the sky turned black like a perfect storm

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Fait assez rare: Ruben s’était mis à hurler des obscénités une fois qu’il s’était installé derrière le volant de sa voiture. Il ne le faisait jamais, ou vraiment très rarement, mais aujourd’hui à la vue des circonstances cela lui semblait être presque une bonne idée - en tous cas, elle ne pouvait pas être pire que toutes les autres qu’il avait pu avoir jusque aujourd’hui, alors il laissa une chance à cette dernière. A défaut de régler ses problèmes, cela lui permit au moins de remettre un peu d’ordre dans ses pensées et ses ressentis; juste assez pour établira un plan pour les prochaines actions à mener. Il se devait de partir de la côte et de retourner en ville, mais il n’était pas question à ses yeux de rester chez eux ce soir. Il ne savait pas ce que Nina comptait faire, puisqu’elle avait refusé qu’il reste auprès d’elle et qu’ils n’avaient donc pas du discuter de tout ça; ce qu’il savait en revanche c’était qu’il ne resterait pas dans ses pattes et qu’il n’avait pas intérêt à rester à un endroit où elle pourrait indiquer sa position à qui que ce soit. Il en arriva rapidement à la conclusion qu'il ne resterait donc pas chez eux ce soir, au moins, pour laisser le temps à la tempêter de passer et de souffler un bon coup. La liste des endroits où il pourrait se rendre se voyait être amputée de quelques membres, mais il en arriva rapidement à une évidence qui l’aurait fait sourire dans d’autres circonstances; dans la foulée, il démarra la voiture et se mit en chemin pour Brisbane.

Repasser chez lui ne prit qu’une poignée de minutes: il déposa leurs valises dans la chambre, attrapa seulement quelques affaires à lui qu’il jeta dans un autre sac, remplit les gamelles pour les chats qui ne semblaient pas comprendre pourquoi il passait en courant d’air et qui, dans un même temps, semblaient le regarder avec un certain dédain dans leurs yeux - comme s’ils savaient -, avant de redescendre à sa voiture. Dans cet intervalle, il n’avait toujours pas eu le moindre retour de la part de Nina, et c’était là quelque-chose qui ne lui plaisait pas. Il hésita à envoyer un message non pas à la blonde mais à la personne chez qui il se rendait, mais se dit que ce n’était pas nécessaire: cela ne ferait que lui mettre des bâtons dans les roues. Alors, jetant son sac sur le siège arrière, il se mit une nouvelle fois en chemin.

Il resta surement près d’une minute devant la porte avant d’appuyer son doigt sur la sonnette de l’interphone. Il y avait de fortes chances qu’il se fasse envoyer paitre, mais c’était là une solution qu’il se devait de tenter; certes, les choses entre Scarlett et lui n’étaient pas spécialement au beau fixe ces dernières semaines, mais ce n’était en rien autant catastrophique que cela pouvait l’être avec d’autres personnes de son entourage proches. En tous cas, de son point de vue. Et surtout, surtout l’élément le plus important: ils avaient des différents qui n’étaient pas liés à ses activités extra-conjugales, et présentement c’était exactement ce dont il avait besoin. Alors, relevant son regard vers l’endroit où se trouvait la caméra sur l’interphone, il soupira quelque peu. « C’est pas pour toi que je viens, c’est pour moi. S’il te plait Scar, ouvre moi. J’ai… besoin de toi. » Et bien sur que cela lui coutait d’avouer à haute voix que c’était le cas - mais il allait forcément devoir de nouveau abaisser quelques barrières face à elle s’il voulait qu’elle lui ouvre littéralement la porte et qu’il ne soit pas à la rue ce soir - ou pire: dans un endroit où d’autres pourraient ne pas être contents de le trouver, qu’importait le point de vue ou la raison. Et puis, il n’y aurait pas véritablement de surprise chez Scarlett, puisqu’elle était déjà au courant qu’il fautait; c’était au moins cette confession là en moins à faire de nouveau pour aujourd’hui.

C’est une journée calme, d’après les standards de Scarlett : seulement quatre urgences à gérer au taf, le temps d’aller surfer ce matin, dans l’océan calme et d’un bleu roi profond, un passage chez le coiffeur pour retoucher les racines de ses nouveaux cheveux rouges, puis arroser les plantes de sa cour intérieure et gérer l’organisation de sa vie sociale pour les semaines à venir. Scarlett aime les plannings, et vu la vitesse à laquelle se remplit son agenda, elle doit toujours prévoir quelques semaines à l’avance qui l’attend. Plutôt solitaire, elle a pourtant une myriade d'engagements professionnels qui l’amène à des dîners, tapis rouges, cérémonies, cocktails. Elle  s’impose au passage des dîners et verres avec d’autres gens de son milieu professionnel, avec qui elle est en bons termes, pour avoir un semblant de cercle social - pour le relationner, parce qu’elle sait que c’est important d’avoir un semblant de vie sociale pour avoir un équilibre. Aucune de ces personnes ne pourrait vraiment compter comme des amis, et cela lui convient parfaitement. De ce côté-là, une seule personne de son entourage a revendiqué le titre, et elle ne lui a pas parlé depuis des semaines - un choix de sa part à elle, et non l’inverse. Elle se doute fortement que si elle contacte Ruben, il proposera un déjeuner immédiatement, avec son sourire préoccupé et son regard plein de bonne intention. Merci, mais non merci. Elle se sent bien mieux loin de ça.

Elle se force à dormir plus, à boire moins de café, à manger bien équilibré, attendant que son organisme finisse par se calmer et se rétablir, qu’elle arrête d’avoir ce qu’elle appelle maintenant ses “épisodes” - ne pas reconnaître sa maison, ses mains, son reflet, les flashs qui secouent son esprit de façon aléatoire, des souvenirs de sa mère, de l’appartement londonien mal isolé. La semaine dernière, tellement concentrée dans son travail, elle a oublié de déjeuner, jusqu’à qu’un grognement de son estomac la réveille. Ce n’est pas la première fois que cela lui arrive, et pourtant, cette fois-ci, au lieu de simplement se lever pour aller manger, elle a eu une image mentale, elle, adolescente, qui va se coucher avec le ventre vide, parce que les placards sont vides et que sa mère plane sur le canapé. Pendant quelques minutes, Scarlett a fixé l’écran de son ordinateur, le regard vitreux, plus tout à fait à Brisbane, prise dans la toile d’araignée de sa propre mémoire. Habituellement, elle sait toujours mettre de la distance. Plus maintenant. Pourquoi ?

(Sûrement pas à cause de ce que Ruben lui a suggéré, non.)

Enfoncée confortablement dans son canapé, une théière de thé fumante sur la table basse, elle a le nez plongé dans une collection d’essai de Joan Didion quand l’interphone sonne. Elle relève la tête, surprise - elle n’attend personne, aucune livraison. Elle s’approche, regarde la petite vidéo pixelisée qui lui montre la silhouette de Ruben. Elle se fige et s’imagine automatiquement prétendre qu’elle n’est pas chez elle. Mais la phrase qu’il prononce change la donne.

« C’est pas pour toi que je viens, c’est pour moi. S’il te plait Scar, ouvre moi. J’ai… besoin de toi. » Elle connaît maintenant Ruben depuis des années, et elle ne l’a jamais entendu dire une chose pareille. Elle fronce les sourcils, et appuie sur le bouton qui ouvre le portail et ouvre sa porte d’entrée. Elle observe Ruben qui remonte l’allée ombragée où est garée la Tesla, un gros sac sous le bras, et un air dépité sur ses traits. Scarlett s’appuie dans le cadre de la porte, les bras croisés, le regard plissé. Lorsque Ruben arrive à sa hauteur, elle regarde son visage, puis son sac. Elle est assez observatrice et fûtée pour deviner très vite ce qui se trame. « Hm. Un dégât des eaux chez toi, ou Nina qui a fini par faire 2+2 ? »


@Ruben Hartfield    

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Les quelque instants qui séparèrent le moment où il avoua qu’il avait besoin d’elle et de son aide, de celui où il entendit la porte se déverrouiller furent longs; pas plus de quelques secondes mais il les ressentit comme s’il s’était écoulé des minutes entières - parce-qu’il n’était que si peu dramatique quand il s’y mettait. Mais ce fut bien sur avec un soupir de soulagement que Ruben accueillit cette action comme un premier drapeau blanc au moins entre eux.

