Scarlett est assez intelligente pour savoir que chercher une liste de symtômes sur Google n’est jamais une bonne idée. Elle tient ses mains occupées ailleurs, à taper des emails, à cirer sa planche de surf, à feuilleter les catalogues des ventes aux enchères qu’elle reçoit dans sa boîte aux emails. Parfois, ses doigts s’agitent, et elle doit plisser les yeux, persuadée tout à coup qu’ils ne lui appartiennent pas. Elle est obligée de secouer la tête, fermer ses paupières et inspirer, pour se rappeler que son corps est à elle. Mais elle n’est pas stupide, elle sait que quelque chose ne va pas. Ce décalage étrange, comme si on a désynchronisé le son et l’image sur sa télévision, arrive de plus en plus souvent. Son visage dans le miroir le matin qui lui semble étranger, l’impression quelques minutes de flotter au-dessus d’elle pendant des réunions. Elle serre sa mâchoire à s’en casser les dents pour revenir dans son cerveau embrouillé. Des visions désagréables ont commencé à polluer son esprit, des fragments de son enfance, des morceaux qu’elle a habituellement rangés tout au fond d’elle-même. Quelque chose se trame en elle, et pour la première fois depuis qu’elle a quitté l’Angleterre et l’Arabella qu’elle était, elle réalise qu’elle a peur ; peur parce que son cerveau ne lui réponde plus comme avant, qu’une tumeur s’y soit installée et grille une à une ses neurones.

Elle a hésité longtemps, targiversant sur ses options. Demander un conseil à Ruben lui coûte quelque chose qu’elle a du mal à expliquer, mais elle se rappelle que c’est la nature de leur lien. Ils ont une espèce de proximité grâce au respect qu’ils se portent professionnellement, et ce problème est lié au travail de Scar puisqu’il impacte ses capacités cognitives. Donc c’est logique qu’elle se tourne vers lui. Elle fait les comptes dans sa tête, trouve des excuses et des protections : elle n’a pas à lui préciser qu’elle veut un contact de médecin pour elle, cela pourrait être pour l’un de ses clients, et puis de toute façon, il ne pourrait pas lui causer du tort maintenant qu’elle connaît son secret, elle a de quoi se protéger s’il le faut. Scarlett ne sait pas se rendre vulnérable si elle ne s’assure pas un bouclier.

Alors elle envoie un message à Ruben et lui demande si elle peut passer le voir à l’hôpital dans la semaine, parce qu’elle a un service à demander, rien d’important qu’elle précise dans le message - un mauvais mensonge quand elle propose d’elle-même de se déplacer jusqu’à lui, mais tant pis. Elle réalisera plus tard que le stress qui monte en elle ne lui a pas fait prendre les meilleures décisions, elle qui suit habituellement des standards très précis de distance avec son entourage.

Lorsqu’elle rentre dans le bureau de Ruben, elle a la tête haute, et elle relève ses lunettes de soleil sur le haut de son crâne, perchée dans ses long cheveux en cascade sur ses épaules. « T’es toujours très chic dans une blouse blanche », elle relève en guise de préambule. Elle ne s'assoit pas sur la chaise de l’autre côté du bureau, parce qu’elle n’est pas une patiente, ne veut pas l’être. A la place, elle fait quelques pas dans le bureau, observe les étagères, fait mine de trouver tout ça très intéressant. Mais elle a toujours été plutôt directe - sauf quand il s’agit d’habillement négocier et manipuler - et décide de rentrer dans le vif du sujet. « Je ne veux pas te faire perdre ton temps pendant que tu bosses, donc je vais être assez directe », elle commence, appuyant son épaule légèrement contre le mur, « mais j’aurais besoin du contact d’un très bon neurochir. »


@Ruben Hartfield    

weary bones caught the chill

@scarlett bridgers

lieu: st vincent's hospital, toowong.
(c): aliyagifs (gif), luleaby (codage).

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Qu’il reçoive un message de Scarlett lui proposant de se voir n’était pas un quelque-chose d’extraordinaire, tant ils avaient l’habitude de se côtoyer assez fréquemment finalement avec le temps. Voir apparaitre sur son écran une telle proposition l’aurait d’ordinaire fit sourire sans aucune honte, et il aurait rapidement répondu par la positive. Ce qui était étrange cette fois-ci cependant, c'était qu'elle lui proposait qu’elle passe le voir directement à l’hôpital - ce qui n’était pas encore arrivé. Ou plutôt, elle passait le chercher pour se rendre diner ailleurs ensuite par exemple; là elle précisait qu’elle désirait le voir là où il effectuait ses consultations. Cela fit réfléchir Ruben à plus d’une fois, finissant par lui répondre par la positive et lui indiquer qu’elle pouvait passer dès le lendemain - autant parce-qu’il terminait sa journée un peu plus tôt que les autres que parce-que désormais, une partie de lui était inquiète quant à la raison de sa visite.

