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tw : décès

Personne n'était plus surpris que James lui-même de se retrouver au beau milieu d'un festival faisant la part belle aux comics, aux jeux vidéo et à la science fiction, mais tout prétexte était honnêtement bon pour aider Auden à se changer les idées après la parution de cet article sur la mort de Saül Williams, qui n'avait probablement pas été sans conséquences dans son entourage proche. Si l'homme d'affaires était tombé en disgrâce aux yeux de beaucoup, et à juste titre, James n'en oubliait pas pour autant qu'il avait des proches que la nouvelle avait du ébranler d'une façon ou d'une autre. Les seuls dont il se souciait étant l'italien et son fils, peut être bien qu'il n'avait pas été aussi subtile que d'ordinaire lorsqu'il avait suggéré cette sortie pour le moins éloignée de leurs centres d'intérêts habituels. L'occasion pour le couturier de faire une escale par le repaire de Birdie, une boutique dont il savait que la jeune femme était particulièrement fière et dont il avait lui-même perçu le potentiel sans pourtant être particulièrement familier avec tout ce que représentait cette histoire de sorciers. Il en savait au moins assez pour ne pas se sentir complètement perdu au milieu de toutes ces références, mais il valait mieux ne pas lui demander de réciter un sort de tête. « J'ai entendu dire que la plupart des gamins se passionnaient pour cet univers. Si c'est pas déjà le cas pour Sloan, ça le sera sans doute dans quelques années. » Ou bien le Nerdapalooza accélérerait-il les choses ; ici même lui devait reconnaître que tout ça avait un coté presque attrayant. A voir le soin particulier apporté au moindre détail, il n'y avait aucun doute sur le fait que Birdie y avait mis toute la passion qui la caractérisait. « Je sais que tu m'as dit que ça allait, mais j'avais quand même envie de m'assurer que c'était vraiment le cas. » Pas parce qu'il ne le pensait pas sincère, simplement parce qu'il le connaissait assez pour savoir que la dernière chose dont il avait sûrement envie, c'était de s’apitoyer sur le sort de Saül, et ça quoi que son décès lui inspire réellement.

Son regard quitta à peine celui du peintre lorsqu'il s'approcha du vaste buffet prévu pour l'occasion, ne pouvant s'empêcher de se demander si la nouvelle coulait vraiment sur lui comme il le disait ou s'il faisait simplement bonne figure. Sa relation avec son aîné était des plus compliquées, James avait même compris à quel point au travers de leurs derniers messages, mais personne ne pourrait pour autant lui reprocher de ne pas rester indifférent au sort de Saül. Personne, pas même James qui quelques mois plus tôt rêvait pourtant de démolir personnellement le portrait de l'homme d'affaires après que celui-ci s'en soit pris à Ambrose. « Je comprendrais que tu tiennes pas à ce qu'on parle de lui. » Pour cette raison, et bien qu'il ressente le besoin de mettre le sujet sur la table pour prendre de ses nouvelles et s'assurer qu'il oserait le lui dire si toute cette situation était plus pesante qu'il ne le montrait, ils pourraient changer de sujet à tout moment. « Mais t'as pas cessé d'être là pour moi depuis la mort de mon père et même si je sais que tu vas dire que ce sont deux situations différentes, ça m'empêche pas de vouloir être là pour toi en retour. » Alors oui, les deux situations étaient différentes parce que James était particulièrement proche de son père et que son décès le laissait inconsolable à plus d'un titre, mais ils n'étaient pas ici pour comparer ce qui ne pouvait pas l'être. Auden avait perdu son frère, dans des conditions elles aussi loin d'être anodines. « Est-ce qu'il a laissé quelque chose ? » L'article parlait d'un suicide, c'est à peu près tout ce qu'il s'était autorisé à lire avant de décréter qu'il préférait en discuter directement avec Auden et apprendre les détails de sa bouche s'il voulait les lui partager. De son regard fatalement inquiet, James se questionna davantage. L'italien avait-il la moindre raison de penser que son frère mettrait fin à ses jours ? Les deux frères avaient-ils été en contact une dernière fois avant qu'il ne commette son geste ?

