@Lily Beauregard

« Qu’est-ce qu’on fait là déjà ? » Déjà que ce n’était pas le genre d’endroits où il se rendait en temps normal, les musées n’étant pas sa tasse de thé, mais alors il comprenait encore moins ce qu’il faisait ici en ce jour particulier. Alors effectivement, la cérémonie d’ouverture et de démonstration du cercueil d’il ne savait quel pharaon mort tant années plus tôt qu’il n’arrivait pas à enregistrer le nombre était un événement important pour la ville et pour l’histoire de façon générale, mais il n’avait pas compris pourquoi eux étaient sur place. Toutes les autres personnes présentes semblaient bien plus à leur place qu’il ne saurait jamais l’être, son costume le grattant sous les bras et sa cravate lui serrant tellement le cou qu’il avait l’impression qu’il allait mourir étouffé. « Quand tu m’as dit qu’on allait passer une bonne soirée, j’y ai cru moi. » Et faisant les gros yeux à Lily, Ezra se rabattit sur l’une des coups de champagne de l’un des plateaux qui passait à portée de main.

« Mesdames et messieurs, si vous voulez bien diriger votre attention vers l’estrade, la cérémonie va débuter. » Et c’était peut-être l’instinct d’Ezra qui avait raison pour cette fois, cependant. Sur le papier, il ne devait rien se passer si ce n’était de découvrir effectivement les restes d’un pharaon dans un sarcophage récupéré lors d’une mission archéologique. Dans les faits, à partir du moment où les employés commencèrent à ouvrir le cercueil, les lumières se mirent à faiblir dans la pièce, et c’était lui où il faisait quelque peu plus froid aussi, d’un coup ? « Je sais, je suis parano… » Il se pencha quelque peu en direction de Lily alors que son regard naviguait ici et là à travers la pièce. « Mais on est d'accord que c’est pas que moi qui ressens le changement d’ambiance là ? » Parce-que même le directeur du musée, qui affichait un sourire franc encore jusque maintenant, semblait de moins en moins rassuré sur ce qui se passait, traits crispés et regard perdu à travers l’assistance et surtout en direction des agents de sécurité à ses côtés.

« Qu’est-ce qu’on fait là déjà ? »
« Ezra, c’est un jour important. »

Assez important pour qu’elle n’ait pas non seulement besoin d’y être à titre personnel mais aussi lui, l’homme avec qui elle partage sa vie et dont l’image qu’il renvoie a aussi une importance pour Lily à son tour. « C’est une première mondiale. » Elle explique, comme elle l’a pourtant déjà expliqué à plusieurs reprises avant qu’ils soient sur place. Simplement, cela ne semble toujours pas avoir la même importance pour lui que ça en a pour elle. « Quand tu m’as dit qu’on allait passer une bonne soirée, j’y ai cru moi. » - « Mais c’est une bonne soirée ! » Ils sont vus, ils pourront dire à tout le voisinage qu’ils étaient présents à ce moment historique et en plus ils peuvent profiter du champagne et des petits fours à volonté - ce qui est sans doute ce qui intéresse le plus Ruben dans toute cette histoire, elle le sait bien.

« Mesdames et messieurs, si vous voulez bien diriger votre attention vers l’estrade, la cérémonie va débuter. »

La main de Lily trouve celle de son mari autant parce qu’elle a envie de lui monter son affection que parce qu’elle estime qu’il a bien assez picoré l’apéritif dinatoire. Il risque de ne plus manger une fois de retour chez eux et il est hors de question qu’elle ait cuisiné pour rien. Pour autant, et bien malgré elle, son attention s’échappe un instant du spectacle pour se relever sur les lumières vacillantes et clignotantes au-dessus de leurs têtes. « Mais on est d'accord que c’est pas que moi qui ressens le changement d’ambiance là ? » - « C’est peut-être juste une baisse de tension, non ? Tu te souviens, notre jardinier en parlait la dernière fois. » Elle est rationnelle, elle le sera toujours. A chaque chose son explication, et il ne peut y en avoir aucune autre que celle-ci pour l’instant. Malgré tout, cela la fait resserrer doucement mais sûrement ses doigts autour de ceux de son mari, qu’elle ne veut pas quitter. « Concentre-toi sur le sarcophage mon amour, c’est… » Merveilleux. Historique. Grandiose. Elle avait tous ces adjectifs à l’esprit, mais aucun ne l’avait préparé à ce qu’elle voit en cet instant bien précis. « Quelle horreur. » Le sarcophage est vide. Affreusement vide. « Quelqu’un a volé la momie ! » On hurle d’un côté, alors que l’autre, dans leur dos, parle déjà d’une malédiction devenant réalité et une momie prête à tous les hanter pour avoir dérangé son sommeil éternel parmi les Dieux.

