mischief managed
ft  @Shiloh Atkins

Lewis avait dû réunir une bonne dose de courage et réfléchir pendant quelques jours avant d’oser envoyer le message à Shiloh. Le banquet Harry Potter et l’ensemble de ses animations était l’excuse idéale pour l’inviter sans que cela ne semble être autre chose qu’une simple sortie entre amis mais au fond de lui, il était toujours persuadé que ce qu’il ressentait pour son ami était évident pour tous. Il voulait rester discret, ne pas la brusquer, tentant de jongler avec ce qu’il savait réellement et ce que Shiloh décidait de lui confier, ce sentiment de lui cacher une trop grande partie de la vérité étant toujours plus difficile à gérer. Évidemment, la styliste avait accepté immédiatement, et l’idée qu’elle ait pu attendre l’invitation avec impatience de son côté avait traversé l’esprit d’un Lewis qui se surprenait à être aussi optimiste. Comme si la retrouver lui permettait de faire ressortir le meilleur de lui-même. Malgré tout, il n’avait pas réussi à être à l’heure et était arrivé en courant jusqu’à elle, les mains dans les poches, recevant son regard noir et son front plissé avec une grimace. « Ouais, nan, je suis toujours pas ponctuel, désolé. » avait-il lancé dans un rire parce qu’il savait qu’elle ne lui en tenait pas vraiment rigueur. Du moins, il l’espérait. Il était désolé, mais persuadé que ce type de détails permettait de les replonger dans leur amitié comme si rien n’avait réellement changé.

Lorsqu’ils étaient entrés dans la salle des fêtes, ils avaient tous les deux eu la même réaction. Leurs mentons s’étaient abaissés pour laisser échapper un petit wow : Lewis savait que la ville de Brisbane ne lésinait jamais sur les détails, mais l’immersion dans le monde d’Harry Potter était presque totale et justifiait leur surprise. « C’est incroyable ! Tu crois qu’on peut déjà taper dans le buffet ou … ? » Il avait tourné une mine faussement innocente vers Shiloh qui n’avait pas tardé à rire. Si son caractère avait changé pendant qu’elle était absente à cause de l’accident d’Atlas et cette profonde solitude dans laquelle il avait été plongé, au fond, Lewis restait le même. Un enfant passionné par la pop culture qui ne savait pas fonctionner sur un estomac vide, un point compliqué étant donné qu’il avait presque toujours faim. Difficile de résister à ce qui se présentait sous leurs yeux, un buffet gargantuesque joli et coloré que Lewis avait hâte de découvrir en détails dans l’espoir de pouvoir goûter aux saveurs de Poudlard. A en juger par les efforts mis dans l’événement, il y avait fort à parier que les détails iraient jusque là. « Prête pour le choixpeau ou t’as peur de révéler au grand jour que t’es une Serpentard ? » Étant donné le nombre de qualités qui qualifiaient Shiloh, il était presque impossible qu’elle ait pu faire partie de cette maison, mais la plaisanterie était de rigueur.

