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@Diego Gutiérrez & Nina

lieu: logement, fortitude valley

« T’as l’air épuisée. » Un soupir las s’échappa d’entre ses lèvres. « La prochaine personne qui me dit que j’ai l’air fatiguée, il va le regretter. » Elle n’avait la sensation d’entendre que ce genre de commentaires depuis des jours. Bien sûr, qu’elle était fatiguée. Le sommeil était désormais devenu une option que son corps ne cherchait plus à rendre obligatoire, et malgré tout, elle ne cessait d’enchaîner les heures de garde pour ne jamais avoir le temps de se retrouver seule avec ses pensées. « Je remplis ce dossier et je file. » Son interne lui adressa un sourire presque rassuré qu’elle préféra ignorer. « C’est ton mari qui va être heureux de te voir un peu. » Elle le maîtrisait à la perfection désormais, son sourire de circonstance. Celui qui donnait le change à sa place, laissant sous-entendre qu’elle comptait passer la soirée lover dans les bras de son conjoint. En réalité, elle n’avait pas mis les pieds dans leur appartement depuis des jours, s’enfermant plutôt dans la chambre d’ami de son frère tout en cherchant à prétendre que le monde extérieur n’avait aucun intérêt. Dans sa poche, son téléphone portable lui rappela l’existence de Ruben. Lui qui ne cessait de noyer sa messagerie de différents appels et de longs messages en tout genre. Elle coupa la vibration de l’appareil, préférant même pas jeter un coup d’œil à la conversation. Elle n’était pas prête à lui faire face, elle se savait incapable d’entendre la moindre de ses tentatives de justifications pour le moment. Elle avait encore besoin de temps et surtout de se sortir de ce cercle qui consistait d’un Rory prêt à tuer Ruben et d’une Harleen qui ne cessait de lui rabâcher que les hommes n’étaient pas dignes de confiance. Nina avait besoin d’air, de voir d’autres personnes. De manière assez ironique, c’est Ruben qui lui avait rappelé qu’il existait d’autres personnes au sein de son cercle proche.

Elle s’est échappée de l’hôpital sans passer par les vestiaires, c’était devenue sa nouvelle routine, pour être certaine que Ruben ne l’attende pas à son casier. Il avait déjà glissé des affaires à l’intérieur de ce dernier, jouant un rôle qui ne sera bientôt plus le sien. Elle n’avait aucune idée de ce à quoi l’avenir allait ressembler pour eux, mais Nina était persuadée d’une seule chose : elle ne se fera plus jamais humilier d’une telle manière. C’est tout ce qu’elle ressentait à chaque fois qu’elle rentrait dans cette maison qui n’était pas la sienne. L’humiliation d’avoir été assez aveugle pour que son mari ait une aventure de deux ans. L’éventail de ses sentiments ne cessait d’osciller entre tout l’amour qu’elle ressentait pour Ruben et la haine qui ne cessait de s’écouler entre ses veines depuis cette soirée fatidique. L’oscillation se voulait épuisante, la poussant à une certaine négligence qui n’avait rien d’elle. Les cheveux tirés dans un chignon approximatif, vêtue d’un jean délavé et d’un pull appartenant à son frère aîné, Nina chercha à se faire discrète dans la cuisine. « Me compte pas pour dîner ce soir. » Qu’elle murmura doucement à son beau-frère qui s’activait déjà aux fourneaux avec Robin sur la hanche. Elle planta un baiser sur la joue rebondie de sa nièce avant de s’éclipser, refusant de laisser le moindre espace à cette jalousie sournoise qui s’emparait d’elle ces derniers jours. 

C’est en appuyant sur la sonnette qu’elle réalisa ne jamais être venue ici auparavant. L’obsession que mettait Ruben à vouloir lui parler avait définitivement gâché leur rendez-vous pour le petit déjeuner. Et peut-être que Nina n’avait clairement aucune envie de discuter de sa vie privée dans un lieu si public. Elle n’avait pas spécialement envie de parler de tout cela à Diego, connaissant déjà l’opinion du brun, mais on lui avait fait savoir qu’il avait besoin d’elle et elle ne comptait pas l’éviter éternellement. Il ne le méritait pas, lui. « Je suis allé les chercher dans ton restau préféré. » Qu’elle lui dit en guise de salutation, lui posant les deux cartons encore chauds des pizzas qu’elle était allée récupérer. Dans un sachet en plastique se cachait une bouteille de tequila et deux assortiments de jus de fruit. De quoi passer une bonne soirée. « T’as une sale tête. » Alors Ruben disait vrai. Et elle cherchait à gagner du temps en s’invitant dans son appartement. « Tu réalises que j’étais jamais venue avant ? » Est-ce que cela donnait une dimension bancale à leur amitié ? « T’avais des trucs à me cacher, Gutiérrez ? » Elle eut envie de rire, mais bizarrement, l’idée d’un énième mensonge ne l’amusait plus tant que cela. Il formait un sacré duo à tous les deux avec leurs cernes et leurs traits tirés.

Ruben avait parlé de lui à Nina, et il n’y avait pas tout un tas d’options quant au sujet évoqué. Et c’était une énième prise de conscience pour Diego, qu’il était allé trop loin, qu’il s’était laissé dépasser par ses émotions au point de craquer comme il s’était toujours interdit de le faire. Sans prendre conscience que le fait qu’il y ait eu des témoins pouvait être salvateur et l’empêcher de s’enfoncer encore plus, il voyait cela comme une punition pour avoir osé faiblir. Il n’aurait d’ailleurs sûrement jamais répondu à Nina s’il n’avait pas eu le sentiment que quelque chose de sérieux était en train de se tramer de son côté également, sans qu’il ne réussisse à comprendre ce dont il pouvait s’agir. Nina n’aurait probablement jamais accepté de s’inscrire pour le voyage humanitaire si elle n’avait pas, tout comme lui, agi sur un coup de tête. Jeudi soir était arrivé bien trop vite à son goût, alors qu’il se complaisait dans cette solitude qu’il s’imposait pour tenter de remettre un peu d’ordre dans ses idées. Il n’y arrivait pas, mais s’avouer qu’il avait besoin des autres pour sortir de l’impasse était quelque chose d’encore plus insurmontable que tout le reste. Depuis son adolescence, Diego avait été motivé par son égo, probablement l’un de ses plus grands points commun avec son père, un point qui lui avait toujours permis d’imaginer que tout serait possible pour lui. Aujourd’hui, ce même égo était en train de lui causer du tort alors qu’il s’y accrochait désespérément après avoir prouvé un nombre incalculable de fois qu’il n’en était plus digne. Il avait trompé, blessé, ignoré et il devenait la propre victime de ses agissements. Alors s’il ne répondait plus à Mateo, ce n’était peut-être pas seulement dans une naïve tentative de l’oublier et que cette histoire se tasse, mais aussi pour le protéger de la bombe à retardement qu’il était devenu.

