ain't youth meant to be beautiful?
@Megan Williams (crédit gif/sidearthgifs)

"Ouais, je vois. C’est une putain de pleureuse." Jo restait Jo. Elle ouvrit les yeux en grand, s’apercevant que, dans les circonstances actuelles, faire preuve de rudesse n’était peut-être pas la meilleure chose à faire. Sauf que ça devait avoir quelque chose de réconfortant, non, de constater qu’elle restait relativement la même malgré les circonstances ? Sur un ton d’excuse, même si en l’occurence, elle disait juste les choses comme ça parce qu’elle parlait de cette façon-là, aussi malpolie qu’elle était spontanée, pas parce qu’elle émettait un quelconque jugement sur la sensibilité du jeune homme qu’elle apprenait à apprécier, surtout ces derniers temps, elle ajouta "Il m’en voudra pas de le dire comme ça. On est copains maintenant, on se fait des confidences, c’est bon." Bon, c’était un peu exagéré, mais tout faire pour adoucir la peine de Megan qui, au milieu de sa tristesse, serait peut-être bien contente de s’apercevoir qu’enfin, Josephine consentait à accorder du crédit à son chéri. Elle pressa ses lèvres l’une contre l’autre, inclina la tête en retrouvant une mine beaucoup plus sérieuse, le souci creusant des marques sous le maquillage qu’elle portait, ses sourcils se rapprochant l’un de l’autre pendant qu’elle réfléchissait ; jusqu’à trouver une réponse rationnelle à accorder à la blonde qui ne lui faisait pas pitié, non, mais qui lui brisait le coeur parce que merde, tout ce qu’elle subissait, Jo pensait sincèrement que ce n’était pas mérité "Il sera abattu, je vais pas essayer de te convaincre du contraire, mais il le sera comme toi tu l’es, et vous trouverez la force de vous réconforter l’un et l’autre parce que vous serez les seuls à pouvoir comprendre ce que ça fait vraiment. Ça durera qu’un temps, et ça vous rapprochera." Elle ne l’incitait pas à voir le bon côté des choses, loin de là. Jo n’était pas pro des discours pré-mâchés qu’on voyait dans les spots de pubs préventifs, ou ce genre de conneries qui lui donnait envie de s’éclater la tête contre un mur, mais elle savait ce que ça faisait de vivre des épreuves seule, et ce qu’elle constatait en étant témoin de la vie de Megan et Damon, c’était qu’ils étaient loin d’être seuls ; ils étaient ensemble déjà, et c’était ça le plus important.

Elle voulait offrir un peu de dignité à Megan, mais elle la retint pour lui faire une annonce à laquelle elle ne s’attendait pas. Ça la fit mentionner Charlie, ce secret qu’elles partageaient toutes les deux. Elle ne savait pas si ça la blessait vraiment de constater qu’elles en avaient en commun, ou si c’était juste le cumul de tout ce qui se passait autour d’elle qui la poussait à le prendre plus à coeur qu’elle ne l’aurait fait d’ordinaire, aussi elle décida de ne pas en faire tout un plat malgré le pincement qui lui vrilla les côtes. Megan lui soutint que ce n’était pas ce qu’elle avait voulu dire, rejetant sa proposition d’appeler quelqu’un de plus capable d’elle de prendre soin d’elle le temps que Damon fasse la route, et elle lui dit de son côté, secouant la tête tout comme Megan à ce moment-là, devenant son miroir sans même s’en rendre compte pendant qu’elle lui assurait, souhaitant rapidement tourner la page de ça pour ne pas laisser s’installer plus confortablement ce qu’elle ressentait "C’est pas grave." Qu’elle pense ou pas que Charlie aurait été le meilleur choix à faire si elle avait été encore là ; Jo, elle, le pensait, mais elle ne comptait pas insister, et c’est bien pour ça qu’elle tacha de reprendre son chemin pour aller secouer les puces aux infirmières de garde histoire d’obtenir un peu d’eau chaude, au moins.

