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@ruben hartfield

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Il mettait enfin des mots sur ce qu’il taisait depuis tout à l’heure en la regardant droit dans les yeux. Mavis ne sut pas si elle était soulagée de l’entendre dire qu’il était plus heureux qu’elle se soit évertuée à prendre une décision radicale pour eux plutôt qu’une autre, mais elle ne fléchit pas face à son regard, le sien toujours brillant de larmes. Elle ne pouvait pas le juger de préférer vivre sans le poids d’un enfant illégitime sur la conscience, même si dans la présente, la partie la moins reluisante de sa personnalité regrettait un peu de ne pas avoir été assez vile pour le lui imposer et en faire une monnaie d’échange pour le forcer à accéder à absolument toutes ses requêtes. Elle était là la preuve qu’elle aurait été une mère abominable, et bien qu’elle n’avait honte de rien, consciente que toutes ses décisions n’étaient pas les meilleures, elle devait avouer que la pensée lui traversant l’esprit, elle n’en était pas fière et fit redoubler le sentiment qu’elle avait sur l’instant de ne pas être à sa place. Alors elle préférait s’en aller. C’était une véritable torture de rester ici, près de Ben qu’elle ne rendait coupable de rien si ce n’était de choisir le mauvais moment pour jouer à l’homme quand, au cours des deux dernières années, il s’était comporté comme rien d’autre qu’un adolescent. Elle ne voulait pas le fustiger cependant, elle aurait dû savoir que l’idée était mauvaise et que leur proximité aurait été insupportable dans cet endroit ; elle ne ferait pas d’esclandre, elle acceptait de porter la responsabilité de cette faute et choisissait de se comporter en adulte raisonnée alors que son coeur de petite-fille était brisée par l’idée qu’on lui refusait rien d’autre qu’un câlin pour qu’elle se sente réconfortée — ça lui faisait penser à ces nuits où elle avait eu besoin de ses parents, et où aucun d’eux n’avaient été là pour la prendre dans leurs bras. Elle n’aimait pas le comparatif, elle n’aimait pas être forcée d’admettre qu’elle se dirigeait toujours vers un schéma où elle se sentait obligée de tomber dans les extrêmes pour qu’on lui accorde de l’attention.

"Je sais. C’est pas grave." Elle avait la voix rauque de chagrin quand elle s’obstina à vouloir rassurer Ruben sur la manière dont il prenait sa décision de s’en aller "Je t’en veux pas." Elle ne savait pas si c’était quelque chose qu’il avait besoin d’entendre, mais autant elle le détestait de lui avoir fait avaler des couleuvres au sujet de leur histoire, autant au sujet de ce dont ils avaient parlé ce soir, elle ne le blâmait de rien — si ce n’était peut-être de la forcer à être aussi vulnérable, mais ils savaient bien contourner ce genre d’événement pour faire comme si rien ne s’était jamais passé ; dès demain, les choses reviendraient à la normale… ou du moins, aucun d’eux ne craquerait comme ça avait été le cas ce soir. Elle replaça son pull sur ses épaules, s’apprêta à opérer un mouvement vers le vestibule de l’appartement pour enfin s’en aller quand la voix de Ruben raisonna de nouveau. Sa proposition la laisse coite le temps d’un instant, et si d’habitude, elle aurait trouvé le moyen de tourner ça en dérision, le fait était qu’elle le sentait sérieux, et qu’elle se demanda au fond si ce n’était pas ce qu’il avait attendu tout du long : de pouvoir sortir d’ici pour se donner l’impression d’avoir tenu sa parole, perclus entre ces quatre murs, mais se rapprocher d’elle pour respecter la promesse qu’il lui avait faite il y avait des mois de ça lorsqu’elle lui avait parlé de sa grossesse. C’était adorable bien sûr, c’était surtout tendre le bâton pour se faire battre parce qu’il serait d’accord avec elle si elle partageait sa pensée du moment : si elle acceptait qu’il la raccompagne, il ne rentrerait pas chez lui, et le lendemain matin serait bien plus difficile à contourner que maintenant "Non, je vais rentrer seule." Elle reprit vite, se frottant le menton avec le dos de sa main en se sommant de rester concentrée sur sa décision et pas sur la petite voix dans sa tête qui lui soufflait d’accepter qu’il la raccompagne "Je te punis pas. Je pense juste que ce serait pas te rendre service à toi de te forcer à respecter ta promesse alors que tu fais des efforts pour te tenir correctement." Elle secoua la tête "Je trouverais un autre moyen de passer cette étape. C’est une question de quoi, quelques heures à peine ?" Peut-être lui reprocherait-il le geste qu’elle fit à son encontre ce moment-là, sa main se levant pour venir se poser sur son torse qu’elle sentait tiède sous sa paume. Mais elle s’en fichait, lui soufflant avec un sourire qui n’avait pas grand-chose d’authentique "Ça va aller. Je connais le chemin, ça me fera du bien de marcher." Elle laissa sa main sur lui un instant, chuchotant des je sais quand il lui répéta qu’il pensait bien faire en lui proposant de venir ici, et se laissa interpeller par ce qu’il ajouta et à quoi elle répondit en récupérant sa main cette fois "Je suis forte, Ben." Qu’il dise qu’elle le prétendait, ça la heurta dans sa fierté, mais juste l’espace d’une seconde, puisque celle d’après, elle lui dit avec un petit sourire en demi-teinte "Mais pas aujourd’hui." Elle fit un pas en arrière, affirmant son désir de s’en aller pendant que lui réaffirmait qu’il serait capable de prendre soin d’elle, mais seulement en dehors d’ici. Sans amertume, mais en choisissant soigneusement ses mots, Mavis lui dit "Reste, t’es chez toi ici. Elle va pas tarder à rentrer, il faut que tu sois là pour lui expliquer au sujet des fleurs, sinon elle va se faire des idées." Et si d’habitude, elle n’aurait été rien d’autre qu’ironique, sur le moment, elle se rendait utile en le libérant de sa promesse et en battant en retraite, non sans se sentir blessée quelque part. Mais c’était pour le mieux.