Bien sur que ce fut d’un pas lourd qu’il remonta l’allée, trainant presque des pieds comme un enfant qui savait d’avance qu’il allait se faire remonter les bretelles, avant de se pointer devant la jeune femme. Oh, il aurait pu parier qu’elle ne mettrait pas plus d’une douzaine de secondes à comprendre ce qui le poussait à arriver de la sorte sur le pas de sa porte - il aurait gagné son pari pour une fois. « Hm. Un dégât des eaux chez toi, ou Nina qui a fini par faire 2+2 ? » L’expression si un regard pouvait tuer était on ne pouvait plus adaptée à Ruben en cet instant, dont le regard s’était assombri d’une teinte ou deux alors qu’il plongeait dans celui de Scarlett. Si elle en riait d’avance, ce n’était pas là un sujet qui lui le faisait sourire, encore moins rire alors qu’il tentait encore de procéder à l’intégration des éléments qui devenaient désormais sa réalité. « C’est pas marrant. » S’il n’était pas aussi poli et qu’il n’existait pas qu’une seule personne sur cette terre capable de lui faire dépasser les bornes - c’était Rhett, en rien Scarlett, il n’y avait donc pas de doute ou d’appréhension à avoir ici -, il lui aurait dit d’une façon en rien polie de se taire; c’était ce que son regard transmettait comme message à sa place. Mais il était bien élevé le petit, et ce n’était pas dans ses habitudes ni dans son vocabulaire alors il se contenta de serrer les mâchoires un brin davantage.

« Tu me fais rentrer au moins ? » Il haussa un sourcil; il n’appréciait que peu rester sur le pas de la porte. « Après je vais te soutirer une place pour dormir ce soir, mais je sais que tu vas me demander ce qu’il s’est passé d’abord et j’ai pas envie de faire ça ici. » Dans les courants d’air, dans un entre-deux qu’il allait pourtant côtoyer bien plus que de raison les semaines à venir, alors que tout n’importe quel curieux pourrait être dans le coin - comme si quelqu’un cherchait réellement à être curieux de la vie du docteur Hartfield. « S’il te plait Scar. » Qu’il ajouta d’un ton un peu plus doux, davantage pour l’appâter et la faire céder. Dans l’esprit de Ben, si elle ne le laissait pas entrer ce soir, sa dernière solution viable c’était de trouver une chambre d’hôtel, parce-que les autres endroits n’étaient pas envisageables. Le seul soucis, c’était qu’il n’avait pas envie d’être seul - il ne savait pas être seul -, alors chez elle semblait être la seule solution viable, oui.

Le regard de Ruben s’assombrit immédiatement, et Scarlett lève un sourcil. Elle a peut-être ouverte sa porte, mais elle ne va pas prendre Ruben dans ses bras pour qu’il pleure sur son épaule - c’est un grand garçon qui connaissait les risques et a joué, puis perdu. « C’est pas marrant. » Il a la voix d’un petit enfant capricieux qui a perdu à son jeu préféré, et Scarlett a un mouvement de la tête. « Pour elle non plus, je suppose », elle réplique, sans sourire aux lèvres. Elle s’attend à ce que Ruben se comporte comme un adulte, même si elle devine à sa mine déconfite qu’il est trop pris dans la tornade de ses émotions. Elle devine rapidement qu’il n’a pas choisi de confesser à Nina, non, il a la tête de celui qui s’est pris les pieds dans le tapis, fait rare pour le Dr Hartfield qui est à peu près aussi rodé dans sa vie que l’est Scarlett. Mais la machine ne peut se gripper que par surprise.

« Tu me fais rentrer au moins ? » Elle songe presque à faire mine d’hésiter, mais malgré leur dernière dispute, elle ne pourrait pas le laisser sur le pas de la porte comme un malpropre, même si la phrase qu’il prononce par la suite la surprend. « Après je vais te soutirer une place pour dormir ce soir, mais je sais que tu vas me demander ce qu’il s’est passé d’abord et j’ai pas envie de faire ça ici. » Elle a un petit mouvement de la tête, surprise. Pendant un instant, elle se demande si Ruben n’a pas fait le tour des chambres d’amis ces dernières semaines sans qu’elle soit au courant - puisqu’elle l’évitait - mais son attitude le trahit : l’explosion a eu lieu récemment, probablement aujourd’hui. « De tout ton carnet d’adresses et des hôtels de Brisbane, c’est ici que tu veux atterrir ? » Elle demande, sincèrement un peu prise de court. Pourtant, elle ne referme pas la porte, ne cherche pas une excuse. « S’il te plait Scar. » Elle s’écarte et fait signe à Ben de rentrer, fermant la porte derrière lui.

Ce n’est pas la première fois qu’il vient chez elle, même si ce n’est pas forcément habituel : pudique au possible, Scarlett ramène peu de gens dans son antre. Même les coups d’un soir, elle préfère les amener dans des hôtels, pour être sûre de pouvoir partir le matin sans problème. Elle fait un signe vers le canapé pour que Ruben s’y installe - ou s’y affale dramatiquement, selon son humeur - et elle se tient debout face à lui, pointe la théière encore fumante. « Je vais te chercher une tasse, ou tu veux un verre d’autre chose ? » Elle lui demande, bonne hôtesse malgré tout. « Vu ta tête, je suppose que ce n’est pas toi qui a initié la confession, alors tu veux peut-être un remontant », elle propose, parce qu’elle a un cabinet d’alcool de précision, souvent des bouteilles qu’on lui offre et qu’elle ne touche jamais, peu intéressée par boire.


@Ruben Hartfield    

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« Pour elle non plus, je suppose » A cette affirmation là, il grogna quelque peu dans sa moustache inexistante; ce n’était pas qu’il n’était pas d’accord avec elle - il l’était au plus haut point, que les choses soient claires pour tout le monde -, mais s’il venait ici c’était aussi parce-qu’il savait qu’elle était supposée être de son côté. Alors se moquer un peu, passons, d’accord; changer de camp ? Il allait grogner plus d’une fois, c’était sur. « J’ai pas dit le contraire. » A défaut de pouvoir comprendre puisqu’ils n’étaient pas à la même place, il pouvait entendre que la situation était presque facile finalement pour lui.

Pour le moment, la seule chose qui lui importait et la raison pour laquelle il avait fait le chemin jusque chez Scarlett c’était de s’assurer de pouvoir se réfugier chez elle le temps que la tempête passe; au moins le plus gros, la première soirée, avant que Nina ne daigne être d’accord de l’affronter de nouveau. L’étonnement qui apparut sur le visage de celle qui était encore brune la dernière fois qu’il l’avait croisé mais qui arborait une chevelure de feu désormais - il notait dans un coin de son esprit sans commenter pour le moment - le rendit quelque peu surpris à son tour; il se retrouvait à hausser quelque peu l’un de ses sourcils, attendant le commentaire qui allait de paire avec l’expression. « De tout ton carnet d’adresses et des hôtels de Brisbane, c’est ici que tu veux atterrir ? » Ben leva les yeux au ciel, secoua quelque peu sa tête de droite à gauche. « De tout mon carnet d’adresse, t’es le seul endroit où j’ai… où je me sens à l’aise d’aller. » Il avait failli dire où j’ai pas honte d’aller mais il était déjà assez exposé à son goût pour en rajouter une couche. Elle avait déjà assez de cartes entre les mains pour souligner à quel point son attitude et son comportement était pathétique, pas besoin de mettre seul de l’huile sur le feu. Il glissa tout de même un s’il te plait avec un regard qui s’y accordait parfaitement. Elle finit par le laisser entrer.

L’intérieur de la maison était conforme aux souvenirs qu’il avait de l’endroit, à ne pas avoir été invité tant de fois que ça à venir ici - il ne blâmait pas, il n’était pas mieux dans le domaine. Scarlett lui indiqua le canapé et après avoir laissé tomber de son épaule son sac dans l’entrée, il fit quelques pas pour s’y laisser choir dans un soupire surement trop accentué pour la situation dans laquelle lui se trouvait. « Je vais te chercher une tasse, ou tu veux un verre d’autre chose ? Vu ta tête, je suppose que ce n’est pas toi qui a initié la confession, alors tu veux peut-être un remontant » Fermant les yeux, il posa sa tête en arrière sur le dossier du canapé. « Une tasse de thé ce sera bien. » Quoi que… Il était en congé - puisqu’il avait posé des jours exprès pour être libéré et passer du temps avec sa femme, quelle ironie -, il ne reprenait que dans plus de vingt-quatre heures à l’hôpital et il n’était pas d’astreinte le lendemain. Alors pour une fois - « Quoi que, si t’as quelque-chose de plus fort, je prends. » Ce n’était pas un verre qui allait le ruiner, il savait parfaitement faire ça tout seul. « Parce-que c’est pas moi qui ai initié la confession, non, t’as visé juste. » Et il était profondément dégoûté d’en arriver à formuler à haute voix ce genre de vérité, parce-que c’était pas du tout dans cette direction là qu’il avait prévu initialement que les choses iraient. « Tu veux connaitre l’ironie de la situation ? » Il rouvrit les yeux, tourna sa tête dans la direction de Scarlett, haussant quelque peu l’un de ses sourcils. « C’est pour fêter nos sept ans ensemble qu’on est partis tous les deux, à la base. » Un petit rire s’échappa d’entre ses lèvres, bien plus ironique qu’autre chose, surtout chargé de bien des émotions qui s’éloignaient on ne pouvait davantage de l’amusement. « Tu parles d’une célébration. »

Même si elle n’aime pas s’attarder sur la question, Scarlett sait que Ruben la considère comme une amie. Elle aime encore moins s’attarder sur la question de comment elle le considère lui ; trop occupée à se mentir à elle-même pour avouer que ces dernières semaines, cela lui a presque (presque !!) manqué de déjeuner avec lui au milieu d’une journée chargée de boulot, où Ruben lui racontait sa dernière opération compliquée, son week-end avec Nina, et qu’elle se plaignait d’un énième mauvais choix de comm d’un de ses clients ou partageait ses nouveaux plans de vacances dans un spot de surf à Bali. Mais elle n’a pas besoin de Ben, pas besoin de raconter à quelqu’un sa vie, encore moins d’avoir quelqu’un qui l’écoute avec intérêt - pas vrai ? « De tout mon carnet d’adresse, t’es le seul endroit où j’ai… où je me sens à l’aise d’aller. » Scarlett ne répond rien, parce qu’elle ne saurait pas comment réagir au compliment (si cela en est vraiment un ?). Elle se contente de s’écarter pour qu’il rentre, capitulant de fait.

