Avec Nicholas absent, en voyage à Londres pour enregistrer des chansons, la maison semble si vide. Et s'il y a bien une chose que je n'aime pas c'est le vide, le silence, parce que cela a tendance à me faire penser au passé et j'adore prétendre que je n'ai pas de passé. Pourquoi? Ah ... on passe à un autre sujet? Même dans ma tête j'essaie de passer à autre chose quand cela vient, c'est rare que ça arrive désormais de toute manière.

Le soleil est comme souvent ma source de réveil, et la maison est calme. Je me réveille souvent avant Nicholas mais là je sais qu'il n'est pas là. Je tâte un peu d'une main sur mon lit, vers ma table de chevet, pour prendre mon téléphone. La lumière du portable n'est peut-être pas la meilleure chose dès le réveil mais c'est une habitude. Rien de bien important, pas de message, mail ou autre truc à s'occuper. Je passe sûrement un peu trop de temps sur instagram, tiktok et autre réseaux sociaux à regarder des vidéos. Mon estomac crie famine et je me décide à enfin me lever.

La journée passe rapidement, je reviens de la plage avec ma planche de surf que je soupçonne d'être hanté vu que je ne semble pas m'améliorer du tout et à rester debout dessus une fois dans l'eau. Je me dirige vers le studio d'enregistrement pour travailler un peu sur la musique et aussi un projet personnel. J'ai très récemment commencé à écrire une chanson, Nicholas s'est toujours occupé de ce processus avant. Je ne suis pas un as quand il s'agit de jouer d'autres instruments que la batterie mais j'en sais assez pour voir ce que ça donnerait si un vrai musicien les utiliser à partir de mes essais.
Complétement absorbé et concentré, je n'entends pas quand quelqu'un rentre à la maison ni même à l'intérieur du studio d'enregistrement. Dos à la porte, je suis assis en train de rayer des mots pour écrire autre chose au-dessus ou en train de gommer pour changer l'emplacement d'une note pour rendre tout cela plus harmonieux.

Hey, Mr. Preacher Man
I've been playing with a heart like a violin
I've been stumbling through the door after 6 AM

Je chantonne et répète jusqu'à trouver le rythme qui me plaît. Je me retourne pour prendre la bouteille d'eau que j'ai posée et là… je ne suis pas seul, je me sens pris en flagrant délit alors que je ne fais rien de mal, juste quelque chose de secret. Je rougis. Moi rougir?! Ah Jo va pouvoir utiliser ce moment pendant des mois.

"Tu es là depuis ... combien de temps?"

promis tu n'en parles pas
@Vance Thompson (crédit gif/ssoveia)

- Fin juin 2024

Jo prétendrait avoir oublié que Nicholas était à Londres. Il lui répétait sans arrêt de venir visiter son nouveau chez lui, elle sautait sur l’opportunité d’être dans le coin pour le faire sans juger bon s’annoncer avant toute chose. De toute façon, il n’était pas là, alors à quoi bon faire dans la politesse. Elle le savait bien assez généreux pour considérer que sa baraque était un moulin, elle allait certainement trouver sa clef de secours sous un putain de pot de fleurs, comme si le Bling Ring ne lui avait rien appris. Aussi, comme la curiosité était un sentiment tenace chez Jo, qu’Ibiza n’avait pas rendu moins réel malgré ses séances de thérapie et ses longues nuits à cogiter, elle saisit l’occasion en se disant que ce serait déjà ça de fait sur sa liste à la con de trucs à faire pour se libérer le coeur et l’esprit. Et puis elle voulait aussi qu’ils reparlent de ce qu’elle lui avait envoyé par messages durant son voyage, prise d’une inspiration subite qu’elle voulait préserver des oreilles indiscrètes pour l’heure. Ils le feraient une autre fois, elle n’abandonna toutefois pas son idée d’aller jeter un oeil à sa propriété, et vérifia l’adresse que le musicien lui avait donné à de maintes reprises dans la conversation qu’ils entretenaient en continu depuis des années — elle s’y rendrait à pieds en sortant de chez Midas. Elle ne risquait rien ici, masse de célébrités y étaient propriétaires, il ne se passait jamais rien de plus que des petits scandales impliquant la nounou, et puis soi disant qu'il fallait marcher une fois par jour pour se sentir bien dans sa tête. Tu parles d’une belle connerie, ça aussi.