« T’es toujours très chic dans une blouse blanche » Bien sur qu’elle était entrée dans son bureau sans attendre son reste et qu’elle ne le saluait pas comme d’autres l’auraient fait à sa place. Heureusement pour elle que c’était un compliment qu’elle utilisait à la place d’une salutation, cela fonctionnait autant avec le jeune docteur. « C’est uniquement pour cette raison que j’ai choisi cette voie là, toi comme moi on le sait. » Et s’il lui indiqua d’un revers de la main la chaise qui se situait de l’autre côté du bureau, autant par politesse que parce-qu’il n’avait pas prévu d’attendre six ans qu’elle en vienne aux faits, il aurait du s’attendre au fait qu'elle n'en fasse que comme cela l’enchantait, à se mettre à arpenter le bureau de consultation, à laisser son regard naviguer sur les objets soutenus par les étagères. L’avantage étant tout de même qu’aucun des deux n’aimait tourner autour du pot, alors il n’eut besoin de faire le moindre commentaire qu’elle reprit déjà la parole. « Je ne veux pas te faire perdre ton temps pendant que tu bosses, donc je vais être assez directe » - « J’ai terminé ma journée, t’en fais pas. » - « mais j’aurais besoin du contact d’un très bon neurochir. » A ses derniers mots, il ouvrit la bouche pour la refermer dans un mouvement sec, ses mâchoires claquant quelque peu sur le passage.

Là, assis dans son fauteuil, Ruben regarda de loin Scarlett avec un regard on ne pouvait plus suspicieux, un de ses sourcils légèrement haussé sur ses traits. Le silence fut de mise du côté du brun un instant, et puis un autre, tant les informations semblaient autant claires et limpides que complètement brouillées sous ses yeux. Une petite moue au visage, il finit par se lever de son fauteuil pour aller se planter aux côtés de Scarlett, les mains sur les hanches. Il garda son regard accroché à son visage un instant de plus, avant de dégager une de ses mains pour attraper ce qui se tenait sous leurs regards à tous les deux désormais: le cadre qui contenait son diplôme. Il dégagea ce dernier de l’étagère et le mis entre les mains de la jeune femme, haussant ses deux sourcils sur son visage, quelque peu perplexe. « Une autre question ? » Parce-qu’elle se devait de se moquer de lui, peut-être essayait-elle de nouvelles méthodes d’approches pour intimider les personnes avec qui elle travaillait - il ne serait pas étonné d’être un cobaye sans y avoir été prévenu à l’avance pour avoir des réactions au plus proche du naturel. « Parce-que la première est tordante de rire. » Il fit demi-tour, regagnant de nouveau sa chaise dans laquelle il se laissa choir. « Et que je vais me demander surtout si tu te paies pas ma tête. » C’était pourtant écrit en toutes lettres en plein milieu du morceau de papier encadré qu’elle tenait maintenant entre ses mains: Docteur Ruben Hartfield, neurochirurgien - il ne pouvait pas faire mieux.

Scarlett est trop préoccupée pour prendre au vol la plaisanterie de Ruben sur sa blouse blanche. Habituellement, elle aurait répliqué une pique amusée, du genre “tu sais que les infirmiers en portent aussi, c’était pas la peine de rempiler pour 12 ans”, peut-être même appuyé d’un clin d’oeil entendu. Mais elle est trop tournée vers ce qu’elle doit demander à Ruben, comment articuler les mots sans éveiller ses soupçons, qu’il pose trop de questions - et en même temps, elle le connaît, elle sait qu’il ne va pas la laisser s’en sortir simplement avec un contact écrit sur un post-it. Elle se demande vaguement pourquoi elle a eu la mauvaise idée de faire confiance aux connaissances médicales et à l’annuaire du Dr Hartfield.