Mais une amie avait besoin de lui, et s’il était conscient de ses erreurs, il ferait de son mieux pour remettre en avant toutes ses qualités dont la loyauté envers ses proches. La sonnette avait retenti pour interrompre le cours de ses pensées et il s’était surpris à être presque soulagé d’être ainsi sorti de sa solitude. « Je suis allé les chercher dans ton restau préféré. » Il aurait pu s’écrouler à la seconde où il avait croisé son regard et ce sourire compatissant qui n’avait rien à faire sur le visage de quelqu’un qui souffrait probablement plus que lui. Au moment où cette attention avait permis de le faire sourire légèrement, parce qu’il réalisait à quel point il pouvait parfois être simple de se libérer d’un poids si on décidait de le partager. « T’as une sale tête. » « Je te retourne le compliment. » Le commentaire l’agaçait mais ne le surprenait pas. Ses nuits étaient agitées, parce qu’il ne cessait de penser à la façon dont les choses s’étaient envenimées au point qu’il se retrouve à montrer ses plus grandes faiblesses à celui qu’il considérait encore comme son pire ennemi il y a peu. Et puis il y avait son téléphone qui s’allumait de temps à autres, lui rappelant à quel point il était lâche. Le commentaire de Nina venait de lui faire parvenir toute sa médiocrité en pleine face et son regard noir avait dû être une raison suffisante pour que Nina change de sujet. « Tu réalises que j’étais jamais venue avant ? » Les bras croisés, il avait incliné la tête en fronçant les sourcils - où voulait-elle en venir ? Diego n’avait pas la capacité à réfléchir alors que la migraine s’était emparée de lui depuis quelques jours déjà et qu’il s’en était accommodé. « T’avais des trucs à me cacher, Gutiérrez ? » Cette remarque aurait pu le faire rire mais il était sur la défensive, alors que Nina était loin d’être une ennemie dans toute cette histoire. L’ironie était que le seul ennemi que Diego pouvait avoir en ce moment était sa propre personne. « Nan, j’suis pas si intéressant. » avait-il répondu, les bras croisés, laissant un silence pesant s’installer avant de se ressaisir. Il avait décroisé les bras pour les poser contre le comptoir de la cuisine et se donner l’impulsion nécessaire pour s’activer. Rejoignant Nina au milieu de la pièce, il avait sorti les bouteilles du sachet puis deux verres qu’il avait posés sur la table avant de passer une main dans ses cheveux et de soupirer. « Je crois que je vais pas être la meilleure compagnie qu’il soit mais je vais essayer parce que je commençais réellement à m’inquiéter pour toi, Nina. » Il n’était pas du genre à tourner autour du pot, pas quand les raisons de leurs retrouvailles dans son appartement étaient évidentes. Les messages échangés étaient clairs : ils avaient chacun des confidences à se faire. S’il maîtrisait mieux ses émotions que ce jour-là à l’hôpital, il était encore fragile, parce qu’au poids de tout ce qu’il supportait était venu s’ajouter la culpabilité et la honte d’avoir craqué. « On à qu’à rendre ça amusant, on se pose des questions et celui qui répond pas doit prendre un shot. » Il avait ri sans n’y mettre aucune volonté, s’asseyant à table en s’autorisant une part de pizza parce qu’il venait de réaliser qu’il mourrait de faim. « Tu connais mon amour pour l’alcool, donc je devrais parler assez facilement. » Il en était là, à fixer les propres règles d’un jeu pour s’autoriser à parler à l’une de ses meilleures amies, comme si sa vie devait obligatoirement être un drame. Ses paroles avaient un sens, parce qu’il savait qu’il devenait presque nécessaire pour lui de se confier à quelqu’un qui soit neutre et tolérant. Mais pour se faire, ce quelqu’un devait avoir les épaules assez solides et vider son propre sac. « Plus sérieusement, qu’est-ce qu’il se passe, Nina ? » Car de son côté, il y avait fort à parier que la tequila soit une option bien plus séduisante que l’idée de révéler les raisons de ses cernes sous les yeux et de son sourire extrêmement faux.

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Elle n’avait aucunes idées de ce que Ruben avait bien voulu lui faire comprendre au travers de ses messages. Il était resté étrangement vague et Diego n’avait rien laissé échapper à son tour. Comme si le trio s’amusait à jouer un jeu dangereux. Celui qui craquera en premier ? Nina eut l’étrange sensation que Diego allait remporter la course dès l’instant où il ouvrit la porte de son appartement. Elle ne l’avait jamais vu ainsi et une fois encore, elle ne s’était jamais présentée à lui de cette manière. Tout paraissait étrange, de son sourire à l’étincelle qui manquait clairement dans le fond de ses prunelles. « Je te retourne le compliment. » Elle ne s’en offusquera pas, consciente de son apparence, des cernes qui s’étaient imprégnées sur sa peau et de ses traits tirés. Diego paraissait agacé, comme elle avait plutôt l’habitude de l’être auprès de lui. À quel moment les rôles s’étaient inversés de cette manière ? Ce n’était pas une blague. Ruben ne l’avait pas envoyé ici pour rien. Elle pouvait le ressentir dans la manière dont Diego se tenait face à elle. Comme s’il était prêt à imploser dans la seconde sans être certain de ce qui en serait la véritable raison. Sa blague ne se voulait absolument pas déplacer, mais bien dans la continuité de ce qui avait toujours été leur amitié. « Nan, j’suis pas si intéressant. » Elle eut un pas de recul. Ils s’étaient déjà pris la tête tous les deux. S’en était presque une habitude. Mais jamais de cette manière, jamais avec un Diego si distant. « Eh… » Elle n’aimait pas ce qui était en train de se jouer sous ses yeux, mais elle n’avait pas l’intention de le pousser dans ses retranchements. Cela n’aurait aucun effet positif, elle pouvait le sentir.

« Je crois que je vais pas être la meilleure compagnie qu’il soit, mais je vais essayer parce que je commençais réellement à m’inquiéter pour toi, Nina. » Elle aurait voulu en rire, parce que rien ne semblait entrer dans la moindre norme. « C’est moi qui commence à m’inquiéter là. » Qu’est-ce qui lui était arrivé ? Est-ce qu’il avait eu le patient de trop ? Celui qui était venu frapper trop près de ses sentiments ? De son histoire personnelle ? Elle n’aimait pas voir ce qui se jouait sur ses traits et pourtant Nina n’était pas du genre à se soucier de la vie personnelle des autres. Diego paraissait fragile et cela n’avait rien de normal. Est-ce qu’elle renvoyait la même image que lui ? « On à qu’à rendre ça amusant, on se pose des questions et celui qui répond pas doit prendre un shot. » Maintenant, elle s’inquiétait sérieusement. Diego ne buvait pas d’alcool, elle avait amené la bouteille pour elle. « Tu connais mon amour pour l’alcool, donc je devrais parler assez facilement. » Elle alignait déjà les quelques verres qu’il avait dénichés devant eux. Elle ferait un tour de son appartement plus tard, elle se souciera des détails à un autre moment. À cet instant, seuls les verres qu’elle remplissait paraissaient avoir de l’importance. Il voulait jouer ? Elle serait la première à aligner les verres. « Plus sérieusement, qu’est-ce qu’il se passe, Nina ? » Ce fut son tour de rire sans en avoir le cœur. Comment résumer ces derniers jours en quelque chose d’intelligible ? Est-ce qu’elle allait jouer pour faire durer l’instant ? Elle se rendit rapidement compte qu’elle n’avait aucune envie de faire durer le suspense. Il fallait qu’elle arrache le pansement, une bonne fois pour toute. Elle avait besoin de le dire, à quelqu’un qui n’était pas Rory, à quelqu’un qui allait réellement l’écouter, même s’il connaissait Ruben. Alors, Nina tira deux shots devant elle. Seulement deux. Qu’elle avala cul sec, grimaçant légèrement sur le second. « Un pour chaque année où il m’a trompé. » Dans le silence qui suivit, elle eut l’impression d’entre les miettes de son cœur qui s’échouait sur le sol. Elle venait de le dire pour la première fois. Ruben l’avait trompé. Elle n’osait plus relever les yeux vers Diego, jouant nerveusement avec son verre vide. Elle attendait la sentence, le moment où il lui dira qu’il avait pourtant cherché à la prévenir.

