@Danaë Lescaut --

« Attends, t’as pas dit ça les cinq…sept…dix dernières fois ? » La grande gosse aux sourcils relève le nez d’un air étonné, brandissant ses dix doigts après les avoir sciemment comptés, pour l’effet dramatique. Devon est honnête : il hausse les épaules et lui montre ses paumes avec un sourire un peu con, l’air de savoir d’avance qu’il espère en vain, mais que quand même, si elle était un tout petit peu disposée à le dépanner…
Nécessairement, c’était le genre de trucs qui faisaient qu’Elena tombait systématiquement dans le panneau, infoutue de dire non et surtout trop peureuse qu’on l’estime un jour un peu moins indispensable qu’elle ne voulait l’être. « Dernière fois », qu’elle obtempère, « mais tu me dois un milliard de dollars et à peu près douze bières. »

Le propre de son taf, de toute façon, c’était les à-côtés ; être planquée derrière un écran à réfléchir sur des profils, c’était 10% de son temps, contre 90% de social d’envergure relativement moindre (mais super importante, insistaient ses supérieurs qui misaient tout sur la cohésion des équipes et sur leur personality hire d’1m15) : c’était venir au poste récupérer un dossier classé sans suite pour remettre le nez dedans, et y rester la journée pour faire passer un entretien informel à une inconnue non diplômée que Devon avait ramené comme un ourson trouvé dans la poubelle du Quick – mom, can we keep the big dog? Soit : son job n’est pas de discuter, mais de farfouiller dans les esprits jusqu’à trouver une perle bien cachée, et Elena ne dit jamais non aux profils atypiques, encore moins quand ils réclament du café et critiquent la couleur des murs : elle en a été.

« Je crains qu’on ait pas bien plus joyeux, dans le genre, à part les murs de la crèche au troisième étage et je pense qu’on risque de faire tache. »

Chacune se passe d’un bonjour, lequel passe par une jauge silencieuse de l’une et de l’autre : elle est habillée simple, leur invitée surprise, et Elena se demande à quel point elle prétend être chez elle pour chasser la nervosité. Ca la pousse à noter, de prime abord, que la demoiselle qui n’a laissé qu’un nom de famille et qui lui a été vendue par son ancien collègue a la bougeotte et un sale penchant pour la prise d’initiative, si elle a atterri là par la seule force de ses arguments et sans aucun CV ni référence à l’appui. Ca la pousse naturellement à prendre un air plus décontracté avec la jeune femme et elle ne s’en prive pas ; elle part du principe qu’adapter un comportement miroité à celui du candidat, c’est l’inviter à s’ouvrir un peu plus, et elle n’est pas de ceux qui surcadrent les entretiens pour le plaisir d’asseoir une autorité vague pour laquelle ses épaules sont trop petites. « Elena. Je travaille en collaboration avec la cellule depuis quelques années et on m’a refilé votre dossier. 0 expérience mais du potentiel, c’est écrit dans la marge. » Comme pour la désigner, elle tapote le dossier du doigt. Elle joue carte sur table : pas très besoin, ni très envie, d’adopter les codes et d’embrasser des faux-semblants, les raisons de la présence de sa vis-à-vis l’intriguent et ça lui suffit à passer au-dessus du process plan-plan qu’on réserve aux cadres. « Pas d'historique dans le domaine, pas beaucoup de connivences avec les ordres a priori, pas de références. Je dis dossier, mais c'est une page vierge avec une phrase et des ratures de mon collègue. » Sans beaucoup d'ambages, elle en vient au coeur du sujet : « C’est quoi, qui vous amène ici ? »