Ruben ne répond pas immédiatement, bien au contraire, il semble pris de court de la question, et il finit par se lever et venir se planter à côté de Scarlett, qui fait mine de ne pas le regarder mais ne peut pas s’empêcher de lui jeter des petits coups d’oeil qui se veulent désintéressés, détachés. Elle se doutait d’avance qu’il allait un peu tiquer sur la question, probablement faire une plaisanterie en retour, mais il ne dit rien, attrape son diplôme qu’il met entre les mains de Scarlett. « Une autre question ? » Elle fait claquer sa langue derrière ses dents et secoue la tête, parce que ce n’est pas la réponse qu’elle veut et il le sait très bien. « Parce-que la première est tordante de rire. » « C’est vrai que tu as l’air mort de rire », elle réplique, partagée entre l’amusement et l’agacement, parce qu’elle se rend bien compte qu’elle s’est tirée une balle dans le pied en venant ici. Sauf que Scarlett aime se dire que Ruben est dans son réseau - ou son entourage, d’accord - parce qu’elle peut compter sur son ambition et ses connaissances, alors ça n’aurait aucun sens de ne pas se tourner vers lui quand elle a justement besoin d’un neurochirurgien, pas vrai ?!

« Et que je vais me demander surtout si tu te paies pas ma tête. » Elle secoue la tête, et raccroche le diplôme au mur. Elle se tourne vers Ruben qui s’est rassis sur son fauteuil, avant de pousser un soupir et de consentir à s’asseoir sur la chaise qu’il a désignée pour elle plus tôt. « Je connais tes qualifications, Ruben. Je t’ai même envoyé des fleurs pour célébrer ton diplôme », elle lui rappelle. Elle croise ses bras, puis ses jambes, comme pour se créer une armure devant lui. « Et je ne doute absolument pas de tes compétences. Mais… » Elle pince les lèvres. « Mais par souci de professionnalisme, j’aurais besoin d’un neurochirurgien qui ne dîne pas avec moi une fois par mois », elle explique. C’est déjà admettre qu’elle a besoin d’un médecin pour elle, et l’aveu lui pique la gorge.



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Si elle pensait être discrète avec ses regards en coin, elle s’enfonçait le doigt dans l’oeil jusqu’au coude - Ruben était cependant assez concentré sur sa mission pour ne pas souligner qu’il remarquait qu’elle n’osait pas le regard de front. Ce qui était ridicule, tout comme sa question l’était en réalité; depuis quand agissait-elle de cette sorte ? C’était nouveau, il n’y était pas habitué. « C’est vrai que tu as l’air mort de rire » - « Ah, ah. Plus convainquant comme ça ? » Contrairement à ce que ses paroles faisaient mine de véhiculer, son ton n’était en réalité pas du tout amusé. Il n’était pas tout à fait agacé non plus, davantage perplexe et quelque peu perdu dans cette situation. Parce-qu’il ne comprenait pas où Scarlett voulait en venir, il n’arrivait pas à saisir autant dans son comportement que dans ses paroles ce qu’elle tentait de lui sous-entendre.

La regardant remettre son diplôme à sa place après qu’il se soit assis de nouveau dans sa chaise, elle daigna finalement en faire de même face à lui. Au moins, ils se trouvaient à hauteur égale pour discuter, ce qu’il préférait - surtout lorsqu’il était insulté sur ses compétences de la sorte. « Je connais tes qualifications, Ruben. Je t’ai même envoyé des fleurs pour célébrer ton diplôme » Elle lui avait envoyé des fleurs pour célébrer son diplôme - il leva les yeux au ciel, même si le bouquet était particulièrement joli, il avait l’image toujours en tête. « Donc ? » Qu’il enchaina, ne souhaitant pas laisser cette conversation dans le vide tant il n’appréciait pas ne pas comprendre; elle devait pourtant s’en douter, initialement. « Et je ne doute absolument pas de tes compétences. Mais… » - « Mais ? » - « Mais par souci de professionnalisme, j’aurais besoin d’un neurochirurgien qui ne dîne pas avec moi une fois par mois » Gardant son regard rivé sur elle, il croisa les bras sur son torse. Et laissa le silence s’installer entre eux. Parce-qu’avec ce type de paroles, ils en étaient revenus au point de départ sans que Scarlett ne puisse surement s’en apercevoir: celui où Ben s’inquiétait pour elle. « Deux solutions ici. » Qu’il finit par reprendre, un temps infiniment long d’observation des traits du visage de la brune plus tard. « Soit tu te paies ma tête tellement fort, que c’est si gros que je peux pas m’en apercevoir - et franchement, j’espère que c’est le cas. » Il haussa vaguement l’un de ses sourcils, avant de pincer le coin de ses lèvres. « Soit j’ai le droit d’être officiellement inquiet pour toi et j’ai pas envie que ce soit le cas. » Pas de s’inquiéter pour elle - ça c’était le réflexe normal d’un ami -, mais parce-que cela voulait dire que quelque-chose n’allait pas et il n’appréciait pas l’idée. « Donc je vais revenir au début de cette conversation et te répondre: non, je te donnerai pas le numéro d’un excellent neurochirurgien, parce-que je suis un excellent neurochirurgien, t’as pas besoin d’aller voir ailleurs. » Plutôt ironique de sa part de dire ça. « Et t’en fais pas pour le professionnalisme, je connais ma place et sais la respecter. » Il pencha quelque peu sa tête. « Donc à moins que tu me certifies que m’inquiéter ne sert à rien, et surtout que t’arrives à me le faire croire, je te donne le numéro de personne et t’es coincée avec moi. » Il enchaina. « Parce-que je sais que tu fais pas confiance facilement et que ça te couterait d’aller voir quelqu’un dont tu connais pas les qualifications avant, surtout dans un domaine pointilleux comme celui là. » Qu’elle essaie de lui prouver une fois de plus qu’il avait tort.

