faut croire que ça ne me fait plus peur. » Le fait qu'il lui réponde d'un air séditieux rendait leur échange encore plus intense et piquait au vif la curiosité de Mateo. Diego pouvait se montrer redoutable et joueur lorsqu'il l'avait décidé, et cette facette de lui qu'il était en train de découvrir au fur et à mesure de leurs jeux et taquineries lui plaisait énormément. Au fil de la conversation et dans un instant qui avait semblé hors du temps, Mateo avait failli embrasser Diego avant de se retracter dans un élan raisonné. « Je te l’ai pas demandé. » Si, de ses yeux il l'avait supplié de laisser leurs lèvres se rejoindre pour un baiser. Mateo le savait, Diego en était tout aussi conscient. Il était juste en train d'essayer de réattérir et d'avaler la déception qu'il ressentait d'avoir été coupé alors que cet instant aurait pu être parfait, un instant rien que pour eux. De son côté, Mateo était persuadé d'avoir agit comme il devait le faire, et il avait tenté de s'expliquer. « J’ai accepté d’essayer de moins me poser de questions mais si tu reprends mon rôle on va pas s’en sortir. Peut-être que ça se serait bien passé mais on le saura jamais si tu continues à m’en vouloir d’avoir joué les paniqués de service. » Lui qui craignait d'aller trop vite en besogne et de faire peur à Diego s'il initiait le moindre contact intime réalisait qu'il aurait dû respecter sa propre consigne, de ne pas réfléchir et de foncer. Parce que ce qu'il avait craint était tout à fait en train de se produire, mais pas pour les mêmes raisons. « Qui à dit que je t'en voulais ? T'en fais pas, j'ai pas prévu de me prendre la tête ou quoi. Je voulais juste éviter que tu fasses un truc que tu regretterais. » Depuis quand était-il aussi attentionné ? Mateo n'aurait jamais profité de quiconque ou d'une situation dans laquelle il y avait un rapport de force, mais il n'avait jamais réfléchi trop longtemps aux états d'âmes des personnes avec qui il s'apprêtait à passer un moment intime. Mais embrasser Diego paraissait plus précieux que ça. Il accordait plus d'importance à ce geste que s'il s'agissait d'embrasser n'importe qui d'autre. C'est bien pour ça qu'il était agacé de voir le mexicain s'énerver de cette façon ; parce qu'il ne réalisait pas à quel point la façon dont Mateo venait d'agir était significative. Dans le but de faire redescendre la tension, il avait abordé le sujet de leur dîner, ce qui - évidemment - ne convenait pas non plus. « Sérieux ? » « Bah quoi ? » Il feignait de ne pas comprendre ce qui gênait Diego dans ce changement de sujet mais il était bien au clair avec les réactions du médecin à présent. « Je commande toujours au même endroit, un restaurant thaï juste à côté. Mais je te laisse choisir, avant de te mettre à la porte, c’est la moindre des choses. » Il avait levé les yeux au ciel, se rendant compte qu'il aurait droit à cette réflexion souvent à partir de maintenant. « Ok je t'ai vexé. » C'était l'évidence même au vu de l'expression renfermée de Diego, mais l'exprimer à voix haute l'aidait à prendre toute la mesure de la situation. « Ose me dire que ma crainte est pas justifiée ? » Qu'il avait lancé en plongeant ses yeux dans les siens. S'il devait se rappeler tous les propos de Diego jusqu'ici, il lui avait quand même demandé d'être discrets, d'y aller doucement, de se calmer sur les idioties qu'il pouvait dire, d'essayer de le bousculer un peu moins. Mateo avait justement la sensation de respecter toutes ces consignes. En plus de ces propos, Diego lui avait menti en s'inventant une petite amie. Il s'était montré distant, puis piquant, puis avait paniqué à de nombreuses reprises. Mis bout à bout, ces morceaux de leur histoire justifiaient le fait que Mateo avait peur de le faire fuir en collant ses lèvres sur les siennes. Peut-être avait il trop réfléchi ce coup ci, mais il se sentait légitime et n'estimait pas avoir exagéré ses appréhensions. « Tu te rends compte que tu te prends la tête parce que je t'ai pas embrassé alors que justement, j'le fais pour toi ? Je croyais qu'on avait le temps, qu'on devait y aller tranquille sans se prendre la tête ? » Parce que oui, s'il répétait sans cesse qu'il ne fallait pas "se prendre la tête", cela signifiait aussi qu'ils pouvaient prendre le temps qui serait nécessaire pour qu'ils soient tous les deux à l'aise pour se découvrir physiquement. A croire qu'ils avaient fini par échanger les rôles malgré tout. « S'il te plaît, viens on continue notre soirée et on fait comme s'il s'était rien passé. J'ai pas envie qu'on se la gâche pour un truc con que j'aurais dit. » Il le suppliait du regard avant de reprendre son sourire taquin habituel. « Et je te promet que t'auras pleins d'autres occasions de m'embrasser à l'avenir. » Cette promesse, il comptait bien la tenir.

