C’était, il l’espérait, la dernière touche de négativité à apporter à leur histoire, le dernier abcès à crever et l’opportunité de se dire au revoir pour mieux se retrouver. Mateo était parti lui aussi, il lui avait manqué, mais Diego n’avait pas utilisé cette distance pour tenter de mettre un mot sur tout ce qu’il vivait. A la place, il s’était enfoncé dans ce sentiment enfoui de ne plus réellement comprendre le sens de sa vie, comme s’il avait perdu le dernier rempart l’empêchant de sombrer. S’il avait longtemps était effrayé par ce qui était en train de se passer, le fait d’avoir enfin décidé de ne plus le nier lui apportait d’autres craintes, comme la façon dont Mateo prenait de plus en plus d’importance pour lui. Ce n’était pas pour rien qu’il avait confié l’intégralité de leur histoire à Sara en veillant à dissimuler l’identité de la personne à qui il faisait référence. Ce n’était pas sans être conscient de ce qu’il ressentait qu’il avait apporté une partie de la vérité à Emery après leurs retrouvailles à l’improviste. Diego tentait d’avancer, maintenant qu’il avait touché le fond et qu’il était évident qu’il n’aurait pas eu à le faire s’il avait été sincère dès le début, avec Mateo et avec sa propre personne. Pourtant, il se retrouvait maintenant confronté aux erreurs commises dans sa période de doute, la date du départ pour le voyage humanitaire auquel il s’était inscrit se rapprochant dangereusement. Il se devait de le tenir informé au plus vite et il l’avait contacté en ce sens, espérant que Mateo ne prendrait pas le temps de creuser pour tenter de comprendre ce qui l’avait poussé à fuir Brisbane et l’hôpital, après tout, il possédait déjà quelques bribes de réponses avec ce qu’il lui avait déjà confié.

Pour la première fois, il avait eu le sentiment d’ouvrir la porte sans une once d’appréhension, même s’il restait curieux de savoir quelle serait sa réaction face à ce qu’il devait lui annoncer. Même s’il pensait que la façon dont il prendrait la nouvelle serait un indicateur de ce qu’il représentait pour lui, il n’était pas inquiet. Mateo l’avait rassuré, encore et encore, et il l’avait pardonné assez de fois pour que Diego commence à le croire. Alors le sourire qu’il lui avait adressé en lui ouvrant était plus assuré, tout comme cette main qu’il avait utilisée pour attraper un pan de sa veste, le tirer vers lui et lui accorder un rapide baiser. « Accro et psychopathe, hin ? » avait-il lancé une fois Mateo entré, avec un sourire en coin, presque fier de revenir sur la conversation qu’ils avaient eu par message. Un détail insignifiant mais qui prouvait qu’il continuait d’avancer, réussissant à être la même version derrière un écran qu’en personne. Si toutes leurs discussions avaient été légèrement problématiques, il n’en demeurait pas moins que tout devenait de plus en plus simple : Mateo agissait comme s’il était chez lui, laissant Diego s’asseoir pendant qu’il choisissait lui-même ce qu’il souhaitait boire dans le réfrigérateur et évoluant dans l’appartement comme s’il était le sien. Le rituel devenait habituel, mais le mexicain le regardait toujours avec la même satisfaction. « J’espère que t’as pas trop cogité aujourd’hui, promis c’est rien de grave. » Lui avait-il dit avant même qu’il ne le rejoigne sur le canapé, pour engager la discussion sans plus attendre. « C’est même plutôt une bonne nouvelle, selon comment on voit ça. » S’il taisait qu’il avait pris sa décision sur un coup de tête, dans l’optique de fuir l’ensemble de ses problèmes lorsqu’il voyait encore Mateo comme l’un d’entre eux. Alors il essayait plutôt de se convaincre lui-même de sa décision, se rassurant quant à l’idée de partir un mois entier alors qu’il s’accrochait encore au mince espoir que la fragilité de ce qu’ils avaient créé ne s’effondre pas au moindre mot de travers.