Scarlett a espéré que Ruben serait sérieux un instant et comprendrait les sous-entendus, les respecterait, qu’il tendrait un post-it avec un numéro sans poser de questions. Elle réalise maintenant qu’elle a pris ses désirs pour des réalités. Mais si elle était prête à lui donner le change, elle ne s’est pas attendu au sérieux qui anime tout à coup Ruben, qui étire le silence en une longue ligne qu’il refuse de traverser. Il finit par inspirer, et se lancer : « Deux solutions ici. » Scarlett retient un soupir, parce qu’elle n’est pas en position de force dans la situation, et qu’elle a bien conscience qu’elle ferait mieux de ne pas insupporter Ruben - du moins pas plus que d’habitude. « Soit tu te paies ma tête tellement fort, que c’est si gros que je peux pas m’en apercevoir - et franchement, j’espère que c’est le cas. » Cette fois-ci, elle ne peut pas retenir un léger mouvement d’épaule et de tête, parce qu’elle fait tout pour ne pas lever les yeux au ciel. « C’est bon, tu m’as eue, caméra cachée », elle réplique d’une voix neutre qui témoigne qu’on est bien loin de la plaisanterie. « Soit j’ai le droit d’être officiellement inquiet pour toi et j’ai pas envie que ce soit le cas. » Et voilà, invariablement, on y est, le noeud du problème pour lequel elle a hésité longuement avant de venir voir Ben. Elle s’est doutée qu’il réagirait ainsi. « Donc je vais revenir au début de cette conversation et te répondre: non, je te donnerai pas le numéro d’un excellent neurochirurgien, parce-que je suis un excellent neurochirurgien, t’as pas besoin d’aller voir ailleurs. » En cet instant, Scarlett doit pincer ses lèvres pour ne pas répliquer un cinglant ah bon, vraiment, c’est toi qui dit ça ? parce qu’encore une fois, elle n’est pas en position de force, elle est assez intelligente pour le reconnaître. Alors elle reste les bras et les jambes croisés, son regard dans celui de Ruben pour au moins ne pas perdre la face. « Et t’en fais pas pour le professionnalisme, je connais ma place et sais la respecter. » Elle a un petit rire. « Permets moi d’en douter », elle réplique, mi-taquine mi-sincère.