@Danaë Lescaut --

Elle détonne, Danae, et c’est rare, par ici, les gens qui détonnent. Il y a un choix conscient et assumé de la banalité standardisable dans les rangs du gouvernement : on veut des profils stables et prédéfinis qui ne sortent pas trop de la norme, des études de haut niveau dans de grandes écoles et surtout, des références précises et connues. Ca laisse peu de place au spontané, aux profils atypiques et surtout, aux personnes qui ne viennent pas d’un milieu privilégié : ça efface toute place à l’ingéniosité et à la remise en question, et ce n’est pas forcément involontaire.
Avec ses années à l’armée et aucune à la fac, Elena elle-même détonne : elle a quitté l’école trop tôt et rattrapé à coup d’équivalences foireuses, s’est construite au gré du temps et des expériences et a obtenu les faveurs de ses supérieurs partout. La seule raison pour laquelle on lui a accordé cinq minutes d’entretien à l’ASIO, c’est parce qu’elle s’était fait un nom pendant ses opérations d’OSINT à l’étranger ; c’était une bonne soldate, et le genre à ne pas trop remettre les forces armées ou la hiérarchie en question.
Autant dire qu’à tous points de vue, Danaë détonne encore plus : une fac lamba plutôt bien placée mais rien de spécifique, trop jeune et sans preuve, et surtout sans connexions, sinon ce pauvre Devon. Ce n’est pas sans plaire à l’agente du PSI : elle aime les jokers et ceux qui dépassent des attendus, qui choisissent de se plier à de certaines règles en connaissance de cause et en conscience des risques plutôt que de suivre bêtement les ordres. Et même dans ça, la jeune femme semble sortir des cadres.

« Drôle d’interprétation : j’adore être là. »

Elle lui offre un sourire, sourcils haussés, qui laisse entendre qu’elle n’adore pas nécessairement pour la beauté du geste, mais elle laisse planer le mystère (ou ce qu’elle imagine en être : pour une pro du renseignement, elle porte curieusement ses émotions sur chaque partie de son corps). Elle a déjà laissé tomber le stylo qu’elle tenait contre la feuille, parce qu’elle sent que l’entretien ne sera pas de ceux qui en requièrent ; elle relit plutôt les informations (trop) maigres à sa disposition et les récite à voix haute, s’aventure à demander à la jeune femme ce qui l’amène ici, tente de ne pas sembler décontenancée à sa réponse - c’est beau, le culot, dans l’idée, mais le cirque ou les agences immobilières seraient peut-être plus habilitées à répondre à telle demande, se retient-elle de dire : patience, toujours, même en cas de perplexité. Surtout dans ces cas-là, car elle est à peu près sûre qu’il y a autre chose qu’une simple curiosité derrière la démarche. Danaë parle études, mentionne les masters, Elena croise ses mains, se laisse porter, tente un « on ne prend pas de stages, si la question vous démange… » plus qu’évident qui s’accompagne de son plus beau sourire narquois. Plus que le reste, c’est la mention de l’historique qui l’interpelle - elle a envie d’en demander plus, qu’on la laisse fouiller dans le cerveau de la brune pour voir ce qu’elle y trouve sans qu’on ne lui dise rien ; elle se retient, se force : « Ca tombe bien, parce que c’est pas un passif qu’on cherche, c’est une motivation. » Tant pis pour leurs critères à eux, là-haut : quand c’est elle qui recrute, c’est sur sa propre grille qu’elle se base. « Les écoles, le fric, ici… » Elle hausse les épaules, les mains dans le vide, l’air de dire que ça relève du superflu, puis elle se penche en arrière dans sa chaise, et croise les bras, l'air de jauger la jeune femme sans réellement s’en cacher – elle la rend curieuse, mais aussi déconcertée ; Danaë semble tout ce qu’il y a de plus nue, sans aucune motivation à cacher ce qu’il y a de moins vendable, et c’est tant à ses propres antipodes que ça l’appelle. « Interrogez, alors. Je répondrai dans la mesure du raisonnable. » Et juste comme ça, elle observe les cartes se retourner et Danaë devenir l’interrogatrice, et elle la personne qui peut s'ouvrir sur son quotidien sans peur des représailles.