A chaque fois que Mateo avait la sensation de comprendre un peu mieux ce qui le liait à Diego, les certitudes qu'il parvenait à se forger finissaient toujours par se briser en éclat sur une simple pensée, une simple parole prononcée. S'il était le premier d'habitude à prôner le fait que l'insouciance était la meilleure façon de gérer les choses, cette fois ci, il arrivait à s'agacer lui même de ne pas être un peu plus sûr de lui sur la meilleure façon de faire avec Diego et sur même ce qu'il attendait réellement de lui. Et cette fois ci, tout était de la faute de Lewis. Mateo se disait que parler de Diego avec quelqu'un qui ne le connaissait pas et qui était complètement extérieur à cette histoire pourrait lui faire du bien, mais il était ressorti de cette conversation encore plus perturbé. Le fait que son ami puisse dire si simplement que les choses n'étaient "rien de sérieux" et que cette affirmation lui ait fait mal au cœur était assez révélateur du fait que Mateo ignorait complètement pourquoi il avait agit de cette façon en partant s'inscrire sur Tinder. Tout ça, il devait le mettre de côté, l'enfouir profondément parce qu'en parallèle de cette torture mentale qu'il s'infligeait, leurs échanges avec Diego n'avaient jamais été aussi simples et légers. Il se devait de retrouver sa nonchalance habituelle, il se devait d'oublier toutes les complications qu'il semblait s'imposer depuis trop longtemps déjà. Et bien que Diego était la cause de toutes ces pensées intrusives, elles avaient été balayées d'un coup lorsque son regard avait croisé le sien et que leurs lèvres s'étaient réunies à nouveau, même brièvement pour se saluer. « Accro et psychopathe, hin ? » La réflexion avait instantanément dessiné un sourire en coin sur le visage de Mateo, qui s'était retourné vers le mexicain après avoir passé le pas de la porte de son appartement. « Ouais, c'est tout toi. Mais t'as de la chance, j'aime bien les psychopathes. » Il s'était rapproché de lui pour l'embrasser encore d'un baiser tout aussi fugace que le premier, ne pouvant s'empêcher de penser à quel point il appréciait ce qu'ils étaient à cet instant. Maintenant plus qu'habitué à cet appartement, Mateo y évoluait comme s'il était chez lui, ce qui, en un sens, semblait plaire à Diego. « J’espère que t’as pas trop cogité aujourd’hui, promis c’est rien de grave. » Il avait finit par le rejoindre sur le canapé, n'ayant évidemment pas oublié que s'il venait ce soir c'était parce que Diego avait quelque chose à lui dire - à lui annoncer. Ç'aurait été mentir que de dire que Mateo n'y avait pas pensé de la journée, mais il avait réussi à ne pas se prendre la tête pour autant, refusant d'entrer dans une spirale infernale en se créant des scénarios imaginaires pires les uns que les autres. Néanmoins, il ne cachait pas que sa curiosité était évidemment piquée et qu'il avait maintenant envie de savoir de quoi il s'agissait. « C’est même plutôt une bonne nouvelle, selon comment on voit ça. » Pourquoi tant de mystère ? Mateo se doutait que Diego était en train de laisser planer un certain suspens pour s'amuser un peu avec lui. « Depuis quand je suis du genre à cogiter ? » Qu'il avait lancé, son sourire en coin charmeur toujours calé sur son visage. Il avait accepté de se montrer un peu plus sensible à l'avenir, alors il pouvait bien montrer que derrière son air indifférent, il avait envie de savoir, maintenant. « Mais quand même, tu peux arrêter ton suspens maintenant. » Sans dire que l'ignorance était en train de le rendre fou, il ressentait tout de même une petite angoisse monter en lui. Il n'aimait pas ne pas contrôler la situation. « T'as eu une promotion ? Emery déménage à l'autre bout du monde ? » Les mots étaient sortis tout seuls, Diego tardant à lui annoncer sa grande nouvelle. Mais devant son air devenu un peu plus sérieux, Mateo avait repris une expression plus posée lui aussi. « Ok ok je dis plus rien j'écoute. »