Si parfois tout semblait fluide, il suffisait que les choses deviennent un peu plus sérieuses pour qu’ils retrouvent les problèmes auxquels ils étaient confrontés. Ils savaient parfaitement ce à quoi ils s’exposaient, et même si les craintes n’existaient que du côté de Diego, il semblait les avoir transmises à un Mateo qui ne pouvait plus se comporter comme il l’aurait fait naturellement. Ce point mettait Diego face à ses propres contradictions, il mourrait d’envie de donner une chance à ce qu’ils créaient sans pour autant oublier les raisons qui l’avait amené à douter.  « Qui à dit que je t'en voulais ? T'en fais pas, j'ai pas prévu de me prendre la tête ou quoi. Je voulais juste éviter que tu fasses un truc que tu regretterais. » S’il ne lui en voulait pas pour ça, il gardait néanmoins à l’esprit toutes les réticences qu’avait pu avoir Diego jusqu’à présent. Jusqu’à ce soir ou, face à lui, l’ensemble d'entre elles semblaient s’estomper peu à peu pour lui donner l’impression de n’avoir jamais existé. « Je me suis mal exprimé alors. J’essayais simplement de te dire que j’étais pas dans le même état d’esprit qu’au début. » Il avait haussé les épaules, comme si ce qu’il venait de dire était banal. Cela faisait suite à ces regards qu’ils se lançaient et qui lui faisait encore une fois tout oublier au point d’oser se confier à lui jusqu'à ce qu'il ne voit le sujet changer du tout au tout. « Bah quoi ? » La façon dont il avait tourné le visage en laissant échapper un rictus avait été immédiatement interprété par Mateo. « Ok je t'ai vexé. » Le sentiment que ressentait Diego était tout autre, et ressemblait à une immense frustration de ne pas avoir enfin scellé définitivement ce qu’il se tramait entre eux. Il redoutait cette étape presque autant qu’il la savait nécessaire pour avancer, il la désirait tant que cela l’empêchait de réfléchir. « Ose me dire que ma crainte est pas justifiée ? » Diego avait attrapé ses cheveux de ses deux mains en poussant un soupir. « Je te dirais pas ça car je sais que c’est totalement justifié. Mais je suis pas vexé. Vraiment pas. Pour ce que ça vaut, je m’en veux même de nous avoir privés de toute spontanéité » Il était déstabilisé et l’était d’autant plus qu’il n’avait pas réussi à être assez discret pour le cacher.

