there's no such thing as bad thoughts
@Rhett Hartfield ☆ crédit/ssoveia

Evelyn avait quitté le shooting pour la MHI bien avant qu’un quelconque retard sur le planning soit notifié, laissant Rhett derrière elle presque sans aucun regret. Elle n’avait pas été capable d’anticiper la propre escalade de ses paroles quand il avait fallu qu’elle se défende et prenne une décision, et elle avait été dure, beaucoup trop dure. Elle avait vu la déception dans le regard de Rhett, elle avait vu qu’il avait soudainement perdu un repère auquel il se raccrochait depuis qu’ils avaient décidé d’avoir un bébé, et elle n’avait pas supporté ça ; de faire dégringoler la somme de ses certitudes en une phrase malheureuse, prononcée sur le coup de la frustration, qu’elle ne pensait seulement parce qu’elle ne savait plus à quel saint de se vouer pour régler ce qui était en passe de devenir un problème, elle le sentait. Elle ne voulait pas vivre dans le déni, elle ne voulait pas non plus se résumer à un échec aussi évocateur que celui-ci alors que, jusqu’à récemment, elle n’avait jamais ressenti le besoin de faire de la possibilité de devenir maman un objectif à atteindre. C’était parce qu’elle était avec Rhett qu’elle avait envie de se lancer dans cette expérience, et parce qu’elle était avec Rhett qu’elle avait essayé de dompter ses peurs pour faire ce à quoi elle n’avait jamais aspiré de sa vie, même en étant plus jeune. Maintenant, ça devenait une obsession qui la rendait apte à dire des horreurs comme celle qu’elle lui avait dite tout à l’heure, et bien sûr qu’elle s’en voulait — mais elle s’en voulait encore plus de ne pas réussir à admettre qu’ils devaient faire quelque chose pour s’assurer qu’ils avaient toutes les cartes en main et qu’il n’y avait pas un vrai problème à traiter qui expliquerait que depuis plusieurs mois, ils essayaient, en vain.

Elle avait erré sans but de long en large de Bayside, demandant à son chauffeur de la déposer à proximité du quartier qu’ils occupaient avec Rhett pour pouvoir rejoindre la maison à pieds. C’est ce qu’elle fit, après plusieurs heures seulement. Elle n’était pas certaine de le retrouver, elle devait bien l’avouer, mais elle ne lui en voudrait pas d’avoir préféré s’échapper pour la nuit s’il en avait besoin pour faire le point sur ce qu’elle lui avait balancé au visage sans faire dans la demi-mesure. Elle, elle avait besoin de s’excuser, ses pensées s’étant éclaircies et sa raison ayant repris sa place au centre de l’adulte de bonne composition qu’elle était d’ordinaire. Elle était prête à assumer ses erreurs, à les déchiffrer pour comprendre que cette situation la pesait effectivement bien plus qu’elle n’aurait été capable de l’imaginer, bien consciente de toutes ces choses que Rhett avait pointé du doigt en lui rappelant que s’ils se donnaient le temps avant de s’affoler pour de bon à propos de tout ça, ils ne devraient cependant pas tarder avant d’envisager ne serait-ce que de consulter un spécialiste. Précautionneusement, elle referma la porte d’entrée derrière elle, l’ayant trouvée déverrouillée, preuve formelle que Rhett était rentré avant elle, et se déchaussa en soupirant doucement pour donner à son coeur un certain répit tandis qu’elle s’apprêtait à rejoindre le jeune homme. A nouveau, elle comprendrait le traitement du silence qu’il serait susceptible de lui administrer, et alors qu’elle faisait son apparition dans leur grand salon, elle cala sa hanche contre le chambranle de la porte tout en posant son regard saturé de remords sur le jeune homme "Hey." lui fit-elle seulement, lui laissant le temps de décider s’il voulait lui répondre, ou non ; de la regarder, ou non. Elle n’insisterait pas s’il décidait de rester perclus en lui-même, elle avait néanmoins besoin de savoir quelque chose qui, l’espérait-elle, dans sa grande naïveté, briserait la glace le cas échéant "À quel point tu me détestes ?"

Pendant un instant, il s’est sincèrement posé la question de savoir si Evelyn allait rentrer chez eux le soir venu. Il voulait y croire, évidemment, tout comme il voulait penser que leur dispute était une simple dispute de couple comme il y en a d’autres, comme il en existe chez chacun. Le sujet est difficile, douloureux, mais leurs mots ne sont pas allés trop loin. Ils se sont arrêtés avant le point de non-retour, même si Rhett serait le premier à confesser avoir été terriblement mis à mal par l’aveu d’Evelyn au sujet de son manque de désir d’avoir des enfants. Il le ferait s’il n’était pas bâilloné par son propre ego, du moins. "Hey." Il a entendu la porte se fermer sans se demander qui pouvait bien en être la cause : il n’y avait qu’elle qu’il attendait. Maintenant, c’est à peine s’il relève son regard de son téléphone pour rencontrer celui de la brune, son visage encore maquillé du shooting.