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« Tu crois pas si bien dire, il a reçu sa première baguette magique y’a quelques jours. »
« Je te prie qu'il réfléchit déjà à un moyen de s'en servir pour cloner Shady et te coller un chat dans les pattes. »

S'il comptait changer les idées à Auden en lui proposant cette sortie, il désirait surtout s'assurer que le peintre allait bien compte tenu des circonstances et du fait qu'il n'avait jamais été du genre à confier facilement ce qu'il avait sur le cœur. Ils se ressemblaient pour ça comme pour tant d'autres choses, et c'est justement parce qu'ils en passaient par des épreuves similaires que James voulait lui rappeler qu'il était là pour lui, en retour, et ça même si Auden ne lui avait rien demandé. Il pouvait décider de traverser ça seul mais si ça n'était pas le cas et qu'il avait besoin de se confier à quelqu'un, l'anglais était prêt à tenir ce rôle pour lui. « Mais je te le dis quand même. T’as pas à les comparer. » Il était le premier à le dire, James, mais ça ne voulait pas dire qu'Auden ne vivait pas un deuil lui aussi – un deuil auquel il refusait de se désintéresser sous prétexte qu'il ne portait pas Saül Williams dans son cœur. « Je le sais, mais ce que tu traverses est loin d'être enviable pour autant. » Surtout alors que la presse s'en mêlait et que les frasques de Saül faisaient déjà couler beaucoup d'encre avant même l'annonce de son décès. Même pour quelqu'un d'aussi inébranlable qu'Auden, ça devait faire beaucoup. « Du fric. » Une réponse qui ne le surprenait pas, sans doute parce que toute la vie de Saül Williams lui semblait avoir tourné autour de ça, au point que l'homme d'affaires ait finalement perdu pied là où beaucoup d'autres avant lui n'en étaient pas ressortis indemnes.

« Tu sais que la dernière fois que je l’ai vu, c’était au défilé Weatherton en ville ? » Ses yeux retrouvèrent les siens avec un poil plus de surprise, cette fois. « J'ignorais que vous vous étiez pas revus après ça. Ça semble loin, quand on y pense. » Suffisamment loin pour que ça l'interpelle forcément, que les deux frères n'aient pas renoué après cette journée, quand bien même il savait déjà qu'Auden avait gardé bien peu de contact avec son aîné. C'était simplement la confirmation de ce dont il s'était au fond de lui toujours douté, et ça le poussait à se demander comment Auden avait pu vivre les choses. « Il était saoul. Il m’a fait comprendre qu’il voulait te mettre le grappin dessus. » De toutes les choses qu'il ne s'attendait pas à entendre de la bouche d'Auden, celle-ci décrochait sans doute la palme à ce moment précis, alors que dans d'autres circonstances un tel aveu lui aurait sans doute arraché un rire sarcastique. « Je peux pas m'empêcher de trouver ça ironique, sachant que j'étais prêt à lui arracher les yeux il y a encore quelques mois. » Et la raison pour laquelle il osait le rappeler, c'est parce qu'Auden était au courant de la colère qui l'animait lorsqu'il voulait faire payer à Saül ce qu'il avait fait à Ambrose – au point d'attaquer un autre homme qu'il avait pris pour lui. « Il le pensait sûrement même pas. Il voulait juste me pousser à bout. » Une part de lui aurait voulu lui demander s'il avait réussi, si l'idée que son frère ait pu avoir des vues sur lui l'avait fait réagir, mais même le couturier savait voir quand le moment était mal choisi. Alors, gardant ses interrogations pour lui, il souffla. « J'ai l'impression que c'était un peu devenu votre façon de communiquer, de vous pousser à bout. » Il n'avait pas la prétention de tout savoir de ses rapports avec son frère, surtout alors qu'ils s'étaient fait rares dernièrement, mais ces dernières années les deux frères semblaient avoir du mal à se comprendre autrement. « Il aurait perdu son temps. » Il ajouta finalement, sans savoir si Auden avait seulement besoin de l'entendre, simplement parce qu'il ne voulait pas qu'il puisse subsister en lui le moindre doute à ce sujet. Ainsi ils pourraient clore le sujet et ne jamais en reparler.