Mais à nouveau, Megan l’arrêta. Jo fit demi-tour pour la regarder, remarqua la larme qui coulait sur son visage, et sentit les siennes se coincer dans sa gorge au fur et à mesure qu’elle prenait sens de ce qu’elle lui disait. Elle eut un très gros soupir, lourd et bruyant, mais pas annonciateur de quoi que ce soit d’autre que son abattement, ses yeux se fermant lorsque, lâchant enfin l’affaire, elle se dirigea sans plus aucune hésitation vers le lit de Megan "Meg…" commença-t-elle, s’asseyant près d’elle sans se soucier du reste ; du sang, de la proximité. Elle la tint par les épaules et posa sa joue sur le sommet de son crâne en prenant de nouveau le temps de penser à une réponse construite, qu’elle saurait lui donner sans craquer de son côté — parce qu’elle n’avait pas à le faire, ce n’était pas son putain de drame, encore une fois. Elle finit par lui dire, presque en murmurant "Ce que je crois, c’est que ces dernières semaines ont été affreuses pour toi, et que dans ces conditions là, ton corps était juste pas prêt à en subir davantage." Elle lui dit un peu plus bas encore "Il faut que tu te reposes." Et puis elle la serra un peu plus fort en replaçant un peu mieux sa joue sur le sommet de son crâne, prenant un temps de réflexion supplémentaire pour  ajouter après quelques secondes "C’est pas un signe de l’univers, c’est encore moins un moyen de te faire payer quoi que ce soit, c’est juste comme ça, ça arrive parfois." Rapidement, elle lui dit en relevant la tête pour pouvoir la regarder ; et c’est ce qu’elle fit, replaçant une mèche de cheveux blonds en arrière pour éviter qu’elle ne se colle à ses larmes "Je veux pas te faire de peine, d’accord ? Je veux pas que tu penses que je minimise ce qui est en train de t’arriver, c’est pas ce que je suis en train de faire. Je veux juste que tu penses pas, même pas pendant une putain de fraction de seconde que c’est de ta faute et que tu le mérites, parce que c’est l’est pas, et tu le mérites pas, tu m’as bien comprise ?" Tout comme ce n’était pas de sa faute si Charlie était morte d’ailleurs, mais ça, elle ne réussit pas à le verbaliser, sentant ses cordes vocales souffrir de l’émotion qu’elle faisait tout pour refouler pas seulement dans la présente, mais depuis des semaines, et qu’elle ravala en retrouvant sa position initiale, sa joue au sommet du crâne de Megan qu’elle ne lâcha pas.

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Megan Williams & @Jo Carter ☆ crédit/ssoveiagifs

« Ouais, je vois. C’est une putain de pleureuse. » Si j’étais une autre, ces paroles violentes me choqueraient. C’est leur aspect incongru qui me laisse d’ailleurs surprise une seconde ou deux avant que je laisse échapper un léger rire. Bien sûr, il n’est pas joyeux, cristallin et solaire. Il est teinté d’une nervosité palpable et d’un quelque chose qui tient du désespoir. Mais quoi qu’il en soit, elle a réussi l’exploit de m’arracher à ma détresse et mon choc quelques secondes et, rien que moi ça, chapeau bas. « Jo ! » Elle est un peu surjouée, mon indignation. Mais je fais ce que je peux étant données les circonstances, c’est promis. « Il m’en voudra pas de le dire comme ça. On est copains maintenant, on se fait des confidences, c’est bon. » Je lève mes sourcils en fronçant les yeux. « Depuis quand ? » Si c’est vrai et si elle ne me mène pas en bateau, Damon ne m’en a rien dit. Il n’y a rien de surprenant à ça, quand on connait les circonstances des dites confidences. Damon est un garçon discret et délicat. « Il sera abattu, je vais pas essayer de te convaincre du contraire, mais il le sera comme toi tu l’es, et vous trouverez la force de vous réconforter l’un et l’autre parce que vous serez les seuls à pouvoir comprendre ce que ça fait vraiment. Ça durera qu’un temps, et ça vous rapprochera. » La réalité reprend bien vite ses droits. Je n’ai de toute façon pas oublié où nous étions, pourquoi nous y étions et pourquoi Damon s’invitait dans la conversation. « J’ai juste peur que… » J’ai du mal à le formuler, l’aveu que je n’ai pas osé faire tout de suite. « Qu’il ne voit pas ça comme un drame. » Alors que moi si : le sous-entendu est plutôt limpide.