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ft  @Shiloh Atkins

S’il avait dû choisir pour lui-même, Lewis se serait contenté d’aller essayer tous les jeux d’arcade vintage que la ville avait mis à disposition durant l’événement. C’était un endroit où il savait qu’il se sentirait à l’aise, même s’il devait y aller seul, n’ayant pas trouvé le courage de proposer la sortie à Atlas. Mais il n’avait plus besoin de penser uniquement à son grand frère, parce qu’il avait retrouvé Kendall et Shiloh et c’était finalement à cette dernière qu’il avait pensé en regardant le programme du Nerdapalooza. Il n’aurait pas pu la convier à participer au jeu de rôle ou la convaincre d’aller rencontrer le meilleur cosplayer de Spiderman mais il était convaincu d’une chose : le buffet d’Harry Potter était idéal pour eux. Son enthousiasme ne s’était pas fait attendre, et un sourire victorieux s’était affiché sur ses lèvres quand elle avait accepté de l’accompagner. Il aurait été étonné qu’elle refuse, mais sa joie provenait de la façon dont il envisageait le moment comme un réel rendez-vous plutôt qu’un simple moment entre amis. « J’ai failli attendre Siede. » Il avait grimacé en guise de réponse, bien conscient qu’il ne venait pas de marquer des points auprès de la styliste. « Du coup, je sais pas si je vais te donner ce que j’avais prévu pour toi. » Lewis avait haussé un sourcil - de quoi parlait-elle ? Il s’était immédiatement senti idiot parce que de son côté, il n’avait rien prévu. Avant qu’il n’ait eu le temps de répondre, Shiloh avait brandi une cape - qu’il imaginait avoir été faite par ses soins - et il s’était empressé de la revêtir, renouant avec son âme d’enfant sans aucun souci à ses côtés. « Tu prévois toujours tout, c’est pour ça que je t’adore. Elle est géniale, même si ton pull est encore mieux je crois. » Dans l’euphorie, il ne pesait pas ses mots, et s’amusait même à bouger dans tous les sens pour voir la cape en mouvement. Il était lui-même, et c’était devenu assez rare pour que ce sentiment le mette dans une humeur qu’il n’avait plus côtoyée depuis quelque temps.

De tous les efforts faits pour recréer l’univers du sorcier, c’était évidemment sur le buffet gargantuesque que Lewis s’était arrêté. « Tu mange pas chez toi Lewis ? Je vais commencer à m’inquiéter ! » Il avait secoué la tête en soupirant, comme si elle niait une évidence.  « Non mais c’est là pour ça, arrête !  » Tout était si facile, avec elle. Ils se chamaillaient comme des enfants, un comportement leur permettant d’oublier n’importe lequel de leurs soucis, en totale immersion à Poudlard. « Tu crois qu’ils ont de la bière au beurre ? » « Je sais pas, mais ce sera de la bière sans beurre pour moi. Il paraît que c’est dégueulasse. » Il avait les mains dans les poches, arpentant les allées avec son éternel flegme naturel qui reprenait assez vite le dessus sur son excitation. Le visage de Shiloh n’avait de cesse de s’illuminer au fur et à mesure où elle découvrait les différents objets liés à la saga, et s’il l’exprimait différemment, Lewis devait admettre être lui-même subjugué. De l'index, il avait désigné le choixpeau qui passait déjà de tête en tête. « Pfff tu parles, je serais bien meilleure que toi, j’en suis sûre. » Il avait levé les yeux au ciel, se retenant presque de lui tirer la langue et avant qu’il n’ait pu répondre elle avait enchaîné. « Toi, tu serais un bon Neville, j’trouve. » « Tu dis ça à cause de son glow up? » avait-il demandé, tentant de garder son sérieux du mieux qu’il pouvait, bombant le torse avant de finalement éclater de rire. « Le bon pote qui sort tout le monde des mauvaises situations, ça me va. Sans lui ils étaient tous cuits.  » Il avait haussé les épaules, comme si l’idée qu’elle le voit comme ce simple ami un peu hors de propos ne l’atteignait pas. Il y en avait des tas, de personnages auxquels elle aurait pu le comparer, mais elle avait choisi celui-ci et en un instant, le peu de confiance en lui qu’il avait réuni pour s’imaginer être en date avec Shiloh avait disparu. Mais rien de suffisant pour entacher sa bonne humeur, parce que dans les scénarios qu’il se faisait dans sa tête depuis l’adolescence, elle restait toujours son amie. Quoiqu’il arrive. « Regarde, y’a quelques-uns des costumes ! » Légèrement surpris par l’euphorie de son amie, il s’était laissé entraîner jusqu’aux fameux costumes. Sa passion était évidente, à chaque moment de la journée, de différentes manières, et c’était ce genre de choses qui l’empêchait de ne pas la regarder avec un oeil différent, parfois. « C’est trop chouette ! » « C’est vraiment ceux qui ont été portés par les acteurs tu penses ? » Évidemment, que son enthousiasme était communicatif, et évidemment que le monde d’Harry Potter permettait de retrouver leur complicité qui n’avait jamais réellement été perdue. « On sait ce qu’on fera pour le prochain Halloween. Je ferai Neville et toi… Mimie Geignarde ou le troll ?  » Il riait déjà de sa propre plaisanterie, acceptant volontiers le petit coup de Shiloh sur son épaule. « Allez je vais te l’offrir ta bièraubeurre et je te défie de finir ce truc. » Il avait passé son bras autour de ses épaules pour les emmener au fameux stand, parce qu’il savait pertinemment qu’elle grimacerait à la première gorgée et il mourrait d’envie de voir ce spectacle.