« C’était pas une bonne personne. » Des mots auxquels James ne pouvait qu'acquiescer sobrement. « Non, définitivement pas. » Pour toutes les raisons qu'ils connaissaient tous les deux et pour toutes celles dont James n'avait sûrement même pas conscience, lui qui n'irait jamais prétendre connaître Saül aussi bien que ses proches. Il savait ce qu'il avait fait endurer à son cousin, ça lui suffisait pour décréter qu'il était un individu abjecte. « Je me considère pas comme une bonne personne non plus, mais là je crois qu’on parle d’un niveau différent. » - « Tu n'es pas comme lui, Auden. » Il lui assura aussitôt, parce que ça lui tenait à cœur de lui faire comprendre qu'à ses yeux non plus, son frère et lui n'étaient pas comparables et ce à aucun niveau. « Tu as fait des erreurs, des choses indignes de la personne que tu sais être le reste du temps, mais ton frère et toi vous aviez rien en commun. » Et la raison pour laquelle il avait fait le choix de lui pardonner certaines de ces erreurs, y compris celle qui lui avait valu de se sentir menacé en sa présence pour la première fois de sa vie quelques mois plus tôt, c'est parce qu'il savait qu'Auden regrettait et qu'il ne voulait pas devenir comme Saül. Qu'il voulait s'améliorer et rester un bon père pour Sloan, notamment. « C’est pas le genre de personne dont je veux pleurer la disparition, tu vois ? Mais ça restera toujours mon frère. » Et il le comprenait sans mal, peu importe l'animosité qu'il pouvait nourrir pour Saül. Percevoir la tristesse qu'Auden s'autorisait à montrer en sa présence, avec toute la pudeur qui le caractérisait pourtant, ça l'attristait en retour parce qu'il était justement bien placé pour savoir qu'un deuil, peu importe tout ce qu'il englobait, n'était jamais évident. « Tu as le droit d'avoir de la peine, même si tu détestais ce qu'il était devenu. Tu peux être en colère contre lui et être affecté par sa mort, ce sont deux choses qui peuvent coexister. » Il avait perdu le frère avec qui il avait grandi, et ça peu importe la trajectoire que leurs vies avaient pu prendre ; ça n'était pas une chose qu'on pouvait mettre de coté. « Est-ce que tu regrettes, parfois ? Que vous vous soyez éloignés et que votre relation ait été inexistante sur la fin ? » Son regard se reposa dans le sien comme pour lui faire comprendre que quelle soit sa réponse, il n'y verrait pas se refléter le moindre jugement. Justement parce que Saül resterait toujours son frère et qu'il serait normal qu'il regrette la façon dont les choses s'étaient faites, même sans lui pardonner ses choix.

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« Il a même pas fait le rapprochement entre vous deux, je pense. » Vraisemblablement, Saül avait d'autres idées en tête à chaque fois qu'il aurait pu découvrir quel lien de parenté l'unissait à Ambrose, ce à quoi James ne tenait pas tellement à repenser en réalité. Son cousin et lui ne portaient pas le même nom, et il était probable qu'il n'ait pas cherché à connaître l'entourage d'Ambrose quand il était plus simple pour lui de le garder entièrement sous sa coupe. Chassant cette pensée de son esprit, James se concentra plutôt sur les prochaines confessions d'Auden. « C’était différent quand on était gamins. » Cet aveu ne le surprenait pas autant qu'il le rendait en vérité curieux, l'idée que les deux frères aient pu partager une relation plus fusionnelle dans leur enfance lui inspirant forcément des questions qu'il préféra taire, toutefois, et garder pour un peu plus tard. Sur le moment, il lui semblait plus urgent de faire comprendre à Auden que son frère aurait perdu son temps à essayer de le séduire, si ça avait réellement été dans ses intentions un jour – et de ça, ils ne pouvaient même pas être complètement sûrs, raison pour laquelle toute cette discussion restait hypothétique. « Parce qu’il est lui ? » Qu'il choisisse de relever et de creuser la question ne devrait pas le surprendre, mais qu'il le fasse alors que son regard renvoyait bien moins d'assurance que d'habitude avait quelque chose d'un peu plus déroutant, sans doute parce qu'il était plus habitué à le voir faire bonne figure même quand un sujet le titillait quelques peu. « Entre autres, oui. » Il confessa dans un souffle, et alors qu'il s'en serait peut être tenu à cette brève réponse si les circonstances avaient été différentes et qu'il avait pu jouer d'un peu de provocation en songeant que dans le pire des cas, Auden reviendrait à la charge d'une autre façon. « Aussi parce que j'apprends à être beaucoup plus sélectif avec le temps, il semblerait. » James précisa alors, son regard sombre se perdant quelques secondes de plus dans les yeux azurs du peintre, comme s'il cherchait à lui faire comprendre le double sens de ces quelques mots. Il apprenait à être plus sélectif, parce que l'idée d'enchaîner les aventures comme il pouvait le faire à une époque ne l'intéressait plus tant que ça, aujourd'hui, et ça alors même que les occasions ne manquaient jamais dans son milieu. La vérité, c'est qu'il se surprenait à apprécier une certaine routine quand c'était précisément ce qu'il fuyait autrefois, et qu'il ne se sentait pas frustré pour autant, bien au contraire. Si Auden n'avait pas déjà compris qu'il ne retrouvait pas d'autres bras que les siens lorsqu'il faussait compagnie à son épouse, peut être qu'il en serait cette fois un peu plus sûr.