Affalé sur le canapé, Ruben ferme les yeux un instant et inspire dramatiquement, comme s’il cherchait à reprendre des forces. Elle ne le brusque pas, consciente qu’il a sûrement besoin d’accuser le coup. « Une tasse de thé ce sera bien. » Elle hoche la tête, s’apprête à faire quelques pas vers la cuisine, quand Ruben semble se reprendre et changer d’avis. « Quoi que, si t’as quelque-chose de plus fort, je prends. » Elle a un petit sourire en coin, et se dirige vers un petit coffre en bois sculpté dans un coin de salon, dans lequel elle range les bouteilles, un shaker, et de lourds verres en cristal, finement décorés par des arabesques. Elle s’aggenouille pour l’ouvrir dans un grincement, sentant l’odeur du vieux bois. « Parce-que c’est pas moi qui ai initié la confession, non, t’as visé juste. » Elle se garde de sourire ou se vanter d’avoir deviné, consciente que retourner le couteau dans la plaie ne fonctionnera pas. Elle est taquine, certes, mais pas cruelle. Ou du moins pas avec Ruben. « J’ai du whisky japonais que m’a offert un client, il parait qu’il est délicieux », elle signale, sortant plusieurs bouteilles pour étudier les étiquettes. « Ou du gin, tu préfères ? » Elle propose, plissant les yeux. « Si tu me dis de mélanger les deux, je vais vraiment m’inquiéter », elle tente de plaisanter. A quel point Ruben a-t-il besoin de se noyer ce soir ?

« Tu veux connaitre l’ironie de la situation ? » Elle fait un signe de la tête, pour qu’il continue, tandis qu’elle revient avec la bouteille de l’alcool qu’a choisi Ben, et le verre. Elle ne prend pas le temps d’aller chercher des glaçons - quoi, pour que Ben se taille les veines sur son canapé en attendant ? Non merci. « C’est pour fêter nos sept ans ensemble qu’on est partis tous les deux, à la base. » Elle lui tend le verre avec un signe de la tête, l’air de dire : bois, t’en as besoin. « Tu parles d’une célébration. » Elle récupère sa tasse de thé à présent tiède, et s'assoit sur l’un des fauteuils en face du canapé. Ruben lui parait tout petit, assis ainsi, verre à la main. « On peut espérer qu’il y en ai d’autres, plus tard, peut-être ? » Elle suggère, tatant déjà le terrain sur l’état de Nina - Scarlett ne la connaît pas très bien, mais elle admire la carriériste qu’elle est, et se demande si elle serait vraiment du genre à pardonner un mari infidèle.. « Elle sait pour les deux ? Comment elle l’a appris ? » Demande Scarlett, assez directe. Elle ne porte aucun jugement dans sa question. « J’ai du mal à imaginer Nina fouiller ton portable, mais j’ai du mal à t’imaginer t’incriminer. »


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Il ne la voyait pas faire, alors qu’il avait les yeux fermés, mais il entendait les pas de la jeune femme passer d’un côté à l’autre du salon alors qu’il changeait d’avis sur la boisson qui allait se retrouver entre ses doigts dans la prochaine minute. Il fallait dire qu’il avait changé d’avis aussi vite qu’il changeait de - chemise, bien sur, donc forcément que Scarlett se devait de faire un ajustement de trajectoire en course. « J’ai du whisky japonais que m’a offert un client, il parait qu’il est délicieux. Ou du gin, tu préfères ? » Il eut un petit rire - faible, mais intentionnel malgré tout. « Y’a bien que vous les anglais pour boire du Gin. » - « Si tu me dis de mélanger les deux, je vais vraiment m’inquiéter » - « Un whisky sera parfait, pas de mélange non. » Les japonais n’étaient vraiment pas mauvais, qui plus était; il ne l’aurait d’ordinaire pas mélanger à du Gin, mais ce serait blasphème que d’agir de cette sorte ici.

Scarlett revint vers lui avec son verre servi qu’elle lui tendit, lui indiquant qu’il pouvait directement boire sans l’attendre; étant donné que le thé était prêt lorsque Ben était arrivé, elle avait déjà sa boisson choisie avant qu’il n’en fasse de même avec la sienne. Il trempa quelque peu ses lèvres, avala une gorgée presque infime: il était bon. « On peut espérer qu’il y en ai d’autres, plus tard, peut-être ? » Il se permit d’hausser quelque peu l’un de ses sourcils, son regard se perdant dans les reflets ambrés qu’offrait son verre. « J’ai bien l’intention qu’il y en ait. » Mais entre ce que lui voulait, et ce qui se passerait par la suite, le fossé était bien trop grand et trop dans la brume pour qu’il puisse annoncer de telles paroles avec certitude. « Pour l’instant, elle m'a dit qu’elle avait envie de me tuer, alors bon. » Toute chose était à prendre avec pincette et à reconsidérer, pour l’instant; et surtout le temps était à laisser au temps.

« Elle sait pour les deux ? Comment elle l’a appris ? J’ai du mal à imaginer Nina fouiller ton portable, mais j’ai du mal à t’imaginer t’incriminer. » A ces mots là, Ruben referma quelque peu les yeux, pinçant ses lèvres un peu plus fort, laissant échapper un rire en rien amusé sinon amer d’entres lèvres. Ses prunelles se posèrent un instant sur le visage de Scarlett. « J’ai pas pensé à aborder la seconde personne concernée, honnêtement. » Une gorgée de liquide ambrée glissa dans sa gorge. « Le moment était pas super bien choisi. Mais en même temps je suis pas sur qu’il y aura jamais de bon moment maintenant. » Comment pourrait-il revenir sur cette discussion en commençant par Au fait chérie, j’ai oublié qu’elle n’était pas seule mais qu’ils étaient deux ? Si les menaces de mort de Nina n’étaient pas prises au sérieux pour l’instant, il pourrait finir par le faire. Il soupira quelque peu, hésitant comme s’il passait aux aveux une fois de plus alors que c’était justement parce-qu’il n’avait pas besoin de le faire que sonner à la porte de chez Scarlett était une bonne idée. Sa main agitant doucement son verre pour faire tourner le whisky à l’intérieur réussirait presque à l’hypnotiser. « Tu vas rire, mais moi ça me fait pas rire. » Qu’il commença, avant d’inspirer longuement et expirer tout autant. « L’hôtel a changé la réservation que j’avais faite, et ils m’ont mis sur une chambre que j’ai déjà utilisé avec… » Il s’arrêta un instant: il n’avait pas prononcé une seule fois le prénom de Mavis devant Scarlett, commencer aujourd’hui n’était pas une bonne idée - assez de catastrophes pour la même journée. « Avec l’interne. » Il secoua quelque peu sa tête: quel idiot il avait pu être. « Sauf qu’ils l’ont précisé à voix haute à la réception, que j’ai du faire changer le nom qui accompagnait le mien sur la première réservation, qu’il avait mis des petits présents de bienvenus dans la chambre en pensant qu’on était des clients fidèles. J’ai pas besoin de te faire un dessin, tu peux imaginer l’image toute seule. »

Son index libre ne tenant pas le verre se mit à glisser et jouer sur le bord du canapé. « Je me suis pas incriminé seul, mais j’ai été poussé dans le précipice sans filet de sécurité. » Il s’en mordait déjà les doigts alors que la nouvelle n’était qu’à peine avouée et surtout connue que d’une poignée d’heures; il savait que la suite des événements serait d’autant pire. « Mais elle a compris de suite. Et je sais pas si j’ai envie d’aller volontairement dans cette faille de et si elle était déjà au courant sans le savoir finalement. » Il releva lentement son regard vers Scarlett, lui faisant face. « Tu peux pas deviner si facilement sinon, non ? » Et peut-être que son regard la suppliait quelque peu de dire qu’il avait raison, pour au moins cette fois-là.