@Danaë Lescaut --

Elle la fait marrer, Danaë, au moins autant qu’elle ne l’agace déjà ; pourtant, Elena est le genre à se targuer de n’être jamais contrôlée par ses émotions, même dans les cas les plus extrêmes. C’est peut-être parce qu’elle se retrouve en la jeune femme d’une façon qui l’interpelle : Danaë est au moins aussi têtue, aussi bavarde et distraite qu’elle-même ; elle pue la confiance en elle à outrance et mise face à son miroir, Elena se rend compte d’à quel point elle peut déranger, froisser, fatiguer. Pour autant, c’est une bonne chose : qui ne provoque ni ne dérange ne reste jamais longtemps, ou pas des façons qui importent. Pour toute réponse à la concernée, alors, elle hausse les épaules : ni confirmation ni rejet de l’hypothèse, rien qu’un mur qui cherche à renvoyer à Danaë ses propres émotions. « J’en doute pas », ne peut-elle s’empêcher de répondre, pourtant, quand l’interrogée refait valoir sa motivation, désignant leurs positions comme preuve portée pour sa qualité. La Brésilienne ne cache pas son air amusé. Elle ne comprend que trop le besoin de gonfler le torse pour se faire voir et prendre au sérieux – et elle se rend compte du même coup qu’elle réplique exactement les mêmes schémas que ses anciens supérieurs, que toutes les personnes qui l’ont toisée sans lui donner de chance, avec une certaine curiosité mais dénuée de réel intérêt : celle qu’on porterait à un chien à trois pattes, entre le piteux et l’amusé. Sa propre dissonance lui saute suffisamment aux yeux pour l’arrêter, quelques secondes, et l’adoucir, quasi-immédiatement, dans son dédain de professionnelle face à une néophyte. Elle lui laisse la scène, alors : Danaë a toute latitude pour poser ses questions, s’imposer davantage.

« Y a des tests psychologiques, oui. Pour tous les services à peu près : c’est quasi-systématique, mais ça évalue plus la capacité à gérer le stress et les situations de crise que la personnalité en elle-même. » Sauf exceptions, évidemment : les traumatismes ou handicaps possibles sont généralement toujours éliminatoires, quand ils n’apparaissent pas durant le service. « Mais pas besoin d’un profil spécialement atypique, non. On cherche des compétences spécifiques comme dans tout boulot, et une tête solide sur des épaules. Le reste, ça se fait naturellement selon la progression et les souhaits de chacun. » Elle hésite à dire que c’est même plutôt l’inverse, qu’on tend à délaisser le particulier pour une standardisation et un systématisme qui étouffent parfois la créativité. « Entre nous, je crache pas sur les historiques qu’on met pas sur un CV. C’est ce que je préfère, sinon on tombe dans les mêmes schémas, les mêmes théories ultra-scolaires, et je trouve qu’on se fait chier. On n'est pas dans un domaine où on a ce luxe, c'est un coup à perdre tout contact avec la réalité des choses, et à ignorer l'empirique et les bonnes idées pour de l'académique pur. » Elle glisse un demi-sourire qui n’est pas complice autant que presque timide ; elle enchaîne, ne s’attarde jamais : « Je fais beaucoup de terrain, mais parce que j’en ai envie. » C’est volontairement vague, parce qu’elle ne tire pas grande fierté d’un je me suis portée volontaire pour partir en Arabie Saoudite, j’ai signé un testament et j’ai divorcé à mon retour parce que j’étais infoutue de rentrer chez moi : pas besoin de la dégoûter d’emblée. « Sachez que c’est pas le plus sympa non plus. Parfois, ça peut être du renseignement sur place, d’autres fois ça va être de la manipulation sur des populations. C’est pas toujours safe, ni glorieux, et c’est pas toujours posable sur un CV non plus. » Et elle se rend compte qu’elle tire un peu dans le noir, l’air de rien : l’invitée du jour veut un poste similaire, dans des grandes lignes extrêmement floues. Elle reprend, se penchant en avant sur la table qui les sépare : « Mais c’est quoi, votre idée du métier ? Et puis c’est quoi, les métiers qui vous intéressent, même ? »