« Le pull, c’est uniquement pour les vrais fans. »
« Pardon ? T’es en train de dire que je suis pas un vrai fan ? »

Ils n’avaient plus partagé de moments à deux, dans un contexte autre que celui des funérailles du père de Kendall, depuis des lustres. C’était peut-être ce qui rendait le moment aussi important aux yeux de Lewis, aussi intense, mais il savait aussi que chaque instant passé avec Shiloh avait ce petit quelque chose en plus qu’il n’avait jamais su expliquer. Leur complicité n’était plus à prouver, mais voir qu’elle n’avait pas été entachée par les années et la distance lui amenait un sentiment de bonheur à l’état pur. De nature discrète, Lewis et Shiloh étaient bien plus bruyants et extravertis lorsqu’ils étaient ensemble et il restait convaincu qu’elle avait le don de faire ressortir tout ce qu’il y avait de plus positif en lui. S’il se perdait à plusieurs reprises dans la contemplation de son profil parce qu’il était heureux de voir ses lèvres s’étirer à chacune de ses plaisanteries, le monde autour et les animations permettaient de le tirer de ses rêveries. « On va manger, promis, je te laisserais pas mourir de faim. » D’un geste enfantin, Lewis était venu taper ses deux mains entre elles en signe d’anticipation, rapidement remplacé par une moue écoeurée quant à l’évocation de la bièraubeurre. Une invention qui n’avait, selon lui, sa place qu’au sein des films fantastiques. « Gâche pas tout, je veux au moins goûter ! » « A tes risques et périls, Shy. » Il avait haussé les épaules, ignorant l’air de défi qu’elle lui lançait en ricanant. Il la connaissait assez pour savoir qu’il y avait de gros risques qu’elle boive une première gorgée, le regarde en grimaçant avant de le supplier du regard de finir sa boisson payée bien trop cher. Et même s’il détestait le produit, il s’y plierait, parce qu’il lui cédait à peu près tout, ce qui rendait plus que valide l’affirmation le comparant à Neville. « Celui qui a un cœur d’or, surtout. » Son bras autour de ses épaules, ses mots se voulant rassurant, Lewis se sentait presque invincible dans un endroit où il se serait normalement senti invisible. Le pouvoir que Shiloh avait sur lui était évident et il en profitait allègrement après en avoir été privé trop longtemps.