Les disputes suivies de longues discussions menant à la réconciliation constituaient un rythme mais ce n’était définitivement pas celui que Diego souhaitait suivre avec Mateo. Il avait besoin de stabilité dans une période où il se sentait plus fragile que jamais, pourtant conscient qu’ils avaient décidé d’un commun accord de ne rien accorder de trop officiel à leur relation. C’était plus fort que lui, même si une partie de lui refusait de voir quelque chose de concret entre eux, la réalité le rattrapait bien souvent. La façon dont son cœur battait lorsqu’il apparaissait dans son champ de vision, dont leurs regards s’accrochaient assez longtemps pour les obliger à baisser la tête en souriant bêtement et cette place qu’il avait gagné dans son quotidien en si peu de temps. Si la situation lui avait paru compliquée, elle l’était encore plus maintenant que ce qu’il ressentait était en train de le dépasser. Diego avait feint l’assurance lorsque Mateo était entré, sachant pourtant pertinemment que l’espagnol était l’un de ses points faibles. « Ouais, c'est tout toi. Mais t'as de la chance, j'aime bien les psychopathes. » Il aimait cette aisance qui s’était enfin établie entre eux, Diego ayant finalement décidé de baisser sa garde. Il l’aimait assez pour que les regrets concernant sa décision bien trop spontanée commencent à l’envahir. La cause était louable, mais les raisons qui l’avaient mené à remplir le dossier d’inscription l’étaient beaucoup moins et s’il mettait un point d’honneur à être sincère avec Mateo à présent, il savait qu’il serait difficile de lui expliquer sa décision sans omettre le moindre détails. Alors il essayait de gagner du temps, de profiter de ces moments de simplicité qui avaient tardé à arriver. Il se jouait de Mateo, ravi d’avoir réussi à parfois avoir le dessus sur lui et de s’être accordé au même tempo. « Depuis quand je suis du genre à cogiter ? » Le mexicain avait haussé les épaules non sans ajouter un sourire narquois au geste, que Mateo saurait déchiffrer sans problème. Ils savaient tous les deux que leurs comportements étaient différents depuis qu’ils se côtoyaient, que leurs réactions n’étaient pas celles qu’ils avaient l’habitude d’avoir. « Mais quand même, tu peux arrêter ton suspens maintenant. » Et l’entendre admettre avec toute la subtilité du monde qu’il était piqué par la curiosité lui avait donné envie de lui accorder un énième geste de tendresse auquel il ne s’était pourtant pas hasardé, laissant Mateo reprendre la parole. « T'as eu une promotion ? Emery déménage à l'autre bout du monde ? » Son éclat de rire lui avait échappé. « Vénal et jaloux ça fait beaucoup pour un seul mec. » s’était-il gentiment moqué en tapotant sa cuisse. « Ok ok je dis plus rien j'écoute. » Il y avait eu un moment de flottement, alors que Diego réalisait qu’il ne pouvait plus reculer. Il devait lui annoncer son départ, et se faisant, le projet deviendrait réel. « Je pars. » Il avait volontairement laissé sa phrase en suspens pour s’autoriser un sourire provocateur en sa direction et avoir tout le loisir de le voir se décomposer une fraction de seconde avant de rire. « Je vais partir en voyage humanitaire… Pendant un mois. » S’il avait tenté de plaisanter et qu’il s’était efforcé d’indiquer que ce qu’il avait à annoncer pouvait être vu comme une bonne nouvelle, Diego n’avait pu nier la façon dont sa gorge s’était nouée en évoquant le temps qu’ils passeraient séparés. Et à ce moment, il souhaitait que le flegme naturel de Mateo reprenne le dessus afin de lui enlever toute l’inquiétude qu’il ressentait à l’idée qu’ils s’éloignent à nouveau alors que ce qu’ils réussissaient à créer demandait du temps et demeurait extrêmement fragile. « L’hôpital avait besoin de volontaires et j’me suis inscrit pendant que t’étais en Espagne. Je pars avec Nina début juillet, dans deux semaines. » Les plaisanteries avaient été mises de côté alors que le regard qu’il avait planté dans le sien s’était fait plus intense. Finalement, peut-être était-il accro comme l’avait prétendu Mateo dans ses messages, parce que maintenant qu’il avait fait le tri dans son esprit, il n’avait plus aucune envie de le laisser.

