Murphy's laws - Libre

Charlotte passa la porte du café tout en reniflant discrètement. Ses narines furent aussitôt assaillies par l’odeur de café et de viennoiseries. Elle ne buvait jamais de café sauf en cas d’absolue nécessité et bien qu’elle soit particulièrement prise par ses cours et son travail à la bibliothèque, elle était encore loin d’avoir atteint une telle extrémité. Non, si elle était là, c’était surtout pour faire changement de la bibliothèque ou de sa chambre où elle passait la majorité de son temps à étudier. Charlotte poursuivait son exploration de la ville qui, à son plus grand étonnement, commençait à lui plaire réellement. Certes, elle n’avait jamais vu autant de soleil de toute sa vie et sa récente rencontre avec une énorme araignée provoquait encore des frissons de dégoût juste à y penser, mais elle aimait l’ambiance et sa proximité avec l’océan. Si elle en avait l’occasion un jour, Charlotte possèderait une maison à proximité de la côte, juste pour pouvoir admirer le paysage.

Elle se dirigea vers le comptoir où elle prit un moment pour lire le menu. Son regard s’arrêta sur le chocolat chaud, évidemment. Elle résistait difficilement au chocolat de manière générale, mais ça lui semblait peu raisonnable, surtout qu’elle prévoyait déjà gouter l’une de ces viennoiseries qui, clairement, l’appelaient par son nom. Le café offrait également une sélection de thé. Ne sachant pas combien de temps elle comptait rester au café, elle commença par prendre un thé accompagné d’un croissant aux amandes. Elle choisit ensuite une table près des fenêtres pour y travailler. De son sac, elle sortit un ordinateur portable qui avait visiblement fait la guerre ainsi qu’un livre de droit qui menaçait de lui donner une scoliose chaque fois qu’elle devait le transporter. Elle avait de la révision à faire en vue d’un examen. La première heure se passa sans difficulté. Charlotte mangea son croissant qui s’avéra délicieux et sirota son thé entre deux prises de notes. En revanche, à la deuxième heure, l’ordinateur commença à protester en faisant un inquiétant bruit de moteur. Même elle, qui était loin d’être une informaticienne dans l’âme, savait que ce n’était pas normal.

« Oh, non non non, je t’interdis de me lâcher maintenant! »

L’instant d’après, l’écran devint noir et tout s’arrêta. Charlotte le regarda, sans savoir quoi faire. Elle appuya sur la touche "démarrer", sans succès.

« Non! »

Elle s’affala sur la table, le front dans son livre de droit. En soi, ce n’était pas vraiment une surprise, le truc devait avoir près de sept ou huit ans, mais il avait toujours bien fonctionné jusqu’à son déménagement en Australie…

@Charlotte McKinley

Alice, depuis l’ouverture du death before decaf, était devenue une habituée des lieux. Il faut dire qu’elle avait souvent besoin de se plonger dans une bulle le temps de faire des recherches pour ses prochaines vidéos YouTube, et le café lui permettait de se poser sans avoir trop de soucis aux alentours. Ici, elle était sur une histoire qui dissuaderait n’importe qui de commander un hamburger sur une air d’autoroute… Le type, un serial killer des années 80, tuait ses victimes sur une aire assez peu fréquentée avant de les transformer en chair à saucisse et de les revendre dans sa roulotte à ses prochaines victimes. Brrrr, ça lui faisait froid dans le dos tout ça. En parallèle, elle devait préparer une autre vidéo un peu plus axée sur le surnaturel sur une histoire de maison hantée qu’elle avait eu l’occasion de visiter lors d’un de ses derniers voyages. Ancien couvent où il y avait eu plusieurs apparitions, c’était devenu aujourd’hui un musée, et elle soupçonnait les employés d’être payés pour refaire vivre lesdites apparitions. Elle n’y avait pas vraiment cru, mais il y avait une histoire derrière tout ça qui méritait tout de même d’être racontée.

Elle fait une pause, le temps de se réancrer dans la réalité, et commande une nouvelle boisson. Un chocolat chaud avec une petite gourmandise sur le côté, elle ne peut pas résister après tout avec son estomac de gourmande. Et puis, elle doit avouer que ça lui permet d’échanger un peu avec les employés qui, à force de fréquenter le café aussi régulièrement, commencent à la connaître un peu. Elle prend de leurs nouvelles, s’intéressant réellement à ce qu’ils peuvent bien lui raconter. Elle les écoute avec un grand sourire, mais elle remarque une jeune femme un peu plus loin avec un air déconfit sur le visage. Oh, elle semble avoir des problèmes… Rien de trop grave elle espère. Son empathie prend le dessus, elle se promet d’aller la voir dès la fin de sa discussion avec le serveur, elle ne voudrait pas passer pour une impolie non plus. Visiblement, l’ordinateur de la brune semble ne plus répondre. Elle a envie de l’aider, mais elle ne peut pas tout laisser en plan non plus. Il y a cette vidéo encore à monter, et elle doit s’assurer qu’elle soit d’aussi bonne qualité que les autres. Sa chaîne sur le paranormal et le true crime est un réel succès auprès de ses abonnés, mais elles demandent aussi beaucoup de travail. A chaque fois, Alice doit s’assurer que tout soit parfait, des images aux sons, en passant par le montage.