En arpentant les allées, les surprises étaient nombreuses, et c’était évidemment sur la partie des costumes que les yeux de Shiloh s’étaient illuminés. « Je sais pas… » avait-elle commencé et il avait tourné le visage vers elle pour écouter la suite. « À une époque, j’aurais tué pour porter cette robe. » « Tu serais magnifique dedans.  » Il n’avait pas réalisé le silence qui s’était installé après son affirmation, perdu dans ses pensées, à imaginer Shiloh descendre les escaliers du château comme l’avait fait Emma Watson dans la fameuse scène. Et c’était avec une énième plaisanterie qu’il avait chassé ce moment de doute, parce qu’il ne pouvait pas assumer pleinement le compliment qu’il venait de lui faire. « Vraiment sympa Siede, merci… » Il lui avait adressé un sourire triomphant, ignorant la façon dont elle essayait de le faire culpabiliser pour une simple plaisanterie. Ignorant également son envie viscérale de venir apposer un baiser sur ses cheveux blonds, se freinant au dernier moment en se rappelant ce qu’il savait sans qu’elle ne soit au courant. « Tu crois qu’ils ont les bonbons de Bertie Crochue aussi ? » Shiloh avait ce don de le sortir de ses pensées lorsqu’il en avait le plus besoin, et la réalisation le faisait toujours sourire même si l’exercice était simplifié dans un tel endroit. « Je te mets défi d’en prendre un au hasard ! » « Je serai vraiment étonné qu’il y en ait pas. Challenge accepted, mais tu le fais avec moi, non ?! » Sourcils froncés, il la regardait le plus sérieusement du monde. Mais avant de se couper l’appétit avec des confiseries douteuses, ils devaient manger, parce qu’il avait déjà trop attendu à son goût. « Alors ? On commence par quoi ? » Son regard avait balayé son assiette qu’il s’était constituée auprès du buffet gargantuesque. « Toi qui avais tellement faim, qu’est-ce qui te fait le plus envie ? » « Il y avait trop de choix, j’ai pris un peu de tout mais la purée de butternut est incroyable. » La bouche pleine, il désignait son assiette avec sa fourchette. Il ne réalisait pas qu’il ne faisait aucun effort avec celle qu’il convoitait pourtant, comme s'il était convaincu que si quelque chose devait arriver, il voulait s’assurer que cela se fasse avec la version la plus réelle de lui-même. « Ah, ta bièraubeurre arrive, je l’ai commandée pendant que tu te servais. » avait-il lancé en voyant un serveur arriver avec la boisson. « Et vu que t’as été hyper longue à choisir, j’ai aussi eu le temps d’acheter ça sur le stand d’à côté… » avait-il ajouté en sortant une petite boîte cartonnée contenant les dragées de sa poche. Si elle avait été prévoyante au début, lui faisait de son mieux pour être prévenant maintenant.