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@mavis barnes

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« Je sais. C’est pas grave. » C’était grave, c’était foutrement grave mais cela ne changeait pas le fait qu’il n’avait pas pensé qu’en venant ici, elle se sentirait de cette façon et que cela compromettrait tout le reste. Il pensait vraiment qu’une part de son idée au moins était bonne - cela n’avait été aucunement le cas. « Je t’en veux pas. » - « Je m’en veux tout seul, t’en fais pas. » Il souffla ces mots là entre deux inspirations; il n’avait pas besoin que quelqu’un d’autre lui en veuille, il s’en voulait déjà tout seul et c’était amplement suffisant.

C’était surement de ce ressenti là qu’était sortie sa proposition initialement, de la culpabilité qu’il ressentait en cet instant à être inapte à faire quelque-chose qui pourrait vraiment être utile pour elle. Si Ben ne se sentait pas apte à agir comme il aurait du le faire en ces lieux, ils n’avaient qu’à aller ailleurs - aussi simple que cela. Changer de décor et les règles du jeu changeaient dans la foulée, il pourrait de nouveau se comporter comme il lui avait promis de le faire lorsqu’elle lui avait initialement annoncé qu’elle avait un jour attendu leur enfant. « Non, je vais rentrer seule. » - « T’es sure ? » Lui n’était pas sur que ce soit une bonne idée. « Je te punis pas. Je pense juste que ce serait pas te rendre service à toi de te forcer à respecter ta promesse alors que tu fais des efforts pour te tenir correctement. » Ses épaules s’affaissèrent en même que le coin de ses yeux et de sa bouche le faisaient; comme si toute la gravité pesant sur lui avait augmenté d’un coup sans prévenir. Quelle idée que de faire des efforts qui étaient attendus le reste du temps le seul moment où il aurait du ne pas en faire. « Je trouverais un autre moyen de passer cette étape. C’est une question de quoi, quelques heures à peine ? » Ce n’était pas qu’une question de quelques heures: si cela la touchait autant aujourd’hui parce-que c’était une date particulière, cela la touchait surement le reste des jours du calendrier - moindrement, mais tout de même; et pour tous ces autres jours là, comment réussirait-elle à se dire que cette étape pouvait être passée facilement, aussi facilement ? Il n’avait pas de solution miracle sous la main, mais Ruben aurait voulu pouvoir être la solution au moins pour aujourd’hui. Finalement, il se contentait d’être le problème à chaque fois.