« J’ai pas besoin que tu me défendes, James. »
« Je sais. »

Tout ce qu'il voulait, c'est lui faire comprendre qu'il avait encore de la marge avant de ressembler à son frère et qu'il n'emprunterait pas le même chemin que lui s'il ne le décidait pas, là où il avait déjà prouvé qu'il était capable de reconnaître ses erreurs et d'éviter de les reproduire. Il restait persuadé que le peintre avait un bon fond, mais il pouvait aussi comprendre qu'il ne tienne pas à l'entendre dans ces circonstances, raison pour laquelle James n'insisterait pas. « C’est juste que je comprends pas comment c’est arrivé. On était déjà différents quand on était gamins mais on était proches. » L'entendre ainsi hésiter sur le choix de ses mots, démontrant une assurance bien moins importante dès qu'il était question de son frère et de leur passé commun, ça lui prouvait que le sujet restait aussi sensible qu'il l'avait pressenti et que des regrets, Auden en avait peut être bel et bien quelques uns. « Comment est-ce qu'il était avec toi ? J'ai un peu de mal à l'imaginer en aîné protecteur. » Il confessa, sans que ses mots soient porteurs de la moindre animosité, simplement parce que tout ce qu'il savait de Saül aujourd'hui l'empêchait de se l'imaginer de cette façon. Au fond, il comptait peut être sur Auden pour le détromper, non pas parce qu'il tenait à changer son regard sur l'homme d'affaires, mais parce que ça l'intéressait d'entendre l'histoire telle qu'il l'avait vécue. « Mais quand je lui ai dit que j’étais probablement gay, y’a plus jamais rien eu de pareil. » C'est à ça qu'Auden avait fait allusion l'autre jour, par messages, et à ce moment-là déjà cet aveu avait serré le cœur de James, qui ici était d'autant plus impacté qu'il pouvait entendre la voix d'Auden tressaillir rien qu'un peu. « J'imagine combien ça a du te blesser qu'il te rejette. » Son regard ne se détacha pas de lui, mais ce n'est en rien de la pitié qu'Auden y verrait. Simplement une compassion sincère, une tristesse mêlée à une colère inévitables quand il réalisait à quel point le sujet réveillait chez lui aussi certaines choses. « Quand est-ce que tu as su... qu'il était attiré par les hommes, lui aussi ? » Parce que ça n'était plus un secret pour personne, depuis que ces articles sur Saül et Ambrose étaient parus dans la presse. Et que ça ne l'était visiblement plus pour Auden depuis un certain temps, à en juger par ses confessions de tout à l'heure. « Tu penses que c'est pour ça, qu'il t'a dit ces choses horribles quand vous étiez plus jeunes ? » Pour ça qu'il lui avait dit être dégoûté par son orientation sexuelle, pour ça qu'un gouffre s'était formé entre eux par la suite ? Il n'était pas forcé de pousser les confessions plus loin, mais James était prêt à les entendre s'il en avait envie. « C’est après ça que j’ai quitté la maison pour voyager en Italie, pour m’inspirer et travailler. Et que je suis allé à Brisbane, plus tard. Dans un sens, c’est grâce à lui que je suis ici, j’imagine. » S'il entendait une forme de fatalité dans le rire du peintre, la ligne de ses lèvres s'étira quant à elle avec un peu plus de douceur. « J'irai pas jusqu'à dire que je lui suis reconnaissant, mais je crois que Brisbane et le monde de l'art y ont gagné au change. » Il avait besoin qu'on dédramatise un peu les choses, Auden, mais c'était surtout pour James un moyen de lui dire que lui aussi, il avait gagné au change le jour où il était entré dans sa vie, et ça même si beaucoup s'entendraient sans doute pour dire que ça avait un coté égoïste de le penser.