Il devait trouver un juste milieu, même si l’idée de devoir trop réfléchir en étant avec elle pouvait presque ternir le moment. Lewis ne voulait pas la brusquer, ni même montrer les pensées qui l’occupaient, mais pour reprendre la relation telle qu’ils l’avaient laissée, il ne pouvait s’empêcher de lui accorder quelques compliments. C’était une dynamique qui avait toujours existé entre eux et la laisser de côté aurait probablement semblé plus suspicieux encore que la façon dont ses lèvres se dressaient en un sourire en coin lorsqu’il la retrouvait ou dont il lui disait à quel point elle était jolie. Une gentillesse qu’il avait toujours eu avec elle, même avant de réaliser ce qu’elle représentait pour lui. Si ses mots dépassaient parfois sa pensée, ils étaient de toute façon rapidement diminués par son attitude, Lewis continuant son chemin entre les allées avec les mains dans les poches après que son bras ait quitté les épaules de son amie au détour d’un autre stand où elle s’était précipitée. L’endroit avait été parfaitement choisi si l’on considérait les craintes de l'informaticien - chaque décor, chaque stand ou même chaque friandise les faisaient retomber à l’adolescence, à une époque où ces questionnements n’avaient que peu d’importance. « Bien sûr ! » Shiloh semblait enthousiaste et ils savaient pourtant parfaitement tous les deux que si Lewis commençait et tombait sur un goût répugnant, elle serait capable de passer son tour et de le laisser seul face à son défi. Et cela n’aurait pas eu d’importance, car le son de son rire aurait été un réconfort suffisant. « Et ta mère t’a jamais appris à ne pas manger la bouche pleine ? » Sa mine outrée n’était qu’un énième jeu avec elle, même s’il avait ressenti un léger pincement à l’idée de lui avoir offert une image peu positive. Il savait que ça ne comptait pas, que tout cela n’était que la façon dont ils géraient leur amitié, mais l’évidence de son envie de plus l’empêchait de penser correctement. « Merci Lewis. » Il avait répondu par un sourire intimidé. « Je vois que tu es prévoyant. » Il l’était naturellement mais l’était encore plus avec Shiloh, sans même réellement s’en rendre compte. Quelque chose chez elle lui avait toujours donné envie d’être avenant et cette nouvelle version d’elle-même, abîmée par son passé, décuplait cette facette de sa personnalité. « Aller je me lance. » Comme un enfant prêt à lui lancer le fameux je te l’avais bien dit, Lewis fixait sa moindre réaction en écarquillant grand les yeux. Et à sa première grimace, il avait éclaté de rire. « C’est un peu étrange. » Son sourire en coin était à nouveau là, alors qu’il avait tout le loisir de fixer l’ensemble des traits de son visage et de s’attendrir encore un peu plus devant toutes ces mimiques à la découverte de la boisson. C’était un moment banal, mais un souvenir qu’il chérirait longtemps.« C’est pas mauvais, mais ça doit écœurer au bout d’un moment. » « D’un sens mélanger du beurre à de la bière, quelle idée… » Il était fan d’Harry Potter et de son univers, mais l’était probablement encore plus de la bière alors il ne pouvait que pester à la façon dont ce produit avait été dénaturé. « Tu veux goûter ? » avait-elle proposé dans un rire alors qu’il se voulait réfractaire. « Je suis sûr que c’est une technique pour en avoir moins à boire ! » Le genre de technique qu’avait les enfants ne voulant pas finir leurs assiettes. Lewis s’était empressé de répondre alors qu’il n’hésiterait pas à finir l’intégralité de son verre si elle n’aimait vraiment pas et se sentait mal d’en gaspiller. « Tu sais ce qu’on devrait faire ? » Il avait levé un sourcil inquiet, parce qu’il savait que les idées de Shiloh pouvaient être diamétralement opposées et s’attendait donc à tout. « On devrait se faire un marathon Harry Potter, avec nos bonbons ! » « Pourquoi pas ! T’es la bienvenue à l’appart, Shy. Toujours. Et je t’avoue que je pensais pas m’éterniser là. » Il avait haussé les épaules, il était notoire que Lewis préférait l’intimité de son appartement. L’idée cependant de la partager avec Shiloh le rendait nerveux, au point de chercher à détourner sa propre attention pour ne pas commettre de faux pas. Alors il avait attrapé cette fameuse boisson qui semblait l’écoeurer pour en boire une gorgée à son tour et lui montrer que sa remarque n’était destinée qu’à la taquiner. « Ouais… j’aime toujours pas. Je vais faire passer le goût avec un bonbon et si tu veux après on y va.  » Il avait grimacé après sa gorgée et cherchait désespérément de quoi ôter le goût de ses papilles - sans certitude aucune que le bonbon ne serait pas pire. « 3, 2, 1… »

WIN pomme.
SO CLOSE gazon.
FAIL : vomi.

La foule était bruyante, chaque participant massé sur les immenses bancs placés sous les tables dressées pour l’occasion. C’était un endroit où ils se seraient tous les deux sentis de trop, Lewis parce que c’était dans sa nature, Shiloh parce qu’elle s’était renfermée sur elle-même. Pourtant, l’un en face de l’autre, il semblait tout oublier en riant à des broutilles et en argumentant sur un sujet aussi futile qu’une boisson. « Ça se veut original. » Il n’en était friand qu’avec elle, d’originalité, mais il avait tout de même ses limites et il devait admettre que cette boisson en était une. Et comme il ne la connaissait que trop bien, il avait anticipé sa ruse : lui proposer de goûter la boisson alors même qu’il avait déjà dit ne pas l’aimer pour en avoir moins à boire. « Peut-être bien. » Il avait levé la main dans un rire pour mimer un je le savais silencieux. Mais c’était ce genre de détails familiers et savoir qu’elle était totalement elle-même avec lui qui l’attendrissait, au point de le faire sourire bêtement à chacune de ses répliques. « J’aime pas gaspiller Lew. » « Je sais. » avait-il simplement confirmé. « Et t’as pas besoin de me donner du Lew pour m’amadouer. » Cette précision avait été faite avec un sourire en coin, comme pour s’assurer qu’elle saurait qu’il ne faisait que la taquiner. Il était encore sur ses gardes, dans une volonté de ne pas la brusquer et de trouver l’équilibre parfait entre l’humour et la bienveillance parce qu’il restait convaincu que la moindre remarque de travers aurait pu la faire fuir. La briser, même, s’il était défaitiste.

