A chaque cours du mardi soir, c’était la même scène qui se reproduisait. Après une demi heure d’échauffement, à frapper dans le sac, tu montais sur le ring pour affronter bien souvent Ollie. C’était devenu un rituel, que tu partageais avec une certaine motivation. Partenaires de boxe, votre relation a bien évolué en quelques années pour que ça ne se résume plus qu’à ce sport. Vous étiez bien souvent fourrés ensemble, la plupart du temps dans de sales histoires, d’autres fois simplement pour ne rien faire, et échanger un peu. Ollie fait aujourd’hui parti d’un entourage bien restreint, ayant une place bien trop importante pour toi.
Ce soir, il a du retard. Tu ne le vois pas à l’échauffement, et tu en viens à te demander s’il viendra tout court. Tu regardes ton portable, pas de message. En tout cas, pas de sa part. Mais il y en avait un certain nombre de la part de Gayle, et les lire te prend déjà cinq bonnes minutes, ton front se plissant dans la concentration. Tu reposes ensuite ton téléphone sur le banc, épongeant ton visage de ta serviette qui traînait à côté. C’est là que tu aperçois enfin Ollie entrer dans la salle. C’est qu’il se fait désirer le bougre. « Qu’est ce que tu foutais? » Aviez vous vraiment besoin de vous saluer? T’as dépassé ce stade avec Ollie. Il était plus fréquent de vous voir vous insulter et vous cogner -avec beaucoup d’amitié- que de vous voir échanger des politesses. Alors tu rentres directement dans le vif du sujet, vous aviez assez perdu de temps comme ça. Vous en foutre plein la gueule, c’était bien plus intéressant. « Bouge ton cul, je vais passer un appel dix minutes et on y va. » Que tu lui lances, presque autoritaire, lui laissant la possibilité de s’échauffer les muscles et les articulations. Tu attrapes ton téléphone et tu sors du bâtiment quelques minutes, surtout pour l’air frais qui refroidissait ton corps trop chaud, mais aussi pour appeler un Gayle et rectifier quelques petites choses. C’était toujours beaucoup trop long par message et tu avais l’impression de passer des heures à les écrire. Au moins, c’était fait, et tu pouvais rapidement écourter l’appel en prétextant devoir retourner à l’entraînement. Et comme ça faisait parti du boulot, ton argument était suffisant. 

Tu reviens ensuite dans la salle de sport, cherchant du regard Ollie. Tu le rejoins rapidement, attrapant tes gants de boxe sur le chemin. « Ça va? » Après plus d’un quart d’heure, tu commences enfin les politesses. Histoire de savoir un peu où en était Ollie dans sa vie ces dernières semaines. Tu ne l’avais pas vu depuis bien quinze jours, ayant loupé le cours de la semaine dernière pour un autre entraînement utile pour un tournage, de l'équitation. Tu n’as même pas osé révéler à Ollie la cause de ton absence. Parce que t’es assez certain de te faire chambrer sur le sujet. Alors t’as simplement trouvé un prétexte en lui expliquant avoir certaines choses à régler au boulot. « Tu te sens d’attaque ou il faut que je te laisse encore quelques minutes? Histoire que tu ne trouves pas d’excuses quand je t’aurai foutu ta raclée. » La vérité était bien plus mitigée. Gagner contre Ollie devenait de plus en plus compliqué, parce que tu étais moins assidu, mais bien plus pluridisciplinaire. Tu étais un touche à tout, et ne te concentrer que sur une activité trop longtemps devenait rapidement lassant. C’est sans doute pour ça que tu as lâché de nombreux sports que tu avais entrepris.