@Danaë Lescaut --

Elle n'ose pas encore trop parler, Elena ; elle donne de la place à Danaë, elle essaie de la cibler un peu mieux pour voir où toucher, et ce qu'elle espère secrètement entendre – ça ne lui apprend rien, cela dit, parce que l'étudiante semble sincèrement curieuse, armée de l'envie de démolir les clichés et la Brésilienne se sent presque mal de lui en fournir d'autres. « Les séries romancent comme elles veulent : faut bien vendre le fait qu’il y ait des gens attachants avec leur personnalité qui prennent des décisions pour nous, ça rend sympa le fonctionnaire payé comme Crésus à colorier un carreau sur deux, et ça évite l’insurgence façon ACAB face aux grosses têtes qui prennent des décisions qu'on comprend pas. Ça nourrit la narrative, tu vois : c’est déjà un peu de la PSYOPS, mais médiatique et dirigée vers nous, donc on s'en rend pas compte. » Le manque de formalité lui échappe sans qu’elle ne s'en rende compte ; il y a une espèce de colère dans sa voix qui ne s'exprime qu’en lumière des années à se taire et agir pour l'armée, puis se taire et agir pour le pays, surtout sans jamais qu'on ne lui demande de discernement. « Mais ça bouge et ça fait réfléchir, vous serez pas déçue de ce point de vue-là. Tout bouge constamment, parfois trop, on a jamais deux fois la même affaire, le même suspect, les mêmes risques. Parce qu'il y en a, des risques, et ça fout moins d’adrénaline que de crises existentielles et de cheveux blancs, et c’est pas neutre, faut le prendre en compte. » Elle, par exemple, est à peu près certaine d'avoir grillé vingt ans d'espérance de vie dans sa carrière encore récente.

« C’est des sacrifices, aussi, pas mal. C’est surtout ça. » Avec un pauvre sourire, elle tapote ses tempes, comme pour souligner la présence de ses appareils auditifs – pas la peine de préciser que ce n'est pas une blessure de guerre, ça a au moins le mérite de montrer qu'on peut aussi perdre des choses tangibles et pas que des années de vie, du karma et de la santé mentale. Ses blessures, à Elena, elles ont guéri pour la plupart, c’est une entorse par-ci, une coupure par-là ; c’est pas Dorian et Jax qui auraient pu exploser, ou jamais rien de comparable même quand la mort n'était pas loin derrière. C’est du trauma religieux, oui ; c’est de la désillusion sur les institutions qui régissent le pays et sont censées vouloir le mieux pour celui-ci ; c'est la culpabilité éternelle d'avoir enrôlé des civils malgré eux en leur mettant un peu de fric sous le nez, ou la fausse certitude qu'on allait protéger leurs proches. C’est tout ça et plus encore mais c’est trop à dire, c’est trop embarrassant, c’est loin de son confort et les appareils auditifs, c’est là. C’est simple et ça appelle à des questions sur des aventures sympas plutôt que sur des blessures qui guériront jamais vraiment. Assurément, Danaë n'est pas prête : personne ne l'est jamais vraiment, quoi qu'on en dise. C'est toujours pire et plus pernicieux. « C'est accepter de bosser à toute heure et de pas rentrer chez soi le soir avec quelqu'un pour nous attendre, ou c’est accepter que ce quelqu'un finisse par partir. Et ça s'applique à toute la vie sociale, généralement. Puis c'est ne pas en parler, jamais, déjà parce que c'est interdit, mais surtout parce que de toute façon, personne y croit. Après, les congés sont super bien par contre, franchement ça, ça vaut le coup. »

Elle se rend compte qu’elle parle trop vite, que son regard fuit de gauche à droite et qu'il revêt la dureté qu'il est rare d’atteindre en elle. Elle se passe une main devant la bouche, comme pour se reprendre, s’autorise une demi seconde de respiration, puis se laisse s'ouvrir davantage : « J’suis dans une équipe d’une petite dizaine. Chacun a un peu son rôle, sa fonction, c’est crucial, d’avoir sa spécialité, faut vous pencher sur ça. À côté, faut savoir toucher à tout aussi. » C'est les mêmes tests psychos et physios qu’à l'armée, les mêmes exigences et l'incapacité de laisser passer des erreurs, aussi. « Je dresse des portraits selon les suspects, souvent, on me demande mon avis pour faire coller des mails ou lettres à des personnes. Je trempe dans le côté recherches en ligne, aussi, parce que c'était mon ancien boulot. Des fois je pars sur place pour influencer des locaux, ou alors je les laisse me guider. Ça peut être devenir pote avec le proche d'une cible, aussi, et partir trois mois sous couverture, et les perdre au début, au milieu ou à la fin. On peut pas toujours être d'accord avec les décisions du dessus, mais l'important c'est de les suivre, malgré tout, accepter que des mois de boulot soient foutus en l'air par un revirement de décision qu'on connaîtra jamais. » Elle déglutit ; elle la regarde bien, cette fois, l'étudiante, comme pour la narguer, la forcer à grimacer, à avouer que c’est pas pour elle, tout ça.