La façon qu'ils avaient d'échanger était toute particulière et Mateo se surprenait un peu trop souvent à penser à quel point il l'appréciait. Ce parfait mélange d'humour et de tendresse, même s'il était encore un peu trop parsemé de doutes et d'incompréhensions, avait quelque chose de familier, quelque chose de rassurant. Jamais il ne s'était surpris à sourire autant en pensant à une personne, surtout quand les taquineries le visaient lui aussi. « Vénal et jaloux ça fait beaucoup pour un seul mec. » Il avait ri naturellement, aussi amusé par la remarque de Diego que par le fait qu'il se sente suffisamment à l'aise pour se laisser aller à ce genre de comportements avec lui. « A nous deux on a vraiment une liste de qualités que tout le monde doit nous envier. » Promettant de se concentrer sur cette fameuse annonce que Diego avait à lui faire, Mateo avait pincé les lèvres comme pour s'empêcher de parler une nouvelle fois. « Je pars. » Les mots avaient été prononcés sans qu'il n'en saisisse le sens tout de suite. Une fraction de seconde plus tard, Mateo avait froncé les sourcils, toujours sans un mot parce qu'il attendait d'en savoir plus. Si Diego n'avait pas fait toute une histoire de cette fameuse annonce, l'heure serait aux rires parce qu'il n'aurait pu s'empêcher de trouver quelque chose d'idiot à rétorquer. Pourtant, alors que Diego souriait pour semblait-il essayer d'alléger la situation, lui n'y parvenait pas pour l'instant. « Je vais partir en voyage humanitaire… Pendant un mois. » Devant lui s'offrait une floppée de remarques plus drôles les unes que les autres sur Diego, qui aimait tant son confort, mis dans des situations plus rustiques les unes que les autres. Tout ce qui avait pu sortir de sa bouche pourtant était une simple question : « Quand ? » Quand avait-il organisé ce voyage ? Quand avait-il prit la décision de partir ? Quand partirait-il ? Toutes ces questions, Mateo les avait dans un coin de sa tête mais il n'avait pu les formuler distinctement, ses yeux s'étant perdus dans ceux de Diego et son esprit étant en train d'analyser la situation. Quelque chose n'allait pas dans la manière qu'il avait eu de lui annoncer ce voyage. Il n'aurait dû entendre dans sa voix que de l'impatience là où il semblait y percevoir une pointe de remords. « L’hôpital avait besoin de volontaires et j’me suis inscrit pendant que t’étais en Espagne. Je pars avec Nina début juillet, dans deux semaines. » L'avantage avec Diego, c'est qu'il n'était jamais avare de détails. Ses précisions étaient suffisamment complètes pour que plusieurs connexions puissent se faire dans l'esprit de Mateo sans qu'il n'ait pour autant à poser plus de questions. « C'est super court deux semaines. Et c'est super long un mois. » Qu'il avait lancé en parcourant de ses doigts la main de Diego un peu machinalement, comme pour réaliser que cette proximité qui était encore toute nouvelle entre eux allait une nouvelle fois être mise à rude épreuve à cause des kilomètres qui allaient les séparer tout un mois. Conscient qu'il n'avait aucun droit de gâcher l'expérience de Diego en réagissant comme un égoïste à l'annonce du voyage, un sourire avait reprit sa place sur son visage pour venir l'illuminer. « Ça va être une putain d'expérience, j'espère que t'es préparé. » Il ne doutait pas que le médecin l'était parfaitement, c'était loin d'être de son genre de partir sans avoir fait un nombre incalculable de listes et d'organisations en amont. Il ne doutait pas non plus que cette aventure serait aussi riche qu'intense, et que Diego lui reviendrait la tête pleins de souvenirs à lui raconter. S'il avait toujours l'envie de lui raconter à son retour. La façon dont Diego avait décidé de couper les ponts sans prévenir lorsque Mateo était parti en voyage refaisait forcément surface dans ses pensées au fil de la conversation, et puisqu'il n'était pas du genre à garder ses questions pour lui, il avait laissé s'échapper celle ci : « Tu pars à cause de moi ? » Il ne pourrait lui en vouloir, vu sa façon à lui de gérer tous les doutes qui accompagnaient le début de cette relation. Il ne serait pas totalement surpris que ce départ ait été causé par certaines réflexions que Diego se faisait au sujet de Mateo et de ce qu'il se passait entre eux. Il avait simplement besoin d'en avoir le cœur net, pour une raison qui lui était encore floue.