Pourtant, l’incident de l’ordinateur la tracasse. La jeune femme a l’air vraiment embêtée. Elle termine rapidement ce sur quoi elle était, ne pouvant la laisser dans une situation aussi ennuyeuse, surtout quand elle pourrait profiter du café pour travailler tranquillement. Alice ferme son ordinateur et se lève de sa chaise.

« Excuse-moi, elle dit en s’approchant de la jeune femme. « J’ai entendu que tu avais des soucis avec ton ordinateur. Est-ce qu’il y a une façon dont je pourrais t’aider, d’une manière ou d’une autre ? »

@Alice Petrov

Le front toujours dans son livre de droit, Charlotte réfléchissait. Elle devait acheter un nouvel ordinateur, ça lui semblait évident. Ce n’était pas comme si elle pouvait s’en passer, bien qu’elle aurait préféré ne pas en arriver là. Ses bourses ainsi que son travail étudiant lui permettaient de vivre plutôt confortablement pour une étudiante, mais les grosses dépenses imprévues restaient compliquées. Une solution serait de parler à sa mère. Elle lui prêterait probablement l’argent sans hésiter, mais ça voudrait aussi dire que Charlotte aurait une dette envers elle et ça, c’était quelque chose qu’elle préférait éviter. Elle étudiait le droit depuis suffisamment longtemps que les dettes servaient souvent à faire chanter. Sa mère n’aurait jamais de mauvaises intentions, mais dans son désir d'assurer le mieux pour sa fille, qui sait ce qui lui passerait par la tête. Charlotte soupira. Au même moment la voix d’une jeune femme la tira de ses pensées.

« J’ai entendu que tu avais des soucis avec ton ordinateur. Est-ce qu’il y a une façon dont je pourrais t’aider, d’une manière ou d’une autre ? »

Charlotte releva la tête pour voir une jolie blonde à quelques pas de sa table. Son visage affichait une expression concernée. Depuis combien de temps avait-elle le visage dans son livre?

« À moins que vous soyez en mesure de le ressusciter, je ne crois pas que vous puissiez vraiment m’aider. C’est gentil de proposer. » Elle sourit, bien que le cœur n’y fût pas tout à fait. « Avec un peu de chance, il n’a que surchauffé et je pourrai récupérer ce qui s’y trouve avant d’en acheter un autre. Où achète-t-on un ordinateur en Australie? Je suis anglaise, je suis arrivée il n’y a pas très longtemps et je ne connais pas encore très bien les lieux. » Elle pourrait l’acheter en ligne, mais pour ce genre d’objet, elle préférait le faire en personne. Déjà, ça évitait les risques inhérents à la livraison que ce soit le livreur qui l’échappe au sol où le paquet qui se fasse dérober, mais ça lui permettait de voir l’objet et de le manipuler. En plus, elle pourrait discuter avec le vendeur de ses besoins. L’informatique n’étant pas son point fort, avoir quelqu’un qui s’y connaissait à la portée de main n’était pas négligeable.

@Charlotte McKinley

Alice hocha la tête en écoutant Charlotte. Elle pouvait comprendre la frustration de la jeune femme, surtout à l’ère d’aujourd’hui où on dépendait grandement de la technologie pour les études. Elle se rappelait les fois où elle avait été elle-même dans une situation similaire, cherchant désespérément à sauver des heures de travail perdues à cause d’un plantage.

« Je comprends. Les ordinateurs peuvent être vraiment capricieux parfois. Je peux jeter un œil, si tu veux. Je me débrouille pas trop mal avec ces machines. Sinon, pour l’achat, je peux te conseiller quelques bonnes adresses en ville. »

Alice posa son sac sur la table à côté de celui de Charlotte et s’installa. Elle ouvrit l’ordinateur de la jeune femme, examina rapidement l’écran noir et tenta quelques manœuvres de base pour le redémarrer. Pendant ce temps-là, elle sentit le regard de Charlotte sur elle, plein d’espoir mais aussi de curiosité.