« Y’a bien que vous les anglais pour boire du Gin. » Scarlett lève les yeux au ciel, mais à un sourire en coin. Le Ruben qu’elle connaît n’est donc pas si loin que ça malgré la situation. « Tu sais qu’ils ont fait des études comme quoi le gin te rend plus triste que d’autres alcools ? Peut-être que ça explique l’ambiance anglaise, et que tu devrais l’éviter pour l’instant, hm ? », elle commente. Elle n’a pas besoin de rebondir pour dire qu’elle ne boit pas vraiment de gin, elle, Ruben la connaît assez pour savoir que la voir avec un verre d’alcool à la main est un évènement plutôt rare, qu’elle réserve généralement à des occasions professionnels où trinquer avec un client est considéré comme une politesse nécessaire au deal à négocier. « Un whisky sera parfait, pas de mélange non. » Elle hoche la tête et revient avec la bouteille qu’elle pose sur la table basse, lui indiquant d’un signe de tête silencieux qu’il peut se servir autant qu’il le veut. Tant qu’elle n’a pas à lui tenir les cheveux s’il vomit. Elle plisse les yeux, l’observe. Il a les cheveux trop courts, sûrement.

Scarlett s’installe, lance la discussion sur Nina, car ça ne sert à rien de changer de sujet, de parler de la météo, de prendre des nouvelles de ces dernières semaines. Ruben n’a probablement qu’une chose en tête, actuellement, l’implosion de son mariage en un après-midi. « J’ai bien l’intention qu’il y en ait. » Elle ne répond pas ; parce qu’elle ne doute pas que Ruben ne lâchera pas Nina si facilement, mais elle voudrait presque lui souligner que ce n’est pas lui qui pourra forcément choisir. Actuellement, c’est Nina qui est en position de force. Scarlett se demande si la docteure pardonnera, si elle préférera ne pas faire de vague pour les conventions sociales, ou même par amour pour Ruben. Scarlett ne s’imagine pas accepter une telle humiliation par amour - un sentiment qu’elle ne sait pas avoir vraiment ressenti - mais les couples ont des fonctionnements qui l’ont toujours surprise. « Pour l’instant, elle m'a dit qu’elle avait envie de me tuer, alors bon. » Scarlett cache un sourire. Oui, là, elle n’est pas surprise. « Hm, ça parait normal, oui. Laisse lui le temps de digérer l’information, t’as deux ans d’avance sur elle », elle lui rappelle, retournant presque accidentellement le couteau dans la plaie.

Si Scarlett n’émet pas de jugement, elle est aussi plutôt directe sur le sujet, et questionne si Nina sait pour les deux amants, créant un malaise directement sur le visage de Ruben.  « J’ai pas pensé à aborder la seconde personne concernée, honnêtement. Le moment était pas super bien choisi. Mais en même temps je suis pas sur qu’il y aura jamais de bon moment maintenant. » Scarlett plisse les yeux, elle comprend le besoin de Ruben de se protéger, mais elle ne peut pas s’empêcher de préciser : « Ce n’est sûrement pas ce que tu as envie d’entendre, mais si tu as envie qu’elle te pardonne un jour, il faudra être honnête à un moment, oui. Ou t’assurer qu’elle n’apprenne vraiment jamais pour la seconde personne », appuie Scarlett, avant de rajouter : « je ne te dis pas de commettre un meurtre pour couvrir des traces, hein », elle précise, sourire en coin.

Scarlett attend toujours de savoir comment Nina a su, et elle sent qu’elle ne va pas être déçue du voyage :, « Tu vas rire, mais moi ça me fait pas rire. » Scarlett mime qu’elle se zippe la bouche, l’air de promettre qu’elle ne rira pas. « L’hôtel a changé la réservation que j’avais faite, et ils m’ont mis sur une chambre que j’ai déjà utilisé avec… » Une pause, un sourcil levé de Scarlett. « Avec l’interne. » Scarlett porte sa main à ses lèvres, parce qu’elle doit retenir un rire jaune. « Sauf qu’ils l’ont précisé à voix haute à la réception, que j’ai du faire changer le nom qui accompagnait le mien sur la première réservation, qu’il avait mis des petits présents de bienvenus dans la chambre en pensant qu’on était des clients fidèles. J’ai pas besoin de te faire un dessin, tu peux imaginer l’image toute seule. » Scarlett masse sa tempe, secoue sa tête. Putain. C’est la façon la plus stupide qu’elle peut imaginer, et elle a sincèrement de la peine pour Ruben en cet instant. « Tu veux que je les torpille sur une review Yelp ? » Elle propose avec une grimace.

Elle imagine facilement comment Ruben a pu être pris de court, et Nina être déstabilisée aussi. Une véritable humiliation pour elle. « Je me suis pas incriminé seul, mais j’ai été poussé dans le précipice sans filet de sécurité. » Lui et Nina ont presque été sur un pied d’égalité, pour le coup, tous les deux gênés de la conversation, pour des raisons différentes. « Mais elle a compris de suite. Et je sais pas si j’ai envie d’aller volontairement dans cette faille de et si elle était déjà au courant sans le savoir finalement. » Ruben regarde Scarlett avec un air désolé. « Tu peux pas deviner si facilement sinon, non ? » Scarlett porte sa tasse à ses lèvres, réfléchissant quelques secondes. « Hmm, je ne sais pas. Et je ne sais pas si ça change quelque chose  », elle commence, songeuse. « Peut-être que dans les prochains jours, elle va se souvenir de choses, de détails, se raconter qu’elle avait un présentiment pour essayer d’avoir un peu de prise sur la situation, se dire qu’elle n’a pas été bernée sur toute la ligne. » C’est une option, mais il y en a d’autres. « Ou alors elle préféra se dire qu’il n’y avait vraiment aucun signe, pour appuyer à quel point la trahison est au-delà de son contrôle. Dans tous les cas, ça ne change pas qu’elle se sente trahie et qu’elle va probablement te demander des comptes », suggère Scarlett. Elle pose sa tasse un instant sur l’accoudoir épais du fauteuil. « Tu lui as dit que c’était une interne de l’hôpital ? Elle la connaît ? »


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« Tu sais qu’ils ont fait des études comme quoi le gin te rend plus triste que d’autres alcools ? Peut-être que ça explique l’ambiance anglaise, et que tu devrais l’éviter pour l’instant, hm ? » Il leva les yeux au ciel, même si elle ne voyait pas son visage il n’allait pas s’en priver. « T’es dramatique Scarlett. » Surtout qu’il ne toucherait pas au gin, qu’elle soit rassurée: ce n’était pas sa tasse de thé.

« Hm, ça parait normal, oui. Laisse lui le temps de digérer l’information, t’as deux ans d’avance sur elle » - « Oui, oui. »

Ce n’était pourtant pas de cette façon là que Ruben avait envisagé les choses pour cette soirée et la journée qui aurait suivi. Certes, il ne pouvait pas nier que la brun avait d’accord sur ce point: il avait de l’avance par rapport à sa femme sur ses propres agissements, ils étaient nouveaux pour elle et ce n’était pas le genre de chose qui était plaisant à entendre. Il comprenait: à rôles inversés, il aurait été surement bien moins stoïque qu’elle avait elle pu l’être. Elle avait beau lui avoir dit qu’elle avait davantage envie de le tuer qu’autre chose désormais, ce n’était pourtant pas pour autant que Ruben prenait ça pour acquis et surtout se laisserait abattre par ces paroles - pas encore, en tous cas. Les choses étaient si floues et tellement inattendues - surprenant, mais vrai - également de son côté qu’il n’avait pas encore en visuel tous les aléas qui s’installaient autour de lui suite à cette révélation. Il les intègreraient rapidement, mais il lui faudrait encore un  petit temps de son côté aussi. Il était donc presque, presque serein encore pour le moment de son côté. Et discuter avec Scarlett de la situation n’était presque pas pénible - également parce-qu’elle ne portait pas de jugement dans sa voix, et il savait que c’était authentique de sa part d’adopter ce comportement. « Ce n’est sûrement pas ce que tu as envie d’entendre, mais si tu as envie qu’elle te pardonne un jour, il faudra être honnête à un moment, oui. Ou t’assurer qu’elle n’apprenne vraiment jamais pour la seconde personne » Il haussa un sourcil. « Ca a bien fonctionné pour la première comme tu peux le voir. » Parce-qu’initialement, il n’avait pas non plus prévu qu’elle apprenne pour Mavis: ce n’était pas le but du jeu. « Je ne te dis pas de commettre un meurtre pour couvrir des traces, hein » - « Je saurais pas toucher à l’un de ses cheveux, t’as pas à t’en faire pour ça. » Que ce soit d’ailleurs ceux d’Ambrose pour faire disparaitre les preuves ou ceux de Nina pour ne pas qu’elle l’apprenne; il serait incapable de sciemment faire mal à l’un ou l’autre, et pourtant ils faisaient tous deux partie des personnes à qui il avait fait le plus de mal au cours de sa vie. Ironique, non ? « Tu vas me répondre que tu te serais pas mise dans cette position là, mais tu lui aurais dit directement à ma place ? » Son regard remonté vers Scarlett, il était on ne pouvait plus authentique avec cette question: qu’aurait-elle fait à sa place, avec les mêmes informations et en ayant adopté les mêmes comportements ?