Une partie de lui était restée à l’hôpital, dans cette cage d’escaliers où il avait enfin décidé d’admettre qu’il ne pouvait plus continuer. Plus il tentait d’y échapper, plus il se retrouvait inévitablement assis sur cette marche où Ruben l’avait trouvé et s’il avait été la personne idéale pour se défouler, le moment ne lui avait en rien rendu tout ce qu’il avait perdu. Au contraire, il devait maintenant ajouter à tout cela un immense sentiment de gêne, décuplé par la façon dont Nina l’avait contactée, lui indiquant que Ruben n’avait pas su tenir sa langue. Cela n’avait rien d’étonnant, et si le blason du médecin avait été redoré durant leur travail en binôme, Diego gardait en tête l’intégralité de ses doutes à son propos. Ouvrir à Nina avait presque eu le même effet que de se regarder dans le miroir : le visage fatigué, marqué par une charge émotionnelle bien trop intense et des yeux dénués de toute lueur. Ils faisaient peine à voir, et cette trentaine commençait étrangement à ressembler au plus grand des fardeaux. Après sa plaisanterie, il aurait adoré lui indiquer qu’il cachait bel et bien quelque chose et que Mateo se trouvait dans la pièce à côté, comme le secret le mieux gardé du monde, mais il n’en était rien parce qu’il avait tout gâché. C’était ce qui l’avait poussé à être aussi froid dans sa réponse, à ne montrer aucune envie de la poursuivre ou même d’y répondre comme il l’aurait fait normalement. Nina n’y était pour rien, n’avait fait qu’être elle-même et peu importe ce qu’elle aurait dit, il aurait su ramener ses mots à lui parce qu’il ne pensait plus qu’à ce qu’il avait perdu ces derniers temps. « Eh… » Un maigre sourire avait étiré ses lèvres, comme pour la rassurer ou pour s’excuser. « C’est moi qui commence à m’inquiéter là. » Il avait haussé les épaules, fatigué de mentir ou de nuancer la vérité, il n’avait plus réellement la force de tenter un énième mensonge pour dire que tout allait bien et qu’il ne fallait pas s’inquiéter. Le pire était passé, et il avait tenté de l’en convaincre en tentant de lancer la soirée, pourtant persuadé qu’elle serait loin d’être réjouissante.

Nina était en train de changer les règles du jeu qu’il avait proposé, et tout cela restait logique parce que leurs mines désespérées indiquaient le peu d’entrain qu’ils avaient à l’idée de jouer. Diego l’avait regardé placer les verres méticuleusement devant elle, et au moment où il s’apprêtait à indiquer qu’il ne comptait pas boire, elle avait avalé les deux d’une traite. « Un pour chaque année où il m’a trompé. » Le nombre de verres ingurgités prenait tout son sens, assez pour faire grimacer Diego qui semblait avoir lui aussi été sensible à l’alcool que Nina venait de boire. Mais il ne réagissait qu’à cette confession, celle qu’il avait craint d’entendre durant tout ce temps et qui l’avait forcé à se méfier de Ruben. Le fait de l’entendre prononcer ces mots au moment où il avait enfin décidé de baisser la garde était ironique mais il avait envie de tout sauf de rire. « Hijo de puta. » Il avait toujours trouvé ça plus chic de jurer en espagnol, comme si personne ne réaliserait qu’il venait gâcher l’image lisse à laquelle il était attaché. Et puisqu’elle n’existait plus, il avait ajouté. « Quelle ordure, j’en reviens pas. Nina, je suis désolé, je sais pas quoi te dire … » Le moment avait eu l’effet anesthésiant que recherchait Diego depuis des semaines, ne plus penser à ses problèmes, pourtant, il ne ressentait aucune satisfaction à connaître cette paix intérieure en écoutant Nina livrer la pire chose possible. « Comment t’as su ? » Etait-elle sûre ? Il n’aurait pas osé poser la question, son amie était forte, le menton toujours fièrement levé, et si elle se présentait à lui dans un pareil état, ce n’était pas sans la certitude que Ruben avait fauté. Et à la voir là, simple ombre d’elle-même, le j’en étais sûr était resté sagement au bord de ses lèvres.

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Une part d’elle osait à peine se montrer naturelle auprès de Diego. Ce n’était pas quelque chose de normal, ce n’était pas un comportement qui lui ressemblait, mais soudainement Nina se voulait presque effrayée à l’idée que ses paroles provoquent une crise dont ils ne pourraient sortir indemne. Elle avait pour habitude de malmener Diego, il est vrai. Parfois, il prétendait ne pas s’en soucier, la plupart du temps, elle avait conscience qu’il n’appréciait guère se faire secouer de la sorte. Mais la beauté de leur amitié résidait dans le fait que l’un comme l’autre, avait cette capacité de prendre conscience des limites à ne pas franchir. Si elle l’avait parfois vu au bord de sa patience, un peu énervée, elle n’avait jamais été accueillie par un Diego aussi froid et détaché. Ce n’était pas normal, cela dissimulait quelque chose qui commençait à l’effrayer. Le message de Ruben n’était pas juste un effet de sarcasme, il l’avait sincèrement envoyé auprès de Diego car lui-même avait su dénoter un changement dans le comportement du jeune homme. Elle fronçait les sourcils Nina, pas certaine de comprendre ce qu’elle avait bien pu manquer ces derniers jours. Elle devrait plutôt penser en semaine, mais sa propre notion du temps se voulait biaiser ces derniers temps. Après tout, elle aussi s’était réfugiée dans sa propre bulle sans y inviter qui que ce soit. Et elle commençait doucement à le regretter.

Sa visite ne se voulait pas simplement opportuniste, c’est comme si Nina avait franchi le seuil de l’appartement en amenant une monnaie d’échange. Sous forme d’alcool dans un premier temps, mais surtout avec une monnaie que Diego allait comprendre : un secret. Elle ne l’avait avoué à personne jusqu’à présent, si ce n’est son frère aîné. Il n’avait aucun moyen d’y mettre les formes, il n’existait pas une manière meilleure qu’une autre pour annoncer que votre mari vous trompe depuis des années. Nina opte pour une version édulcorée, sous la forme d’un jeu alcoolisé. Un peu de courage liquide avant de prononcer les mots fatidiques. Le silence qui suivit vint lui glacer le sang, il prenait le temps de comprendre et probablement de formuler sa prochaine prise de parole. « Hijo de puta. » Nina s’attendait à tout, sauf à une telle exclamation. Elle eut envie de rire, presque franchement, qu’importe si le cœur n’y était pas vraiment. [color=darkgoldenrod]« Je te préfère quand t’es comme ça. » Aussi franc, sans détour, un Diego nature peinture. Elle faisait une blague pour ne pas prendre conscience de la vérité qu’elle venait de prononcer, mais Diego avait parfaitement entendu et il n’allait pas en rester avec ça. « Qu’elle ordure, j’en reviens pas. Nina, je suis désolé, je sais pas quoi te dire… » Il était désolé, parce que lui l’avait vu venir, parce qu’il avait eu des doutes et il les avait formulés. Diego était trop poli pour parler ainsi, mais Nina n’avait rien oublié de cette dispute, bien au contraire… Elle lui saute à la gorge depuis des jours désormais. Pourquoi Diego avait renifler quelque chose et pas elle ? Pourquoi est-ce qu’elle n’avait pas voulu le croire ? Ou au moins, pourquoi n'avait-elle pas ressenti le même soupçon de doute ? En réalité, elle l’avait ressenti elle aussi, mais il était encore trop tôt pour un tel constat. « Y’a rien à dire, je crois. » Si, elle avait des tas de choses à dire, mais laisser sa colère prendre le dessus n’aurait rien de productif ce soir. « Comment t’as su ? » Cette fois, elle se mit à rire, pour de vrai, un de ces rires nerveux que l’on ne contrôle absolument pas. « C’est digne des pires séries B, je t’assure. » Elle avait pleurer là-dessus, mais désormais cela ne faisait que nourrir sa haine envers Ruben. « Il avait prévu tout un weekend pour nos sept ans. » Sept ans de couple, sept ans passés ensemble et le tout balayer pour une histoire de cul, ou quelque chose comme ça, elle ne savait même plus. « Mais cet idiot as trouver le moyen de m’emmener dans l’hôtel où il allait avec sa pute. » Elle ne l’avait jamais dit ainsi, Nina n’était pas du genre à jurer comme une charretière, bien au contraire, mais cela se voulait presque libérateur. L’insulter elle, l’autre, celle qui lui avait pris sa place et son mari. « Ils l’ont reconnu, ça a sorti les ronds de jambes, les Monsieur et Madame Hartfield nous sommes ravis de vous revoir… Je n’avais jamais foutu les pieds dans cet hôtel, Diego. » Jamais. Et elle avait vu, le regard gêné de la réceptionniste, le silence de Ruben. Tout c’était additionné dans cet ascenseur à l’ascension sans fin. « Je me suis jamais sentie aussi humiliée dans ma vie. » Les mots lui échappèrent dans un souffle, un léger murmure, alors qu’elle s'affairait déjà à leur servir un verre de jus de fruit, qu’il puisse trinquer avec elle. Et sur le comptoir, entre eux deux, son téléphone s’illumina pour laisser apparaître le nom de Ruben. « Je lui ai dit que je voulais plus le voir et depuis il me harcèle sans cesse… » Et elle était vraiment fatiguée de cela, vraiment. Relevant enfin les yeux vers Diego, elle attendit… Elle ne savait pas réellement ce qu’elle attendait, une réaction de sa part, des conseils, une main tendue… Nina n’était plus sûre de rien, mais elle espérait que son ami saurait lui amener un peu de lumière.