"À quel point tu me détestes ?" Il lui en veut de jouer sur la corde sensible à ce point et de ne pas simplement lui demander s’il lui en veut mais bel et bien s’il la déteste. « Je te déteste pas mais je t’en veux. » Il annonce donc et précise sa pensée, chose bien rare de la part du Hartfield qui ne met d’habitude pas le moindre mot sur ce qu’il ressent ou ne ressent pas. « T’aurais dû me le dire si tu voulais pas d’enfant. » Le sujet le touche assez pour qu’il ne veuille pas tourner autour du pot, ni même mimer l’idée selon laquelle assez de temps s’est passé pour qu’il puisse lui pardonner et qu’ils passent ensemble à autre chose : ce n’est pas le cas, et ce n’est pas non plus un problème que simple le temps pourrait parvenir à clarifier. Il a besoin de ses mots, de son point de vue, de ses explications. Il a besoin d’autant de ces choses qu’il ne peut pas inventer, ni même deviner par lui-même. Rhett a refusé d’en parler sur l’instant parce que le ton n’était pas adéquat à une telle discussion et qu’ils s’énervaient trop vite entre eux pour arriver à mener un dialogue digne de ce nom, mais maintenant il veut croire qu’elle a assez pris l’air et lui tout autant pour qu’ils en soient capables, tels les deux adultes matures et responsables qu’ils sont. « T’as fait un tour ? » La voix adoucie, il demande non pour obtenir des comptes de sa part mais bien pour s’assurer qu’elle a simplement fait un tour ou au pire retrouvé une de ses amies durant un temps, mais rien de plus - et non, promis, il n’est pas en train de sous entendre qu’elle aurait pu aller voir un autre homme et il le pense tout aussi peu. Ils parlent enfants, ils sont au-delà de ces craintes médiocres et quand bien même ils en viendraient à ne plus parler enfant suite à cette discussion, Rhett n’en penserait pas moins de la force et la légitimité de leur couple.

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Elle ne s’attendait évidemment pas à rentrer avec un comité d’accueil différent que celui sous lequel elle rejoignait Rhett. Il avait tous les droits d’être fâché contre elle, elle ne le lui enlèverait pas, et si son entame était un peu maladroite — loin d’elle l’idée d’initier une quelconque forme de chantage affectif en l’incitant à tempérer son ressenti pour qu’elle se sente mieux, elle ne se sentirait pas mieux dans tous les cas, alors à quoi bon —, il n’était pas moins sûr qu’elle s’en voulait de ce qui s’était passé le matin-même. La hanche soudée au chambranle de l’ouverture de la pièce où elle avait trouvé Rhett, elle baissa légèrement la tête quand il lui répondit, accusa dignement l’évidence, et lui dit sans chercher à se dédouaner, consciente de l’affront qu’elle lui avait fait : il lui en voulait "Je sais, et c’est normal. Je le comprends, je t’assure." Elle n’essaierait pas de le convaincre qu’il avait tout simplement mal pris les choses, qu’il avait mal entendu, ce serait lui faire offense alors qu’elle avait pensé et dit cette phrase qu’elle lui avait présentée comme une défense nonchalante quand elle n’était qu’une invective impitoyable.

Soupirant à ce qu’il ajouta, Evie ne bougea pas de la place qu’elle s’était choisie, et laissa passer quelques secondes avant de dire quoi que ce soit de sensé. Et puis enfin, elle se lança "Ce n’est pas aussi tranché que ça, Rhett." Vouloir un enfant, ne pas en vouloir, le problème n’était pas tant celui-ci : elle voulait un enfant, bien sûr qu’elle voulait un enfant "J’ai parlé sous le coup de la colère. Je sais aussi que ce n’est pas une excuse, et je n’essaye pas de m’en trouver." Ce n’était même pas de la colère au fond, et l’admettre à voix haute, c’était en plus devoir admettre que son amour propre avait été mis à mal. Ce n’était pas simple, elle n’estimait pas être du genre à avoir besoin qu’on polisse son ego, mais sur ce sujet-ci, tandis que sa féminité était remise en cause d’une façon aussi cruelle que ça, elle était soumise à tout ce qu’elle avait toujours voulu éviter de faire lorsqu’à l’époque elle disait ne pas vouloir d’enfant : se justifier, et ça l’insupportait. Elle pressa ses lèvres l’une contre l’autre "J’ai été vexée, parce que tu auras me dire ce que tu veux pour me convaincre du contraire, mais nos difficultés à mettre ce bébé en route, elles ne te seront jamais reprochées, à toi." Qu’il ose lui dire qu’il n’avait pas lui-même pensé que ça pouvait peut-être bien venir d’elle, elle ne le croirait pas, pas une seule seconde. Elle ne lui reprochait pas d’avoir de l’ego, elle aimait qu’il soit sûr de lui, seulement l’objectivité à l’égard de sa propre personne n’était pas le point fort de Rhett, il ne le deviendrait pas dans une situation aussi déterminante que celle-là.