Elle balaye l’amertume que j’ai surprise à s’inviter sur son visage d’un c’est pas grave que je ne suis pas en état de remettre en question. On me dit trop égoïste, trop égocentrée en tout cas. Mais aujourd’hui, n’ai-je pas le droit de ne pas voir plus loin que le bout de mon nez ? N’est-ce pas normal que, ce nouveau drame, je l’interprète comme une attaque dirigée de la part du sort ? N’est-ce pas naturel que je sois au centre de mon propre univers au point de m’imaginer victime d’une revanche du destin, d’un violent retour de karma pour ce premier embryon que j’ai fait disparaître d’une part, et pour mon traitement sévère de Charlie de l’autre ? « Meg… » Jo revient vers moi en quelques pas seulement et se hisse sur le matelas du brancard des urgences. Qu’elle m’enlace et qu’elle pose sa joue au sommet de mon crâne me fait du bien. Je réalise qu’avant toute parole rassurante, j’ai cruellement besoin de chaleur humaine. « Ce que je crois, c’est que ces dernières semaines ont été affreuses pour toi, et que dans ces conditions-là, ton corps était juste pas prêt à en subir davantage. » Ces mots rationnels, je les ai pensés avant qu’elle ne me les adresse. Sauf que pour l’instant, j’ai du mal à retrouver mon esprit cartésien ; les drames se sont juste enchaîné trop vite et trop fort pour que j’arrive à les gérer sans dérailler de ci et de là. « Il faut que tu te reposes. » C’était supposé être une belle journée. Une journée un peu moins laide que les précédente, du moins. Nous devions nous balader et faire les boutiques comme quand Charlie était encore avec nous. « Je veux pas te faire de peine, d’accord ? Je veux pas que tu penses que je minimise ce qui est en train de t’arriver, c’est pas ce que je suis en train de faire. Je veux juste que tu penses pas, même pas pendant une putain de fraction de seconde que c’est de ta faute et que tu le mérites, parce que c’est l’est pas, et tu le mérites pas, tu m’as bien comprise ? » Doucement, je hoche la tête. Je l’entends, je comprends les mots et sa phrase, mais il faudra qu’on me le répète plusieurs fois avant que je ne l’accepte et l’intègre, avant que je ne me libère de la culpabilité que je ressens parce que les drames se sont succédés les uns après les autres. « C’était censé aller bien maintenant. J’avais Damon, enfin pour de vrai, on a acheté une maison. » J’allais bien. J’étais plus heureuse que je ne l’avais jamais été. « C’était censé aller bien. » Après des années d’errance, j’avais enfin la sensation d’avoir trouvé ma place. Et je l’ai trouvé : il me faudra simplement les bras de mon mari, l’eau chaude de la baignoire et les promesses d’un demain à nouveau heureux pour que je ne cesse d’avoir peur que tout soit en train de s’effondrer.

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@Megan Williams (crédit gif/sidearthgifs)