Mais là encore, le prétexte était trop beau, et elle saisit la balle au bond, pas craintive pour un sou, les poings étroitement serrés en marchant résolument jusqu’à son but, pas convaincue par ses histoires de marche bénéfique pour la santé mentale. Mais soit. Lorsqu’elle se retrouva devant chez lui, elle remonta l’allée ; elle observa les alentours en jetant un bref coup d’oeil à la vue qui n'était au fond pas si différente de celle qui s’étendait par-delà les enceintes du domaine de son petit-ami. À cette hauteur, la baie se ressemblait, qu’importait où vous vous trouviez. Elle s’en détourna ; elle ne trouva pas de clefs sous un putain de pot de fleurs, mais elle tira sur une poignée de porte qui lui donna un accès privilégié à l’intérieur. Elle ne put s’empêcher de juger celui qui avait laissé ouvert derrière lui. Vance était un demeuré de haut vol, c’était aussi sûr pour elle que, contournant la maison pour rejoindre l’arrière, elle était certaine que c’était lui le responsable de ce manquement, remarquant une planche de surf laissée à l’abandon sur la terrasse qu’elle quitta rapidement pour entrer donc, déambulant au petit bonheur la chance jusqu’à qu’une mélodie la renseigne sur l’endroit où se diriger.

L’air narquois, elle était désormais appuyée par la hanche contre le chambranle de la porte du studio qu’elle avait rejoint après avoir grimpé l’escalier. Elle tenta de rester stoïque avant que l’autre ne se rende compte de sa présence et finisse par se comporter comme un ado pris en faute "Je t’ai pas surpris en train de t’astiquer le manche, ça va." Elle mima l’hésitation, pointant cette partie de son anatomie du doigt "Attends, c’est pas ce que t’étais en train de faire, huh ?" Elle ricana bien sûr, et lui souffla finalement, rien d’autre que moqueuse "Respire, je vais pas te bouffer." Un sourire en coin persista et creusa une fossette dans le côté droit de son visage. Pas avare quand il s’agissait de se comporter comme si tout lui était acquis, elle ne demanda l’autorisation à personne pour entrer pour de bon, là encore, et laissa la porte se refermer derrière elle pendant qu’elle remarquait que Vance avait rougi. Elle roula des yeux, pas impressionnée par la gêne des autres "T’es musicien, c’est ton job de faire de la musique, non ? Alors pourquoi tu rougis comme une collégienne ?" Une question comme une autre qu’elle laissa filer pour opérer un gracieux tour sur elle-même et observer la pièce dans laquelle elle venait d’entrer. En terme de musique, Nicholas ne faisait jamais les choses à moitié. Impressionnée sans le montrer, elle dit tout de même, un sourire inversé venant marquer son assentiment "Il a pas menti Nicholas quand il m’a dit que son but c’était de plus jamais sortir d’ici." A la vue de ce qui remplissait la pièce, il devait avoir hâte de rentrer ; ce qui la mena à se justifier sur sa présence ici, sa tête se baissant pour regarder à nouveau Vance "J’avais oublié qu'il était à Londres. T’as laissé la porte ouverte." lui fit-elle remarquer. Elle s’approcha de la console de mixage, remontant sur son épaule la manche descendue de la veste pas très chaude qu’elle portait sur sa robe jaune pâle, et s’étonna tout haut de quelque chose qui la fit brusquement se retourner, ses reins se posant d’eux-mêmes contre le bord de la console "Pourquoi t’es pas avec lui ?"

En grandissant dans un trou paumé où tout le monde, ou presque, se connaît et sans réel criminalité, on prend des habitudes comme ne pas fermer la porte à clé surtout quand il y a quelqu'un dans la maison - même si cette personne se trouve dans le studio d'enregistrement où il y a un fort risque de ne rien entendre si quelqu'un entre. Comme à l'instant.

Jo m'a surpris, son arrivée n'était pas prévu et je n'ai rien entendu. Je pense que j'aurais préféré qu'elle me surprenne en train de m'adonner à l'activité qu'elle est en train de décrire. Je n'ai pas honte d'être en train d'écrire de la musique, essayer du moins, mais c'est beaucoup plus personnel que de se donner du plaisir à soi même. "Je préfère quand on me l'astique plutôt." je réponds par pur automatisme.