La seule chose qu’il pouvait encore espérer maintenant qu’il savait que Ruben avait parlé de son état actuel à Nina, c’était qu’il ne soit pas rentré dans un niveau de détails trop élevé. Qu’il avait encore la possibilité de nuancer ce moment qu’il avait vécu à l’hôpital et de ne pas donner l’impression à une autre personne qu’il n’était plus capable d’exercer. Contrairement à Ruben et malgré leurs désaccords, Nina et lui tenaient assez l’un à l’autre pour que le problème de Diego devienne l’un des siens. Nina insisterait pour l’entendre parler, tenterait de trouver les mots pour le rassurer alors qu’il n’avait besoin de rien de tout cela. Finalement, même s’il était extrêmement ironique d’imaginer qu’il ait été celui lui venant en aide, le comportement que Ruben avait eu avec lui était le meilleur : rester ferme, n’avoir aucune pitié afin de l’obliger à se relever. Il l’avait fait, continuant pourtant à ignorer Mateo parce que chaque jour qui passait rendait un peu plus difficile l’idée de reprendre contact après un si long silence. Alors c’était seul qu’il comptait se reprendre en mains, mais les nouvelles se répandaient vite au sein de l’hôpital, encore plus lorsqu’un couple y évoluait.

En quelques instants, Nina avait rendu ses propres problèmes presque insignifiants alors que son empathie avait pris le dessus. « Je te préfère quand t’es comme ça. » Son juron n’était pourtant pas voué à montrer qu’il était sorti de son propre désarroi, il était un simple réflexe face à une annonce à laquelle il ne s’était pas attendu et qui le laissait sans voix. « Y’a rien à dire, je crois. » Nina semblait résignée, tout dans son attitude dénotait avec la personne qu’elle était en temps normal. Son visage était fermé, les sourires dont elle usait pour sauver les apparences n’avaient pour effet que de briser le cœur de son ami. Et effectivement, il était resté silencieux un instant avant de demander des détails car il n’y avait presque plus rien à dire. « C’est digne des pires séries B, je t’assure. » Il pouvait le voir dans son regard, la situation ne l’amusait absolument pas. C’était un constat douloureux, presque destructeur, mais il avait le sentiment qu’il était encore plus vrai pour une Nina qui avait tant misé sur cette relation. Qui avait laissé son égo aux mains d’une personne capable de le détruire aussi facilement. Diego savait qu’elle considérait ça comme un échec et que c’était probablement encore plus difficile à vivre que le poids de son cœur brisé. « Il avait prévu tout un weekend pour nos sept ans. » Il savait, parce que cela coïncidait avec l’arrivée au St Vincent du patient qui avait déclenché sa descente aux enfers. « Mais cet idiot as trouver le moyen de m’emmener dans l’hôtel où il allait avec sa pute. » Loin de le choquer, l’utilisation de ce mot lui avait pourtant glacé le sang, venant souligner encore une fois l’état dans lequel se trouvait Nina. « Ils l’ont reconnu, ça a sorti les ronds de jambes, les Monsieur et Madame Hartfield nous sommes ravis de vous revoir… Je n’avais jamais foutu les pieds dans cet hôtel, Diego. » Il la laissait parler, accueillant ces révélations avec d’autres jurons murmurés du bout des lèvres. « Je me suis jamais sentie aussi humiliée dans ma vie. » Elle confirmait sa crainte, plus que son mariage et son couple, c’était sa dignité qui avait éclaté en morceaux. Et comme s’il savait ce qu’il se tramait, Ruben s’était manifesté, laissant le téléphone de Nina s’éclairer. « Je lui ai dit que je voulais plus le voir et depuis il me harcèle sans cesse… » S’il n’était pas dans son état normal lorsqu’il avait vu Ruben pour la dernière fois, il avait tout de même pu constater que lui aussi semblait différent et il comprenait maintenant pourquoi. Ce médecin émérite était finalement assez stupide pour avoir l’audace de continuer à la faire souffrir, comme si Nina devait accorder une quelconque légitimité à ce qu’il ressentait après son geste. Frottant son visage comme pour reprendre ses esprits, Diego avait repris la parole, persuadé qu’aucun mot ne serait utile. « Rassure-moi, tu lui réponds pas ? » Il avait ravalé sa salive après ces mots, parce qu’ils l’avaient ramené à sa propre situation et à ces notifications qu’il avait ignorées. « S’il pense réparer les pots cassés et te retrouver après ça, je te jure que je me demande vraiment comment il a obtenu ses diplômes.  » Nina avait sa tequila, lui son jus de fruit, et cette scène si pathétique lui donnait envie d’utiliser la même façon de faire qu’elle : forcer l’humour pour prétendre que tout allait bien. Parce qu’après tout, que pouvaient-ils faire de plus maintenant qu’ils étaient devant le fait accompli ? « Je vais pas te sortir le grand discours du tu mérites mieux et le temps rendra tout ça moins douloureux, je sais que c’est trop tôt. J’ose pas imaginer ce que tu ressens... » Il n’avait jamais été à sa place, au contraire, et son esprit avait un instant songé à Emery, le tout venant lui indiquer qu’il avait probablement raison de continuer à tout lui laisser passer après ce qu’il lui avait fait vivre. C’était différent, mais l’échelle ne rendait pas les geste plus excusable. « Je vais pas non plus te dire que je suis là si t’as besoin de quoique ce soit, tu le sais déjà. » Sa main avait trouvé la sienne, y avait exercé une pression afin qu’elle croise son regard et qu’il puisse lui accorder un sourire. « Je pense qu’on a pris la bonne décision en s’inscrivant pour le voyage humanitaire. » Ils avaient énormément de choses à fuir, et un immense besoin de se recentrer.

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@Diego Gutiérrez & Nina

Elle s’autorisait rarement à faire tomber les barrières. Nina était dans le contrôle de son image depuis l’adolescence, il s’agissait d’une seconde nature, une obligation qu’elle s’imposait et qui avait fait d’elle cette femme combattante qui ne baissait jamais les bras. Elle avait construit sa personnalité autour de cette capacité à faire la part des choses, on l’admirait pour la force qu’elle renvoyait. Et aujourd’hui, face à un ami de toujours, Nina eut l’impression de ne plus réellement avoir la force. Comme si les années avaient fini par l’attraper pour mieux la tacler au sol et lui voler sa respiration. Harleen n’avait rien demandé, Diego était officiellement la première personne à qui elle racontait ce qui avait bien pu se dérouler ce soir-là. Elle se souvenait de chaque seconde. Un peu comme si elle avait vécu l’expérience hors de son corps. Le malaise qui était né dans cet ascenseur, la confirmation qui était arrivée une fois dans la chambre. Et la réalisation de ce que Ruben avait fait. La trahison, les blessures exposées au monde entier. Nina ramena un genou contre elle, cherchant presque à se faire petite sur sa chaise. Elle s’était abandonnée tout entière auprès de Ruben. Inconsciemment, elle lui avait laissé le pouvoir de la blesser comme jamais personne n’aurait pu le faire auparavant. Aveuglé par une histoire qui fonctionnait, par un mariage célébré à leur façon. Elle s’était fait avoir et la pilule ne passait pas. Nina était aussi épuisée qu’elle était en colère et tout faisait alors l’effet d’un pétard mouillé quand elle savait pertinemment qu’elle n’avait aucunement besoin de prétendre face à Diego. « Rassure-moi, tu lui réponds pas ? » Une fois encore, elle regarda l’écran de son téléphone et un numéro supplémentaire qui s’ajouta aux côtés du prénom de Ruben. « Quand il joue avec mes limites. » Un message, rien de plus. Elle ne répondait jamais à ses appels. « S’il pense réparer les pots cassés et te retrouver après ça, je te jure que je me demande vraiment comment il a obtenu ses diplômes. » Elle ne put s’empêcher de rire faiblement face à la remarque de Diego. Il avait été malin pourtant, assez pour ne pas se faire prendre durant deux longues années. 