Elle est coincée, se dit-elle. Coincée parce qu’elle se dit sans cesse que Ruben n’est pas son ami, mais plutôt quelqu’un de son réseau, de son entourage professionnel, et que maintenant qu’il s’agit vraiment du professionnel, elle ne veut pas se tourner vers lui, parce qu’il la connait trop bien, et qu’il est donc peut-être son - non, bref, peu importe. « Donc à moins que tu me certifies que m’inquiéter ne sert à rien, et surtout que t’arrives à me le faire croire, je te donne le numéro de personne et t’es coincée avec moi. » Elle serre la machoire, parce qu’elle est acculée, et qu’il a bien joué son coup, ce qu’elle déteste. « Parce-que je sais que tu fais pas confiance facilement et que ça te couterait d’aller voir quelqu’un dont tu connais pas les qualifications avant, surtout dans un domaine pointilleux comme celui là. » Et voilà, voilà !!!, voilà ce qu’il se passe quand on va dîner trop souvent avec la même personne, elle finit par vous connaître et vous piéger, même si dans ce cas-là, c’est aussi Scarlett qui s’est auto-piégée, et elle pince les lèvres, agacée. « Comment je suis censée croire que tu vas rester professionnel et à ta place quand tu commences déjà tes grand discours sur t’inquiéter et blablabla », elle répond de mauvaise humeur. « Et s’il-te-plaît épargne moi tes discours sur le fait qu’un médecin s’inquiète toujours pour ses patients ou je ne sais quoi, je suis pas une investisseuse qu’il faut séduire pour lâcher un chèque à l’hôpital », elle continue, consciente qu’elle gagne du temps, change de sujet, mais pourtant elle est toujours assise sur la chaise.

Elle se lève, agacée, parce qu’elle ne veut pas être dans cette position de patiente. Mais elle ne quitte pas le bureau. Parce que Ruben a raison : elle est coincée avec lui.

« Bon, d’accord, mettons que je te demande de… » Elle est incapable de prononcer à voix haute : de l’aide. Elle serre la mâchoire, comme une enfant qui fait un caprice, hésite, reprend. « Je veux un IRM de mon cerveau et je veux que tu ne poses aucune question. C’est possible ça, Dr Hartfield ? » Elle sait bien que non - parce qu’il est trop professionnel et trop putain de gentil pour ne pas prendre cette histoire à coeur - mais elle veut y croire un instant.


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« C’est bon, tu m’as eue, caméra cachée » Il lui jeta un regard noir: autant parce-qu’elle avait osé l’interrompre, que pour les paroles qu’elle lui adressait. Ce n’était pas une blague de son côté, et il était réellement inquiet de la tournure que prenait leur conversation. S’il ajoutait une proposition un peu légère dans celles qu’il énumérait, c’était simplement pour lui montrer qu’il était de son côté. Ce qu’elle ne comprenait pas, en tous cas, c’était qu’il ne s’arrêterait pas dans son raisonnement simplement parce-qu’elle ne semblait pas enclin à admettre qu’il avait raison. Oh, il n’avait pas besoin de lui poser la question: il le voulait dans le regard qu’elle lui lançait, et dans ceux qu’elle se retenait de lui accorder justement.

« Permets moi d’en douter » Son rire ne fit pas écho chez Ruben. « Avec mes patients je sais l’être. » Ce n’était pas parce-qu’elle avait eu un aperçu un peu trop détaillé pour son bien des aventures du docteur derrière les portes closes qu’elle pouvait se permettre ce genre de commentaire.

Une fois sa petite tirade terminée, Ruben décroisa ses bras de sur sa poitrine pour s’avancer et croiser les mains sur son bureau, ne lâchant pas le visage de Scarlett de son regard. Si elle pensait s’en sortir aussi facilement en se pointant ici, c’était idiot de sa part: elle savait qu’il avait tendance à être bien trop curieux pour son bien. Ici, ce n’était même pas question de cela: il s’inquiétait pour elle. Parce-qu’une personne ne demandait normalement pas à voir un neurochirurgien - même s’il adorait travailler, peu de personnes venaient réellement le voir pour de bonnes choses. C’était donc que quelque-chose clochait chez elle, et il ne comptait pas laisser cette information se dissiper comme si elle n’était rien. Cela l’énervait, d’ailleurs: il le vit au regard qu’elle lui lança et aux lèvres qu’elle pinçait bien trop fortement pour que cela soit raisonnable. « Comment je suis censée croire que tu vas rester professionnel et à ta place quand tu commences déjà tes grand discours sur t’inquiéter et blablabla » Il n’eut même pas le temps de faire le moindre commentaire, à peine de lever les yeux au ciel. « Et s’il-te-plaît épargne moi tes discours sur le fait qu’un médecin s’inquiète toujours pour ses patients ou je ne sais quoi, je suis pas une investisseuse qu’il faut séduire pour lâcher un chèque à l’hôpital » Il secoua sa tête de gauche à droite, ne déviant pourtant pas son regard de la jeune femme. « Je te dis pas ça parce-que je m’inquiète pour tous mes patients, c’est même pas vrai en plus, ni parce-que je veux te soutirer de l’argent. Je te dis ça parce-que je m’inquiète pour toi comme tout ami le ferait à ma place. Rien de plus, Scarlett. » Il savait que cela la dérangeait déjà en temps normal quand il disait ça, ce serait d'autant plus le cas aujourd’hui - il avait commencé à s’en apercevoir depuis quelques temps déjà, mais la dernière discussion qu’ils avaient eu et celle du jour étaient une preuve supplémentaire que c’était le cas: elle n’appréciait pas quand il disait qu’elle était son amie. Qu’importait: il ne changerait pas son discours pour ce genre de détail.