« Tu veux que je les torpille sur une review Yelp ? » - « J’ai pensé à les trainer en justice tu sais, alors un mauvais commentaire en plus ou en moins… » C’était d’ailleurs même la première pensée qu’il avait eu à l’esprit, quand il se trouvait dans l’ascenseur de l’hôtel avec Nina avant qu’elle ne fasse les liens entre toutes les informations. Se doutait-elle d’ailleurs de quelque-chose pour en venir à les faire si rapidement, les liens ? Une fois de plus - ce qui n’était pas autant monnaie courante que cela mais devenait un brin de trop habituel au gout de Ruben, il posa la question à la jeune femme comme si elle allait pouvoir apporter une lumière qui le mettrait lui en avant dans une situation où rien ne pourrait redorer son image. « Hmm, je ne sais pas. Et je ne sais pas si ça change quelque chose » Pour lui, ça changeait quelque-chose. « Peut-être que dans les prochains jours, elle va se souvenir de choses, de détails, se raconter qu’elle avait un présentiment pour essayer d’avoir un peu de prise sur la situation, se dire qu’elle n’a pas été bernée sur toute la ligne. » Après avoir bu une gorgée de son verre, il laissa sa tête retomber de nouveau en arrière, laissant un soupire davantage proche d’un léger râle se faire entendre. Il n’avait pas spécialement envie non plus qu’elle se souvienne du moindre détail avant aujourd’hui - cela voulait dire qu’il était bien plus enfoncé dans cette voie sans-issue qu’il l’aurait jamais pensé; parce-que jusque maintenant, il reposait son comportement sur le fait qu’il se pensait en sécurité. « Ou alors elle préféra se dire qu’il n’y avait vraiment aucun signe, pour appuyer à quel point la trahison est au-delà de son contrôle. Dans tous les cas, ça ne change pas qu’elle se sente trahie et qu’elle va probablement te demander des comptes » Cette fois-ci, ce fut définitivement un long soupir qui se fit entendre du côté de Ruben. Il ne voulait pas qu’elle lui demande des comptes, il ne voulait pas se retrouver devant le fait accompli - mais il n’avait pas forcément le choix, les circonstances n’étaient plus trop de son côté apparemment.

« Tu lui as dit que c’était une interne de l’hôpital ? Elle la connaît ? » Faisant rouler ses lèvres l’une sur l’autre, il les humecta avant de les pincer; un nouveau soupir audible côté Hartfield. « Dès que tu me poses une question, ma réponse est pire que la précédente tu t’en rends compte ? » Il l’aurait bien dit qu’il détestait le petit jeu qu’elle menait, mais il ne pouvait se permettre de laisser cette pensée se faire entendre parce-qu’elle était surement la seule personne disposée à le tolérer en cet instant et en connaissance de cause.  Il n’aurait pas la force d’aller ailleurs et de prétendre que tout était conforme à la normale - il ne réussirait pas, pas ce soir. « Elle la connait, oui. » Sinon, les choses seraient plus aisées. « Mais je lui ai pas dit qui c’était. » Il déglutit. « Donc elle sait pas que c’est une interne de l’hôpital, qu’elle la connait, qu’elle a déjà bossé avec. »

Scarlett ne relève pas lorsque Ruben la traite de dramatique, mais se fait la réflection que c'est une remarque un poil ironique, venant de celui qui s'est écroulé sur son canapé dans un soupir digne de film. Mais elle sait qu'il a le droit, en cet instant, de se laisser aller, coincé au milieu de l'implosion brusque de son mariage. Enfin, brusque... Peut-on vraiment parler de brusque dans ce genre de situation ? Comme dit l'expression, comme on fait son lit on se couche, songe Scarlett, et Ruben en a visité, des lits, pendant deux ans.

« Ca a bien fonctionné pour la première comme tu peux le voir. » Pensait-il vraiment que Nina l’apprendrait jamais, qu’il pourrait continuer pendant des années ? Habituellement si fine analyste, Scarlett doit avouer qu’elle n’est pas sûre de comprendre Ruben, dans cette situation. C’est quelqu’un de brillant, et plutôt lucide, se serait-il donc mis de telles oeillères ? Est-ce qu’il n’y a pas une forme d’auto-sabotage, au fond ? Ou un goût trop poussé pour l’interdit, lui qui fait tout parfaitement en apparence par ailleurs ? Dans tous les cas, quelque chose allait finir par se terminer : soit le mensonge, soit l’aventure. « Je saurais pas toucher à l’un de ses cheveux, t’as pas à t’en faire pour ça. » Elle a un petit sourire en coin. « J’ai peur que tu sois un peu trop gentil pour être correctement infidèle, Ben », elle soupire. Il faudrait qu’il ait moins de scrupules, et apparemment, il en a quand même en stock malgré deux ans de trahison. « Tu vas me répondre que tu te serais pas mise dans cette position là, mais tu lui aurais dit directement à ma place ? » Scarlett pince les lèvres, songeuse. En effet, elle ne se serait jamais mise dans cette position, mais c’était son métier, que d’imaginer les réactions des autres - ses clients, le public, les médias. Elle penche la tête. « Ce n’est pas à ta place que je me mets, c’est à celle de Nina : si quelqu’un trahissait ma confiance, je préférerais avoir toutes les cartes en main pour décider de pardonner ou non. Si j’apprenais encore plus de mensonges plus tard, cela ferait une double trahison. Généralement, les gens peuvent pardonner une fois, pas deux  », elle conclue. elle ne précise pas que de son côté, une erreur suffit, qu’elle ne pardonne pas dès la première fois. Mais ça, Ruben finit par la connaître assez pour le savoir.

Tout ça pour une chambre d’hôtel stupide. Le comble, après deux ans. « J’ai pensé à les trainer en justice tu sais, alors un mauvais commentaire en plus ou en moins… » Elle a un sourire amusé. « Oh tu pourrais, en vrai », dit-elle, parce qu’elle voit assez d’affaires toute la journée, avec ses clients, pour connaître quand un procès a du poids ou non. « Si tu y songes sérieusement, je peux te donner des contacts d’avocat. Mais je ne sais pas si ça renverrait une très bonne image de toi aux yeux de Nina », elle signale tout de même. L’esprit revanchard de Ben devrait plutôt être rangé pour apparaître comme un bon mari qui veut se faire pardonner.

Et pour se faire pardonner, il lui faudrait sûrement être honnête sur toute l’histoire. Mais apparemment, ce n’a pas été la tactique de Ruben jusqu’ici. « Dès que tu me poses une question, ma réponse est pire que la précédente tu t’en rends compte ? » Scarlett s’autorise à avoir un petit rire. « Elle la connait, oui. Mais je lui ai pas dit qui c’était. » Ruben a du mal à cracher le morceau, mais il avoue : « Donc elle sait pas que c’est une interne de l’hôpital, qu’elle la connait, qu’elle a déjà bossé avec. » Scarlett porte ses deux mains à son visage et inspire, partagé entre le rire nerveux et le dédain devant la stupidité de Ruben. « Ruben, t’es vraiment trop con », elle soupire. Elle se redresse et passe sa main dans ses long cheveux aux reflets rouges. « La seule chose qui pourrait te sauver, actuellement, c’est que Nina accepte de te pardonner et te dise qu’elle ne veut pas savoir les détails, pour se protéger émotionnellement. » Un scénario de rêve, mais franchement peu probable… « Et de ce que je sais de Nina et sa force de caractère, ça m’étonnerait. Mais on peut commencer à mettre des cierges à Sainte Rita. C’est la sainte des cas désespérés », elle précise. Elle soupire et s’enfonce dans le fauteuil. « Elle t’a mise à la porte, du coup ? » Elle demande. « Tu sais, quand tu m’as demandé si je prendrais ton parti ou celui de Rory, je ne pensais pas que tu voulais littéralement dire que j’allais devoir accueillir son homewrecker runaway de beau-frère », elle glisse, taquine.