Elle fixa un point dans la pièce sans quitter l’endroit où elle était, fronçant les sourcils en tachant de mettre de l’ordre dans ses pensées "Tu as parlé de spécialiste, on sait tous les deux ce que ça implique, et ça me fait peur, c’est tout." D’entendre dire des choses qui, définitivement, remettraient en cause ce qu’elle était supposée être, et ce à quoi elle avait tenté d’échapper durant des années en n’alimentant pas le désir de devenir maman. C’était différent aujourd’hui, c’était pour ça que la pression pesait plus lourd sur ses épaules, qu’elle ressentait tout différemment aussi. Elle hocha la tête quand il lui demanda si elle avait fait un tour, jugeant inutile de lui faire un exposé détaillé de ce qu’elle avait fait pour se remettre la tête à l’endroit — marcher, seulement ça —, et revint à leur point de départ en affirmant, résolue "Je ne veux pas qu’on change notre plan. Je veux un enfant." Elle posa ses yeux sur lui, attendit qu’il fasse la même chose pour ajouter "Mais je ne veux pas qu’on me fasse ressentir que je suis défaillante d’une façon ou d’une autre. Même si c’est le cas, même si on trouve quelque chose qui expliquera médicalement que ça prend autant de temps pour nous." Pour nous elle s’appliquait à parler d’eux, et pas uniquement de l’un où de l’autre, sincère quand elle disait ne pas vouloir être stigmatisée en fonction de ce qui pouvait bien se passer et qui expliquait leurs difficultés "Je ne veux pas que ça pose une étiquette sur la femme que je suis, ou celle que je suis supposée être." Elle ne voulait pas être traitée comme un rebut de la société — et peut-être que le terme était trop fort, mais elle était une femme, des histoires de femmes flagellées pour leur incapacité à concevoir, elle en connaissait plus que c’était tolérable d’en connaître.

"Je sais, et c’est normal. Je le comprends, je t’assure." Le pire, c’est qu’il n’attendait même pas qu’elle le comprenne ou quoi que ce soit. Il se moquait bien de ce qu’elle pourrait penser en retour, son avis n’étant pas différent pour autant, d’aucune manière. Il est buté, Rhett, et se mettre en couple n’a jamais retiré cet aspect là de son caractère et de sa façon d’être. Il sait aimer, ce n’est pas le problème, mais aimer tout en faisant des concessions ? Il y est bien moins habitué, pour ne pas dire pas du tout. "Ce n’est pas aussi tranché que ça, Rhett." Lui ne comprend pas comment un tel sujet ne peut pas être tranché. Soit elle veut un enfant, soit elle n’en veut pas. Ne pas être sûre ? Hésiter ? Non, ce n’est pas envisageable. Il ne l’imagine pas penser à l’avortement, il l’imagine encore moins penser à placer leur enfant, mais il ne veut pas qu’elle se retrouve à élever un gamin au sujet duquel elle aurait pu revenir sur son avis de le désirer. Ça doit être tranché. Aussi simplement que ça, ça doit l’être. "J’ai été vexée, parce que tu auras me dire ce que tu veux pour me convaincre du contraire, mais nos difficultés à mettre ce bébé en route, elles ne te seront jamais reprochées, à toi." - « Je peux pas révolutionner la biologie. » Il est froid, sans doute trop, mais personne n’en penserait moins : c’est sur elle que les reproches porteraient parce qu’elle est celle dont l’âge compte à la conception et elle est surtout celle qui portera l’enfant pendant neuf mois. Il voudrait y changer quelque chose s’il le pouvait, mais ils savent que ce n’est pas le cas, tout comme ils savent aussi à quel point il est facile pour l’homme de changer d’avis avant même que l’enfant arrive au monde, sans jamais avoir à véritablement en souffrir, sauf peut-être pécuniairement. « Si on y arrive pas, on y arrive pas. Je te regarderais pas autrement. » Et il serait le premier à expliquer la chose à n’importe qui pourrait les juger, sans la moindre retenue que représentent habituellement les réactions de Rhett. Cet enfant et ce désir de fonder une famille ne regarde qu’eux, et il est le premier désolé d’émettre l’idée que la conception même de cet enfant ne puisse pas les impliquer seulement tous les deux aussi.