Elle finit par se lever, le regard de Ben suivit le mouvement sans qu’il ne bouge autrement de l’endroit où il était assis. Un silence, et un autre. « Bon, d’accord, mettons que je te demande de… » Il haussa un sourcil. « Je veux un IRM de mon cerveau et je veux que tu ne poses aucune question. C’est possible ça, Dr Hartfield ? » Son regard plongé dans celui de Scarlett, il hésita un instant. Il savait qu’il jouait gros ici, tant la ligne était fine entre cela fonctionnait et cela ne fonctionnait pas du tout. Mais ce n’était pas lui de s’empêcher de jouer avec les limites, parce-que cela avait plutôt tendance à lui réussir. Alors, se levant à son tour en gardant les mains appuyées à plat sur son bureau, son sourcil toujours haussé, il entra dans le jeu. « Non. » Une chose était sure: il était on ne pouvait plus clair. « Je t'ai dit: convaincs moi que j’ai pas à m’inquiéter. T’es pas convainquant là. » Scarlett avait surement oublié à quel point il savait être tenace, surtout en négociations, surtout quand ça touchait son métier. « Une IRM et un scanner si tu me convaincs. » Alors, il tendit la main devant lui, pour laisser la jeune femme la serrer si elle acceptait de jouer le jeu à son tour. Il était sérieux et ne désirait pas perdre à ce petit jeu, alors il lui proposait cette option là comme on proposerait un contrat à un client. Parce-que c’était là un langage qu’elle savait parler, qu’elle adorait entendre et qui lui permettait de se remettre dans son élément à elle, et non le sien - qui dictait leur discussion jusque maintenant.

Scarlett déteste la façon que Ruben a de vriller ses yeux dans les siens, avec son air sérieux de médecin - ou de personne qui s’inquiète pour elle, peut-être, elle ne sait pas trop, elle n’est pas habituée à ce regard là sur elle. « Je te dis pas ça parce-que je m’inquiète pour tous mes patients, c’est même pas vrai en plus, ni parce-que je veux te soutirer de l’argent. Je te dis ça parce-que je m’inquiète pour toi comme tout ami le ferait à ma place. Rien de plus, Scarlett. » Elle secoue la tête, parce que voilà qu’il recommence, et qu’elle essaie de ne pas relever les mots qu’il utilise. Elle n’a pas envie de se comporter comme une adolescente capricieuse, mais elle voudrait bien répliquer : je n’ai pas d’amis et on ne s’inquiète pas pour moi. La dernière personne en date qui a dû sincèrement se faire du souci pour elle, c’est Swann, il y a quinze ans de ça. Autant dire que ce n’est pas une occurence qui revient souvent.

Mais pas la peine de faire la moue ou un caprice, elle se contente de se lever et de négocier ce qu’elle veut depuis le début : une analyse, c’est tout, pas de question, un diagnostique, avec un peu de chance un remède, et puis c’est tout. Mais quand Ruben pose ses mains sur son bureau, elle comprend que la négociation risque d’être plus compliquée. « Non. » Elle fait claquer sa langue derrière ses dents. Evidemment. Elle détourne le regard, agacée. « Je t'ai dit: convaincs moi que j’ai pas à m’inquiéter. T’es pas convainquant là. » Elle se retient de soupirer, parce qu’elle a envie de le secouer, de lui dire mais abruti, si je suis là, c’est que je suis inquiète aussi, donc comment tu veux que je te dise le contraire ?! mais elle ne dit pas ça, non, parce qu’elle compte bien garder le peu de face qu’il lui reste. « Une IRM et un scanner si tu me convaincs. » Ruben tend sa main pour sceller la proposition, et elle lève un sourcil. Bon, d’accord, il a son attention à présent. Elle plisse les yeux, revient vers lui, inspire et serre sa main avec fermeté. « Allons-y », elle affirme, et elle se rasseoit. « Je pourrais commencer par dire que ce qui me concerne n’a normalement aucun impact sur toi et ta vie, et qu’il n’y a donc aucune raison d’être inquiet, mais j’ai bien peur que cet argument ne fonctionne pas », elle commence - parce qu’il va encore lui dire qu’elle est son amie, et blablabla, et qu’elle n’a pas envie de rentrer dans ce débat-là. Elle aura tout le temps de le corriger plus tard, et à vrai dire, elle se demande souvent pourquoi elle ne l’a pas encore fait. « Je vais bien. Je suis capable de te parler, mon cerveau semble fonctionnel. Regarde, j’arrive encore à te tenir tête », elle souligne avec un sourire. « Mais… » Nous y voilà. Elle pince les lèvres. « J’ai eu quelques absences, récemment. Rien de bien grave, mais mon cerveau m’est très précieux, et je voudrais être sûre que toutes ses neurones sont correctement branchées. » Ou qu’elle n’a pas une tumeur, par exemple, mais ça, elle ne va pas le signaler à Ben.