Il aurait pensé que la discussion s'en tiendrait là, mais Mateo avait repris, laissant à Diego tout le loisir de comprendre sa propre frustration face à la situation. « Tu te rends compte que tu te prends la tête parce que je t'ai pas embrassé alors que justement, j'le fais pour toi ? Je croyais qu'on avait le temps, qu'on devait y aller tranquille sans se prendre la tête ? » Il avait raison sur tous les points, sauf un, parce que pour la première fois depuis qu’ils avaient commencé à se voir régulièrement, Diego n’avait pas l’impression de se poser de questions. Il avait eu une réaction appropriée, se laissant aller au moment jusqu’à être déçu de ne pas le voir se concrétiser. Mais il ne pouvait pas lui en vouloir, pas alors qu’il faisait lui-même des efforts qui lui avaient été demandés. Le sourire de Diego l'avait dispensé de répondre, venant rassurer Mateo sur la façon dont il avait géré la situation. « S'il te plaît, viens on continue notre soirée et on fait comme s'il s'était rien passé. J'ai pas envie qu'on se la gâche pour un truc con que j'aurais dit. » « Il s’est rien passé. » avait-il souligné, se tournant légèrement vers lui, son bras posé sur le dossier du canapé. Il lui avait adressé un sourire faux et exagéré pour lui assurer qu’il n’avait aucun reproche à lui faire et qu’il était tout à fait disposé à reprendre le ton qu’ils avaient l’habitude d’utiliser entre eux. « Et je te promet que t'auras pleins d'autres occasions de m'embrasser à l'avenir. » Et il espérait que l'intensité de l’anticipation l’empêcherait de fuir, parce qu’il ne pouvait plus lutter contre ce qu’il ressentait pour lui. Ce n’était rien de concret, cela ne mènerait probablement à rien de sûr, mais il y avait ce petit quelque chose qui rendait ses sourires incontrôlables et il était décidé à le laisser vivre lorsqu’ils étaient en duo. « Je préfère rien répondre à ça parce que ça pourrait être utilisé contre moi mais en général, en discuter autant avant de le faire ça gâche le moment. » avait-il répondu en haussant un sourcil avant de rire. Il était facile de se laisser dépasser par ses propres paroles, et ils devaient apprendre à avancer ensemble plutôt que chacun de leur côté à des rythmes différents. Et s'ils se décidaient enfin, Diego avait le sentiment que la complexité de cette relation méritait au moins d’être entamée correctement. « T’as pas à te justifier, mais le fait que tu le fasses me fait prendre conscience de pas mal de choses. » Ses yeux l’avaient fixé un moment supplémentaire alors qu’il réalisait à quel point Mateo prenait le temps de s’adapter à ses souhaits, sans jamais abandonner, alors qu’il en savait assez sur lui pour savoir que cela allait à l’encontre de tous ses principes. Il avait attrapé son téléphone, passant la commande du dîner pour que ce point ne vienne plus être un sujet pouvant les interrompre. « Thaï, du coup. » Montrant la confirmation de commande qui apparaissait sur son téléphone à Mateo, il l’avait ensuite reposé avant de soupirer. « Et donc avant que tu m’interrompes…. » avait-il repris en lui lançant un regard noir qui avait eu pour effet de le faire rire. « Je commençais à te raconter la soirée. Je suis venu en te parlant de ma soeur et de mon ex qui m’avait obligé à être à la soirée. Et tu m’as fait tout un discours disant qu’il fallait profiter et ne pas se prendre la tête. » Puis il l’avait embrassé, mais cette partie là n’avait pas besoin d’être remise en avant. « Et je crois bien que cet état d’esprit que t’as commence à vraiment raisonner en moi. » Le parallèle entre le passé et le présent se faisait rapidement, et cet impact qu’avait eu Mateo sur lui ce soir-là se vérifiait encore un peu plus à chacune de leur rencontre. « Tu sais, tout est compliqué depuis que j’ai perdu ma soeur et j’ai bien conscience que nous deux ça devrait pas l’être. » Parce que ce qu’ils partageaient ensemble était l’une des rares choses qui l'aidait à le faire se sentir bien. C’était la vérité, et la partager avec lui était probablement encore plus fort qu’un simple baiser.