Sentant que l'atmosphère avait besoin de s'alléger quelques peu et percevant qu'Auden s'était fait la même réflexion de son coté, le couturier entra dans son jeu lorsque ce dernier proposa de poursuivre leur exploration sur une note plus détendue. « Je comptais ramener une peluche à Sloan. J’ai besoin d’un avis éclairé pour ça. » L'idée lui tira forcément un rictus en coin. « Parce que c'est bien connu que je suis un expert en peluches, n'est-ce pas. » Il comprenait pourtant les intentions du peintre et était plus que disposé à faire que cette sortie leur change un peu les idées, après que les dernières semaines aient été éprouvantes pour tous les deux. « Tu prends un risque en me demandant, mais je sais que tu le sais alors allons-y. » Son regard croisa le sien avec une certaine malice, cette fois, tandis qu'il lui emboîta le pas à l'extérieur de la boutique. « Quel thème tu vises ? C'est le moment de réfléchir à comment vous allez décorer sa nouvelle chambre, je suppose. » Puisqu'ils venaient d'emménager dans leur nouveau chez-eux et qu'à grandir aussi vite, Sloan devait sans doute déjà réclamer une chambre de grand garçon désormais.

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« On était vraiment insupportables, tous les deux. Des vrais clichés. Et je m’attaquais à plus fort que moi, souvent. » Réalisant que c'était la première fois qu'il pouvait vraiment se représenter comment les choses se passaient autrefois entre Auden et son frère, mais aussi plus généralement au sein de cette famille bien particulière dans laquelle le peintre avait grandi, c'est sans vraiment qu'il s'en rende compte que les coins de ses lèvres se retroussèrent à cet aveu. « Le jeune Auden Williams cherchait la bagarre, alors ? » Il avait justement un peu de mal à l'imaginer en parfait petit enfant de chœur, le Auden qu'il connaissait n'ayant jamais manqué de caractère ni même d'audace. L'idée qu'il ait toujours aimé provoquer avait finalement quelque chose d'amusant mais ne le surprenait pas le moins du monde. « Saül était toujours là dans ces moments-là, à me venger juste avant de me faire la morale. » Alors c'est vrai, Saül agissait à l'époque comme tout grand frère s'employait généralement à le faire, ce qui était presque une idée rassurante aux yeux de James. D'une part parce qu'Auden avait pu compter sur son aîné dans sa jeunesse, d'autre part parce que leur relation avait bel et bien été plus fusionnelle par le passé. « Et ça t'empêchait jamais de recommencer, parce que tu savais qu'il te protégerait, pas vrai ? » Il trouvait ça assez attendrissant, de l'imaginer compter sur Saül pour le défendre puis développer son propre caractère par la suite, à tel point qu'il aurait sans doute eu un peu de mal à l'imaginer dans l'ombre de son aîné s'il n'avait pas su tout ça. « Il était plus protecteur avec nos sœurs encore. » - « Ça t'a déjà manqué, cette époque où votre fratrie était plus soudée ? » Ils avaient évoqué la question des regrets, mais est-ce qu'Auden avait déjà repensé à cette époque avec nostalgie et l'impression que tout y était beaucoup plus simple ? « Ça aurait pas aidé que tu le rencontres à cette époque. » Des mots auxquels le couturier acquiesça, malgré tout reconnaissant à Auden de lui partager un peu de ce passé pour l'aider à comprendre tout ce qu'il n'avait pas les moyens d'assimiler plus tôt.