"Tu as parlé de spécialiste, on sait tous les deux ce que ça implique, et ça me fait peur, c’est tout." Qu’elle pose un mot sur son sentiment touche Rhett de façon inattendue, raison pour laquelle il ferme un instant les yeux en même temps qu’il expire lentement. Il a beau ne pas être au diapason avec elle, jamais il ne pourrait lui souhaiter d’avoir peur, et jamais il ne pourrait accepter d’être une raison, même partielle, de cette peur. Il se redresse et se retient d’aller vers elle uniquement parce que la dernière fois qu’il a eu ce réflexe, quelques heures plus tôt à peine, le brun a rapidement compris qu’il était malvenu. Dans le doute, il préfère ne pas prendre de risque et la faire se sentir trop vulnérable, à tort. Au lieu de ça, il murmure donc ces quelques mots, véritablement penaud. « Je veux pas que t’aies peur. » Son caractère a ses défauts, mais il a au moins un simple avantage lorsqu’il continue de penser que son rôle est de protéger ceux qu’il aime : cette idée va de pair avec celle qu’il refuse catégoriquement d’être la raison pour laquelle Evelyn pourrait être effrayée, même par extension. Non qu’il remette en question les sentiments de la brune, mais justement, il est au moins capable de se remettre en question lorsqu’elle lui fait un aveu du genre. "Je ne veux pas qu’on change notre plan. Je veux un enfant." Son regard remonte dans le sien en même temps qu’il attend le mais qui va forcément suivre ce genre d’annonce. Il arrive rapidement. "Mais je ne veux pas qu’on me fasse ressentir que je suis défaillante d’une façon ou d’une autre. Même si c’est le cas, même si on trouve quelque chose qui expliquera médicalement que ça prend autant de temps pour nous." Rhett reste un instant impassible. La requête d’Evelyn est simple à comprendre, tant pour les raisons qui la motivent que dans la forme de ce qu’elle attend, mais il se demande surtout comment ils pourraient évoluer autour d’une telle demande. Pas seulement eux, mais bien leur envie de fonder une famille. "Je ne veux pas que ça pose une étiquette sur la femme que je suis, ou celle que je suis supposée être." - « T’es à la tête d’une entreprise immense, Evie, c’est ce que tout le monde va retenir quoi qu’il arrive. » La girlboss qu’elle est, et celle qui fait parfois grincer des dents Rhett lorsqu’on reconnaît le nom de sa petite-amie avant qu’il en soit de même avec le sien - si jamais on le reconnaît, justement. « Tu veux quoi, au final ? Qu’on choisisse quelqu’un avec vraiment beaucoup de soin ou que… qu’on fasse rien ? » Qu’ils ne consultent aucun spécialiste, absolument personne ? Ils pourraient choisir une femme si ça peut aider à la mettre en confiance, ils pourraient choisir sa tranche d’âge selon si elle veut parler à quelqu’un qui a son âge ou si elle préfère avoir quelqu’un de plus jeune et à l’écoute du changement, ou plus âgé et expérimenté. Il ne sait pas exactement quelles pourraient être ses demandes mais il est prêt à les écouter et à faire des efforts, il le promet. Si c’est la façon avec laquelle elle veut procéder, il peut s’adapter. « Personne a à savoir. Si jamais on y arrive pas. Personne en saura rien, ok ? » Et personne ne pensera d’elle qu’elle est défaillante, parce que Rhett lui-même n’en tirerait jamais une conclusion du genre, laquelle il serait le premier à juger égoïste. « Juste… ça fait six mois. C’est pas si long que ça… on peut se lancer une chance encore ? » Elle a beau lui avoir dit qu’elle voulait un enfant, il peine maintenant à la croire sur parole.

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Evie ne lui reprocherait pas sa froideur. Elle en avait tout autant fait preuve tout à l’heure en lui disant ce qu’elle lui avait dit. De ce fait, elle accusa le coup sans détourner les yeux, essayant de se convaincre que ce que Rhett lui disait maintenant n’était pas un mensonge pour l’amadouer à sa façon. Elle le connaissait, il avait la rancune tenace — elle sentait effectivement qu’il lui en voulait de leur discussion de ce matin — et les idées bien arrêtées, et elle ne voulait pas être le réceptacle d’une déception qu’il ressentirait forcément s’il s’avérait que, d’une façon où d’une autre, pour une raison pour une autre, ils ne pouvaient pas avoir d’enfant. Il en avait vraiment envie, c’était une idée fixe qui ne l’obsédait peut-être pas, mais qui était ancrée en lui depuis plusieurs mois maintenant, aussi la possibilité de ne pas pouvoir lui offrir ce qu’il désirait, ça jurait certainement avec son féminisme décomplexé, ce n’était pas moins une idée qui, elle, l’obsédait au point de la rendre malade d’une façon toute singulière "Tu ne me regarderas peut-être pas autrement, mais tu seras déçu, et j’ai pas envie de vivre avec ça sur la conscience." Ni de devoir se rappeler que s’ils n’étaient que tous les deux, c’était parce que quelque chose clochait. Ça ne remettrait pas leurs sentiments et leur amour en cause, pourtant elle avait le sentiment que ça inciterait autrui à les juger incompatibles, et elle ne pourrait pas le supporter, convaincue du contraire malgré leurs difficultés, leurs épreuves et leurs coups de gueule.