Les yeux du jeune homme se fermèrent lorsqu’elle posa sa main sur son torse, son souffle se faisait un brin plus approfondi un instant, son souffle surement plus chaud aussi à l’expiration. « Ça va aller. Je connais le chemin, ça me fera du bien de marcher. » - « Je suis désolé. » Qu’il souffla des lèvres mais qu’il prononçait avec son coeur, alors qu’il rouvrait les paupières pour poser son regard de nouveau sur elle. « Je suis forte, Ben. Mais pas aujourd’hui. » Elle rompit le semblant de contact entre eux et il eut l’impression qu’une brûlure était apparue sur son torse désormais. « Reste, t’es chez toi ici. Elle va pas tarder à rentrer, il faut que tu sois là pour lui expliquer au sujet des fleurs, sinon elle va se faire des idées. » Son regard détaillait chaque centimètre exposé du visage de Mavis, tentait de graver d’une nouvelle façon la façon dont elle présentait aujourd’hui. Parce-que si elle n’était pas forte aujourd’hui, comme elle le disait, il trouvait que ça lui allait bien au teint; il voulait aussi se souvenir de cette facette là d’elle, savoir dans un coin de son esprit qu’existait une version d’elle qui s’avouait vaincu d’une certaine manière et n’avait pas tout à fait peur de lui dire. Et qui pourtant à travers tout ça, faisait en sorte de lui sauver la mise. « Je… » Il soupira. « … suis désolé. Vraiment Mavis. » Il appuyait sur chacun de ses mots, d’autres restés sur le côté de son esprit parce-qu’ils n’avaient pas leur place ici, parce-qu’il pensait réellement ce qu’il disait. Il arrivait à Ruben de s’excuser de temps à autres avec un semblant de conviction, mais jamais rien d’autant véridique qu’il pouvait exprimer ici. Il se trouvait désemparé, et se trouvait surtout être vraiment désolé - même si cela sauvait la situation d’aucune façon. « Envoie moi un message quand tu es rentrée, s’il te plait. » C’était la seule chose qu’il pouvait demander d’elle en cet instant, parce-que tout le reste était proscrit. Et la seule chose qu’il put lui accorder avant de se reculer comme s’il s’était fait prendre par surprise par le courant électrique, ce fut de pencher son visage vers le sien et de lui déposer un baiser sur sa joue. Un presque rien, à peine effleuré, parce-que c’était tout ce qu’il pouvait se permettre et encore il jouait avec les limites et le feu que ces dernières provoquaient. Il n’apprenait que lentement du mythe, tout en sachant pourtant que ce dernier ne finissait pas bien. « Et passe me voir demain après-midi, j’ai des papiers de recherches à te transmettre. » Ce ne serait pas aussi éprouvant que cela pouvait l’être en cet instant, promis, que disait le regard quelque peu embué de Ruben en cet instant. Il lui aurait demandé de passer le voir dans tous les cas, au moins là avec l’interaction qu’ils avaient eu ce soir, elle avait une longueur d’avance pour recomposer pour demain. Lui n’aurait qu’à serrer les dents et s’en vouloir à lui-même de se retrouver dans cette situation.

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@ruben hartfield

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L’idée était mauvaise d’entrée de jeu. Aucun d’eux n’avait pourtant jugé bon y réfléchir avant de se jeter à deux pieds dans le vide sans s’inquiéter de ce qu’ils trouveraient une fois en bas. Les choses auraient pu être simples et douces, elles étaient compliquées et plus dures que jamais, des sentiments étrangers à leur dynamique habituelle se joignant à la fête sans y avoir été invités. Mavis fixa Ben les yeux remplis de larmes. Elle n’avait pas la force de lui dire qu’il n’avait pas à s’en vouloir ni même celle de lui répéter que ce n’était pas grave. Elle ne lui mentait jamais, ce ne serait pas maintenant qu’elle commencerait à le faire, surtout pas pour l’aider à se raconter des histoires dont il était forcément le héros. Et puis un soupçon de son être voulait qu’il s’en veuille pour ce soir. Il lui avait fait miroiter un réconfort qu’elle n’avait pas trouvé en acceptant sa proposition sous le prétexte que le lieu dans lequel ils s’étaient rejoints était supposé resté une zone rouge, aussi interdite qu’il l’avait sciemment autorisée à y rentrer pour finalement lui refuser ce qu’elle était venue chercher en prétextant vouloir bien se tenir ; comme s’il n’avait pas fait pire ailleurs, comme s’il n’avait jamais réservé de chambre loin d’ici pour que leurs corps fusionnent à l’abri des regards, comme s’il ne lui avait pas parlé comme à une amoureuse en lui murmurant des secrets qu’elle était la seule à connaître parce qu’il savait qu’elle était la seule à pouvoir les encaisser, comme si chaque recoin méconnu de l’hôpital n’avait pas été le refuge de leurs messes basses, de leurs baisers à la dérobée, et de leurs soupirs pendant près de deux ans, comme si elle était la seule à jouir de l’attention décuplée d’un homme qui ne savait pas accorder sa tendresse à plus d’une personne à la fois — le tout s’inscrivait dans une hypocrisie certaine dont Ruben était le grand maître et dont elle ne lui tiendrait pas rigueur ce soir, le sentant touché sans réussir à savoir si c’était par l’état dans lequel elle-même était, ou si c’était parce qu’il regrettait d’avoir précisément choisi ce moment pour bien se comporter et faire preuve d’un tantinet de bonnes moeurs.