La fausse indignation de Megan fût une parenthèse qui se referma bien vite, Jo haussant les épaules en ne s’excusant pas de verbaliser les choses à sa manière malgré ce qui était en train de se passer, et qui ne prêtait évidemment pas à l’ironie, encore moins à la malice. Pas même à la confidence, celles qu’elle avait faites à Damon le soir de la mort de Charlie n’ayant vocation qu’à rester entre eux, et uniquement entre eux. On pourrait y voir une sorte de petite vengeance compte tenu que Megan et Charlie faisaient de messes basses quand elle avait le dos tourné, mais ce n’était pas ça, loin d’elle cette idée-là. Elle n’avait juste pas envie d’imposer ses états d’âme à des gens qui l’appréciaient au bas mots, ne tenant pas à les alarmer d’une manière ou d’une autre si elle se mettait à leur avouer tout ce qui lui passait par la tête depuis quelques semaines. Damon n’était pas dans cette catégorie là — de ceux qui l’appréciaient, au moins —, il ne faisait que supporter sa présence parce qu’elle était l’amie de sa femme, ça le plaçait dans une position de neutralité certaine malgré tout, et curieusement, ça donnait envie à Jo de lui faire confiance. Du reste, elle n’avait pas envie d’en dire plus à Megan qui le lui en demandait pourtant, et joua le mystère en haussant tout juste les épaules. Elle ferait ce qu’elle voudrait de ça, ça n’avait pas la moindre importance de toute façon. Ce qui en avait, c’était le reste des choses qu’elle lui disait, et que Jo écouta attentivement, les sourcils froncés "T’as peur qu’il voit pas ça comme un drame parce que quoi, il veut pas d’enfant ?" La question était peut-être abrupte, il n’y avait pas de façon plus subtile de la lui poser cependant. Jo n’attendait pas sa réponse, elle fit claquer sa langue contre son palais, sa tête remuant dans un signe de dénégation qui fit finalement marquer à ses lèvres un sourire inversé, pas sûre de ce que Megan était en train de lui dire "Qu’il en veuille ou pas, il t’aime trop pour pas voir ça comme un drame. Il veut pas que tu souffres." Et là, il suffisait de poser son regard sur elle pour constater qu’elle ne faisait que ça, souffrir.

Ça allait le rendre malade, tout comme ça rendait Jo malade de penser que Megan puisse prendre ce qui était en train de lui arriver comme une punition, une attaque dirigée contre elle à cause des choix qu’elle avait faits, des erreurs qu’elle avait commises. Jo ne mangeait pas de ce pain-là, elle ne voulait pas laisser cette idée s’installer durablement dans son esprit,  c’était insupportable à ses yeux, quand bien même c’était légitime qu’elle ne fasse que l’effleurer. Les dernières semaines avaient été horribles pour Megan, il ne fallait pas avoir fait médecine pour tomber sur la logique que sa fausse-couche était une répercussion cruelle du choc qu’elle avait accusé en apprenant la mort de Charlie. La gorge serrée, Jo ne la lâcha pas, et confrontée de nouveau aux larmes de la jeune femme, abandonna soudainement l’idée d’aller houspiller les infirmières pour qu’elle puisse se nettoyer. A la place, elle resta à ses côtés, remonta le drap du brancard sur elle pour dissimuler le sang à leurs yeux, comme aux yeux de ceux qui rentreraient la consulter bientôt, en l’invitant à mieux s’installer contre son épaule pour qu’elle puisse y reposer sa tête, et tenter au moins de se calmer. Elle ne dormirait surement pas, mais elle pouvait lui accorder la faveur de ne pas l’abandonner à son sort le temps qu’elle retrouve les bras de celui qui la réconforterait bien mieux qu’elle ne le ferait jamais. Elle essayait pourtant, de tout son coeur, sa main glissant dans la sienne pour s’y accrocher, et sa voix lui murmurant au travers des mots qu’elle lui adressait en ne cessant pas de pleurer "Ça va aller, il faut que tu reposes maintenant." lui répéta-t-elle en attendant qu’elle pose sa tête sur contre épaule pour qu’elle, elle puisse poser sa main contre son visage et flatter sa peau d’une caresse répétitive du bout du pouce, sa joue retrouvant le sommet de son crâne. Jo lui rappela sans discontinuer, et sans cesser de murmurer malgré la difficulté qu’elle-même ressentait à parler, sa gorge de plus en plus serrée "Je reste là, avec toi. Je te lâche pas." Et comme elle l’avait toujours fait, à l’exception du jour des funérailles de Charlie, elle respecta sa promesse jusqu’à ce qu’elle soit certaine que Damon soit bel et bien arrivé.

rp terminé.