Elle lui avoua avoir peur. De là où elle se trouvait, n’ayant pas bougé depuis son arrivée, elle le vit se restreindre dans l’action de venir la réconforter. Elle ne lui en voulait pas, comme elle ne lui en voulait pas d’être naïf au point de croire qu’il pouvait l’empêcher de ressentir ce sentiment juste en souhaitant qu’il ne l’atteigne pas "Et je voudrais que ce soit aussi facile que ça, Rhett." Une réponse qu’elle lui donna avec douceur avant d’expliciter son état d’esprit pour qu’il soit en mesure d’en saisir toutes ses subtilités. Et il essayait Rhett, de répondre à toutes ses craintes, mais elle ne pouvait pas adhérer à ce qu’il lui disait, pas quand elle avait la sensation qu’il se racontait des histoires. Elle préféra ne rien dire cependant, et choisit de ne pas lui rappeler qu’elle avait toujours été à la tête de sa propre entreprise, même si elle n’était pas aussi colossale que la MHI, et que ça ne l’avait pour autant jamais prémunie d’être traitée comme elle l’avait été tout au long de son parcours semé de petits scandales et de rumeurs puantes. Elle baissa la tête, prit un instant pour faire le point dans l’intimité de son cerveau qui tournait à plein régime, puis dans une profonde inspiration, se concentra de nouveau sur Rhett "Le plus raisonnable, ce serait de faire quelque chose, on le sait tous les deux." Elle fronça les sourcils, tritura le bout de ses doigts qu’elle finit par séparer quand elle laissa retomber les bras le long de son corps pour mieux s’approcher de Rhett en lui avouant "J’en ai déjà parlé à Lara. En surface. Mais elle sait qu’on veut un enfant." Alors elle avait confiance en sa cousine bien sûr, mais ça rendait caduque l’idée que personne n’en saurait rien si, au cours des prochains mois, Evie ne tombait pas enceinte.

Sur l’instant, elle se laissa tomber sur les genoux de Rhett, s’y asseyant avec l’espoir de ne pas être repoussée malgré sa confession de tout à l’heure qui partait de sa rancune tout à fait justifiée, cette fois "On pourrait. Mais on sera tentés de faire la même chose à chaque fois, et de se dire que, étant donné nos âges —" Elle s’obstinait à le compter dans l’équation, il n’y avait pas de raison "— ça prendra plus de temps dans tous les cas." Passant ses bras autour des épaules du jeune homme, elle le regarda "Ça ne nous engage à rien au fond, ça nous aidera seulement à être fixés sur la suite des événements." Ça ne lui faisait pas moins peur. En fait, ça la terrifiait davantage de dépendre de l’examen minutieux de ce qui constituait leur capacité à être parents. Mais c’était moins pire que de vivre avec un doute, et elle l’aurait toute sa vie si elle refusait de se plier à l’exercice. Elle garda le silence un instant, le bout de son nez venant se poser contre la tempe de Rhett qu’elle serra plus fort contre elle, finissant par lui murmurer "Je m’excuse." Tu crois que tu vas m’en vouloir longtemps ? s’efforça-t-elle à ne pas lui demander, cherchant ses yeux quand elle releva la tête pour le regarder à nouveau.