Dans un instant tel que celui ci, si Diego avait été n'importe qui d'autre, Mateo aurait fini par attirer son visage vers le sien. Ce soir, il avait agit contre ses habitudes en suivant son instinct, et alors qu'il aurait pu parier que ce geste lui aurait valu l'approbation du mexicain, il avait semblé créer chez lui une sorte de frustration. Et s'il aurait dû n'en avoir rien à faire et en rire, Mateo n'avait aucune envie de s'amuser de la situation. Il avait pris la réaction de son hôte à cœur - un peu trop, semblait-il. « Je me suis mal exprimé alors. J’essayais simplement de te dire que j’étais pas dans le même état d’esprit qu’au début. » Il était difficile pour Mateo de définir jusqu'à où Diego serait prêt à aller, mais surtout, il se rendait compte que lui même avait réagit d'une façon peu habituelle, et c'est surtout ce point qui l'inquiétait. Mais qu'importe, il était toujours en train de se justifier, parce qu'il avait le sentiment d'avoir gâché quelque chose, et d'avoir besoin de le faire. « Je te dirais pas ça car je sais que c’est totalement justifié. Mais je suis pas vexé. Vraiment pas. Pour ce que ça vaut, je m’en veux même de nous avoir privés de toute spontanéité » Pour la première fois depuis le début de leurs échanges, ils semblaient tous les deux déstabilisés, et c'était suffisamment remarquable pour être important de le noter. Bien qu'ils semblaient alors sur la même longueur d'ondes, Mateo avait eu du mal à se calmer et à arrêter de parler, si tant est qu'il avait poursuivi sur le sujet pendant un peu trop de temps, à bien y repenser. « Il s’est rien passé. » Mateo avait levé les yeux au ciel. Encore une fois, il avait touché l'ego de Diego sans le vouloir. Et si sur ce coup ci il était ravi de savoir que ne pas l'avoir embrassé l'avait irrité, il avait retrouvé son naturel moqueur lorsque le mexicain s'était évertué à minimiser les regards qu'ils venaient d'échanger. Mais ce qui était le plus surprenant, c'était que Diego était celui qui était en train de rationnaliser les évènements. « Je préfère rien répondre à ça parce que ça pourrait être utilisé contre moi mais en général, en discuter autant avant de le faire ça gâche le moment. » En ça il n'avait pas tort et la réflexion avait fait rire Mateo. Il ignorait si il finirait par embrasser Diego à un moment où à un autre ou si leurs rendez-vous désormais date finiraient par les mener à quelque chose de sérieux. Mais puisqu'il ne pouvait pas décemment se permettre un rapprochement intime sans que cela ne vienne compliquer la situation, il préférait largement en rire en s'imaginant le moment où les choses sérieuses pourraient commencer entre eux. Quoi qu'elles l'étaient déjà plus que ce qu'il n'aurait bien voulu admettre, émotionnellement en tout cas. « T’as pas à te justifier, mais le fait que tu le fasses me fait prendre conscience de pas mal de choses. » Il avait baissé le regard un instant : lui aussi était en train de réaliser l'importance que Diego prenait pour lui. Mentalement, Mateo se faisait la promesse de prendre les choses avec plus de légèreté, comme il le faisait d'habitude, craignant de tomber dans un schéma qui ne lui correspondrait pas. « Thaï, du coup. » Mateo avait opiné du chef en voyant la commande lancée sur le téléphone de Diego, puis s'était reconcentré sur lui. « Et donc avant que tu m’interrompes…. » A croire qu'il déteignait un peu sur le mexicain, au moins sur cette compétence qu'il avait de changer de sujet constamment et de manière presque abrupte. « Je commençais à te raconter la soirée. Je suis venu en te parlant de ma soeur et de mon ex qui m’avait obligé à être à la soirée. Et tu m’as fait tout un discours disant qu’il fallait profiter et ne pas se prendre la tête. » Puis il s'étaient embrassés. En soit, il se rendait compte qu'ils n'avaient pas eu besoin de parler bien longtemps avant de finir par se rapprocher ; ultime preuve que l'attirance qui les liait était magnétique. « Et je crois bien que cet état d’esprit que t’as commence à vraiment raisonner en moi. » Restait à espérer que Diego ne déteigne pas trop sur Mateo en revanche, même s'il avait pourtant bien l'impression que c'était en train d'arriver. « Tu sais, tout est compliqué depuis que j’ai perdu ma soeur et j’ai bien conscience que nous deux ça devrait pas l’être. » Il fronçait les sourcils tout en mesurant la gravité des propos de Diego, touché par la façon dont il venait une nouvelle fois de se livrer à lui. « C'est pas si compliqué que ça au final. Rien que le fait que tu dises "nous deux" c'est une évolution de fou. » Avait-il noté fièrement. « Et pour ta sœur... J'me souviens que tu m'avais parlé d'elle maintenant. Elle était malade et... je suis désolé qu'elle s'en soit pas sortie. » Mateo s'était pincé les lèvres. S'il n'était pas le plus doué pour exprimer ses sentiments clairement, il l'était encore moins pour aborder un sujet aussi douloureux que le deuil. « Je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un. » Qu'il avait dit pour montrer qu'il compatissait à cette perte et au fait qu'elle ait pu chambouler complètement la vie de Diego, son quotidien comme sa façon d'être. Il n'était pourtant pas décidé à lui en dévoiler plus à son sujet mais il voulait se montrer rassurant et compréhensif. « J'peux ? » Il s'était tourné légèrement vers Diego en ouvrant ses bras pour l'enlacer, ayant envie de se sentir proche de lui à cet instant.