@Ruben Hartfield    

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« J’ai peur que tu sois un peu trop gentil pour être correctement infidèle, Ben » Il leva de façon exagérée les yeux au ciel, secouant quelque peu sa tête de gauche à droite dans la foulée. « Je suis pas sur que l’adjectif gentil soit adopté par la majorité aujourd’hui. » D’ordinaire, il était pourtant considéré comme tel, parce-que c’était là l’image qu’il s’appliquait à renvoyer; mais avec le contexte qui était en train de s’établir autour de lui, et les personnes qui y étaient reliées, il y avait fort à parier que ces dernières ne soient pas réellement tout à fait d’accord avec Scarlett sur l’adjectif à lui coller en guise d’étiquette. Peut-être était-il trop gentil, comme elle disait, pour être correctement infidèle c’était vrai; mais ce n’était pas tant ce qui l’inquiétait aujourd’hui, mais plutôt de ne pas l’avoir été assez pour ne pas l’être, justement.

« Ce n’est pas à ta place que je me mets, c’est à celle de Nina : si quelqu’un trahissait ma confiance, je préférerais avoir toutes les cartes en main pour décider de pardonner ou non. Si j’apprenais encore plus de mensonges plus tard, cela ferait une double trahison. Généralement, les gens peuvent pardonner une fois, pas deux » Il fit une petite moue, pas tout à fait convaincu du discours qu’elle lui communiquait là, surtout que ce n’était pas ce qu’il lui avait posé comme question; il aurait voulu savoir ce qu’elle ferait ou aurait fait à sa place, pas comment elle arrivait à se mettre à la place de Nina. Ruben n’était pas encore assez avancé dans le processus de réalisation de ce qu’il se passait pour se mettre à la plia ce de sa femme - pour le moment, il cherchait à comprendre comment réussir à garder la sienne, de place, dans tous les domaines et sans trop que de dégâts soient à déplorer. C’était surement idiot et que peu tolérable d’un point de vue extérieur, mais il restait malgré tout sous le choc de la façon dont il avait été exposé alors que cela n’avait jamais été son objectif. Il tentait surtout là de comprendre, d’analyser, et de trouver des explications; il laissait son esprit de scientifique mener sa barque, et ensuite il comprendrait que ce n’était pas de cette manière là qu’il fallait aborder les choses - il lui faudrait quelques jours pour entendre ce point de vue là. « Ca répond pas à ma question. » Qu’il se contenta donc de souffler.

« Oh tu pourrais, en vrai. Si tu y songes sérieusement, je peux te donner des contacts d’avocat. Mais je ne sais pas si ça renverrait une très bonne image de toi aux yeux de Nina » - « Parce-que tu penses que j’ai une bonne image là déjà ? » L’agacement dans sa voix n’était pas destiné à Scarlett, mais à la partie de lui qui se mordait les doigts d’en être arrivé là.

Bien sur qu’un petit rire se fit entendre du côté de la jeune femme alors qu’il se mettait à expliquer qu’effectivement, sa situation était aussi pire qu’elle y paraissait de première abord. Dès qu’elle cherchait à avoir une réponse, celle qu’il avait à fournir été pire que la précédente et même lui s’en rendait compte. Ce n’était pas sous ce jour là qu’il avait envie de se montrer, mais il n’avait pas le choix et surtout il se devait d’être tout à fait honnête avec Scarlett parce-qu’il ne pouvait présentement ne l’être avec personne d’autre. « Ruben, t’es vraiment trop con » Ecarquillant quelque peu les yeux, il tourna son visage dans sa direction, voyant qu’elle agissait comme si elle était désespérée pour lui à nicher son visage dans ses mains et abuser de soupirs las. « La seule chose qui pourrait te sauver, actuellement, c’est que Nina accepte de te pardonner et te dise qu’elle ne veut pas savoir les détails, pour se protéger émotionnellement. » Il croisa les bras sur son torse. « Et de ce que je sais de Nina et sa force de caractère, ça m’étonnerait. Mais on peut commencer à mettre des cierges à Sainte Rita. C’est la sainte des cas désespérés » Il leva de nouveau les yeux au ciel - la précision était bienvenue, la remarque beaucoup moins. « Elle a déjà commencé à poser des questions, ça m’étonnerait qu’elle veuille pas savoir. » Qu’il bougonna dans sa moustache inexistante.

« Elle t’a mise à la porte, du coup ? » Ruben secoua quelque peu sa tête de gauche à droite, se redressant pour attraper son verre et en boire une gorgée. « Je lui ai dit que je lui laissais l’appartement comme elle voulait pas me voir. » Ce qui était justifié - même si cela blessait son égo d’une manière surement disproportionnée, il pouvait comprendre qu’elle n’ait pas spécialement envie de le voir gambader dans le même habitat qu’elle pour l’instant. « Elle voulait pas que je la ramène en ville, je me voyais pas en plus l’obliger à partir de chez nous juste parce-que j’y étais. » - « Tu sais, quand tu m’as demandé si je prendrais ton parti ou celui de Rory, je ne pensais pas que tu voulais littéralement dire que j’allais devoir accueillir son homewrecker runaway de beau-frère » - « Ca c’est la deuxième raison pour laquelle je peux pas rester en plus chez moi: je tiens à la vie. » Il se devait donc d’aller quelque part où il était sur que personne ne pourrait le trouver; chez Scarlett était le bon choix puisqu’il était sur que personne ne viendrait le chercher là. Personne n’aurait été le chercher chez l’un ou l’autre de ses petit favoris puisqu’ils n’étaient pas connus du grand public, mais il ne voulait pas se pointer chez eux la queue entre les jambes. Et hors de question d’aller quelque-part ailleurs, comme chez son frère par exemple: son égo était trop affaibli pour aujourd’hui, cette vérité avait déjà été établie. « Juste le temps que… » Il soupira, lourdement. « Je sais pas. Juste pour deux ou trois jours. » Ben pencha quelque peu sa tête, haussant l’un de ses sourcils. « S’il te plait ? » Et à travers cette simple demande, il y avait surement plus d’honnêteté et de vulnérabilité qu’il ne lui en avait jamais montré.

Ruben semble osciller entre un enfant capricieux et un héro de cinéma blessé, et si Scarlett jugerait habituellement une telle démonstration de sentiments, elle sait que ce n'est pas la genre de Ruben, que la situation est vraiment particulière. Alors elle se surprend à avoir un peu plus de tolérance, à écouter Ruben se plaindre pendant qu'elle sirote son thé, et elle pourrait presque sentir une formation de compassion en elle, si seulement elle connaissait un peu mieux ce sentiment. Incapable de l'identifier en elle, elle s'étonne simplement de la légère crispation de son cœur devant la moue de Ruben. « Ca répond pas à ma question. » Il souffle alors qu'elle expose ses théories sur comment Nina voudrait ou pourrait réagir. Scarlett pince ses lèvres et se redresse - Ruben veut une réponse à sa fameuse question "et toi, à ma place" , bien, il l'aura. « Je ne me serais jamais mise dans une telle situation, oui. Mais si j'étais à ta place, j'aurais parlé de ton autre amant le plus vite possible, oui, parce que je me considère comme quelqu'un d'honnête et que c'est une qualité que j'aime honorer. Raison pour laquelle je ne me serais pas mise dans cette situation pour commencer, mais je me répète », elle conclue en agitant sa main. Oui, Scarlett se considère comme honnête ; elle manque peut-être un peu de sincérité, pourtant, vu le nombre de murailles qu'elle a érigées autour d'elle et son passé. Mais elle préfère se dire qu'elle ne doit son histoire personnelle à personne, qu'elle ne ment pas, simplement qu'elle est pudique, se protège. C'est son excuse à elle.

Scarlett mentionne l'idée d'un avocat, sans préciser que si Nina lance une procédure de divorce, il lui en faudra bien un de toute manière. « Parce-que tu penses que j’ai une bonne image là déjà ? » Il est agacé, ce qui pousse un sourire en coin sur les lèvres de Scarlett. « Essaie au moins de ne pas l'empirer », elle réplique avec un mouvement des épaules.

Elle sait qu'elle agace Ruben, avec ses remarques, mais il la connait (malheureusement) assez bien pour savoir qu'elle ne lui passerait pas la pommade comme si de rien était non plus. Elle n'est pas cruelle, Scarlett, du moins pas avec Ruben, mais elle n'est pas du genre à pousser le pathos dans ce genre de situations. « Elle a déjà commencé à poser des questions, ça m’étonnerait qu’elle veuille pas savoir. » Scarlett grimace. « Va falloir que tu te prépares, alors », elle fait remarquer. Qu'il sache comment répondre, quelle stratégie adopter. « C'est un peu comme une gestion de crise en pr, en fait. Je pourrais te briefer sur le vocabulaire à ne pas utiliser », elle dit d'un ton léger qui sous-entend une plaisanterie, mais au fond, elle est plutôt sérieuse. C'est le genre de personnes qu'elle est, aussi : orientée vers les solutions, l'action, c'est comme ça qu'elle sait aider les autres. Habituellement, on la paie pour son aide, par contre. Elle n'a pas envie de penser à ce qui la pousse à être une bénévole pour arranger les soucis de Ruben, l'héberger chez elle, ce genre de choses.