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Il aurait beau apporter tout et n’importe quel argument, il savait qu’elle ne les prendrait pas au sérieux parce-que pour elle, les choses n’étaient pas définies de cette façon. Ce n’était pas un problème pour Ruben, qui continuerait d’agir comme cela lui semblait le plus juste, quitte à la mettre un peu en colère - ou au moins à l’énerver, comme c’était présentement le cas. Dans ses gestes, dans ses paroles, dans ses regards: l’agacement perçait, elle ne savait lui cacher malgré tout. Alors, il changea de stratégie: si elle ne compilait pas à sa façon de voir les choses, elle le ferait si ces dernières se conformaient à sa façon de voir cette conversation - qui se rattachait davantage à une transaction qu’à autre chose, d’ailleurs. Il vit l’hésitation, autant que le fait qu’elle considérait son idée désormais; la poignée de main qu’elle lui accorda scella le tout et peut-être qu’il eut du mal à retenir un petit sourire en coin, avant de se rasseoir à son tour dans son fauteuil de son côté du bureau. « Allons-y. » - « Je t’écoute. »

« Je pourrais commencer par dire que ce qui me concerne n’a normalement aucun impact sur toi et ta vie, et qu’il n’y a donc aucune raison d’être inquiet, mais j’ai bien peur que cet argument ne fonctionne pas » - « Touché. » A défaut de voir les choses de la même façon, au moins elle comprenait son point de vue et le prenait en compte, c’était déjà ça. « Je vais bien. Je suis capable de te parler, mon cerveau semble fonctionnel. Regarde, j’arrive encore à te tenir tête » Il haussa quelque peu l’un des ses sourcils - c’était la seconde fois dans la même conversation qu’elle remettait en question son intelligence et ça commençait à faire beaucoup. « Mais… » - « Mais ? » Qu’il reprit pour l’encourager à continuer, à en venir aux faits et au noeud du problème du jour. « J’ai eu quelques absences, récemment. Rien de bien grave, mais mon cerveau m’est très précieux, et je voudrais être sûre que toutes ses neurones sont correctement branchées. » Pinçant ses lèvres à son tour, il mordit même l’intérieur de sa joue pour ne pas faire de commentaire déplacé et qui ferait surtout fuir plus rapidement que prévu Scarlett de son bureau. Il gardait son calme en apparence, alors qu’à l’intérieur il bouillonnait de colère: se rendait-elle compte à quel point même ce qui semblait être de simples absences comme elle disait pouvait être grave en réalité ? Il savait que le fonctionnement neurologique échappait à la plupart des personnes, mais perdre des fragments de sa réalité n’était jamais bon signe. Il ne pouvait se permettre de lui faire ce type de reproches de la façon dont il désirait les faire, parce-qu’elle avait commencé cette conversation en lui demandant de rester professionnel.