« Je savais pas avant l’affaire. » Ainsi James comprenait que la surprise avait du être d'autant plus grande lorsqu'il l'avait finalement déduit de ces articles incriminant son frère dans cette affaire où Ambrose avait été la victime. Sans doute n'était-ce pas une chose qu'il pensait un jour découvrir sur Saül, après la façon dont le sujet les avait autrefois opposés. « On en a jamais parlé. Et ensuite il s’est juste pointé au défilé en chantant tes louanges. » Une idée qui le laissait perplexe, pour la simple raison qu'il n'avait jamais directement échangé avec Saül – ça n'était pourtant pas faute d'avoir un temps espéré lui mettre la main dessus – et était loin d'imaginer dans quel petit jeu l’aîné Williams s'était lancé pour faire réagir Auden. A ce propos, il lui venait justement une question. « Donc tu lui avais un peu parlé de nous, ou bien il a compris tout seul ? » Ça ne changerait rien à ses yeux et il ne le lui reprocherait pas s'il avait mentionné leur histoire à son frère, tout simplement parce qu'il était loin d'en avoir honte et que les personnes qui lui étaient les plus proches savaient elles-mêmes quelle place tenait l'italien dans sa vie. Il était juste sincèrement curieux et cherchait en quelques sortes à rassembler les pièces du puzzle. « J'ai l'impression que ton frère avait son lot de secrets. » Il nota après plusieurs secondes, sa voix laissant transparaître une compassion qu'on lui connaissait peu, simplement parce qu'il était conscient que tout ça avait du amener Auden à penser qu'il ne connaissait pas réellement le frère avec lequel il avait pourtant grandi. Un sentiment qui lui pesait peut être et qu'il aurait tous les droits d'éprouver, mais sur lequel James ne le forcerait pas à se confier s'il n'en éprouvait pas l'envie. A nouveau, il désirait simplement lui faire comprendre qu'il était là pour lui. « J’en sais rien. Je me l’explique pas. » Il n'avait pas toutes les réponses et ça lui semblait bien normal, considérant le peu de contacts qu'ils avaient vraisemblablement eu sur la fin et ce personnage énigmatique qu'était finalement Saül Williams. « Mais c’est bien, dans un sens ça m’a donné toute la liste des choses à ne pas faire pour élever Sloan. » S'approchant rien qu'un peu, les doigts du couturier se déposèrent contre le bras d'Auden, autour desquels ils exercèrent une pression délicate. « Tu reproduiras pas ses erreurs. Je t'ai vu avec ton fils et tu fais tout ce qu'il faut pour qu'il devienne un chouette gamin. » Et un homme respectable par la suite, James en était convaincu, il suffisait de voir à quel point il était toujours protecteur avec Sloan. Auden était un excellent père, de ça aussi il était profondément convaincu.

« Ils ont pas des animaux ? On aurait un zoo si ça tenait qu’à lui. »
« J'en sais rien, mais on peut regarder. »

L'endroit était suffisamment vaste pour qu'ils puissent sans doute espérer trouver de quoi offrir à un gamin de trois ans, ce que leur exploration des lieux leur confirma à mesure qu'ils s'y aventurèrent un peu plus et tombèrent sur plusieurs étalages de peluches en tous genres. « La maison devrait être prête en fin d’année, on va pas totalement s’installer pour le moment. » Son regard retrouva un instant celui d'Auden, alors qu'il ne pouvait s'empêcher d'encore éprouver une pointe de frustration à l'idée d'avoir involontairement précipité leur départ de chez lui, quand bien même ça valait sans doute mieux comme ça. Auden avait trouvé un endroit où poser leurs affaires en attendant que sa nouvelle maison soit fin prête à les accueillir, et finalement c'était mieux pour tout le monde, à commencer par Sloan. « L'important c'est que vous habitiez bientôt dans un endroit qui vous plaît vraiment. Et je me fais pas trop de soucis, j'ai entendu dire que le type qui a travaillé sur les plans est un génie. » Il savait bien évidemment ce que ce projet représentait pour Auden et qu'il avait tenu à co-dessiner les plans en question, ce qui aux yeux de James ne laissait presque aucune place aux mauvaises surprises. Et c'était une bonne chose, après ce que le peintre et son fils avaient déjà traversé et alors que les épreuves s’enchaînaient pour eux aussi. Il ne le dirait pas aussi clairement, James, parce qu'il restait un peu trop pudique pour ça, mais ça le rendait véritablement heureux de les imaginer reconstruire leur vie dans une maison qui aura été pensée entièrement pour eux. « Tiens toi prêt à ce qu’il demande si on peut adopter Shady quand on sera vraiment installés. » - « On va devoir songer à une garde partagée, si ça continue. » Ou bien le jeune Sloan allait devoir revenir un peu plus souvent chez le couturier, qui n'osait toutefois pas le proposer aussi clairement et alors que la dernière fois les choses ne s'étaient pas exactement terminées comme il l'avait prévu. « Y’a vraiment que moi qui suis de corvée de cadeaux ? » Lui glissant un regard amusé, James sentit ses lèvres s'étirer par réflexe alors qu'il croisa les bras sur son torse et souffla. « Pas à moi, Auden. Je sais bien que t'adores le gâter, ce gamin. » Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, ses paroles se voulaient plus attendries que moqueuses, peut être parce qu'il l'avait justement assez observé avec Sloan pour savoir qu'Auden n'était pas le genre de père à refuser quoi que ce soit à son fils. Quelque part, leur relation lui rappelait beaucoup celle qu'il avait lui-même toujours partagé avec son propre père, le rendant particulièrement nostalgique à cet instant. « Je suis pas sûr qu'un chien à trois têtes soit un cadeau tellement rassurant pour un enfant de son âge. La chouette blanche est plutôt mignonne, par contre. » Son regard passa au crible la moindre peluche se trouvant dans son champ de vision, James finissant par se saisir d'un félin au poil roux et touffu, qu'il tendit avec un brin de malice à l'italien. « Tiens, ils ont même un chat. Il a pas vraiment la même allure que Shady, mais il a le mérite d'être doux au toucher. » Les chats noirs auraient toujours sa préférence, mais il fallait reconnaître que cette boule de poils avait quelque chose d'attrayante pour n'importe quel enfant. « Tu peux toujours lui faire croire qu'il pourra utiliser sa baguette magique pour le transformer en vrai chat une fois qu'il se sera un peu entraîné à l'utiliser. Mais tu risquerais de faire un déçu à l'arrivée alors c'est peut être pas un si bon conseil, tout compte fait. » A croire qu'il avait encore pas mal de choses à corriger dans son approche de l'éducation parentale – qui l'eut cru.