« Je lui ai dit que je lui laissais l’appartement comme elle voulait pas me voir. » Scarlett hoche la tête. Bonne idée de la part du jeune homme. « Elle voulait pas que je la ramène en ville, je me voyais pas en plus l’obliger à partir de chez nous juste parce-que j’y étais. » Cela fait sens - et puis honnêtement, si Scarlett était Ruben, elle éviterait de trainer là où pourrait se ramener les proches de Nina, comme Rory. « Ca c’est la deuxième raison pour laquelle je peux pas rester en plus chez moi: je tiens à la vie. » Scarlett a un petit rire, pourtant elle sait que Ruben est sérieux. Rory est quelqu'un de calme et doux, mais une telle trahison pourrait bien le sortir de ses gonds. Il a bien prouvé avec l'affaire Byers qu'il était capable de défendre ses proches avec une véritable fermeté.

« Juste le temps que… » Murmure Ruben, d'un ton lasse. « Je sais pas. Juste pour deux ou trois jours. » Scarlett ne dit rien, mais elle observe le visage du médecin, sa voix basse, ses épaules affaissées. Elle voudrait presque détourner les yeux devant une telle vulnérabilité. « S’il te plait ? » Elle secoue la main, pour chasser la voix chargée d'émotions. C'est juste une chambre pour les invités, elle ne veut pas que ça dise autre chose, ne veut pas réfléchir au fait que c'est chez elle que Ruben a pensé venir se réfugier en premier. « Tu peux rester jusqu'à que tu trouves une solution convenable », elle commence. Elle se relève, parce qu'elle ne veut pas le regarder dans les yeux, qu'elle veut que cette conversation soit légère, presque normale, alors qu'elle s'apprête à offrir ce qu'elle ne ferait jamais habituellement. « Je ne vais pas te mettre à la porte dans trois jours », elle précise, parce qu'elle ne peut pas dire : reste autant que tu veux. Ce n'est pas exactement ce qu'elle pense, mais elle ne se voit pas le virer arbitrairement après trois jours. La maison est grande, ils travaillent tous les deux, ils peuvent supporter d'être des étranges colocataires, pas vrai ? « Viens, je te montre la chambre pour les invités », elle lui fait un signe de la main, et ne précise pas que cette chambre est utilisée environ une fois par an dans des cas exceptionnels - la dernière fois en date, c'était il y a neuf mois, après une soirée le groupe de surf, Dave avait trop bu et il n'avait pas trouvé de taxi, elle l'avait hébergé, parce qu'elle habitait proche de la plage, dans un élan de générosité peu caractéristique. Scarlett ne cherchait pas une maison avec deux chambres, au début, mais elle a eu un coup de cœur pour celle-ci.

La chambre est au premier étage, à côté de son bureau, et dispose d'une petite salle de bain. La chambre de Scarlett, elle, est encore une étage au-dessus, sous les toits, en haut d'une escalier en colimaçon. Scarlett montre à Ruben où poser ses affaires, la salle de bain avec ses savons et shampoings, la serviette propre que Ruben pourra utiliser. Elle le laisse s'installer, lui laisse un petit moment tranquille, et descend dans la cuisine, explore le frigo, se décide à commander une livraison d'une restaurant qu'ils aiment bien, Ruben et elle, où ils dinent parfois. Après une telle journée, elle suppose que cela sera un peu réconfortant. Elle laisse la bouteille de whisky sur la table, pour le dîner, au cas où.

Elle le raccompagne à sa chambre, s'appuie sur l'encadrement de la porte. « Bonne nuit, et si tu as besoin de quoi que ce soit, attends demain matin, ne viens pas me déranger », elle lui fait remarquer d'un ton ferme et, malgré tout, un petit sourire en coin.


@Ruben Hartfield    

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« Je ne me serais jamais mise dans une telle situation, oui. Mais si j'étais à ta place, j'aurais parlé de ton autre amant le plus vite possible, oui, parce que je me considère comme quelqu'un d'honnête et que c'est une qualité que j'aime honorer. Raison pour laquelle je ne me serais pas mise dans cette situation pour commencer, mais je me répète » a ces paroles là, le visage de Ruben se renfrogna; elle avait répondu à sa question mais maintenant il n’était pas satisfait de la réponse. Bras croisé sur son torse, il exposait une petite moue de réflexion mais surtout très dubitative sur le raisonnement de Scarlett - parce-que ce n’était pas de cette façon là qu’il envisageait les choses de son côté. Pour sa défense, c’était là des réflexions menées à chaud alors qu’il y avait encore une poignée d’heures il ne se doutait absolument pas que son monde serait chamboulé de la sorte.

« Essaie au moins de ne pas l'empirer » Il se contenta de lever les yeux au ciel à cette réponse là. « Va falloir que tu te prépares, alors » Pour l’instant dans l’esprit de Ruben, il n’était pas du tout en train de se dire qu’il allait devoir s’y préparer puisqu’il fait repoussé les questions en masse et avait préféré contourné le problème, en rien prêt à se jeter dans le vide concernant cette situation. Dans son esprit, il n’était pas possible que Nina apprenne - et c’était avec cette vérité qu’il avait agi ces derniers semaines, ces derniers mois - années, en réalité. « C'est un peu comme une gestion de crise en pr, en fait. Je pourrais te briefer sur le vocabulaire à ne pas utiliser » Il lui jeta un regard noir. « De type ne pas s’incriminer seul, c’est ça que tu veux m’apprendre ? » Parce-que si c’était ce qu’elle comptait lui sortir, elle arrivait trop tard: il avait déjà oublié de nier et de faire en sorte de ne pas être responsable de ce qui se passait, ce qui s’était passé aussi.

Le problème principal pour Ben de toute manière, pour le moment ce n’était pas tant ce qu’il ne devait dire ou pas dire à Nina, puisque cette dernière ne voulait pas le voir et qu’il avait déserté le domicile conjugal pour ne pas se trouver dans les pattes de la blonde. Le regard de chien battu qu’il adressa à Scarlett, c’était pour qu’elle l’autorise à rester ici quelques nuits, le temps qu’il trouve comment parler à Nina - s’il avait su à ce moment là qu’elle allait autant le repousser, il aurait été un peu plus inquiet. « Tu peux rester jusqu'à que tu trouves une solution convenable » Il laissa échapper un soupir de soulagement, fermant les yeux un instant. « Je ne vais pas te mettre à la porte dans trois jours » - « Merci Scar. » Et ce remerciement là venait réellement du fond de son coeur, sans aucun artifice ou sans être obligé de le prononcer pour bien paraitre. « Viens, je te montre la chambre pour les invités » Il la suivit docilement pour voir où il allait pouvoir établir ses quartiers pour les prochains jours; au moins, ici, il savait que personne ne risquait de lui tomber dessus au milieu de la nuit pour l’étrangler ou lui demander des comptes - ce qui n’était pas le cas chez lui. Une fois qu’elle fut redescendue, il prit un moment pour s’asseoir sur le bord du lit et soupirer un long moment: quel idiot avait-il était, sérieusement. Et parce-que c’était trop de réalisme d’un coup, alors qu’un frisson prit d’assaut son échine, il se releva pour attrape quelques affaires et pour passer sous la douche - ça, ça lui ferait vraiment du bien. Lorsqu’il revint dans la cuisine, Scarlett réceptionnait la livraison qu’elle avait commandée pendant son absence; il ne toucha pas à la bouteille de whisky, mais vit qu’elle avait été disposée sur la table de façon à ce qu’il puisse l’avoir à portée de main si le besoin était présent; il ne jouerait pas dans ce camp là.

« Bonne nuit, et si tu as besoin de quoi que ce soit, attends demain matin, ne viens pas me déranger » Il savait que ce n’était pas là une blague mais davantage une menace. Il se pencha en avant pour déposer un baiser sur sa joue - elle détestait ça mais ça le faisait rire, lui. « Merci. » Sincèrement, une fois de plus.