Difficile d’anticiper comment les choses tourneraient à chaque fois qu’ils se voyaient. Entre Diego qui était incapable de se raisonner, Mateo qui ne savait plus comment se comporter avec lui et cette situation qui les dépassait tous les deux, chaque scénario était envisageable. S’il avait été difficile au début de le laisser revenir dans sa vie après avoir constaté qu’il l’avait oublié parce qu’il s’était simplement joué de lui à l’époque, Diego n’en était plus aujourd’hui à chercher le conflit. Alors si leurs esprits s’échauffaient, ce n’était que le résultat de leurs deux caractères qui ne réussissaient plus à dissimuler toutes leurs émotions. Si les doutes de Diego avaient commencé à s’amoindrir au fur et à mesure des moments qu’ils passaient ensemble, il en était de même pour l’assurance de Mateo qui avait vu toutes ses certitudes être remises en question en se confrontant à un individu borné et lunatique. La moindre des choses, après la patience qu’il avait montrée, était de ne pas lui en vouloir de les freiner quand lui voulait plus. La balle était dans son camp et il devait lui donner l’assurance qu’il ne risquait plus d’être rejeté parce que même pour quelqu’un avec l’attitude de Mateo, la sensation ne se voulait jamais agréable. « C'est pas si compliqué que ça au final. Rien que le fait que tu dises "nous deux" c'est une évolution de fou. » Il n’avait pas réalisé la portée qu’avaient pu pendre les mots qu’il avait utilisés et s’était surpris à sourire à sa remarque. Pourtant, il avait mis un peu trop de sincérité dans le début de ce qu’il disait pour qu’ils puissent faire comme si de rien était. « Et pour ta sœur... J'me souviens que tu m'avais parlé d'elle maintenant. Elle était malade et... je suis désolé qu'elle s'en soit pas sortie. » Les mots avaient dépassé ses pensées alors qu’il n’avait pas prévu de s’épancher sur cette partie sombre de son existence. Mais c’était justement cette simplicité qu’ils évoquaient qui lui laissait l’opportunité de tout lui dire, et la façon dont il l’aidait à tout surmonter qui l’empêchait de s’en retenir. Ce que venait de dire Mateo, il l’avait entendu des centaines de fois de personnes plus ou moins proches de lui mais c’était la première fois que cela semblait avoir un réel sens. Si son estomac s’était noué en évoquant Maria, à ses côtés, il se sentait bien moins seul, lui retirant ce sentiment qu’il ne remonterait jamais la pente. « Je sais ce que ça fait de perdre quelqu'un. » Il était resté silencieux un instant, plongeant son regard dans le sien comme si cela suffirait à le sonder et à comprendre à quoi il faisait référence. Tout ce qu’il avait réussi à comprendre était la façon dont il était encore trop tôt pour qu’il ne décide de se confier, à la différence d’un Diego qui avait démarré toute leur histoire de cette façon. « J'peux ? » Il avait hésité, non pas parce qu’il n’en avait pas envie, mais parce qu’il ne savait pas ce qu’il ressentirait en se glissant dans ses bras. Il avait finalement décidé de s’approcher de lui pour se laisser aller à cette étreinte et son effet avait été immédiat. « J’avais juste besoin de ça.  » avait-il murmuré, sa tête posée sur son épaule. Le geste était significatif mais il aurait pu l’avoir avec n’importe qui ce qui l’empêchait d’en tirer trop de conclusions comme cela avait été le cas avec sa réaction suivante. Il s’était tourné pour s’installer confortablement dans le canapé, sans quitter l’épaule de Mateo. « C’est difficile de trouver quelqu’un à qui on arrive à parler, ça fait des semaines que j’en peux plus d’aller au boulot et de faire le lien avec elle et que je sais pas à qui le dire. Il fallait que ça tombe sur toi.  » Il aurait voulu entourer son bras avec le sien, se coller à lui et profiter de la façon dont sa présence le rassurait mais quelque chose l’en empêchait. Avant qu’il n’ait réussi à trouver le courage d’entreprendre quoique ce soit, la sonnerie de son téléphone l’avait sorti de sa bulle pour annoncer l'arrivée de la nourriture. « T’as été sauvé par le gong. Bon appétit.  » avait-il lancé en venant installer le repas sur la table basse avant de reporter son regard sur lui et de rire, sans réelle raison. Juste parce qu’il réalisait qu’il s’agissait peut-être bel et bien d’un rendez-vous et qu’il réalisait à quel point il avait besoin de lui.