Alors, contre toutes ses réactions primaires, ce fut ce qu’il fit. Il déglutit, ouvrit son ordinateur, créa un dossier à son nom en gardant le silence pendant tout ce temps. Il ne reprit la parole qu’une fois que ce fut chose faite. « Vu le rythme de vie que tu t’imposes, t’as peut-être simplement besoin de dormir vingt-quatre d’heures d’affilé pour repartir du bon pied. » Cela pouvait effectivement être le cas, pour de vrai; il espérait que ce soit ça et pas toutes les autres possibilités qui défilaient devant ses yeux depuis les deux dernières minutes. « Mais effectivement, on va regarder si tous tes neurones sont bien branchés. » Il se força à esquisser un petit sourire en coin avant de remonter son regard vers elle. « Si je te trouve des places pour IRM et scanner d’ici à deux jours, tu peux te rendre disponible pour les passer ? En sachant que tu repasseras par mon bureau après pour la lecture des images. » Qu’elle ne soit pas surprise de devoir recroiser son joli minois après. « Ca te demanderait au moins trois heures de ta journée. Pour que tu anticipes. » Il gardait un temps à la fin pour la sermonner si jamais c’était bien plus grave que ce qu’elle lui avançait, une fois la partie professionnelle terminée; il restait inquiet et son ami, malgré tout.

Le visage de Ruben est une énigme, un instant, même pour Scarlett et ses qualités d’observatrice. Il semble sur le fil, et elle se demande vaguement s’il va l’engueuler comme une enfant, parce qu’elle décrit quelque chose de grave, ou s’il est simplement concentré sur ce qu’elle lui confie, et qu’elle est train de découvrir la facette de Ruben le docteur, dans tout son professionnalisme. Elle n’est même pas sûre que Ruben sache lui-même ce qu’il pense de tout ça. Scarlett, elle, reste silencieuse, laisse le temps courir autour d’eux, jusqu’à que Ruben se penche sur son clavier et commence à taper. Elle déteste l’idée qu’il garde une trace de leur échange, que sa faiblesse soit résumée en quelques lettres noires sur un écran. Mais c’est le jeu, n’est-ce pas ? Elle se contente de pincer les lèvres et d’attendre sa sentence. C’est le jeu qu’elle accepte, alors que Ruben lui a fait une fleur en ne lui posant pas - encore - trop de questions. « Vu le rythme de vie que tu t’imposes, t’as peut-être simplement besoin de dormir vingt-quatre d’heures d’affilé pour repartir du bon pied. » Scarlett a un petit rire. « Un peu ironique venant de ta part, mais une possibilité, en effet », elle relève. C’est plus facile de partir sur ce terrain-là que de lui demander frontalement si ça pourrait être autre chose, si elle a raison d’être inquiète. Elle n’arrive pas à déchiffrer l’air de Ruben, ne sait pas s’il est aussi inquiet et prétend ne pas l’être. En un sens, elle lui est reconnaissante : elle préfère cette facade-là, que l’idée qu’il la sermonne ou ait pitié d’elle. « Mais effectivement, on va regarder si tous tes neurones sont bien branchés. » Scarlett se sent un peu soulagée, parce qu’elle a réussi sa négociation, sans y laisser trop de plumes ou de secrets.

« Si je te trouve des places pour IRM et scanner d’ici à deux jours, tu peux te rendre disponible pour les passer ? En sachant que tu repasseras par mon bureau après pour la lecture des images. » « Je ne sais pas si je vais supporter de te voir deux fois en une semaine mais s’il le faut, alors… » Elle commence, d’un ton taquin, parce que c’est plus facile que d’avouer sa gratitude. « Ça te demanderait au moins trois heures de ta journée. Pour que tu anticipes. » Elle hoche la tête, tout à coup plus sérieuse, pense à son agenda pour les prochains jours. Elle pince les lèvres ; c’est le deal, elle ne peut plus faire demi-tour maintenant. « Je vais m’arranger. Donne moi un jour et une heure et je serais là », elle commence, avant de se reprendre, « enfin, sauf jeudi après-midi, j’ai un call avec l’équipe de Margot Robbie. » Elle regarde Ruben, avec un air d’excuse, mais qui veut aussi dire : come on, Margot Robbie, je peux pas laisser passer la meilleure actrice australienne de ces dernières années. Peu importe ses absences, elle reste fidèle à elle-même.

Elle hésite une seconde avant d'effleurer l’avant-bras de Ruben du bout des doigts, à défaut d’un réel contact physique. « Merci, Ben. Sérieusement. » Elle le regarde dans les yeux, quand elle dit ces mots, et pendant une demi-seconde, elle a l’impression de fissurer un bout de sa carapace. L’instant d’après, elle s’écarte, reprend sa contenance majestueuse, et secoue la tête. « Bon, allez, ça c’est réglé », elle conclut d’un ton dégagé qui efface la vulnérabilité de l’instant.


Terminé @Ruben Hartfield