C’était bien plus facile de le voir comme un allié que comme un problème qu’il devait à tout prix garder secret. Il ne méritait de toute façon pas d’être traité ainsi quand il était le seul capable de le sortir de ses pensées même les plus négatives. Mateo le tirait vers le haut, et les quelques discussions qu’il avait été obligé d’avoir avec certains de ses proches lui avaient indiqué qu’il méritait sa chance. « A nous deux on a vraiment une liste de qualités que tout le monde doit nous envier. » Une touche d’humour était bienvenue pour dissiper l’appréhension de la nouvelle à venir. Ce n’était rien de plus qu’une absence, mais les vérités qui se cachaient derrière cette décision laissaient Diego nerveux quant à comment les exposer à Mateo. Alors bien sûr qu’il l’avait taquiné sur l’impatience qu’il avait montrée, parce que c’était une dynamique à laquelle il s’était habituée et que cela l’aidait à désamorcer la tension qu’il était en train de s’infliger à lui-même. Et la prochaine étape avait été de le dire : il partait. « Quand ? » Diego se sentait prétentieux de supposer savoir aussi bien lire en lui, et pourtant, les traits de son visage ainsi que son intonation lui indiquaient que la nouvelle n’avait pas été reçue avec toute l’indifférence dont il faisait normalement preuve. La différence, c’est que le meixcain ne s’en étonnait plus, parce que toutes les discussions qu’ils avaient eu avaient fini par le convaincre d’y croire. Il avait été difficile pour lui de maintenir son regard en lui expliquant les détails de son projet, mais surtout les délais. Il leur restait peu de temps avant d’être séparés à nouveau et si l’idée le tiraillait déjà, réaliser à quel point il était difficile d’y penser amplifiait la sensation. Ils n’auraient pas dû y accorder autant d’importance, ils le savaient tous les deux et ils s’en étaient déjà assez inquiétés pour ne plus évoquer ce point. « C'est super court deux semaines. Et c'est super long un mois. » Entendre Mateo oser dire tout haut ce qu’ils pensaient tous les deux tout bas l’avait pourtant pris au dépourvu, tout autant que le geste d’affection qu’il avait ajouté à ses paroles. Si Diego en avait besoin, il n’était pas convaincu de le mériter parce qu’il n’en était qu’au début de la discussion et qu’il avait encore énormément de choses à lui dire. Il parlerait trop, comme il le faisait souvent, mais c’était mieux que de lui mentir et de partir avec un poids sur la conscience qu’il ne serait pas en mesure de gérer après toutes les épreuves qu’il avait enchaînées. Diego voulait partir pour prendre du recul, pour se retrouver seul avec lui-même et réfléchir, et s’il montait dans l’avion avec le moindre fardeau supplémentaire, l’expérience serait inutile.

