Partir pour un voyage en Espagne et y retrouver la cousine qu'il avait perdue de vu depuis des années avait certainement été l'une de ses meilleurs décisions de ces derniers mois. En dépit des craintes que Mateo avait pu nourrir au sujet de ses relations familiales, il avait pu découvrir que la relation inexistante qu'il entretenait - ou n'entretenait pas, du coup - avec sa mère n'avait pas à servir d'exemple pour tous les liens qu'il avait avec les membres de sa famille. Ces dix jours avaient été pleins de sorties, de soleil, de plage, de cocktails et de shit et son séjour aurait pu être vraiment parfait s'il n'avait pas été gâché par un détail auquel Mateo s'était pourtant promis de ne jamais subir : l'absence d'une personne. Non pas qu'il avait espéré que Diego l'accompagne parce que ça n'aurait eu aucun sens, mais se faire ghoster complètement alors qu'ils avaient passé sa soirée d'anniversaire ensemble, ça, il ne l'avait certainement pas vu venir. Au delà de toutes les émotions qui se mélangeaient en lui alors qu'il se demandait pourquoi, Mateo ressentait surtout un profond agacement de se sentir aussi con d'attacher de l'importance à une personne qu'il ne connaissait finalement que depuis quelques mois. Après tout, Diego n'était personne à ses yeux : juste un gars qu'il avait embrassé une ou deux fois... non ? Depuis, le séjour espagnol s'était terminé et même s'il aurait voulu ne pas repenser au sentiment d'humiliation que ce vu lui avait procuré, il y avait été forcé à cause de la tentative de reprise de contacte de Diego. La conversation avait coupé court et depuis il mettait tout en œuvre pour se changer les idées : une tâche bien difficile quand une furie blonde liée de très prêt à toute cette histoire venait de faire une incursion non désirée dans sa journée. « Il y a plus de deux millions d’habitants à Brisbane et pourtant, t’apparais toujours quand je passe une bonne journée. Ca doit être un pouvoir magique. » « Trop bien, j'ai toujours voulu être un super héro. » Il avait répondu sans même froncer les sourcils pour éviter de laisser penser à Emery qu'elle pouvait avoir le moindre contrôle sur son humeur. Et c'est peut-être cette réaction qui avait laissé la jeune femme perplexe, ou peut-être bien qu'elle était munie d'un cerveau assez développé pour comprendre que sa façon de l'aborder n'en était définitivement pas une. « Mais t’as rien fait pour mériter une réaction aussi viscérale. Désolée. C’est peut-être l’occasion de faire les présentations officiellement ? » Il s'était souvenu qu'à l'époque, Diego lui avait dit qu'Emery buvait beaucoup : était elle complètement saoul pour agir de manière si inconsistante ? Il se chassait ces pensées de son esprit avant de risquer d'en laisser s'échapper une à voix haute. « Parce que t'as vraiment envie que j'me présente là ? » Avait-il demandé en haussant les épaules avant de se prêter au jeu. « Mateo, enchanté. » Il s'était donc présenté, littéralement. Le pire, c'est qu'il s'était vraiment trouvé drôle. Mais il n'avait pas le temps pour se perdre dans une telle comédie alors il le faisait remarquer à Emery. « Pardon hein, mais je sais pas trop ce que t'attends de moi là. » Si elle voulait qu'ils parlent, elle tombait bien mal et Mateo lui même ne saurait pas vraiment quoi lui répondre. Les choses risquaient encore de se compliquer.