« Tu es étudiante en quoi ? », Alice demande pour briser la glace. « Moi, je suis animatrice radio et youtubeuse. Je fais des vidéos sur le paranormal et le true crime. », elle continue en souriant. Elle adorait parler de son travail, même si cela suscitait des réactions mitigées. Alice haussa les épaules en riant légèrement. « C’est à la fois fascinant et parfois un peu effrayant, mais c’est surtout très prenant. J’adore ça. »

Après quelques minutes de tentative, l’écran de l’ordinateur resta sombre, éteint. Visiblement plus coriace que prévu. Alice réfléchit un instant, cherchant dans sa mémoire les endroits où elle pourrait conseiller Charlotte pour son achat. Elle se sentait intriguée par cette jeune femme, nouvelle en ville, et cela éveillait sa curiosité naturelle.

« Rah, c’est toujours une galère quand la technologie nous lâche. Pour les ordinateurs, je pourrais te recommander TechWorld ou même JB Hi-Fi. Les vendeurs là-bas sont assez compétents et pourront t’aider à trouver l’ordinateur idéal pour toi. »

Elle fit une pause, observant le visage de Charlotte, cherchant à deviner si elle avait bien fait de proposer son aide. Parfois, elle avait du mal à jauger si son enthousiasme débordant était bien reçu par les autres.

« Je peux t’accompagner si tu veux. Ça te permettrait de te familiariser un peu plus avec la ville. Et puis, j’adore découvrir de nouveaux gadgets, même si je suis une vraie maladroite avec eux. T’en penses quoi ? »

Elle comprendrait l’hésitation de Charlotte. Accepter l’aide d’une inconnue pouvait semblait étrange, surtout dans une nouvelle ville. Mais un visage amical et souriant comme celui d’Alice pourrait aussi rendre la transition plus douce pour elle. En plus, ça lui permettrait de gagner du temps, et d’explorer la ville avec une personne qui la connaît assez bien.

« Je te propose de finir nos boissons et puis on y va. Promis, je ne suis pas du genre à m’incruster trop longtemps. »

@Alice Petrov

Pour être dépendante de la technologie, Charlotte l’était certainement et en cela, elle n’était pas différente du reste de la population. Il suffisait de voir comme les gens réagissaient à une panne d’électricité ou d’internet, les laissant complètement démunis.

« Au point où j’en suis, je n’ai pas grand-chose à perdre. » Charlotte poussa l’ordinateur en direction de la jeune femme, lui laissant le champ libre d’intervenir. Pendant ce temps, elle s’installa à ses côtés, surveillant les opérations. Elle espérait vraiment qu’elle pourrait au moins le rallumer et ainsi lui faire gagner un peu de temps. Elle détesterait avoir perdu son temps bien qu’elle doive se rendre à l’évidence que c’était probablement le cas.

« Je suis à la maitrise en relations internationales et résolution de conflit. J’ai préalablement fait des études en droit à Londres d’où je suis originaire. » Alice devait l’avoir déjà compris à l’accent de Charlotte. Sa curiosité fut piquée lorsqu’elle parla de ce qu’elle faisait dans la vie. « Oui, ça doit être très prenant toute la recherche qu’il faut pour présenter les événements le plus fidèlement possible. Est-ce qu’il y a de bonnes histoires de fantômes dans le coin? Ce n’est pas ça qui manque au Royaume-Uni. Certains diraient même qu’une maison qui se respecte doit avoir son histoire de fantôme. » Elle s’esclaffa. « Personnellement, je ne sais pas si j’y crois, mais ça fait de bons récits. »

Malheureusement, les efforts d’Alice restèrent vains. L’ordinateur refusa de s’allumer. Tout indiquait qu’il avait fait son temps et que Charlotte devait trouver une solution.

« Donc, je n’ai pas le choix… Merci d’avoir essayé. » Elle soupira, jetant un dernier regard à cet ordinateur qui l’accompagnait depuis si longtemps. Elle n’était pas nostalgique, pas pour du matériel informatique, mais bon, il était tout de même avec elle depuis son premier jour à l’école de droit. Charlotte espérait maintenant pouvoir récupérer les données qu’il contenait. « J’aimerais bien avoir quelqu’un pour m’accompagner. Deux têtes valent toujours mieux qu’une. » Elle ne craignait pas les vendeurs, mais avoir quelqu’un qui s’y connaissait un minimum avec elle ne pouvait pas faire de tort. En plus, elle bénéficierait d’un petit tour de ville.

« Ne t’inquiète pas, tu ne me déranges pas. J’étudie depuis un moment, j’ai définitivement besoin de me changer les idées. En revanche, faudra faire assez vite. J’ai quelque chose de prévu plus tard. On a quand même deux heures devant nous. » Ça devrait leur laisser le temps d’au moins explorer les options. De toute façon, Charlotte n’avait pas besoin d’un ordinateur ridiculement puissant.

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