Son sourire avait été salvateur, alors que Mateo avait changé le ton de la discussion en un instant. « Ça va être une putain d'expérience, j'espère que t'es préparé. » Son enthousiasme n’était pas feint, il pouvait le voir dans sa manière de sourire et dont ses yeux s’illuminaient. Diego avait haussé les épaules pour répondre à la question et tenter de calmer ses ardeurs. Il n’était pas préparé tout simplement parce que la décision n’avait pas été mûrement réfléchie comme toutes celles qu’il prenait. La spontanéité aurait pu lui faire du bien, mais elle avait été motivée par bien trop de mauvaises raisons pour s’en convaincre. Ils auraient pu en rester là, à évoquer les prochaines étapes du voyage et à profiter du temps qu’il leur restait avant ce mois chacun de son côté. Mais avant qu’il n’ait pu tenter de formuler quelque chose qui aurait justifié qu’il reprenne la parole, la question de Mateo était tombée. « Tu pars à cause de moi ? » Son estomac s’était noué instantanément, alors que la réponse la plus honnête aurait été un simple oui. Il ne pouvait pas être aussi direct, parce que le Mateo d’il y a quelques semaines avait précipité sa décision mais qu’aujourd’hui, il pourrait être capable de l’empêcher de partir. « Je pars pour un tas de raisons et … ouais. » Pourquoi s’entêter à continuer à s’enfoncer dans de longs discours quand Mateo savait déjà tout ce qui avait motivé ses derniers agissements ? Il savait pourquoi il ne lui avait plus répondu, pourquoi il ne parlait plus à son frère. Il savait même pourquoi il avait craqué à l’hôpital, alors bien sûr qu’il était conscient de tout ce qui avait suivi dans une sorte d’effet papillon catastrophique. « Je devrais te mentir mais je suis fatigué de te mentir et si tu le demandes c’est que tu le savais déjà de toute façon. J’ai pris la décision au pire moment, j’allais pas bien et j’avais besoin de prendre du recul. J’ai vu l’affiche et ça a été le déclic. » Cette fois-ci, il avait mis un point d’honneur à le regarder dans les yeux en lui livrant la vérité, et c’était dans de simples actions comme celles-ci que tout son attachement pouvait devenir notoire. « En ce qui te concerne, je regrette. Mais pour le reste, je sais que j’en ai besoin et ça me fera du bien. » Il n’était pas totalement guéri. Il bataillait encore avec ses doutes, son deuil et un syndrome de l’imposteur devenu bien trop présent. Mais il avançait, avec des pas toujours plus conséquents, et il espérait que Mateo le réalisait parce que le rôle qu'il avait joué était majeur. « Je t'avais dit, que c'était une bonne nouvelle, selon comment tu voyais ça. » Ce n'était peut-être pas le moment de prendre un ton aussi peu sérieux, mais il avait appris du meilleur. Et s'il voulait une bonne nouvelle, une vraie, Diego pourrait lui confier qu'il avait osé livrer la vérité à Emery mais il n'était pas sûr que Mateo trouverait cela positif car bien trop concret.