En dehors du monde professionnel dans lequel il n'avait pas le choix de ravaler ses pensées et d'afficher un sourire de façade pour contenter ses supérieurs, Mateo n'était certainement pas le plus doué pour jouer l'hypocrite. Et très clairement, Emery était déjà catégorisée dans son esprit comme une personne avec laquelle il n'avait absolument pas envie de se lier. Diego lui avait raconté suffisamment de choses la concernant pour ça, et même si objectivement dans leur histoire de couple il était le coupable de tromperie, en réalité, Mateo estimait la situation bien plus complexe que ça. Rien qui ne lui donne envie de perdre du temps avec elle, donc. « C’est ce que je viens de proposer, oui… ? » Il avait fini par jouer le jeu non sans une grosse pointe de sarcasme qu'il n'avait même pas prit la peine de dissimuler. « Emery. » « Cool. » C'est là que leurs chemins auraient pu se séparer à nouveau mais il n'avait pas pu s'empêcher de lui demander ce qu'elle pouvait bien lui vouloir en réaliter. « Je sais pas non plus, très franchement. Mais t’as l’air d’être dans la vie de Diego, je le suis aussi. J’imagine que c’est mieux de crever l’abcès. » La démarche semblait honnête même si en réalité elle n'aurait sûrement plus de soucis à se faire, Mateo n'ayant pas décidé de recontacter Diego de si tôt. « Même si d’ici à ce qu’il sorte du placard, on est pas prêt de te voir aux repas de famille. » Difficile de dire si c'était son envie de protéger Diego qui venait de l'énerver à ce point ou si c'était juste le ton moqueur qu'Emery arborait, mais il n'avait clairement pas apprécié sa remarque. Il s'était empêché d'y répondre immédiatement pour autant, craignant de rendre la situation encore plus compliquée qu'elle ne l'était déjà. « Qu'est-ce qui te fais croire que je suis dans sa vie ou qu'on risquerait de se recroiser toi et moi ? » Après tout, Emery ne savait qu'une chose : que Diego et lui s'étaient croisés par hasard à la galerie d'art. Rien ne laissait présager que quoi que ce soit ne se passait entre eux. « On s'est vus par hasard à la galerie, c'est tout. Et même si on se voyait encore, clairement ça te regarde pas. » Il se justifiait trop pour que ce soit purement innocent et il s'en était rendu compte, alors Mateo avait décidé de laisser sa spontanéité prendre le relai, et tant pis pour la bienséance. « Ce perso là, c'est un genre que tu te donnes pour attirer l'attention ou t'es vraiment juste du genre à aimer cracher sur les gens qui t'entourent ? » Parce qu'en la voyant et avec la réflexion qu'elle avait faite, il ne pouvait que comprendre pourquoi Diego craignait à ce point là sa réaction de les avoir vus ensemble rien qu'un instant. « Non mais je me renseigne, vu qu'il paraît que c'est mieux de crever l'abcès. » Il avait parlé sans animosité aucune dans sa voix, mais était bien conscient qu'il allait irriter son interlocutrice.

Mateo était tendu et il savait qu'il était en plein dans un terrain plus que glissant avec Emery. Le moindre mot de travers et il pourrait risquer de causer du tort à Diego, et même s'il avait décidé de prendre ses distances avec lui parce qu'il avait agit comme un con en le laissant en vu, il n'avait aucune envie de le mettre en difficulté. Il ne méritait pas ça. « Tu sais qui je suis. Ça implique un minimum de discussion avec Diego. » Sans se laisser démonter il avait répondu directement. « Ouais c'est vrai il m'a parlé de toi. » Il avait volontairement laissé planer le doute un instant juste pour mieux lui couper l'herbe sous le pied ensuite. « En même temps vu la scène que t'as faite sur mon lieu de travail, je méritais bien deux trois explications sur qui t'étais je crois. » Ses explications étaient crédibles et cohérentes, même s'il n'avait pas pris le temps de les préparer au cas où ce genre de situation devait se présenter à lui. « Non, ça me regarde pas. Mais j’essaye d’apaiser les tensions, là, même si mon approche laisse à désirer. » Au moins elle était consciente d'agir comme une dingue. C'était déjà ça. « Ca dépend, j’ai attiré ton attention ? » Elle lui avait volé son attention en lui sautant dessus plus qu'il ne lui avait donnée, mais maintenant qu'ils en étaient là, autant aller au bout de cette conversation même si elle lui paraîssait creuse jusqu'ici. « J’imagine que je peux avoir l’air un peu bitchy sur les bords. Tu le portes sur ta tête aussi, c’est peut-être la moustache, je sais pas. » Sans réfléchir il avait pouffé, la remarque d'Emery l'ayant sincèrement fait rire. « Ca expliquerait pourquoi Diego t’aime bien. » « Ah ouais, c'est donc ça notre point commun. » Libre à elle d'interpréter ses propos pour savoir s'il parlait de leurs traits de caractère en commun ou de l'existence d'une moustache sur le visage de la blonde, bien qu'il regrettait déjà d'avoir pu le sous entendre quand elle était, mine de rien, une très jolie femme et qu'en plus de ça il n'était pas du genre à critiquer quelqu'un volontairement sur un trait physique. Mais le principal problème ne résidait pas là et il s'en était rendu compte après coup : sa réflexion pouvait laisser penser que oui, Diego l'aimait bien et que oui, il en était conscient. « J'sais pas s'il m'aime bien ou même ce qu'il pense de moi et je m'en fou. » C'était un mensonge mais au vu du contexte qui les liait lui et Diego, l'énervement qu'il ressentait à son égard lui permettait de rendre ses propos et son inintérêt pour lui crédibles. « J'trouve juste ça triste qu'après tout ce temps t'aies pas réussi à passer à autre chose. » Et ça, pour le coup, ce n'était que la vérité. Assez d'années étaient passées pour que Mateo ait même eu le temps d'oublier cet évènement, alors il lui était difficile d'imaginer qu'Emery soit rancunière au point de réagir aussi violemment encore aujourd'hui. « Parce que ouais, je sais pourquoi tu m'aimes pas. Il m'a expliqué la situation quand il m'a dit qui t'étais et pourquoi t'avais pété un plomb. » Encore une fois c'était crédible. Pour autant, il s'était donné pour mission d'inscrire dans la tête de la blonde que toute cette histoire n'avait pas lieu de faire parler à ce point, pour protéger Diego comme il le pouvait. « Mais rassure-toi, on risque pas de se recroiser toi et moi. J'ai pas prévu de revoir Diego. De toute façon c'est pas mon genre. » Qu'il avait lancé sans réfléchir mais en se détestant d'avoir pu prononcer de tels mots à l'instant où il avait réalisé ce qu'il venait de dire.