Tw :

@Danaë Lescaut --

C’est peut-être le fait qu’elle ne puisse jamais en parler, qu’enfin on s’intéresse à son job ; qu’elle n’ait pas à prétendre être une flique à la con avec des responsabilités à la con dans un tribunal de proximité à la con. Quoi que ce soit que fasse Danaë, ça marche : Sparrow s’ouvre un peu, fait des généralités sur son poste et ses missions, s’attarde plus que de mesure sur tous les points, positifs ou négatifs, qu’elle relève le plus. La gamine en face d'elle semble réceptive : c'est la première fois depuis le début de l'entretien qu’elle ne semble pas à deux doigts de l'interrompre, et ça, Elena le note. Elle le note quand elle fait attention, quand le silence sonne entre deux phrases et qu'il n'est pas immédiatement rempli, et un coup d'oeil lui suffit : ce n'est pas le dégoût, l'horreur ou la démotivation. Danaë a envie d'être à sa place – et tant pis pour les menaces de surdité, de divorce, et d'une forme de mort quasi-certaine.

L'étudiante a la courtoisie d'attendre la fin de son monologue pour la repêcher. « Et donc…? » Un sourcil se hausse, moins moqueur que sincèrement interloqué : 99% de la population fuiraient devant de telles perspectives, et Danaë est toujours là ; elle renchérit, même, se vend un peu plus, et Elena est prête à parier que s'il y avait à supplier, elle le ferait sans hésitation aucune. Elle revendique à nouveau un passif nébuleux qu’Elena ne lui demande pas de justifier ; ne fait montre que d’attaches superficielles et elle a raison : sur le papier, elle est idéale. Dans les faits, Elena a besoin de plus – d'un signe d'hésitation, au moins. « Non », répond-elle alors. Elle fait ça correctement : une minute de silence pour montrer qu'elle considère l'offre, parce que c’est véritable. « Mais pas un non définitif. Finissez votre licence, déjà. Ensuite, revenez nous voir, si ça vous intéresse toujours ; par Devon ou ici, vous connaissez le chemin maintenant. » Pas d'identité révélée, pas de numéro de téléphone donné – Elena ne fait pas ce genre de trucs, elle sait mieux que de se compromettre.

« Ensuite, ce sera la batterie de tests, et là, peut-être que vous rentrerez dans une cellule, peut-être que ça passera par moi, et peut-être que ce sera la mienne. Y a 8% de chances, à peu près. »

C'est même généreux : ils sont nombreux à rentrer par le relationnel et par des parents bien placés, certains en font des carrières familiales et nombreux politiciens préfèrent un neveu dans les services pour avoir des infos plus facilement. Elena, c’est la seule clé que Danaë ait – et la Brésilienne lui laisse entrevoir la possibilité de l'utiliser le moment voulu. « Et pour la prochaine fois », car elle n'a aucun doute qu'il y en aura une, « un historique officieux me suffira pas. J'aurai besoin de tous les détails. » Condition sine qua non pour la jeune femme : le fumeux ne l'intéresse pas et ne mesure rien face au sordide, et elle a besoin de savoir que Danaë y résistera. Si tel n'est pas le cas, elle s'arrangera pour lui apprendre. Ils ne manquent pas de cas pratiques à proposer – elle a l'imagination suffisamment affûtée pour ça. Elle se relève dans un soupir et s’époussette les genoux, pour la forme, regardant dans toute la pièce d'un air de conclusion peu intéressé – ne pas lui donner trop d’espoirs, sans la faire renoncer pour autant. La main sur la poignée, elle prend soin d’ajouter, comme une provocation : « Mais psy en milieu carcéral ou en établissement, ça paie bien, et c’est éprouvant, aussi. Réfléchissez-y. »

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Fin