J'allais répondre à la prochaine question de Jo mais elle commence à parler du superbe studio d'enregistrement que Nicholas a fait installer chez lui et c'est un sujet bien plus facile à parler. Je suis un livre ouvert pour beaucoup, je souris, je parle fort, je rigole, ma présence se sent en général. Et j'aime cette partie de moi, vivre dans le présent et faire ce qu'il me plaît. Mais écrire une chanson est différent, et c'est aussi la première fois que je m'essaie à cet exercice. Nicholas a toujours écrit les chansons pour le groupe et il a un vrai talent pour ce genre de chose. J'ai envie que ce soit parfait avant de le montrer au monde, si jamais je le montre au monde d'ailleurs. Jo a aussi du talent à revendre et c'est une personne dont le jugement voudrait vraiment dire quelque chose sur la qualité de ce que j'écris.
"Ouais mais je le fais sortir quand il faut." je la rassure, pas moyen qu'il se referme alors qu'il a bien évolué sur ça après tout. "Souvent on frappe à la porte. T'as frappé à la porte?" je lui demande, pas sûr que j'aurais entendu si vraiment elle l'avait fait. "Il n'est pas à Londres pour le groupe, pas besoin que j'y aille et je préfère le temps ici." c'est pas à Londres que j'irais surfer ça c'est sûr. Enfin ils doivent être en été là bas.
Je referme le petit carnet où mon ébauche de chanson est presque abouti, du moins la première ébauche. Jo nous a poussé et bien aidé avec le groupe, elle sait comment me taper sur les nerfs mais elle n'est pas méchante dans le fond. Elle pourrait peut être m'aider mais je ne suis pas sûr de vouloir partager cette partie de moi pour l'instant.
"T'as vraiment oublié qu'il est à Londres ou c'est une bonne excuse pour venir voir ton blond préféré?" je lui demande, grand sourire aux lèvres.

promis tu n'en parles pas
@Vance Thompson (crédit gif/ssoveia)

"Tu me dégoûtes." Elle ne l’aurait pas dit que ça aurait été plus qu’évident au bruit peu ragoûtant de nausées qu’elle laissa échapper lorsque la répartie de Vance suivit la sienne. C’était plus ou moins toujours la même rengaine dans ses échanges avec le jeune homme, ils trouvaient leur semblant d’équilibre dans des joutes verbales au raz des pâquerettes que Nicholas était le seul à leur reprocher. Dans ces conditions, elle avait l’impression que la terre tournait dans le bon sens, c’était presque rassurant quelque part. Du bout de ses talons compensés, elle s’enfonça plus loin dans la pièce qu’elle venait de rejoindre, remarqua sans mal l’embarras de Vance sans savoir véritablement ce qui se cachait dessous. N’étant pas certaine de vouloir le savoir de toute façon, elle déambula à droite et à gauche pour s’imprégner de la nouveauté des lieux et considérer que ça ressemblait bien à Nicholas d’avoir apporté un soin particulier à cette pièce. C’était son rêve d’avoir un studio d’enregistrement à lui, il y passerait le plus clair de son temps au point de s’oublier si on ne lui rappelait pas qu’il y avait une vie en dehors de cette bulle insonorisée. Elle laissa un rire goguenard lui échapper aux mots de celui qui se trouvait en sa compagnie, rétorquant dans la foulée "On dirait que tu parles d'un clébard, c’est à ça d’être insultant pour lui." Il en avait connu d’autre Nicholas, il s’en remettrait.

Ses reins se posèrent d’eux-mêmes contre le bord de la table de mixage, son regard scanna rapidement le visage du jeune homme qu’elle fixa un sourcil haussé lorsqu’il lui demanda si elle avait frappé à la porte "Je viens te le dire : elle était restée ouverte, du gland, j’en ai pas eu besoin." Les mots d’amour commençaient à pleuvoir, ce qui n’était pas étonnant au demeurant "Quoi ? T’as peur que la pluie londonienne ruine ton brushing ? Je te pensais plus aventureux que ça." Elle faisait mine de prendre tout ça par-dessus la jambe, mais elle notait les informations dans un coin de sa tête, se demandant si Nicholas en était à un stade de sa carrière où il rêvait de se dissocier de son acolyte de toujours pour prendre définitivement son envol et voir où tout ça le mènerait. Ce ne serait pas une mauvaise chose, mais ce serait étrange de le voir voguer sans Vance qui paraissait toujours emprunté par l’intrusion de la jeune femme auprès de lui.