Jamais Mateo ne s'était pris autant la tête avec quelqu'un qu'avec Diego. Jamais il n'avait autant réfléchi à initier un contact physique, jamais il ne s'était montré aussi peu sûr de lui sur les gestes à avoir et les mots à prononcer. Bien évidemment, sa personnalité remontait à la surface sans cesse et il ne pouvait pas être parfait et changer totalement qui il était pour faire en sorte de rentrer dans le moule de ce qu'il s'imaginait être la personne dont Diego avait besoin. Pourtant, il essayait, sincèrement. Il s'était tourné vers le mexicain en lui ouvrant ses bras et en lui demandant la permission de l'enlacer, touché par ce que Diego venait de lui partager sur son histoire. Il ne savait pas réellement comment ce geste allait être prit, mais visiblement il avait bien agit. « J’avais juste besoin de ça.  » A l'aise, Diego était même resté posé la tête contre son épaule. Et à cet instant là, Mateo aurait juré qu'il avait ressenti une sorte d'apaisement intérieur, le genre de calme dans le tumulte de son esprit qu'il aurait voulu ne jamais quitter. « C’est difficile de trouver quelqu’un à qui on arrive à parler, ça fait des semaines que j’en peux plus d’aller au boulot et de faire le lien avec elle et que je sais pas à qui le dire. Il fallait que ça tombe sur toi.  » C'était difficile de s'imaginer à sa place, travaillant à sauver des jeunes enfants ou des adolescents luttant contre la même maladie qui avait causé la perte de sa propre petite sœur. Ça sonnait même comme une torture car peu importe le résultat de ses patients, tout devait lui crever le coeur. Ceux qu'il sauvait devaient finir par retrouver une vie normale, par grandir : une chance que sa sœur n'aura jamais eue. Ceux qui finissaient par succomber comme elle devaient lui faire revivre ce deuil de manière incessante. « Ça me va. J'suis assez doué pour encaisser les trucs qui tombent sur moi comme ça. » Mateo n'était pas du genre à être gêné facilement, en plus de préférer se concentrer sur les histoires des autres que d'étaler les siennes. Il n'encaissait pas si bien lorsqu'il s'agissait d'affronter ses propres problèmes, préférant plutôt les ignorer en règle générale. Mais à l'heure actuelle, il ne se posait pas la question d'abord des sujets le concernant plus personnellement : il se montrait présent pour Diego et c'est tout ce qui comptait sur l'instant. Le téléphone de Diego avait sonné pour lui indiquer que leur commande était arrivée et il s'était relevé pour aller la récupérer. « T’as été sauvé par le gong. Bon appétit. » Installés sur le canapé l'un à côté de l'autre ils s'étaient mis à déballer la nourriture. « Bon appétit. » Mateo mangeait sans un mot, soudain concentré sur son estomac qui criait famine mais qu'il avait presque oublié avec toutes les émotions que Diego lui faisait traverser. Et alors qu'il s'était attaqué aux nouilles sautées, il en avait fait tomber un peu sur son pantalon. Ni vu ni connu il avait rattrapé la nouille échappée pour l'avaler dans la seconde. « Tu vois, quand je dis que je gère bien les trucs qui me tombent dessus ? Et bah j'ai géré. Ni vu ni connu. » Ça n'avait aucun autre sens ni objectif que de faire rire Diego et de rompre le silence qui s'était installé entre eux sans raison alors qu'ils avaient commencé de manger. « Bon du coup t'as répondu à peu près à mes questions et on est en train de manger donc.. c'est après ça que tu me mets à la porte ? Ou est-ce que j'ai une chance de prolonger la soirée si j'évite de renverser tout ça sur ton canapé ? » Inutile de dire qu'il n'avait aucune envie de repartir.