"Tu ne me regarderas peut-être pas autrement, mais tu seras déçu, et j’ai pas envie de vivre avec ça sur la conscience." Finalement, lui non plus n’a pas envie de vivre avec un tel sentiment sur la conscience, et encore moins l’imposer à Evelyn malgré lui. Parce qu’elle a raison, Evie, quand elle dit qu’il gardera dans son cœur une déception et qu’il finira irrémédiablement par la reporter sur Evelyn. Il n’expliquera pas les raisons du pourquoi du comment, il n’en a pas besoin, mais ils restent deux adultes qui vivent plus ou moins le même quotidien depuis quelques mois, une petite paire d’années aussi. "Et je voudrais que ce soit aussi facile que ça, Rhett." Il le voudrait aussi. Il voudrait pouvoir lui dire qu’elle n’a pas à avoir peur et, de ce fait, qu’elle ne puisse pas ressentir la moindre peur. Si tout pouvait fonctionner de cette manière, leur vie serait infiniment plus facile, et toute cette histoire autour de leur enfant tout autant. "Le plus raisonnable, ce serait de faire quelque chose, on le sait tous les deux." Mais. C’est le mais qu’il attend maintenant, quand elle lui dira pour deux qu’ils ne sont pas raisonnables et que, de fait, ils ne feront pas le moindre effort pour aller au bout d’une idée devenue rêve. Il a beau rester suspendu à ses lèvres malgré lui, il l’accueille avec bienveillance lorsqu’elle se laisse retomber près sur le canapé et qu’il juge justement que là est sa place, justement, tout près de lui "J’en ai déjà parlé à Lara. En surface. Mais elle sait qu’on veut un enfant." Il se dit que Lara, ce n’est pas si pire. Ce n’est pas le personne dont il parlait, mais elle reste malgré tout une personne plutôt insignifiante à ses yeux, même s’il sait que ce n’en est pas de même pour Evie. Elle compte pour elle et ça suffit pour qu’il n’en dise jamais du mal, et même s’il n’en pense pas beaucoup non plus, il n’est pas certain de comprendre pourquoi elle a recueilli sa seule confession, parce qu’il ne sait pas ce qu’Evie lui trouve. « Si tu lui as dit, c’est que tu lui fais confiance, non ? » Il tente de trouver le bon côté des choses alors qu’elle a rendu son argument caduque en un claquement de doigts. Mais si elle est la seule à connaître leur échec, alors ils devraient malgré tout pouvoir s’en sortir, non ? « Elle t’a dit quelque chose ? » Ce n’est pas sa place et il n’a pas à la questionner sur leur relation, mais il n’en reste pas moins curieux et, surtout, soucieux : si elle en a parlé avec Lara, c’était pour un sujet en particulier ? Un problème en particulier ? Une crainte, sans doute ?

Il est distrait un instant alors qu’elle prend place sur ses genoux, mais le sujet est assez sérieux pour que l’égarement ne dure justement qu’une seule seconde. "On pourrait. Mais on sera tentés de faire la même chose à chaque fois, et de se dire que, étant donné nos âges — ça prendra plus de temps dans tous les cas." Ils pourraient ; ce qui veut dire qu’ils ne le feront donc pas ? Rhett se retrouve avec plus de questions que de réponses à chaque fois qu’Evie tente de préciser sa pensée alors que de son côté il existe seulement un monde dans lequel ils font tout pour avoir un enfant et un autre dans lequel ça n’a aucune importance. Ses bras passent autour des épaules de Rhett et il les juge parfaitement légitime, sa rancoeur déjà oubliée. "Ça ne nous engage à rien au fond, ça nous aidera seulement à être fixés sur la suite des événements." Alors ils peuvent essayer de consulter. Ils peuvent réellement essayer et se donner les moyens jusqu’au bout, parce qu’ils n’en méritent pas moins. Lorsqu’elle pose le bout de son nez contre sa tempe, il finit enfin par poser ses mains contre ses hanches à son tour, tant pour assurer la stabilité d’Evie que pour la garder près de lui - ils sont une équipe, c’est promis. Peu importe leurs divergences stratégiques, ils restent une équipe. "Je m’excuse." - « Je t’aime. » Il hoche même la tête lorsqu’il lui partage ces mots et que le clair de ses yeux retrouve la lueur des siens. Il accepte ses excuses, voilà ce qu’il dit sans oser le faire avec des mots aussi évidents. « Et je pense qu’on pourrait être vraiment heureux, à trois. » Encore plus qu’ils ne le sont maintenant, à vivre plus ou moins avec un gamin et une femme qu’elle a décidé d’héberger pour Dieu sait quelle raison. A trois, avec un troisième mini-eux, ils seraient vraiment heureux et parfaitement comblés, à un niveau un peu plus supérieur encore de ce qu’est présentement leur quotidien. « On peut attendre, ok ? On lui a pas donné rendez-vous dans l’année. » Et fort heureusement, parce que 2024 ne risque pas de les voir devenir parents à en juger par les mois déjà avancés et écoulés. « Quand tu dis être fixés… tu veux qu’on en parle à quelqu’un, alors ? » Il ne lui fait pas l’affront de lui répéter vouloir parler à un spécialiste, mais il est au moins assez brute pour lui poser la question une seconde fois, non sans jouer de ses mèches contre sa nuque.