Sauf qu’il avait beau fermer les yeux, il avait beau tourner dans tous les sens, il avait beau essayer toutes les méthodes qu’il connaissait pour couper le circuite de son cerveau - il avait même pensé à aller regarder s’il avait pas un tranquillisant qui trainait dans sa voiture pour s’aider à s’endormir -, rien n’y faisait: le sommeil ne venait pas. Alors certes, Ben arrivait facilement à imaginer la raison de ce manque de motivation à aller dormir, des images repassant en boucle dans son esprit d’une scène qu’il n’avait jamais imaginé vivre de si-tôt; mais il savait pertinemment que ce n’était pas la seule raison. Après être resté encore une bonne demi-heure comme ça, il avait fini par sortir du lit et par monter jusqu’au dernier étage de la maison. Scarlett avait dit pas avant demain matin mais il avait décidé de faire fi de cet ordre là. Frappant quelques coups à la porte, il poussa cette dernière. « Scar ? » Sur le pas de la porte, trente ans plus tard et avec une bonne hauteur supplémentaire, il y avait la réplique exacte de Ruben enfant qui n’arrivait pas à dormir et qui frappait à la porte de la chambre de sa soeur ou de ses frères. « Je peux dormir avec toi, ce soir ? » Et il savait très bien l’image que ça donnait de lui; mais pour une fois il avait décidé de laisser l’image qu’il pouvait rendre au placard pour montrer celle de ce qu’il pouvait virement ressentir. « Je… J’ai pas l’habitude de dormir seul. Et je sais pas dormir seul. »

Elle lève les yeux au ciel pour la énième fois lorsqu’il embrasse sa joue, et le pousse délicatement mais fermement hors de sa vue en secouant la tête. Une fois sa routine du soir terminée -  se préparer une tisane à la camomille, brosser et nouer ses cheveux en un chignon, et surtuout un processus compliqué de crèmes et sérums sur son visage et son corps - elle se glisse dans ses draps et pousse un soupire, se demandant vaguement dans quelle situation elle a eu la bonne idée de se fourrer. Elle essaie de ne pas s’arrêter sur la question, d’essayer de comprendre le geste qu’elle a accepté de faire et qui ne lui ressemble pas ; encore moins lorsqu’elle avait plus ou moins décider de rayer Ruben de sa vie il y a quelques semaines suite à leur discussion à l’hôpital. Voilà maintenant qu’elle le laisse rester chez elle, pénêtrer dans son quotidien, là où il pourrait l’observer, tirer des conclusions stupides sur sa fatigue ou ses absences qu’elle a parfois du mal à cacher. Elle espère simplement qu’il sera trop autocentré dans son drame pour prêter attention à autre chose.

Sur la table de chevet, une bougie parfumée diffuse une odeur de fleur de coton et de jascinthe. Appuyée contre le dos contre son oreiller, Scarlett termine sa tisane tout en essayant de se concentrer sur Anna Karenine qu’elle est en train de lire, un pavé qu’elle prend habituellement plaisir à lire, ces dernières semaines, mais sur lequel elle a bien du mal à se concentrer ce soir. Ses pensées sinueuses restent en boucle sur Ruben, elle ne cesse de se demander pourquoi il est venu chez elle et pas chez l’un de ses amis, et elle pourrait presque entendre sa voix qui lui réplique qu’elle est amie et que -  « Scar ? » Elle a un petit sursaut de surprise, parce que la voix de Ruben est réelle, cette fois-ci, qu’elle provient de derrière la porte sur laquelle il vient de toquer. Sa silhouette est sur le pas de la porte, à peine éclairée par la lampe de chevet de Scarlett. « Je peux dormir avec toi, ce soir ? » « Pardon ? » Elle demande. Elle a très bien entendu. Sourcil levé, elle dévisage Ruben. « Je… J’ai pas l’habitude de dormir seul. Et je sais pas dormir seul. » Elle est tellement scotchée et surprise qu’elle entrouve la bouche et le fixe une demi-seconde de trop. « Mais Ruben, t’as quel âge ? » Elle répond, plus étonnée qu’agacée. Elle pose son livre sur ses genoux, inspire, passant son index entre ses sourcils dans un geste de lassitude étrange de celle qui s’apprête à abandonner. « Juste cette nuit », elle murmure à voix basse, défaitiste, avec la sensation qu’il ne s’agira pas juste d’une nuit. Elle referme son livre et fait un signe vers le côté du lit libre.  Il s’installe, et elle se tourne légèrement vers lui. « Si je sens tes pieds froids contre moi cette nuit, je te pousse du lit. Si tu essaies de me… câliner », elle s’étrangle à moitié sur le mot, « je te fais dormir par terre. Et si tu crois que c’est une pyjama party où on parle de nos vies et que tu essaies de me reparler de notre discussion à l’hôpital, je te fais dormir sur le paillasson. Compris ? » Elle pose les règles, claires et nettes. Elle secoue brièvement la tête, se demandant une nouvelle fois pourquoi elle en est arrivée là. Il y a une raison pour laquelle elle ne veut pas d’amis, habituellement. La seule chose qui l’empêche actuellement de tuer Ruben c’est sa mine déconfite - elle imagine qu’elle n’en mène pas large, et ne se sent pas la cruauté de l’humilier. Elle le regarde, fronce légèrement les sourcils, et finit par dire : « Hm, ça va aller, tu le sais, hein ? Te laisse pas abattre. » C’est le maximum d’empathie qu’elle peut lui offrir, là, et venant d’elle, c’est déjà beaucoup.


@Ruben Hartfield    

the sky turned black like a perfect storm

@scarlett bridgers

lieu: logements, bayside.
(c): keetika (gif), luleaby (codage).

***
Il avait parfaitement entendu lorsqu’elle lui avait dit qu’il ne devait pas la déranger avant le lendemain matin, mais c’était là une information qu’il avait décidé d’ignorer - parce-que ce serait connu si Ruben écoutait lorsque des ordres en dehors du travail lui étaient donnés. Apparemment cependant, ce n’était pas cette partie là qui surprit Scarlett puisqu’elle ne prit la parole que lorsqu’il lui donna la raison du pourquoi il se trouvait sur le pas de sa porte en cet instant. « Pardon ? » Il n’était déjà pas bien fier, elle n’avait pas besoin d’en ajouter une couche de cette sorte avec une réaction si dramatique. Etait-ce la première fois que quelque l’un de ses amis lui posait cette question ? « Mais Ruben, t’as quel âge ? » Soupirant, il pencha la tête quelque peu sur le côté, retenant une réaction verbale qui n’irait pas en sa faveur. A défaut de laisser une réaction spontanée se faire entendre, il haussa un sourcil et prit une autre option. « S’il te plait ? » Il avait toujours eu l’habitude de savoir que quelqu’un allait l’attendre de l’autre côté du lit que ce n’était pas une option qu’il appréciait, de savoir que personne ne serait à ses côtés. Ce n’était même pas tant le fait savoir réellement quelqu’un à côté de lui - parce-que nombreuses avaient été les nuits où Nina ne l’avait pas rejoint parce-qu’elle travaillait et que lui était de repos, mais à ces occasions là il savait que ce n’était qu’une histoire de planning et qu’elle aurait quand même eu l’intention de le faire. La seule fois où les choses ne s’étaient pas passées de cette sorte, c’était deux ans plus tôt suite à son avortement où elle l’avait mis à la porte et où il avait usé du canapé de son frère; c’était là la pire expérience de sa vie surement, il ne souhaitait pas la répéter.

D’où le fait qu’il se tenait présentement sur le pas de la porte de la chambre de la jeune femme, avec la tête d’un enfant et d’un petit chien battu à la fois, attendant qu’elle cède et accepte de l’accueillir avec elle - ce qu’elle était en train de faire, il le voyait. « Juste cette nuit » - « Hmhm. » Si seulement; il était déjà en train de fermer la porte derrière lui alors qu’elle reposait son livre et lui indiquait de la joindre. « Si je sens tes pieds froids contre moi cette nuit, je te pousse du lit. Si tu essaies de me… câliner » Il ne sut s’empêcher d’étirer un petit sourire amusé, même s’il voyait bien que elle ne riait pas du tout de son côté et qu’elle était on ne pouvait plus sérieuse. « je te fais dormir par terre. Et si tu crois que c’est une pyjama party où on parle de nos vies et que tu essaies de me reparler de notre discussion à l’hôpital, je te fais dormir sur le paillasson. Compris ? » Pinçant ses lèvres pour retenir l’expression amusée, il opina quelque peu du chef. « J’ai pas l’intention de te toucher d’une quelconque façon Scar, je veux juste pas être tout seul dans le lit. » Alors il se recula quelque peu jusqu’au bord de ce dernier, pour joindre les gestes aux paroles - même s’il y avait une chance assez élevée qu’il finisse au milieu du lit et qu’elle doive le pousser pour regagner de la place. Elle n’allait pas non plus s’en plaindre: au moins, il avait passé un caleçon pour venir dormir avec elle, c’était tout l’effort dont il était capable en cet instant. Parce-qu’avec d’autres, il n’aurait pas fait autant d’efforts - et forcément cela lui rappela qu’il n’avait pas d’autre personne à inviter dans son lit ce soir, parce-que la seule qu’il aurait voulu y voir été sa femme qui ne voulait pas le voir ce soir. D’un seul coup, il n’avait plus tant envie de s’amuser de la situation. « Hm, ça va aller, tu le sais, hein ? Te laisse pas abattre. » Son regard focalisa une dernière fois sur Scarlett avant d’esquisser un semblant de petite moue et de se tourner sur le dos, soupirant de tout son soul. « T’as surement raison. » Pour le moment, apparemment la nuit portait conseil et c’était la seule chose à laquelle il pouvait se raccrocher.