« Ezra, c’est un jour important. » Peut-être, mais cela ne lui donnait pas plus d’informations sur le pourquoi ils étaient là aujourd’hui: c’était important, mais pourquoi ça l’était ? « C’est une première mondiale. » Il plissa le bout du nez. Il avait surtout l’impression de ne pas se trouver au bon endort et de devoir de trop tirer sur son cou pour entrer dans le col de sa chemise. Une première mondiale, super. « Mais c’est une bonne soirée ! » - « On a pas la même définition de bonne soirée toi et moi. » Il ne put renchérir davantage, parce-que le directeur des lieux reprenait la parole et que le regard que Lily lui jèterait s’il le faisait l’enverrait outre-tombe pour sur.

Cette fois-ci, ce n’était pas seulement le manque de volonté de la part d’Ezra d’être attentif à ce qu’il se passait, il y avait vraiment un problème. « C’est peut-être juste une baisse de tension, non ? Tu te souviens, notre jardinier en parlait la dernière fois. » Ce fut à son tour de lui lancer un regard de travers. « Non, c’est pas à l’intérieur que ça déconne. » Il faisait la différence, tout de même. « Concentre-toi sur le sarcophage mon amour, c’est… Quelle horreur. » Alors, il tourna effectivement son regard en direction du dit-sarcophage, pour s’apercevoir à son tour qu’il était vide. La main que Lily avait attrapé dans la sienne pour qu’il arrête de picorer fut récupérer pour qu’il la passe autour de sa taille à elle, la rapprochant de lui, se mettant déjà en position de défense. « Quelqu’un a volé la momie ! » Et bizarrement, ici cela ne sonnait pas comme quelque-chose de chouette ou amusant. Son regard observant autour d’eux, la panique se mettait déjà à faire son effet. « Tu me crois maintenant quand je te dis que y’a un problème avec l’ambiance ? » Il avait beau vouloir se plier à ce qu’elle pensait, il ne pouvait pas le faire là. « Viens, on se casse d’ici. » Et ce n’était pas une question, tant sa main entrainait Lily avec lui vers la sortie - mais les portes s’ouvrant d’un coup sec en grand, alors qu’elles étaient lourdes et composaient même une barrière normalement pour protéger les ouverts du muée, emportant dans son chemin un nuage de poussière n’était pas une bonne nouvelle… si seulement c’était de la poussière.

« Viens, on se casse d’ici. » D’accord. Ils atteignent atteignent la porte et découvrent un spectacle encore plus troublant à l'extérieur. La nuit est illuminée par des lueurs rouges étranges, et des criquets envahissent les rues, leur stridulation créant une cacophonie oppressante. La foule autour d'eux panique de plus en plus, tandis que les lumières de la ville vacillent, certaines s'éteignant complètement. Lily se tourne vers son mari, ses yeux remplis d’une inquiétude nouvelle. Son regard se porte sur le fleuve, qui semble prendre une teinte rougeâtre, mais elle ne saisit pas immédiatement l'ampleur de ce qu'elle voit. La scène lui paraît irréelle, presque cauchemardesque. Elle serre plus fort la main d'Ezra, sa voix trahissant une panique qu'elle ne peut plus contenir. Tout allait parfaitement bien il y a de ça une minute à peine. Juste une minute. Comment tout a pu vaciller si soudainement ?

« Ezra, c'est… une catastrophe. On peut pas rester ici. » Elle jette un coup d'œil autour d'eux, voyant les gens courir dans tous les sens, criant et cherchant refuge. Elle ne veut pas seulement quitter cette salle des fêtes, elle veut fuir le plus loin possible de ce cauchemar. « On doit penser à nous d'abord, c'est trop dangereux. » Lily n'hésite pas un instant à placer leur propre sécurité avant celle des autres, un réflexe égoïste mais habituel pour la brune. Elle inspire profondément, essayant de garder son sang-froid, puis fixe Ezra avec détermination. Si elle ne prend pas les décisions de suite, il hésitera à le faire, et ils ne peuvent pas s’offrir ce temps supplémentaire. « On doit sortir de la ville maintenant, trouver un endroit sûr. Laisse les autorités gérer ça. » Son ton est résolu, presque impérieux. « On a les moyens, on peut se permettre de partir. » Elle jette un regard rapide vers leur voiture, garée non loin, avant de revenir à son mari. Elle serre la main d'Ezra avec insistance, espérant qu'il approuvera son plan. Lily attend une réponse, prête à partir immédiatement si nécessaire, laissant derrière eux la ville en proie à ce qui semble être une série de phénomènes inexpliqués et terrifiants. Et s’il ne veut pas partir avec elle, alors elle ira seule. La ville lui semble déjà perdue.