« Je vais pas te sortir le grand discours du tu mérites mieux et le temps rendra tout ça moins douloureux, je sais que c’est trop tôt. J’ose pas imaginer ce que tu ressens... » Elle le supplia du regard, elle ne voulait pas de sa compassion, encore moins d’une empathie préfabriquée. « J’ai autant envie de lui faire payer que j’ai envie de ne plus jamais le voir. » Et les deux émotions se voulaient si contradictoires que parfois elle en avait le tournis. Au fond d’elle, Nina savait parfaitement qu’elle n’abandonnerait pas son mariage ainsi. Il l’avait épousé. Il allait jouer son rôle, il allait tenir ses promesses, elle allait lui rappeler ce qu’il lui avait promis après tout, ils s’étaient tout juré, même dans les adversités. Pas vrai ? « Je vais pas non plus te dire que je suis là si t’as besoin de quoi que ce soit, tu le sais déjà. » Elle l’avait ignoré, c’est vrai, mais elle savait qu’en venant ici elle trouverait un certain soutien. Ses doigts s’agrippèrent à ceux de Diego dans un remerciement silencieux. Elle avait besoin de cela sans les grands discours. Une simple présence à ses côtés, une ombre qui lui rappellerait de ne pas flancher. « Je pense qu’on a pris la bonne décision en s’inscrivant pour le voyage humanitaire. » Un nouveau sourire quelque peu amusé. « C’est pour ça que j’ai dit oui, j’ai besoin d’aller voir ailleurs. » Elle avait besoin de quitter Brisbane, de s’éloigner de la pression que Ruben mettait sur elle. Nina avait besoin de se retrouver ailleurs, sans le jugement des autres, sans les attentes de la société. Elle avait besoin d’une pause. Loin de chez elle.

Le silence s’étira un instant, chacun perdu dans leurs pensée. Elle voyait que Diego se battait avec ses propres démons, mais elle se refusait d’insister quand elle aurait détesté qu’il le fasse envers elle. Et surtout, il y avait bien une chose qui ne cessait de tourner dans un coin de sa tête. « Diego ? » Il lui avait toujours promis d’être honnête envers elle, pas vrai ? C’était la base de leur amitié, ce qui faisait qu’ils s’entendaient si bien tous les deux. « Tu savais ? » Il lui avait dit de se méfier, elle s’en était énervée. Mais sa méfiance ne pouvait émaner de nulle part. Elle reconnut l’accusé indirectement et se reprit rapidement. « Enfin… Tu t’en doutais ? » Elle voulait en avoir le cœur net.

Diego croyait naïvement que ce moment de faiblesse devant Ruben ne serait qu’anecdotique et que jamais personne ne viendrait lui en reparler. Il n’avait pas d’autres solutions que celle de se répéter ce mensonge en boucle s’il ne voulait pas craquer à nouveau en pensant à tout ce qu’il se dirait de lui derrière son dos si l’information commençait à circuler à l’hôpital. Ce que penserait sa famille si elle l’apprenait, alors même qu’il était impossible qu’ils connaissent quoique ce soit de sa vie professionnelle s’il ne choisissait pas de le leur raconter lui-même. Mais c’était quand Nina était apparue chez lui qu’il avait réellement pris conscience de la dangerosité d’un tel comportement et qu’il avait compris que de tout son entourage, elle était celle à qui il serait impossible de mentir plus longtemps. Ruben avait parlé et il ne lui en voulait même pas, parce qu’il avait déjà été bien plus compréhensif et patient qu’il ne l’aurait imaginé. A vrai dire, il n’aurait jamais pu anticiper ce scénario dans lequel ce serait face à lui qu’il craquerait. C’était un coup du hasard, probablement, mais l’opportunité pour lui de se confier à Nina parce qu’elle était venue jusqu’à lui quand il aurait été bien incapable de le faire. Le moment n’était pourtant pas le bon, l’annonce qu’elle venait de lui faire l’ayant laissé sans voix. « Quand il joue avec mes limites. » Il était encore en train de digérer le mal qui avait été fait à son amie lorsqu’elle lui avouait lui accorder encore de l’importance. Même infime, cela était déjà trop. Il avait soupiré pour simple réponse, il avait donné assez de conseils, maintenant que tout le mal qu’il pensait de Ruben devenait réel, il refusait d’en donner davantage. Il était de toute façon extrêmement mal placé pour donner des leçons aux autres lorsqu’il était lui-même incapable de donner un peu de sens à sa vie.

Diego avait choisi la douceur, la compassion, et toutes ces versions de lui-même que Nina haïssait. Elle pouvait rejeter toute cette empathie en la qualifiant de pitié, il s’en fichait, parce qu’il refusait de se contenter de rester silencieux et lui donner l’impression de se ficher de tout cela. Ce n’était pas le cas, et Nina ne perdrait pas son statut de femme forte en osant apprécier ce soutien qu’il lui offrait et qu’elle était probablement venue chercher inconsciemment en le contactant. Il la traitait comme l’une de ses sœurs, avec la colère en moins, parce qu’il ne pouvait pas se contenter d’aller attraper le col de la blouse de Ruben lorsqu’il s’agissait d’un de ses collègues. « J’ai autant envie de lui faire payer que j’ai envie de ne plus jamais le voir. » C’était un bon point de l’entendre mettre des mots sur ce qu’elle ressentait. « Fais ce qu’il te semble le plus juste mais tu devrais plus perdre de temps pour lui. Pas une seconde de plus. » Ce serait finalement son seul conseil, qu’il avait été obligé de lui donner parce qu'elle venait de découvrir le temps qu'elle avait perdu. Deux années entières qu’il avait passé dans les bras d’une autre pendant qu’elle l’aimait de tout son être. Alors bien sûr, que Diego serait là pour elle, à n’importe quelle heure du jour et de la nuit. Nina n’était pas du genre à demander de l’aide, mais la façon dont elle avait attrapé sa main lui laissait entrevoir toute l’ampleur de la blessure que Ruben lui avait infligée. Dans un peu plus d’un mois, elle aurait l’occasion de le laisser derrière elle, de prendre le recul nécessaire, et il se félicitait d’avoir été à l’initiative de ce projet sans même savoir à quel point son amie en aurait cruellement besoin. « C’est pour ça que j’ai dit oui, j’ai besoin d’aller voir ailleurs. » Moi aussi, avait-il pensé, sans s’autoriser à le dire tout haut parce qu’il s’agissait d’elle et qu’il n’avait aucune intention de la priver de cette opportunité de panser ses plaies. Ils étaient restés silencieux, Diego fixant la table et les verres posés dessus en se refaisant tout le film de ces derniers jours. Ils avaient été chaotiques, et il serait mentir de dire qu’il se sentait un peu moins seul à présent.