« Ma colocataire est absente pour le weekend, donc pareil. » Le sourire qu’il avait lancé cachait difficilement le flot d’émotions qui le submergeait. Peut-être que boire une gorgée de bièraubeurre n’était pas la meilleure technique pour tenter de dissimuler sa gêne, mais la tentative était louable. Et puisqu’il n’était pas encore sûr de réussir à la suivre sans se poser mille questions, c’était les dragées de Bertie Crochue qui étaient venus à sa rescousse. « Lewis ! » Du moins, c’était ce qu’il aurait souhaité, alors qu’un goût atroce qui lui rappelait les fois où il avait bu au point de finir sa soirée au-dessus de la cuvette était venu envahir sa bouche. Agitant les mains, plissant les yeux et cherchant désespérément comment sortir de cette situation, Lewis avait planté un regard supplicateur dans celui de Shiloh. « Je suppose que c’était pire que la bière. » Elle riait, et au final, le jeu en valait la chandelle. Au fond de lui, pourtant, il voyait ce bonbon sur lequel il était tombé comme la meilleure façon de ruiner ses chances - s’il avait eu envie d’essayer de goûter à ses lèvres ce soir, le fait que les siennes avaient maintenant la saveur du vomi l’en aurait complètement dissuadé. « Ça va ? » « Plus jamais, tu m’entends ? PLUS JAMAIS. » Lui qui était normalement si discret se permettait de donner un peu de voix alors qu’il cherchait encore à comprendre à quel point les fabricants s’étaient rapprochées de la saveur voulue. Le repas, la bièraubeurre et leur discussion avaient terminé de chasser la mauvaise expérience et bientôt, une autre sensation avait remplacé le dégoût. « Alors on va les voir ces films ? » Ses mains étaient moites, son sourire était timide. « Allez, j’ai envie de te montrer mon appart. On ira chez toi une autre fois ? » Sans le vouloir, Lewis parlait toujours de ce futur proche qu’il considérait encore comme incertain, créant des opportunités de la manière la plus subtile qu’il soit.

Quitter l’endroit avait été un soulagement, sans s’en rendre compte, Lewis s’était retrouvé à subir les nuisances sonores et la foule. Si Shiloh lui avait fait tout oublier alors qu’ils arpentaient le salon, maintenant qu’ils l’avaient quitté et marchaient jusqu’à chez lui, il avait laissé s’échapper une longue inspiration. La sensation était similaire à cette fois, où, challengé par plusieurs de ses amis qui le considéraient comme geek, Lewis s’était accordé vingt-quatre heures sans le moindre écran. Il n’avait pas consulté son téléphone, et s’était plongé dans un livre sur le codage qu’il aurait dû lire depuis bien trop longtemps plutôt que de se laisser happer par ces lignes là directement sur son ordinateur. Une journée détox qui avait eu un effet positif sur lui mais qu’il n’était pourtant pas prêt de recommencer. C’était avec le souffle coupé qu’il avait ouvert la porte de son appartement qui paraissait immédiatement plus petit, moins bien rangé et accueillant maintenant qu’il lui était présenté à elle. « Voilà mon antre… » La blague était mauvaise, signe de son malaise interne. Shiloh, elle, s’avançait déjà pour observer chaque détail. « Te moque pas de mon capybara en peluche, c’est Atlas qui me l’a offert ! » avait-il lancé en attrapant l’objet dans un rire. « Je te sers un truc à boire ? Un vrai truc ? » Il ne cesserait jamais de la taquiner sur son choix douteux au salon. « Ils sont sur netflix, je crois. Tu voudras commencer par le premier ? » Ou par son préféré ? Combien de temps durerait ce marathon ? Combien de temps resterait-elle avec lui, la question était surtout celle-ci.