Si d’ordinaire, elle trouvait toujours à redire sur ses manières de faire et de parler, d’agir et de prendre des décisions, pour une fois Lily eut la sage idée de ne pas le faire ici: ils se devaient de sortir de cet endroit et de retrouver l’air frais, les grands espaces et surtout de s’échapper à cette ambiance qui était on ne pouvait plus pesante autour d’eux.

Sauf que ce ne fut pas une aussi bonne idée qu’ils l’auraient tous deux en silence pensé initialement. A peine le nez dehors, des signes que tout était en train de virer au cauchemar leur arrivaient dessus: criquets qui semblaient sortir de nulle part, lumières qui se mettaient à faire des leurs, fleuve se teintant d’une couleur sang. Ezra sentit la main de sa femme se serrer dans la sienne, et il resserra bien sur sa prise pour la rapprocher de lui. « Ezra, c'est… une catastrophe. On peut pas rester ici. » Alors que son regard accrochait ici et là les alentours, il secoua quelque peu la tête: ils ne pouvaient effectivement pas rester là. « On doit penser à nous d'abord, c'est trop dangereux. On doit sortir de la ville maintenant, trouver un endroit sûr. Laisse les autorités gérer ça. » Il soupira quelque peu. « On peut pas rester ici non. » Sur ce point là, il n’y avait pas à discuter: il n’y avait qu’à s’apercevoir de la façon dont les choses autour d’eux commençaient à perdre du sens. Il pourrait presque croire à des hallucinations. « Je sais pas ce qu’il se passe, mais ça donne pas envie. »

« On a les moyens, on peut se permettre de partir. » Repoussant d’un revers de la main un criquet - une sauterelle, un moustique, ça aurait pu être un crapaud volant que ça lui aurait paru aussi logique présentement -, il passa son bras autour des épaules de Lily pour l’entrainer en direction de leur voiture. Ils avaient à peine fait quelques pas qu’il retira même sa veste de costume - lui qui rêvait de s’en débarrasser depuis des heures - pour la passer par dessus la tête de sa femme: les insectes étaient particuliers féroces, apparement. « Regarde par terre pour avancer, faut qu’on presse le pas. » Sinon ils n’allaient jamais réussir à atteindre leur voiture, qui semblait presque de plus en plus loin à chaque pas en avant, s’ils n’accéléraient pas un minimum.

Lily suit Ezra, son cœur battant plus que jamais la chamade. Le spectacle autour d'eux est digne d'un cauchemar. Les criquets volent en nuées sinistres, les lumières de la ville clignotent de manière erratique, et le fleuve, habituellement paisible, semble maintenant irrigué par une teinte sanguine. Les signaux de détresse sont omniprésents, et elle se serre contre Ezra, cherchant réconfort dans sa présence protectrice. Elle sent une vague de soulagement lorsqu'il prend la décision de quitter les lieux, même si elle est aussi anxieuse qu'elle reste déterminée.

En chemin vers la voiture, et désormais protégée par la veste de costume de son mari, Lily observe les insectes envahissants et essaie de se concentrer sur chaque pas. Les criquets et autres créatures volantes rendent la tâche difficile, leur présence presque irréelle dans le chaos qui les entoure. Elle essaye de rassurer Ezra autant qu’elle le peut, bien que le sentiment d’impuissance reste omniprésent. « Dès qu'on aura quitté la ville, on pourra évaluer la situation de manière plus calme. » Chaque pas en direction de la voiture les rapprochent d’un semblant de sécurité. Désormais, Lily serre la main d'Ezra, au moins rassurée par sa présence à ses côtés malgré le chaos environnant. Ils continuent leur marche effrénée vers la voiture, le sol se dérobant sous leurs pieds, tandis que les cris et les bruits étranges résonnent encore dans la nuit. Lily garde les yeux fixés sur l'horizon, espérant que leur évasion se fera sans autre incident, et que le chaos de la ville ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir. Rien ici ne lui importe à la hauteur d'Ezra. « Je t'aime. » Peu importe ce qui pourrait arriver à partir de maintenant, que ce soit pour la ville ou pour leur couple, elle veut au moins lui dire ça: elle l'aime plus que tout. Absolument tout.