« Diego ? » « Hum ? » avait-il grommelé en relevant la tête pour fixer le profil de Nina qui l’avait tiré de ses pensées. « Tu savais ? » Il réalisait à quel point son comportement avec Ruben pouvait attiser les doutes et les suspicions sur sa personne mais ne s'était pas attendu à recevoir la question de but en blanc.  « Enfin… Tu t’en doutais ? » Sa voix était trop douce pour qu’il s’agisse de réelles accusations, alors il avait gardé son calme parce que sa nervosité n’était dûe qu’à cette sensation désagréable d’avoir eu raison lorsqu’il aurait voulu se tromper. « C’était un pressentiment, rien de plus. Si j’avais eu la moindre preuve, j’espère que tu sais que je te l’aurais dit. » Comment aurait-il pu lui indiquer qu’à observer le comportement de Ruben, son pressentiment s’était transformé en affreux doute ? C’était déplacé, et il devait la ménager. « Et j’espère que tu sais que j’aurais adoré me tromper sur lui, je faisais même des efforts pour le supporter. Je venais de comprendre la façon dont toi tu le voyais, de réussir à bosser avec lui, l’autre jour encore je … Joder. » Et il n’avait pas tardé à se refaire la chronologie mentalement : lorsque Ruben lui dictait comment agir après un deuil et lui servait ses grands discours, il le faisait en ayant déjà laissé derrière lui une Nina brisée. S’il avait su, l’ironie du moment n’aurait même pas existée parce qu’il n’aurait eu d’autre réaction que de se lever et de l’ignorer pour ne pas que ses mots dépassent sa pensée. L’idée de devoir travailler à nouveau avec lui lui nouait déjà l’estomac alors que, pourtant, la faute ne datait pas d’hier. « Je fais quoi, s’il me pose des questions sur toi ? » Il ne pouvait pas l’éviter, pas maintenant, pas alors que ce patient-là avait pris une telle importance à ses yeux.

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« Fais ce qu’il te semble le plus juste, mais tu devrais plus perdre de temps pour lui. Pas une seconde de plus. » Elle eut envie de rire, mais quelque chose la retenait. Elle n’en a pas parlé à beaucoup de monde, ils se comptent sur les doigts d’une seule main, mais ils ont tous été unanimes sur le simple fait que Nina ne devait pas accorder de l’intérêt à l’insistance de Ruben. Comme si cela s’avérait aussi simple que cela. Comme si elle pouvait tout simplement claquer des doigts et oublier l’existence même de celui qui est, encore aujourd’hui, son mari. Nina est colère, comme elle ne l’a jamais été auparavant. Elle se sent trahie, humiliée, utilisée et tout un tas d’autres adjectifs réducteurs encore. Elle a cœur de comprendre ce qui a bien pu se passer, et surtout, de découvrir l’identité de cette autre femme. Nina se vengera, elle le sait. Mais en attendant, elle ne peut tout simplement pas effacer sept ans de relations simplement sur le conseil des autres. « C’est mon mari Diego. » Son mari. L’homme qu’elle a épousé. Celui avec qui elle se voyait finir sa vie. Il est hors de question que son avenir déraille ainsi, que leur réputation se ternisse au nom des coucheries de Ben. Elle refuse une telle conclusion.

A défaut de réellement savoir ce qu’il allait suivre, Nina avait besoin d’obtenir des réponses aux questions qu’elle ne cesse de se poser depuis des jours. Et une part d’elle espère secrètement que Diego saura l’aiguiller. Elle ne cherche pas à l’accuser, mais elle se souvient parfaitement de leurs nombreuses disputes au sujet de Ruben. Cela ne lui paraissait plus sans raison désormais. Est-ce que Diego est au courant de quelque chose qu’elle ignorait jusqu’à présent ? Elle ne cherche pas à l’accuser, simplement à y voir plus clair dans ce brouillard opaque qui l’entoure depuis qu’elle sait. « C’était un pressentiment, rien de plus. Si j’avais eu la moindre preuve, j’espère que tu sais que je te l’aurais dit. » Elle hoche la tête. Bien sûr qu’elle le sait. Leur amitié ressemble à des montagnes russes, mais elle a confiance en Diego, comme en peu de personnes dans ce monde. « Et j’espère que tu sais que j’aurais adoré me tromper sur lui, je faisais même des efforts pour le supporter. Je venais de comprendre la façon dont toi tu le voyais, de réussir à bosser avec lui, l’autre jour encore je… Joder. » Même Diego a su faire des efforts, mais Ruben a tout gâché. À croire qu’il se veut expert en la matière, incapable d’apprécier ceux qui l’entourent, toujours à la recherche d’une nouvelle proie qui l’admirera plus fort encore. À vomir. « Mais ton pressentiment, il tenait sur quoi ? » Il ne pouvait pas juste avoir l’idée en regardant Ruben, ce n’est tout de même pas écrit sur son front qu’il commet l’adultère. « Est-ce que t’as vu quelque chose ? » Parce qu’à force de tourner l’information dans tous les sens, Nina en est venue à se demander si l’autre femme ne travaille pas également à l’hôpital. L’idée l’obsède même.

« Je fais quoi, s’il me pose des questions sur toi ? » Cette fois, son rire se veut presque mauvais. « Tu lui dis d’aller se faire foutre. » Elle est sérieuse. À quoi bon essayer de cacher la vérité ? Elle voudrait insulter Ruben à longueur de journée si elle le pouvait, mais son éducation et la personne qu’elle est devenue savent encore agir en public. « Je suis sérieuse, Diego, tu ne lui dis rien. » Hors de question qu’il sache quoi que ce soit sur son état mental ou physique. Elle n’a pas pleuré chez Diego, mais il a déjà deviné qu’elle venait de passer des jours assez compliqués. « S’il vient te voir, il va sûrement te demander si tu sais où je dors. Invente la réponse que tu veux, sois imaginatif, je te fais confiance. » Qu’il lui invente un amant, même si ça lui chante. « Tu promets ? » Il allait rester de son côté, pas vrai ?

Il y avait des confidences que Diego aurait aimé ne pas recevoir mais il savait pourtant à quel point il était nécessaire pour son amie de parler. De ne pas commettre les mêmes erreurs que lui et d’oser se confier, alors même que cela venait impacter l’image lisse qu’elle avait soigneusement construite au fil de sa vie. Le spectacle était désolant, et il lui tardait déjà de la voir tourner la page parce que lui-même n’avait jamais réellement cru en ce couple, se forçant à le faire à la seconde où il avait vu cette alliance sur son annulaire. « C’est mon mari Diego. » Depuis si peu de temps que cela ressemblait à une mascarade, celle qu’il aurait juré pouvoir prédire quelque temps auparavant. Mais qui pouvait être assez pervers pour aller jusqu’au grand oui afin de dissimuler son vrai visage ? Et devant les questions qu’il se posait intérieurement et la violence de celles-ci, il avait épargné à Nina la réponse qu’il aurait réellement voulu prononcer. « T’as raison, c’est plus facile à dire qu’à faire, surtout venant de quelqu’un de l’extérieur. Je sais. » Il avait haussé les épaules, elle était celle qui souffrait et la seule capable de savoir comment gérer cette émotion-là. Son entourage n’avait qu’un seul rôle, celui de s’assurer qu’elle réussirait à traverser l’épreuve en finissant par relever la tête et les solutions trouvées pour y arriver leur importait peu. Une chose était sûre, en revanche, personne ne serait plus à même d’autoriser à nouveau Ruben dans sa vie et encore moins DIego qui, finalement, ne l’avait jamais réellement fait.

« Mais ton pressentiment, il tenait sur quoi ? » La définition même d’un pressentiment était qu’il ne tenait sur aucun fait concret, et Diego était resté un instant silencieux, cherchant à comprendre lui-même ce qui l’avait poussé à tant diaboliser Ruben. Difficile, qui plus est, de le faire à un moment où il avait réussi à se concentrer sur ses qualités de médecin alors qu’ils avançaient ensemble sur un cas qui avait amené Diego à s’écrouler pour finalement mieux se relever. « Est-ce que t’as vu quelque chose ? » « Non, Nina, j’ai rien vu. Je le trouvais juste trop mielleux, trop faux, trop tout constamment et extrêmement agaçant. » Et on l’avait qualifié de jaloux, quand bien même il voyait plus en Nina l’image d’une sœur que d’une petite-amie. Maintenant, il était un collègue, et Diego se retrouvait au milieu de tout ça sans réellement comprendre comment il devait agir. « Tu lui dis d’aller se faire foutre. » Son rire était un réflexe nerveux alors qu’il ne s’était pas attendu à ce qu’elle soit aussi catégorique. Ils devaient rester professionnels, elle le savait, et elle avait montré assez de réticence à l’idée de le rayer de sa vie pour qu’il soit surpris de sa réponse. Devant son air étonné, la blonde avait repris. « Je suis sérieuse, Diego, tu ne lui dis rien. » D’un signe de tête, il avait indiqué qu’il ne dirait rien. « S’il vient te voir, il va sûrement te demander si tu sais où je dors. Invente la réponse que tu veux, sois imaginatif, je te fais confiance. » « J’en sais strictement rien, où tu dors, justement ? Alors je devrais pas avoir de mal à inventer. » Il ne savait pas mentir, mais puisqu’il ne connaissait pas la vérité, alors il n’aurait pas à le faire. C’était une question subtile mais une question quand même à laquelle elle n’avait pas répondu, préférant reprendre un air sérieux, les sourcils froncés en réitérant sa demande. « Tu promets ? » « Ça me parait évident, je voulais juste te prévenir que j’allais pas pouvoir l’ignorer vu qu’on bosse ensemble. » Et qu’il s’était littéralement dévoilé n’être que l’ombre de lui-même face à lui. « A toi, je te dirais tout. » Un maigre sourire avait habillé ses lèvres parce qu’il ne savait quoi lui offrir d’autre que la promesse de rester de son côté. « Mais je pense pas qu’il soit assez stupide pour avoir fait ça avec quelqu’un du boulot, si c’est là que tu veux en venir. » Alors il serait incapable de trouver un quelconque indice sur la personne avec qui il avait décidé de ruiner tout ce qu’il avait construit avec Nina.