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Si elle en avait parlé à Lara, c’est qu’elle lui faisait confiance, la rhétorique était implacable et bien sûr qu’Evie n’avait rien de bien intelligent à ajouter à ça. Elle aurait aimé en parler à ses soeurs, elle s’en rendait compte puisque la réaction plutôt nuancée de sa cousine au sujet de cette nouvelle l’avait refroidie à un point où elle s’était dit qu’elle était en fait incapable de se réjouir pour elle. Ses soeurs étaient déjà mères, elles auraient pu partager des conseils avisés, des avis éclairés, et faire en sorte qu’elle se sente à l’aise dans ce rôle qu’elle tachait d’endosser tout en n’était pas très sûre d’elle, timide dans l’action d’admettre que ça lui faisait envie au fond, de rejoindre le club des mamans. Mais elles ne s’entendaient pas assez bien avec elles toutes pour envisager d’être soutenue par elles, faisant de Lara la seule membre de sa famille à qui elle pouvait s’en remettre en vérité. Rhett la questionnait à ce sujet, elle ne se sentait pas à l’aise à l’idée de lui mentir, alors elle lui répondit, plus déçue que blessée par la synthèse qu’elle avait fait des propos de sa cousine "Elle avait l’air de penser que c’était une mauvaise idée." Elle ne laissa pas le silence s’installer et elle lui fit part de son avis "Je l’adore, elle est importante pour moi, et tu le sais. Mais c’est une ado attardée, Lara." C’était affectueux dans un sens ; dans l’autre c’était une critique qu’elle ne lui ferait jamais à haute et intelligible voix parce qu’elle savait qu’elle était blessante "Elle pense que, parce qu’une fois, je lui ai fais part de mon avis sur la questions des enfants, ça m’empêche d’évoluer dessus et de changer d’opinion." Elle s’humecta les lèvres du bout de la langue, regarda brièvement les luminaires au-dessus de leurs têtes en complétant, désabusée "Elle voulait s’assurer que c’était vraiment ce que je voulais, que je ne me sentais pas forcée." Après leur dispute d’aujourd’hui, la question se posait, et parce qu’elle ne voulait pas que Rhett se laissa empoissonner par les soupçons de Lara, elle lui fit sans aucune espèce d’hésitation "C’est pas le cas. Je te le redirais autant de fois que tu auras besoin de l’entendre : je veux un enfant avec toi." Et avec personne d’autre, sinon l’idée ne lui aurait jamais traversé l’esprit, n’ayant, jamais une seule fois dans sa vie, rencontrée quelqu’un qui lui avait donné envie de tenter cette aventure.

Assise sur ses genoux désormais, ses bras passés autour de ses épaules, elle essayait de faire amende honorable, et accueillit son je t’aime avec un baiser sur ses lèvres. C’était la façon qu'il avait choisi d’accepter ses excuses, et ça la contentait assez pour qu’elle veuille lui faire sentir, au travers de ce baiser appuyé, qu’elle était reconnaissante de la volonté qu’il mettait à vouloir comprendre ce qui lui était passée par la tête quand elle avait été dure avec lui, ce matin. Prenant un temps pour savourer l’instant, séparant ses lèvres des siennes, elle posa son nez puis son front contre sa tempe lorsqu'il reprit la parole, la maintenant fermement par la hanche et lui procurant un sentiment évident de sécurité qui la menait à croire farouchement à ce qu’il lui disait quand il parlait de leur bonheur futur à trois "J’en suis sûre. Je ne doute pas un seul instant à propos de ça." Elle ne doutait à propos de rien du tout au fond, elle avait juste peur d’être mal jugée et que son corps soit brusquement traité comme un vaisseau dysfonctionnel "Je veux un bébé." Elle le réaffirma, haut et fort, l’entendant lui proposer d’attendre quand de son côté, elle savait que c’était faire traîner qui entérinerait ses craintes et la ferait reculer chaque fois un peu plus loin encore. Elle n’avait pas envie de précipiter les choses, mais elle n’avait pas non plus envie de passer outre leur envie immédiate sous le prétexte qu’ils avaient le temps ; ils ne l’avaient pas, et ça aussi, ils le savaient tous les deux. Elle ajouta "On va faire ce qu’il faut. On va se renseigner sur les meilleurs médecins à consulter, et on se pliera à leurs recommandations si jamais il y a…" Elle sentit le mot se coincer dans sa gorge, le força à sortir en s’aidant d’un hochement de tête déterminé "… s’il y a un problème." Gardant place sur ses genoux, le tenant contre elle, elle affronta ses yeux sans autre chose que de la détermination au fond d’eux, et lui confirma, non sans sentir son coeur faire des bonds dans sa poitrine, qu’elle voulait qu’ils en parlent à quelqu’un de compétent.