Elle remarqua le carnet qu’il referma soudainement. Jo se mordit l’intérieur de la joue sans rien dire sur l’instant et lança un regard aux alentours en restant juste quelques secondes silencieuse, pas pour réfléchir à la question qu’il était en train de lui poser, la réponse étant plus évidente au fond, plutôt pour faire le point sur ce que lui inspirait l’attitude du musicien : des cachoteries, voilà ce que ça lui inspirait "T’es pas assez baraqué pour être mon blond préféré, désolée de briser tes rêves et tes espoirs." À noter qu’elle fit en sorte de ne pas répondre à sa première question sur sa soudaine perte de mémoire au sujet de l’agenda de Nicholas, se décollant du bord de la table de mixage pour refaire un tour de la pièce à pas de loup, empruntant un air bien trop innocent pour que ce ne soit honnête. La lueur de ses yeux approfondis par une simple touche de mascara se posa un peu au hasard pour observer le choix de décoration d’un Nicholas absent, et puis arrivée à proximité de Vance, elle agit vite. S’accaparant d’un geste vif le carnet qu’il avait refermé en le lui chipant des mains avant de faire un pas en arrière, elle tendit un bras devant elle pour qu’il garde ses distances si l’envie lui prenait de s’approcher trop près d’elle. Pas impressionnée par leur différence de taille, son culot et son charisme complétant les nombreux centimètres qui lui manquaient encore, même avec sa hauteur de talons, elle lui dit avec malice "T’as pas été assez rapide, c’est bien la première fois de ta vie." Ses sourcils s’étaient haussés dans la succession de geste qu’elle avait fait pour le prendre par surprise, aussi se baissèrent-il en même temps que ses paupières se plissèrent, et alors qu’elle agitait le carnet de Vance devant elle comme un éventail, elle alterna son regard de ce dernier au jeune homme, l’ongle de son index venant tapoter sur la couverture de ce qu’elle tenait dans la main "Y a quoi là-dedans ?"

J'ai encore un plus grand sourire en voyant sa réponse, et sa réaction aussi. Il faut bien avouer que ça ne vole pas bien haut mais pour ma défense c'est Jo qui a commencé. Et j'aurais pu aller encore bien plus bas mais ça ne fait que commencer pour la journée entre nous, laissons le temps nous faire aller de plus en plus bas. Et sans Nicholas entre nous pour nous arrêter, je me demande bien à quel point on va aller. Je sais bien que ce n'est pas méchant et que c'est simplement un moyen qu'on a de communiquer entre nous. J'aurais peut-être pu prendre la mouche avant de vraiment la connaître mais plus maintenant, et même avant il m'en aurait fallu bien plus qu'une petite blague lubrique.

Je la laisse regarder la pièce, bien voir ce que Nicholas a construit - enfin fait construire. C'est clairement une pièce parfaite pour des musiciens après tout, le matériel est d'excellente qualité et dernier cri, facile à apprendre à utiliser le fonctionnement basique. Il y a de quoi avoir beaucoup de fun ici. "C'est le meilleur ami de l'homme, non?" évidemment Nicholas n'est pas un chien et je tiens beaucoup à lui mais je ne peux pas m'empêcher de continuer dans le sens de Jo, elle arrive à sortir ce côté de moi avec une aisance déconcertante.

"Je ne l'ai même pas fermé? P'tain." autant ne pas la fermer à clé ça n'a rien d'étonnant mais même pas fermer la porte? J'ai bien trop pris l'habitude de vivre avec quelqu'un qui fait ce genre de chose il faut croire. Ou peut être que c'est parce que j'avais la dalle en rentrant de ma petite séance de surf et je me suis trop dépêché ? Un mixte des deux est plus que probable. "Ou j'ai simplement pas de raison de venir avec lui à Londres quand il enregistre avec quelqu'un d'autre?"

Posant les deux mains sur mon cœur "Tu me brises le cœur, et dire que je croyais être ton blond préféré, la personne la plus adorable que tu n'as jamais rencontrée, la plus incroyable et extraordinaire." je m'exclame en prenant tout mon talent d'acteur (c'est-à-dire proche de zéro voire même en négatif) pour montrer à quel point je suis blessé d'entendre ça.