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Se confier n’a jamais été un exercice facile, particulièrement pour Nina. Étrangement, elle ne ressent aucun mal à vider son sac auprès de Diego. Leur amitié n’a jamais été des plus régulières, parfois à se tirer dans les pattes, souvent à se soutenir sans avoir à échanger le moindre mot. Elle aurait bien du mal à définir clairement ce qui les unit, mais aujourd’hui elle se trouve si reconnaissante de pouvoir trouver un peu de sécurité auprès du brun. Ils ne parleront pas des heures sur le sujet, il en a conscience à la simple manière qu’il a de ne pas l’envahir de questions. Elle le respecte pour cela, pour sa manière à lui de respecter ce qu’elle est, actuellement, en capacité de pouvoir encaisser. « Non, Nina, j’ai rien vu. Je le trouvais juste trop mielleux, trop faux, trop tout constamment et extrêmement agaçant. » Il lui offre sa version de la vérité sans prendre de gant, sans s’emmêler dans des ronds de jambes empli d’une politesse absolument pas nécessaire. Il ne sait pas vraiment, il a eu son intuition, comme elle a désormais la sienne. « Peut-être que j’aurais dû t’écouter. » Le moment se veut assez rare pour être souligné par un silence. Nina ne reconnaît jamais ses torts, encore moins en donnant raison à quelqu’un d’autre. Mais au milieu de cette discussion pourtant lunaire, elle a le sentiment d’avoir été bien trop dure avec Diego alors qu’il ne cherchait qu’à la prévenir. Son instinct lui a fait défaut quand celui de Diego avait reniflé le piège à des kilomètres. « Si on te demande, tu prétendras que je t’ai jamais dit ça. » Elle dissimule l’acte de faiblesse sous un trait d’humour. Il saura lire au travers des lignes.

« J’en sais strictement rien, où tu dors, justement ? Alors je devrais pas avoir de mal à inventer. » Elle entend la question qu’il formule à demi-mots et pourtant elle hésite. Comme s’il allait s’empresser de tout raconter à Ruben alors qu’il venait encore d’admettre n’avoir jamais eu le feeling pour lui. « Chez mon frère. » Elle est partie se réfugier chez Oscar. Il a posé des questions auxquelles elle n’a presque pas répondu, mais la chambre d’ami est grande et personne n’ira la chercher là-bas, encore moins Ruben. « Ça me parait évident, je voulais juste te prévenir que j’allais pas pouvoir l’ignorer vu qu’on bosse ensemble. » Et c’est bien ce qui la fait soupirer. Elle a trop laissé l’opportunité à son mari de se glisser dans son cercle d’amis proches, ceux qui aurait dû rester hors de portée. Mais difficile quand ils travaillent tous dans le même hôpital. « À toi, je te dirais tout. » Il ne lui doit strictement rien, et pourtant il promet. « Je sais. » Elle reste la première surprise de la confiance qu’elle place en Diego, mais pour la première fois depuis des jours, elle a la sensation de pouvoir. Il ne dira rien, il ne creusera pas sans raison pour obtenir des détails croustillants. Il reste Diego, son ami, à la main tendue, sans le moindre jugement. « Merci Diego. » Elle lui adresse un sourire aussi timide que le sien dans un instant qui se veut presque trop solennel, en contraste avec leur amitié haute en couleur. « Mais je pense pas qu’il soit assez stupide pour avoir fait ça avec quelqu’un du boulot, si c’est là que tu veux en venir. » Elle ne sait retenir son rire nerveux. « Ne jamais sous-estimer un menteur. » Désormais, à ses yeux, Ruben est capable de tout et surtout du pire. « Il refuse de me dire et il pense vraiment que je vais accepter sans chercher. » Est-ce qu’il pense sincèrement que Nina est aussi idiote que cela ? Qu’est-ce que Diego va en dire ? « Je finirai par le découvrir. » Elle n’abandonnera pas aussi facilement.

Dans tout cela, elle n’oublie la première raison de sa visite. Elle a eu besoin de se confier auprès de Diego, parce qu’elle ne se sentait pas capable de faire semblant face à lui. Désormais, son regard change pour venir se poser sur la silhouette de Diego. « Et je peux savoir pourquoi mon menteur de mari a tout de même estimé qu’il était urgent que je vienne te voir ? » Qu’est-ce qui t’arrive, Diego ? « Je l’imagine mal attendre avec impatience à ce que je partage la nouvelle de son adultère. » Il n’est clairement pas question de cela, mais Nina a comme le sentiment que Diego restera de marbre.

C’était une scène rare et qu’il espérait ne jamais voir se reproduire. Nina abattue, cherchant désespérément à donner le change par des sourires faux et des rictus mauvais. Et lui, incapable de trouver des mots assez puissants pour effacer tout ce qu’il venait d’entendre et qui était la toute nouvelle réalité de son amie. Ils étaient deux personnes fières, sûrement ce qui les avait rapprochés dans un premier temps pour créer cette amitié parfois un peu bancale, loin de l’image qu’ils renvoyaient aujourd’hui. Et si Ruben n’avait aucun rôle à jouer dans le désespoir de Diego, il avait malgré tout réussi à s’immiscer dans son intimité et devenait ainsi l’ennemi commun. « Peut-être que j’aurais dû t’écouter. » Il adorait avoir raison, et se rendre compte que ce n’était pas le cas pour la première fois de sa vie avait quelque chose de particulier. Baissant la tête un instant, il l’avait finalement tournée vers elle. « Tu pouvais pas savoir. T’as rien à te reprocher, toi. » Et il avait insisté sur ce toi qui venait subtilement appuyer sur tous les torts de Ruben, qui étaient encore plus nombreux que ce qu’il avait pu lui-même envisager. « Si on te demande, tu prétendras que je t’ai jamais dit ça. » Sa rage était là, quelque part, bien enfouie, et elle avait réussi à le faire rire dans un contexte qui ne s’y prêtait pas. Diego était devenu un élément clé dans cette histoire et il s’était inquiété des détails, posant des questions qui avaient fait bondir Nina. Mais comment aurait-il pu la trahir alors que lui-même n’avait aucune idée de ses allers et venues ? « Chez mon frère. » La réponse semblait lui avoir été arrachée comme s’il s’agissait d’un secret d’état alors Diego s’était contenté de pincer les lèvres plutôt que de demander si c’était chez Oscar ou Midas. La première réponse lui semblait plus probable, l’emploi du temps du dernier étant probablement incompatible avec celui de sa soeur. Il n’en savait rien, il supposait, comme il l’avait souvent fait pour Nina, ne réussissant pas à s’empêcher de la traiter comme une petite soeur. Puisque leur relation était ainsi, il était logique qu’il soit prêt à lui exposer tout ce qu’il savait, tout ce qu’il pouvait voir et entendre à son sujet même s’il espérait qu’aucun bruit de couloirs n’envahirait ceux du St Vincent. « Je sais. » Son sourire était sincère bien que crispé, Nina était dans une position qu’elle exécrait, et Diego se sentait extrêmement impuissant. « Merci Diego. » Son haussement d’épaules était clair : il n’avait pas à être remercié pour se comporter comme l’aurait fait n’importe quel ami.