Mavis hocha simplement la tête à la positive lorsqu’il lui demanda si elle était sûre de vouloir rentrer seule. Sûre, elle l’était à peine, elle savait toutefois que c’était la meilleure chose à faire. Si le vice qui était le sien lui soufflait d’insister un peu, de lui faire dépasser la limite imposée par la pseudo-conscience de Ruben, elle choisit de le repousser pour se concentrer sur l’idée que ça n’amènerait rien de plus de le pousser à fauter, pas cette fois en tout cas. Elle le toucha quand même, mais c’était loin d’être comme d’habitude, geste tout juste rassurant qu’elle glissa le long de son torse sans hésiter, elle, à le consoler quand elle réalisa qu’il était affecté. Tout comme lui ce soir, elle devait faire preuve d’un peu d’hypocrisie pour que les choses se passent selon un code strict qu’il avait choisi, respectant le jeu qu’il avait mis en place et dont elle connaissait à peine les règles, forcée de jouer contre son propre camp. C’était pour le mieux de partir, même si elle n’en avait pas envie, elle le savait, aussi elle lui offrait son départ comme elle lui avait offert ses fleurs : avec une affection sincère qui ne pourrait lui faire que du bien rétroactivement, bien que sur l’instant, il se sentait désolé d’avoir échoué dans le plan qu’il avait mis maladroitement en place.

Elle ne devait pas s’attarder. À quoi ça servirait si ce n’était remuer le couteau dans la plaie ? Elle choisit de ne pas le faire pour de bon quand les lèvres de Ruben se posèrent sur sa joue. Elle ne le quitta pas des yeux pendant qu’il opérait un mouvement de recul, l’idée de lui demander s’il s’amusait bien à la torturer lui effleurant l’esprit, tentée de lui mettre le nez sur ses contradictions et de lui faire réaliser qu’il se comportait comme rien d’autre qu’un petit garçon émerveillé devant les trésors que la vie avait à lui offrir sans prendre le temps de se demander s’il avait le droit de s’accaparer tout et son contraire pour assouvir son besoin évident de tout posséder, collectionneur prêt à tout pour s’attribuer le mérite d’une quête épuisante tant elle paraissait interminable. Ses yeux se mirent à lui brûler tant elle s’obstinait à le regarder, et puis elle cligna des paupières, frénétiquement, pour mieux remettre son système en route et se ranima en baissant la tête, sécurisant la bretelle de son sac qui barrait sa poitrine en se contentant à nouveau de hocher la tête pour répondre à ses requêtes. La dernière lui fit lâcher un léger rire par le nez tant elle paraissait extraite du besoin compulsif du docteur Hartfield de lui rappeler la conjoncture dans laquelle ils se trouvaient en dehors de ces quatre murs — et pour quoi faire, soigner son ego blessé ? Il était l’enseignant, elle était l’élève, elle le savait mieux que personne ; et c’est comme une élève docile qu’elle se comporta, certainement pour la toute première fois, courbant l’échine, les larmes aux yeux, pour enfin quitter cet endroit qu’elle maudirait comme le tombeau d’un ennemi juré sur lequel elle avait envie de cracher et dans lequel, sans aucun doute, elle ne remettrait plus jamais les pieds.

rp terminé.