Mateo ne comprenait toujours pas exactement où Emery voulait en venir avec cette conversation. Il aurait largement pu s'en passer et il ne pouvait pas s'empêcher de se dire qu'elle aussi aurait dû. Elle aurait dû avoir la décence de ne pas venir lui chercher des poux de cette façon alors qu'ils ne se connaissaient pas. Elle aurait dû avoir le temps, depuis toutes ces années, de digérer les faits. Il n'appréciait pas tellement sa façon de gérer les choses et pourtant, une part de lui savait qu'il n'avait jamais été dans la position de la blonde et qu'il ne pouvait en l'occurrence pas savoir comment il aurait réagit puisque ces derniers temps, ses propres comportements le surprenaient parfois. « J’ai pas fait une scène. J’ai à peine haussé la voix. » Le ton était levé, l'émotion était là, la sortie de la salle en mode dramatique aussi. Pour lui, c'était bien la définition d'une scène et si Emery était capable de faire pire en public, il était bien content de ne pas y avoir assisté. « J'espère jamais assister à une de tes scènes alors, si ça c'en était pas une. » Le scandale aurait été gênant pour tout le monde bien évidemment, mais pour Mateo, qui était sur son lieu de travail, encore plus. Venir le piquer pour essayer d'avoir des informations était visiblement la stratégie que la blonde avait appliquée, et s'il essayait de rester neutre, il ne pouvait s'empêcher de la piquer à son tour. « Il doit avoir un type. » Cette fois il avait ri avant d'essayer de semer le doute dans son esprit. « Mhmh. » Rien ne semblait réussir à désintéresser Emery de sa personne alors il tentait de l'attaquer un peu plus. « Y a pas de deadline à la trahison. Disons juste que j’ai été… surprise de te revoir. » « Tu sauras que quand on se pointe sur le lieu de travail de quelqu'un, ouais, en général on le voit. » Il savait pertinemment qu'Emery n'avait aucune idée qu'il travaillait à la galerie lorsqu'elle s'y était rendue, tout comme Diego l'ignorait, tout comme toute sa famille ignorait même qui était Mateo. Mais il s'était donné pour mission de minimiser les choses, de ridiculiser la réaction excessive d'Emery, de faire tout ce qui était en son pouvoir pour lui faire comprendre que leurs retrouvailles n'étaient qu'un hasard. Que ces retrouvailles les aient menés, Diego et lui, à se rapprocher et à créer un certain lien, elle n'avait certainement pas besoin de le savoir. Et de toute façon, ce lien était rompu maintenant. « Ah. Dommage pour lui j’imagine, parce que t’avais l’air d’être son genre. » La curiosité de Mateo était piquée même s'il ne le laissait pas transparaitre : il se demandait pourquoi Emery insistait à ce point sur ce fait. Avait-elle entendu quelque chose de la part de Diego, ou se fiait elle uniquement à leur échange, qu'elle avait aperçu à la galerie ? Non, bien évidemment, elle devait certainement parler de cette nuit là, où elle les avait surpris en train de s'embrasser. « Entre toi et la jolie blonde qu'il avait à son bras au mariage où on s'est croisés, je dirais qu'il me manque au moins une perruque et une paire de seins pour être de son genre. » Il ne dévoilait aucune info qui n'avait pas déjà due arriver à son oreille puisqu'il avait parlé de leur rencontre au mariage à Cesar, à la galerie. Et entre le fait de convaincre Emery que Diego n'était pas son style et que lui même avait un penchant uniquement pour les jolies blondes, il espérait réussir à se sortir de ce piège. Oui, Cece n'était pas sa petite-amie mais comme argument, elle ferait l'affaire aujourd'hui.