Il dirait bien que l’avis de la cousine d’Evelyn n’a jamais importé, mais il faut surtout souligner qu’il n’a jamais été réellement demandé, encore moins dans une situation où il est question de prendre une décision qui changera leur vie à tout jamais. "Elle avait l’air de penser que c’était une mauvaise idée." Elle avait l’air de penser, ce qui le rassure au moins dans l’idée qu’elle n’a pas imposé à Evie ses avis parfois trop tranchés ; aussi tranchés que peuvent l’être ceux de Rhett, paradoxalement. "Je l’adore, elle est importante pour moi, et tu le sais. Mais c’est une ado attardée, Lara." Ce n’est pas la façon dont il aurait pensé la désigner, ni même la définir, mais il ne cherche pas à réfuter face à Evie. Il la connaît sous un angle différent, avec une expérience différente, et il ne niera pas qu’elle est particulière. A des années lumière d’Evie, surtout, comme si finalement elles n’étaient pas d’une seule et même famille. "Elle pense que, parce qu’une fois, je lui ai fais part de mon avis sur la questions des enfants, ça m’empêche d’évoluer dessus et de changer d’opinion." - « Elle pense que je te l’impose ? » - "Elle voulait s’assurer que c’était vraiment ce que je voulais, que je ne me sentais pas forcée." Oui, don. Elle pense que le choix de fonder une famille n’est pas unilatéral, et Rhett déteste cette idée, comme le prouve la façon dont il roule des yeux avant de les fermer, en même temps où il s’humecte les lèvres. Il est outré, agacé. Il se dit surtout qu’il ne ferait jamais une telle chose à Evie et il ne comprend pas comment Lara peut le penser, même alors qu’ils ne se portent pas dans le cœur l’un de l’autre. Il partait du principe qu’ils s’estimaient un minimum, le genre de minimum qui ne fait pas de zèle pour rien. "C’est pas le cas. Je te le redirais autant de fois que tu auras besoin de l’entendre : je veux un enfant avec toi." Il ne répond plus rien à ces mots, sans doute trop impacté par l’ensemble de leur conversation pour arriver à montrer la moindre émotion ou impatience quant à cette idée. Il l’est toujours, impatient de devenir père, mais cette idée vient un peu trop d’être gangrénée par les tensions de la journée pour qu’il puisse s’y rattacher avec une joie pleine et entière. Demain sera une autre journée. Demain, ils réessayeront sans plus se soucier de ce que pense les autres, qui n’ont jamais été conviés à cette prise de décision faite à deux et seulement à deux. Personne de plus, personne de moins.

La transition est faite par un baiser qui s’éternise lorsqu’elle s’assoit sur lui sur ce canapé et qu’au-delà de chercher à le lui reprocher, il en profite surtout pour la garder près de lui, soucieux de ne pas revivre la même journée qui vient de passer. "J’en suis sûre. Je ne doute pas un seul instant à propos de ça." Il hoche lentement la tête. A trois, tout ira mieux. Ils n’ont qu’à se montrer patient. "Je veux un bébé." Ils auront leur bébé. Il veut le croire, et il veut penser qu’en se le répétant assez, alors cela finira forcément par arriver sans plus aucune nuance à cela. Ils auront un bébé qui leur ressemblera à tous les deux, et qui sera de fait merveilleux. "On va faire ce qu’il faut. On va se renseigner sur les meilleurs médecins à consulter, et on se pliera à leurs recommandations si jamais il y a… s’il y a un problème." Les pouces de Rhett dessinent des cercles invisibles contre sa peau alors qu’il comprend sans mal que le sujet est autant difficile à aborder pour elle qu’il l’est à accepter. Elle n’est plus vraiment à un âge où les couples décident de se lancer dans une famille, et ils le savent tous les deux aussi bien qu’ils ont pris la décision de ne jamais en parler ni soulever la question. « On verra ça demain, ok ? » Ils ont un nom, ils pourront avoir des rendez-vous rapidement ; là n’est pas le problème. Il réside malgré eux dans la possibilité que lesdits rendez-vous arrivent à être concluants. « Ca sera un problème pour demain. » Le choix de mot est maladroit, évidemment, et il ne s’en rend compte que trop tard. Rhett tente malgré tout de lui montrer son soutien autrement, glissant une main contre sa tempe pour emprisonner une mèche derrière son oreille et ainsi ne plus cacher partiellement son visage. « On fera ce qu’il faut. » Lui aussi se conformera aux recommandations des médecins, après avoir passé une vie entière à ne jamais le faire. Comme si tout pouvait se régler d’un claquement de doigts. « On aura notre famille, Evie. » Et il fait remonter sa main le long du dos de la brune, tant pour la rassurer que pour lui assurer la véracité de ses propos. Ils sont habitués à gagner et à avoir ce qu’ils veulent ; il n’existe pas un monde dans lequel on pourrait leur donner tort sur un sujet aussi important que celui-ci.