A la surprise de l'annonce de Diego s'était rapidement mêlée une certaine inquiétude de le voir partir, puis une certaine excitation de le savoir parti pour une aventure comme on en vit rarement deux fois dans une vie. Mais bien vite, une sensation amère avait fait son apparition et Mateo n'avait pas su contenir la question qui lui brûlait les lèvres : Diego était-il simplement en train de partir à l'autre bout du monde pour le fuir, lui ? « Je pars pour un tas de raisons et … ouais. » En un sens, Mateo avait espéré que Diego réponde avec une plaisanterie tout en le taquinant d'avoir pu penser ça, mais cet espoir était illusoire plus qu'autre chose et il avait été de toute façon de courte durée, anéanti par la réponse brutalement honnête du mexicain. Et en même temps, il comprenait. Il aurait eu envie de faire comme s'il n'en avait rien à faire, parce que voir quelqu'un traverser tout un tas d'émotions principalement à cause de lui le mettait aussi mal à l'aise que de savoir que lui même était chamboulé de leur relation. Mais il était beaucoup trop tard pour faire marche arrière maintenant et prétendre que Diego ne comptait pas : c'était impossible d'ailleurs. Pas après toutes leurs conversations. Pas après leurs échanges de regards. Pas après leurs baisers. Il l'observait silencieusement, conscient qu'il était incapable de trouver les bons mots pour répondre à ça, parce qu'il n'était pas préparé à devoir faire de beaux discours ou à avoir de grandes conversations. « Je devrais te mentir mais je suis fatigué de te mentir et si tu le demandes c’est que tu le savais déjà de toute façon. J’ai pris la décision au pire moment, j’allais pas bien et j’avais besoin de prendre du recul. J’ai vu l’affiche et ça a été le déclic. » Plus Diego se montrait franc et s'ouvrait sincèrement, plus sa peur de l'attachement et son envie de fuir leur relation tentait de s'immiscer dans l'esprit de Mateo. Une réaction contradictoire, quoi que pas tellement : Diego lui même avait prit la décision de partir faire ce voyage pour s'éloigner de tout le chaos qu'ils causaient l'un et l'autre dans leurs vies. « En ce qui te concerne, je regrette. Mais pour le reste, je sais que j’en ai besoin et ça me fera du bien. » Difficile à cet instant d'imaginer tout un mois sans l'avoir près de lui. Déjà, Mateo savait que l'absence de Diego serait plus dure à vivre que ce qu'il n'aurait pu assumer à voix haute. Pourtant, il le remerciait intérieurement d'avoir fait ce choix. Il aurait préféré que le médecin n'ait pas à se mettre dans un tel état de détresse, bien évidemment. Mais il voyait en ce voyage une occasion de se retrouver et de prendre du recul : tout ce qu'il ne parvenait plus à faire depuis que tout cela avait commencé entre eux parce qu'il ne se reconnaissait plus, à laisser s'effondrer ses barrières les unes après les autres. « T'as rien à regretter. » Le fait qu'il soit incapable de dire quoi que ce soit d'autre prouvait qu'il en avait encore bien d'autres à faire tomber, mais pour l'heure Mateo n'avait aucune envie d'y penser. Il sentait bien qu'il devait agir, faire un geste vers lui ou bien dire quelque chose d'autre ; que Diego attendait une réaction de sa part plus significative. Il était incapable de lui donner puisqu'il était déjà incapable de décider ce qu'il pensait de cette annonce et de toute cette situation. Sa compréhension et sa frustration se mêlaient dans son esprit sans parvenir à un compromis satisfaisant. « Je t'avais dit, que c'était une bonne nouvelle, selon comment tu voyais ça. » Le sourire qu'il avait laissé se dessiner sur son visage illustrait à quel point il était content - et presque un peu fier - de voir Diego alléger l'ambiance d'un coup d'un seul. Il aimait croire que c'était quelque chose qu'il avait prit de lui. « C'est clair qu'être débarrassé de toi pendant tout un mois c'est le paradis. » Et bien qu'il ait lancé cette réflexion en riant et avec une expression qui ne laissait aucun doute quand au fait que ces mots n'avaient rien de sérieux, il avait enchaîné sans laisser le temps à Diego de répondre, ni de lui laisser le temps de s'imaginer qu'une part de lui pouvait le penser sincèrement. « J'déconne. Je suis sûr que tu vas beaucoup manquer à... tes collègues de travail. Ou à ta famille. Ou à Tulum, tiens. » Qu'il avait énuméré tout en faisant mine de réfléchir à qui Diego pourrait bien manquer à Brisbane sans jamais avouer à voix haute qu'il lui manquerait bien évidemment à lui. Il espérait que le rapide baiser qu'il venait de porter à ses lèvres suffirait à Diego pour comprendre le fond de ses pensées. « Tu fais quoi de Tulum d'ailleurs ? »