Je reconnais ce regard mais Jo est plus rapide et abile que je l'aurais cru. Elle attrape mon carnet. Je me lève et tends le bras pour essayer de le reprendre mais elle n'a pas l'air bien motivée pour me rendre ce qui m'appartient. "Tout mes fantasmes les plus dérangeant, tu devrais lire la première page, plein de description de ce que j'ai envie de faire avec toi." je mens sans aucune honte, elle doit bien s'en douter de toute façon. Je soupire et me rassois. "Nicky me l'a offert et ... j'ai commencé à écrire une chanson." ma tout première chanson.

promis tu n'en parles pas
@Vance Thompson (crédit gif/ssoveia)

"Et ça te fait rien ?" Que Nicholas l’abandonne à son sort pour aller se la donner ailleurs, là où son alchimie musicale matchait avec celle d’un ou d’une autre ? Jo accentua l’arc de son sourcil en posant la question au jeune homme. Les musiciens étaient des êtres possessifs, et même s’ils se cachaient bien souvent derrière de la fausse compréhension pour accepter que leur muse navigue au gré ce qu’elle ressent, soignant son amour propre auprès de ceux qui la bichonne soigneusement, ils tiennent à ce qu’elle leur revienne pour le meilleur. Nicholas et Vance se connaissaient depuis des lustres et ils formaient un bon duo, du genre inséparable ; à la vie, à la mort. Elle n’arrivait toujours pas à saisir comment ils avaient fait pour soudainement se retrouver tête d’affiche en faisant mine de se foutre royalement de ce qui pourrait bien découler de leur musique, prétendant ne pas vouloir de la notoriété, mais ils étaient bons, et la chance ça ne se refusait pas finalement. Des opportunités, ils en auraient encore, que ce soit pour l’un ou l’autre. Aussi, l’ego d’un artiste était un animal difficile à dompter, et leur fausse nonchalance ne perdurerait pas dans le temps, elle en était persuadée. Des amitiés aussi célèbres que légendaires s’étaient brisées après tout, et ce pour des motifs aussi puériles que le ressentiment envers le succès de l’un tandis que l’autre oeuvrait plus difficilement pour se faire une place au panthéon des musiciens qui comptent.

Elle le laissa faire le clown sans rétorquer, déjà lasse de jouer à ce jeu, intéressée par tout autre chose que la propension de Vance à croire qu’il était le type de tout le monde quand il était seulement celui des gamines sortant de l’école primaire. C’était son attitude envers ce qu’elle l’avait surpris en train de faire qui l’intriguait plus que le reste, et elle n’attendit pas bien longtemps avant de vouloir débusquer ses secrets. Après lui avoir fauché son carnet, elle l’empêcha de s’approcher trop près d’elle en gardant un bras tendu pour qu’il ne s’y risque pas, le mettant en garde sans craindre qu’il s’en prenne physiquement à elle, persuadée qu’elle aurait le dessus de toute façon "Fais un pas de plus pour voir." le provoqua-t-elle en sachant qu’il ne le ferait pas, fichant ses yeux bruns dans les siens durant quelques secondes à peine. Elle continua à se servir de son carnet comme d’un éventail, plissa les paupières pour faire le focus sur son visage, et à la réponse qu’il lui accorda pour noyer le poisson, elle rétorqua, beaucoup trop sûre d’elle pour estimer nécessaire de faire semblant "Y a que les petits garçons qui écrivent leurs fantasmes dans un journal intime. Les petits garçons et les serial killers." précisa-t-elle, sa tête se penchant sur le côté pour mieux appréhender ce qu’il lui dit juste après d'un ton hésitant. Ça lui fit dire dans un éclat de voix mesuré, le rauque de son timbre atteignant un léger aiguë tandis que tous ses traits se fronçaient "Putain, et tu veux me faire gober que tu serais capable de me gérer quand t’es en train de te pisser dessus rien qu’à l’idée d’avouer que t’écris tes propres chansons ?" Elle roula des yeux, pas surprise qu’il soit du genre beau-parleur, bien loin d’y être sensible d’ailleurs, plutôt rebutée qu’excitée, c’était une évidence. Elle secoua sa tête en la redressant, cessa enfin d’agiter le carnet devant elle et récupéra son bras qui marquait encore la distance entre elle et le jeune. Enfin, elle ouvrit la première page en le feuilletant sans aucune gêne, mais avec un certain intérêt "Et pourquoi ça te fait flipper comme ça ? C’est aussi mauvais que ça ?" finit-elle par lui demander, tournant et retournant les pages pour trouver la source du malaise de Vance.