Il agissait naturellement avec lui depuis quelque temps sans même avoir réussi à déceler le moment où il avait basculé. Malgré tout, les moments avec lui restaient déconcertants et Diego continuait d’avancer avec prudence, comme s’il devait tout réapprendre depuis le début. S’il se concentrait sur le positif, il pouvait apprécier le sentiment de nouveauté qui se dégageait de tout cela, et ces moments de timidité et d’incertitude qui devenaient rares plus les années passaient et plus les histoires s’enchaînaient. Il n’en avait pas connu énormément mais juste assez pour réaliser à quel point celle-ci avait quelque chose différent, sur des tas d’aspects, pas seulement ceux qu’il imaginait comme négatifs. Par exemple, il y avait cette facilité qu’il avait à se confier, comme si à travers sa nonchalance et sa façon de tout tourner en dérision, Mateo réussissait malgré tout à le comprendre suffisamment pour que Diego ait la sensation que leur discussion avait un sens. « Ça me va. J'suis assez doué pour encaisser les trucs qui tombent sur moi comme ça. » Il avait relevé la tête vers lui pour lui adresser un sourire, non sans s’attendre à une énième plaisanterie de sa part. Puisqu’il n’avait pas repris, et parce qu’il avait besoin de relâcher la tension après avoir parlé de sujets difficiles, il avait maintenu son regard pour poursuivre. « Je pensais que tu faisais référence à moi sur ton épaule. » Il aurait pu rester contre lui et oublier toutes les questions qu’il ne s’était jamais posées, appréciant simplement le moment, mais le livreur avait rompu ce moment.

« Bon appétit. » Le moment était redevenu simple, alors qu’ils mangeaient en silence sans que cela ne soit pesant et sans que Diego n’en profite pour se perdre dans ses propres pensées qui le contrariaient, le faisaient même fuir parfois. Et c’était la maladresse de Mateo qui avait fini par rompre le silence. « Tu vois, quand je dis que je gère bien les trucs qui me tombent dessus ? Et bah j'ai géré. Ni vu ni connu. » Il avait secoué la tête, son rictus dissimulant le fait qu’il réalisait que lorsque lui appréciait juste le moment, Mateo était peut-être en train de profiter du silence pour repenser à tout ce qu’il venait de lui dire. Il agissait encore dans son propre intérêt, le rassurant sur sa capacité à l’écouter se confier. Et c’était un constat aussi agréable que brutal : il représentait énormément pour lui. « Bon du coup t'as répondu à peu près à mes questions et on est en train de manger donc.. c'est après ça que tu me mets à la porte ? Ou est-ce que j'ai une chance de prolonger la soirée si j'évite de renverser tout ça sur ton canapé ? » Son assurance n’était qu’une façade, ou du moins elle n’était plus aussi évidente lorsqu’ils étaient ensemble, et il le prouvait encore. « Ça fait plusieurs fois que tu penses que je vais te chasser, c’est fou ça. T’as le droit de dire que tu veux rester avec moi sans m’accuser de quoique ce soit. » Ils ne pouvaient pas se permettre d’agir comme un couple, Diego ayant ses barrières et Mateo les siennes. Mais ils s’étaient déjà mis d’accord plusieurs fois pour profiter de ces moments ensemble et la façon dont il avait accepté qu’il se confie pour ensuite le réconforter empêchait Diego de penser à autre chose qu’au sentiment de plénitude qu’il lui apportait. « T’avais dit que tu partirais pas d’ici tant que je t’aurais pas tout raconté alors je vais juste prétendre que j’ai pas fini pour pas avoir à dire que j’ai envie que tu restes. » Il était tout à fait capable de dire clairement à quel point il désirait le voir s’éterniser dans son appartement, mais il était bien plus amusant de continuer à avancer à tâtons comme ils l’avaient toujours fait. Parce que les gestes parlaient d’eux mêmes, Diego continuant à s’épancher sur plusieurs aspects complexes de sa vie en profitant de cette épaule sur laquelle il pouvait s’appuyer. Littéralement.