Il y avait du bon à s’imprégner d’un peu du caractère de Mateo. A tenter de garder les choses simples, à ne pas trop réfléchir et à avancer hors d’un schéma prédéfini. Alors Diego s’y essayait, avec plus ou moins de succès, surtout lorsque l’exemple lui-même semblait avoir bien du mal à se tenir à ses habitudes. Ils n’étaient pas certains de ce qu’ils formaient, mais quelque chose existait, et c’était assez pour les déstabiliser alors qu’ils cherchaient si fort à rester ancrés à leurs principes. Si en l’invitant chez lui Diego savait que trouver les mots seraient compliqués, l’exercice s’était avéré encore bien plus compliqué après un baiser venant alimenter ses doutes, à moins que ce n’ait été ses espoirs. Il ne savait plus trop, mais lorsque sa question était tombée, le mexicain avait choisi l’honnêteté, et c’était une réaction qui en disait encore bien trop sur la place qu’il accordait à Mateo. « T'as rien à regretter. » Il se serait attendu à ce que Mateo ait été un peu plus déstabilisé par la vérité qu’il lui avait offerte. Mais finalement, cette réaction était la plus juste, parce qu’ils étaient probablement fatigués tous les deux de sans cesse batailler. Diego s’était en quelque sortes déjà exprimé au sujet de son silence, et les raisons qui l’avaient poussé à faire le choix de s’éclipser durant un mois étaient les mêmes. Mateo le savait, et il acceptait de voir sa réponse non pas comme un signe d’indifférence mais bien au contraire, comme celui indiquant à quel point il le comprenait. « C'est clair qu'être débarrassé de toi pendant tout un mois c'est le paradis. » Il ne comprenait pas bien comment il réussissait toujours à réussir à plaisanter après des sujets aussi sérieux, mais c’était exactement ce qui leur permettait de ne pas entamer une énième dispute, alors il avait souri en levant les yeux au ciel. « J'déconne. Je suis sûr que tu vas beaucoup manquer à... tes collègues de travail. Ou à ta famille. Ou à Tulum, tiens. » Il était insupportable mais il ne lui en voulait pas, à moins d’être en train de taire ses reproches. Il avait hésité à le lui demander directement, mais quelque chose l’empêchait de venir briser cette soudaine harmonie. La peur que tout s’écroule après une absence trop longue, que Mateo ait un désir de vengeance alors même que cela ne lui ressemblait pas ou tout simplement de perdre l’opportunité de lui dire au revoir correctement. Et dans tout cela, Diego se sentait incroyablement vulnérable. « Tu fais quoi de Tulum d'ailleurs ? » Il l’avait rappelé à la réalité, et il avait reposé les yeux sur lui après les avoir fermés brièvement. « Hum, c’est là que tu vas comprendre pourquoi je t’en parle… » Son regard planté dans le sien, Diego avait arqué un sourcil en lui adressant un sourire en coin alors qu’il insinuait qu’il ne mentionnait son départ que parce qu’il avait besoin d’un service. C’était évidemment faux, s’il avait reculé l’annonce, c’était simplement à la suite de cette culpabilité qu’il s’était mis à ressentir quand les choses s’étaient arrangées entre eux. « Tu dirais quoi de quitter ta coloc pendant un mois ? » Il avait l’art et la manière de présenter la chose, mais sans même avoir eu l’occasion encore de le voir à l'œuvre, il savait qu’il pouvait compter sur Mateo. Il aimait Tulum, et inversement, et la demande semblait presque naturelle. « Et puis comme ça si je te manque trop tu pourras pleurer dans mon lit, un truc du genre. » Il profiterait de ces moments avec lui jusqu’au dernier moment, et ce peu importe si cela signifiait enchaîner les piques. Il n’avait pas eu besoin d’accepter pour que Diego comprenne que l’offre était presque alléchante aux yeux d’un Mateo qui n’avait pas souvent l’occasion de se retrouver seul chez lui. Posant son index sur son menton pour le mener jusqu’à ses lèvres, Diego s’était contenté de cela pour le remercier. Tout comme il s’était contenté de cette soirée banale où les mots et les gestes dépassaient parfois leur pensée comme simple au revoir.