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« Tu me connais. » La ligne de son sourire s'étira à l'idée que le sujet semble déjà un peu moins douloureux, ou qu'en tout cas Auden semble capable de l'évoquer avec une certaine légèreté. Une légèreté dont il avait grand besoin, James le savait. « Un peu trop bien, diraient certains. » A ça, le créateur répondrait simplement que l'italien faisait partie de sa vie depuis assez longtemps pour qu'il ait assimilé jusqu'aux dernières nuances de sa personnalité et de ce qui faisait de lui l'emmerdeur foncièrement attachant qu'il était. Il n'y voyait pas une mauvaise chose, bien au contraire. « Évidemment, oui. » Alors ça ne le laissait pas indifférent qu'il puisse nourrir certains regrets en repensant à l'époque où sa fratrie et lui partageaient des relations plus étroites. Ça lui semblait naturel, de regretter une époque où bien des choses étaient plus simples. « J’en ai rien dit. Mais il me connaît bien. Il s’est douté qu’entre la collaboration et le fait que je sois là au défilé, c’était pas juste du hasard. » S'il aurait été facile de supposer que Saül Williams était un homme perspicace, la vérité c'est que quiconque les avait déjà observé ensemble s'était sans doute aperçu que quelque chose se tramait entre eux, qu'ils cherchent ou non à rester discrets sur la question. Dans son propre entourage, après tout, rares étaient ceux à encore ignorer qu'Auden était bien trop souvent dans les parages pour que ce ne soit pas déjà grandement révélateur de la place qu'il tenait dans sa vie. « Tu peux me le dire, si t'arrivais pas à me lâcher du regard ce jour-là. Je comprendrais. » Il souffla d'un ton entendu, lui glissant au même moment un regard en coin qui se suffit à lui-même.