Si Nina s’inquiétait que les doutes de Diego aient été alimentés par quelque chose se tramant juste sous ses yeux à l’hôpital, il s’était empressé de calmer l’agitation de ses pensées. « Ne jamais sous-estimer un menteur. » Il était vrai, qu’il minaudait ici et là, avec stagiaires, internes ou même titulaires. Le comportement l’avait agacé à de nombreuses reprises mais maintenant que ses suppositions étaient devenues réalité, il réalisait qu’il n’avait jamais rien eu de concret à reprocher à Ruben à part une fâcheuse tendance à user d’un charme dont il était pleinement conscient. C’était agaçant, mais pas répréhensible, et il n’utiliserait plus ces arguments maintenant qu’il savait à quel point ils pourraient nuire - pour les employés, ses collègues, il n’avait que faire du sort d’Hartfield. « Il refuse de me dire et il pense vraiment que je vais accepter sans chercher. » Peut-être pensait-il que la faute serait moins grave ou plus pardonnable si le nom n’était pas connu. Il semblait si peu connaître sa femme que cela faisait froid dans le dos. « Je finirai par le découvrir. » « J’en doute pas, et si t’as besoin d’aide… Mais je suis pas convaincu que ça t’aidera. » Elle détesterait qu’il donne son point de vue mais il le faisait quand même, car il pouvait s’agir de n’importe qui, et il craignait que la vérité devienne encore plus difficile à accepter. Au fur et à mesure de la discussion, il avait presque oublié que lui aussi devait quelques vérités à Nina, qui le lui avait rappelé au moment où il s’y attendait le moins. « Et je peux savoir pourquoi mon menteur de mari a tout de même estimé qu’il était urgent que je vienne te voir ? » Parce qu’il avait la fâcheuse tendance à se mêler de ce qui ne le regardait pas. « Je l’imagine mal attendre avec impatience à ce que je partage la nouvelle de son adultère. » Il avait soupiré. Il avait hésité. Il s’était laissé juste assez de temps pour formuler une réponse qui dirait la vérité mais de manière assez subtile pour lui laisser le contrôle de la situation. « J’ai eu un petit coup de mou… » L’euphémisme était ridicule.  « … et il m’a trouvé assis dans les marches, évidemment. Il a son nez partout, surtout là où il devrait pas le fourrer. » De cette dernière remarque, il en avait ri, car il ne faisait en rien référence à toutes les confidences que venaient de lui faire Nina. Il le jugeait de la même façon qu’il l’avait toujours fait, le laissant volontiers reprendre sa position de type extrêmement agaçant qu’il avait encore à ses yeux quelques jours plus tôt. Avant que leur binôme ne devienne la seule chance de ce patient si particulier pour Diego. « J’ai quelques doutes concernant ma capacité à distancier vie personnelle et vie professionnelle, surtout quand ça se rejoint beaucoup trop. J’ai besoin d’un peu de recul, tu comprends ? » Il l’espérait, parce que ce recul, ils allaient le prendre à deux.

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@Diego Gutiérrez & Nina

Elle n’a pas pour habitude de baisser la garde et de se montrer vulnérable. Si Diego s’amuse à en parler en dehors d’ici, elle niera les faits. Ce n’est pas un état permanent, mais un simple résultat de sa fatigue. Ce soir, Nina s’est autorisée à ne pas jouer les faux-semblants, mais dès demain elle aura à nouveau enfilé son plus sourire et personne ne pourra se douter de ce qui se trame en coulisse. « Tu pouvais pas savoir. T’as rien à te reprocher, toi. » Elle lui adresse un maigre sourire en guise de réponse. Il a raison, dans le fond, mais quelque chose ne cesse de la tirailler. Est-ce qu’elle n’a tout de même pas sa part de responsabilité dans le fait que Ruben ait ressenti le besoin d’aller voir ailleurs ? Qu’est-ce qu’elle a pu manquer ? Ce n’est pas le genre de conversation qu’elle souhaite entamer avec qui que ce soit, il s’agira probablement d’un dilemme intérieur auquel elle ne trouvera aucune réponse tant qu’elle n’aura pas décidé de parler à son mari. Elle encore bien des étapes à franchir, et tout ce qui l’attend l’effraye un peu, mais elle ne compte pas en parler durant des heures. « J’en doute pas, et si t’as besoin d’aide… Mais je suis pas convaincu que ça t’aidera. » Diego cherche à être la voix de la raison, mais depuis quand Nina l’écoute sans contester ? « Je veux savoir. » Elle a besoin de savoir. C’est un désir qui ne la quitte pas, il est probablement malsain, animé par une volonté de se comparer, mais Nina a besoin de connaître l’identité de celle qui a su lui voler son mari. « T’inquiète, je vais pas te demander d’enquêter avec moi. » Cela pourrait être drôle, mais elle sait également, qu’elle ne pourrait supporter les remarques apporté par le brun. Au nom de leur amitié, il valait mieux se contenter d’une soirée confession, unique et rare, avant de reprendre ce qui a toujours constitué leur lien. 

Mais avant de le charrier à nouveau de manière régulière, Nina a tout de même besoin de comprendre pourquoi Ruben a décidé de l’envoyer ici. Ce n’est pas un hasard, il ne l’a pas fait pour qu’elle se confie à quelqu’un, mais plus parce qu’il a réellement estimé que quelqu’un devait se soucier du bien-être de Diego. L’altruisme de son mari est assez rare pour qu’elle s’en inquiète sincèrement. « J’ai eu un petit coup de mou… » Mais encore ? « … et il m’a trouvé assis dans les marches, évidemment. Il a son nez partout, surtout là où il devrait pas le fourrer. » Elle ne peut qu’approuver la description faite de son conjoint, mais ce n’est pas ce qui la préoccupe à l’instant. « Et donc il s’est inquiété parce que tu t’es assis sur des marches ? » Est-ce qu’il la prend pour l’idiote du village ? Elle lui lance un regard qui devrait amener Diego à se confesser un peu plus. Sinon, elle va poser des questions qu’il n’a probablement pas envie d’entendre à cet instant. « J’ai quelques doutes concernant ma capacité à distancier vie personnelle et vie professionnelle, surtout quand ça se rejoint beaucoup trop. J’ai besoin d’un peu de recul, tu comprends ? » Il ne dira rien de l’évènement qui l’a amené à douter, Nina en a une petite idée, mais elle préfère ne pas remuer le couteau dans la plaie. C’est déjà assez rare qu’il affirme avoir un souci sans détourner cela au travers de l’humour. « On va aller te rappeler pourquoi tu as choisi de faire ce métier. » C’est ce dont il a besoin. De se défaire de son histoire familiale, pour se concentrer sur la réelle raison qui l’amène à vouloir se dépasser pour ses patients. « Je sais que je le dis pas souvent… » Voir jamais en réalité. « Mais si un jour tu as besoin, vraiment, je suis là. » Parce qu’il a su répondre présent quand elle en a eu besoin, parce qu’il l’a écoutée sans faire de blague douteuse ou sans même douter de ce qu’elle avait à dire. Nina n’a pas beaucoup d’amis, mais elle considère Diego comme l’un d’entre eux. Tout en lui adressant un faible sourire, elle se redresse sur sa chaise, pour attraper l’un des cartons de pizza. « On se goinfre devant un film nul ? » Ils l’ont bien mérité après tout. Il s’avère que parfois les grands discours sont un peu inutiles et que tout ce qui peut apaiser les blessures, c’est une préférence, de la nourriture grasse et la possibilité de s’abrutir devant les débilités offertes par Hollywood. « Ou on critique un épisode de Grey’s Anatomy ? » C’est un de leur jeu préféré, de relever toutes les incohérences présentes dans la série. Et au moins, ils ne penseront à rien le temps d’une soirée.