Quand elle entre dans les lieux, Anna ne peut s’empêcher d’avoir un mouvement de recul. Infime dirons-nous, mais assez pour qu’elle se demande si c’était une bonne idée de venir dans cette soirée disco organisée par la ville. Elle a toujours ce réflexe premier que de se demander si elle a eu raison. De laisser son manque de confiance en elle la saisir et lui faire perdre pied. Peut-être que c’est tout simplement une idée pourrie et elle s’en veut presque d’avoir embarqué la terre entière pour se trouver ici avec Izan, son ami aux doigts d’or. C’est qu’en tant que maman, il a fallu faire des pieds et des mains pour qu’Oscar soit prêt à l’heure pour dormir chez son meilleur ami. Qu’il a fallu préparer ses affaires car à écouter son fils, un caleçon de rechange aurait suffi amplement. En grande stressée qu’elle peut devenir quand il s’agit de la chair de sa chair, Anna s’est assurée d’avoir tous les numéros d’urgence communiqués au cas où. Tout va bien se passer. C’est ce qu’elle se dit. Elle a même joué le jeu de s’habiller à la mode des années disco mais n’a pas osé prendre de perruque. Il y a des choses sur lesquelles, Anna reste toujours dans la mesure, trop sage pour céder à la folie et pourtant, elle se dit que cette soirée lui fera du bien. Samuel est en pleine tournée d’une oeuvre qu’il a co réalisé à Brisbane. Et de ce fait, elle oeuvre seule sans la présence de son compagnon. Le lit vide lui paraît si froid. Et quand, elle a eu vent de la soirée disco pile au moment où Oscar réclame cette soirée pyjama. La pianiste s’est dit qu’il y avait forcément un signe du destin. Pour qu’elle puisse se trouver dans cette soirée. Pour qu’elle puisse partager ce moment avec Izan avec qui elle s’entend si bien depuis des années maintenant. Il faut dire que la passion du piano les lie. Et même si les débuts ont été houleux, qu’elle a clairement détesté sa tête d’ange prétentieux, aujourd’hui, l’eau a bien coulé. « Je crois que je regrette d’être venue… » S’exclame Anna d’une voix forte au vu de la musique qui se fait entendre. Elle connait déjà la réaction de son ami qui passera, certainement, par des émotions qu’elle lui connait bien. Mais avec Izan, il n’a jamais été question de se mentir. Elle lui glisse même un sourire d’excuse au travers de ses lunettes aux verres oranges. « Oui, je sais. Tu peux me tuer de te dire ça quand on vient à peine d’arriver ! » Mais il est vrai qu’elle sort peu souvent. Son poste à la compagnie de théâtre ne lui offre pas de possibilités de participer aux mondanités. Et si soirée il y a, Anna a souvent préféré les moments avec Samuel à écouter de la musique classique ou aller voir un ballet. Ou même de se faire un cinéma avec son fils. Alors forcément, sortir pour s’amuser et … danser. « Tu te rends compte que la dernière fois où j’ai dû danser… C’était peut-être il y a dix ans en arrière ? » Ou plus, et cela dit, Anna préfère ne pas compter. Puis se rappeler les souvenirs d’avant, ça demeure toujours douloureux. Il y a encore ces creux dans son coeur qui la malmène encore. Qui attise son manque de confiance qui ressort pile à cet instant où il lui faudrait lâcher prise et profiter de l’instant présent. Mais c’est difficile même si la musique donne tellement envie de se trémousser sur cet air de boogie woogie. De toute façon, elle connaît Izan et se doute qu’il ne se contentera pas de ces aveux et qu’il fera en sorte de la pousser à prendre du temps pour elle. En attendant, Anna regrette de l’avoir lancé sur cette invitation, se disant qu’une soirée avec un bon thé et un peu de musique classique en fond sonore aurait été le mieux pour l’ermite qu’elle est.

@Izan Da Silva