Qui aurait pu s'attendre à ce qu'il soit missionné d'aider Auden à trouver le cadeau parfait pour son fils ? Sûrement pas lui, en tout cas. Pour autant le couturier se surprenait à prendre cette tâche plus au sérieux qu'il ne l'aurait cru. « Selon ton avis éclairé, on oublie aussi l’araignée géante ? » Il ne devrait sûrement pas s'étonner que ce genre de créatures aient trouvé leur place dans cet univers pour le moins fantasque aux yeux d'un James peu familier avec tout ce que ça représentait. « T'élèves ton gamin en Australie, c'est pas comme s'il allait pas être amené à en croiser souvent. » Il fit d'abord remarquer avec nonchalance, son regard s'attardant quelques secondes de plus sur la peluche en question pour finalement noter qu'elle avait malgré tout un coté sinistre à vous faire froid dans le dos. « Mais toi et moi on n'est pas d'ici, et je sais que personnellement je détesterais que mon gamin ait ce genre de choses dans sa chambre. Franchement, quel nom tu peux donner à un truc pareil ? » D'autant plus que Sloan était encore petit et qu'il l'imaginait mal cajoler cette créature jusqu'à en faire son doudou préféré. Mais pour ce qu'il en savait, après tout. James n'était pas vraiment la référence en la matière ; il appréciait déjà qu'Auden fasse abstraction de ce détail et semble sincèrement s'intéresser à son avis. « J’aurais dû m’en douter. C’est un avis pas très objectif ça, hm ? » Bien sûr que parmi toutes les peluches qu'on pouvait trouver ici, c'est vers un chat qu'il s'était empressé d'aiguiller Auden. L'inverse aurait été indigne de lui, ça l'italien le savait. « Tu savais que des études avaient prouvé que les personnes qui possèdent un chat sont plus intelligentes que celles qui possèdent un chien ? Tu vois, c'est pas moi qui le dis, c'est la recherche. » D'accord, il accordait sans doute un peu trop de crédit à ce genre de choses, aussi bien parce qu'elles l'arrangeaient dans ce cas précis que parce qu'il avait toujours eu une haute opinion de lui-même, mais pour sa défense il ne voyait rien de plus mignon et inoffensif parmi toutes les autres peluches à disposition et rien que pour ça, son idée était forcément bonne.

« En effet, fausse bonne idée. Ces petites choses ont une grande mémoire sur les sujets fâcheux. » C'est bien ce qu'il lui semblait et Auden ne tenait sûrement pas à ce que le sujet provoque une crise de larmes à retardement simplement parce que son fils aurait fini par comprendre qu'il lui avait raconté des histoires. « Mais je pense que c’est un bon choix. Je lui dirai qu’il doit te remercier pour ça. » Haussant brièvement les épaules, James lui laissa le choix de le faire ou non. « Ça lui évitera peut être de m'oublier maintenant qu'on se voit plus tous les jours. » Il souffla, presque sans se rendre compte d'à quel point c'était potentiellement révélateur d'à quel point lui pouvait voir une différence dans son quotidien depuis le départ de Sloan et son père, alors que les quelques jours qu'ils avaient passé chez lui après la tempête s'étaient avérés étonnamment rafraîchissants. « Tu veux des conseils pour le gamin du frère du père d’un de tes collaborateurs, ou tu te passes de moi et on peut aller payer ? » - « Non, ça ira, allons plutôt aux caisses. » Sa dévotion avait ses limites et il ne tenait pas à être vu trop longtemps dans ce genre d'endroits, au risque qu'on puisse sinon penser qu'il commençait à apprécier l'idée de conseiller des parents sur les cadeaux à offrir à leur progéniture – quelle idée. « Tu peux lui offrir en personne si tu veux faire un détour chez moi. » Finalement, reposant son regard sur Auden, James se laissa bêtement surprendre par la nature de sa proposition, pourtant pas si étonné que le sujet revienne sur le tapis. « J'en sais rien... je veux dire, oui, ça me ferait plaisir de passer. Mais y'a aucune raison pour que ce soit moi qui lui offre, on sait tous les deux que ça lui fera encore plus plaisir si ça vient de toi. » Parce qu'il était son père, que tout ce qu'il pouvait lui offrir valait forcément plus que tout aux yeux de Sloan et que ça contribuait aussi à la construction de sa relation avec lui. Et il savait que ça comptait pour l'italien, que ça comptait même beaucoup. « Je suis capable de trouver une autre idée. Et oui, je dis ça après avoir refusé tes conseils, mais c'est parce que deux minutes plus tôt j'étais pas encore invité à vous rendre visite. » Il souligna d'un ton quelques peu amusé, refusant pour autant de déjà s'abaisser à inverser la vapeur et à lui demander conseil. Il pourrait, il en avait même envie, mais ce serait un peu trop prévisible de sa part et il n'aimait pas l'être, James. « Maintenant au moins je sais quel univers le passionne. » Et il avait de bonnes raisons de croire que cet endroit avait tout pour contenter un gamin que ce genre de choses enthousiasmaient. « Je le pensais, en tout cas. Ça me ferait plaisir de passer. » Il répéta alors que l'esquisse d'un sourire fendit ses lèvres, comme une manière de lui dire que son invitation n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd.